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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 23-135-P-10

Obturation provisoire dans tous les cas

d’espèces : technique
L Scherman R é s u m é. – Le but de l’obturation temporaire est soit d’isoler une plaie dentinaire de
manière à préserver la vitalité de l’organe dentinopulpaire lorsque l’acte thérapeutique n’est
pas réalisé en une séance, soit d’éviter la contamination de la cavité coronoradiculaire dans
la mesure où le traitement endodontique nécessite des phases intermédiaires (désinfection,
suintement inflammatoire ou hémorragie apicale empêchant toute obturation définitive
radiculaire). Il faut donc considérer deux cas de figures : l’obturation provisoire sur dent
vivante, et l’obturation transitoire lors du traitement endodontique.
Pour chaque cas, les matériaux utilisés doivent répondre à des buts différents. Dans le
premier cas, la préservation de l’organe dentinopulpaire et la non-contamination bactérienne
sont recherchées. Dans le deuxième cas, l’étanchéité, et éventuellement le renforcement
des structures tissulaires sont nécessaires.
© 1999, Elsevier, Paris.

Obturation temporaire de la dent vitale
Dans la mesure où la préservation de la vitalité pulpaire et la maîtrise de la
réaction inflammatoire de l’organe dentinopulpaire impliquent un traitement
en une séance, il n’existe que peu de cas d’indication d’obturation provisoire.
L’obturation provisoire est réalisée lors d’un pronostic douteux quant à la
réaction pulpaire au soin conservateur avec décision de ne pas réaliser le
traitement endoprothétique à court terme, lors des techniques d’obturation
indirecte faisant appel à une prise d’empreinte, ainsi que lors du traitement
global des patients atteints d’une pathologie ou d’un état physiologique
favorisant la maladie carieuse (immunodéprimé, toxicomane ou hyposialie).
Ce dernier point nécessite l’élimination rapide de toutes lésions, avec
obturation par des techniques de prévention de la récidive des lésions
carieuses. Les matériaux susceptibles d’être utilisés sont les ciments oxyde
de zinc-eugénol améliorés (ZOE-EBA), les verres ionomères hybrides, voire
les résines composites ou les résines méthacrylates dans les techniques
d’obturation indirecte.
Ciments ZOE-EBA
Les ciments ZOE-EBA sont préférés aux eugénates classiques, car leur
résistance à la compression est importante et la solubilité de l’eugénate est
faible, d’où une moindre irritation liée à l’eugénol libre (ce point ayant été
confirmé par Wennberg et al [22]). Ces qualités sont obtenues par l’adjonction
d’acide orthoéthoxybenzoïque, en présence d’oxyde d’aluminium ou de
colophane. Le temps de prise est court par adjonction d’accélérateurs de prise
tels que l’acétate de zinc, le propionate de zinc, ou le stéarate de zinc [11]. Les
caractéristiques de ces produits sont des propriétés antibactériennes à
l’interface [2, 7] (faibles pour certains auteurs [21]), une action sédative,
Laurent Scherman : Docteur en chirurgie dentaire, docteur en sciences odontologiques,
docteur de l’université René-Descartes, CES de biologie buccale et d’odontologie
conservatrice et endodontie, DUECSE, ancien assistant hospitalo-universitaire, 44, avenue
Félix-Faure, 75015 Paris, France.
© Elsevier, Paris
antalgique et anti-inflammatoire au niveau pulpaire. Ces ciments présentent
un bon pouvoir adhérent assurant une bonne étanchéité [13] qui n’est que
temporaire car le vieillissement est relativement mauvais au cours du temps,
ce dernier point étant compensé par les propriétés antibactériennes. Ce sont
de bons isolants thermiques et électriques. Le mélange poudre-liquide se fait
sur une plaque de verre dépoli avec une spatule métallique [19] afin d’obtenir
une bonne absorption de la poudre par le liquide. Un point extrêmement
important est le ratio poudre-liquide. Il doit être de 4 (0,4 g de poudre pour
0,1 mL de liquide), afin d’obtenir un bon scellement de la plaie dentinaire et
un effet bactéricide maximal [16]. Après insertion, une pression de mise en
place au moment où le matériau a une consistance de mastic est nécessaire
afin d’obtenir une application intime au niveau des tissus durs de la dent.
Verres ionomères hybrides
Les verres ionomères photopolymérisables, encore appelés hybrides,
présentent un certain nombre d’avantages : adhésion à la dentine, effet
anticariogène par relargage de fluor, résistance acide, radio-opacité,
coefficient de variation thermique similaire à celui de la dent et facilité
d’emploi. L’effet antibactérien est une des composantes principales dans
l’utilisation des verres ionomères en obturation coronaire. Ainsi, le
Vitrebondt s’est montré bactéricide en regard de Streptococcus mutans,
Actinomices viscosus, Streptococcus mitis, Streptococcus salivarius et
Streptococcus sanguis [4, 17, 18] . Ce type de produit semble, d’après de
nombreux auteurs, posséder des propriétés de libération importantes de
fluor [1, 3, 12, 15]. Pour Erickson [5] et Jensen [10], ce relargage de fluor explique à
lui seul l’effet bactéricide. De plus, les verres ionomères hybrides présentent
une adhésion dentinaire immédiate suffisante pour isoler l’organe
dentinopulpaire de toute agression chimique exogène. Les valeurs d’adhésion
après 24 heures, avancées par les différents auteurs, vont de 7,6 MPa à
12 MPa [6, 9, 14, 20].
Le mélange de la poudre et du liquide se fait rapidement sur une plaque non
absorbante avec une spatule en plastique, puis chargé dans une seringue
d’injection (ce type de matériau n’étant pas manipulable avec une spatule
étant donné son caractère excessivement collant). Le verre est alors injecté
dans la cavité dont les parois ont été préalablement légèrement humidifiées et

traitées avec le primer. Le temps de travail est compris entre 4 et 8 minutes,

Toute référence à cet article doit porter la mention : Scherman L. Obturation provisoire
dans tous les cas d’espèces : technique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Odontologie,
23-135-P-10, 1999, 2 p.
en fonction de la température et de l’éclairage de la pièce. Une illumination
de 20 secondes est réalisée afin d’amorcer la prise du matériau. L’obturation
est protégée pour les premières 24 heures par une résine de protection non
chargée. Dans les petites cavités ou les cavités occlusales, le verre est injecté
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seul, en prenant comme précaution d’éviter les forces occlusales excessives.
Dans les cavités proximales moyennes ou importantes, une technique
sandwich ouverte est préférable.
Cavités proximales importantes et traitement global
Dans le cas de grand délabrement coronaire, seules les résines composites de
dernière génération permettent de renforcer provisoirement la dent et de
préserver l’organe dentinopulpaire.
La reconstitution permet secondairement de placer la digue facilement et de
réaliser le traitement endodontique dans un laps de temps plus ou moins long.
Dans les cas de patients polycarieux et fragilisés par un état de santé
immunodéprimé, la technique sandwich ouverte est la solution idéale. Toutes
les cavités proximales sont obturées dans les deux tiers cervicaux avec un
verre ionomère hybride, et le tiers occlusal avec une résine composite de
dernière génération. Le verre assure une protection antibactérienne au niveau
de la limite cervicale, et la résine composite permet le renforcement de la
structure tissulaire résiduelle, la coaptation des deux types de matériaux ne
nécessitant aucun traitement particulier. De plus, une gouttière souple
d’application de gel fluoré peut être utilisée afin de renforcer, dans le temps,
l’effet bactéricide de cette technique.
Obturation provisoire dans les techniques indirectes
En ce qui concerne les reconstitutions scellées, les ciments oxyde de zinc-
eugénol (couronne) et les ZOE-EBA (inlay-onlay) restent des solutions de
choix de par leurs propriétés. Hodosh et al [8] ont proposé de les utiliser en
association avec du nitrate de potassium (Ciment Preservetempt), afin de
diminuer les sensibilités postopératoires. Le retrait du ciment est réalisé aux
ultrasons, ce qui permet de ne pas modifier les préparations.
Dans les cas de reconstitutions collées, on utilise des ciments provisoires sans
eugénol, en association avec des éléments prothétiques provisoires réalisés
directement par automoulage ou au laboratoire avec des résines chargées
autopolymérisables.
Obturation temporaire de la dent non vitale
Les matériaux utilisés doivent être neutres chimiquement vis-à-vis des
structures endodontiques et apicales, avoir une résistance à l’usure compatible
avec la durée du traitement endodontique, et empêcher les phénomènes de
percolation à l’interface matériau-dent. Les études réalisées montrent
qu’aucun matériau testé n’est vraiment étanche aux micro-organismes, que
les ciments provisoires prêts à l’emploi sont étanches aux grosses molécules
(même après thermocyclage), et améliorent leurs performances avec le temps
en ce qui concerne les petites molécules, et que seuls les ciments ZNO-EBA
sont bactéricides à température ambiante à court terme [18]. Plusieurs cas de
figures sont donc envisagés :
– les traitements de courte durée (une à trois séances) permettent d’utiliser
les matériaux prêts à l’emploi (Cavitt, Coltosolt, Cident roset, etc), à
condition de placer un antiseptique sous ces obturations (injection
d’hydroxyde de calcium canalaire pour un traitement en cours, ou coton de
crésatine camérale pour un système canalaire obturé) ;
– pour les traitement de plus longue durée, on peut protéger de l’usure le
pansement provisoire par un ciment orthophosphate de zinc ou par un ciment
polycarboxylate (ceci ne dispensant pas de l’utilisation de l’antiseptique). La
spatulation se fait alors sur une plaque de verre côté poli, refroidie à 10 °C [19] ;
– dans le cas d’une obturation à plus long terme, seuls les verres ionomères
hybrides et les résines collées ou scellées permettent d’allier résistance à
l’usure et protection bactérienne ;
– dans le cas particulier de l’endodontie d’une dent délabrée, les verres
ionomères chémopolymérisables (Fuji IXt) sont utilisés afin de reconstruire
la dent dans le but de pouvoir placer la digue et réaliser une ouverture
camérale à quatre parois. Une fois le traitement endodontique réalisé, on peut
utiliser de nouveau ce matériau, dans le but de refermer à moyen terme la dent,
ce qui permet d’avoir une homogénéité de la reconstitution.
•
• •
Dans la mesure où une obturation provisoire est indiquée, on doit
s’attacher à utiliser seulement les matériaux dont les propriétés
physicochimiques respectent les exigences du traitement :
préservation de la vitalité de l’organe dentinopulpaire et protection
contre la contamination bactérienne secondaire dans le cas d’une dent
vivante, renforcement tissulaire et blocage des phénomènes de
percolation à l’interface dent-matériau dans le cas de la dent non vitale.

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