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Christèle Camelis
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C
ette recherche doctorale se propose de montrer que la participation du
client à la réalisation du service fait de l’expérience qui lui est associée le
pivot de la formation de l’image de la marque de service. L’hypothèse
centrale postule qu’au-delà de la communication et du nombre d’expériences
vécues, la manière dont sont vécues les expériences influence la force et la nature
de l’image de la marque.
INTRODUCTION
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Les logos représentés ci-dessus illustrent l’identité visuelle de marques connues © ANDESE | Téléchargé le 03/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.105.184.152)
du grand public. Ces marques ont toutes en commun d’avoir su structurer des
marchés aussi divers que ceux de la restauration, de l’hôtellerie, de l’esthétique, de
la parfumerie, du prêt-à-porter, de l’équipement sportif, du divertissement, de la
boulangerie, de la distribution de produits alimentaires, de l’ameublement, des
produits culturels, du bricolage, du jardinage, du travail temporaire, du transport
aérien ou encore de la réparation automobile. Elles appartiennent toutes à des
entreprises de services et sont aujourd’hui incontournables, alors que les services
qu’elles signent étaient hier laissés aux mains d’acteurs indépendants et locaux.
Depuis le début des années 80, les consommateurs sont témoins de la naissance
et de l’essor de nombreuses marques dites de service dont les réseaux de
distribution ont envahi les territoires nationaux et internationaux. Ces marques ont
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vu le jour en réponse à un besoin accru des consommateurs qui, face à la
complexité des univers concurrentiels et aux fluctuations incessantes de la qualité
des services consommés, étaient en demande de structures fortes pouvant
simplifier leurs décisions et les rassurer sur leurs choix.
Les principaux acteurs du secteur tertiaire ont alors répondu à cette demande en
développant des marques fortes, structurées généralement autour de nombreux
points de vente implantés sur de vastes territoires. Mais alors que certaines
marques s’ancraient de manière stable et durable dans l’esprit des
consommateurs, influençant ainsi les modes de consommation, d’autres marques
comme Batifol (brasserie), Continent (grande distribution), Aquarius (club
vacances) ou encore La Hutte (équipement sportif) échouaient dans leur tentative
et disparaissaient du devant de la scène. Certaines marques ont su devenir fortes
et d’autres pas.
Dans ce contexte, quelles sont les spécificités des marques de service ? Sur quoi
repose leur force ? Et comment une marque de service peut-elle devenir et rester
forte ?
L’ensemble des auteurs s’accorde donc pour dire qu’au niveau conceptuel, en
termes de définitions et de mesures, les principes relatifs au « marquage » d’un
service et d’un produit sont similaires. Le concept de marque est donc aussi
pertinent pour les services que ce qu’il peut l’être pour les produits. Néanmoins,
ces mêmes auteurs soulignent le fait que le service signé par la marque ne peut
être confondu à un bien tangible et que l’émergence de nouvelles problématiques
est à prévoir (De Chernatony et Dall'Olmo Riley, 1999; Eiglier, 2004).
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intrinsèque du service lui confère ainsi de nombreuses particularités, largement
débattues dans la littérature, susceptibles d’avoir un impact sur la marque qui le
signe, et qui peuvent être synthétisées selon trois axes de réflexion.
La marque devient alors une opportunité pour l’entreprise de structurer son offre de
manière claire au milieu d’un environnement complexe. L’objectif principal de la
marque est alors de simplifier la réalité du consommateur (Murphy, 1990) pour
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composent, il est nécessaire de bâtir l’image de la marque sur les mêmes
éléments tangibles : support physique, personnel en contact et autres clients. Or,
en communiquant sur des variables promotionnelles, les marques de service
créent encore plus d’abstraction aux yeux du consommateur et diluent la réalité du
service (Kapferer, 1998). C’est pourquoi, ces dernières années les recherches en
communication dans le secteur des services s’accordent à dire qu’il est nécessaire
pour l’entreprise de « matérialiser » et rendre concret le service et de fournir au
consommateur une représentation physique de celui-ci en mettant en avant les
éléments matériels nécessaires à sa réalisation ; éléments nécessairement
standardisés que le consommateur peut facilement associer à un unique
prestataire, une unique entreprise et donc à la marque (Onkvisit et Shaw, 1989; De
Chernatony et Dall'Olmo Riley, 1999).
Ainsi, la marque de service ne pourra devenir forte que si elle développe une
image lui permettant de rendre le service marqué plus compréhensible, de
matérialiser le service à travers les éléments physiques nécessaires à sa
réalisation, aussi bien sur les lieux de la prestation que sur les supports de
communication, de s’engager sur un niveau de qualité de la prestation à long
terme, à travers la standardisation des éléments tangibles mais aussi du facteur
humain, et enfin d’inspirer cohérence et confiance aux consommateurs .
Contrairement aux biens tangibles, le service n’a pas d’existence autonome hors
de son système de fabrication et de son bénéficiaire, le client (Dano et Eiglier,
2002). Le client est l’élément clé qui différencie la production d’un bien tangible de
celle d’un service : sa présence est indispensable et définit le service. Il est une
partie intégrante du processus de servuction, à la fois producteur et consommateur
du service, à la fois juge et partie. Son rôle est aussi critique car il est co-
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L’expérience de service est une expérience directe englobant généralement l’acte d’achat et la
consommation du service.
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- L’expérience est l’unique moyen pour le client d’obtenir le service marqué.
Service, expérience et nom de marque sont indissociables à ses yeux.
- L’expérience est le moyen par lequel le service devient réel. Elle
matérialise le service sur sa dimension physique comme mentale. Ainsi,
elle participe à rendre le service marqué plus compréhensible.
- L’expérience permet au consommateur de juger de la qualité de la
prestation. Elle infirme ou confirme les attentes créées par la
communication de la marque.
- L’expérience personnifie la marque et son service au contact des
employés.
L’expérience est un moment de vérité pour le consommateur qui peut enfin juger
de la cohérence de la marque et développer de la confiance.
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d’informations, principale origine des associations constitutives de l’image. Il
devient alors essentiel de comprendre en quoi, et comment l’expérience participe à
la formation de l’image de la marque. Si l’entreprise comprend l’expérience que vit
son consommateur, il lui est alors possible de mieux la gérer et de rendre les
conditions d’expérience propices à la formation d’une image forte source de
capital. Mais comment approcher l’expérience, et en cerner les rouages ?
Autrement dit,
L’expérience a très tôt été étudiée dans la littérature en service, car, du point de
vue de l’entreprise, le transfert des tâches du personnel vers le client durant la
réalisation du service représente un moyen d’améliorer sa rentabilité.
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Les résultats obtenus montrent que toute expérience de service se traduit pour le
consommateur par le vécu d’une succession permanente d’activités expérientielles
interdépendantes, de natures différentes et reflétant les interactions que le
consommateur développe avec l’environnement physique et humain du service
nécessaires à la réalisation du service. En d’autres termes, l’expérience de service
représente pour le client une tranche de vie dédiée à la consommation durant
laquelle il agit et interagit (activités expérientielles) dans un univers contrôlé par
l’entreprise. Cette période de temps se matérialise pour le client à travers cinq
types d’activités :
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3. L’INFLUENCE DE L’EXPÉRIENCE DE SERVICE
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Ces conclusions structurent le modèle de la recherche (Figure 1) que nous avons
testé de manière empirique et quantitative auprès de 2716 individus14 connaissant
ne serait-ce que de nom la marque IKEA : 387 n’étant jamais allés dans un
magasin de la marque IKEA, 445 y étant allés une fois et 1884 y étant allés
plusieurs fois.
Figure 1 :
Le modèle de l’image expérientielle de la marque de service (IMEX)
EXPERIENCE Légende
Relation validée
Nombre Relation non validée
d’expériences
- -
Intensité +
Expérientielle
+
Image de la
marque
+
Exposition à la
communication
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Les données quantitatives utilisées dans le test du modèle de la recherche ont été recueillies par un
prestataire spécialisé dans les études de marché en ligne en septembre 2007. L’échantillon se
compose à 80 % de femmes et 20% d’hommes. Les femmes sont donc surreprésentées au sein de
l’échantillon mais cette caractéristique correspond à la fois à une tendance générale de visites des
magasins IKEA, et au mode de collecte de données effectuée auprès d’un panel d’internautes qui
touche plus facilement les femmes que les hommes. L’âge des répondants varie de 18 à 75 ans, l’âge
moyen est de 34 ans. Les catégories socioprofessionnelles sont bien représentées et la répartition
géographique des répondants interrogés assure une bonne représentativité de la population française.
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Les analyses de variance ont été menées pour chaque variable à expliquer (force moyenne des
associations, nombre moyen d’associations fortes et nature des associations).Dans un premier temps
nous avons mené des analyses de variance simples sur l’ensemble de la population (n=2716 rép.).
Puis, dans un deuxième temps, afin de contrôler les effets de la communication nous avons répété la
même série d’analyses sur deux sous-échantillons en fonction du niveau d’exposition à la
communication (faible= 1777 rép. / fort= 939 rép.). Enfin, dans un troisième temps, pour chaque
variable à expliquer, nous avons confirmé les résultats obtenus par une analyse de variance factorielle.
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- Des analyses multi-groupes pour tester les effets modérateurs négatifs du
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nombre d’expériences .
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La méthode des équations structurelles a été menée sous AMOS sur un échantillon de 1884
répondants ayant vécu au moins deux expériences en magasin. Les variables explicatives sont
l’intensité expérientielle, dont l’instrument de mesure a été créé et défini comme un concept latent
d’ordre deux, composé de six dimensions mesurées par 28 items, et l’exposition à la communication,
définie également comme un concept latent d’ordre deux, à deux dimensions mesurées par 8 items.
Enfin, les variables à expliquer définissent l’image de la marque à travers ses trois facettes
(fonctionnelle service, fonctionnelle produit, abstraite et symbolique) et sont mesurées par deux items :
la force moyenne des associations et le nombre d’associations fortes. Les résultats obtenus sont
satisfaisants : RMSEA=0.62 ; GFI=0.844 ; AGFI=0.826 ; NFI=0.839 ; TLI=0.845 ; CFI=0.855.
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Afin de tester les effets modérateurs du nombre d’expériences sur les relations entre l’intensité
expérientielle et l’exposition à la communication sur la force de l’image, nous avons testé l’invariance du
modèle général de la recherche sur deux groupes d’individus : les individus ayant vécu moins de 10
expériences (n=849 rép.) et les individus ayant vécu plus de 10 expériences de service (n=1035 rep.).
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4. LES IMPLICATIONS MANAGÉRIALES
L’objectif de toute marque est de devenir et surtout de rester une marque forte
dans l’esprit des consommateurs. Elle peut alors servir de référence pour le
consommateur, réduire le risque perçu inhérent à toute consommation, simplifier
ses processus de décision et le rassurer sur ses choix. La volonté de l’entreprise
de développer une marque forte est avant tout liée à celle d’occuper une place
dans l’esprit du consommateur afin d’orienter ses décisions lors de ses processus
de choix, et ce de manière favorable pour la marque.
Ainsi, créer et gérer une marque de service forte passe nécessairement par la
gestion de l’expérience. La question se pose alors de savoir ce que signifie gérer
l’expérience pour mieux gérer la marque. Cela semble avant tout vouloir dire
proposer une expérience qui soit en adéquation avec les valeurs fonctionnelles et
symboliques de la marque définissant son identité. Si chaque expérience
immédiate atteint cet objectif, alors l’expérience cumulée tout au long de la relation
consommateur/marque assurera à l’image de la stabilité et de la force dans l’esprit
du consommateur. Il semble donc nécessaire d’assurer la cohérence et la
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4.1. PENSER LA SERVUCTION EN FONCTION DES CINQ DIMENSIONS
DE L’EXPERIENCE
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Assurer l’homogénéité de l’expérience cumulée
Une des fonctions de la marque est de garantir un niveau de qualité constant dans
le temps, à la fois dans le résultat et dans les moyens mis en œuvre pour atteindre
ce résultat. Ainsi une marque de service ne pourra être considérée comme forte
que si elle assure à ses consommateurs de la constance dans l’expérience qu’elle
propose, c'est-à-dire si elle assure de la cohérence et de la constance entre
chaque expérience immédiate vécue.
La formation de l’image est un processus qui s’étale dans le temps, basée sur
l’influence conjointe de deux sources d’informations : l’expérience et la
communication. En général, la communication intervient en amont de l’expérience
puis, passée la première expérience, elle l’accompagne tout au long de la relation
consommateur/marque. Or, les consommateurs attachent plus de crédibilité aux
informations issues de l’expérience et nient celles issues de la communication si
l’expérience les contredit. Construire une image de marque forte repose alors en
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La communication pré-expérience
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Par ailleurs les individus ayant déjà vécu le service fondent leur image sur la ou les
expériences qu’ils ont vécues. Il est donc dans l’intérêt de la communication de la
marque de préparer le consommateur potentiel à ce qu’il va vivre et donc de
préparer les fondements de son image que l’expérience n’aura plus qu’à renforcer.
Il est donc dans l’intérêt de la marque de communiquer avant consommation sur la
réalité de l’expérience, par des publicités narratives entre autres.
La communication post-expérience
Il est donc dans l’intérêt de l’entreprise de porter une attention particulière aux
nouveaux clients et de veiller à la qualité de leur première expérience. Ceci sous-
entend de pouvoir les reconnaître et de les accompagner durant leur première
visite, et/ou de prévoir et d’aménager au sein de la servuction des « parcours »
parallèles visant à simplifier la première expérience et la rendre la plus accessible
possible.
Reconnaître les nouveaux clients est non seulement très délicat mais également
réservé à des services particuliers où le degré de présence du personnel par client
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est élevé. Cette approche est donc essentiellement réservée à des services où
l’interaction avec le personnel est forte et peut être individualisée, les rendant en
général plus onéreux et donc s’adressant à des cibles aisées approchant le
domaine du luxe. Dans le cas des services de masse, où la présence du personnel
par client est moindre, le client doit gérer seul sa première expérience. La
communication peut alors jouer un rôle important en expliquant au consommateur
avant expérience les rouages du service, limitant ainsi ses efforts cognitifs liés à la
compréhension de la situation et du fonctionnement du service et augmentant sa
propre performance. La communication pré-consommation peut alors être relayée
sur le lieu de service par des informations destinées aux nouveaux clients leur
dédiant ainsi une servuction spécifique à laquelle ils ne prêteront plus attention une
fois les modalités de l’expérience acquises (signalétique, brochures, couleurs,
parcours).
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notre étude auprès de consommateurs découvrant le service. Ceci nous
permettrait de mettre en évidence les activités expérientielles développées lors de
la première visite. Nous supposons qu’elles diffèreraient sensiblement de celles
mises en évidence auprès de consommateurs expérimentés. Par ailleurs, nous
n’avons pu intégrer de répondants se déplaçant dans un magasin de la marque
pour y faire des achats impliquant, comme par exemple, l’achat de mobilier de
cuisine. Nous pensons que certaines dimensions de l’expérience (cognitive) sont
exacerbées dans ce cas. Enfin, bien que nous ayons tenté de le faire, nous
n’avons pas pu récolter de données concernant des expériences de service
vécues au contact d’un accompagnant. Il est vrai que dans des conditions
normales de consommation d’un service, il est fréquent d’être accompagné d’un ou
de plusieurs proches. Là encore, nous supposons que de l’interaction avec le ou
les accompagnants découle un ensemble d’activités expérientielles particulières
que nous n’avons pu identifier.
ABSTRACT
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MOTS CLÉS : MARQUE DE SERVICE, EXPERIENCE DE SERVICE, IMAGE DE MARQUE,
ASSOCIATIONS A LA MARQUE, INTENSITE EXPERIENTIELLE, ACTIVITES
EXPERIENTIELLES
BIBLIOGRAPHIE
73
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York, p.243-253.
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