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L'INFLUENCE DE L'EXPÉRIENCE SUR L'IMAGE DE LA MARQUE DE

SERVICE

Christèle Camelis

ANDESE | « Vie & sciences de l'entreprise »

2009/2 N° 182 | pages 57 à 74


ISSN 2262-5321
Article disponible en ligne à l'adresse :
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L’INFLUENCE DE L’EXPÉRIENCE SUR L’IMAGE DE LA
MARQUE DE SERVICE
Par Christèle CAMELIS
Maître de conférences en Sciences de Gestion,
IAE de La Réunion / CEMOI

C
ette recherche doctorale se propose de montrer que la participation du
client à la réalisation du service fait de l’expérience qui lui est associée le
pivot de la formation de l’image de la marque de service. L’hypothèse
centrale postule qu’au-delà de la communication et du nombre d’expériences
vécues, la manière dont sont vécues les expériences influence la force et la nature
de l’image de la marque.

La démarche méthodologique s’appuie sur deux études empiriques principales :


une étude qualitative exploratoire menée auprès de 8 consommateurs de la
marque IKEA selon la méthode des protocoles verbaux et une étude quantitative
confirmatoire menée auprès de 2716 individus connaissant la marque IKEA.
La recherche a comme principaux apports la conceptualisation de l’expérience de
service du point de vue du consommateur et la mise en évidence de sa nécessaire
intégration aux stratégies de gestion de la marque de service.

INTRODUCTION
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Les logos représentés ci-dessus illustrent l’identité visuelle de marques connues © ANDESE | Téléchargé le 03/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.105.184.152)
du grand public. Ces marques ont toutes en commun d’avoir su structurer des
marchés aussi divers que ceux de la restauration, de l’hôtellerie, de l’esthétique, de
la parfumerie, du prêt-à-porter, de l’équipement sportif, du divertissement, de la
boulangerie, de la distribution de produits alimentaires, de l’ameublement, des
produits culturels, du bricolage, du jardinage, du travail temporaire, du transport
aérien ou encore de la réparation automobile. Elles appartiennent toutes à des
entreprises de services et sont aujourd’hui incontournables, alors que les services
qu’elles signent étaient hier laissés aux mains d’acteurs indépendants et locaux.

Depuis le début des années 80, les consommateurs sont témoins de la naissance
et de l’essor de nombreuses marques dites de service dont les réseaux de
distribution ont envahi les territoires nationaux et internationaux. Ces marques ont

57
vu le jour en réponse à un besoin accru des consommateurs qui, face à la
complexité des univers concurrentiels et aux fluctuations incessantes de la qualité
des services consommés, étaient en demande de structures fortes pouvant
simplifier leurs décisions et les rassurer sur leurs choix.

Les principaux acteurs du secteur tertiaire ont alors répondu à cette demande en
développant des marques fortes, structurées généralement autour de nombreux
points de vente implantés sur de vastes territoires. Mais alors que certaines
marques s’ancraient de manière stable et durable dans l’esprit des
consommateurs, influençant ainsi les modes de consommation, d’autres marques
comme Batifol (brasserie), Continent (grande distribution), Aquarius (club
vacances) ou encore La Hutte (équipement sportif) échouaient dans leur tentative
et disparaissaient du devant de la scène. Certaines marques ont su devenir fortes
et d’autres pas.

Dans ce contexte, quelles sont les spécificités des marques de service ? Sur quoi
repose leur force ? Et comment une marque de service peut-elle devenir et rester
forte ?

1. LES SPÉCIFICITÉS DE LA MARQUE DANS LES SERVICES


Alors que les théories sur la marque ont vu le jour dans les années 80 dans le
secteur des biens tangibles, les années 90 ont vu émerger un ensemble de
travaux visant à étudier les possibles adaptations des théories développées au
secteur des services.

Conceptuellement la marque de produit comme de service reste (1) un ensemble


de perceptions rationnelles et émotionnelles inscrites dans l’esprit du
consommateur qui, (2) remplit un ensemble de fonctions essentielles à la
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consommation et (3) lui confère de la valeur pour le consommateur comme pour
l’entreprise (De Chernatony et Dall'Olmo Riley, 1999; Berry, 2000). Les marques
de service bénéficient donc, au même titre que les marques de produit, d’une
valeur ajoutée que la marque apporte au service qu’elle signe. Les marques de
service bénéficient donc, au même titre que les marques de produit, d’un capital de
marque assis sur une image de marque et une notoriété. Les concepts de capital,
d’image et d’associations de la marque gardent donc tout leur sens et leur intérêt,
que la marque signe un produit tangible ou un service.

L’ensemble des auteurs s’accorde donc pour dire qu’au niveau conceptuel, en
termes de définitions et de mesures, les principes relatifs au « marquage » d’un
service et d’un produit sont similaires. Le concept de marque est donc aussi
pertinent pour les services que ce qu’il peut l’être pour les produits. Néanmoins,
ces mêmes auteurs soulignent le fait que le service signé par la marque ne peut
être confondu à un bien tangible et que l’émergence de nouvelles problématiques
est à prévoir (De Chernatony et Dall'Olmo Riley, 1999; Eiglier, 2004).

Un service est communément défini dans la littérature comme une activité, un


effort, une prestation dont la principale caractéristique est l’intangibilité, et qui, de
ce fait, ne donne lieu, en général, à aucun transfert de propriété. La nature

58
intrinsèque du service lui confère ainsi de nombreuses particularités, largement
débattues dans la littérature, susceptibles d’avoir un impact sur la marque qui le
signe, et qui peuvent être synthétisées selon trois axes de réflexion.

1.1. UN BESOIN DE MARQUE FORTE EXACERBE

L’intangibilité des services marqués en concurrence place le consommateur dans


l’incapacité de distinguer et de comparer les caractéristiques et attributs des
services proposés et de juger de leur qualité souvent même après achat. L’univers
concurrentiel est donc complexe et déroutant tant dans sa structure que dans son
offre, le rendant très difficile à appréhender (Berry, 1980; Murphy, 1990). Le
consommateur doit donc faire face à une réalité complexe difficilement
compréhensible, très incertaine et par conséquent « coûteuse » en informations.
Ceci a pour conséquence d’accroître considérablement le risque perçu du
consommateur qui cherche alors des repères forts et stables simplifiant ses
processus de décision.

Dans ce contexte, le besoin de marques fortes structurant l’univers concurrentiel


du secteur des services se fait d’autant plus ressentir (Murphy, 1990). Les
fonctions de reconnaissance et de différenciation de la marque de service
paraissent encore plus fondamentales que pour les biens tangibles (Dano et
Eiglier, 2002). Que le risque perçu soit monétaire, social ou physique , la marque
de service se doit de permettre au consommateur de « mieux visualiser l’invisible »
(Berry, 2000), de rassurer le consommateur sur le niveau de qualité attendu ainsi
que sur le niveau d’efficacité avec lequel le service est délivré .

La marque devient alors une opportunité pour l’entreprise de structurer son offre de
manière claire au milieu d’un environnement complexe. L’objectif principal de la
marque est alors de simplifier la réalité du consommateur (Murphy, 1990) pour
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faciliter ses décisions.

Du besoin exacerbé des consommateurs envers les marques de service fortes


émergent des problématiques nouvelles. Car, du point de vue de l’entreprise,
construire une marque forte repose avant tout sur le développement d’une image
forte de la marque. Or, le caractère intangible à la fois de la marque et du service
qu’elle signe rend la création d’une image forte plus difficile que pour les biens
tangibles (Onkvisit et Shaw, 1989).

1.2. UNE MISE EN IMAGE DIFFICILE

Marque et service étant intangibles, la marque se retrouve seule sans pouvoir


s’appuyer sur l’apparence visuelle de l’objet qu’elle désigne (Dano et Eiglier,
2002). Elle doit donc faire face à la difficulté de donner de la forme, de la
substance et de la personnalité à une chose intangible dont les caractéristiques
paraissent complexes pour le consommateur. La mise en images de la marque de
service étant « structurellement handicapée » (Kapferer, 1998), que peut donc
montrer la marque ? Étant communément admis que le consommateur juge de la
qualité du service sur la base de son prix et des éléments tangibles qui le

59
composent, il est nécessaire de bâtir l’image de la marque sur les mêmes
éléments tangibles : support physique, personnel en contact et autres clients. Or,
en communiquant sur des variables promotionnelles, les marques de service
créent encore plus d’abstraction aux yeux du consommateur et diluent la réalité du
service (Kapferer, 1998). C’est pourquoi, ces dernières années les recherches en
communication dans le secteur des services s’accordent à dire qu’il est nécessaire
pour l’entreprise de « matérialiser » et rendre concret le service et de fournir au
consommateur une représentation physique de celui-ci en mettant en avant les
éléments matériels nécessaires à sa réalisation ; éléments nécessairement
standardisés que le consommateur peut facilement associer à un unique
prestataire, une unique entreprise et donc à la marque (Onkvisit et Shaw, 1989; De
Chernatony et Dall'Olmo Riley, 1999).

Ainsi, la marque de service ne pourra devenir forte que si elle développe une
image lui permettant de rendre le service marqué plus compréhensible, de
matérialiser le service à travers les éléments physiques nécessaires à sa
réalisation, aussi bien sur les lieux de la prestation que sur les supports de
communication, de s’engager sur un niveau de qualité de la prestation à long
terme, à travers la standardisation des éléments tangibles mais aussi du facteur
humain, et enfin d’inspirer cohérence et confiance aux consommateurs .

1.3. UNE IMAGE BASEE SUR L’EXPERIENCE

Contrairement aux biens tangibles, le service n’a pas d’existence autonome hors
de son système de fabrication et de son bénéficiaire, le client (Dano et Eiglier,
2002). Le client est l’élément clé qui différencie la production d’un bien tangible de
celle d’un service : sa présence est indispensable et définit le service. Il est une
partie intégrante du processus de servuction, à la fois producteur et consommateur
du service, à la fois juge et partie. Son rôle est aussi critique car il est co-
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responsable de la qualité de la prestation dont il est le commanditaire. Afin de
fabriquer le service, le client a une tâche précise à accomplir et doit interagir avec
les autres éléments nécessaires à la servuction, qu’ils soient tangibles (support
physique) ou humains (personnel en contact).

La co-production nécessaire du client à la réalisation du service est évoquée par


les théoriciens comme les praticiens sous le concept assez vaste d’expérience de
service13 qui désigne l’expérience que le client vit au contact direct du service
marqué et des éléments qui le structurent.

L’expérience de service représente la « tranche de vie » que le client vit au contact


direct du service marqué et des éléments qui le structurent. C’est une expérience
dédiée à la réalisation et à la consommation du service marqué. Du point de vue
du consommateur, l’expérience de service représente la réalité du service
(Shostack, 1977). L’expérience du service est en termes de perceptions, un
évènement majeur pour le consommateur (Mattila, 2000) qui lui attribue de
nombreuses fonctions :

13
L’expérience de service est une expérience directe englobant généralement l’acte d’achat et la
consommation du service.

60
- L’expérience est l’unique moyen pour le client d’obtenir le service marqué.
Service, expérience et nom de marque sont indissociables à ses yeux.
- L’expérience est le moyen par lequel le service devient réel. Elle
matérialise le service sur sa dimension physique comme mentale. Ainsi,
elle participe à rendre le service marqué plus compréhensible.
- L’expérience permet au consommateur de juger de la qualité de la
prestation. Elle infirme ou confirme les attentes créées par la
communication de la marque.
- L’expérience personnifie la marque et son service au contact des
employés.
L’expérience est un moment de vérité pour le consommateur qui peut enfin juger
de la cohérence de la marque et développer de la confiance.

Par ailleurs, l’expérience de service est une expérience directe. En ce sens


l’expérience de service fournit des conditions de mémorisation favorables. Elle est
source d’informations (internes) plus stables dans le temps et détenues avec plus
de certitude que celles issues de la communication (externes) (Fazio et Zanna,
1981; Smith et Swinyard, 1983) ; informations internes, dont la véracité et la
crédibilité ne sont jamais remises en cause par le consommateur, et sont toujours
préférées aux informations externes lors des prises de décision (Fazio et Zanna,
1981; Murray, 1991).

Ainsi, Berry (2000) propose que l’expérience de service représente la source


principale d’informations à la base de la formation de l’image de la marque, et doit,
à ce titre, être considérée comme le principal outil dont disposent les entreprises
de service pour gérer le capital de leur marque.
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Du point de vue de l’entreprise les implications sont nombreuses. Au-delà du
simple service, l’entreprise offre avant tout à ses consommateurs une expérience,
expérience que le consommateur place au centre de ses perceptions envers la
marque. La gestion de l’expérience devient alors un élément stratégique dans la
gestion de la marque, d’autant plus stratégique que l’expérience est sous le
contrôle direct de l’entreprise :

- L’expérience se déroule généralement dans un lieu signalé par la marque


enseigne. L’environnement de l’expérience est alors sous le contrôle de
l’entreprise qui peut en standardiser les éléments tangibles - et dans une
moindre mesure les éléments humains - et ainsi créer des repères stables
dans le temps et dans l’espace.
- L’expérience se structure autour du processus de fabrication du service : la
servuction. Processus également sous le contrôle de l’entreprise qui
cherche aussi à en standardiser la démarche.

Dans ce contexte, et au regard des principales conclusions issues des théories


classiques, l’expérience de service semble être une source privilégiée

61
d’informations, principale origine des associations constitutives de l’image. Il
devient alors essentiel de comprendre en quoi, et comment l’expérience participe à
la formation de l’image de la marque. Si l’entreprise comprend l’expérience que vit
son consommateur, il lui est alors possible de mieux la gérer et de rendre les
conditions d’expérience propices à la formation d’une image forte source de
capital. Mais comment approcher l’expérience, et en cerner les rouages ?
Autrement dit,

(1) Que représente une expérience de service du point de vue de celui


qui la vit ?
(2) Quelle est son influence sur la nature et la force de l’image de la
marque de service ?

2. LE CONCEPT D’EXPÉRIENCE DE SERVICE


ET SON CONTENU

Du point de vue du client nous définissons l’expérience de service comme la


perception de l’ensemble des actions et interactions vécues au contact des
éléments du service (personnel en contact, support physique et autres clients)
(Eiglier et Langeard, 1987) pendant la période de temps passé dans l’entreprise.

L’expérience a très tôt été étudiée dans la littérature en service, car, du point de
vue de l’entreprise, le transfert des tâches du personnel vers le client durant la
réalisation du service représente un moyen d’améliorer sa rentabilité.

Concernant le contenu de l’expérience du point de vue du client, cette littérature


permet de dégager une structure théorique à travers les notions de participation du
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client et de rencontre de service (Shostack, 1985). Cette structure est confirmée à
la fois par des travaux en psychologie (Blahnik, 1997) et, plus récemment en
marketing expérientiel (Schmitt, 1999) qui traite indirectement de l’expérience de
service à travers une approche plus globale de la consommation. Néanmoins,
malgré leur caractère fondamental, les apports respectifs de ces diverses
littératures restent imprécis et ne permettent pas d’identifier le contenu perceptuel
d’une expérience de service. Ces limites théoriques sont à l’origine de la première
étude qualitative exploratoire de notre recherche menée auprès de
consommateurs de la marque IKEA, et dont l’objectif est d’approfondir la structure
théorique et le contenu de l’expérience de service. Selon la méthode des
protocoles verbaux en situation complétés d’observations, nous avons demandé à
8 consommateurs d’IKEA (6 femmes et 2 hommes d’âge moyen 33 ans) de
verbaliser à haute voix l’ensemble de leurs sentiments, pensées et émotions
durant le temps de leur visite en magasin (temps moyen 78 minutes, panier d’achat
moyen 91€, attitude envers la marque et fréquence de visite variables). Les
protocoles enregistrés ont été intégralement retranscrits puis traités par une
analyse de contenu thématique catégorielle.

62
Les résultats obtenus montrent que toute expérience de service se traduit pour le
consommateur par le vécu d’une succession permanente d’activités expérientielles
interdépendantes, de natures différentes et reflétant les interactions que le
consommateur développe avec l’environnement physique et humain du service
nécessaires à la réalisation du service. En d’autres termes, l’expérience de service
représente pour le client une tranche de vie dédiée à la consommation durant
laquelle il agit et interagit (activités expérientielles) dans un univers contrôlé par
l’entreprise. Cette période de temps se matérialise pour le client à travers cinq
types d’activités :

- Les activités sensorielles représentent l’ensemble des activités


ressenties en réaction à des stimuli environnementaux matériels ou
humains, perçues par les cinq systèmes sensoriels humains : la vue,
l’ouïe, l’odorat, le toucher et le goût. Elles sont complétées par un
ensemble de sensations internes comme la fatigue et la faim, et de
sensations liées à la présence humaine (la sensation d’étouffer par
exemple).
- Les activités émotionnelles représentent l’ensemble des émotions
ressenties durant le temps de l’expérience. Ces émotions peuvent être
positives et agréables comme l’enthousiasme, le contentement, la surprise,
la joie et la tranquillité. Elles peuvent également être négatives et
désagréables comme le dégoût, le mécontentement, l’impatience ou la
colère.
- Les activités comportementales représentent l’ensemble des actions
physiques que le consommateur réalise durant le temps de l’expérience.
Souvent imposées par l’entreprise qui transfère ainsi une partie de l’activité
des employés sur le client, elles sont essentiellement dédiées au
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déplacement physique du consommateur (activités véhiculaires : marcher,
monter) ou des objets (porter, pousser, toucher, tester).
- Les activités cognitives représentent l’ensemble des raisonnements,
pensées et réflexions développées par l’individu durant le temps de
l’expérience. Elles sont essentiellement dédiées à l’optimisation de
l’expérience, c'est-à-dire à la compréhension de l’offre et de
l’environnement, au choix et à la prise de décision (évaluation des besoins,
comparaison des alternatives, projections et calculs), et à la gestion de la
participation (orientation, gestion du parcours, optimisation des efforts,
gestion du temps).
- Les activités sociales représentent l’ensemble des activités d’ordre
cognitif, émotionnel et comportemental développées envers
l’environnement humain de l’expérience. Elles sont orientées vers les
autres clients présents comme vers les employés. Elles se matérialisent
par des interactions verbales comme non verbales et par des
comportements tels que l’observation, l’écoute de conversations, la
comparaison, l’imitation et autres adaptations comportementales.

63
3. L’INFLUENCE DE L’EXPÉRIENCE DE SERVICE

Le contenu de l’expérience de service déterminé, il reste à étudier son influence


sur l’image de la marque. L’idée principale est que l’image de la marque de service
puise sa force - c'est-à-dire sa capacité à créer un réel capital pour la marque et à
transférer de la performance supplémentaire au service qu’elle signe - dans
l’expérience vécue au contact direct du service. Autrement dit, plus les
consommateurs vivent le service, plus l’image qu’ils ont de la marque se renforce,
et plus ils affectent du sens à la marque, plus la marque transfère de la
performance supplémentaire au service. La capacité de l’image à créer du capital
pour la marque dépend donc, outre l’exposition à la communication, du niveau
d’expérience vécue.

Traditionnellement, le niveau d’expérience est approché sur la base du nombre de


contacts que le consommateur a eus avec la marque (nombre d’expériences).
Mais expliquer la force de l’image de la marque par la seule conjonction de
l’exposition à la communication et du nombre d’expériences vécues nous semble
restrictif. C’est pourquoi nous pensons que, au-delà du nombre, le contenu des
expériences, c'est-à-dire la manière dont sont vécues les expériences directes,
influence, aux côtés de la communication, l’image de la marque. Au-delà du
« combien » d’expériences, le « comment » sont vécues les expériences doit avoir
une influence sur la capacité de l’image à créer du capital. Ainsi, nous introduisons
le concept d’intensité expérientielle qui approche l’expérience de manière
subjective par la mesure de la perception qu’a le consommateur de l’intensité avec
laquelle il a vécu ses diverses expériences directes avec la marque.

Nous proposons donc que l’image de la marque soit directement influencée à la


fois par la communication (Sundaram et Webster, 1999; Vakratsas et Ambler,
1999), qu’elle soit contrôlée ou non par l’entreprise, et par l’expérience de service
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vécue (Keller, 1993; Berry, 2000) considérée à travers deux approches
complémentaires :

- De manière objective et quantitative par le nombre d’expériences directes


que le client a eu avec la marque,
- De manière subjective et qualitative, par l’intensité avec laquelle le
consommateur a vécu ces diverses expériences directes.

Par ailleurs nous pensons qu’avec le temps et le nombre d’expériences vécues, se


crée un savoir étendu chez le consommateur qui atteint un certain niveau de
saturation d’informations relatives à la marque. Ainsi, l’image de la marque,
subissant de moins en moins de modifications, ne peut continuer de s’enrichir de
manière continue. Nous pensons donc qu’avec le temps et le nombre
d’expériences, les effets supposés de l’intensité expérientielle et de la
communication sur l’image diminuent.

64
Ces conclusions structurent le modèle de la recherche (Figure 1) que nous avons
testé de manière empirique et quantitative auprès de 2716 individus14 connaissant
ne serait-ce que de nom la marque IKEA : 387 n’étant jamais allés dans un
magasin de la marque IKEA, 445 y étant allés une fois et 1884 y étant allés
plusieurs fois.

Figure 1 :
Le modèle de l’image expérientielle de la marque de service (IMEX)

EXPERIENCE Légende
Relation validée
Nombre Relation non validée
d’expériences

- -
Intensité +
Expérientielle

+
Image de la
marque
+

Exposition à la
communication

Le modèle a été testé par trois familles de méthodes statistiques :


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- Des analyses de variance pour tester l’influence positive du nombre
15
d’expériences ,
- Des équations structurelles pour tester l’influence positive et relative de
16
l’intensité expérientielle et de la communication ,

14
Les données quantitatives utilisées dans le test du modèle de la recherche ont été recueillies par un
prestataire spécialisé dans les études de marché en ligne en septembre 2007. L’échantillon se
compose à 80 % de femmes et 20% d’hommes. Les femmes sont donc surreprésentées au sein de
l’échantillon mais cette caractéristique correspond à la fois à une tendance générale de visites des
magasins IKEA, et au mode de collecte de données effectuée auprès d’un panel d’internautes qui
touche plus facilement les femmes que les hommes. L’âge des répondants varie de 18 à 75 ans, l’âge
moyen est de 34 ans. Les catégories socioprofessionnelles sont bien représentées et la répartition
géographique des répondants interrogés assure une bonne représentativité de la population française.
15
Les analyses de variance ont été menées pour chaque variable à expliquer (force moyenne des
associations, nombre moyen d’associations fortes et nature des associations).Dans un premier temps
nous avons mené des analyses de variance simples sur l’ensemble de la population (n=2716 rép.).
Puis, dans un deuxième temps, afin de contrôler les effets de la communication nous avons répété la
même série d’analyses sur deux sous-échantillons en fonction du niveau d’exposition à la
communication (faible= 1777 rép. / fort= 939 rép.). Enfin, dans un troisième temps, pour chaque
variable à expliquer, nous avons confirmé les résultats obtenus par une analyse de variance factorielle.

65
- Des analyses multi-groupes pour tester les effets modérateurs négatifs du
17
nombre d’expériences .

Les analyses effectuées permettent de dégager quatre résultats majeurs :

(1) Le nombre d’expériences vécues a une influence positive sur la force de


l’image, c'est-à-dire que chaque visite en magasin renforce les
associations constitutives de l’image de la marque et en augmente le
nombre.
(2) Indépendamment du nombre d’expériences, l’intensité avec laquelle sont
vécues les diverses expériences de service a une influence positive sur la
force de l’image de la marque, ainsi que sur sa nature via la création
d’associations fonctionnelles liées au service (par rapport aux associations
fonctionnelles liées au produit ou aux associations abstraites ou
symboliques). En d’autres termes, plus les consommateurs vivent
intensément chaque visite (à travers les cinq types d’activités
expérientielles), plus l’image de la marque se renforce et s’enrichit
essentiellement d’associations liées au service et à ses caractéristiques
(processus, personnel, ambiance etc.), et cette influence persiste dans le
temps.
(3) La première expérience est centrale dans le processus de formation de
l’image car elle est à l’origine des 2/3 de la force des associations créées
avec l’expérience et près du 1/4 du nombre d’associations fortes
constitutives de l’image.
(4) L’exposition à la communication garde une influence majeure sur la force
de l’image de la marque mais cette influence décroît avec le nombre
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d’expériences, ce qui veut dire, qu’avec le temps et le nombre
d’expériences de service vécues, la manière dont sont vécues les
expériences continue de participer activement à la formation de l’image de
la marque alors que les effets de la communication diminuent.

16
La méthode des équations structurelles a été menée sous AMOS sur un échantillon de 1884
répondants ayant vécu au moins deux expériences en magasin. Les variables explicatives sont
l’intensité expérientielle, dont l’instrument de mesure a été créé et défini comme un concept latent
d’ordre deux, composé de six dimensions mesurées par 28 items, et l’exposition à la communication,
définie également comme un concept latent d’ordre deux, à deux dimensions mesurées par 8 items.
Enfin, les variables à expliquer définissent l’image de la marque à travers ses trois facettes
(fonctionnelle service, fonctionnelle produit, abstraite et symbolique) et sont mesurées par deux items :
la force moyenne des associations et le nombre d’associations fortes. Les résultats obtenus sont
satisfaisants : RMSEA=0.62 ; GFI=0.844 ; AGFI=0.826 ; NFI=0.839 ; TLI=0.845 ; CFI=0.855.
17
Afin de tester les effets modérateurs du nombre d’expériences sur les relations entre l’intensité
expérientielle et l’exposition à la communication sur la force de l’image, nous avons testé l’invariance du
modèle général de la recherche sur deux groupes d’individus : les individus ayant vécu moins de 10
expériences (n=849 rép.) et les individus ayant vécu plus de 10 expériences de service (n=1035 rep.).

66
4. LES IMPLICATIONS MANAGÉRIALES
L’objectif de toute marque est de devenir et surtout de rester une marque forte
dans l’esprit des consommateurs. Elle peut alors servir de référence pour le
consommateur, réduire le risque perçu inhérent à toute consommation, simplifier
ses processus de décision et le rassurer sur ses choix. La volonté de l’entreprise
de développer une marque forte est avant tout liée à celle d’occuper une place
dans l’esprit du consommateur afin d’orienter ses décisions lors de ses processus
de choix, et ce de manière favorable pour la marque.

Qu’elle soit de produit ou de service, la création d’une marque forte passe


nécessairement par le développement d’une image source de capital, c'est-à-dire
une image composée de nombreuses associations fortes positives et cohérentes
et, dans la mesure du possible, propres à la marque. Or, dans le cadre particulier
des services, nous venons de montrer que la formation de l’image de la marque
repose fortement sur l’expérience que le consommateur vit au contact direct du
service pendant le temps de sa relation avec la marque : l’expérience de service.
Tout changement d’expérience semble se traduire par un changement d’image, et
inversement, toute modification d’image souhaitée semble devoir passer avant tout
par une modification d’expérience.

Ainsi, créer et gérer une marque de service forte passe nécessairement par la
gestion de l’expérience. La question se pose alors de savoir ce que signifie gérer
l’expérience pour mieux gérer la marque. Cela semble avant tout vouloir dire
proposer une expérience qui soit en adéquation avec les valeurs fonctionnelles et
symboliques de la marque définissant son identité. Si chaque expérience
immédiate atteint cet objectif, alors l’expérience cumulée tout au long de la relation
consommateur/marque assurera à l’image de la stabilité et de la force dans l’esprit
du consommateur. Il semble donc nécessaire d’assurer la cohérence et la
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constance des expériences immédiates au cours du temps pour gérer l’expérience
cumulée. Ainsi, la gestion de la marque et de son image par la gestion de
l’expérience s’inscrit à la fois dans l’instant et dans la durée. C’est un processus
complexe qui nécessite de la part de l’entreprise une volonté de faire de
l’expérience le pivot central de sa planification.

La seconde source d’informations sur laquelle repose la formation de l’image de la


marque est la communication. Elle est source de croyances et d’attentes que
l’expérience vient confirmer dans le meilleur des cas (lorsque celle-ci assure les
performances promises). Ainsi gérer la marque par l’expérience semble vouloir dire
également qu’il est nécessaire d’assurer la crédibilité de la marque en
communiquant au plus près de l’expérience sans promettre au-delà des capacités
de l’entreprise. La communication intervenant en général avant l’expérience, la
première occasion donnée au consommateur de vérifier la crédibilité de la marque
est la première expérience. Il est donc central d’y apporter une attention
particulière.

67
4.1. PENSER LA SERVUCTION EN FONCTION DES CINQ DIMENSIONS
DE L’EXPERIENCE

L’expérience de service doit être considérée à travers la diversité des activités


expérientielles qui la constituent, à la fois dans l’instant et à travers le temps.

Comprendre et orienter l’expérience immédiate

Gérer la marque de service et son image par la gestion de l’expérience repose en


premier lieu sur l’analyse de l’expérience de service de manière immédiate et du
point de vue du consommateur. Il semble nécessaire de définir l’expérience de
service à travers la diversité des activités qui la structurent. Il semble donc
nécessaire à l’entreprise d’ajouter à ses décisions stratégiques celles concernant
la définition de son « mix expérientiel » en fonction de l’image qu’elle souhaite
véhiculer.

Partant du constat qu’il est en général possible à l’entreprise de services d’assurer


la réalisation du résultat (service) par de nombreux moyens (servuction), il lui est
nécessaire de définir la servuction et l’expérience qui lui est associée (1) en
fonction des activités expérientielles qu’elle engendre (mix expérientiel), (2) en
fonction des attentes fonctionnelles et « expérientielles » des consommateurs
cibles, (3) en y intégrant les éléments propres à l’identité de la marque et (4) en
s’assurant d’évincer les éléments que la marque ne désire pas voir figurer au sein
de son image. En définissant l’expérience offerte en fonction des attentes du
segment qu’elle cible, l’entreprise assure à ses consommateurs une meilleure
qualité perçue, source de satisfaction, en même temps qu’elle contrôle son image.

Ainsi il appartient à l’entreprise de décider des éléments du service à associer pour


gérer son image à travers :
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- Les stimulations sensorielles véhiculées par l’environnement matériel et
humain telles que les odeurs, les couleurs, la luminosité, la température
ambiante ou encore l’ambiance sonore.
- Le niveau d’interactions sociales envers le personnel et les autres clients
présents sur le lieu de service que l’entreprise peut stimuler ou au
contraire minimiser.
- La participation physique que le consommateur doit mettre en œuvre
pour obtenir le service.
- Les raisonnements, pensées et autres réflexions que le consommateur
développe pendant le temps de son expérience.
- Les réponses émotionnelles positives comme négatives déclenchées par
le consommateur en réponse aux divers facteurs d’ambiance.

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Assurer l’homogénéité de l’expérience cumulée

Une des fonctions de la marque est de garantir un niveau de qualité constant dans
le temps, à la fois dans le résultat et dans les moyens mis en œuvre pour atteindre
ce résultat. Ainsi une marque de service ne pourra être considérée comme forte
que si elle assure à ses consommateurs de la constance dans l’expérience qu’elle
propose, c'est-à-dire si elle assure de la cohérence et de la constance entre
chaque expérience immédiate vécue.

La constance du service rendu et la cohérence des expériences vécues à travers


le temps ne peuvent être atteintes que par un effort de standardisation des
procédures définies par la servuction et des éléments nécessaires à leur
fonctionnement. « Standardiser » les expériences ne veut pas dire offrir une
expérience strictement identique à la précédente mais assurer au consommateur
des expériences d’un niveau d’intensité expérientielle constant, tant sur le plan
sensoriel qu’émotionnel, cognitif, comportemental et social. La cohérence des
expériences vécues dépend alors de la capacité des instances centrales à gérer
l’homogénéité du réseau de distribution à travers la diversité des équipes
opérationnelles sur le terrain.

4.2. ASSURER LA COHERENCE ENTRE EXPERIENCE ET COMMUNICATION

La formation de l’image est un processus qui s’étale dans le temps, basée sur
l’influence conjointe de deux sources d’informations : l’expérience et la
communication. En général, la communication intervient en amont de l’expérience
puis, passée la première expérience, elle l’accompagne tout au long de la relation
consommateur/marque. Or, les consommateurs attachent plus de crédibilité aux
informations issues de l’expérience et nient celles issues de la communication si
l’expérience les contredit. Construire une image de marque forte repose alors en
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partie sur les capacités de l’entreprise à assurer de la cohérence entre
communication et expérience. Qu’elle intervienne avant expérience et cible des
consommateurs potentiels, ou après expérience et entretienne l’image auprès des
consommateurs de la marque, la communication doit être pensée en fonction de
l’expérience.

La communication pré-expérience

Ayant conscience du fait que l’expérience sera toujours la source d’informations la


mieux considérée par le consommateur, et ce quoi que véhicule la communication,
il est dans l’intérêt de la communication de s’approcher au plus près de ce que va
découvrir le consommateur lorsqu’il vivra le service marqué.

Ainsi, avant expérience, il est dans l’intérêt de la communication de ne pas créer


d’attentes supérieures à ce que l’expérience est capable d’offrir. Ceci aurait pour
conséquence de brouiller l’image de la marque, de créer de la déception et de
l’insatisfaction pour le consommateur qui, au final, aurait du mal à accorder sa
confiance à la marque.

69
Par ailleurs les individus ayant déjà vécu le service fondent leur image sur la ou les
expériences qu’ils ont vécues. Il est donc dans l’intérêt de la communication de la
marque de préparer le consommateur potentiel à ce qu’il va vivre et donc de
préparer les fondements de son image que l’expérience n’aura plus qu’à renforcer.
Il est donc dans l’intérêt de la marque de communiquer avant consommation sur la
réalité de l’expérience, par des publicités narratives entre autres.

La communication post-expérience

Même si l’expérience vécue a forgé l’essentiel des connaissances du


consommateur sur la marque, la communication peut continuer d’influencer l’image
si le consommateur lui accorde de la crédibilité, c'est-à-dire s’il a déjà eu l’occasion
de vérifier que communication et expérience œuvrent dans le même sens.

Ainsi, la communication peut continuer de véhiculer les valeurs de la marque de


manière efficace tout au long de la relation consommateur/marque, et continuer de
participer à leur renforcement, en créant une synergie avec l’expérience vécue.
L’une renforçant les informations véhiculées par l’autre.

Enfin, et toujours dans l’objectif d’assurer de la cohérence, toute nouvelle


procédure ou tout changement d’un élément de la servuction ayant un impact sur
l’expérience vécue doit être communiqué, évitant ainsi toute surprise. Et
inversement, toute nouvelle information communiquée sur la marque doit pouvoir
être confirmée lors du vécu de l’expérience pour être comprise et acceptée.

4.3. REUSSIR LA PREMIERE EXPERIENCE

Les résultats de la recherche indiquent que la première expérience de service est


centrale dans la formation de l’image de la marque. Elle représente, pour le
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consommateur, la première occasion (1) de confirmer ou d’infirmer les croyances
qu’il a préalablement développées sur la base de la communication et (2)
d’acquérir de nouvelles informations, essentiellement fonctionnelles. Elle est donc
la première occasion pour le consommateur de percevoir la réalité du service et de
tester la cohérence de la marque, à la source de confiance.

Ainsi la première expérience doit confirmer les informations véhiculées par la


communication et répondre aux attentes créées, elle doit offrir au consommateur
ce qu’il croit que le service est, tant dans sa structure que dans son résultat. Le cas
échéant, l’image de la marque en est renforcée de manière stable et durable.

Il est donc dans l’intérêt de l’entreprise de porter une attention particulière aux
nouveaux clients et de veiller à la qualité de leur première expérience. Ceci sous-
entend de pouvoir les reconnaître et de les accompagner durant leur première
visite, et/ou de prévoir et d’aménager au sein de la servuction des « parcours »
parallèles visant à simplifier la première expérience et la rendre la plus accessible
possible.

Reconnaître les nouveaux clients est non seulement très délicat mais également
réservé à des services particuliers où le degré de présence du personnel par client

70
est élevé. Cette approche est donc essentiellement réservée à des services où
l’interaction avec le personnel est forte et peut être individualisée, les rendant en
général plus onéreux et donc s’adressant à des cibles aisées approchant le
domaine du luxe. Dans le cas des services de masse, où la présence du personnel
par client est moindre, le client doit gérer seul sa première expérience. La
communication peut alors jouer un rôle important en expliquant au consommateur
avant expérience les rouages du service, limitant ainsi ses efforts cognitifs liés à la
compréhension de la situation et du fonctionnement du service et augmentant sa
propre performance. La communication pré-consommation peut alors être relayée
sur le lieu de service par des informations destinées aux nouveaux clients leur
dédiant ainsi une servuction spécifique à laquelle ils ne prêteront plus attention une
fois les modalités de l’expérience acquises (signalétique, brochures, couleurs,
parcours).

5. LES LIMITES ET VOIES FUTURES DE LA RECHERCHE


La recherche souffre de limites conceptuelles et méthodologiques qu’il convient de
souligner.

La première série de limites est relative au problème de validité externe des


résultats obtenus. Les deux études empiriques que nous avons menées ne
concernent qu’une seule marque de service. Il semble donc nécessaire de
répliquer nos analyses sur d’autres marques pour tester la stabilité des résultats
obtenus. Ce point nous paraît d’autant plus important que le choix de la marque
IKEA peut être considéré comme « extrême » dans le sens où l’entreprise semble
bénéficier d’une excellente communication (contrôlée et non contrôlée) qui œuvre
dans le sens de l’expérience offerte (et inversement). Nous pensons que les
résultats obtenus seraient sensiblement différents dans le cas de marques
communiquant peu ou mal, c'est-à-dire communiquant loin de l’expérience offerte
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ou de manière exagérée. Par ailleurs, IKEA est une marque de service de
distribution. Certes, elle ne distribue que des objets signés à son nom, mais cette
caractéristique engendre une dimension tangible au service et est à l’origine
d’activités particulières. Il serait intéressant de confirmer nos résultats sur des
marques de service offrant des expériences sensiblement différentes qui ne
donnent lieu à aucun transfert de propriété (coiffure, divertissement).

La deuxième série de limites concerne plus particulièrement l’étude qualitative.


Avant tout il convient de souligner la petite taille de l’échantillon. Nous avons
considéré dans notre analyse huit consommateurs. Ce nombre fut dicté par la
lourdeur de la tâche induite par le traitement de données issues de longues visites
(78 minutes en moyenne) associées à des verbalisations continues. Bien que nous
ayons atteint le seuil de saturation de l’information, il serait néanmoins intéressant
de compléter les données obtenues avec l’enregistrement de répondants
supplémentaires pour vérifier la stabilité de nos résultats. Au-delà du faible nombre
de répondants, l’échantillon devrait également présenter une plus grande diversité.
En effet, même si nous avons introduit de la variance dans la fréquence de visite,
nous avons considéré uniquement des consommateurs ayant déjà vécu plusieurs
expériences dans des magasins de la marque. Il serait intéressant de compléter

71
notre étude auprès de consommateurs découvrant le service. Ceci nous
permettrait de mettre en évidence les activités expérientielles développées lors de
la première visite. Nous supposons qu’elles diffèreraient sensiblement de celles
mises en évidence auprès de consommateurs expérimentés. Par ailleurs, nous
n’avons pu intégrer de répondants se déplaçant dans un magasin de la marque
pour y faire des achats impliquant, comme par exemple, l’achat de mobilier de
cuisine. Nous pensons que certaines dimensions de l’expérience (cognitive) sont
exacerbées dans ce cas. Enfin, bien que nous ayons tenté de le faire, nous
n’avons pas pu récolter de données concernant des expériences de service
vécues au contact d’un accompagnant. Il est vrai que dans des conditions
normales de consommation d’un service, il est fréquent d’être accompagné d’un ou
de plusieurs proches. Là encore, nous supposons que de l’interaction avec le ou
les accompagnants découle un ensemble d’activités expérientielles particulières
que nous n’avons pu identifier.

Enfin, la dernière série de limites concerne le concept d’intensité expérientielle. Il


est nécessaire de souligner que certaines des dimensions du concept présentent
des validités convergentes faibles, n’assurant pas toujours la validité discriminante
de l’instrument de mesure développé. Il semble donc nécessaire d’améliorer les
mesures développées en répliquant nos analyses à d’autres contextes et d’autres
marques. Par ailleurs, nous pensons que la manière dont on vit l’expérience peut
influencer notre vision de la communication et en limiter ses effets dans le cas où
la communication ne serait pas en adéquation avec l’expérience vécue ; et
inversement, avoir un effet « multiplicateur » positif dans le cas où la réalité du
service et la communication œuvreraient dans le même sens. Cette dernière limite
conceptuelle demande pour pouvoir être testée de récolter des données
complémentaires.

ABSTRACT
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The purpose of this doctoral research is to show that the customer’s participation to
the service delivery process makes the related service experience the core of the
formation of service brand image. The central hypothesis suggests that, besides
communication and the number of lived experiences, the way of living these
experiences impacts the strength and the nature of brand image.
The methodology is based on two main studies: the first one is an exploratory
qualitative study. It has been conducted with 8 costumers of IKEA according to the
verbal protocol method. The second one is a confirmatory quantitative study. It is
based on a sample of 2716 individuals knowing the IKEA brand.
The main contributions of this research are the conceptualisation of service
experience from customer’s point of view and the illustration of the interest of its
integration into service brand strategies.

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MOTS CLÉS : MARQUE DE SERVICE, EXPERIENCE DE SERVICE, IMAGE DE MARQUE,
ASSOCIATIONS A LA MARQUE, INTENSITE EXPERIENTIELLE, ACTIVITES
EXPERIENTIELLES

KEYWORDS : SERVICE BRAND, SERVICE EXPERIENCE, BRAND IMAGE, BRAND


ASSOCIATIONS, EXPERIENTIAL INTENSITY, EXPERIENTIAL ACTIVITIES

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