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EMC-Dentisterie 1 (2004) 453–461

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Extraction chez l’enfant


Tooth extraction in children
J.-D. Mettoudi (Praticien hospitalier) *,
D. Ginisty (Professeur, chef de service)
Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie pédiatriques, groupe hospitalier Cochin -
Saint Vincent de Paul - La Roche Guyon, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris cedex 14, France

MOTS CLÉS Résumé Extraction chez l’enfant : cet acte peut paraître a priori simple, voire banal. De
Enfant ; son bon déroulement, au même titre que les soins pédodontiques, va dépendre le
Extraction ; comportement du futur patient devenu adulte. Ainsi, le premier contact et l’abord de
Dent de lait ; l’enfant sont essentiels ; le choix des termes dans la relation praticien - patient revêt une
Dent permanente ;
grande importance. La denture lactéale présente des caractéristiques morphologiques et
Rhizalyse ;
physiologiques qui la différencient de la denture permanente ; en premier lieu, la
Germe
rhizalyse qui lui confère son caractère éphémère. La carie et ses complications infectieu-
ses surtout, mais aussi les traumatismes constituent les causes principales d’extraction
chez l’enfant. À celles-ci viennent s’ajouter les extractions pilotées, pour des raisons
orthodontiques, qu’elles soient de dents temporaires ou de germes de dents permanen-
tes. De l’indication à la réalisation de l’acte, l’anesthésie constitue une étape intermé-
diaire qui peut parfois devenir un obstacle (peur de la piqûre). C’est pourquoi tout doit
être fait pour qu’elle soit la moins traumatisante possible. La technique opératoire doit
obéir à des règles précises et tenir compte de facteurs tels que la morphologie des dents,
la présence des germes des dents définitives sous-jacents et, durant un temps, la
coexistence des deux dentures. Pour les actes plus complexes tels que l’extraction des
odontoïdes ou plus généralement des dents incluses, le choix de l’anesthésie générale se
discute.
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KEYWORDS Abstract Tooth extraction in a child may seem a simple, ordinary act. It should be
Child; remembered, however, that when he becomes an adult, this patient will have an attitude
Extraction; to dental treatment that will depend on how he experienced this “paediatric extraction”.
Milk tooth; The initial contact and the way one addresses the child are therefore essential. The way
Permanent tooth; of talking and adequately chosen words are a key in the patient/doctor relationship. Milk
Root resorption; teeth are morphologically and physiologically different from permanent teeth, first, due
Bud to root resorption which confers them their temporary character. The main reasons for
tooth extraction in children are the decay and its related infectious complications; other
reasons are trauma, and scheduled orthodontic extractions of either milk teeth, or buds
of permanent teeth. Between the indication and the extraction itself, anaesthesia is an
intermediary stage which can sometimes constitute an obstacle (fear of the injection).
This is why much is to be done to make it as non-traumatic as possible. The operating
technique must comply with precise rules and take into account factors such as the

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : J-denis.mettoudi@svp.ap-hop-paris.fr (J.-D. Mettoudi).

© Elsevier SAS. Tous droits réservés.


doi: 10.1016/j.emcden.2004.06.001
454 J.-D. Mettoudi, D. Ginisty

morphology of the tooth, the presence of underlying permanent tooth buds and, for a
time, the co-existence of milk and permanent teeth. For more complicated acts, such as
removing odontoids or more generally unerupted teeth, general anaesthesia may be
considered.
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Examen clinique médicaux ou chirurgicaux traumatisants (ne fût-ce


que la piqûre d’un vaccin). Ensuite, choisir la mé-
Il est fondamental car il constitue le premier thode d’accompagnement la mieux adaptée possi-
contact avec l’enfant et détermine en partie le bon ble. Ainsi, on fait appel, tantôt au psychologue,
déroulement de la suite en établissant une relation tantôt au psychomotricien pour la relaxation, voire
de confiance. aux deux. L’expérience dentaire constitue pour
On utilise un langage clair et simple en s’aidant l’enfant une épreuve plus ou moins difficile à sur-
de termes ou d’expressions imagées (« ouvrir grand monter. Pour y faire face, il adopte des comporte-
la bouche comme un crocodile », « compter » les ments variables en fonction de son évolution psy-
dents, faire une photo des dents etc ...). Cet exa- chique, de sa personnalité, de son environnement
men se fait dans le calme, en présence des parents, et de son histoire.2
dans un environnement agréable et en laissant à Le psychologue aide l’enfant à verbaliser son
l’enfant sa totale liberté de mouvement. Il nous angoisse pour essayer d’en retrouver la source et,
fournit de nombreux renseignements : coopération, partant de là, élaborer une stratégie pour l’accom-
degré d’ouverture buccale, état général de la den- pagner par rapport aux soins.
En ce qui concerne la relaxation psychomotrice,
ture, encombrement éventuel, mobilité ou non des
son but est de donner à l’enfant les moyens de faire
dents à extraire, dents absentes (antécédents
disparaître ou de diminuer sa peur par une plus
d’extraction).
grande compréhension et une possibilité de maî-
L’examen radiologique complète tout naturelle-
trise, et ainsi de lui permettre d’accepter et de
ment cet examen clinique. Les clichés standards,
vivre le bon déroulement des soins au fauteuil en
numérisés ou non, panoramique à partir de 5 à
étant disponible et éveillé.3
6 ans, rétroalvéolaires, suffisent dans la très grande
majorité des cas. Ils permettent d’apprécier : le
degré de rhizalyse, la morphologie radiculaire, la
Indications d’extractions
situation des germes (agénésies), enfin la présence
de foyers infectieux interradiculaires ou apicaux.
Dents temporaires

Par définition, les dents temporaires ont une durée


Abord de l’enfant de vie limitée et en règle générale, leur chute est
spontanée après la rhizalyse physiologique, et ce en
Le praticien doit toujours avoir à l’esprit que : fonction de la dent et de l’âge.
• l’enfant n’est pas un petit « adulte » ; Il arrive toutefois que la dent ne montre aucun
• il a son propre langage, son imaginaire, une signe de chute et se « fixe », gênant ainsi l’éruption
perception corporelle différente de celle de de son homologue permanente : il faut donc procé-
l’adulte ; der à son avulsion.
• il est accompagné de ses parents.
Le praticien doit donc gérer une relation triangu- Carie et ses complications
laire parents – patient – praticien.1 La carie et ses complications représentent la cause
Si la plupart du temps l’abord est relativement la plus fréquente d’extraction d’une dent lactéale.
aisé, une fois les différentes étapes expliquées Les dents temporaires et les dents permanentes
simplement à l’enfant, en banalisant l’acte, tou- immatures présentent des caractéristiques mor-
jours à l’aide de termes imagés ou de métaphores phologiques et physiologiques qui vont influencer
(la dent va « dormir », on va « cueillir » la dent), les signes cliniques de la maladie carieuse.4
parfois il n’en va pas de même et il faudra utiliser Pour les dents temporaires, ces caractéristiques
des techniques d’approche plus élaborées. sont représentées par :
D’abord comprendre et évaluer l’angoisse et • une couche d’émail et de dentine plus mince,
l’inquiétude de l’enfant face à la spécificité de entraînant une déminéralisation plus rapide en
l’acte en les rapportant à d’éventuels antécédents cas d’atteinte carieuse ;
Extraction chez l’enfant 455

• une chambre pulpaire volumineuse expliquant


la rapidité de l’atteinte pulpaire ;
• l’existence de canaux pulpoparodontaux met-
tant en communication le plancher pulpaire,
mince, des molaires avec la zone interradicu-
laire. Cette anatomie particulière explique la
fréquence de localisation des infections dans
cette même zone.
Les dents temporaires les plus fréquemment at-
teintes par la carie sont représentées par les molai-
res ainsi que les incisives maxillaires.4 La première
molaire mandibulaire est la première dent perma-
nente atteinte par la carie.
Les dents permanentes ont une susceptibilité
accrue à la carie durant les deux années qui suivent
leur éruption. Figure 1 Mésiodens située dans la région apicale de la dent 11 en
malposition (rotation axiale).
Traumatismes et leurs complications
Les traumatismes et leurs complications, principa-
lement infectieuses, sont l’autre grande cause
d’extraction d’une dent temporaire. Les incisives
maxillaires sont les plus fréquemment concernées
par ces traumatismes, étant les plus exposées.
Fracture coronaire ou coronoradiculaire, luxation,
impaction avec risque de lésion du germe de la dent
définitive ou en cas de complication infectieuse
sont autant de causes d’avulsion.

Pilotage ou extractions pilotées


Il consiste à pratiquer l’avulsion de certaines dents
temporaires (canines et premières molaires) avant
leur date normale de chute5, ce qui a pour consé-
quence de corriger spontanément l’encombrement Figure 2 Odontoïdes multiples dans les régions prémolaires
incisif ou encore d’accélérer l’éruption des premiè- maxillaires et mandibulaires.
res prémolaires.
maxillaire (Fig. 1), entraînant une rétention
Anomalies de structure, de forme, de position des incisives centrales ou la persistance d’un
ou de nombre diastème important entre elles, ou des malpo-
Elles sont également des indications d’extraction. sitions. Il peut être unique ou multiple.
Les autres germes surnuméraires ou odontoïdes
Dents permanentes siègent dans les régions prémolaires-molaires, tant
mandibulaires que maxillaires (Fig. 2).
Les indications d’extraction sont sensiblement les
mêmes que pour les dents déciduales (carie, trau-
matismes, orthopédie dentofaciale6,7, malposi- Anesthésie
tions.
Il faut toutefois y ajouter : Elle peut être de contact, locale, locorégionale ou
• les germectomies, qu’elles soient de prémolai- générale.
res dans le cadre de traitements orthodonti- Hormis la différence de taille de la cavité buc-
ques ou de dents de sagesse pour dysharmonie cale par rapport à l’adulte, et par là même la plus
dentomaxillaire postérieure généralement ad- faible amplitude de l’ouverture buccale et le degré
mise en pratique clinique et confirmée bien sûr moindre de minéralisation osseuse permettant une
par la radiologie, ou malposition ou encore meilleure diffusion de l’anesthésique, enfin en res-
ectopie ; pectant les doses maximales recommandées, les
• les dents surnuméraires ; la plus fréquente est techniques d’anesthésie locale et locorégionale
la mésiodens dont le siège est la région incisive diffèrent peu de celles de l’adulte.
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Anesthésie muqueuse de contact amnésiant. L’agent de choix est le midazolam (Hyp-


novel®) en raison de sa moindre demi-vie et de son
Elle consiste à appliquer une crème anesthésique excellent effet amnésiant antérograde.9
dans la zone du futur point d’impact de l’aiguille et Administration : en fonction de l’âge, on choisit
permet d’atténuer la sensation douloureuse de pi- la voie nasale, rectale ou orale, à raison de 0,2 à
qûre. Elle devrait être systématique. 0,5 mg/kg sur poids théorique, selon la voie d’ad-
Anesthésie locale ministration, sans dépasser 10 mg au total.10

Anesthésie sous-périostée dite « para-apicale » Anesthésie générale


Elle consiste à déposer le produit anesthésique au
contact du tissu osseux par infiltration dans la Elle est indiquée dans les cas suivants :
muqueuse vestibulaire8 à l’aplomb de la dent à • extractions multiples ;
anesthésier. Essentiellement réservée aux dents • complexité de l’acte (germectomies, dents
maxillaires, elle peut chez l’enfant être utilisée réincluses, ankylosées, impactions profondes,
pour les dents mandibulaires mais avec moins d’ef- limitation de l’ouverture buccale) ;
ficacité. • très jeune âge de l’enfant ;
• handicap mental majeur (autisme, psychose) ;
Anesthésie intraligamentaire • pathologies générales associées.
L’anesthésie du ligament alvéolodentaire complète
souvent et efficacement l’anesthésie sous-
périostée. Technique opératoire
Anesthésie locorégionale ou tronculaire Extraction des dents lactéales
Elle bloque la transmission nerveuse en aval de la
zone à traiter et permet ainsi une anesthésie à Les instruments utilisés sont les mêmes que pour les
distance du point d’injection dans tout le territoire dents permanentes : syndesmotome-faucille, syn-
d’innervation.8 Elle est de réalisation plus difficile desmotome droit, élévateur, daviers, à la diffé-
que l’anesthésie locale par infiltration et demande rence que ces derniers sont de plus petite taille, et
une bonne connaissance anatomique, en particulier adaptés à la morphologie coronaire des dents lac-
la situation de l’épine de Spix qui varie chez l’en- téales (Fig. 3).
fant en fonction de son âge. Quoi qu’il en soit, elle
semble difficilement envisageable avant l’âge de Extraction des dents maxillaires
5-6 ans.
Extraction des incisives et des canines
Anesthésie locale potentialisée par inhalation Lorsque la radiographie a montré une rhizalyse
de protoxyde d’azote (N2O) avancée et que la dent est mobile, il suffit, après
C’est un anesthésique gazeux à température et
pression ambiantes, administré par inhalation au
masque sous forme d’un mélange équimolaire
d’oxygène et de protoxyde d’azote (MEOPA, Ento-
nox®, Kalinox®). L’état de conscience est modifié
au bout de 2 minutes d’inhalation mais le patient
reste vigile et capable de réagir avec l’environne-
ment.
Le N2O élève le seuil douloureux, diminue et
modifie la perception douloureuse. Il a un effet
hilarant et anxiolytique.8 Il est utilisé pour des
actes brefs, en dehors du bloc opératoire, sous
réserve du respect des bonnes règles d’utilisation
et des contre-indications (hypertension intracrâ-
nienne, insuffisance cardiaque entre autres).

Anesthésie locale potentialisée par sédation


médicamenteuse
Celle-ci est assurée par les benzodiazépines. On
recherche les effets anxiolytique, hypnotique et Figure 3 Daviers pour dents lactéales.
Extraction chez l’enfant 457

Figure 4 Séparation coronoradiculaire d’une molaire lactéale


maxillaire.
Figure 5 Séparation des racines d’une molaire lactéale mandi-
une syndesmotomie, d’exercer une pression laté- bulaire.
rale (mésiodistale ou inversement) à l’aide d’un
syndesmotome droit pour luxer la dent. Lorsque la la chute spontanée ne s’est pas produite donnant
dent est immobile, toujours après une syndesmoto- l’impression d’une double rangée de dents et in-
mie, un davier adapté permettra l’extraction par quiétant les parents ; ce qui constitue un motif
des mouvements de rotation axiale alternatifs puis fréquent de consultation.
de traction dans l’axe de la dent. La technique d’avulsion est sensiblement la
même que pour les incisives et canines maxillaires.
Extraction des molaires Lorsque ces dernières sont extraites dans un but
Elle est d’autant plus aisée que la rhizalyse est orthodontique, elles le sont souvent avant la pé-
importante. Ces dents ont en règle générale trois riode théorique de leur chute et il faut en tenir
racines enserrant le germe de la prémolaire, la compte lors de l’extraction, leur racine étant en
racine palatine étant la plus longue et souvent la grande partie conservée.
plus tardivement rhizalysée.
Après décollement complet de la sertissure gin- Extraction des molaires
givale, on dispose le davier à molaire légèrement Les molaires lactéales mandibulaires ont deux raci-
au-delà du collet de la dent et on fait des mouve- nes, l’une mésiale, l’autre distale, aplaties dans le
ments de rotation et de traction. En cas d’immobi- sens mésiodistal et enchâssant le germe de la pré-
lité persistante, il faut alors procéder à une sépa- molaire sous-jacente.
ration des racines. Pour ce faire, on utilise une Après la syndesmotomie, les mors du davier
fraise destinée à cet effet, montée sur turbine en adapté sont positionnés sous le collet de la dent et
ayant toujours à l’esprit l’existence d’un germe on exerce alternativement des mouvements de bas-
dentaire sous-jacent afin d’éviter de l’endomma- cule vestibulolinguale, de rotation et en même
ger. On sépare la racine palatine des racines vesti- temps de traction. En cas de séparation des raci-
bulaires en premier, sans aller jusqu’à la furcation, nes, les mêmes précautions de respect du germe
puis les deux racines vestibulaires (Fig. 4). On luxe sous-jacent sont prises (Fig. 5).
ainsi les différentes racines, l’une après l’autre Un cas particulier est représenté par l’extraction
avant de les saisir à l’aide d’un davier à racine. En des molaires lactéales réincluses ou en voie de
cas de fracture d’un apex, soit il est facilement réinclusion. La réinclusion ou réingression se pro-
accessible et il faut alors le retirer avec un duit généralement au niveau de la deuxième
syndesmotome-faucille ou un instrument plus fin, molaire temporaire par un mouvement de dérive
soit il ne l’est pas et il faut le laisser en place. mésiale excessif de la première molaire perma-
nente.11 Là encore, la séparation des racines per-
Extraction des dents mandibulaires met de simplifier l’avulsion.

Extraction des incisives et des canines Extraction des dents permanentes


Les incisives centrales sont en théorie les premières
dents lactéales à disparaître, au même titre qu’el- Ce sont les dents de 6 ans détruites par la carie ou
les sont les premières à apparaître. Il arrive de encore les incisives maxillaires fracturées lors de
façon non exceptionnelle que leurs homologues traumatismes, les prémolaires dans le cadre des
permanentes évoluent en arrière d’elles alors que traitements orthodontiques multiattaches, enfin
458 J.-D. Mettoudi, D. Ginisty

les germectomies de prémolaires ou de dents de


sagesse.

Extraction de la dent de 6 ans


Le délabrement coronaire est souvent très impor-
tant et la préhension de la dent au davier n’est plus
possible. La séparation des racines facilite l’extrac-
tion de celles-ci. Il arrive que cela ne soit pas
suffisant. Il faut alors faire une alvéolectomie. On
réalise un lambeau vestibulaire avec incision de
décharge au tiers distal de la première molaire
lactéale ou de la première prémolaire en respec-
tant la papille interdentaire. Cette décharge est
légèrement oblique de haut en bas et d’avant en
arrière pour la dent de 6 ans maxillaire et d’arrière
en avant pour la dent de 6 ans mandibulaire en
ayant à l’esprit pour cette dernière la présence de
l’émergence du nerf mentonnier sous-jacent. Figure 6 Daviers de taille intermédiaire.
Après le décollement mucopériosté, le dégage-
ment osseux est fait à la fraise à os chirurgicale prémolaire étant souvent supérieur à l’espace libre
ronde numéro 8, montée sur pièce à main, sous laissé par l’extraction de la molaire de lait, il arrive
irrigation permanente. Une fois l’extraction des que l’on soit amené à sectionner le germe longitu-
différentes racines (deux pour la 6 mandibulaire et dinalement dans le sens vestibulolingual ou vesti-
trois pour la maxillaire) faite, le curetage apical si bulopalatin, voire également dans le sens mésiodis-
nécessaire et la toilette de la cavité réalisés, le tal à l’aide d’une fraise adaptée montée sur
lambeau est repositionné et suturé. Les sutures turbine. Les différents fragments sont ainsi extraits
résorbables sont préférées chez l’enfant. l’un après l’autre.
Cette technique, simple de réalisation, permet
Extraction des incisives d’éviter la perte osseuse de l’alvéolectomie.12
Les plus fréquemment fracturées lors des trauma-
tismes sont les centrales maxillaires. La difficulté Dents de sagesse
d’extraction dépend du niveau de fracture radicu- Elles sont indiquées dans les dysharmonies dento-
laire. Lorsque celle-ci se situe au tiers moyen ou au maxillaires postérieures, à la fin du traitement
tiers apical ou qu’elle est comminutive, l’alvéolec- orthodontique, en phase de contention. La germec-
tomie est nécessaire. tomie précoce, préconisée par certains, n’offre pas
d’intérêt particulier. Elle est de plus de réalisation
Extraction des prémolaires technique plus délicate et entraîne une perte os-
En règle générale, elle n’offre pas de difficultés seuse plus importante.
particulières. Une bonne syndesmotomie, un davier Germectomie des dents de sagesse mandibulai-
et des mouvements adaptés (Fig. 6) rendent l’ex- res. On réalise un lambeau vestibulaire avec inci-
traction aisée. Toutefois, la première prémolaire sion au bistouri à lame 15, partant de la crête en
maxillaire possède deux racines avec des apex gra- arrière de la dent de 12 ans et se poursuivant en
ciles, et la mobilisation de la dent doit être faite dehors (Fig. 7). Divers éléments tels que la taille du
avec précaution afin d’éviter de les fracturer. germe, sa profondeur, le degré d’ouverture buc-
cale, font que l’opérateur complète ou non le tracé
Germectomies de l’incision par une décharge ; celle-ci se situant
au tiers distal de la dent de 6 ans. L’incision doit
Prémolaires être franche et nette et intéresser dans le même
Il s’agit dans la très grande majorité des cas de temps la muqueuse et le périoste en gardant tou-
premières prémolaires dans les dysharmonies den- jours le contact osseux.13 Une fois le lambeau soi-
tomaxillaires. Elles sont à l’état de germe avec une gneusement décollé et pris en charge par un écar-
édification radiculaire bien avancée mais non ter- teur de Dantrey ou autre, en fonction des habitudes
minée. Pour accéder au germe, il est nécessaire de l’opérateur, le dégagement osseux est fait à la
d’extraire la première molaire lactéale sus-jacente fraise à os chirurgicale ronde numéro 8 ou 10 sur
lorsqu’elle n’est pas tombée naturellement. Le dia- pièce à main, sous irrigation. Il arrive que l’on soit
mètre mésiodistal de la couronne du germe de la amené à fragmenter le germe en deux ou plusieurs
Extraction chez l’enfant 459

Extraction des canines incluses


Après la 3e molaire, la canine définitive est la dent
le plus souvent retenue avec une prévalence pour le
site maxillaire.14 Compte tenu de son importance
fondamentale dans les fonctions occlusale surtout,
mais aussi esthétique, l’extraction d’une canine
incluse maxillaire ne doit être envisagée qu’une
fois les différentes possibilités de mise en place
chirurgicale ou orthodontique (arrimage de la dent
par un dispositif de traction collé) épuisées. Le
caractère traumatisant psychologiquement du dé-
collement de la fibromuqueuse palatine nous fait
préférer l’anesthésie générale chez le grand ado-
lescent.
Si l’extraction est unilatérale, l’incision est pra-
tiquée au collet des dents, de la dent de 6 ans
homolatérale à l’incisive latérale ou la canine
controlatérale. Si l’extraction est bilatérale, l’inci-
sion va d’une dent de 6 ans à l’autre. Le décolle-
Figure 7 Tracé d’incision d’une germectomie de dent de sagesse ment de la fibromuqueuse est plus délicat car
mandibulaire. celle-ci est épaisse et très adhérente. Le pédicule
vasculonerveux palatin antérieur doit parfois être
parties afin d’éviter une perte osseuse trop impor- sacrifié, sans dommages. Le lambeau est maintenu
tante. Le germe est extrait avec son sac péricoro- à distance par une lame de Schneck. Après fraisage
naire, la cavité est nettoyée et le lambeau reposi- de l’os, la section de la couronne de la dent facilite
tionné et suturé. souvent l’extraction en permettant le désenclave-
Germectomie des dents de sagesse maxillaires. ment. On prend soin de respecter les différents
L’incision postérieure est faite en arrière de la dent apex avoisinants. Après lavage abondant et aspira-
de 12 ans sur la tubérosité. L’incision de décharge tion de tous les débris résiduels, la fibromuqueuse
au niveau de la dent de 6 ans est recommandée. est replaquée et suturée par des points interdentai-
Elle permet d’éviter de détériorer le lambeau et res. Il arrive que la canine soit si enclavée que son
d’offrir une meilleure visibilité du site (Fig. 8). La extraction nécessite une double voie d’abord, ves-
table osseuse vestibulaire est très mince à ce ni- tibulaire et palatine.
veau (telle « une coquille d’œuf ») et se retire
souvent sans fraisage, à l’aide du syndesmotome- Extraction des germes surnuméraires
faucille. Le germe est luxé en dehors et en bas, le
point d’appui étant la dent de 12 ans et l’instru- Extraction des mésiodens
ment de choix le syndesmotome de Chompret droit. La non-évolution des incisives centrales permanen-
Après ablation du sac péricoronaire et toilette soi- tes, ou leur écartement excessif ou encore l’évolu-
gneuse de la cavité, le lambeau est repositionné et tion en malposition d’une incisive centrale, doivent
suturé. faire suspecter la présence d’une mésiodens. Le
plus souvent unique, de forme conoïde, elle se situe
entre les racines des incisives centrales dans la
région apicale. Sa position varie dans tous les plans
de l’espace.
La technique opératoire suit les mêmes règles
que pour les canines incluses. Là encore, le pédi-
cule palatin antérieur est souvent sacrifié. Il n’est
pas rare de découvrir, sur le cliché radiologique,
deux, voire trois odontoïdes, toujours situés dans la
région apicale des incisives centrales.

Extraction des odontoïdes


Après la région incisive maxillaire, on trouve par
Figure 8 Tracé d’incision d’une germectomie de dent de sagesse ordre de fréquence la région prémolaire, puis ex-
maxillaire. ceptionnellement la région des dents de sagesse. Si
460 J.-D. Mettoudi, D. Ginisty

dre, une simple surveillance hebdomadaire permet


de constater, en règle générale, une stabilisation
progressive de la dent.

Extraction et anomalies de l’hémostase


Il n’est pas rare que l’anomalie de l’hémostase soit
découverte à l’occasion de l’extraction d’une dent
lactéale devant un saignement postopératoire inha-
bituellement abondant et persistant. Mais notre
propos est ici de traiter les extractions chez les
patients présentant une pathologie connue de l’hé-
mostase.
Qu’il s’agisse de troubles congénitaux de l’hé-
mostase (Willebrand, hémophilie, trombasthénie
de Glanzmann), d’hémopathies malignes, d’insuffi-
Figure 9 Prolifération anarchique de germes surnuméraires dans
une dysostose cléidocrânienne. sance hépatocellulaire ou encore d’hypocoagu-
labilité thérapeutique ou induite (anticoagulants,
leur présence ne gêne pas l’évolution des dents antiagrégants plaquettaires, chimiothérapie),
voisines, l’abstention chirurgicale peut se discuter, l’avulsion se fait toujours en milieu hospitalier, en
surtout dans la région prémolaire, car leur extrac- coordination avec le service d’hématologie ou le
tion n’est pas simple compte tenu de leur situation service spécialisé qui suit l’enfant. L’utilisation du
et de leur petite taille, et le risque de léser les laser CO2 a permis de compléter efficacement et de
dents adjacentes n’est pas négligeable. simplifier le protocole opératoire. L’idéal est de
Le tableau le plus complet de germes surnumé- confectionner, en préopératoire, une gouttière
raires multiples est représenté par la dysostose thermoformée de compression et de protection
cléidocrânienne. Affection héréditaire très poly- réalisant une compression douce. L’extraction,
morphe, elle est caractérisée par une symptomato- qu’elle soit réalisée sous anesthésie locale ou géné-
logie osseuse et dentaire. Sur le plan dentaire, la rale, est immédiatement suivie d’un tir laser CO2
première dentition s’effectue normalement. La de l’alvéole et des berges muqueuses, en défocali-
présence de germes dentaires surnuméraires s’in- sant pour obtenir l’effet hémostatique.17
terposant entre dents lactéales et germes dentaires L’alvéole est comblée par des éponges ou des
adultes explique les anomalies de la deuxième den- mèches résorbables hémostatiques et la gouttière
tition, en l’absence de traitement.15 mise en place. Elle est gardée en permanence
Le retard d’évolution des dents permanentes fait plusieurs jours de suite. La suture des berges est
pratiquer une radiographie panoramique qui mon- déconseillée.
tre une prolifération anarchique de germes surnu- Ce protocole ne remplace pas le traitement subs-
méraires (Fig. 9). Cependant, devant le tableau titutif, il le complète et permet souvent de le
clinique, il faut rechercher préventivement les ger- limiter.
mes surnuméraires dans la région incisive maxil-
laire par des clichés rétroalvéolaires avant de cons- Extraction et pathologies générales
tater le retard d’évolution. Certaines pathologies nécessitent des précautions
particulières, et en premier lieu l’antibioprophy-
Extractions spécifiques laxie qui est systématique dans les cas suivants :
• patients immunodéprimés (greffes, chimiothé-
Extraction des dents prétemporaires rapie, virus de l’immunodéficience humaine,
Il s’agit en réalité le plus souvent de l’éruption déficit congénital) ou ayant subi une radiothé-
prématurée de dents temporaires.16 On découvre rapie maxillofaciale ou encore diabétiques mal
lors de l’examen néonatal, dans la région incisive équilibrés18 ;
centrale mandibulaire, un ou deux bourgeons fai- • patients présentant un risque d’endocardite
sant issue sur la crête, faiblement minéralisés, de infectieuse ; patients atteints de cardiopathies
consistance cartilagineuse, mobiles car dépourvus congénitales cyanogènes, valvulopathies aorti-
de racine. Lorsque la mobilité est trop importante, ques ou mitrales ;
l’extraction est rendue nécessaire en raison du • patients porteurs d’une valve de dérivation
risque d’inhalation bronchique. Elle se pratique ventriculopéritonéale pour hydrocéphalie.
sans anesthésie, la dent étant simplement sertie Dans les encéphalopathies convulsivantes, lors-
par la muqueuse gingivale. En cas de mobilité moin- que l’épilepsie est bien contrôlée, et sauf avis
Extraction chez l’enfant 461

contraire du neuropédiatre, l’anesthésie locale 8. Bennaceur S, Sagnet P, Ernewein D, Maudier C, Louafi S,


n’est pas contre-indiquée ; mais cela concerne Couly G. Anesthésies locale, locorégionale et générale en
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