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COURS DE
DIDACTIQUE DU FRANÇAIS LANGUE
ÉTRANGÈRE
12 dossiers
(Cours et exercices)
Enseignant superviseur
Jorge M’Banze
Université Pédagogique
Maputo, Mozambique
Deuxième année
Index
Index..................................................................................................................................................................1
1
INTRODUCTION
La didactique des langues étrangères est une discipline dont le domaine d'étude, la méthode et la
terminologie ne sont pas toujours précises et, de ce fait, non fixées définitivement.
Cela sans doute parce qu'elle dérive de disciplines plus anciennes comme la grammaire, la rhétorique ou la
pédagogie et, plus récemment, la sociologie et diverses technologies, mais aussi parce qu'elle reste une
discipline qui se construit d'un point de vue scientifique, et ce bien que les spécialistes -théoriciens et
praticiens- aient largement contribué, ces soixante dernières années, à en délimiter le champ et en préciser
les démarches.
L'utilisation du sigle FLE (Français Langue Étrangère) s'est généralisée ces dernières années, pour devenir
une discipline à part entière, enseignée dans de nombreuses universités, soit en tant que formation
principale, soit en tant qu'option (mention FLE) dans un cursus. Discipline à part ent ière en effet, puisqu'elle
pose des hypothèses théoriques, propose des méthodologies et/ou des orientations pédagogiques. Elle est
source de débats et polémiques aussi diverses que variées.
Si ce cours ne constitue qu'une introduction aux problèmes soulevés par la didactique du FLE, nous nous
attarderons toutefois à la dimension purement historique de cette discipline ou, plus précisément, à ses
principales théories, ainsi qu'à ses principales options méthodologiques. Avant toute chose, on se doit de
déterminer ce qu'est la didactique du FLE. Le terme même de didactique est sujet de nombreuses études qui
tentent de le définir aussi précisément que possible, notamment en le distinguant d'autres termes techniques
existants, tendant ainsi à donner à cette discipline la place qu'elle mérite dans l'ensemble des sciences du
langage.
Dans ce cours, nous désignerons par « didactique du FLE » l'articulation de plusieurs interventions, qu'elles
soient théoriques, méthodologiques ou pratiques, interventions qui font aussi bien appel à diverses
disciplines - des sciences humaines et sociales en particulier - qu'à la classe concrète. En effet, une telle
didactique contient non seulement des réflexions, mais aussi des propositions et des réalisations. C'est
pourquoi aujourd'hui toute élaboration méthodologique dans le domaine du FLE trouve ses points de départ
dans différents domaines de la connaissance tels que :
- Les sciences du langage et de la communication (analyse de la conversation, lexicologie, phonétique,
sociolinguistique, pragmatique)
- Les sciences de l'éducation
- La sociologie
- La psychologie
- L’anthropologie
-–
Cette élaboration méthodologique ne peut être fondée que sur une vision correcte des publics auxquels on
souhaite enseigner le FLE ainsi que des conditions d'apprentissage, et qui se doit, d'une part, d'alimenter la
diffusion d'orientations méthodologiques et, d'autre part, de produire des instruments de travail, tant pour les
formateurs d'enseignants que pour les formateurs eux-mêmes. Ces instruments de travail ne sont pas
utilisables tels quels dans la classe de FLE, comme nous le verrons, mais doivent servir à élaborer des
matériels à finalité pratique tels que manuels d'apprentissage, cours de langue, outils audiovisuels.
Cette démarche essentielle de la didactique est souhaitable, puisqu'elle doit être inscrite dans les matériaux
proposés aux professeurs de français, qu'il s'agisse d'une méthode pour débutants ou apprenants d'un niveau
avancé, ou encore - et surtout - dans l'organisation même des différentes activités d'enseignement /
apprentissage. L'objectif de ce cours est précisément d'aider le futur enseignant à analyser à la fois la
cohérence et la pertinence didactiques des outils, qu'il les choisisse ou non.
Ainsi que nous le constaterons tout au long de ce cours, la didactique du FLE est une discipline sans cesse
2
en mouvement. En effet, de nombreuses hypothèses et, par là même, d'orientations méthodologiques et
d'outils coexistent et se disputent les faveurs des enseignants. C'est l'ensemble de ces hypothèses et
orientations qui constituent la didactique du FLE.
Cours 1
LES DIFFÉRENTES APPROCHES DIDACTIQUES
Objectifs :
Afin de pouvoir se « forger » sa propre méthodologie, l'enseignant de langue, au fur et à mesure de son
apprentissage du métier, devra connaître les différentes approches didactiques qui ont précédé celle(s) en
vigueur aujourd'hui. L'objectif de ce cours n'est pas de remonter quelques cinquante siècles d'histoire de
l'enseignement, ce qui fera l'objet d'un cours ultérieur, mais de « survoler » quelques méthodologies. Ainsi,
grâce à un panel d'idées et de pratiques que la didactique des langues met à sa portée, l'enseignant ou le futur
enseignant trouvera une importante source de réflexion.
Le tableau ci-dessous « résume » en quelque sorte cette histoire. Il est certes critiquable, dans la mesure où
il pourrait donner à penser que l'on n'a pu passer d'une approche didactique à l'autre qu'en faisant table rase
des précédentes. Il est vrai que des directives pédagogiques, données aux enseignants, ont parfois clairement
interdit ou au contraire autorisé certaines démarches (c'est le cas du recours à la langue maternelle 1 , par
exemple). Cependant, dans l'ensemble, le libre arbitre de l'enseignant, ses affinités et ses observations ont
souvent prévalu.
1
Se dit de la première langue parlée par un individu, souvent celle de sa mère ou du pays où il est né.
3
Public Débutants Débutants Débutants Débutants Débutants Débutants
visé adolescents adolescents et adolescent adolescents adolescents et adolescents
et adultes, adultes, scolaire s et et adultes, adultes, et
scolaire ou ou général adultes, scolaire ou scolaire ou adultes,
général scolaire ou général général scolaire,
général général ou
spécifique
Théories Pas de Empirisme et Linguistiq Linguistique Linguistique
sous- théorie associationnisme ue pragmatique 2 , pragmatique
jacentes précise structurale psychopédagog
ie, psychologie
cognitive 3
Statut de Détenteur Détient le Technicien Il anime et est Il anime,
l'enseigna du savoir, il savoir, anime,Détient le de la centré sur élabore des
nt le transmet mime et parle savoir et le méthodologi l'apprenant supports et
verticaleme savoir- e est centré
nt faire sur
technique l'apprenant
(magnétop
hone et
laboratoire
de langue)
Place de Essentiellem Priorité à l'oral. Priorité à Priorité à Oral et / ou
l'oral et de ent de Importance de la l'oral Priorité à la l'oral, passage écrit selon
l'écrit l'écrit, phonétique langue à l'écrit très les objectifs
éventuellem parlée rapide
ent
oralisé
2
Partie de la linguistique qui étudie les rapports entre la langue et l'usage qu'en font des locuteurs en situation de communication
(étude des présuppositions, des sous-entendus, etc.). En didactique des langues, se dit de la démarche descriptive qui détermine
les conditions de la communication verbale.
Les concepts suivants sont généralement considérés comme étant les plus importants :
- Le concept d'acte (parler pour accomplir des actions).
- Le concept de contexte.
- Le concept de performance (accomplissement de l'acte en contexte).
3
Branche de la psychologie qui étudie les processus cognitifs chez l'homme, et dont les développements ont beaucoup influencé
les recherches en intelligence artificielle. C'est aussi l'étude scientifique des activités psychologiques supérieures : perception,
attention, mémoire, langage, processus intellectuels.
Ses méthodes sont expérimentales, mais elles sont guidées par des modèles de la cybernétique. Par ses thèmes et ses méthodes, la
psychologie cognitive diffère, en fait, des courants psychologiques qui s'intéressent de façon dominante à l'affectivité, à la
personnalité, à la subjectivité ainsi qu'à leur pathologie.
4
Place de la Énoncé des démarche Exercices Conceptualisa Conceptuali
grammaire règles, inductive et structuraux Grammaire tion sation et
illustrations implicite, , de inductive de points de systématisat
et d'après substitutio implicite grammaire ion, puis
traduction l'observation des n ou de avec suivie de exploitation
des formes et les transforma exercices de formulation s
exemples comparaisons tion après réemploi du
donnés. avec la langue mémorisati des fonctionneme
Vérification maternelle on de la structures en nt par
à l'aide structure situation, l'apprenant et
d'exercices modèle. par 'explications
de versions Pas transpositio par
et de thèmes d'analyse n l'enseignant
ni de
réflexion
Richesse Celui des D'abord concret, Il est Limité aux Riche et varié, Riche et
du textes puis secondaire mots les selon les varié,
vocabulair progressivement par rapport plus documents appliqué
e abstrait aux courants authentiques aux besoins
structures et langagiers
les besoins spécifiques
langagiers
Supports Textes Environnement Dialogues Dialogues Supports
d'activités littéraires et concret puis, pédagogisé présentant la authentiques Supports
autres, progressivement s et parole et supports authentiques
grammaires, , des textes enregistrés étrangère en pédagogisés, et supports
dictionnaires situation, écrits, oraux pédagogisés
accompagné et visuels. , écrits,
s Dialogues oraux et
d'images visuels.
Dialogues
Au fur et à mesure que nous analyserons les différentes méthodologies proposées dans ce cours, il ressortira
que si la didactique est actuellement netteme nt centrée autour de l'approche communicative, en revanche la
production des exercices s'avère largement éclectique, avec même une dominante pour les exercices
systématiques. Cette constatation nous oblige à faire un bref historique de l'évolution du FLE,
particulièrement en ce qui concerne les différentes conceptions de la langue (place de la grammaire, du
lexique–), de la civilisation, de l'erreur, des activités proposées aux apprenants et du rôle de l'enseignant.
Nous pensons en effet que cet historique permettra à chacun de situer les activités proposées en classe dans
une perspective diachronique 4 et synchronique 5 .
4
Est dite diachronique ou historique une étude linguistique qui se fixe pour objet l'évolution de la langue, c'est-à-dire qui cherche
à mettre en évidence les rapports reliant des termes successifs non aperçus par une même conscience collective, et qui se
substituent les uns aux autres sans former système entre eux.
Par exemple, est diachronique l'étude montrant comment on est passé d'une négation par ne à une négation par ne…pas,
ne…point, etc., puis à un système où pas est l'élément déterminant.
Alors que la linguistique synchronique (voir ce mot) s'efforce de mettre en évidence des relations d'ensemble à un moment donné,
la linguistique diachronique recherche des filiations ponctuelles à travers le temps.
5
Est dite synchronique une étude linguistique qui se fixe pour objet un état de langue donné (présent ou passé), sans tenir compte
de l'évolution qui a pu conduire à cet état. Dans une approche synchronique, la langue est toujours considérée comme un tout
5
! !! ! Note : on désignera, tout au long de ce cours, L1 pour « langue de l'apprenant » et L2 (ou langue
seconde) pour la langue enseignée (dans notre cours, le français).
Exercices cours 1
Question n°1
Dressez l'historique des méthodologies de l'enseignement des langues étrangères, de la plus ancienne à la plus moderne.
Question n° 2
Autour de quelle approche la didactique est-elle centrée actuellement ?
Question n° 3
Qu'est-ce que la diachronie ?
Question n° 4
Qu'est-ce que la synchronie ?
Cours 2
LA MÉTHODE NATURELLE
Objectifs :
Cette méthode est très certainement la plus ancienne. Malgré ce fait, c'est aussi la plus pratiquée en dehors
de la classe. Elle se fixe pour objectif de parvenir à reproduire certaines des conditions dans lesquelles on
acquiert une langue au contact de ceux qui la parlent, et ce aussi naturellement que possible.
Elle n'utilise ni traduction, ni explications grammaticales, mais uniquement un véritable « bain linguistique
». La méthode naturelle n'est une méthode que lorsqu'elle s'inscrit dans une relation d'enseignement, c'est- à-
dire un professionnel natif de L2, et un ou plusieurs apprenants désirant ou étant obligés d'apprendre cette
langue.
Cette méthode fut utilisée pendant plusieurs siècles par des esclaves, des domestiques, des nurses et des
précepteurs placés auprès des enfants de l'aristocratie européenne (latine, anglaise, allemande et française
principalement) et qui, le plus souvent, ne possédaient nulle autre compétence que d'être natifs de L2.
Voici quelques années, c'est cette méthode que l'on s'est attaché à mettre en œuvre dans les écoles
ayant un certain degré de cohérence comme système en fonctionnement à un moment donné, indépendamment de l'évolution
historique propre de tel ou tel élément du système.
Alors que la linguistique diachronique s'intéresse à des filiations ponctuelles dans le temps, la linguistique synchronique s'efforce
de mettre au jour des relations d'ensemble à un même instant.
Le choix d'une approche synchronique est en général accompagné d'une hypothèse immanente et structurale : la langue que l'on
étudie à un moment donné (en synchronie) est supposée former un tout structuré, dont le fonctionnement peut s'expliquer de
l'intérieur, sans appel à des considérations historiques ou extralinguistiques. Cette façon de procéder ne constitue pas une négation
de l'histoire, mais la définition d'une autre approche possible.
On terminera par noter que la linguistique synchronique est en général descriptive.
6
maternelles françaises et dans les jardins d'enfants allemands, par l'échange d'instituteurs ou d'institutrices
francophones et d'animateurs / animatrices de jardins germanophones. Il s'agissait simplement d'amener les
enfants à jouer, chanter, échanger, en quelque sorte, « vivre » un tant soit peu dans la « langue du maître ».
C'est encore cette méthode qui justifie les séjours linguistiques dans le pays où la L2 est pratiquée, qu'utilise
« naturellement » quelconque formateur en charge d'un apprenti étranger, ou le professeur d'une école de
langue payé pour passer un certain temps avec un seul apprenant avec pour unique consigne de n'utiliser que
la L2.
Il semble évident que, lorsqu'il est en mesure de le faire (c'est-à-dire qu'il en a la compétence), l'enseignant
peut donner une traduction de ce qu'il dit, fournir des explications d'ordre grammatical ou encore suivre une
quelconque progression, mais le simple fait d'interagir en L2, de faire des choses en commun dans cette
langue, de refuser l'usage de la L1, conduit à acquérir des rudiments de la L2. Il arrive même parfois que, si
le temps consacré à cet apprentissage et si l'engagement personnel de l'apprenant sont importants, une réelle
compétence soit acquise dans la L2.
La méthode dite naturelle est fondée sur le constat que deux personnes (quelles soient enfants ou adultes)
qui ne partagent pas la même langue peuvent, dans certaines situations d'échange, communiquer de manière
relativement efficace. Certains gestes liés à des émotions, certaines mimiques, l'environnement immédiat
dans lequel elles se trouvent, les actions et les réactions des partenaires, toute une partie du non verbal de la
communication permet de comprendre et de réemployer à bon escient le verbal de la L2 qui s'y insère. Dans
ce cas, la L2 s'acquiert alors comme on a acquis, enfant, sa L1 (langue maternelle), c'est-à-dire à travers de
multiples interactions avec ceux qui la parlent.
Cela suppose que tout être humain possède, génétiquement en quelque sorte, ce que l'on appelait au
XVIIIème siècle un langage naturel, ou ce que certains linguistes actuels appellent un dispositif inné
d’acquisition des langues. Ce dispositif permet d'acquérir n'importe quelle langue pour peu que l'on soit
contraint de se maintenir en communication avec ceux qui la pratiquent, et ce quels que soient la race, le
sexe, l'âge, le lieu de naissance. En conclusion, on pourrait dire que ce qui rend la méthode naturelle
possible est à la base de toutes les autres, qui n'en apparaissent dès lors que comme des rationalisations. Il
s'agit de sélectionner et de coordonner les procédés les mieux aptes à développer ou, du moins, à ne pas
entraver cette faculté naturelle.
Exercices cours 2
Question n° 1
Par qui la méthode naturelle fut-elle utilisée autrefois ?
Question n°2
Où la méthode naturelle a-t-elle été utilisée il y a quelques années, et dans quel but ?
Question n°3
Sur quels constats la méthode naturelle est-elle fondée ?
7
Cours 3
LA MÉTHODE TRADITIONNELLE
OU
MÉTHODE GRAMMAIRE / TRADUCTION
Objectifs :
Cette méthode fut d'abord appliquée à l'apprentissage du grec et au latin. Elle suppose, pour l'enseignant,
une connaissance parfaite de la langue maternelle de l'apprenant. En effet, elle exige non seulement que
l'enseignant ait une bonne connaissance de la langue qu'il est chargé d'enseigner, mais aussi qu'il soit
capable d'en expliquer, partiellement au moins, le fo nctionnement interne, et d'en traduire les énoncés en
langue maternelle. Cette méthode suppose donc un savoir en L1 (en être natif ne suffit plus) et un certain
bilinguisme 6 langue maternelle / langue enseignée, même si celui-ci n'est pas toujours équilibré.
La forme des premières leçons est généralement la suivante : l'enseignant énonce et éventuellement explique
en langue maternelle [L1] une ou plusieurs règles de grammaire relatives à la langue enseignée [L2], en
l'illustrant avec des exemples en langue maternelle et en langue enseignée. Il recourt donc à une
terminologie grammaticale particulière même si elle est simplifiée, terminologie qui met en jeu une certaine
conception du langage, des langues et de la manière de les décrire.
Généralement, cette conception ne déroute pas les apprenants dans la mesure où elle leur est familière : c'est
6
Pratique courante de deux langues par un individu ou une collectivité.
Cette définition, très générale, renvoie en fait à des situations extrêmement diverses, à tel point que certains spécialistes préfèrent
éviter l'utilisation de ce terme dans un sens générique et parlent plutôt de bilinguismes au pluriel, indiquant par là qu'aucune
situation de bilinguisme n'est réductible à une autre. Cependant, les phénomènes de bilinguisme sont en général étudiés en
fonction des trois grands types d'environnement dans lequel ils apparaissent : famille, société, école.
Du fait du nombre, de la complexité et de l'interaction des paramètres à prendre en considération, ils intéressent autant les
sociologues que les psychologues, linguistes, et, évidemment, didacticiens et responsables de systèmes éducatifs.
L'individu bilingue est, à proprement parler, celui qui « en plus de sa première langue, possède une compétence comparable dans
une autre langue et qui est capable d’utiliser l’une ou l’autre, en toutes circonstances, avec une efficacité semblable ».
Depuis plusieurs décennies, les travaux des scientifiques insistent sur les conditions d'acquisition du bilinguisme et mettent en
lumière les relations fortes qui existent entre ces conditions et le degré de maîtrise de chacune des deux langues concernées,
compte tenu du constat, désormais bien établi, que l'une des deux langues reste pratiquement toujours dominante par rapport à
l'autre.
Les notions de bilinguisme composé et de bilinguisme coordonné sont apparues en 1954.
Le bilinguisme composé, précoce, se développe lorsqu'un enfant est en contact prolongé avec deux langues au moment où, en
environnement monolingue, s'opèrerait l'acquisition de la langue maternelle. Le bilinguisme coordonné résulte de l'acquisition
d'une deuxième langue alors que la langue maternelle est déjà en place.
Bien que les conclusions d'études diverses, souvent marquées historiquement (colonisation, migration) et scientifiquement (non-
prise en compte de facteurs sociologiques), aient parfois été contradictoires, il importe de mentionner le consensus qui se dégage
des nombreuses études récentes visant à évaluer les effets du bilinguisme sur l'intelligence : être bilingue peut procurer des
avantages énormes, non seulement en termes de capacités langagières, mais aussi quant au développement cognitif et social. Il est
en effet reconnu que la maîtrise réelle de deux langues facilite grandement les apprentissages linguistiques ultérieurs.
Quant au bilinguisme de société, il est très répandu dans le monde. Il renvoie à la coexistence, dans un même espace
géographique et politique, de personnes ayant pour première langue des langues différentes. Cette coexistence a souvent une
dimension historique dans la mesure où, à un moment donné de l'histoire du pays, une langue a été imposée. La survivance de ce
type de bi- voire de plurilinguisme est donc fortement marquée par des facteurs très divers d'ordre culturel, économique et socio-
politique.
8
celle qu'ils ont apprise à propos de leur langue maternelle. Pour leur permettre de saisir le sens des exemples
donnés en L2, l'enseignant les traduit, le plus souvent mot à mot, en L1. Ensuite, on vérifie l'apprentissage
de ces règles données et de ces équivalences linguales (par exemple : un garçon = um rapaz [portugais]) par
des exercices de thème (traduction de L1 vers L2) et de version (traduction de L2 vers L1 ), exercices
d'abord appliqués à des phrases isolées proches des exemples présentés, puis progressivement à des
ensembles de phrases le plus souvent extraites de textes littéraires. La version est généralement réputée plus
facile que le thème.
Ici, l'enseignement / apprentissage porte essentiellement sur les formes écrites de la L2, ou sur l'oralisation
de ces formes, parce que :
- Ce sont elles qui sont prises en compte dans les descriptions grammaticales traditionnelles.
- Cette méthode a été d'abord été appliquée à des langues qui n'étaient plus tout à fait « vivantes » (le grec et
le latin).
- L'objectif ultime n'est pas tant d'apprendre à parler la L2 comme on la parle que de faciliter l'accès à des
textes rédigés dans cette langue.
Cette méthode semble avoir dominé en Europe pour l'enseignement des langues vivantes dès la fin du
XVIème siècle et au XVIIème siècle. Contestée au siècle suivant, elle a connu son plein épanouissement au
XIXème siècle, en particulier en Allemagne, et a continué à être ut ilisée une bonne partie du XXème siècle.
C'est toujours elle qui inspire les programmes dans de nombreuses universités et on en retrouve des
éléments dans les manuels de langue les plus récents. Cela montre bien qu'elle résiste aux critiques dont elle
n'a cessé d'être l'objet de la part des pédagogues et des didacticiens.
En effet, on a largement critiqué son efficacité : 8 à 10 ans d'enseignement (à raison de 5 à 6 heures par
semaine) ne suffisent souvent pas à développer une réelle compétence en L2, que ce soit à l'oral ou à l'écrit.
A quoi il est répondu que là ne réside pas l'objectif de la méthode, qui est de former l'esprit des apprenants
par une réflexion méthodique sur sa langue et sur celle qu'il apprend. Les procédés qu'elle utilise ont eux
aussi été contestés :
- La compréhension des règles grammaticales, même formulées en langue maternelle, demeure toujours «
incertaine », et une bonne connaissance de ces règles n'est pas une condition suffisante pour pratiquer
correctement la langue sur laquelle elles portent.
- La traduction mot à mot et les équivalences lexicales entre langues sont des approximations contestables et
parfois inductrices d'erreurs, pour la simple raison qu'il n'existe quasiment pas d'équivalence parfaite entre
deux mots relevant de langues différentes.
- En début d'apprentissage, la version et le thème ne sont pas de véritables opérations de traduction, parce
que celle-ci implique un bilinguisme qui n'est pas encore acquis par les apprenants. Quand on parle une
langue, et même quand on l'écrit, on ne se réfère pas constamment à une description grammaticale et la
connaissance des règles constitue souvent une entrave.
Il reste que la méthode grammaire / traduction n'en perdure pas moins dans l'enseignement scolaire et
universitaire, sans doute pour des raisons plus institutionnelles que purement didactiques.
Exercices cours 3
Question n° 1
A quelles langues la méthode traditionnelle fut-elle d'abord appliquée ?
Question n° 2
Que suppose la méthode traditionnelle ?
9
Question n° 3
Quelle est le schéma d'une leçon de la méthode traditionnelle ?
Question n° 4
Quels sont les types d'exercices de traduction ?
Question n° 5
Pourquoi la méthode traditionnelle porte-t-elle surtout sur les formes écrites ?
Question n° 6
La méthode traditionnelle est-elle toujours d'actualité ? Pourquoi ?
Question n° 7
Pour quelles raisons la méthode traditionnelle est-elle critiquée ?
Cours 4
LA MÉTHODE LECTURE / TRADUCTION
Objectifs :
Très souvent, cette méthode est confondue avec la précédente. Pourtant, ses initiateurs ont toujours
combattu la méthode grammaire / traduction en refusant, dès le début, d'enseigner des règles grammaticales
portant sur la L2. Selon eux, l'enseignement explicite des régularités grammaticales de la L2 en début
d'apprentissage est inutile pour la simple raison que les apprenants ne peuvent saisir cet enseignement qu'en
faisant référence à ce dont ils ont déjà l'expérience, c'est-à-dire leur L1. On ne peut donc pas leur demander
de réfléchir sur ce qu'ils ne connaissent pas encore. Selon les initiateurs de cette méthode, la pratique doit
donc précéder la réflexion.
Cette pratique, cette familiarisation avec la L2, les apprenants peuvent l'acquérir par une fréquentation
assidue de textes étrangers présentés sous leur forme originale ou sous une forme adaptée, et qu'ils
comprendront à l'aide d'une traduction en L1 fournie par l'enseignant ou par le manuel. Ces textes sont
généralement des « morceaux choisis » de prose ou des « documents authentiques » dont les références et le
contenu ne sont normalement pas trop déroutants.
Les textes peuvent être oralisés ou non tant par l'enseignant que par les apprenants. Ce qui importe, c'est
que, dans un premier temps, la compréhension en L2 l'emporte sur l'expression dans cette langue, qu'elle
soit écrite ou orale. Ce n'est que lorsque les apprenants se seront suffisamment familiarisés avec la L2 à
travers lectures et traductions que l'on commencera à leur donner des explications grammaticales sur cette
langue, explications qui les aideront à l'écrire et à la parler, en s'appuyant sur l'expérience accumulée
antérieurement.
Dès lors, on constate aisément les différences avec la méthode grammaire / traduction. Certes, dans les deux
cas il y a traduction, mais appliquée ici dès le début à des textes, le plus souvent authent iques, et non à des
phrases ou à des mots isolés sélectionnés par l'enseignant. Il n'y a pas - ou peu - d'explications
grammaticales. De même, il n'y a pas d'exercices de grammaire systématiques dans la première étape : en
effet, le savoir grammatical est conçu comme un simple « adjuvant » destiné à aider l'apprenant dans ses
tentatives ultérieures de production en L2.
10
Nous l'avons dit, cette méthode est ancienne. Pourtant elle n'a pas de dénomination précise. Pour preuve,
celle que nous lui donnons est rarement utilisée. Du Marsais 7 , qui la préconisait au XVIIIème siècle,
l'appelait méthode raisonnée, et certains de ses défenseurs méthode par traduction intra linéaire, parce que
les manuels s'en inspirant présentaient les textes étrangers avec une traduction en L1 placée entre les lignes,
traduction mot à mot avec des blancs ou des tirets pour les mots existant dans une langue et pas dans l'autre.
A la même époque, l'abbé d'Olivet8 et bien d'autres la conseillaient sous les noms de méthode par la lecture
ou de méthode par la double version, parce qu'avant de proposer aux apprenants une traduction non littérale
en L1 (« version de la pensée »), on leur proposait une traduction littérale intra linéaire du texte étranger,
lequel était remanié dans l'ordre de ses mots pour le rendre plus proche de L1 (« version des mots »). Ces
démarches ont alors été appliquées tant au latin qu'aux langues vivantes par tous les didacticiens et
pédagogues quelque peu novateurs.
Vers les années 1920, les entreprises défendues par des enseignants anglo-saxons sous le nom de reading
method (méthode par la lecture) paraissent s'inscrire dans le même courant, bien que la L2 y soit d'abord
introduite sous forme orale, qu'on y accorde une plus grande place au contrôle de l'acquisition du
vocabulaire, et que la justification en soit d'ordre plus fonctionnel que psychologique ou philosophique. En
effet, il s'agissait prioritairement d'apprendre à lire des textes rédigés dans une langue que l'on n'aura pas à
pratiquer réellement.
On retrouve ici un raisonnement qui a été actualisé, ces dernières années, sous les noms de français
instrumental ou de français fonctionnel. Il s'agit, avant tout, de développer rapidement une compétence de
lecture de textes en L2 relevant de la spécialité ou des intérêts spécifiques du public auquel on s'adresse. On
part donc d'une analyse des besoins des apprenants (par exemple, un public d'économistes peut avoir besoin,
professionnellement, de lire des textes économiques dans une langue qu'il ne connaît pas), on travaille sur la
L1– En somme, on tente de réactiver en L2 les compétences de lecture et du domaine concerné acquises en
L1.
On retrouve encore certains procédés de la méthode lecture / traduction dans les leçons de certaines
méthodes telles Assimil bien qu'on y parte de dialogues élaborés par les concepteurs et non de textes
authentiques. La traduction donnée par le manuel, ou par l'enseignant, y reste toutefois prépondérante et les
explications grammaticales n'y sont pas systématiques mais au cont raire introduites dans un second temps
en fonction des points abordés dans les dialogues ou
des besoins des étudiants, c'est-à-dire sans suivre une progression grammaticale rigoureuse.
La méthode lecture / traduction n'a jamais été véritablement adoptée par l'enseignement officiel secondaire
ou supérieur européen, et ce bien qu'elle ait été « inventée » par des philosophes et des grammairiens
éminents (Du Marsais, entre autres). On pourrait s'en étonner.
7
Pédagogue, grammairien et philosophe français (1676-1756). En 1722, il publia une Exposition d’une méthode raisonnée pour
apprendre la langue latine et, en 1730, le Traité des tropes, ouvrages qui l'amenèrent à collaborer à l'Encyclopédie pour les articles
de grammaire et de philosophie.
Sa méthode pour apprendre le latin fut contestée, mais le Traité des tropes, qui constitue une synthèse des problèmes
fondamentaux de la rhétorique et le premier ouvrage systématique traitant de la sémantique lexicale, lui valut de nombreux
adeptes. Ses articles dans l'Encyclopédie constituent un ensemble significatif de textes sur la philosophie du langage.
8
Grammairien français (1682-1768). Jésuite, il quitta la Compagnie avant d'avoir prononcé ses vœux définitifs pour se consacrer
à ses travaux sur la langue et la littérature. Il publia notamment une Histoire de l’Académie en 1729 et des Essais de grammaire
en 1732.
11
Toutefois, l'une des raisons le plus fréquemment admise est que cette méthode relativise, voire met au
second plan, le savoir académique reconnu, et particulièrement le savoir grammatical. On retiendra
d'ailleurs que les critiques relatives à cette méthode portent sur ce point : on se prive en effet d'un
enseignement méthodique de la morphosyntaxe 9 de la L2, enseignement jugé primordial par tous les
tenants de la méthode grammaire / traduction.
Par ailleurs, avec ce type de méthode, l'apprenant continue à « penser » en L1, et ce d'autant plus que le
domaine traité relève de leur compétence professionnelle, et il apprend la L2 comme une sorte de surcodage
de sa L1. En effet, l'apprenant développe une simple habileté à repérer dans les textes étrangers ce qu'il
connaît déjà. Il est vrai que cette méthode demeure très souvent discrète sur le passage à l'expression, parce
que sa démarche ne peut manquer d'y multiplier les interférences et les erreurs.
Néanmoins, il reste que cette méthode peut être motivante dans la mesure où elle donne aux apprenants
l'impression qu'ils peuvent « affronter » des textes en L2 de difficulté comparable à ceux qu'ils ont
l'habitude de pratiquer en L1, mais aussi parce que par son dispositif même, elle permet de moduler le
contenu du cours en fonction des publics, puisqu'il suffit de changer les textes de départ.
Exercices cours 4
Question n°1
Dans la méthode lecture / traduction, par quels moyens les apprenants se familiarisent-ils avec la langue étrangère ?
Question n°2
En quoi la méthode lecture / traduction diffère -t-elle de la méthode grammaire / traduction ?
Question n°3
Sous quels noms la méthode lecture / traduction fut-elle appelée autrefois ?
Question n°4
Quel est l'objectif de la méthode lecture / traduction ?
Question n°5
Pour quelle(s) raison(s) la méthode lecture / traduction n'a-t-elle jamais été véritablement adoptée ?
Question n°6
Quelles critiques sont-elles faites à propos de la méthode lecture / traduction ?
Question n°7
En quoi la méthode lecture / traduction peut-elle être motivante pour les apprenants ?
Cours 5
LA MÉTHODE DIRECTE
Objectifs :
Cette méthode peut être interprétée comme une sorte de réaction contre la précédente, et plus précisément
contre la traduction « magistrale » qu'elle préconise.
9
Étude du domaine circonscrit par les fonctions relevant à la fois ou alternativement de la morphologie et de la syntaxe.
C'est aussi l'étude de la combinaison des morphèmes (lexicaux et grammaticaux) à l'intérieur des mots, des unités lexicales, des
syntagmes.
12
En effet, son originalité est que l'enseignant utilise, dès la première leçon, la seule L2 en s'interdisant de
recourir à la langue maternelle de l'apprenant [L1] : il enseigne directement la L2 en s'appuyant dans un
premier temps sur les gestes, les mimiques, les dessins, les images, l'environnement immédiat de la classe–
Progressivement, il le fait au moyen de la L2 seulement.
Généralement, le cours commence par une prise de contact où l'enseignant salue les apprenants et se nomme
en L2 avant de faire comprendre qu'ils doivent, à leur tour, le saluer dans cette langue en adaptant ses
phrases à son propre cas. Par exemple, à la phrase « Bonjour, je m’appelle X, je suis le professeur »,
l'apprenant doit répondre « Bonjour, je m’appelle Y, je suis un(e) élève ».
Ensuite, on apprend à nommer ou à décrire en L2 les choses et les actions qui peuvent être observées dans la
salle de classe, à travers un échange enseignant / apprenant du type suivant :
l'enseignant montre de la main ou exécute une action en disant en L2 « Regardez, c’est une chaise », « je
marche » ou « j’ouvre la fenêtre », puis il demande en montrant de nouveau le même objet ou en exécutant
la même action : « Qu’est-ce que c’est ? » ou « Qu’est-ce que je fais ? », questions auxquelles les apprenants
sont supposés répéter : « C’est une chaise », « Vous marchez ».
Il s'agit là de la première « étape », celle des mots « concrets » (c'est-à-dire se référant à des réalités que l'on
peut montrer ou mimer. Cette étape est nécessairement orale et met en jeu le corps, dans des activités qui
imitent les échanges naturels mais qui restent très artificielles.
Plus tard, on passe à des réalités qui ne sont plus présentes dans la classe ou qu'on ne peut mimer aisément,
mais que l'on peut dessiner au tableau ou observer sur des images, avant d'introduire, essentiellement à l'aide
de mots appris antérieurement qui permettent d'en préciser le sens, les mots « abstraits » et les textes,
littéraires ou non, où ils apparaissent. Ainsi peut-on développer un apprentissage de L2 sans que l'enseignant
ait recours à la langue maternelle. Mais cela ne signifie pas que les apprenants n'y font pas appel
mentalement.
Avec cette méthode, les règles grammaticales ne peuvent être explicitées dès le départ en langue maternelle
puisque l'enseignant s'interdit de l'employer. Elles ne peuvent non plus être explicitées en L2, puisque les
apprenants n'ont appris de cette langue que des mots concrets. On se borne donc, en ordonnant au tableau ou
dans le manuel les phrases ou les formes déjà pratiquées par les apprenants, à suggérer visuellement qu'il
existe des constructions caractéristiques de la L2. Des séries d'exemples bien choisis doivent permettre à
l'apprenant d'induire la règle et ce, sans que l'enseignant ait à l'expliquer ou à la formuler.
Cette démarche de grammaire inductive dite implicite semble avoir été pratiquée très tôt en ce qui concerne
le français langue étrangère. En effet, dès le XVème siècle, on trouve des manuels qui réduisent au
maximum l' « appareillage terminologique » et les explications métalinguistiques pour n'offrir aux
apprenants que des tableaux d'exemples et autres regroupements de formes dont la disposition et
l'ordonnancement internes sont supposées être suffisamment « parlants » en elles-mêmes sans qu'on ait à en
rendre compte explicitement.
Dans la méthode directe, l'enseignant ne traduit donc pas en L1 mais s'appuie d'abord sur ses propres
productions orales (d'où l'importance des transcriptions phonétiques dans presque tous les manuels). Par
contre, une description grammaticale de la L2 est peu à peu introduite implicitement. La progression suivie
dépend directement des procédés pédagogiques utilisés : on commence par les mots concrets parce que l'on
13
peut montrer à quoi ils renvoient, et ces premiers mots appris permettent d'en introduire de nouveaux plus
abstraits.
Cette méthode offre un autre avantage : elle permet d'enseigner une L2 à des apprenants qui n'ont pas de L1
commune et sans que l'enseignant connaisse cette L1. Elle sollicite simultanément l'oreille, la vue, les
mouvements corporels, les interactions constantes– même si elles sont artificielles. C'est une méthode qui se
veut « active » et qui conçoit les activités d'apprentissage non pas purement analytiques, mais « globales »
(engageant le corps et l'esprit des apprenants).
La méthode directe a pris son essor en Europe dans la seconde moitié du XIXème siècle après avoir été «
théorisée » par les didacticiens. Elle fut recommandée dans les instructions officielles françaises dès 1890,
et ce fut elle que préconisa le premier congrès international des langues vivantes de Vienne à la fin du
siècle. On en trouve toutefois des éléments beaucoup plus tôt dans l'histoire de la didactique des langues, en
particulier chez le didacticien tchèque Comenius 10 qui, dès 1658, proposa un manuel (avec des images)
dans lequel les mots de la L2 sont insérés dans des phrases décrivant les scènes représentées, et qui
recommande de nombreux exercices de lecture et de conversation à travers lesquels la grammaire peut être
apprise de manière inductive sans « abus » d'explications.
En fait, cette méthode exige beaucoup de l'enseignant. En effet, même lorsqu'il s'appuie sur un manuel, il
doit s'engager, y compris corporellement, dans son enseignement : il doit retenir les mots et les
constructions déjà introduits afin de les réutiliser à bon escie nt pour expliquer les mots nouveaux, et il doit
solliciter constamment les échanges avec les apprenants, parce que c'est à travers ces échanges que ceux-ci
apprennent. Si elle exclut la traduction en L1 pour l'enseignant, elle est loin de l'exclure pour le s apprenants,
surtout lorsque l'on travaille non sur des phrases mais sur des mots isolés : l'objet désigné et nommé en L2
par l'enseignant est alors identifié par l'apprenant au moyen d'un mot de sa L1, et c'est entre ce mot «
familier » et la forme étrangère perçue qu'il établit une équivalence, très proche de celle donnée en
grammaire-traduction. De plus, l'apprenant ne peut pas toujours vérifier si sa « traduction » est juste. Par
exemple, si l'enseignant montre son oreille, plusieurs « interprétations » peuvent s'attacher à ce geste :
- « C’est une oreille »
- « Écoutez »
- « Je ne vous entends pas »
- « Parlez plus fort »
-–
Le jeu des questions-réponses amène à pratiquer une L2 assez différente de celle réellement utilisée par les
natifs dans leurs conversations : on s'en tient, du moins au début, à une langue purement descriptive de
réalités, qu'on n'a d'habitude pas besoin de décrire, puisqu'elles sont présentes dans l'environnement.
En conclusion, on dira que la méthode directe est la première mé thode qui prenne réellement en charge les
langues vivantes dans leur oralité interactive et leur « globalisme » et qui souligne que, dans la progression
10
Jan Amos LOMENSKY, dit Comenius (nom latinisé).
Écrivain et humaniste tchèque (1592- 1670). Après des études en Moravie (partie orientale de la République tchèque) puis en
Allemagne, il fut nommé professeur, puis ordonné prêtre. En 1631, il publia La Porte ouverte sur les langues, ouvrage
pédagogique qui lui apporta une renommée mondiale. En 1632, il continua son œuvre de pédagogue en écrivant la Grande
Didactique.
Ses conceptions humanistes, tendant à l'union des hommes dans une fraternité universelle aboutissant à une fédération des
peuples, font de lui un précurseur de la pensée moderne et l'un des fondateurs de la pédagogie.
14
d'enseignement, ce qui est important, c'est moins l'échelonnement et la répartition, au fil des leçons, du
vocabulaire et de la morphosyntaxe de L2, que la réutilisation constante de ce qui est appris pour apprendre
du nouveau.
Exercices cours 5
Question n°1
Quelle est l'originalité de la méthode directe ?
Question n°2
Quelles sont les différentes étapes de la méthode directe ?
Question n°3
Quelle est la place de la grammaire dans la méthode directe ?
Question n°4
Quel avantage la méthode directe offre-t-elle ?
Question n°5
Où et quand la méthode directe a-t-elle été utilisée ?
Question n°6
Pourquoi la méthode directe exige-t -elle beaucoup de l'enseignant ?
Question n°7
Quels sont les points positifs de la méthode directe ?
Cours 6
LA MÉTHODE AUDIO -ORALE
Objectifs :
D'origine nord-américaine, cette méthode porta d'abord plusieurs noms dont celui de « New Key »
(«Nouvelle clé»). Cette dénomination est particulièrement révélatrice des certitudes de ses inventeurs. En
fait, comme nous allons nous en rendre compte, cette méthode était moins nouvelle par ses procédés que par
« l'appareillage » conceptuel servant à la présenter, « appareillage » emprunté à la linguistique structurale
(nous sommes à une époque où l'enseignement / apprentissage des langues relève de la linguistique
appliquée11 ) et à la psychologie béhavioriste.
11
La linguistique a rapidement trouvé des applications dans divers domaines, notamment dans celui des langues : traduction,
planification ou aménagement linguistique, enseignement et apprentissage des langues maternelles et secondes.
Il existe actuellement plusieurs associations nationales et une association internationale de linguistique appliquée (A.I.L.A.).
Centré, à l'origine, sur les applications proprement dites de la linguistique scientifique, le mandat de ces associations a évolué
rapidement vers des conceptions élargies impliquant également des applications de la psychologie, de la sociologie, de
l'ethnologie, de l'informatique, à l'objet d'étude. Même si elles portent toujours l'étiquette de linguistique appliquée, ces
associations réunissent beaucoup moins de linguistes que de traducteurs, de psychologues, de sociologues, d'éducateurs,
enseignants intéressés par les applications à un champ d'intérêt commun. Dans le cas de l'enseignement-apprentissage des
langues, ce champ porte aujourd'hui le nom de didactique des langues.
15
Cette méthode connut un immense succès aux États-Unis durant une quinzaine d'années, entre 1950 et 1965,
date à laquelle elle fut introduite en France, justement à un moment où elle commençait à être délaissée
outre-Atlantique. De manière générale, on peut la présenter comme étant une réaction à la méthode
grammaire / traduction qui s'était en partie imposée en Amérique : il ne s'agissait plus d'enseigner à lire et à
écrire en L2, mais d'enseigner à comprendre, à parler, à lire et à écrire dans cette langue, c'est-à-dire de
développer dans cet ordre, en commençant par les aspects oraux, les quatre habiletés (ou skills 12 ») sans
lesquelles il est impossible de posséder parfaitement une langue.
La méthode audio-orale s'inspirait de deux expériences didactiques antérieures. L'une avait été menée par
des spécialistes réputés avant la guerre pour enseigner les langues indiennes. L'autre, entreprise pendant la
guerre pour former rapidement des spécialistes aptes à comprendre et à parler les langues des champs de
bataille mondiaux, s'inspirait de la précédente.
Les leçons y étaient centrées sur des dialogues de la langue courante, élaborés par les concepteurs, mais
différents du dialogue interactif à visée strictement pédagogique de la méthode directe, dialogues qu'il fallait
mémoriser parfaitement avant de s'efforcer de comprendre le fonctionnement grammatical des phrases les
composant, en s'aidant d'ouvrages de grammaire portant sur la L2 (mais également sur la L1) et
d'explications magistrales. Ayant ainsi appris quelques répliques et ayant « compris » leur construction
interne, l'apprenant était alors invité à les réutiliser, si possible en les recombinant entre elles et en
recombinant leurs éléments lexicaux et grammaticaux selon les règles de la description grammaticale
enseignée.
Chaque classe disposait d'un professeur linguiste, personne apte à fournir des explications grammaticales ou
autres en L1 sur L2, et un « moniteur » natif de L2 qui servait de modèle pour présenter les dialogues, et de
répétiteur pour les faire apprendre par cœur. Le cours comprenait deux à trois sessions de cinq à six
semaines chacune, à raison de 15 heures par semaine d'explications (grammaticales ou autres) sur la L2 et
sur le pays où elle est appliquée (civilisation), 15 heures de répétitions ou de réemplois avec le moniteur, et
une vingtaine d'heures de travail individuel (lecture, révisions, exercices), soit au total une cinquantaine
d'heures par semaine.
On peut supposer que le caractère extrêmement intensif de cet enseignement / apprentissage, la motivation
des apprenants qui savaient qu'ils allaient bientôt devoir partir dans le pays dont ils apprenaient la langue,
l'émulation suscitée par des sessions en petits groupes et la compétence des deux enseignants jouèrent, dans
les résultats obtenus, un rôle plus grand que les procédures utilisées. En effet, dialogues à apprendre par
12
Mot emprunté à l'anglais, et qui désigne une aptitude, innée ou acquise, à se livrer à une activité donnée. Il s'agit donc d'un
savoir-faire autant que d'une aptitude naturelle.
Les spécialistes anglo-saxons de linguistique appliquée à l'enseignement des langues ont donné au mot un sens particulier pour
opposer dans le maniement du langage- ce qui semble davantage relever d'une capacité physiologique que d'une aptitude
intellectuelle ; La notion de « skill » est liée chez eux à une conception béhavioriste du langage, conception qui insiste sur
l'importance de la formation d'habitudes et sur le savoir-faire plus que sur le savoir. Le mot « skill » n'a pas de traduction
satisfaisante en français, aucune en tout cas qui se soit imposée dans la littérature spécialisée où le mot anglais est généralement
employé.
La méthodologie de l'enseignement distingue quatre « skills » fondamentaux dans l'apprentissage et l'utilisation d'une langue :
écouter, parler, lire, écrire.
Les deux premiers « savoir-faire » concernent l'oral, les deux autres l'écrit. Deux d'entre eux (écouter et lire) assurent la
compréhension [orale et écrite], les deux autres (parler et écrire) l'expression [orale et écrite]. L'ordre d'acquisition des quatre
skills indiqué ici est généralement préconisé dans l'enseignement moderne des langues vivantes, qui pose comme objectif
l'accession à une langue de communication.
On notera toutefois que, dans certaines méthodes audiovisuelles, l'écrire précède le lire, tant pour ce qui est de l'encodage et du
décodage de la graphie que pour l'apprentissage des caractéristiques syntaxiques et lexicales de l'expression écrite.
Actuellement, les deux skills oraux et les deux skills écrits sont très étroitement associés dans l'enseignement.
16
cœur et explications grammaticales portant sur la L2 et sur la L1 se retrouvent dans une multitude de
manuels, et ce depuis le Moyen-âge.
C'est cependant cette méthode qui suscita ce qui allait devenir la méthode audio-orale, principalement parce
qu'elle montrait qu'il était possible d'apprendre à comprendre et à parler une L2 dans un temps relativement
court et sans exiger de grandes capacités intellectuelles.
Linguistes et didacticiens entreprirent donc d'en adapter certaines procédures à un enseignement moins
intensif et pouvant être proposé à un plus grand nombre d'apprenants.
Dans la méthode audio-orale, la L2 est présentée à travers des dialogues de langue courante, mais ceux-ci ne
sont plus répétés par un moniteur natif : ils sont enregistrés sur les premiers magnétophones bi-pistes (qui,
plus tard, seront regroupés en laboratoires de langues).
D'autre part, ces dialogues sont élaborés en fonction de la progression choisie : chaque réplique contient une
phrase dite « de base », c'est-à-dire ayant une organisation interne (une structure) qui servira de modèle aux
apprenants pour produire de nouvelles phrases par de simples opérations de substitution (lexicales ou
morphologiques) ou de transformation (pronominalisation, passivation–), assurant de la sorte la
généralisation de la structure apprise.
Ces phrases modèles, présentées parfois avec leur traduction en L1, parfois sans traduction (certains
théoriciens affirmant que la compréhension peut naître de leur seule répétition intensive), doivent, dans une
dernière étape, être apprises par cœur. Mais l'apprenant n'est plus ensuite invité à lire et à discuter une
description grammaticale de L2 avec son professeur- linguiste : on lui demande simplement de pratiquer de
manière intensive des substitutions et des transformations, guidé par quelques exemples préparatoires, sur
les structures de base apprises : ce sont les exercices structuraux 13 . Ces exercices, en raison de répétitions
rapides qu'ils exigent, sont censés renforcer les structures apprises avec le dialogue de départ, les fixer et «
automatiser » les opérations de substitution et de transformation qui, devenues de nouvelles habitudes, des
comportements, permettront à l'apprenant de généraliser son apprentissage au-delà de ce qu'il a appris.
Pour que cet apprentissage se développe facilement, il est nécessaire que la « matière » à apprendre (et
particulièrement les structures) soit soigneusement graduée : on enseignera tout d'abord les structures
supposées les plus productives en L2, ou celles qui entraîneront le moins d'interférences entre L2 et L1,
c'est-à-dire le moins d'erreurs en L2 liées aux habitudes acquises en L1. En outre, on veillera à ne pas «
alourdir » l'apprentissage par des leçons trop riches lexicalement ou grammaticalement : il s'agit de
progresser petit à petit afin que l'apprenant puisse bien « fixer » une structure, ou une opération portant sur
elle, avant d'en apprendre une autre.
La méthode audio-orale tire l'essentiel de son originalité des exercices structuraux et de la progression
rigoureuse que ceux-ci impliquent. Les traditionnels tableaux de conjugaison ou les listes pronominales
disparaissent des manuels : les variations désinentielles ou morphologiques sont désormais apprises par des
13
Les exercices de structures, ou exercices structuraux, ou encore la pratique audio-orale des structures est une technique de
fixation de ce que l'on a coutume d'appeler les règles de
grammaire.
Ils ont pendant longtemp s été les instruments privilégiés pour la fixation et la systématisation des structures morphosyntaxiques.
Leur objectif est de faire acquérir la maîtrise d'une structure par la mise en place d'automatismes créés par la répétition de
transformations structurales, à partir d'un modèle unique proposé au début de l'exercice.
Exemple :
Que dites-vous ? ( Je vous demande ce que vous dites)
Que faites-vous ? ( Je vous demande ce que vous faites)
Que voulez-vous ? ( Je vous demande ce que vous voulez)
Ce point sur les exercices structuraux sera largement développé dans la suite du cours.
17
exercices où les apprenants sont invités à « transformer » les temps ou à « pronominaliser »
systématiquement les noms d'une série d'exemples. On centre le travail sur la syntaxe de la phrase plus que
sur la morphologie ou le lexique, sans donner d'explications et sans demander aux apprenants une
quelconque analyse réflexive, en spéculant
sur les analogies formelles. Des séries d'exemples pratiqués intensivement, on espère que les apprenants
induiront, inconsciemment, les règles : sous une forme plus systématique, on retrouve la grammaire
inductive implicite recommandée par la méthode directe.
L'influence qu'a eue la méthode audio-orale tant en France que dans d'autres pays, et ce jusqu'en 1975, nous
paraît essentiellement liée à des facteurs non méthodologiques. Le fait que cette méthode a été élaborée,
dans les années qui ont suivi la dernière guerre, aux États-Unis, pays alors au sommet de sa puissance, ne
peut pas ne pas avoir joué un rôle. Et ce, d'autant plus qu'elle était présentée parée des prestiges de la
technique moderne (magnétophone et laboratoire de langue 14 ) et de sciences plus anciennes mais qui
connaissent alors un renouvellement et un rayonnement considérables :
- D'une part la linguistique, avec le structuralisme 15 américain.
- D'autre part la psychologie, avec le béhaviorisme.
Certes, les concepteurs s'étaient efforcés de fonder la méthode directe sur la psychologie naissante, mais
jamais jusqu'alors aucune méthode n'avait été présentée comme la simple application à l'enseignement /
apprent issage des langues de « découvertes » scientifiques, et donc, à l'époque, incontestables. Quel
enseignant aurait pu critiquer une méthode conçue par des chercheurs américains, appliquant les « lois » de
la science et faisant appel à une technique avancée ?
C'est pourtant ce qui arriva : la méthode audio-orale fut très tôt contestée non seulement aux États-Unis,
mais aussi en France par certains enseignants et didacticiens. Les exercices structuraux ennuyaient les
apprenants, et ceux-ci ne parvenaient pas à passer de la manipulation guidée des formes étrangères à leur
réemploi adéquat en communication réelle : on ne répond pas à un interlocuteur en opérant simplement une
substitution ou une transformation sur la phrase qu'il nous adresse. Par exemple, si à une phrase comme «
ferme la porte » on répond comme dans l'exercice « ferme-la », le « risque » communicatif est grand.
L'analyse contrastive n'évitait pas les erreurs : là où elle les présidait, elles n'apparaissaient pas toujours, et
là où elle n'en présidait pas, elles apparaissaient parfois. En outre, on constatait que des apprenants ayant des
L1 différentes commettaient tout de même les mêmes erreurs en L2 : il n'était donc pas possible de les
référer toutes à la L1 et les expliquer par de simples transferts d'habitudes d'une langue à celles d'une autre.
14
Dans le domaine des langues, au sens premier de « local conçu pour faire des expériences scientifiques », le mot « laboratoire »
ne devrait s'appliquer qu'au « laboratoire de phonétique », qui comporte en effet des appareils de mesure, d'enregistrement sonore
et d'expérimentation.
Mais avec l'expression laboratoire de langues, le sens s'est étendu aux différents équipements, non plus de recherche, mais
d'enseignement des langues.
Si les premiers laboratoires de langue ont utilisé l'électrophone (ou le phonographe, son ancêtre), les laboratoires actuels ont tous
comme dénominateur commun l'utilisation du
magnétophone pour la diffusion (et souvent l'enregistrement) du message sonore.
Il existe toute une gamme de laboratoires plus ou moins perfectionnés, depuis le modeste laboratoire « léger » audio-actif (ou
audio-correctif) avec un seul magnétophone et une série de
casques, jusqu'aux laboratoires à cabines les plus complexes et les plus luxueux. Sans entrer dans le détail des différents
équipements, il faut en distinguer deux grands types : les laboratoires de simple « auto-écoute » et les laboratoires «
d'enregistrement » (avec magnétophones individuels permettant une écoute différée).?L'un des avantages du laboratoire de
langues est de permettre une plus ou moins grande individualisation de la tâche à l'intérieur d'un groupe d'apprenants qui
travaillent simultanément ou séparément. Essentiellement destiné à l'étude audio-orale de la langue, il peut aussi être équipé en
appareils visuels collectifs ou individuels.
15
En linguistique, se dit d'une démarche théorique qui consiste à envisager la langue comme une structure, c'est-à-dire un
ensemble d'éléments entretenant des relations forme lles.
Synonyme : linguistique structurale (voir ce mot).
18
Mais la méthode audio-orale ne fut réellement délaissée que quand ce qui assurait son prestige fut « sapé » :
on se lassa du laboratoire de langues quand tout apprenant américain put posséder un magné tophone.
D'autre part, on se détourna peu à peu de la linguistique structurale 16 et de la psychologie béhavioriste au
moment où des linguistes comme Chomsky17 et des psychologues en eurent montré les limites et que leurs
critiques commencèrent à être connues.
Ce qui est pour le moins étonnant, c'est que la méthode audio-orale n'ait pas évolué. Peut- être en raison de
sa forte cohérence et d'une « théorisation » plus poussée qu'elle ne l'avait été pour les autres méthodes : une
méthode justifiée par des fondements scientifiques relevant de disciplines extérieures à elle-même ne peut
manquer d'être invalidée quand ces fondements le sont. Mais elle reste la première tentative réellement
interdisciplinaire d'approche de l'enseignement / apprentissage des langues, et en tant que telle elle a joué un
rôle important dans la redéfinition conceptuelle de ce champ.
Exercices cours 6
Question n°1
A quelle discipline la méthode audio-orale a-t-elle emprunté ses procédés ?
Question n°2
Qu'est-ce que le béhaviorisme ?
Question n°3
Quelle est la principale différence entre la méthode audio-orale et la méthode grammaire / traduction ?
Question n°4
Que sont les skills ?
Question n°5
De quelle expérience la méthode audio-orale s'inspire-t-elle ?
Question n°6
Dans la méthode audio-orale, de quoi le cours est-il composé ?
Question n°7
Quels éléments ont-ils joué un rôle déterminant dans la méthode audio-orale ?
16
La linguistique structurale propose une nouvelle méthode d'analyse du langage héritée implicitement des principes
fondamentaux du structuralisme. Ferdinand de Saussure est généralement reconnu comme le fondateur du structuralisme
linguistique. A cet égard, la grammaire se confond avec la linguistique structurale. Il s'agit d'une démarche scientifique visant la
description des faits linguistiques d'observation et la recherche des structures et des systèmes sous-jacents. De là sont issues les
distinctions concernant l'objet de la « nouvelle science » :
- Oppositions langue / parole, synchronie / diachronie, forme / sens, langue orale / langue écrite.
- Spécificité des systèmes phonologique, morphologique, morphosyntaxique, syntaxique, lexical, sémantique, stylistique.
- Différences entre fonctions linguistiques proprement dites et fonctions sociales, esthétiques ou éducatives des structures de la
langue.
De même, les méthodes d'analyse de l'objet sont devenues plus « objectives », c'est-à-dire essentiellement descriptives et
techniques : substitution, commutation, permutation, distribution, réseaux d'oppositions, niveaux structurels d'analyse, fonctions.
Diverses écoles à l'intérieur du structuralisme ont abouti à des types de grammaire plus ou moins différents dont les principaux
courants sont la grammaire distributionnelle aux États-Unis et la grammaire fonctionnelle en Europe.
La linguistique fonctionnelle, fondée par Nikolaï Troubetzkoy en 1939 a permis le développement d'une discipline essentielle, la
phonologie. Cette école est surtout représentée en France par André Martinet.
17
Linguiste américain, né en 1928. Dans ses principaux ouvrages (Structures syntaxiques [1957] et Aspects de la théorie
syntaxique [1965]), il a proposé un nouveau modèle de description du langage : la grammaire générative.
Le premier ouvrage révolutionna la linguistique, en proposant une description « générative », pour toute phrase, par une suite de «
règles de réécriture » aboutissant à une structure profonde et une suite de transformations conduisant à une structure superficielle
(celle que réalise phonologiquement la parole).
Dirigée contre le béhaviorisme, la théorie chomskyenne repose sur l'hypothèse de l'origine innée du langage et de l'universalité
des structures profondes.
19
Question n°8
Qu'est-ce qu'un laboratoire de langues et quels avantages procure-t-il ?
Question n°9
Dans la méthode audio-orale, comment les dialogues sont-ils élaborés ?
Question n°10
Que sont les exercices structuraux ?
Question n°11
De quels éléments la méthode audio-orale tire -t-elle son originalité ?
Question°12
A quels facteurs (autres que méthodologiques) la méthode audio-orale doit-elle son succès ?
Question n°13
Qu'est-ce que le structuralisme ?
Question n°14
Pour quelle(s) raison(s) la méthode audio-orale fut-elle contestée ?
Question n°15
Que savez-vous de Chomsky ?
Cours 7
LA MÉTHODE STRUCTURO-GLOBALE AUDIOVISUELLE (S.G.A.V.)
Objectifs :
Cette méthode s'est d'abord appelée la méthode Saint-Cloud Zagreb pour la simple raison qu'elle a été
élaborée conjointement, au début des années cinquante, par une équipe de l'École Normale Supérieure de
Saint-Cloud et par une équipe de l'Université de Zagreb (ex-Yougoslavie).
C'est pour bien marquer que les options méthodologiques de base l'emportent sur les techniques utilisées
(magnétophone et projecteur) que ses concepteurs l'ont par la suite dénommée structuro-globale
audiovisuelle. Mais cette expression [structuto- globale] n'a pas toujours été bien comprise, et nombre de
praticiens continuent à parler simplement de méthode audiovisuelle, ou plus rarement de méthode
situationnelle, ce qui est pourtant plus exact.
Tant dans ses procédures que dans ses options fondamentales, la méthode S.G.A.V. doit certainement plus à
la méthode directe qu'à la méthode audio-orale. Ceci n'empêche cependant pas de nombreux didacticiens,
peu attentifs ou peu instruits de ce qui les oppose, d'associer méthode S.G.A.V. et méthode audio-orale, ce
qui constitue un amalgame que ne justifient ni les techniques utilisées, ni les hypothèses sous-jacentes.
Certes, les deux méthodes se sont développées à peu près à la même époque (même si la première est de
quelques années antérieure à la seconde) et elles donnent l'une et l'autre la priorité à la langue parlée,
présentée au moyen de dialogues élaborés en fonction d'une progression fixée à l'avance (mais que
20
l'élaboration des dialogues conduit souvent à modifier) et non à travers le dialogue enseignant / enseignés
comme c'est le cas en méthode directe. Mais les similitudes s'arrêtent là.
Dans la méthode audio-orale, le plus souvent les dialogues ne sont qu'une présentation dialoguée de
certaines structures (morphosyntaxiques) de la L2, et l'accès au sens de leurs répliques est assuré, presque
toujours, par la traduction qu'en donne l'enseignant (ou le manuel) en L1.
Dans la méthode S.G.A.V., les dialogues prétendent à quelque chose de plus. Certes, ils servent à introduire
progressivement le lexique et la morphosyntaxe de L2, mais ce n'est pas là le point le plus important. Il
s'agit d'abord de présenter la parole étrangère en situation, c'est-à-dire dans des conditions plausibles
d'usage. D'où le recours aux images qui, même dans le premier manuel S.G.A.V. (Voix et Images de
France), ne servent pas tant à visualiser les réalités auxquelles renvoient les mots des répliques qu'à restituer
une partie de circonstances (spatiales, temporelles, psychologiques–) dans lesquelles elles peuvent être
échangées.
Ce qui est donné à regarder et à écouter aux apprenants, c'est une certaine représentation (même si elle reste
schématique) des usages de la parole étrangère dialoguée, et l'accès au sens de cette parole ne se fait pas par
la traduction, mais à partir de la situation visualisée, en s'appuyant sur les interactions des personnages, sur
leurs gestes et mimiques, sur les éléments du décor qui jouent un rôle dans l'échange.
La différence avec la méthode directe est qu'au lieu de s'inscrire dans l'environnement immédiat de la classe,
cette compréhension s'inscrit dans un environnement fictif, simulé audio-visuellement. Cette démarche
(comme nous l'avons vu pour la méthode directe) ne prévient pas toute équivalence littérale établie
silencieusement par les apprenants, mais elle présuppose que le sens, dans une langue donnée, naît des
rapports qui s'instaurent entre les circonstances de l'échange et le lexique utilisé.
D'autre part, la méthode audio-orale et méthode S.G.A.V. s'en tiennent l'une et l'autre à un enseignement
grammatical inductif implicite (les apprenants y induisent les régularités de la L2 à partir d'une pratique
méthodique de ses formes, sans que l'enseignant explique ces régularités), mais la première s'appuie sur les
exercices structuraux que les concepteurs de la seconde ont toujours récusé en tant que tels, même si
certains manuels S.G.A.V. en contiennent.
On n'y cherche pas à « automatiser » une structure morphosyntaxique par un jeu répété de stimuli 18 -
réponses, mais on cherche à faire réemployer par les apprenants les éléments des dialogues de départ dans
des situations différentes, afin que ces différences d'environnement les amènent à percevoir les régularités.
18
(Pluriel : stimuli). Dans une relation conditionnelle, le stimulus est l'élément qui déclenche la réaction attendue appelée réponse.
Par exemple, chez un chien conditionné, la sonnerie qui provoque la salivation est un stimulus.
Par extension, dans les exercices systématiques d'apprentissage qui se proposent de créer des automatismes de comportement, le
stimulus est le signal linguistique qui déclenche la réponse attendue.
Par exemple, dans un exercice ayant pour objet de conditionner la relation « hier – imparfait », du type :
- Aujourd’hui il fait beau (Question :), « et hier ? »
(Réponse) Hier il faisait beau aussi.
- Aujourd’hui il pleut, « et hier ? »
Hier il pleuvait aussi.- Aujourd’hui il y a du vent, « et hier ? »
Hier il y avait du vent aussi.
etc., le segment « et hier ? » joue le rôle de stimulus amenant l'apprenant à opérer automatiquement, comme par conditionnement,
le passage à l'imparfait, avec intégration d'une partie du stimulus (hier) et adjonction de l'élément aussi.
Cela dit, on sait que les fondements mêmes des théories de l'apprentissage linguistique par stimuli-réponse sont aujourd'hui remis
en question.
21
D'où l'importance dans les leçons audiovisuelles de l'exploitation et de la transposition, dont le principe
consiste à faire réutiliser ce qui est en voie d'acquisition dans d'autres situations que celles de la leçon, soit
déjà vues, soit inventées, soit correspondant au vécu des apprenants.
D'où les exe rcices de réemploi qui diffèrent des exercices structuraux classiques dans la mesure où ils en
contextualisent minimalement les énoncés. En fait, il s'agit toujours de dissocier le moins possible la
pratique méthodique des régularités grammaticales étrangè res des conditions dans lesquelles on peut en
faire usage : on parle alors de « grammaire en situation ».
Enfin, les dialogues de la méthode S.G.A.V. ne sont pas construits en fonction d'une progression contrastive
destinée, comme dans la méthode audio-orale, à prédire et à prévenir les interférences entre les habitudes de
la L1 et celles qu'il faut acquérir en L2. Au contraire, ces dialogues sont élaborés à partir d'enquêtes
statistiques sur la fréquence relative des mots utilisés oralement par les natifs de la L2 dans leurs échanges
quotidiens.
De ce fait, sont introduits prioritairement les mots et constructions les plus fréquents, parce qu'ils sont
supposés être les plus utiles, les plus « fonctionnels » en L2, et parce qu'ils sont aussi les plus intégrés
grammaticalement dans la langue. Par exemple, les verbes « être » et « avoir » sont introduits avant «
chanter » ou « parler », bien qu'ils soient beaucoup plus complexes morphologiquement.
Il apparaît donc que pour quelques critères méthodologiques, la méthode S.G.A.V. adopte des solutions
différentes de la méthode audio-orale. C'est principalement parce qu'elle est sous-tendue par des hypothèses
scientifiques peu conciliables avec le structuralisme.
Ce que les concepteurs du S.G.A.V. appellent structuro- global est, en effet, très différent de ce que les
distributionnalistes américains des années cinquante appelaient une structure ou un pattern. Il s'agit d'une
notion qui se démarque également de ce que Saussure 19 appelait la structure de la langue (c'est-à-dire un
système virtuel où tout se tient et où, en conséquence, les valeurs d'un élément du système sont
essentiellement déterminées par les oppositions et les relations qu'il entretient avec tous les autres éléments),
encore que le structuro- global s'inscrit dans le même mouvement philosophique et épistémologique 20 qui,
au début du vingtième siècle, a remis en cause le positivisme 21 , tant dans les sciences humaines que dans les
19
Linguiste suisse (1857-1913). Après des études classiques, il s'initia à Leipzig (Allemagne) à la linguistique (sanskrit, vieux
slave, iranien ancien). Enseignant à l'école des Hautes Études, il publia des travaux de linguistique historique qui fondaient une
méthodologie nouvelle. Ne désirant pas acquérir la nationalité française, il revint à Genève, où il fut professeur de sanskrit, de
grammaire comparée, puis de linguistique générale.
Son Cours de linguistique générale, reconstitué en 1916 à partir de notes de ses étudiants, pose les conditions d'une linguistique
pure, détachée de la philologie [étude d'une langue ou d'une famille de langues fondée sur l'analyse critiques des textes], et les
bases d'une science structurale du sens. On y trouve les grandes distinctions qui ont informé la linguistique du XXème siècle :
langue (système abstrait, fait social) et parole (réalité observable, individuelle) ; synchronie (domaine du fonctionnement)
distinguée méthodologiquement de la diachronie (domaine des évolutions). La langue y est considérée comme un système
(structure) de
différences, et la théorie du signe (signifiant / signifié), interprétée dans une perspective psychosociologique, alimente le projet
d'une science générale du signe ou sémiologie.
Son Cours de linguistique générale exerça une influence croissante sur la linguistique et la sémiologie, d'abord en Europe, puis
dans le monde, et bien au delà de la linguistique.
20
Adjectif : qui se rapporte à l'épistémologie.
L'épistémologie est l'analyse des axiomes (vérité non démontrable qui s'impose avec évidence), des hypothèses et des procédures,
voire des résultats, qui spécifient une science
donnée. En effet, elle se donne comme objectif d'examiner l'organisation et le fonctionnement des approches scientifiques et d'en
apprécier la valeur. Ainsi conçue, l'épistémologie ne saurait se confondre ni avec la méthodologie, ni avec la théorie de la
connaissance qui étudie, du point de vue philosophique, le rapport entre sujet et objet..
21
Se dit de tout système philosophique qui, récusant les a priori métaphysiques, voit dans l'observation des faits positifs et / ou
dans l'expérience l'unique fondement de la connaissance.
22
sciences de la nature.
Cette théorie, à l'origine psychologique, mais qui fut bientôt étendue aux phénomènes biophysiques, affirme
qu'un phénomène complexe ne doit pas être considéré comme une somme d'éléments à distinguer ou à
analyser, mais comme un ou plusieurs ensembles ayant leur autonomie et manifestant une solidarité interne
telle que l'élément ne préexiste pas à l'ensemble, mais qu'il est, en somme, constitué par lui.
Ce sont des présupposés voisins que le structuro-global met en jeu, mais ceux-ci ne sont plus appliqués à la
langue telle que la définit Saussure. Ils sont appliqués précisément à ce qu'il appelle la parole et qu'il exclut
de son champ d'investigation, parce qu'il la conçoit comme le simple usage individuel, et donc
généralisable, de la langue.
La notion de structuro-global implique une linguistique 22 de la parole en situation, celle-ci n'étant plus
conçue comme un phénomène individuel (et donc indéfiniment variable), mais comme un phénomène à la
fois individuel et social, c'est-à-dire un ensemble où il est possible de repérer méthodiquement des
invariants structurels.
De manière générale, il est possible de résumer le projet structuro-global comme une hypothèse sur la
manière dont tout sujet se structure lui- même dans et par le jeu de la parole en situation dialoguée, c'est-à-
dire à travers de multiples communications avec ses semblables. Cette parole s'appuie sur des moyens
verbaux (lexique, morphosyntaxe, phonétique) mais également et d'abord sur des moyens non verbaux :
- Rythme, intonation, intensité, tension.
- Gestes, mimiques, positions et dispositions spatiales du corps.
- Situation spatio-temporelle et contexte social
- Aspects interactionnels d'ordre psychologique et -surtout- affectif (image de soi, image de l'autre).
Il ne peut y avoir de communication orale qui ne mette en jeu ces moyens non verbaux.
C'est dans et par cette parole plurielle, socialisée en ce qu'elle est codée selon les us et coutumes propres à
chaque communauté, que se constitue le sujet parlant, parce qu'il ne peut en faire usage sans s'imposer et lui
imposer une structure qui, en retour, l'aidera à se structurer lui- même. Tout individu se construit ainsi
progressivement, à l'intérieur de la communauté qui est la sienne, en sujet pensant, socialisé, apte à négocier
verbalement et non verbalement du sens, à travers les
22
Étude scientifique du langage et des langues naturelles. On fait généralement mention de Ferdinand de Saussure comme ayant,
le premier, défini avec rigueur l'objet et les méthodes de la linguistique, en en marquant le caractère général, descriptif et
immanent [qui est intérieur à un être, à un objet, qui résulte de sa nature], face à des disciplines constituées comme la philologie,
la grammaire historique ou la grammaire comparée dont la démarche diachronique (voir ce mot) ou normative (dans certaines de
ses applications) ne paraît pas à Saussure suffisamment constitutive d'un champ d'analyse clairement déterminé.
La linguistique dite générale se fixe donc pour objet le phénomène social qu'est le langage, indépendamment de la diversité des
langues naturelles. Elle fait partie d'une « sémiologie », que Saussure considère comme à faire, et qui aurait pour propos l'étude
des divers signes (pas uniquement linguistiques) en usage dans la vie sociale.
La linguistique générale s'attache plus particulièrement à la langue, en tant que composante sociale du langage, et ne touche pas
Œdu moins chez Saussure- à la parole, manifestation individuelle, différenciée et fluctuante de la langue. De ce fait, la
linguistique générale se situe dans un double a priori : par rapport aux langues naturelles dans leur spécificité et par rapport à la
parole.
A la suite de Saussure, d'autres linguistes s'efforceront :
- Soit de définir davantage ce modèle de la linguistique générale ;
- Soit d'entreprendre la description de langues particulières ;
- Soit de s'engager dans une linguistique générale et particulière de la parole.
23
interactions constantes dans lesquelles il s'engage avec son environnement et son entourage. Il peut parler
parce qu'il a appris à le faire par les autres.
D'où la dénomination de global, parce que cet apprentissage suppose la coexistence simultanée et
interactio nnelle de tous ces facteurs verbaux et non verbaux, individuels et sociaux– D'où la dénomination
de structural, parce que cet apprentissage ne se développe que si l'apprenant se montre apte à restructurer
constamment la totalité de ces facteurs, lesquels mobilisent l'activité conjointe de tous les sens, et plus
particulièrement la vue et l'ouïe. D'où enfin les dénominations audio et visuel. Il en résulte que, d'un point
de vue linguistique, un mot, une expression ou une phrase n'ont de sens que dans leur situation particulière
de production et de perception.
C'est certainement une absence toute relative de théorisation clairement fixée qui explique que la méthode
S.G.A.V. se soit mieux adaptée que la méthode audio-orale à l'évolution de la didactique des langues. Son
principe de base (enseigner / apprendre la langue étrangère en situation) n'est pas incompatible avec une
linguistique redevenue plus attentive aux phénomènes sémantiques et communicatifs. Et la méthodologie
S.G.A.V. a pu ainsi évoluer en intégrant progressivement une partie des propositions nouvelles apparues
dans le champ de la didactique des langues des vingt cinq dernières années.
La méthode S.G.A.V. a été contestée, dès son origine, par les partisans des autres méthodes. Ceux de la
méthode grammaire / traduction, centrée sur l'écrit, ont parfois été scandalisés par la priorité donnée à un
français quotidien parlé non encore reconnu par les grammairiens et les lexicographes23 . Par exemple,
préférer enseigner en premier les interrogatives avec « est-ce que je peux… » plutôt que celles avec
inversion (« puis-je ? »), c'était préférer un « sous-français » (à la limite du familier) à un « français noble ».
Ces mêmes opposants n'admettaient pas non plus qu'on refuse méthodologiquement le recours aux facilités
de la traduction et au savoir impliqué par les explications grammaticales, et voulaient n'y voir qu'une «
méthode pour analphabètes » ou apprenants peu intelligents. Les tenants de la méthode audio-orale lui ont
reproché de ne pas être assez systématique dans la visualisation du sens des mots étrangers (l'image étant
conçue par eux non comme une mise en situation mais simplement comme une sorte de « traduction »
visuelle), et surtout dans l'enseignement des régularités grammaticales.
Dès lors, dans cette perspective, certains manuels de FLE tenteront une synthèse de la méthode S.G.A.V. et
de la méthode audio-orale, en partant de dialogues dont chaque réplique est illustrée aussi précisément que
possible et en centrant l'exploitation sur des exercices structuraux.
Les mêmes spécialistes ont également critiqué une progression fondée sur des enquêtes statistiques relatives
à la seule L2, en prétendant qu'il s'agissait là d'une démarche universaliste, c'est-à-dire d'une démarche qui
contraint tous les publics à apprendre les éléments de la L2 dans le même ordre, à laquelle ils opposaient la
démarche contrastive audio-orale, sans parvenir d'ailleurs à l'intégrer réellement dans leurs manuels.
Ces tentatives de rapprochement entre S.G.A.V. et audio-oral ont, quelques années plus tard, facilité les
critiques de certains didacticiens français qui se sont bornés à appliquer au S.G.A.V. les critiques que les
didacticiens anglo-saxons faisaient de l'audio-oral, et ce en dépit des divergences existant entre les deux
méthodes.
23
Spécialiste de lexicographie. La lexicographie est la discipline dont l'objet est la connaissance et l'étude d'une langue
déterminée, et qui vise en particulier à l'élaboration de dictionnaires.
24
Malgré ces critiques, la méthode S.G.A.V. ne s'est pas moins développée : elle permet d'apprendre,
relativement rapidement, à communiquer oralement (en face-à-face et dans des situations conventionnelles :
salutations, transactions diverses–) avec des natifs de la L2.
Cependant, elle permet beaucoup moins aisément d'apprendre à comprendre ces natifs quand ils parlent
entre eux, ou quand ils s'expriment dans leurs médias (radio, télévision, journaux). C'est que la langue que
ces natifs utilisent diffère de celle des dialogues de départ (toujours plus régulière, plus normée, quoi
qu'aient pu dire les puristes) et que, surtout, les conditions de production et de réception présupposées
connues des lecteurs et des auditeurs habituels des médias ne sont pas celles qui apparaissent dans les
situations des manuels.
En effet, celles-ci doivent être assez générales pour que les apprenants soient en mesure de comprendre ce
qui s'y passe et ainsi accéder au sens des signes de la L2. Les fondateurs de la méthode S.G.A.V. étaient
conscients de cette banalisation culturelle, c'est pourquoi ils ont cherché à développer tout un matériel (films
en particulier) visant à donner aux apprenants des informations plus précises sur la culture de la L2, mais
celui-ci a rarement été intégré aux pratiques des manuels, du moins ceux de la première génération.
Voix et Images de France fut le premier ensemble pédagogique audiovisuel qui ait été réalisé d'après les
théories S.G.A.V. Cet ensemble fut ébauché vers 1955, un an après la publication du Français élémentaire
qui allait devenir, en 1959, le Français Fondamental premier degré. Ce dernier s'appuyait sur des listes
lexicales et grammaticales d'enquêtes statistiques.
Les toutes premières leçons furent testées, parfois sans leurs images correspondantes, dans des classes de
réfugiés politiques se trouvant en France et souhaitant apprendre un français quotidien suffisant pour y
vivre. Les thèmes de certains dialogues trouvent d'ailleurs là leur raison d'être, de même que l'attention
relativement secondaire accordée aux problèmes de civilisation : ceux à qui l'on s'adressait vivaient en
France et avaient de nombreuses occasions de réutiliser en dehors de la classe ce qu'ils apprenaient.
C'est suite à ces expériences que fut publiée, en 1958, une première version de Voix et Images de France.
Chacune des 32 leçons qui composent alors cette méthode comprend trois dialogues portant sur un même
centre d'intérêt :
- Le premier, dit « sketch », introduit, en contexte dialogué, les mots et expressions.
- Le second, appelé « mécanismes », porte plutôt sur la grammaire. Cet exercice a pour but d'entraîner les
apprenants au jeu des mécanismes grammaticaux de
base, à travers des situations présentées en images. C'est une grammaire essentiellement « fonctionnelle ».
Ces concepts de « grammaire » et de « mécanismes » ne sont pas définis avec plus de précision : la réelle
originalité de la méthode, par rapport à la méthode audio-orale, se trouve d'ailleurs là, ainsi que dans
l'emploi méthodique des images qui doivent permettre de faire étudier le français sans recourir à un excès
d'analyse et en évitant la traduction littérale.
- Le troisième dialogue, qui reprend ce qui a été vu dans les deux précédents, insiste surtout sur la
phonétique.
Les concepteurs de la méthode recommandent de travailler de manière intensive (au moins deux séances de
25
deux heures par semaine), avec un effectif maximum de vingt apprenants, et d'utiliser, en dehors de ces
séances, le magnétophone ou le laboratoire de langues pour un travail plus individualisé. On retiendra que
ne sont condamnés que l'excès d'analyse grammaticale et la seule traduction littérale.
Cette première version sera remaniée avant d'être republiée, en 1961, avec une préface qui fait état de six
ans d'expériences et de réflexions antérieures, et qui précise les fondements de la méthode. Il s'agit
d'enseigner la langue étrangère « comme un moyen vivant de communication ». Il faut comprendre ici que
le langage est avant tout un moyen de communication entre les êtres et les groupes sociaux et qu'il constitue
le code de nos relations.
Les concepteurs de ce manuel affirment chercher à enseigner dès le début la langue comme un moyen
d'expression et de communication faisant appel à toutes les ressources de notre être : attitudes, gestes,
mimiques, intonations et rythmes du dialogue parlé.
En 1961, aux trois dialogues de la version primitive sont ajoutées des conversations destinées à aider
l'enseignant dans son exploitation du sketch : il s'agit d'un jeu de questions-réponses entre l'enseignant et les
apprenants, à propos de leur contenu, qui n'est pas sans rappeler la méthode directe.
Ces conversations ne réapparaîtront pas dans la troisième édition de Voix et Images de France parue en
1971. Seuls les dialogues des sketches y sont repris, la correction phonétique se faisant à partir de ceux-ci et
l'exploitation conseillée différant sensiblement de celles proposées dans les éditions antérieures. Cette
édition reprend la préface de 1961 et en ajoute une seconde qui montre bien, par rapport à la précédente,
l'évolution des normes d'utilisation.
A titre d'exemple, voici comment la préface de Voix et images de France, dans l'édition de 1962, décrit une
explication possible de deux répliques de la leçon 15, présentées sur les trois images suivantes :
Le professeur part de l'image 2, montre la chaise, dessinée dans une bulle avec la serviette sur son dossier et
demande :
- Qu’est-ce que c’est ? Certains apprenants répondent : -
C’est une chaise (le mot a été vu précédemment). Il montre la serviette, avec le même jeu de question-
réponse (le mot serviette a été vu à la leçon 14) et demande : - Où est la serviette ? pour obtenir :
- Elle est sur la chaise.
Puis il passe à l'image 3, où l'on voit dans la bulle la chaise et la serviette près de la fenêtre, et demande : Où
est la chaise ? en montrant la fenêtre, pour susciter :
- Elle est près de la fenêtre (mot connu depuis très longtemps).
Enfin, le professeur fait reprendre toute la phrase par la question :
- Où est la serviette de Monsieur Thibaut ?
26
Cette démarche est ainsi commentée par les auteurs : « partant du groupe sémantique global, en le
décomposant rapidement pour le restructurer aussitôt, le professeur s’assure que l’élève a bien compris les
éléments structuraux ».
On n'aura aucun mal à comprendre que, appliquée à chaque réplique, cette démarche puisse lasser et finir
par « déstructurer » l'acte de communication simulé. C'est pourquoi certains didacticiens, et particulièrement
ceux qui conseillent de commencer par la répétition, recommandent de ne pas trop « expliquer », mais au
contraire de s'en tenir à la mise en place situationnelle et à ce qui peut aider l'apprenant à préciser leur
perception de l'énoncé.
Exercices cours 7
Question n°1
Que signifie le sigle S.G.A.V. ?
Question n°2
Quels sont les points communs entre la méthode S.G.A.V. et la méthode audio-orale ?
Question n°3
Quel est le rôle du dialogue dans la méthode S.G.A.V. ?
Question n°4
Qu'est-ce qu'un stimulus ?
Question n°5
Comment le vocabulaire et les constructions grammaticales sont-elles introduites dans la méthode S.G.A.V. ?
Question n°6
Que savez-vous de Saussure ?
Question n°7
Qu'est-ce que le positivisme ?
Question n°8
Dans la méthode S.G.A.V., sur quels éléments la parole s'appuie-t-elle ?
Question n°9
Pour quelle(s) raison(s) la méthode S.G.A.V. a-t-elle été contestée ?
Question n°10
Quel est le principal avantage de la méthode S.G.A.V. ?
Question n°11
Quel est le principal inconvénient de la méthode S.G.A.V. ?
Question n°12
Que savez-vous du premier manuel S.G.A.V. ?
Cours 8
LA MÉTHODE COMMUNICATIVE
Objectifs :
27
Actuellement prévaut la méthode « moderne » de troisième génération, dite « communicative » (notionnelle,
fonctionnelle ou interactive). On conçoit cette fois-ci la langue en situation, en contexte. Il y a une véritable
centration sur l'apprenant. Le professeur n'enseigne plus mais fabrique une démarche adaptée en fonction
d'objectifs prédéterminés qu'il se doit, autant que faire se peut, de « négocier » avec les apprenants qui, pour
leur part, sont au centre du système enseignement / apprentissage. Les supports utilisés sont variés et plus ou
moins authentiques. Les pratiques grammaticales se font selon une démarche déductive et avec le souci
d'un enseignement aussi attractif que diversifié.
On constate donc que chaque méthode a sa logique et se donne les moyens pour être en phase avec celle-ci.
L'approche communicative, qui tient compte des apports des autres disciplines, tend à diversifier ses
méthodes (nous allons le voir plus loin), supports et contenus, considérant qu'aucun apprenant et qu'aucun
enseignant n'est semblable à un autre.
Connaissant les présupposés qui sous-tendent les différentes méthodologies, chacun aura le loisir d'en
choisir tel ou tel aspect en fonction de sa situation d'enseignement / apprentissage. Il nous semble en effet
que prêcher pour telle ou telle méthode plutôt qu'une autre sous le seul prétexte que « ça ne se fait plus »
serait une erreur. Un enseignant quelque peu expérimenté saura que, par exemple, la mémorisation (des
formes verbales, du lexique–) est loin d'être d'une pratique inutile et marginale.
Si nous nous proposons d'analyser plus longuement ci-dessous l'approche communicative, c'est pour la
simple raison que la quasi-totalité des manuels de langues qui
paraissent aujourd'hui en sont les réalisations concrètes.
Les acquis de l'approche communicative
Après un bref examen des différentes approches didactiques, est- il possible de prétendre que certaines
pratiques sont définitivement acquises ? Et peut-on parler de certitudes en ce domaine ?
On est tenté de répondre que c'est à chaque enseignant d'en décider. En effet, dans sa pratique quotidienne
de classe, chacun expérimente - avec ou sans succès d'ailleurs - telle ou telle démarche, et fera siennes celles
qui ont « fait leurs preuves ».
Depuis quelques années, nombre de spécialistes pensent que les conditions sont réunies et que la
conjoncture est favorable à un véritable « changement de cap » en didactique des langues.
Si cela était réellement le cas, pourrait-on parler de véritables acquis méthodologiques suscités par
l'approche communicative ? Et dans quels champs se situeraient- ils ? C'est précisément ce que nous allons
tenter de montrer en considérant quelques-uns des principes retenus dans cette approche.
24
Langue, autre que la langue maternelle, qui est l'objet d'apprentissage.
28
Claude Germain [in Évolution de l’enseignement des langues : 5000 ans d’histoire] « se déroule à l’intérieur
de l’individu et qui est susceptible d’être avant tout influencé par cet individu. Le résultat de l’apprentissage
est moins le produit de ce qui a été présenté par l’enseignant ou le matériel didactique utilisé que le produit
conjoint de la nature des informations présentées et de la manière dont cette information a été traitée par
l’apprenant lui- même. »
C'est dire aussi que l'apprentissage ne s'effectue pas seulement à l'intérieur du cadre de la classe, et que
l'enseignant ne doit pas tenir pour négligeables les connaissances antérieures de l'apprenant, même débutant,
ou les connaissances qu'il peut acquérir à l'extérieur du lieu d'apprentissage.
Un enseignement communicatif des langues privilégie les besoins linguistiques, communicatifs et culturels
exprimés par l'apprenant. Les progressions lexicales et grammaticales ne sont pas déterminées à l'avance.
Tout en respectant les outils linguistiques de base sans lesquels l'apprenant ne pourrait s'exprimer,
l'approche communicative introduit du lexique et des structures grammaticales, quelles que soient leur
fréquence ou leur complexité, au fur et à mesure des besoins exprimés ou de leur apparition dans des
documents authentiques.
Quelques remarques :
- Pour certains apprenants se pose alors le problème de la difficulté de structurer et de maîtriser la masse
d'informations linguistiques et culturelles reçues. C'est
à l'enseignant que revient le devoir de systématiser certaines de ces informations (par des explications, des
exercices de réemploi et / ou des activités de structuration des acquis).
- Au contraire, d'autres apprécieront le rythme et l'efficacité d'un apprentissage qui leur demande beaucoup
mais ne leur fait pas perdre de temps. Leur motivation n'en sera alors que plus forte.
L'enseignement de la compétence de communication
Les diverses composantes de la compétence de communication varient selon les théoriciens qui ont cherché
à la définir. Elle peut cependant s'analyser sous la forme de quatre composantes :
- La compétence linguistique. Elle comprend les quatre aptitudes linguistiques de compréhension et
expression orales et écrites (skills), en fonction de la connaissance des éléments lexicaux, des règles de
morphologie, de syntaxe, de grammaire sémantique et de phonologie 25 nécessaires pour pouvoir les
pratiquer. A l'heure actuelle, on oppose les compétences de réception et les compétences de production.
- La compétence sociolinguistique. C'est d'elle qu'est née la notion de situation de communication. Pour
communiquer, connaître les règles, le vocabulaire et
les structures grammaticales est une bonne chose, mais savoir les utiliser correctement, selon la situation de
communication dans laquelle on se trouve est beaucoup mieux. En effet, être capable de reconnaître cette
situation, c'est permettre à l'apprenant d'utiliser les énoncés adéquats à une situation donnée.
D'où le travail sur la reconnaissance de la situation : statut, rôle, âge, situation sociale, sexe, lieu– On répond
aux questions « Qui parle ? », « A qui ? », « Où ? », « Comment ? », « Pourquoi ? », « Quand ? »– Cette
reconnaissance est d'ordre culturel. Elle est liée au vécu quotidien de l'étranger dont on apprend la langue.
- La composante stratégique. Il s'agit des stratégies verbales et non verbales utilisées par le locuteur pour
compenser une maîtrise imparfaite de la langue ou pour donner plus d'efficacité à son discours.
- La composante discursive ou énonciative. C'est elle qui répond au « Pourquoi » de la compétence
sociolinguistique. Elle traite de la traduction en énoncés oraux ou écrits, de l'intention de communication qui
anime un locuteur. L'intention peut être d'obtenir des informations, de donner un ordre, de donner des
explications, de relater des faits– C'est la raison pour laquelle on sensibilise l'apprenant aux différents types
25
Étude des phonèmes, du point de vue de leur fonction dans une langue donnée et des relations d'opposition et de contraste qu'ils
ont dans le système des sons de cette langue.
29
de discours et à la notion d'acte de parole 26 .
Les activités communicatives
La plupart des activités de classe impliquent une intention de communication. Ce qui caractérise une activité
communicative, c'est que :
- Elle transmet de l'information : cela se produit lorsqu'une personne pose une question à une autre (par
exemple : « Comment t'appelles-tu ? ») et qu'elle ne
connaît pas la réponse.
- Elle implique un choix de ce qui est dit et de la manière de le dire : dans un exercice structural traditionnel,
le contenu et la forme linguistique sont prédéterminés, de sorte que l'apprenant n'est pas libre de donner une
réponse de son choix.
- Elle provoque une rétroaction : c'est par la réaction de son interlocuteur qu'un locuteur peut déterminer si
son objectif est atteint ou non.
Une nouveauté : le document authentique
La définition généralement admise du document authentique de quelque nature qu'il soit (écrit, oral, visuel
ou audiovisuel) est qu'il s'agit d'un document qui n'a pas été conçu à des fins pédagogiques.
Toutefois, l'opposition document pédagogique / document authentique n'est pas forcément pertinente. En
effet, on a pu dire que le document « authentique », donc « non pédagogique », s'est souvent révélé être le
document pédagogique par excellence.
Il comporte de nombreux avantages, exploitables dès les premiers moments de l'apprentissage :
- Le document authentique n'appartient pas au monde « scolaire » : sa nature est reconnue par les apprenants
comme faisant partie du monde réel. En effet, tout apprenant a vu, lu, écrit, entendu ou manipulé, dans sa
langue maternelle, des affiches, des prospectus de toutes sortes, des tracts, des modes d'emploi, des articles
de presse, des lettres, des chansons, des journaux ou documentaires télévisés, des films – Cette liste n'est
évidemment pas exhaustive. Le document authentique apparaît ainsi comme un objet privilégié de
comparaison des cultures.
- L'enseignant peut s'en procurer, mais il encouragera également les apprenants à en apporter en classe,
développant ainsi des habitudes de recherche et de
consultation personnelle, en dehors des cours, des matériels servant à l'apprentissage des réalités
socioculturelles de la langue étudiée.
- Le document authentique intervient sur l'organisation d'une progression parfois rigide en introduisant de
façon naturelle du lexique et des structures grammaticales en situation.
- Enfin, le document authentique favorise l'authenticité des interactions dans la classe de langue.
Remarques :
Il est parfois difficile de se procurer des documents authentiques lorsqu'on est loin de tout et que l'on
enseigne dans un milieu qui ne parle pas du tout cette langue (c'est le cas du Mozambique, pays lusophone
entouré de pays anglophones).
On doit cependant noter que le recours à des documents authentiques ne suffit évidemment pas pour
développer une véritable « pédagogie de l'authenticité ». En effet, celle-ci implique une réelle authenticité
d'interactions verbales en situation de communication dans la salle de classe.
Rôle de l'enseignant
Si elle n'exclut pas la rigueur, l'approche communicative n'est guère compatible avec une attitude directive.
26
Performances verbales envisagées sous diverses formes et qui démontrent les jeux de pouvoir ainsi que de persuasion entre
interlocuteurs lors d'un échange. Le statut des interlocuteurs et le contexte d'énonciation y sont considérés. Ainsi :
- L'acte locutoire est l'ensemble de ce que nous faisons en disant quelque chose (c'est le cas le plus courant des échanges verbaux).
- L'acte illocutoire est l'ensemble de ce que nous produisons en informant, en commandant, en avertissant (ce faisant, nous nous
intéressons au statut des interlocuteurs dont l'un prend l'initiative de l'échange).
- L'acte perlocutoire, ce que nous obtenons comme résultat en disant quelque chose (exemple : convaincre, persuader, interdire –)
est l'ensemble de ce que nous faisons.
Ajoutons que la notion d'acte de parole est au centre des approches communicatives.
30
L'enseignant qui aura pratiqué une réelle communication de personne avec ses apprenants, dans un rapport
de confiance réciproque, aura créé une relation pédagogique authentique. Il lui sera difficile, voire
impossible, de renouer avec une relation directive et dominatrice.
L'enseignant débutant pourra penser qu'il s'agit d'une question de dosage, entre une relation de type
autoritaire qui est censée forcer le respect et une attitude permissive, dont on pense qu'elle attire la
sympathie. Or, il n'en est rien. Au contraire. L'attitude de l'enseignant est certes fonction de sa personnalité,
mais surtout de la méthodologie qu'il applique.
Enfin, les activités pratiquées en approche communicative font appel aux capacités d'analyse et de réflexion
des apprenants. Le travail en petits groupes favo rise cette réflexion, notamment par les échanges qui se
créent entre les membres du groupe, qui, tous, par ailleurs, ont accepté l'objectif de l'activité qui leur a été
proposée. L'enseignant participe à cette réflexion car son rôle est de guider l'apprena nt vers la découverte.
Ce faisant, il a avec lui une attitude de « facilitateur ».
Mais ce n'est pas seulement en ce sens que l'on peut parler de grammaire communicative.
En effet, l'approche communicative s'intéresse aussi à la grammaire dite « en situation » : grammaire de
l'oral et de l'écrit, grammaire textuelle et grammaire situationnelle.
Le vocabulaire dans l'approche communicative
La question de l'introduction progressive du vocabulaire dans une perspective communicative est difficile à
résoudre. En effet, d'une part l'apprenant sollicite sans cesse de nouveaux outils lexicaux pour pouvoir
exprimer ce qu'il souhaite dire ou écrire et, par ailleurs, le travail sur des documents authentiques introduit
de façon non contrôlée une multitude de termes inédits dont le réemploi n'est souvent que très lointain, voire
inexistant.
Un apprenant organisé se constituera son propre dictionnaire, mais quel est l'enseignant qui peut se vanter
de n'avoir eu en classe que ce type d'apprenants ? Et combien de temps dure une telle organisation ? Nombre
d'entre eux, habitués à des approches plus traditionnelles ou dotés d'une mémoire visuelle, réclameront alors
des listes de vocabulaire : pourquoi les en priver si cela facilite leur apprentissage ?
Exercices cours 8
Question n°1
Définissez, en quelques mots, la méthode communicative
Question n°2
31
Quelles sont les composantes de la compétence de communication ?
Question n°3
Qu'est-ce qui caractérise une activité communicative ?
Question n°4
Qu'est-ce qu'un document authentique ?
Question n°5
Quels avantages offre le document authentique ?
Question n°6
Quel est le rôle de l'enseignant dans la méthode communicative ?
Question n°7
Quelle est la place du vocabulaire dans l'approche communicative ?
Cours 9
LA DIDACTIQUE DU FLE DU POINT DE VUE DE LA MÉTHODOLOGIE
Objectifs :
Les nombreuses dénominations qu'a connu l'enseignement / apprentissage des langues en général et du
français en particulier sont particulièrement révélatrices de l'évolution de celui-ci.
En effet, jusqu'au tout début du XXème siècle, cet enseignement s'est appelé art d’enseigner les langues. Ici,
le mot « art » doit être entendu comme ensemble de connaissances et de règles d'action propres à un
domaine particulier et constituant un véritable métier.
Si l'art d'enseigner les langues a intéressé, depuis le Moyen-âge, de nombreux philosophes, grammairiens et
pédagogues, il a cependant toujours été conçu comme une somme de techniques raisonnées destinées à
faciliter l'acquisition d'une langue. A l'époque, cet « art » dépendait des trois arts libéraux que constituaient
la grammaire, la dialectique 27 et la rhétorique.
Dès les premières années du XXème siècle, grâce au développement de la linguistique structurale, cet art est
devenu la linguistique appliquée ou, plus précisément, pour le distinguer des autres applications de la
linguistique (description d'une langue particulière, orthophonie 28 , ethnologie 29 ), linguistique appliquée à
27
Méthode de raisonnement qui consiste à analyser la réalité en mettant en évidence les contradictions de celle-ci et à chercher à
les dépasser.
C'est aussi une suite de raisonnements rigoureux destinés à emporter l'adhésion de l'interlocuteur.
28
Ensemble des principes, des procédés et des techniques mis en œuvre pour le traitement et la correction des difficultés de
prononciation et d'élocution d'origine pathologique.
L'orthophonie est une méthode de rééducation.
Si « orthographe » a une acception étymologique qui signifie « manière correcte d'écrire », « orthophonie » en a également une,
que l'on peut définir comme « manière correcte de prononcer » mais qui, aujourd'hui, tombe en désuétude.
Ces deux définitions symétriques sont basées sur une notion que la méthodologie nouvelle de l'enseignement des langues
n'accepte plus sans restriction : la norme.
29
Synonyme, au début du XIXème siècle, de « science de la classification des races » (branche de l'actuelle anthropologie
physique), ce terme a désigné pendant toute la première
32
l’enseignement des langues. On remarquera que cette dénomination est encore très souvent utilisée dans des
titres de revues ou noms d'organismes ou centres de recherche spécialisés dans ce domaine.
Cette dénomination présente l'avantage de rattacher clairement une discipline qui se cherche encore (cf.
introduction) à une discipline depuis longtemps reconnue, tant sur le plan scientifique que sur le plan
institutionnel, et dont l'objectif - l'étude du langage et des langues - est l'axe autour duquel tourne tout
enseignement / apprentissage d'une langue.
Mais cette dénomination a toutefois l'inconvénient de ne pas lui reconnaître une démarche scientifique
propre, une autonomie méthodologique, et d'éliminer de son champ d'étude de nombreuses données
pragmatiques, psychosociologiques30 et culturelles qui relèvent de ses pratiques. En effet, enseigner une
langue, ce n'est pas simplement « appliquer » les résultats des recherches des linguistes et ce, même si ces
recherches n'ont de retombées que sur cet enseignement seulement.
C'est pour ces raisons que s'est maintenue, parallèlement à la linguistique appliquée, une réflexion proche de
l'art d'enseigner les langues et que certains chercheurs ont appelé méthodologie de l’enseignement des
langues. Par cette dénomination, il faut entendre l'analyse méthodique et critique des outils et des pratiques
inhérents à cet enseignement, ainsi que de l'ensemble des hypothèses (linguistiques, sociologiques,
psychologiques, idéologiques) qui les sous-tendent, que celles-ci soient explicitées ou non.
Loin d'être opposées, la linguistique appliquée et la méthodologie sont au contraire complémentaires,
puisque la seconde doit obligatoirement intégrer les apports de la première.
C'est la raison pour laquelle on a vite substitué à ces deux dénominations celui de didactique des langues,
laquelle se veut autre chose qu'une simple méthode d'analyse et d'assimilation de pratiques existant en
dehors d'elle. Elle se veut en effet être le lieu constitutif d'une nouvelle discipline qui posséderait sa propre
autonomie conceptuelle et méthodologique, et ce même si elle est d'origine interdisciplinaire 31 et qu'elle
doit intégrer dans son projet scientifique une partie des hypothèses et des acquis d'autres disciplines comme
la linguistique, la psychologie, la sociologie ou les sciences de l'éducation.
Bien que cette dénomination soit devenue aujourd'hui d'usage courant dans l'espace francophone, elle est
contestée dans la mesure où elle rappelle trop la dialectique des disciplines, et qu'elle risque à plus ou moins
moitié du XXème siècle et désigne parfois encore- l'ensemble des sciences sociales qui étudient les sociétés dites « primitives » et
l'homme fossile ; mais il tend aujourd'hui à être remplacé dans ce sens par le mot « anthropologie », science dont l'ethnologie
constituerait une partie ou une étape. En effet, dans son sens restreint actuel, l'ethnologie inclurait uniquement les études
synthétiques et les conclusions théoriques, élaborées à partir des documents ethnographiques et orientées plus particulièrement
vers les problèmes de diffusion, de contacts, d'origine, de reconstruction du passé. C'est ce sens que les Anglais attribuent depuis
longtemps au mot ethnology.
L'étude des problèmes plus généraux constituerait le champ de l'anthropologie sociale et de l'anthropologie culturelle. Mais ces
distinctions héritées des pays anglo-saxons sont loin d'être
unanimement admises en France.
30
Ou psychologie sociale. Se dit de l'étude des phénomènes sociaux dans une optique psychologique.
La deuxième expression (psychologie sociale) a été forgée par Tarde en 1898 pour désigner une science nouvelle, susceptible de
fourbir une explication sociale des comportements interindividuels qui sont à la base des phénomènes collectifs. Aujourd'hui, le
champ de la discipline s'est beaucoup élargi. L'étude des relations réelles ou imaginées- existant entre individus et entre les
individus, les groupes et les institutions dans une société donnée occupe la première place. Mais ces relations sont envisagées
moins sous l'angle de leur détermination par des variables personnelles que sous celui de leur dépendance à l'égard d'un
environnement social
qui impose des normes et affecte les conduites.
Diverses approches théoriques et méthodologiques, souvent concurrentes, ont été proposées. Fortement marquée à ses débuts par
l'anthropologie (voir ce mot) nord-américaine et les comparaisons interculturelles que celle -ci proposait, la psychosociologie
s'oriente de plus en plus vers l'étude expérimentale des processus mentaux mis en œuvre dans des situations d'échange social.
31
Qui établit des re lations entre plusieurs sciences ou disciplines
33
long terme de réduire la didactique des langues à une simple pédagogie de la transmission de connaissances
élaborées par des spécialistes. Enseigner / apprendre une langue, c'est enseigner / apprendre quelque chose
de différent, en grande partie en tout cas, de ce que linguistes32 , psychologues et sociologues ont écrit sur
elle. C'est aussi chercher à développer un savoir- faire qui ne se réduit pas aux savoirs que nous possédons,
pour la seule raison que les pratiques linguistico-sociales que l'on cherche à faire acquérir ne sont encore
que très partiellement et imparfaitement connues.
En somme, dans l'enseignement / apprentissage d'une langue, on enseigne et on apprend davantage que ce
que l'on connaît réflexivement sur elle, un peu comme on pratique sa langue maternelle sans avoir une
constante et complète conscience des règles que l'on suit intuitivement. Il apparaît donc que la didactique
d'une langue ne peut se borner à la simple transmission d'un ou de plusieurs savoirs que l'on possède à une
époque donnée.
C'est pourquoi ces dernières années les recherches visent moins à analyser et à critiquer les pratiques
d'enseignement qu'à rendre précisément compte de ce qui se passe (tant sur le plan linguistique que
psychologique ou autre) lorsqu'une personne enseigne ou apprend une langue, et ce quelles que soient les
démarches adoptées :
- Dans quel type de discours s'inscrivent ces processus ?
- Quelles interactions mettent- ils en jeu ?
- Dans quel ordre et selon quelles structures grammaticales apprend-on une langue ?
-–
Une nouvelle dénomination atteste de ce changement d'orientation. En effet, la didactique des langues tend à
devenir, pour certains spécialistes, la science ou la théorie de l’enseignement / apprentissage des langues,
c'est-à-dire une discipline qui se donne pour objectif premier de décrire systématiquement l'ensemble des
phénomènes observables constitutifs de l'enseignement et de l'apprentissage d'une langue. Ces «
phénomènes » relèvent, par hypothèse, d'une didactique propre, soit quelque peu différente des didactiques
d'objets « scientifiques » comme l'histoire, la grammaire ou les mathématiques.
Ce qui particularise cette nouvelle orientation par rapport aux précédentes, c'est l'attention portée aux
manières dont les étudiants apprennent et aux « tactiques » qu'ils développent dans leur acquisition de la
langue étrangère. Ces stratégies dépendent des méthodes d'enseignement choisies, mais ne sont pas
complètement contraintes par celles-ci. L'apprentissage et l'apprenant sont au centre du projet scientifique
de manière conceptuelle. Les didacticiens se sont certes toujours fait quelque idée de l'apprentissage et des
apprenants, mais c'est la première fois, jusqu'à aujourd'hui, que l'on cherche à se donner les moyens
d'observation et d'analyse pour en comprendre le fonctionnement, même s'il est vrai que, jusqu'à maintenant,
on n'est pas encore parvenu à des résultats satisfaisants.
Ces dénominations indiquent clairement des modifications du champ de la discipline et des diverses
approches choisies. Le point de vue que nous avons adopté dans ce cours est voisin? De l'approche que nous
avons appelé méthodologie de l'enseignement des langues, et ce, dans la mesure où il s'agit avant tout de
décrire et d'interroger un ensemble de pratiques d'enseignement en tenant compte des hypothèses
linguistiques, psychologiques et autres qui en sont les sources,
mais sans toutefois prétendre analyser et restituer ces dernières dans leur champ d'étude respectif (on aurait
alors affaire à une linguistique et une psychologie appliquée), et sans non plus entreprendre de recherches
sur les processus d'apprentissage qu'elles mettent concrètement en jeu (cela relèverait d'une théorie de
l'apprentissage).
32
Spécialiste de la linguistique.
34
Les pratiques d’enseignement constituent en quelque sorte l'axe autour duquel tourne tout enseignement /
apprentissage efficace. En effet, si celles-ci ne déterminent pas tout à fait les processus d'acquisition, elles
règlent les conditions concrètes dans lesquelles ils s'exercent.
Considérées sous cet angle, ces pratiques paraissent essentielles à toute entreprise de formation des
enseignants à la didactique des langues, tout du moins tant que ce domaine scientifique ne sera pas plus
avancé dans la connaissance même des processus d'acquisition d'une langue.
Exercices cours 9
Question n°1
Qu'est-ce que la dialectique ?
Question n°2
Pour quelle(s) raison(s) le terme didactique est-il aujourd'hui contesté ?
Cours 10
LES MÉTHODES ET MANUELS D'APPRENTISSAGE DES LANGUES
Objectifs :
Analyser au mieux les pratiques d'enseignement d'un point de vue méthodologique implique la distinction
de trois niveaux d'analyse :
- Celui des hypothèses - qu'elles soient clairement explicitées ou seulement présupposées - qu'elles mettent
en jeu, et ce quel que soit leur domaine de référence (linguistique, psychologique, sociologique,
technologique ou autre).
- Celui des outils pédagogiques dans lesquels ces pratiques sont recommandées et démontrées par des
exemples.
- Celui de leur mise en pratique dans la classe.
On reconnaîtra que ces trois niveaux sont interdépendants, dans la mesure où il n'existe pas de pratique
d'enseignement sans hypothèses sous-jacentes, et où il n'existe pas de classe sans pratiques guidées par
l'enseignant. Mais du point de vue de la méthode, on doit les considérer comme distincts puisqu'ils relèvent
de théories et de pratiques différentes.
35
Ces discours, qui ont le grand mérite de ne pas séparer la didactique des langues de l'ensemble des sciences
qui lui sont « naturellement » connexes, s'ancrent dans des lieux théoriques où ceux à qui ils s'adressent n'y
ont pas véritablement accès. La plupart du temps, ce sont donc des discours de vulgarisation principalement
destinés à valoriser ceux qui les tiennent. Ces discours sont parfois peu utiles pour la didactique des langues,
et ce dans la mesure où ils ne tiennent pas compte de la complexité des données mises en jeu par celle-ci.
Toutefois, ces discours se développent quelque fois en essais de théorie de l'enseignement / apprentissage
des langues, c'est-à-dire en un ensemble cohérent et raisonné d'hypothèses linguistiques, psychologiques,
pédagogiques– sur ce qu'est au juste une langue, sur ce qu'est son acquisition naturelle et guidée, ainsi que
sur les conséquences didactiques que l'on peut en tirer. Alors se constitue une méthode, que l'on peut définir
comme un ensemble raisonné de propositions et de procédés destinés à organiser et à favoriser
l'enseignement et l'apprentissage d'une langue. Il s'agit donc ici d'un « assemblage » d'hypothèses et de
procédures et non des outils (manuels ou cours) qui s'en inspirent ou tentent de l'appliquer.
Parallèlement, un manuel est toujours plus riche et plus complexe que la méthode qui l'inspire, simplement
parce que son élaboration suppose constamment des décisions qui ne dépendent pas des principes de la
méthode. En effet, opter pour des « documents authentiques » ou des « morceaux choisis » ne permet en
aucun cas de décider des choix particuliers que l'on en fait, même s'ils sont supposés correspondre aux
besoins des apprenants. Pour prendre un autre exemple, on peut considérer que récuser, par méthode, toute
explication grammaticale, ne signifie pas que l'on récuse tout enseignement méthodique des régularités
grammaticales.
De cela, il résulte qu'une même méthode peut donner naissance à des outils pédagogiques relativement
différents les uns des autres, et que ce qui est observable dans ceux-ci (les outils) ne relève pas forcément de
celle- là (la méthode). On peut donc dire que manuels et ensembles pédagogiques constituent un niveau
différent du premier - celui de la méthode - même s'il l'implique.
36
on l'utilise que de ses qualités propres. Et nous n'oublierons pas non plus qu'il existe plusieurs manières
d'utiliser un manuel donné, et ce quelle que soit la précision des consignes.
En effet, ces « manières » - ou « lectures pédagogiques » - ne dépendent pas seulement de ce qui y est
clairement consigné. Elles dépendent également :
- De la conception que l'enseignant et l'apprenant se font, consciemment ou non, d'une langue ;
- De leur attitude par rapport à la langue de départ et la langue d'arrivée ;
- Des représentations qu'ils se font de ces langues ;
- De leurs idées sur ce que doit ou peut être l'enseignement et l'apprentissage d'une langue ;
- De leur tempérament ou de leur personnalité ;
- Des interrelations qui s'instaurent entre eux ;
- De l'institution dans laquelle ils travaillent ;
- De leurs besoins et désirs ;
-–
L'enseignement et l'acquisition d'une langue engagent profondément ceux qui s'y livrent, puisqu'il s'agit
d'apprendre à percevoir et reproduire autrement ce qui constitue une part essentielle de notre moi social. Le
résultat est déterminé au moins autant par cet engagement, à la fois personnel et collectif, que par la
méthode et le manuel choisis et suivis. C'est pourquoi, d'un point de vue purement méthodologique, ce qui
se passe concrètement dans les classes, lorsque l'on y utilise un manuel, est très important.
En effet, c'est ce troisième niveau qui permet d'observer, compte tenu de la diversité des « lectures »
pédagogiques qui peuvent en être faites, ce qu'il permet et ce qu'il prévient, ainsi que les interrogations qu'il
suscite. Les classes constituent donc le banc d'essai à la fois des manuels et des méthodes, même si l'on ne
peut toutefois pas parler d'une véritable expérimentation qui en validerait les hypothèses.
Exercices cours 10
Question
Pour quelles raisons un manuel de langue est-il plus « riche » que la méthode qui l'inspire ?
Cours 11
LES COMPÉTENCES MISES EN OEUVRE
DANS LES ACTIVITÉS DE LANGAGE EN LANGUE ÉTRANGÈRE
Objectifs :
37
aussi bien en contexte scolaire (elles visent alors la meilleure performance au moindre « risque ») qu'en
contexte « naturel » (elles visent la meilleure efficacité communicative au moindre « coût »).
Dans la situation de la langue étrangère, de telles stratégies peuvent souvent avoir pour origine un manque
de compétence : il faut alors compenser des déficits en évitant des « zones fragiles » des compétences
langagières dans la langue cible. D'autre part, la mise en œuvre de telles stratégies ne rend pas vraiment la
réalisation de la tâche plus efficace : elles permettent au mieux de s'en sortir, sans toutefois que la
performance s'approche réellement de celle que l'on est en droit d'attendre d'un locuteur compétent (c'est-à-
dire d'un natif).
On peut cependant se demander si ces « détours » ne relèvent pas, eux aussi, d'une compétence, même s'ils
ne font partie de la compétence reconnue des natifs. Le principal argument qui peut militer en faveur d'une
telle analyse porte sur les caractéristiques des activités de langage en langue étrangère. Toutefois, à
efficacité apparente égale, elles sont souvent de nature différente de celles qui sont menées en langue
maternelle. Cela conduit à l'idée que l'efficacité en langue étrangère pourrait relever de compétences
spécifiques qui n'existent que dans les cas d'utilisation de la langue cible comme langue seconde 33 .
Avant toute chose, on notera que la compétence d'un locuteur de langue seconde n'atteint quasiment jamais
celle d'un natif. Même dans le cas de bilinguisme quasi parfait, les activités de langage non dominant
présentent toujours quelques « déficiences » susceptibles d'apparaître en situation difficile telles que
nervosité, environnement, contraintes temporelles – Ce raisonnement peut s'appuyer par exemple sur des
données recueillies dans des conditions de fortes contraintes temporelles (temps de réaction dans des
traitements lexicaux, par exemple). On remarque alors que certaines opérations cognitives, fortement
automatisées en langue maternelle, supposent une activité mentale contrôlée chez le sujet travaillant en
langue seconde. Il en découle donc un coût cognitif plus important dans la mise en œuvre de ces opérations,
coût repérable au travers d'une analyse du temps de traitement, de l'efficacité.
Le raisonnement peut ensuite s'appuyer (ce qui constitue certainement un effet secondaire du premier
phénomène) sur le fait que certains traitements se trouvent fortement compromis en langue seconde, alors
que ces mêmes traitements sont menés sans difficultés en langue maternelle. C'est le cas notamment de
certains traitements « de haut niveau » (utilisation des connaissances antérieures–) dans les activités de
compréhension à l'écrit ou à l'oral. Ces traitements devraient pouvoir être facilement transférés d'une langue
à l'autre, ce qui est pourtant loin d'être le cas.
En d'autres termes, on est ici confronté non seulement à des déficits de certains traitements spécifiques de la
langue cible (traitements lexicaux, syntaxiques– susceptibles de provoquer des difficultés de
compréhension), mais aussi à des modifications fondamentales dans le fonctionnement cognitif impliqué
dans les activités de la ngage. Dans les exemples que nous venons d'évoquer, ce qui est remis en cause est
l'équilibre entre les traitements de bas niveau et ceux de haut niveau.
33
Langue qui, sans être la langue d'enseignement d'un établissement, fait l'objet d'un enseignement obligatoire
La langue seconde d'un élève est, indépendamment de sa langue maternelle (ou de sa langue d'origine), le français s'il est inscrit
dans un établissement dont la langue d’enseignement est l'anglais, et l'anglais s'il est inscrit dans un établissement dont la langue
d'enseignement est le français. Ainsi un élève anglophone qui est inscrit dans un établissement dont la langue d'enseignement est
le français étudiera l'anglais à l'intérieur du programme de la langue seconde.
Dans le contexte des programmes d'études, langue seconde ne s'oppose pas à langue maternelle, mais bien à langue
d’enseignement qui, d'un point de vue général, ne désigne pas nécessairement la langue maternelle d'un élève.
38
D'autres exemples permettent aussi d'argumenter que les opérations mises en œuvre en langue étrangère
sont « qualitativement » différentes de celles mises en œuvre en langue maternelle. De nombreuses
expériences montrent que l'on cherche à repérer quels sont les indices sur lesquels l'apprenant se fonde pour
segmenter le discours au plan de la structure syntaxique.
On sait qu'en langue maternelle on se fonde surtout sur le débit du discours (présence de pauses courtes)
pour déterminer, à l'oral, les lieux d'intégration en fonction de la structure syntaxique. On ne retrouve pas ce
résultat lorsque l'apprena nt est confronté à une langue inconnue, ce qui correspond sans doute à des
difficultés de segmentation du discours.
Les stratégies de traitement en langue seconde peuvent donc être différentes de celles qui sont mises en
œuvre pour la même langue lorsqu'elle est maternelle. Cette spécificité peut avoir pour origine des déficits
dans la maîtrise des éléments de la langue cible, mais elle constitue souvent un effort de compensation de
ces déficits, de telle sorte que l'efficacité résultante peut être apparemment identique dans les deux cas. En
d'autres termes, même si le produit des activités de langage peut être le même en langue seconde et en
langue maternelle, cela n'implique nullement que les processus mis en œuvre pour mener ces activités soient
identiques dans les
deux cas.
Exercices cours 11
Question n°1
Qu'est-ce qu'une langue-cible ?
Question n°2
Pour quelle(s) raison(s) la compétence d'un locuteur de langue seconde n'atteint-elle presque jamais celle d'un natif ?
Cours 12
LE RECOURS A LA LANGUE MATERNELLE
Objectifs :
Longtemps, l'usage de la langue maternelle dans l'apprentissage d'une langue étrangère a prévalu. Il
s'agissait, par le biais de la traduction, de comprendre le fonctionnement de cette langue étrangère. Le
recours à la langue maternelle était alors de règle.
39
Les méthodes structuro- globales, articulant leurs pratiques à la priorité de l'oral, à la fonction de
communication de l'usage verbal, impliquaient un usage quasi automatique de la langue à acquérir. Pour ce
faire, il convenait d'exclure la traduction, le recours à la langue maternelle sous toutes ses formes, afin
d'éviter le ralentissement du débit.
Cependant, le réalisme pédagogique nous oblige à constater que le recours à la langue maternelle n'est pas
évitable : l'apprenant peut toujours traduire intérieurement ou échanger avec un autre apprenant, en dehors
du cours, des renseignements en langue maternelle à propos de la langue étrangère, recourir à un
dictionnaire, à un manuel de grammaire.
Enfin, le refus de cet appui sur la langue maternelle provoque parfois une frustration réelle, la langue
maternelle semblant être « dévaluée » par le fait même qu'on l'exclut du travail scolaire. Il ne faut pas perdre
de vue que l'apprenant, en langue étrangère, est soumis à la cont rainte d'expression, sans en avoir les
moyens réels. La langue apparaît alors comme un moyen de se sécuriser, et donne au Projet Expressif un
statut prioritaire, ce qui, en fin de compte, est bien l'objectif que l'on se fixe.
Exercices cours 12
Question n°1
Quelles méthodes recourent-elles à la langue maternelle ?
Question n°2
Quelles méthodes excluent-elles le recours à la langue maternelle ?
40