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yougoslave (1/2)
autogestion.asso.fr/les-grandes-phases-du-systeme-autogestionnaire-yougoslave-12/
Rompre avec l’URSS, la “patrie du socialisme” jusque là glorifiée, n’était pas rien en 1947.
Comme on l’a dit, l’autogestion avait été introduite pour consolider la base du régime dans
une période d’isolement créé par le blocus soviétique. Elle fut dès lors l’une des formes
essentielles et durables de la légitimation du pouvoir “titiste”. La question nationale s’était
quant à elle imposée à un parti qui n’aurait jamais pu être victorieux dans sa lutte pour le
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pouvoir sans l’organisation fédérative de l’armée populaire, puis du nouvel État. On peut
dire globalement que les piliers du régime seront: l’augmentation des droits de l’autogestion
et des Républiques accompagnée d’une hausse de niveau de vie. Mais quelle articulation y
avait-il entre autogestion, Républiques et État-parti fédéral dans la prise de décision
politique et économique?
Les pouvoirs légaux de l’autogestion ouvrière et ceux des Républiques et des provinces se
sont accrus, au fil des grands tournants institutionnels, jusqu’à la mort de Tito en 1980,
coïncidant avec la crise économique. Mais leur réalité et leur efficacité doivent s’analyser
dans le contexte du système politique et du mode de régulation économique : c’est-à-dire
de l’articulation plan-marché/système politique. Sans entrer ici dans le détail, il faut dire que
cette articulation a changé au cours de trois grandes périodes marquées par des réformes.
On peut seulement rappeler les traits essentiels qui les ont caractérisées:
Durant cette période, les grands choix stratégiques demeurent planifiés, s’imposant à
l’autogestion comme aux Républiques. L’État/parti reste très fédéraliste, c’est-à-dire doté
d’un pouvoir central qui s’impose aux Républiques. Il s’impose également à l’autogestion (en
fait, une co-gestion partagée entre pouvoirs locaux, direction d’entreprise, collectifs de
travailleurs et syndicats). Celle-ci s’exerce alors dans le cadre de contraintes de normes, de
prix, de taxes et de crédits qui sont en fait les nouveaux instruments de la planification, à la
place des ordres directs : outre les normes imposées dans la répartition du surplus entre les
différents fonds de l’entreprise, il peut y avoir “autofinancement” et choix décentralisé
d’investissement. Mais il existe des subventions qui incitent à choisir les sources d’énergie
nationale, des taxes sur les profits qui limitent les capacités d’autofinancement et rendent
l’entreprise tributaire des crédits centraux ; ces derniers peuvent dépendre à leur tour des
secteurs jugés prioritaires, le système bancaire étant dans ce cas un instrument
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d’application du plan.
Le pays a eu un taux de croissance économique parmi les plus élevés du monde (supérieur
à 10% sur toute la décennie). Un des clichés souvent entendus aujourd’hui consiste à faire
de l’aide internationale reçue par le régime titiste à l’époque, la cause unique de cette
croissance. L’aide reçue par la Pologne dans la décennie 80 est tout aussi réelle. Mais elle
s’est accompagnée d’un creusement de la dette et d’un enfoncement dans la crise.
Autrement dit, l’aide n’explique rien. L’essentiel demeure l’usage qu’on en fait, le système où
elle opère. Or, jusqu’au milieu des années 1960, la planification plus souple connaît un
infléchissement notable qui bénéficie (après 1955) à la consommation et à l’agriculture ; des
régions entières connaissent une première industrialisation et les échanges se développent
sans endettement majeur. Il y a là des atouts du système.
Mais il est vrai que tout cela s’opère non sans gâchis bureaucratique, investissements de
prestige et coûts parfois exorbitants. Au milieu de la décennie 1960, les pressions en faveur
d’un accroissement des rapports marchands s’expriment à partir de plusieurs sources, et en
fonction de plusieurs types d’arguments.
Pour les partisans du “socialisme de marché”, une autogestion libre des contraintes du plan
et de l’État, soumise aux lois de la concurrence, serait plus efficace ; ils peuvent
simultanément se faire les défenseurs d’une croissance plus rapide des Républiques riches,
impliquant une réduction du rôle redistributif du plan jugé bureaucratique. Le décollage
industriel justifie, aux yeux de certains économistes, la diminution des protections dans le
commerce extérieur, afin d’exercer les pressions de la compétition mondiale sur une
économie que l’on veut plus productive. Quant aux dirigeants du régime, ils trouvent dans
les réformes marchandes le moyen de maintenir un système de parti unique, tout en
accordant des droits décentralisés (mesure indispensable pour relégitimiser leur propre
pouvoir…).
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La Yougoslavie de 1945 à 1991
Elle a recours à des méthodes capitalistes et aux pressions du marché mondial sur une
économie elle-même non capitaliste, où se maintient sous de nouvelles formes le règne du
parti unique. Les entreprises autogérées sont libérées des contraintes du plan, mais se
voient de plus en plus soumises à la logique d’une compétition marchande entre elles, et
face au marché mondial (avec le changement du système de prix et la réduction des
subventions). Il y a une augmentation des pouvoirs des entreprises et des Républiques au
détriment du Centre (au niveau de l’État et du parti) ; mais la bureaucratie du parti-État
parasite et contrôle l’extension des rapports marchands. Ces derniers restent contenus
dans un cadre non-capitaliste. Le chômage yougoslave, à cette époque, n’est pas lié à des
mécanismes de compression d’effectifs, encore moins de mises en faillite : il est dû à
l’insuffisance des investissements et au ralentissement de l’embauche sous le jeu des
contraintes marchandes. Les travailleurs peuvent toujours utiliser leurs droits sur
l’embauche et le licenciement pour assurer la sécurité du travail. Il n’existe pas de marché
du capital ; il n’y a pas de système d’actions ; l’enrichissement sur la base du travail d’autrui
est étroitement limité à cinq salariés ; la privatisation illicite est très impopulaire ; le droit de
gérer le surplus des entreprises appartient de droit aux conseils ouvriers. Même s’il s’agit
d’un droit largement accaparé par les équipes de direction et rendu formel par de multiples
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limites socio-culturelles ou politiques, il réduit incontestablement l’enthousiasme des
investisseurs étrangers : pourtant désormais autorisées, les entreprises mixtes (autorisant
jusqu’ à 49% de capital étranger) demeurent marginales.
Mais dans les Républiques riches, les revendications nationales iront en sens inverse, sur le
plan socio-économique pour l’accentuation de l’autonomie financière, économique et
politique, contre les mécanismes redistributifs identifiés aux pleins pouvoirs de “Belgrade”
c’est-à-dire non seulement du “centre”, mais aussi de la Serbie où se localise ce centre. Les
écarts de niveaux de vie se creusent. Les grèves s’étendent. Des conflits éclatent entre les
pouvoirs républicains et le centre fédéral autour de la question des devises (ceux-ci
concernent surtout la Croatie dotée de côtes touristiques).
Pour un même effort de travail, la réforme favorise les acteurs qui se trouvent en bonne
position sur le marché ; les autres n’acceptent évidemment pas les règles de ce jeu-là :
l’inflation se déploie. Plusieurs logiques de distribution des revenus entrent en conflit :
“selon son travail” ou selon les résultats des ventes sur le marché, le tout se combinant avec
une distribution selon la position dans l’appareil…
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