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Musique du Moyen-Âge

Le motet de l'Ars antiqua (XIIIème siècle)

Ars antiqua : appellation latine qui apparaît au XIVème pour différencier de l'Ars nova.

Introduction : survol historique

1) le beau siècle de Louis IX


Siècle rayonnant, positif : croisades, expansion démographique, économique. Prolongation du style gothique :
gothique rayonnant. Sainte Chapelle sur l'île de la cité : abondance de vitraux qui laissent passer complètement la
lumière. Symbole du rayonnement de ce XIIIème siècle.

Création de l'université et de ses collèges. L'université est alors une communauté qui rassemble professeurs et
étudiants au sein d'une corporation. Paris est le premier lieu où se crée cette universitas.
- 1200, le roi Philiphe Auguste (successeur de Louis IX) reconnaît l'existence d'une communauté d'enseignants et
d'élèves à Paris.
- 1215 : une « bulle » (décret) papale d'Innocent III reconnaît l'Université.
- 1253 : fondation d'un collège par Pierre de Sorbon (lieu d'hébergement des étudiants, pas encore lieu d'enseignement).
- Autres collèges : collège de Navarre, le collège du Cardinal Lemoine et le collège des Cholets.

Étudiants qui viennent de toute l'Europe, lieu de l'université proche de Notre Dame de Paris.
Proximité milieu intellectuel / lieu de création musicale favorise l'essor du motet.

I. Généralités sur le motet


1. Définitions du motet médiéval au XIIIème siècle
C'est tout d'abord un des trois genres de l'École de Notre-Dame de Paris avec l'organum et le conduit. Le nom motet
vient du latin motetus, « petit mot ». Plusieurs significations selon le contexte :
- poème éventuellement chanté
- une voix (motetus)
- un genre musical (motet)

Johannes de Grocheo explique que le motet doit être réservé aux « instruits qui recherchent les subtilités des
arts », ils existent en tant qu'« ornements de leurs fêtes » : musica reservata. Réservée aux étudiants et savants
suffisamment lettrés (en latin et français) pour comprendre la poésie. C'est ce milieu universitaire qui compose,
interprète et consomme ce genre. Le motet est maintenant chanté en lieu profane, même si certains thèmes sont sacrés (à
partir du XIVème on trouve des motets à l'église).

Gloser : s'appuyer sur un texte faisant autorité pour le commenter. Habitude fondamentale de la mentalité médiévale du
discours : Le motet est avant tout une glose sur de la musique polyphonique.

2. Caractéristiques du motet (du XIIIème et milieu du XVème)


- polytextualité
- utilisation d'une mélodie préexistante (le color), placée à la voix la plus grave (la « teneur », fondation du motet,
mélodie faisant autorité).
- organisation rythmique de la teneur en cellules répétées : l'ordo au XIIIème puis la talea au XIVème.
3. Origines du motet
1) L'organum tropé, ou motet organal de l'école de saint martial de Limoges (XIIème siècle)
- organum tropé sur Kyrie
- organum tropé sur Benedicamus Domino

- Exemple - Stirps Jesse / Benedicamus Domino (texte p1). Il n'y a pas encore d'organisation rythmique de la teneur.

2) Les motets « primitifs » de l'École de Notre-Dame de Paris (fin XII et XIIIème) : addition de textes sur des clausules
d'organum de style déchant (discantus). Toutes les voix chantent le même texte de manière syllabique.

- Exemple - Pérotin, organum quadruplum du Graduel Viderunt > motet-conduit : Vide prophetie sur lequel a été
ajouté un texte de Philippe le Chancelier. Mêmes paroles pour les deux voix. Le texte glose, développe le texte original
du Viderunt → Viderunt ------- omnes. Il n'y a toujours pas d'organisation rythmique de la teneur.

3) Organum > clausule de style déchant > motet.

- Exemples -
1) Organum : Alleluia Nativitas à deux ou trois voix (cf p5). Célèbre la nativité de la vierge qui descendrait d'Abraham.
Cet Alleluia a été mit en polyphonie à deux voix par Léonin puis à trois voix par Pérotin > clausule « ex semine ». Les
nouvelles versions de ce motet comportent l'ajout d'un nouveau texte au duplum force les scribes à séparer les voix sur
les manuscrits. Dans la transcription p6, trois motets différents sont réunis : leurs textes les différencient (motet 1 :
textes 1+2, motet 2 : texte 3, motet 3 : texte 4)

4. Sources manuscrites principales


Ba Bamberg, Staatsbibliothek
F Florence, biblioteca Medicea Laurenziana, Pluteus 29.1
Mo Montpellier, Bibliothèque Inter-univesitaire, section Médecine, H196

Ces trois manuscrits ont été copiés à Paris, mais ont été retrouvés dans des villes différentes.
Cf p1 pour les contenus.

Le manuscrit de Montpellier est constitué principalement de motets (il y a seulement quelques organum). Les
motets sont classés par nombre de voix : 4, puis 3, puis 2. Le deuxième critère de classement est la langue : bilingues,
latin puis français. Les motets à deux voix sont tous français. Pour le corpus de 1270 les critères de classement sont les
mêmes, mais pour la première fois des noms d'auteurs sont donnés. Cf p7 pour un motet du manuscrit de Montpellier.
Cf p4 pour les diverses possibilités de disposition des voix dans ce même manuscrit.

II. Diversité du motet au XIIIème siècle


1. Divers exemple sur une même teneur, « in seculum »
1) Graduel Haec Dies (jour de Pâques). « In seculum » = pour l'éternité. Ce mot est l'objet d'un long mélisme. Ce color
est celui qui a été mis en musique le plus grand nombre de fois au XIIIème siècle.

2) Un motet en latin à trois voix de l'abbaye de Las Huelgas : In seculum / in seculum / in seculum. Motet très ancien.
Ici « in seculum » signifie « en ce monde, en ce siècle ». Glose autours de la naissance du Christ. Cf p9. Présence d'un
ordo.

3) Motet 85 : possède le même color que le motet précédent. Présence aussi d'un ordo du premier mode rythmique.
Contexte non liturgique.

4) Deux versions d'un même motet dans le manuscrit Mo. Je n'amerai / Sire Dieus / In seculum. Le color est entendu
deux fois, cela permet d'allonger la composition (double cursus) + décalage de l'ordo d'une seule note.

5) Les six motets sans texte du manuscrit de Bamberg. In seculum viellatoris (des vielleurs) et In seculum d'amiens
breve (cf p12). Ces motets représenteraient un des tout premiers témoignage de musique instrumentale.
2. Influences profanes
- Motets à teneur profane. Cf p16 : On parole / À Paris / Frese nouvele ! Muere France !, textes en français. Il n'y a
jamais d'arrêt total, le principe fondamental de composition est le tuilage, il n'y a pas de cadences intermédiaires.

- Motets sur teneur issue de la danse > « Chose Tassin » (musique de monsieur Tassin), estampie.

- Le motet-enté, la « greffe » d'un refrain de chanson aux voix supérieures (duplum et triplum).
→ Cf p13 : Bele Aelis / Haro ! Haro ! Je la voi la / Flos filius eius. Refrain issu d'une chanson perdue, mélodie d'abord
suspensive puis conclusive.
→ Cf p15 : Mout me fu griés / Robin m'ime / Portare, le duplum ou metetus en forme de rondeau. Mélodie d'origine
liturgique, au-dessus deux textes en français. La chanson de Robin, qui est connue par d'autres sources et ici citée au
milieu d'un motet.

III. La notation franconienne ou notation mesurée.


1. Francon de Cologne :
Ars cantus mensurabilis (c. 1280), art du chant mesuré.

2. Principes de la notation :
Quatre valeurs rythmiques (et non lpus deux comme dans la notation modale) : cf p4
- la double longue
- la longue
- la brève
- la semi-brève

Deux types de notation :


- « cum littera » (voix avec texte) pour les autres voix qui portent le texte : notes isolées
- « sine littera » (voix sans texte) pour les teneurs : ligatures

3. Tendances à la fin du XIIIème siècle


Éclatement du système franconien par la disparité rythmique.
→ Anonyme, cf dernière page : grande disparité rythmique entre les voix. La teneur ne chante que des longues. Le
duplum chante avec des brèves et des semi-brèves. Le triplum ne chante qu'avec des semi-brèves qui sont soit
transcrites par des croches, soit par un triolet de croches, soit par un sextolet de doubles. Une seule graphie peut ainsi
être traduite en différents rythmes.

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