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Daumas François. La valeur de l'or dans la pensée égyptienne. In: Revue de l'histoire des religions, tome 149, n°1, 1956. pp.
1-17;
doi : https://doi.org/10.3406/rhr.1956.7085
https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1956_num_149_1_7085
La valeur de Гог
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Ire Partie,
1) Voir chap.
notre VI.
travail
Déjàintitulé
Champollion
Les Mammisis
avait décelé
des temples
l'emploi
égyptiens
de dorure
(à paraître),
à Kalab-
scha : Lettres écrites d'Egypte et de Nubie, nouvelle éd., 1868, p. 130. Voir ensuite :
Somers Clarke et Engelbach, Ancient Egyptian Masonry, Londres, 1930, p. 205 ;
L. Borghardt, Alhrhand Kleinigkeiten, 1933, pp. 1-11 et pi. 1-5; Chassinat,
Le Mammisi d'Edfou, Le Caire, 1939, p. xvii-xviu ; Lacau, Sur l'emploi de
Гог dans la décoration des monuments architecturaux, à l'époque du Nouvel Empire,
Actes du XXIe Congrès des Orientalistes, Paris, 1949, p. 76-78.
2) Par exemple, H. Carter, Tuteench=Amun féd. allemande, la seule
qui nous soit actuellement accessible), t. II, Leipzig, 1928, chap. 6 et pi. 129.
■
3) Une des momies du Musée Guimet à Lyon, provenant d'Antinoë, est dorée
de la tête aux pieds, comme cela se voit encore très bien sur les parties conservées.
La couche d'enduit doré est posée directement sur la peau.
4) Texte de Chnouté traduit par Révillout (nous n'avons pu,
provisoirement, retrouver l'original copte), dans RHB, t. VIII, 1883, p. 425 : « Si vous
prenez avec tant de précaution l'or, en ayant soin de ne pas le toucher de vos
mains pour complaire aux démons en qui vous croyez ... si vous n'osez le dépenser
pour vos besoins, si vous pensez être souillé en le touchant, à plus forte raison
serez-vous souillés en l'adorant et en le priant... »
2 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
* **
1) Nous avons tenu à citer ce texte sumérien qui, par bonheur, nous est
parvenu, car nous possédons peu de commentaires égyptiens, alors que ces derniers
ont pourtant existé comme on peut le voir par les gloses qu'on a insérées dans
bien des œuvres plus anciennes. Publiée par Langdon en 1939, cette tablette,
donnant la valeur symbolique des objets rituels, est citée par Conteneau, Manuel
ď archéologie orientale, t. IV, Paris, 1947, p. 1918. Enmešara est défini dans
Falkenstein et Von Soden, Sumerische und Akkadische Hymnen und Gebete,
Stuttgart, 1953, p. 412 : « Un dieu chthonien primitif, parent de Dumuzi, après
son passage, à la mort, dans l'autre monde. » Les indications de M. Jastrow,
Die Religion Babyloniens und Assyriens (trad, all.), t. I, p. 472 et de Deimel,
Pantheon Babylonicum, Rome, 1914, p. 118, n° 982, en font feulement un
équivalent de Nergal, dieu des Enfers. Ch.-F. Jean, La religion sumérienne, Paris,
1931, p. 130, ne définit point ce dieu.
LA VALEUR DE LOR DANS LA PENSEE EGYPTIENNE à
,
deux tiers (s',wy), particulièrement brillant qui, pour lui,
compose le soleil. Mais, plus tard, les hymnes solaires
développeront davantage cette idée. Le fameux hymne à Rê au
chapitre XV du Livre des Morts, souligne les rapports entre
l'éclat de l'or et la naissance lumineuse du dieu :
Hommage à toi, qui te lèves dans Vor (nb)
Qui éclaira le double pays,
Au jour où tu fus mis au monde.
Lorsque la mère Veut enfanté sur <sa> main,
Tu as éclairé l'orbe du disque-solaire1.
•
possédons des indications du plus haut intérêt sur le caractère
sacré que revêtait l'or ainsi compris. Elles ont été données
dans le fameux texte des mines d'or de Rédésyah2 : « Quant à
Гог, c'est le corps des dieux ; il ne fait point partie de vos
besoins. Gardez-vous de dire ce que dit Rê au commencement
de ses paroles : « Ma peau est d'électrum pur. » II faut sans
doute voir dans ce très curieux- passage une protestation
royale ou émanant des cercles théologiques entourant le roi,
contre le désir que pouvaient avoir certains particuliers de
s'assurer pour l'au-delà des statues ou des sarcophages d'or
imitant ainsi jusqu'à son extrême limite la coutume funéraire
royale qui voulait assurer l'indestructibilité du mort en lui
octroyant un corps dans la matière même dont était fait le
corps des dieux. L'or a quelque chose de si sacré que les
particuliers doivent se contenter d'une divinisation posthume
par participation et non comme le roi-dieu, par essence3.
Aussi les statues d'or étaient-elles en principe réservées
aux dieux : « J'ai mis au monde (msy.î) leurs (= des temples)
dieux selon leur forme sainte (m kî.sn šps) en or fnb), argent
et toutes pierres précieuses dans les demeures de l'or. » C'est
en ces termes que Ramsès III décrit au papyrus Harris (47, 2)
les soins qu'il a pris des statues divines dans les grandes villes
du royaume. Sur les murs des temples ptolémaïques, on nous
rappelle constamment que Гог, sous l'une ou l'autre de ses
formes, fait briller le corps des dieux. Au sanctuaire de
1) Dendara, V, p. 123, 1. 2.
2) Donné par Sander-Hanpen, Bibliotheca œgyptiaca, IV, 27. Voir aussi
les corrections proposées par Gardiner et Gunn (The temple of the Wâdy
Abbâd, JEA, 4, 1917, p. 242 et sq.), d'après la comparaison des publications de
Lepsius et de Golénischeff.
3) C'est en ce sens seulement qu'on rejoindrait le commentaire de Kees qui
y voit poindre « le sentiment que Гог ne contribue pas au bonheur de l'homme »
{JEgypten, p. 129). Il faudrait plutôt en rapprocher dans les spéculations
alchimiques, l'interdiction de toucher la pierre philosophale : cf. le manuscrit grec
cité par Berthelot, Les origines de Г alchimie, p. 172. L'or était aussi interdit
dans le XII» nome de Haute-Egypte : voir Weil, dans BIFAO, XLIX, 1950,
p. 61-62. Mais il faudrait réétudier les textes et les faits signalés par R. Weil,
en les mettant aussi en rapport avec la répugnance à toucher l'or décrite par
Chnouté, cf. ici-même, p. 1 n. 4.
8 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
The tomb of two officials, pi. XV et XXV, ainsi que l'introd., p. 16. Il y en a de
nombreux autres exemplaires inédits ou anciennement publiés et peu
utilisables. Davies a compté plus de cinquante tombes contenant le rituel de
l'ouverture de la bouche : The tomb of Rekhmirê (Metropolitan Museum), New York,
1943, p. 75, n. 13.
1) La tombe de Sennefer, n° 96, connue sous le nom de tombe des vignes,
a été publiée par Virey, dans les t. XX, XXI et XXII du Recueil de travaux;
Pour Rekhmirê, il faut consulter la publication de Davies précédemment citée.
2) Recueil de travaux, XXII, 1900, p. 84. Photographie (malheureusement
en simili-gravure, ce qui ne permet pas l'étude des détails) dans Capart, Thèbes,
1925, p. 332. On trouvera les parallèles dans Schiaparelli, Libro dei Funerali,
Turin, 1882, p. 22-23.
3) Davies, The tomb of Rekh-mî-Rer..., pi. GVII, 1er reg. en bas.
4) Recueil de travaux, XXII, p. 91. Les représentations similaires sont
énumérées à la note 9 de la p. 11.
LA VALEUR DE L'OR DANS LA PENSÉE ÉGYPTIENNE 13
gods, 1948, p. 168 et sq. Nous avons dû revenir sur ce sujet pour expliquer Trois
représentations de Nout à Dendara, Annales du Serv. des Ant. Egypte, t. LI,
1951, p. 375-378.
1) Lefebvre, Le tombeau de Pétosiris, Le Caire, 1923 ; inscr. 81, 1. 42 et suiv.
2) Bénědite, Le temple de Philae, 1895, p. 126, 4-5. Texte contrôlé sur une
photographie personnelle. "
3) Rochemonteix, Œuvres diverses, p. 290, dans Bibliothèque égyptologique,
t. II.
LA VALEUR DE ťOR DANS LA PENSÉE ÉGYPTIENNE 15
* **
Nul doute ne peut rester maintenant sur la signification
symbolique de l'or dans la pensée des anciens Égyptiens. Nous
n'avons point à poursuivre notre enquête à travers les
représentations figurées ou la littérature. Elle serait infinie. Mais
il faut remarquer en passant quelques faits qui s'expliquent,
semble-t-il, de manière très claire. Quand Hathor est appelée
« l'or (nb) des dieux », il n'y faut pas voir un simple jeu de
mots sur le nom de la déesse qui était la « Dame (nbl) » de
beaucoup de lieux sacrés. Le nom exprime ce qu'il y a de
plus essentiel dans l'être. L'or des dieux, c'est la mère des
dieux. L'antique Hathor céleste retrouve ainsi le rôle
cosmique qu'elle dut avoir très tôt et que lui attribuent encore
les bandeaux extérieurs sud du grand temple de Dendara. Le
signe de l'or que l'on voit figurer souvent, à l'époque tardive
surtout, sous le signe du million et qui est inscrit de tout
temps sous les cartouches royaux, est ainsi un facteur de
durée infinie et de nature divine. La couleur jaune, substitut
de l'or, qui flamboie si souvent dans les tombes royales et
qui domine si nettement dans la niche axiale de la salle du
sarcophage chez Ramsès VI, par exemple, a la même valeur
et doit être étudiée dans ce sens. On voit les répercussions
multiples de ces remarques. Dans l'application d'une idée, les
anciens Égyptiens allaient. jusqu'à l'extrême limite de ses
conséquences. Il faut donc étudier avec grand soin tous les
cas particuliers d'application. Outre les renseignements qu'ils
nous donneront sur l'emploi de l'or ou de ses substituts,
couleur ou signe, ils nous permettront de mieux saisir la
psychologie égyptienne et de comprendre dans une certaine mesure
sur quels principes ils fondaient leur connaissance.
Les revêtements d'or de leurs monuments, qu'ils
s'appliquent aux statues divines seulement ou aux bas-reliefs
représentant l'allaitement ou la naissance, ou bien aux
colonnes végétales qui représentent le développement de la
vie, deviennent maintenant très clairs et ce n'est pas un pur
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