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LE POINT SUR...

Le score calcique en pratique


David Rosenbaum, unité de prévention des maladies cardiovasculaires
Pole Cœur Métabolisme, Hôpital Pitié Salpêtrière
david.rosenbaum@aphp.fr
e calcul du score calcique s’est peu à peu des scores permettant de faciliter l’interprétation :
imposé ces dernières années comme le • CAC = 0 : pas de plaque calcifiée
prédicteur le plus puissant d’évènements
• CAC 1 à 10 : peu de plaque calcifiée
coronariens chez les patients asymptoma-
tiques, en particulier à risque intermédiaire. • CAC 10 à 100 : fardeau athéromateux calcifié léger
Pourtant il reste peu connu et peu utilisé • CAC 100 à 400 : fardeau athéromateux calcifié modéré
par la communauté médicale. • CAC > 400 : fardeau athéromateux calcifié important.
Cependant, le CAC augmente très notablement avec
Comment calculer un score l’âge, avec le sexe masculin et chez les caucasiens. L’étude
calcique ? du CAC dans de très larges populations a permis de dé-
Le score calcique coronaire est obtenu à partir d’un terminer des abaques disponibles online
scanner cardiaque non injecté, avec une acquisition li- (https://www.mesa-nhlbi.org/calcium/input.aspx) per-
mitée à la zone myocardique. Il est acquis durant une mettant de « normaliser » le CAC pour ces 3 critères.
seule apnée de 3 à 5 secondes. Ainsi, si ces catégories permettent une classification
L’examen du score expose à une irradiation très faible simple, il peut être judicieux de comparer le CAC à des
comprise en 0,4 et 1mSv ( contre 4 pour un scanner abaques normalisées pour l’âge et le sexe dans certaines
coronaire, 9 pour une coronarographie et 15 pour une populations, notamment chez les plus jeunes où un CAC
scintigraphie), ce qui est comparable à une mammo- faible peut en fait révéler un fardeau athéromateux très
graphie (0,8mSv). Plusieurs études ont essayé de pro- important pour l’âge. Il est admis qu’un CAC au dessus
jeter quelle serait l’augmentation du risque de cancer du 75ème percentile est le témoin d’un athérome précoce
due à la réalisation de cet examen. Si le risque est réel, il et d’un risque cardiovasculaire important.
s’avère sur le long terme relativement faible.La réalisa-
tion du score calcique est réalisable sur presque toutes A quoi sert le score calcique ?
les machines de scanner actuellement disponibles.
Un CAC élevé est un marqueur de mauvais pronostic
Le pouvoir pronostique du CAC a été démontré dans
Comment interpréter un score plusieurs très larges études prospectives portant sur
calcique ? des milliers de patients avec des durées de suivi allant
La présence de calcifications coronaires épicardiques est jusqu’à 15 ans. En particulier, l’étude MESA1 a suivi
quantifiée de façon semi automatique par un logiciel dé- 6800 patients pendant 4 ans. Comparés aux patients
veloppé par Agatston et al et disponible sur les stations avec un CAC à 0, les « hazard ratios » d’évènements
de post traitement. Il prend en compte chaque lésion > coronariens des patients avec un CAC de 100-300 et >
1mm2 avec une densité Hounsfield > 130 UH. Le score 300 étaient de 7,7 et de 9,7, respectivement.
(CAC) est issu de la multiplication de la surface de la ou L’analyse combinée des 5 grandes études prospectives
des calcifications par la densité de la plaque. évaluant le CAC (tableau 1) a conduit au consensus
Le rationnel est que les seules calcifications visibles qu’un CAC > 400 témoigne d’un risque cardiovascu-
au niveau des coronaires épicardiques sont liées à des laire élevé avec un taux d’évènements > 20% à 10 ans
plaques d’athérome. Dans ce cas, la quantification des chez des sujets asymptomatiques en prévention pri-
calcifications permet la mesure indirecte de la quantité maire. De façon intéressante le CAC était aussi un mar-
d’athérome présent sur les artères coronaires. Cela n’est queur pronostique d’AVC. Cette valeur pronostique du
pas identique à la détection de sténoses coronaires. CAC a été montrée quel que soit le nombre de facteurs
Des catégories standardisées ont été développées avec de risque.
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TABLEAU 1. Résumé du risque absolu d’évènements périeurs pour le même CAC en comparaison avec les non
cardiovasculaires dérivé de 14586 patients dans 5 études diabétiques. A l’inverse, un CAC nul a la même signification
prospectives d’après 8 Hecht HS et le même pouvoir prédictif négatif que chez les non dia-
Taux d’évènements Equivalent bétiques4. Ainsi, récemment un avis d’expert de l’AHA re-
CAC Score Framingham
à 10 ans (%) commande le CAC comme la première méthode d’imagerie
0 1.1 – 1.7 Très bas à effectuer chez un diabétique de type 2 asymptomatique.
• Chez les patients avec une histoire familiale de maladie
1 – 100 2.3 – 5.9 Bas
coronaire précoce mais à faible risque selon le score de
101 – 400 12.8 – 16.4 Intermédiaire Framingham, le CAC a permis de déceler une atteinte
coronaire précoce permettant d’identifier un sur-risque
Ø 400 22.5 – 28.6 Elevé cardiovasculaire.
• Chez les patients jeunes : en dehors de ceux présen-
➢Ø 1000 37.0 Très élevé
tant des antécédents familiaux, un CAC élevé chez les
Un CAC à zéro est un marqueur de très bon pronostic sujets âgés de 35 à 45 ans avec des facteurs de risque
Il existe des plaques exclusivement non calcifiées qui ne précoces (dyslipidémie, HTA familiale) permet de dé-
sont pas objectivées par le calcium score (environ 4% masquer un risque cardiovasculaire non objectivé par
chez les patients asymptomatiques) d’autres moyens.
Et pourtant, l’étude des patients avec un CAC = 0 a ré- • Chez les patients non observant, une métanalyse portant
vélé que ceux ci présentaient un taux d’événements extrê- sur 15 études5 a montré que l’observance au traitement
mement faible (1,1 à 1,7 % à 10 ans)2. De façon intéres- ou aux règles hygiéno-diététiques était meilleure chez des
sante, cela a été observé de façon constante dans toutes patients pour lesquels le score calcique est disponible et
les populations, quelque soit leur nombre de facteurs de à qui le résultat a été explicité.
risque et même chez les diabétiques.
La réalisation du CAC permet de mieux déterminer le
Un score calcique, et après ?
risque cardiovasculaire. Un test d’ischémie ?
Le challenge de la détermination du risque cardiovascu- Le point important à souligner est que le score calcique n’est
laire se pose dans les populations à risque intermédiaire. pas l’équivalent de la détection d’une sténose coronaire
En effet, les attitudes thérapeutiques sont claires en cas de asymptomatique. Il n’est pas non plus validé chez les patients
risque faible ou au contraire élevé. La population de pa- présentant des douleurs thoraciques. Cependant la logique
tients en prévention primaire à risque intermédiaire est très veut que plus il est élevé, plus la probabilité d’existence d’une
importante et les stratégies de prévention mal définies. De- sténose significative est forte. La prévalence d’anomalies scin-
puis plusieurs années, de nombreux marqueurs de risque tigraphiques a été évaluée à 1.3% en cas de CAC <100, 11.3%
cardiovasculaires anatomiques (IMT carotidienne, index si 100> CAC > 400 et plus de 35% en cas de CAC > 4006. Ain-
de pression systolique) ou biologiques (hsCRP, homocysté- si c’est seulement dans ce dernier groupe que la réalisation
ine) ont été étudiés pour leur capacité à permettre de mieux d’un test d’ischémie à l’effort est recommandée.
classer et reclasser les patients dans les bonnes catégories Des modifications thérapeutiques ?
de risque. L’utilité du score calcique a été évaluée dans 3 En tant que tel, il n’existe aucune prospective sur l’utilité du
larges études avec au total près de 12 000 patients. Au final, score calcique en tant que test pré-thérapeutique. Etant don-
plus de la moitié des patients à risque intermédiaire ont pu né le nombre très élevé de patients à inclure dans chaque bras
être reclassés grâce au score calcique contre près de 10% pour arriver à une significativité dans ces populations à bas/
dans le groupe à bas risque et 35% dans celui à haut risque. moyen risque, il est fort à parier qu’il n’y en aura jamais.
Dans une sous étude de la MESA comparant directement Dans les cohortes publiées, il apparaît raisonnable de ne pas
le score calcique aux autres marqueurs dans une popu- proposer de statines aux patients présentant un score cal-
lation à risque intermédiaire, les index de reclassification cique = 0, étant donné leur faible risque et quel que soient
étaient de 66 % pour le CAC Score, contre 10% pour l’IMT, leurs facteurs de risque. A l’opposé, il apparait judicieux de
8% pour la CRPus et 4% pour l’IPS3. proposer une statine aux patients présentant un score> 400,
en raison de leur risque élevé et ce aussi quel que soit leurs
Le score calcique peut être utile dans certains sous groupes
facteurs de risque cardiovasculaires. Dans les populations à
• Chez les patients diabétiques, la présence de calcifications risque intermédiaire, si la réalisation du score calcique permet
est extrêmement péjorative avec des taux d’évènements su- une reclassification dans une catégorie de risque plus faible
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ou plus élevée, il apparaît logique de suivre le raisonnement et du risque. De façon cohérente, il n’est pas recommandé
de proposer à ces patients une stratégie thérapeutique et des d’utiliser le score calcique chez des patients symptomatiques
objectifs adaptés à leur nouvelle catégorie. à bas risque pour éliminer une coronaropathie. Chez les
Un nouveau score calcique? diabétiques, imaging council de l’ACC vient tout récemment
De même que pour le chiffre du CAC, sa progression entre de plaider pour une modification des recommandations en
2 examens successifs est la traduction d’un risque impor- faveur de sa mise en première ligne parmi examens à pratiquer
tant alors qu’une lente progression ou son maintien à zéro chez les diabétiques asymptomatiques de plus de 40 ans7.
sont plutôt de bon pronostic. A l’heure actuelle, il n’existe
pas de recommandations sur l’intervalle à respecter avant TABLEAU 2
de répéter l’examen. Quelques données sur les CAC = 0 sug- Chez qui faire Chez qui ne pas faire
gèrent qu’il n’est pas utile de le répéter avant au moins 4 ans. un Calcium Score ? un CAC Score ?
Risque intermédiaire Haut risque cardiovasculaire

Les limites du score calcique Patients à bas risque


Prévention secondaire
Patients à bas risque
Le calcul du calcium score fait appel à un examen irradiant avec ATCD familiaux
et qui demande un matériel spécialisé avec un logiciel adap- Patients jeunes à risque Patients symptomatiques.
intermédiaires
té. Il est encore peu pratiqué par les radiologues et il n’existe
➢Patient intolérants aux statines
pas de cotation dédiée. La principale limite est l’absence
d’étude randomisée montrant un bénéfice clinique sur des ➢Patients non observants
critères durs. Pour des raisons de puissance et de faisabilité, Diabétiques de type 2
asymptomatiques
il est très peu probable qu’une telle étude voit le jour. En
revanche, de nombreuses études médico-économiques ont
montré qu’a l’ère des statines génériques, il était moins coû-
Conclusion
teux de prescrire une statine à tout le monde que de faire Au final, en dehors de recommandations officielles, il est
un examen scannographique pour décider une stratégie possible de dégager des situations où il ne faut pas faire de
thérapeutique. Souvent vécue comme anxiogène, la réali- CAC et d’autres ou il peut se révéler interéssant (tableau 2).
sation du score calcique doit être entourée d’une expertise Il existede très nombreuses données robustes en faveur de
médicale permettant de délivrer les bons messages. Enfin, il la quantification du calcium coronaire chez les patients à
existe entre 1 et 7% d’ « incidentalomes », tels que la décou- risque intermédiaire et dans de nombreux sous-groupes.
verte d’une dilatation de l’aorte ou de nodules pulmonaires. Ceci est en accord avec les concepts actuels du lien entre le
fardeau athéromateux et le risque cardiovasculaire. Malgré
Score calcique et recommandations cela, le score calcique n’est toujours pas implémenté dans
Les recommandations 2013 ACC/AHA sur la prise en charge les recommandations. A cause de ses réelles limites pratiques
du risque et des hypercholestérolémies ont donné une et en raison peut être aussi de sa nature radiologique, sa
recommandation de classe IIB pour la stratification du risque pratique reste encore limitée en France. Dans l’intervalle, des
dans les populations à risque intermédiaire et à bas risque en données continuent de s’accumuler partout dans le monde
cas d’ATCD familiaux. Les recommandations EAS/ESC pour avec maintenant plus 15 ans de recul sur cet examen
la prise en charge des dyslipidémies le recommandent comme qui avait commencé dans les années 80 avec une simple
un des examens pouvant être utilisés pour la stratification radiographie.

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