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- L'industrialisation en Algérie :

Echec ou réussite ?
Continuité, infléchissement ou renversement ?

- Cherche-t-on à orienter la Direction


Politique vers un changement de la politique
économique ?
A qui un tel changement profiterait-il ?
AVANT-PROPOS..................................................................................................... 10

PRÉAMBULE ........................................................................................................... 14

INTRODUCTION ...................................................................................................... 29

TITRE I : QUELQUES THÈMES DU RÉPERTOIRE................................................ 33

Chapitre 1 : Premier examen d'une note des Finances.......................................................33


1.1 - Qui est responsable des surcoûts ?...............................................................................33
1.2 - A propos de ratios pour une bonne gestion..................................................................33
1.3. - Les entreprises optent-elles pour la solution de facilité ? ...........................................36
1.4. - Qui est responsable des retards de réalisation ?..........................................................37
1.5. - Prévisions optimistes, ou choix imposés ?..................................................................38
1.6. - Que signifie le découvert ?..........................................................................................39
1.7. - Quand, les taux d'intérêts "parmi les plus faibles du monde" sont jugés, trop élevés.
..........................................................................................................................................................39
1.8. - Où va la valeur ajoutée créée par les entreprises ? .....................................................40
1.9. - Un scénario avec auteur ..............................................................................................43

TITRE II. - LES HANDICAPS SUPPORTES PAR LES ENTREPRISES ET LEURS


CONSÉQUENCES SUR LE COUT DES INVESTISSEMENTS ET LES CHARGES
D'EXPLOITATION : ............................................................................................................ 44

Chapitre 2 - Les surcoûts supportés par les entreprises en phase de réalisation. ............44
2.1. - Ce que représente l'acquisition d'un terrain pour un projet industriel.........................44
2.2. - Industrie-Agriculture : concurrence ou complémentarité ? ........................................47
2.3. - Le projet industriel doit commencer par mobiliser ses besoins en eau.......................49
2.4. – Qui paye pour les insuffisances en infrastructure et en transport ?............................49
2.5. - Des retards qui se facturent à hauteur de l'inflation mondiale. ...................................51

Chapitre 3 - Les surcoûts liés à l'environnement administratif et institutionnel. ............51


3.1. - Ce qui se passe avant l'individualisation.....................................................................52
3.2. - Quand le projet parcourt le labyrinthe de son acte de naissance administratif. .........53
3.3. - Les procédures et les pratiques dans le cadre des opérations bancaires. ....................59

Chapitre 4 - Les surcoûts supportés par l'entreprise en phase d'exploitation. ................61


4.1. - Les atteintes portées à la sensibilité aux coûts............................................................62
4.2. - Les interruptions de la production. .............................................................................62
4.3. - Le blocage des réalisations sociales des entreprises. .................................................63

Chapitre 5 : La partie invisible des charges indues supportées par les entreprises.........66
5.1. - Les charges liées aux contraintes des infrastructures..................................................67
2
5.2. - Les charges liées au facteur humain. ..........................................................................68
5.3. - La cascade des coûts liés aux lenteurs administratives...............................................70

TITRE III. - LE SYSTEME DE FINANCEMENT........................................................ 73

Chapitre 6. - Sortir des apparences pour aller vers la réalité. ...........................................73


6.1. - Les apparences. ...........................................................................................................73
6.1.1. - Que représente le découvert bancaire ?................................................................73
6.1.1.1. - Les impayés et les créances : des entreprises qui financent le Trésor. .........73
6.1.1.2. - Les stocks : de l'argent qui dort.....................................................................74
6.1.1.3. - Les charges financières de l'investissement : la confiance faite au projet. ...75
6.1.1.4. - Certaines pratiques bancaires........................................................................76
6.1.1.5. - Le découvert est la méthode choisie le système financier. .........................77
6.1.2. - Qu'est ce que le déficit d'exploitation ?................................................................78
6.1.2.1. - Des entreprises en déficit pour subventionner l'économie............................78
6.1.2.2. - Quand SONATRACH perd de l'argent pour que l'État puisse en gagner.....81
6.1.3. - Que signifie l'endettement des entreprises vis-à-vis de l'Etat ? ..........................84
6.1.3.1. - Un système fait pour endetter l'entreprise.....................................................84
6.1.3.2. - Quand l'État fait une avance de trésorerie gratuite - et risquée - à la société
étrangère. ..................................................................................................................................86
6.2. - La réalité. ....................................................................................................................90
6.3. - Les enseignements à tirer. ...........................................................................................91

Chapitre 7. - Le cas illustratif de la SONATRACH ...........................................................92


7.1. - La SONATRACH, un cas singulier, dans le monde...................................................92
7.2. - L'ostracisme manifesté à l'égard de la SONATRACH. ..............................................94
7.3 - L'impact désastreux de l'exemple donné par certains "revanchards". .........................96
7.4. - Des habillages contradictoires. ...................................................................................97
7.5. - Des motivations a se situent ailleurs. ..........................................................................98
7.5.1. - En récupérant une rente abandonnée gour accroître les recettes de l'État, la
SONATRACH se voit appliquer un régime fiscal qui obère ses résultats financiers. .................98
7.5.2. – Qui finance les investissements pétroliers ?......................................................100
7.5.3. - Une conception Dal relève de l'Étal libéral et revient à contester à l'Etat
socialiste le droit d'agir pour faire prévaloir l'option socialiste : ...............................................101

TITRE IV. - QUELQUES QUESTIONS AUTOUR DE LA POLITIQUE DE


DEVELOPPEMENT. ......................................................................................................... 102

Chapitre 8. - Cherche-t-on à orienter la Direction Politique vers un changement de la


politique économique ? ....................................................................................................................102
8.1. - De l'ardeur communicative d'un élan à la morne dérive vers l'affaissement. ...........102
8.1.1. - Le financement à 100 % de l'investissement industriel et la politique de
développement entreprise depuis le 19 Juin 1965......................................................................102

3
8.1.2. - La dynamique imprimée au développement du pays et le puissant élan donné à
son industrialisation par le Président Boumédiène. ...................................................................104
8.1.3. - Une morne et inexorable dérive vers la stagnation et l'affaissement. ................106
8.1.3.1. - Le prétexte de l'endettement extérieur . ......................................................106
8.1.3.2. - Les objectifs du blocage des investissements industriels............................107
8.2. - Deux exemples aux enseignements nombreux et utiles à méditer............................108
8.2.1. - Le projet, d'usine d'aluminium à M’Sila. ...........................................................109
8.2.1.1. - Des prétextes fallacieux. .............................................................................109
8.2.1.2. - Deux aspects couverts d'un silence complice : ...........................................116
8.2.2. - Le projet de Câblerie électrique de Biskra.........................................................118
8.3. - Un travail de sape mené contre notre politique de développement afin d'orienter
l'Algérie vers une nouvelle politique. ............................................................................................119
8.3.1. - Un stratagème consistant à faire l'âne pour, dissimuler le jeu d'une politique qui
sert des intérêts opposés à ceux du pays. ...................................................................................119
8.3.2. - Le rôle que tiennent aujourd'hui des individus connus pour des complaisances
manifestes envers les intérêts étrangers. ....................................................................................120
8.3.3. - Le sort qui affecte des hommes et des équipes dont le Président Boumédiène
avait requis le concours. .............................................................................................................121
8.3.4. - Des directives sournoises : ne mettre en relief, dans le cadre du bilan, que les
aspects négatifs...........................................................................................................................124
8.4. - Les manœuvres grotesques déployées autour du problème de la révision du prix de
vente du GNL à la Société El Paso. ...............................................................................................125
8.4.1. - Les changements qui ont affecté le secteur des Hydrocarbures depuis mars 1979
ont coûté à l'Algérie une perte sèche de .150 Millions de dollars..............................................125
8.4.2. - La remontée à la surface d'individus proches d'un réseau international d'escrocs.
....................................................................................................................................................127
8.4.3. - A quoi conduit l'engagement au service de l'Etat et de la Révolution ? ...........129
8.4.4. - Une opération de diversion, fondée sur l'imposture et la mauvaise foi, et dans le
but de dissimuler. .......................................................................................................................130

TITRE V. - DEVELOPPEMENT ET GESTION DES ENTREPRISES : CHOIX ET


CRITERES. ....................................................................................................................... 134

Chapitre 9 - Le choix des technologies et ses implications sur la politique de


développement. .................................................................................................................................134
9.1. - La technologie coûte de plus en plus cher. ...............................................................135
9.1.1. - Faut-il cesser de l'importer et arrêter le développement ? .................................136
9.l.2. - Que faut-il faire pour en réduire les coûts internes ? ..........................................137
9.2. - Technologie simple et technologie avancée : avec quels objectifs et pour quels
intérêts ? .........................................................................................................................................138
9.3. - Maîtrise de la technologie et productivité ; productivité et accumulation................144
9.4. - La technologie fait-elle peser des menaces sur la société algérienne ? ....................147
9.4.1. - La technologie menace-t-elle politique de l'emploi ? ....................................147
9.4.2. - La technologie importée menace-t-elle nos options ?........................................148
4
Chapitre 10. - La technologie et la dépendance.................................................................150
10.1. - La dépendance économique et financière. ..............................................................150
10. 2 - La dépendance technique. .......................................................................................151
10.2.1. - Seule l'intégration permet une industrialisation authentique. ..........................152
10.2.2. - Où se trouve la véritable dépendance ?............................................................155
10.3.- La dépendance politique. .........................................................................................159

Chapitre 11 - Un ratio fait-il la rentabilité, et la rentabilité fait-elle le développement ?


............................................................................................................................................................173
11.1. - Le choix des ratios de rentabilité et leur signification économique........................173
11.2. - Comment comparer l'investissement en Algérie à l'investissement à l'étranger ?..........175
11.3. - De la rentabilité au développement.........................................................................176
11.4. - La naissance d'un projet : de l'inadaptation des critères d'évaluation à la
multiplication de certaines pratiques..............................................................................................177
11.5. - Gestion et contrôle des entreprises..........................................................................182
11.5.1. - Quand, on refuse à l'entreprise et à sa tutelle les moyens d'organiser sa gestion
et son contrôle. ...........................................................................................................................182
11.5.2. - Les limites à l'autonomie de fonctionnement des entreprises. .........................183

TITRE VI. - LES RESSOURCES POUR LE DEVELOPPEMENT .......................... 187

Chapitre 12. - Comment sont épongées les possibilités dl financement des entreprises ?
............................................................................................................................................................187
12.1. - L'auto-financement, les amortissements et leur affectation. ..................................187
12.2. - Des crédits inadaptés aux crédits relais...................................................................187
12.3. - Subvention d'équilibre déguisée ou déficit organisé ? ............................................189

Chapitre 13. - Quelle est la contribution réelle des entreprises socialistes à l'économie
nationale ? .........................................................................................................................................193
13.1. - Comment apprécier l'accumulation engendrée les investissements publics ? ........193
13.1.1. - Pourquoi nos entreprises socialistes sont-elles parmi les rares entreprises au
monde à ne bénéficier ni d'aides, ni d'avantages à l'investissement?.........................................196
13.1.2. - Des actions qui vont dans le même sens que les réactions qui se manifestent à
l'extérieur contre le développement de notre pays. ...................................................................199
13.1.3. - Une myopie dangereuse conduit à grever, notre économie d'hypothèques
beaucoup plus graves au celles au l'en veut éviter. ....................................................................201
13.2. – La valeur ajoutée créée par les entreprises et sa distribution dans l'économie.......206

Chapitre 14. - Le problème de la disponibilité des ressources financières internes.......210


14.1. - Limitation des ressources et choix de la méthode de financement. .......................210
14.2. - Le recyclage des capitaux détenus par le secteur privé. .........................................211
14.3. - La valorisation du patrimoine immobilier et foncier. .............................................212
14.4. - Des mesures prioritaires et urgentes dans le domaine de la commercialisation. ...213
14.4.1 – Une volonté politique qui s'est exprimée. .......................................................213
14.4.2 Une réalité marquée par des entreprises nationales privées de moyens............213
5
14.4.2.1. - Le cas de la SONACOME. .......................................................................213
14.4.2.2. - Les coups portés à la SONACOME visent en fait le Monopole de l'État sur le
Commerce Extérieur. .................................................................................................................215
14.4.2.3. - Le problème des pénuries. ........................................................................216
14.4.3. - Des entreprises de commercialisation insuffisantes.........................................217
14.4.3.1. - Faut-il séparer production et commercialisation ?....................................217
14.4.3.2. - L'anecdote ne saurait pallier l'absence d'analyse. .....................................219
14.4.3.3. - La voie à suivre. ........................................................................................220
14.4.4. - Une planification de Gribouille........................................................................222
14.4.5. - Des "opérations pirates"...................................................................................222
14.4.6. - Un secteur privé qui profite. ............................................................................222
14.4.7. - Un bouc émissaire qui "encaisse les coups". ...................................................223
14.5. - Autres ressources mobilisables. ..............................................................................223

TITRE VII. - PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS POUR LE


FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS. .................................................................... 226

Chapitre 15. - Examen des propositions contenues dans la note du Ministère des
Finances du 21 octobre 1978. ..........................................................................................................226
15.2. - Aménagement des conditions, de crédit. ................................................................228
15.2.1.- Le recours à l'emprunt extérieur........................................................................228
15.2.2. - Le Crédit interne doit être totalement remanié. ...............................................231
15.2.3. - Période de montée en cadence et crédits-relais................................................231
15.3. - Quand une vision unidimensionnelle conduit au "rejet pur et simple de
l'investissement" :...........................................................................................................................232

Chapitre 16. - Le financement des investissements. ..........................................................234


16.1. - La prise en charge du coût de l'investissement. ......................................................235
16.1.1. - Le coût de l'investissement en Algérie.............................................................235
16.1.2. - Les handicaps que supporte l'investissement en Algérie. ................................236
16.1.3. - La reconnaissance de ces handicaps r la note du Ministère des Finances. ......237
16.1.4. - Quelques exemples de modalités d'allègement de ces surcoûts.......................238
16.2. - L'aménagement des conditions de financement de l'investissement......................240
16.2.1. - Rentabilité financière et rentabilité économique. ............................................240
16.2.1.1. - Insuffisance de la seule dimension financière...........................................240
16.2.1.2. - Les études technico-économiques : paradoxes et réalités :.......................241
16.2.1.3. - Les délais de la rentabilité.........................................................................243
16.2.1.4. - Rentabilité et valeur ajoutée......................................................................244
16.2.2. - Le crédit comme seule source, de financement. ..............................................245
16.2.3. - L'expérience eu pays socialistes en la matière. ................................................246
16.2.4.- la nécessité de doter les entreprises socialistes de fonds qui leur soient affectés
en propre.....................................................................................................................................247
16.2.5. - Financement de l'investissement par le crédit et effet de l'amortissement......248
16.2.8. - Limites des mesures proposées par le Ministère des Finances. .......................249
6
16.2.7. - Recommandations complémentaires................................................................254

TITRE VIII. - CONCLUSION................................................................................... 257

Chapitre 17 – Conclusion. ...................................................................................................257


17.1. - La conception du Ministère des Finances et ses conséquences sur les options
socialistes du pays : un malentendu lourd conséquences..............................................................257
17.1.1. - Comment rembourser l'investissement ? .........................................................257
17.1.2. - Une médecine financière peut-elle suffire ? ...................................................259
17.1.3. - Quelle est la situation de l'économie algérienne ? ...........................................261
17.2. - La remise en cause des options vue à la lumière de l'expérience de trois pays. ....263
17.2.1. - cas de la Tunisie...............................................................................................263
17.2.2 - Le cas de l'Égypte. ............................................................................................266
17.2.3. - Le Cas de l'Inde................................................................................................267
17.3. - La stratégie, du capitalisme international et la chance de l'Algérie. ......................269
17.3.1. - La stratégie du capitalisme international. ........................................................269
17.3.1.1. - Les efforts d'adaptation du capitalisme international...............................269
17.3.1.2. Le cas du Brésil. ..........................................................................................271
17.3.1.3. - Un choix qui n'ose pas s'affirmer ouvertement. ........................................272
17.3.1.4. - L'enjeu est ailleurs.....................................................................................273
17.3.1.5. - En définitive, c'est du régime qu'il s'agit...................................................276
17.3.2. – La chance de l'Algérie. ....................................................................................276

ANNEXE N° 1 : LE PRIX DU CIMENT................................................................... 278

1. - LE COUT DE PRODUCTION DU CIMENT NATIONAL :....................................279


1.1. - Le potentiel de production de la SNMC. ..................................................................279
1.2. - Le poids important des charges fixes........................................................................279
1.3. – Les conditions de financement de l'investissement..................................................281

2. - LA COMPARAISON SNMC - LAFARGE France....................................................283

3. - LE COUT DE L'IMPORTATION DU CIMENT.......................................................283


3.1. - Le coût du ciment importé. .......................................................................................283
3.2. - Le coût du Monopole. ...............................................................................................284

4. - LES PRIX RETENUS (voir graphes). .........................................................................284

ANNEXE N° 2 : LES AVANTAGES ACCORDES A L'INVESTISSEMMENT DANS


QUELQUES PAYS. .......................................................................................................... 287

I. – REGIME DES INVESTISSEMENTS DANS CERTAINS PAYS ETRANGERS. 289

II. - LE REGIME DES INVESTISSEMENTS EN ALGÉRIE, COMPARE A CEUX


DES PAYS ÉTRANGERS...............................................................................................................291

7
III. – CONCLUSION. ..........................................................................................................294

ANNEXE N° 3 : LA VALEUR AJOUTÉE CRÉÉE PAR LES ENTREPRISES ET SA


DISTRIBUTION DANS L'ÉCONOMIE NATIONALE ........................................................ 303

1.1. - DEFINITION ..............................................................................................................304


1.1.1. - La valeur ajoutée brute (V.A.) d'une unité de production, entreprise, branche
secteur ou nation pendant une période donnée est égale à l'excédent de biens et services produits,
sur ceux qui ont été consommés pendant cette période. ................................................................304
1.1.2. - Ce concept est une mesure de la production. .........................................................305
1.1.3. - Ce concept est une mesure de la répartition...........................................................305

1.2. - LIMITES DU CONCEPT LIÉES AUX MÉTHODES DE VALORISATION.....305


1.2. 1. - Dans les économies planifiées. .............................................................................305
1.2. 2. - Dans les économies libérales. ...............................................................................305
1.2. 3. - En Algérie. ............................................................................................................306

1.3. – IMPLICATIONS........................................................................................................306
1.3.1. - La portée universelle du concept de valeur ajoutée. ..............................................306
1.3.2. - La conception capitaliste de la valeur ajoutée. ......................................................307
1.3.3. - La conception socialiste de la valeur ajoutée.........................................................307
1.3.4. - Comparaison des deux approches : voir graphe ci- joint . .....................................308

1.4. - APPLICATION EN ALGÉRIE.................................................................................308

II. - RAPPEL DE QUELQUES DÉFINITIONS ...............................................................311


2.1. - DÉFINITION DE CERTAINS TERMES EN ECONOMIE SOCIALISTE :..........311
2.1.1. - Produit social brut = somme des productions brutes des secteurs. ................311
2.1.2.- Produit social net = produit social brut - consommations intermédiaires -
amortissements. 311
24.3.- Revenu national = produit social net ...............................................................311
2.2.-DEFINITION DES TERMES GÉNÉRAUX :............................................................311
2.2.2. - Produit intérieur : ...............................................................................................311
2.2.3.- Produit national :.................................................................................................311
2.2.4. - Production intérieure :........................................................................................311
2.2.5.- Production nationale : .........................................................................................311
2.2.6 -Revenu national : .................................................................................................311
2.3.- DÉFINITION DE LA PRODUCTION INTÉRIEURE BRUTE :.............................311
2.3.1.- Du point de vue de la production :......................................................................311
2.3.2. - Du point de vue de l'utilisation : PIB = consommation + formation brute de
capital + exportations - importations..........................................................................................312
2.3.3. - Du point de vue de l'affectation : PIB = rémunération des salariés productifs +
amortissements + revenu brut des entreprises + épargne des sociétés + impôts indirects -
subventions + droits et taxes sur importations. ..........................................................................312
2.4.- DEFINITION DU REVENU NATIONAL : .............................................................312
8
2.5. - RELATION ENTRE LE PIB ET LE RN. ................................................................312

3. - LES ÉCHANGES FINANCIERS DE QUATRE ENTREPRISES SOCIALISTES


AVEC L'ÉTAT ET LES INSTITUTIONS FINANCIERES : ............................................... 312
3.1.- la S.N.I.C. :.................................................................................................................313
3.2. - La SOGEDIA............................................................................................................320
3.3. - La SONIPEC.............................................................................................................324
3.3. - La SONIPEC.............................................................................................................325
3.3. - La SONIPEC.............................................................................................................326
3.4 - La S. N. T. A. :...........................................................................................................330

ANNEXE N° 4 : TBLEAUX D'ÉCHANGES INTÉRINDUSTRIELS ....................... 338

ANNEXE N° 5 : L’APPORT DE SONATRACH À L'ÉTAT, PAR LE MAINTIEN EN


PRODUCTION DES GISEMENTS ABANDONNÉS PAR L'ERAP AINSI QUE DES
GISEMENTS DE RENTABILITÉ ÉQUIVALENTE ............................................................ 343

ANNEXE N° 6 : NOTE SUR LE "FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS


PLANIFIES DES ENTREPRISES" DIFFUSÉE PAR LE MINISTERE DES FINANCES LE
21 OCTOBRE 1978 .......................................................................................................... 347

ANNEXE N° 7 : EXTRAIT D'UNE NOTE REMISE AU REGRETTE PRESIDENT


BOUMEDIÉNE LE 22 MAI 1978 A LA SUITE DES DEBATS DU CONSEIL DES
MINISTRES SUR LES PERSPECTIVES FINANCIERES DE L'ALGERIE, DEBATS AU
COURS DESQUELS L'EVOLUTION DU PRIX DU PETROLE A ETE EVOQUEE. UNE
COPIE DE CETTE NOTE A ETE COMMUNIQUEE AU PRESIDENT CHADLI
BENDJEDID, AU LENDEMAIN DE SON ELECTION A LA PRESIDENCE DE LA
REPUBLIQUE................................................................................................................... 357

ANNEXE N° 8 : EXTRAIT D'UNE NOTE REMISE AU PRESIDENT HOUARI


BOUMÉDIENE LE 29 OCTOBRE 1977 SUR LE FINANCEMENT DES
INVESTISSEMENTS ET L'ENDETTEMENT EXTERIEUR............................................... 362

ANNEXE N° 9 : APPORT DU SECTEUR DES HYDROCARBURES A


L'ÉCONOMIE NATIONALE.............................................................................................. 370

9
AVANT-PROPOS
Depuis la maladie, ensuite le décès du regretté Président Houari Boumédiène, bien des choses
se disent et se colportent au sujet de notre Politique de Développement, tout particulièrement en ce
qui concerne l'Industrialisation.
Au lendemain de la tenue du IVe Congrès du F L N, la campagne déclenchée contre les
options de notre politique économique s'est intensifiée, au point que, pour beaucoup, la disparition du
Président Boumédiène semble avoir retenti comme l'heure d'un changement de cap dans l'orientation
de cette politique, changement qui devrait même, dans l'esprit de certains, s'accompagner de
règlements de comptes, sinon du reniement et de la condamnation pure et simple de la politique
suivie par l'Algérie depuis le 19 juin 1965.
Il est difficile de comprendre le sens, l'enjeu et la portée d'une large partie des controverses
qui se déroulent actuellement soit d'une manière quasiment ouverte, soit dans la discrétion calfeutrée
des salons et des bureaux, sans que le voile soit quelque peu levé sur des faits qui ont jalonné le
processus suivant lequel notre politique de développement s'est élaborée et sur des phénomènes
sciemment suscités, dans le passé, en vue de créer, précisément, le type de situation dont on veut
faire, aujourd'hui, la justification majeure du changement de cap que l'on souhaite imposer à notre
politique économique.
Certains seront, sans doute, tentés de considérer l'édition et la diffusion de ce document
comme une opération insolite, irrégulière même, voire franchement contraire aux règles de
fonctionnement du Parti.
En vérité, depuis bientôt une année, la diffusion, auprès des membres de nos instances
responsables, d'un certain nombre de rapports écrits sur les problèmes touchant au fonctionnement de
notre économie a suscité une gène non dissimulée chez ceux qui s'étaient fait une spécialité d'agir par
la rumeur, la propagation sournoise d'idées fausses, la mise en circulation sous le manteau de chiffres
inexacts, le lancement d'accusations calomnieuses dans la lâcheté que permet l'anonymat. C'est par
de tels procédés que l'on a essayé et que l'on continue, du reste, à essayer de donner à notre opinion
nationale un sombre tableau de l'état de notre économie et tout particulièrement de la situation de nos
entreprises industrielles. La diffusion de documenta écrite et signés, c'est-à-dire engageant une
responsabilité à visage découvert, n'a pas tardé à mettre dans l'embarras, pour ne pas dire plus, ceux
qui préfèrent garder le masque et continuer à se tenir derrière le rideau, le débat sur la Charte
Nationale leur ayant appris que la base militante et les masses populaires les avaient identifiés depuis
longtemps comme les véritables auteurs des agissements qui gênent le cours de la Révolution. Aussi,
les habitués et les bénéficiaires de l'action sournoise par la "rumeur incontrôlée" tentent-ils,
aujourd'hui, de persuader la Direction Politique que les rapports qui ont été élaborés et diffusée sur
l'état de notre économie constituent un acte contraire aux règles de notre Parti et représentent une
opération nuisible au fonctionnement de ses instances, dans l'espoir de couvrir par des remous à
soulever par l'effet d'une question d'ordre formel inventée de toutes pièces, les problèmes de fond
sérieux que posent les agissements tendant à altérer les options définies par la Charte Nationale et à
infléchir ou à renverser le cours de la politique suivie en application de ces options.

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Au moment où l'on pose devant le pays le problème des fléaux sociaux, qui menacent la santé
de notre société et des remèdes à utiliser pour éliminer ces fléaux sociaux, il convient de prendre
conscience que, parmi ces fléaux, l'un des plus pernicieux réside précisément dans les courants
suscités au sein de notre opinion par les "rumeurs incontrôlées", dans le recours à l'anonymat pour
diffuser des nouvelles inexactes et nocives sur la situation du pays et dans l'intoxication qui s'empare
de l'opinion nationale sous l'effet de tels procédés, procédés qui empoisonnent l'atmosphère et
désorientent les esprits à travers le pays.
De plus, ces procédés comptent parmi ceux que la réaction et ses alliés étrangers utilisent
pour mener leurs agissements contre la Révolution à l'intérieur du pays.
Aussi, la lutte contre la catégorie de fléaux sociaux que constituent la "rumeur incontrôlée" et
la propagation pernicieuse de la calomnie et des fausses nouvelles doit-elle s'inscrire parmi les
impératifs majeurs de l'assainissement de notre société des maux qui l'affectent.
Qu'y a-t-il de mieux pour assainir, dans ce domaine, que le recours à la vérité clairement
énoncée à visage découvert, la volonté d'assumer pleinement ses responsabilités, l'invitation au
dialogue franc et concret, la résolution de ne pas fuir le débat ouvert, le refus de se laisser entraîner
dans la perfidie et la mauvaise foi qui se cachent derrière le voile de l'anonymat et à l'abri de
l'irresponsabilité qui caractérise la technique de "bouche à oreille".
Au demeurant, les temps sont passés où les affaires du paya se traitaient pratiquement en vase
clos, même si on pouvait constater parfois qu'au dehors, d'aucuns donnaient, de la manière dont se
passaient les choses, une version adaptée à leurs vues ou bien reflétant des conceptions et même des
positions particulières qui leur sont propres, ce qui contribuait ainsi à alimenter la rumeur qui
véhiculait des nouvelles tronquées, déformées, voire contradictoires et même fantaisistes, au grand
désarroi des esprits au niveau de la base militante et de l'opinion publique, en général.
Avec l'achèvement de l'édification des institutions du pays : Assemblée Populaire Nationale
couronnant la création des assemblées populaires communales et des assemblées populaires de
wilaya, assemblées des travailleurs et, enfin, la mise en place des instances propres au Parti sur la
base et le respect absolu du système électif de la base au sommet, les règles de la démocratie vont
régir désormais, avec une vigueur de plus en plus accrue, la gestion des affaires publiques,
répondant, de la sorte, à une aspiration profonde de nos masses et à une prise de conscience aiguë des
militants de notre Révolution et des citoyens de notre pays pour tenir activement le rôle qui leur
revient dans la conduite de la vie nationale et dans la construction de leur avenir. Chacun sera amené,
ainsi, à s'expliquer en face de tous et la "mystérite", qui sert le plus souvent de paravent aux menées
des intrigants, à la nullité des incapables et à la morgue des minus habens, ne pourra résister à la
puissante poussée qui s'élève de l'avant-garde militante et de la base populaire pour une démocra-
tisation effective de la vie politique dans notre pays. Or, il ne peut y avoir de démocratisation
authentique sans une information objective et complète et sans la possibilité, pour les militants qui
activent au service de la Révolution et même pour l'ensemble des citoyens, d'accéder à cette
information.
Quand on reconnaît à la base militante le droit de désigner, par la voie élective, les dirigeants
du pays à tous les niveaux, on ne peut lui refuser l'accès à cette information complète et authentique
sur tout ce qui touche à la conduite des affaires du pays, ainsi qu'à la vie et à l'avenir de la Nation.

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Toute entrave au libre accès à cette information, de même que toute tentative de la canaliser ou de la
déformer en fonction d'intérêts particuliers ou de vues partisanes deviennent un obstacle opposé à la
démocratisation proclamée par la Charte Nationale et constituent une atteinte portée au libre
fonctionnement de nos institutions sous l'égide du Parti du FLN, qui demeure le guide de la
Révolution et la force dirigeante de la Nation.
Lors des séances tant du Conseil des Ministres que des réunions communes du Conseil de la
Révolution et du Gouvernement, consacrées à l'élaboration et à la mise en place de nos institutions
actuelles, le regretté Président Boumédiène avait, plus d'une fois, souligné que chaque responsable
devait se préparer désormais à rendre compte de ses activités et même à s'expliquer de ses actes
devant des instances élues, face à l'opinion nationale et qu'était révolue l'époque où, pour des raisons
historiques déterminées, les problèmes du pays étaient traitée et réglés au sein d'un cercle restreint de
dirigeants. C'est bien dans ce sens qu'il convient de comprendre l'interpellation du Gouvernement par
les Députés à l'Assemblée Populaire Nationale inscrite dans la Constitution et le principe, fixé dans
les statuts du Parti adoptés par le IVe Congrès, du compte rendu par chaque instance d'exécution à
l'instance dont elle émane et devant laquelle elle est responsable.
C'est dans cet esprit que le texte qui va suivre se propose de donner un éclairage élargi et,
sans doute pour beaucoup, inédit sur les sujets qui se trouvent actuellement au centre de bien des
réflexions, des discussions et des controverses. Au demeurant, lever le voile qui a occulté certains
faits qui sont en rapport avec les réalités de notre situation économique, c'est répondre à une
préoccupation légitime exprimée par les militants et par les citoyens aussi bien lors des débats sur la
Charte Nationale, qu'à l'occasion de la préparation et de la tenue du IVe Congrès du FLN, à savoir la
nécessité de faire circuler l'information et de permettre, ainsi, à chacun de mieux comprendre les
problèmes de son pays.
Ce faisant, il y a lieu de s'attendre, très probablement, à affronter, une fois de plus, l'hostilité
des éléments habitués à colporter les rumeurs et à rapporter, très souvent en les déformant et en les
présentant comme de grands "secrets", les propos recueillis de bouche à oreille, éléments qui tentent
encore, de nouveau, de convaincre de leur "utilité" ceux qui prennent plaisir à leur prêter l'oreille, en
essayant de se présenter, aux yeux de ces derniers, comme des exégètes nécessaires pour lire "entre
les lignes" afin de comprendre le sens des textes qui ne vont pas dans le sens de l'opinion qu'ils
veulent inculquer dans l'esprit de ceux qui les écoutent, de la même, manière que les charlatans et les
diseurs de bonne aventure arrivent à faire croire, à ceux qui se laissent prendre à leur jeu, qu'ils sont
en mesure d'entrevoir l'avenir en observant le creux de la main.
Aussi, par delà les écrits qui fixent les idées et canalisent l'expression de la pensée, c'est dans
les débats, que permettent maintenant d'organiser les instances instituées à travers toutes les
structures du Parti, qu'il sera possible d'éliminer définitivement les malentendus vrais ou faux, de
mettre hors d'état de nuire les pêcheurs en eau trouble et de permettre, aux militants sincères et
désintéressés qui oeuvrent pour la Révolution Socialiste, de se reconnaître et de se comprendre. En
prenant conscience, d'une manière aiguë, de l'acuité des problèmes qui leur sont posés, de la
nécessité de renforcer leurs rangs au sein du FLN, ces militants réussiront, alors, certainement, à
maintenir et à renforcer le FLN dans son rôle d'avant-garde de la Révolution et à empêcher que les
germes de la réaction, qui s'y trouvent ou s'y infiltrent, n'y trouvent un bouillon de culture favorable
pour proliférer et de cette façon, enkyster le Parti, avant d'aboutir, en fin de compte, à le transformer
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en un outil sclérosé, coupé de ses racines populaires, ne permettant l'expression d'aucune idée saine
et servant de couverture à une politique non conforme aux intérêts des masses déshéritées. A cet
égard, il convient de ne pas oublier que certains îlots réactionnaires, incrustés au sein de notre
système, ont considéré les débats populaires sur la Charte Nationale comme une émeute suscitée
sciemment contre eux, pour se rendre compte du sentiment de désarroi et d'épouvante qu'inspirent,
aux adversaires du socialisme, les débats ouverts organisés par le Parti, aussi bien au sein de ses
structures que sur le plan populaire.
C'est dire, ainsi, que ces adversaires du socialisme ne vont pas manquer, encore une fois, de
chercher à dénaturer le sens du débat à engager ; ils ne se priveront pas, probablement, de déployer,
en mettant à profit le regain d'opportunisme qui semble caractériser actuellement certains milieux de
notre société, des manœuvres de diversion destinées à faire tourner court ce débat et à neutraliser
l'action des forces vives de la Révolution. Ce risque est d'autant plus réel que la rénovation,
envisagée et même amorcée du temps du regretté Président Boumédiène pour mettre le Parti au
niveau des responsabilités nouvelles que lui assigne la Charte Nationale, n'a pas encore produit
pleinement ses effets et que, dans certains cas, elle reste encore à entreprendre.
Pour terminer, je dois ajouter que si j'assume l'entière responsabilité de ce texte, le mérite de
son élaboration et de sa mise au point revient surtout à un groupe de militants qui y ont travaillé avec
l'ardeur de leur conviction et en y apportant tout l'acquis de leur expérience et des difficultés qu'ils
ont dû affronter dans l'accomplissement des multiples tâches entraînées sur le terrain par la mise en
oeuvre de notre politique de développement.
Puisse ce texte aider à la prise de conscience de l'enjeu qui se trouve engagé dans la phase
actuelle de l'évolution de notre pays et constituer, pour ceux qui lui accorderont l'avantage de le lire,
une contribution utile à leur information et à leur réflexion.

Belaïd ABDESSELAM
ALGER, OCTOBRE 1979

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PRÉAMBULE
La politique de développement suivie par l'Algérie et axée essentiellement, en ce qui
concerne la culture, sur la restauration et le renforcement de notre personnalité nationale arabo-
islamique et, dans le domaine économique, sur l'édification des bases matérielles du socialisme et sur
la construction d'une économie nationale indépendante, libérée de la domination du capital étranger,
émancipée de l'emprise néocolonialiste et de l'hégémonie impérialiste et reposant sur un secteur
industriel intégré couvrant pratiquement l'ensemble des branches d'activités de ce secteur, a valu, à
notre pays et à. notre Révolution, l'opposition sourde, mais non moins nocive, de la réaction interne
déçue de ne pas voir le pays s'orienter vers une forme de développement qui favorise ses appétits,
ainsi que l'hostilité de plus en plus agressive et hargneuse des milieux étrangers déterminés à ne pas
laisser réussir facilement une politique qui, d'abord, par le fait même qu'elle se déroule, ensuite et
surtout, en raison des succès évidents qu'elle commence à enregistrer, apparaît, à leurs yeux, comme
une barrière infranchissable à la pénétration de leurs intérêts en Algérie et à la pérennité de la
prépondérance de ces intérêts dans les autres pays du Tiers-Monde.
Aussi, assiste-t-on, tout particulièrement, depuis le lancement de notre deuxième Plan
Quadriennal et, davantage encore, depuis que ce dernier est parvenu à son terme, à toute une
panoplie d'actions, de campagnes ouvertes ou sournoises, d'intoxications, de mensonges et de
manœuvres diverses, toutes, destinées à faire dévier notre pays de la voie de développement qu'il
s'est choisie et, notamment, à le détourner de la forme d'industrialisation dans laquelle il s'est engagé.
Les attaques menées dans le cadre de cette offensive dirigée contre l'Algérie et sa Révolution
ont atteint un degré inouï au cours des derniers mois qui ont précédé la disparition du défunt
Président Boumédiène, s'en prenant même avec une intensité aiguë à la propre personne de celui-ci.
Depuis le décès de notre regretté Président, les thèmes, les thèses, les calomnies et les idées
par lesquels on a essayé de dénigrer notre politique de développement et, en premier lieu, notre
industrialisation, non seulement se répandent avec une intensité et une ampleur accrues, mais
semblent trouver un écho plus grand auprès de nos administrations et paraissent même inspirer de
plue en plus certaines décisions de ces administrations.
Le texte qu'on va lire constitue un rapport sur les problèmes relatifs à la poursuite de notre
politique de développement conformément à la ligne tracée par la Charte Nationale et confirmée par
le IVe Congrès du F L N.
Compte tenu des thèmes autour desquels se concentrent les discussions, les controverses ou
les rumeurs suscitées en ce moment sur la situation de notre économie, il a paru utile de rédiger et de
conduire ce rapport en se référant au texte d'une note diffusée en octobre 1978. En effet, par lettre n°
905 du 21 octobre 1978, le Ministère des Finances, a transmis au Gouvernement une note concernant
le financement des investissements planifiés des entreprises. On retrouve, dans le texte de cette note,
un grand nombre de critiques et d'appréciations que l'on entend dire actuellement au sujet de la
politique économique du pays, particulièrement dans le secteur industriel.
Par ailleurs, certaines des mesures énoncées dans cette note sous forme de propositions ont
été, par la suite, mises en application par le Ministère des Finances en février 1979, le Gouvernement

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de l'époque n'ayant pas eu la possibilité de les discuter par suite de la maladie, puis du décès du
regretté Président Boumédiène.
En outre, les commentaires et les appréciations formulés dans la note transmise le 21 octobre
1978 sur l'état de notre économie et la situation de nos entreprises socialistes, tout particulièrement
sur les entreprises industrielles, ont été repris dans un exposé effectué récemment sur le même sujet
par le nouveau Ministre des Finances. Bien plus, ces commentaires et ces appréciations, déjà
contestables à bien des égards, ont été amplifiés, dans l'exposé du nouveau Ministre, par des
extravagances et des affirmations outrancières s'appuyant sur des contrevérités manifestes, sur un
fatras de chiffres isolés de leur contexte et sur le jeu de l'amalgame qui empoche d'appréhender les
choses dans une vue objective des problèmes traités. Devant un tel état de fait, on ne peut que
déplorer le parti pris de dresser un tableau sombre sur la viabilité de notre économie et d'imprimer
dans les esprits non avertis une image désastreuse de nos entreprises nationales. Dès lors, on ne peut
ainsi que se préoccuper des conclusions vers lesquelles veut conduire un tel acharnement à donner,
au bilan fait de l'action de développement menée jusqu'à ce jour, le sens d'un constat de faillite. Ces
conclusions apparaissent, du reste, en filigrane dans les mesures ou recommandations que préconise
l'exposé du nouveau Ministre des Finances. Un rapport, qui sera diffusé ultérieurement, traitera du
contenu de cet exposé, dans la mesure où il peut être possible de traiter de problèmes abordés dans
un texte qu'on s'est contenté de lire, sans en communiquer une copie aux responsables auxquels il a
été demandé de l'entendre et qu'il était sensé éclairer sur la situation de l'économie et des Finances du
pays.
Le rapport qui va suivre se borne donc à un examen plus approfondi des thèses et des
propositions formulées dans la note du Ministère des Finances transmise le 21 octobre 1978. Il fait
suite aux remarques déjà effectuées à ce sujet dans la Première Partie du Volume II du "Rapport sur
les Problèmes Financiers de l'Industrie Socialiste", largement diffusé, début 1979, par le Ministère
des Industries Légères auprès de toutes les instances concernées.
Certains seraient tentés de voir, dans tous les documents qui ont été diffusés sur les problèmes
rencontrés par l'industrie et, en général, par les entreprises socialistes, une sorte de plaidoyer "pro
domo" en faveur de la gestion du secteur industriel. D'autres seraient même peut être amenés à
penser - et il ne manque pas, en tout cas, de bons conseilleurs pour le leur suggérer - que ces
documents constituent une sorte de parade déployée à l'avance pour prévenir des "révélations" ou des
"conclusions désagréables" qui pourraient se dégager du bilan en cours d'élaboration sur la gestion
passée, dans le cadre de la préparation du prochain Congrès extraordinaire du F. L. N.
Aux personnes qui, en toute honnêteté, se laissent surprendre dans leur bonne foi par les
rumeurs et les informations fausses, tronquées ou déformées dont elles sont assaillies, à ceux, aussi,
que la haine et l'envie aveuglent au point de les amener à accorder la moindre parcelle de crédit à de
telles inepties, comme à ceux qui, nourrissant à l'endroit de notre politique de développement et des
options socialistes de la Charte une hostilité devenue presque viscérale, n'hésitent pas à saisir toute
occasion et à se servir de n'importe quelle vilenie pour essayer de discréditer et de détruire cette
politique et ces options, il suffit de répondre que :
1. - Quand on a soi-même plaidé en faveur d'un bilan complet sur les actions engagées depuis
la proclamation de l'indépendance de l'Algérie et sur la gestion passée dans tous les domaines, on n'a
rien à redouter de ce bilan, bien au contraire. Cela d'abord, parce que c'est une caractéristique
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fondamentale de tout militant, formé dans la tradition ancienne du courant populaire du mouvement
nationaliste algérien et du Front de Libération Nationale, de savoir accepter et pratiquer
l'autocritique, c'est-à-dire de faire son bilan. Ensuite, le bilan du secteur industriel dans son ensemble,
aussi bien en ce qui concerne ce qui a été réalisé ou engagé dans les hydrocarbures et les industries
de base que pour ce qui est des industries de transformation et des industries légères, se présente sous
les meilleurs auspices ; ceux qui ont vécu et suivi les innombrables actions, qui ont marqué les
multiples et exaltantes batailles engagées pour la récupération de nos richesses nationales, pour la
nationalisation de nos moyens de production, pour le lancement et la concrétisation de notre
industrialisation, pour la nationalisation, en prenant appui sur les outils constitués par les entreprises
nationales industrielles, de notre commerce extérieur et du commerce de gros, pour la diversification
de nos relations commerciales et économiques extérieures qui a pris son véritable relief à travers la
politique de valorisation de nos hydrocarbures et dans le domaine de l'industrialisation, pour l'accès
de l'Algérie au marché financier international grâce aux opérations financières montées autour des
grands projets industriels, ce qui consacrait ainsi l'émergence de notre pays en tant que partenaire
économique solide vis-à-vis du monde extérieur, et, enfin, pour les diverses actions concrètement
entreprises en vue d'organiser les activités du secteur industriel et de donner à leur gestion de la
rationalité et de l'efficacité, actions, qu'il importe aujourd'hui de citer et de clamer bien haut, n'en
déplaise aux sceptiques, aux faiseurs de sermons sur la gestion, aux dénigreurs professionnels et à
ceux que ronge l'envie de démolir et d'occulter ce qu'ils se sentent incapables de réaliser eux mêmes,
savent que le bilan du secteur industriel sera hautement positif, quels que soient les insuffisances, les
erreurs, les défaillances, les carences et les manquements de toutes sortes que l'on pourra relever et
que certains s'acharnent ou s'acharneront certainement à rechercher et à déceler, dans une gestion
embrassant un large domaine de l'activité nationale et s'étalant sur près d'une quinzaine d'années.
Bien plus, sur une large partie des problèmes de la gestion, ce bilan pourra soutenir une
comparaison plus qu'honorable avec non seulement ce qui se dégagera d'autres secteurs d'activité du
pays, mais avec ce qui se fait dans beaucoup de pays étrangers qui avaient pris de l'avance sur
l'Algérie, en raison du passé colonial.
Pour ce qui est des faiblesses de la gestion industrielle et de ses carences, le rapport diffusé
sur la politique salariale, le rapport sur les problèmes financiers de l'industrie socialiste, la note
établie sur la nécessité de l'organisation de la gestion, des directives et des circulaires internes,
recensent et dénoncent des faits et des pratiques qu'on ne retrouve dans aucun des rapports émanant
des services qui se donnent pour vocation de censurer les autres et de leur adresser des sermons, sans
faire preuve le plus souvent, de l'aptitude à accompagner cette censure et ces sermons de l'énoncé des
mesures concrètes et des normes dont on parle tant, pour redresser la gestion et promouvoir son
efficience.
Du reste, est-il nécessaire de le souligner, l'action du secteur industriel, au cours des années
passées, a été inséparable de celles menées dans d'autres secteurs d'activité du pays, l'ensemble du
développement national formant, sous l'égide du regretté Président Boumédiène, un tout solidaire
impulsé par la même orientation politique et animé par la même dynamique de développement. A cet
égard, le secteur industriel tient sa part des succès et des mérites acquis par le pays dans la marche
qui l'emporte vers le progrès, comme il assume également son lot des imperfections, des défauts, des

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erreurs, des fautes et des carences que cette marche met chaque jour en évidence dans notre vie
nationale.
C'est dire qu'en fin de compte, ce qui a été réalisé, dans le cadre de l'industrialisation du pays,
au même titre que tout ce qui a été accompli dans les autres domaines d'activité de la vie nationale
appartient à l'histoire de la Nation et de la Révolution et que ce qui en fait la valeur et la grandeur ne
saurait être éclipsé ou effacé par les allégations des professionnels du dénigrement, de la même
manière qu'aucune rhétorique ne saurait pouvoir dissimuler les faiblesses ou les carences d'une telle
oeuvre.
Puisque l'on essaie, aujourd'hui, d'en abaisser la valeur, l'on peut s'enhardir à dire que notre
politique d'industrialisation a pris le sens d'une véritable "épopée" vécue par le pays sous la direction
du Président Boumédiène et compte parmi les hauts faits inscrits au palmarès de notre Révolution,
Aussi, est ce de pied ferme et le cœur serein que ceux qui ont eu l'insigne privilège de participer à
cette "épopée", attendent le bilan de cette industrialisation. Au demeurant et il convient de le
souligner et de ne jamais l'oublier, le bilan concernant tout ce qui a été réalisé ou engagé dans le
passé et dans tous les domaines, a été entamé dès 1977 sur les instructions du Président Boumédiène
lui-même, qui suivait personnellement chaque rapport sectoriel. En formulant ces instructions, le
Président Boumédiène qui, une fois de plus, se proposait de soumettre, par le biais du Congrès du
Parti, à l'appréciation populaire les résultats d'une oeuvre dont il avait assumé pleinement la
responsabilité, avait indiqué clairement que le bilan devrait s'effectuer sur des bases objectives,
relevant scrupuleusement et avec une égale attention aussi bien les résultats positifs que les aspects
négatifs et qu'il faudrait, de la sorte, travailler à tirer les enseignements du passé, et agir en vue de
mettre au point une critique et une évaluation constructives de tout ce qui a été réalisé jusqu'à
présent, de manière à faire de ce bilan un moyen de consolider tant les options de la Révolution que
les acquis obtenus par la mise en oeuvre de ces options. Par la morne occasion, le Président
Boumédiène avait également confirmé la décision d'élargir davantage la démocratisation de la vie
politique du pays en soumettant le prochain Plan de développement à l'appréciation et aux
suggestions des assemblées populaires locales et des instances du Parti et des organisations de masse,
de manière à permettre aux masses populaires de prendre une participation encore plus large à la
gestion des affaires concernant leur vie quotidienne et l'avenir de la Nation.
Pour ce qui est du secteur industriel, des directives écrites communiquées à l'administration et
aux entreprises, avaient défini les bases pour l'établissement de ce bilan, la nécessité de traiter de
l'ensemble des aspects de la gestion et de ne dissimuler aucune faiblesse. Ces directives écrites, on
peut en retrouver trace aisément dans des circulaires ministérielles, diffusées à propos notamment de
la préparation des rapports d'activité sectoriels et de l'application de la circulaire présidentielle sur la
répartition des bénéfices, dans le cadre de l'application de la gestion socialiste des entreprises.
Les résultats déjà remarquables qu'enregistre, dans une proportion notable, le secteur
industriel, aussi bien au niveau de la plupart de ses unités que sur un plan global au niveau des
entreprises, l'amélioration qui ne manquera pas de s'affirmer encore davantage dans ces résultats à
l'avenir font suite, dans une large mesure, aux efforts entrepris au cours de ces dernières années pour
renforcer la gestion et attestent, ainsi, que la bataille de la gestion est profondément engagée au sein
des entreprises industrielles. Ces efforts auraient pu connaître un essor plus net si les actions qui
avaient été préparées et mises au point pour une meilleure organisation de cette gestion ne s'étaient
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heurtées au refus d'agrément que leur ont opposé les services des Finances et du Plan, au moment où
l'on fait de la bataille de la gestion l'un des thèmes majeurs de notre action politique.
Dans le même ordre d'idées et comme cela a été déjà souligné dans le "Rapport sur les
problèmes financiers de l'industrie socialiste", beaucoup d'investissements industriels réalisés au titre
du IIè Plan Quadriennal et dont les aspects négatifs tels que l'endettement ou le gonflement de la
masse monétaire ont déjà produit leur impact sur l'économie, vont bientôt commencer à diffuser leurs
effets positifs au sein de cette économie, avec l'entrée en production de nombreuses unités
industrielles, qui vont donner lieu à des flux grandissants de biens pour satisfaire la demande
nationale et exercer leur effet déflatoire, en même temps qu'elles contribueront à la création de
ressources financières de plus en plus substantielles pour le bénéfice aussi bien des entreprises qui en
assument la gestion que pour le Trésor et les autres organismes de l'État.
En outre, ces résultats passés, présents et futurs du secteur industriel auraient pu atteindre un
niveau plus élevé s'ils ne subissaient pas l'handicap des prix bloqués qui limitent arbitrairement le
chiffre d'affaires des entreprises et, de ce fait, amoindrissent notablement, en valeur, la production
intérieure brute, comme cela a été, du reste, noté par la Banque Mondiale elle-même, dans le rapport
qu'elle a consacré récemment à l'évolution de notre économie.
2. - Lorsque de très hauts responsables dans la hiérarchie du pays se lancent facilement et
sans précaution aucune dans des affirmations telles que : "le pays est au bord de la catastrophe", "le
pays est en ruines", "l'économie est ravagée", "nos usines dans leur presque totalité ne tournent pas
à plus de 20 % de leur capacité" ; "la meilleure de nos usines ne marche pas à plus de 40 % de sa
capacité" etc., on mesure à quel degré de gravité est parvenue l'intoxication qui pénètre les sphères
dirigeantes du pays. Mais, cela dénote aussi autre chose de bien plus sérieux et qui mérite encore
davantage de retenir l'attention de tout militant conscient, et soucieux de l'avenir de la Révolution :
- En premier lieu, il s'agit de la facilité, en elle-même déconcertante, avec laquelle les bobards
les plus fantaisistes trouvent crédit à de hauts niveaux de responsabilité. Tout semble indiquer que
l'on croit plus volontiers les rumeurs et les inepties qui circulent de bouche à oreille que les faits,
pourtant aisément vérifiables, dont la réalité témoigne de façon évidente. Il est vrai, à la décharge de
beaucoup de personnes qui se laissent égarer de bonne foi par les contrevérités dont on les abreuve,
que de pseudo-experts, occupant de hautes fonctions dans les divers appareils du pays, concourent à
la propagation des rumeurs et des mensonges que l'on véhicule sur l'état de notre économie et
auxquels ces pseudo-experts apportent le label de leur prétendue technicité. On retrouve là le rôle
pernicieux des envieux, des médiocres et de ceux qui se sont toujours refusé à croire dans les options
de la révolution et qui, par contre, mettent un point d'honneur à reprendre à leur compte les théories
diffusées par les officines néo-colonialistes sur la voie de développement suivie par l'Algérie.
Ce n'est un secret pour personne que, pendant la maladie du Président Boumédiène, un haut
fonctionnaire des Finances, connu depuis longtemps pour son hostilité à la politique industrielle de
l'Algérie et aux options socialistes du Régime, avait tenté d'obtenir, du Conseil de la Révolution, en
faisant état d'informations alarmantes, une décision arrêtant tous les projets de développement et
notamment le blocage de tous les projets nouveaux dans les domaines des hydrocarbures et de
l'industrie, sous prétexte que le pays allait manquer de moyens de paiements extérieurs, alors que les
offres de financement reçues par les entreprises et les banques algériennes totalisaient un montant
considérable qui témoignait, à lui seul, de la crédibilité dont bénéficiait notre économie à l'extérieur
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et de la confiance que les milieux financiers internationaux continuaient à nourrir en la viabilité de
cette économie et, par conséquent, en la solvabilité de l'Algérie, en dépit de tous les efforts déployés
par les sphères néo-colonialistes d'Outre-Méditerranée en vue de persuader les milieux économiques
mondiaux que l'Algérie était au bord d'une catastrophe économique et d'une banqueroute financière.
- En second lieu, il demeure que des responsables semblent accepter sans discernement,
comme des évidences non contestables, des contrevérités et des appréciations hâtives, déformées et
injustes, tant sur l'économie du pays que sur la valeur et la justesse de nos choix en matière de déve-
loppement et d'organisation de nos structures socio-économiques. Il devient clair, ainsi, que s'il existe
des personnes qui déforment la vérité, dénigrent systématiquement et mentent effrontément, il en
existe aussi qui ne demandent qu'à les croire et qui semblent même ressentir une certaine satisfaction
à prêter l'oreille aux absurdités et aux mensonges qu'on leur raconte. Une telle situation favorise, cela
va de soi, le jeu des larbins, des intrigants et des courtisans prêts à toutes les besognes pour satisfaire
leurs convoitises et leurs ambitions. La conséquence, qui ne manquera pas de résulter de cet état de
choses, est l'éclosion d'un climat malsain préjudiciable à la bonne marche des affaires du pays. Un
danger sérieux pèse lourdement, alors, sur les intérêts de la Nation, tandis que les orientations de la
Révolution courent le risque d'être altérées au bénéfice de la réaction et en faveur du jeu et des
menées des milieux néo-colonialistes, adversaires de l'Algérie et de sa Révolution.
Enfin, dans la situation ainsi créée, prétendre plaider en faveur de l'objectivité et d'une plus
saine appréciation de nos réalités expose au reproche de s'attacher à un passéisme dépassé et de se
satisfaire du maintien de certaines situations que l'on présente comme étant la cause des multiples
difficultés qui perturbent les activités du pays et suscitent une gêne contraignante dans la vie des
citoyens.
En vérité, pour peu que l'on veuille considérer les choses avec un minimum de bonne foi et
d'objectivité, il n'est pas difficile de se rendre compte qu'à travers la campagne de dénigrement
menée contre notre politique de développement et, tout spécialement, contre notre forme d'industria-
lisation, en laquelle quelques-uns ne veulent voir qu'une sorte de "fuite en avant", se profile une
tendance très nette à un renversement de notre politique conduisant à l'abandon des options sur
lesquelles cette politique est fondée. Dès lors, tout ce qui apparaît comme faisant obstacle à la
création des conditions destinées à donner sa justification à ce renversement prend une consonance
désagréable et se heurte à un phénomène de rejet de la part des protagonistes du renversement
souhaité. Il ne serait pas étonnant, de la sorte, d'assister à des manipulations de pions sur l'échiquier
et à des tentatives d'une autre nature dans le but de déformer et de tronquer le bilan attendu sur les
actions menées en matière de développement depuis le 19 juin 1965, bilan que certains souhaiteraient
ériger en un procès dont les considérants et les conclusions seraient établis d'avance. De cette
manière, on aboutirait au paradoxe tragique qui verrait l'idée de ce bilan lancée par le Président
Boumédiène pour consolider les options de la Révolution se muer, entre les mains de certains, en une
opération politique destinée, dans sa finalité, à déboucher sur l'inverse de ce qui en a constitué la
motivation initiale, c'est-à-dire sinon à renier ces options du moins à altérer leur contenu, tout en
continuant à se réclamer, apparemment, de leur maintien et de leur continuité.
A cet égard, dans l'intention évidente d'influencer la Direction Politique et dans l'espoir de
dégager, ainsi, la voie pour faire passer leurs manœuvres, les promoteurs du renversement du sens de
notre politique économique semblent se préoccuper, dès le lendemain de la tenue du IVe Congrès,
19
d'atteindre un certain nombre d'hommes connus comme étant opposés à ce renversement et d'éloigner
les cadres dont on connaît l'honnêteté et dont on sait qu'on n'obtiendra pas la complaisance pour
laisser passer des opérations et des manigances contraires aux intérêts du pays et aux options de la
Révolution.
A cet effet, des individus connus comme des larbins toujours empressés de répondre
complaisamment aux demandes de leurs maîtres, se livrent depuis des mois et souvent au détriment
de la bonne marche des activités dont on leur a confié la responsabilité, à des "investigations" dans
les comptes de certaines gestions, dans le vain espoir de "découvrir" de quoi salir les hommes dont
on redoute la réaction ou bien en qui on voit des obstacles irréductibles, en vue, soit de les discréditer
et de les éliminer politiquement, soit, sous la pression du chantage, de les rallier ou de les neutraliser
en les faisant taire.
Ces larbins et leurs maîtres n'échappent pas, cependant, à l'erreur inévitable dans laquelle ne
manquent presque jamais de tomber tous leurs semblables, c'est-à-dire tous ceux qui, parce qu'ils ne
se laissent arrêter par quelque scrupule que ce soit, qu'ils ne nourrissent pas le moindre respect à
l'endroit de l'intérêt général et qu'ils n'ont foi en aucun idéal, n'imaginent le monde qu'à travers leur
propre image et croient que tous les autres font comme eux et ne peuvent avoir un comportement
différent du leur. C'est ainsi que s'explique la machination, à la fois odieuse et grotesque, que l'on a
essayé de monter autour de l'affaire de la révision du prix du GNL livré à El Paso et qui a tourné à la
confusion de ses auteurs dont elle a, par contre, révélé au grand jour l'incompétence autant que les
turpitudes. C'est également de cette manière qu'il faut comprendre les intrigues et les manipulations
par lesquelles l'on tente en ce moment de "fabriquer d'autres munitions", c'est-à-dire de constituer
d'autres dossiers que l'on cherchera à sortir suivant le même processus adopté pour le lancement du
canular "El Paso".
Passe encore que l'on cherche, par le biais d'une critique du passé, à faire le procès de certains
hommes dans le but de hisser sur le pavois des incapables ou des éléments qui ont manqué à leur
devoir, ou bien à se servir de cette critique comme d'un moyen pour éliminer des éléments dont on
souhaite se débarrasser, car, après tout, personne ne peut prétendre avoir reçu l'exercice de telle ou
telle responsabilité en héritage de la Providence et il n'y a rien d'anormal à ce que chacun se prépare
ou soit amené à céder la place qu'il occupe. Cependant, lorsque le mouvement affectant les personnes
prend le caractère d'un prélude au changement de la politique suivie sans que ce changement
intervienne comme la sanction d'une décision préalablement étudiée et motivée par rapport à ce qui
avait cours auparavant, le problème se pose alors de savoir comment devraient se régler les
modifications touchant le déroulement d'une politique qui représente l'acquis de tout un peuple.
Quand bien même certains pourraient arguer de ce que la politique appliquée jusqu'à présent
n'a été que le fruit d'une élaboration et de décisions qui se sont effectuées au niveau d'un cercle
restreint, il demeure que cette élaboration et ces décisions se sont déroulées sur la base des textes
fondamentaux et dans le sens des concepts qui ont toujours guidé la Révolution et exprimé les
aspirations du Peuple Algérien et qu'au fil du temps, la politique issue de cette élaboration et de ces
décisions, que d'aucuns seraient portés à considérer comme solitaires, s'est assurée de l'adhésion et de
l'appui des masses populaires de notre pays.
Aussi, au point de développement atteint maintenant par l'évolution de notre société, les
changements affectant notre politique, dans tous les domaines, ne sauraient s'opérer par le
20
truchement de mesures fragmentaires apparemment anodines et si changement de cap il devait y
avoir, il ne pourrait intervenir sans la recherche du consentement des institutions, aujourd'hui, mises
en place à cet effet, et surtout sans que les raisons militant en faveur de ce changement fussent
clarifiées aux yeux de tous. Le changement pour le changement ne peut s'ériger en doctrine valable,
même quand il prétend se légitimer par la nécessité de renouveler les têtes et de réaménager l'image
du paysage ambiant.
Dans le même ordre d'idées et entrant dans la même veine que les manœuvres évoquées ci-
dessus, on commence à entendre qu'au sein de certaines administrations, on recommanderait que les
bilans, en cours d'élaboration dans le cadre de la préparation du prochain Congrès Extraordinaire du
Parti, fussent axés sur les aspects négatifs de l'expérience vécue et de l’œuvre accomplie jusqu'à
présent, sous prétexte que les aspects positifs sont connus et, de ce fait, n'ont pas besoin d'être cités
ou bien ne doivent prendre qu'une place réduite dans ces bilans. De la façon dont les choses semblent
ainsi se dessiner, le prochain Congrès Extraordinaire du Parti, appelé à débattre des résultats de nos
réalisations, des mesures à prendre pour en redresser les erreurs et les imperfections et des
perspectives à tracer pour l'avenir, risque de se trouver mis devant une série de faits accomplis ; il ne
lui restera, alors, plus rien d'autre à faire qu'à les avaliser. Il s'agit, en somme, de créer, bien avant la
tenue même du Congrès, une situation nouvelle différente de celle qui existait fin 1978 - début 1979,
situation nouvelle où l'on aura définitivement oublié Boumédiène pour ne plus parler de continuité et
où l'on aura pris l'habitude de raisonner sans être tenu de faire référence à la Charte Nationale dont
on aura démonitisé la valeur par les "faits désastreux" qu'on se sera arrangé à "sortir" et à monter en
épingle, dans l'idée de donner du relief à ce que l'on tente de présenter comme l'échec des options
consacrées par cette Charte Nationale.
En effet, l'Algérie de 1979 ne ressemble plus guère à celle de 1962, au moment de l'accession
du pays à l'indépendance, ni à celle de 1965, au lendemain du redressement révolutionnaire du 19
juin, ni à celle de 1970 à la veille du lancement du premier Plan Quadriennal de Développement, ni
même à celle de 1976, puisque depuis cette année, qui prend vraiment le sens d'une année charnière,
notre pays a, d'abord, adopté une Charte Nationale qui fixe les options et les orientations de sa
politique dans tous les domaines, à l'issue d'un vaste débat populaire qui a dégagé un large consensus
national en faveur de cette Charte Nationale et s'est, ensuite, doté d'une Constitution qui organise le
fonctionnement de ses institutions.
Le IVe Congrès du F.L.N., qui s'est tenu fin janvier 1979, au même titre que les grandioses
manifestations populaires qui ont marqué les obsèques de notre regretté Président Boumédiène et qui
ont eu des répercussions et une portée politique considérables, ont confirmé l'engagement des forces
vives du pays dans le sens des options et orientations ainsi définies ainsi que dans la voie tracée et les
actions mises en oeuvre, en application de ces options et de ces orientations.
C'est dire, en d'autres termes, que l'Algérie ne se présente nullement aujourd'hui sous l'aspect
d'un champ vierge où l'on peut tenter d'arracher inconsidérément ce qui s'y trouve ou d'y semer
n'importe quoi.
Boumédiène est parti en laissant une doctrine clairement définie, une idéologie nettement
formulée, une politique extérieure solidement ancrée à des idées forces proclamées sans équivoque et
résolument attachées à des valeurs qui définissent notre identité au sein du concert des Nations, et, en
matière de développement, une stratégie d'action connue aussi bien dans ses principes que dans ses
21
objectifs et concrètement mise en oeuvre sur le terrain par des actions qui s'achèvent, des actions qui
sont en pleine exécution, des actions qui s'amorcent ou s'élancent et des actions qui se préparent,
chacune de ces actions représentant non un acte isolé ou une initiative ponctuelle, mais un maillon
s'insérant, suivant un processus cohérent et logique, dans une trajectoire qui retrace, dans une vision
d'ensemble à travers le temps et par-delà la complexité des problèmes traités, le cheminement sûr et
résolu de la Révolution vers les buts qu'elle s'est fixée.
S'il a légué, au pairs, une politique, Boumédiène a également laissé en place les institutions
nécessaires pour veiller au respect de son application, pour en suivre le déroulement en vue de
procéder, dans la fidélité aux principes fondamentaux et permanents de la Révolution et dans le
respect des valeurs inaliénables de la Nation, aux ajustements, aux rectifications et, éventuellement,
aux changements plus radicaux que l'expérience et/ou l'évolution historique révèleront comme
indispensables au succès de la lutte que le Peuple Algérien mène contre le sous-développement et au
triomphe de sa marche vers le progrès sous toutes ses formes.
Aussi, à la différence de ce qui pouvait se faire dans les conditions d'un passé, déjà vieux de
plus d'une décennie et au niveau duquel semble s'être figée l'évolution de certaines mentalités, on ne
peut toucher n'importe comment, sans en référer aux instances qualifiées pour en délibérer, sans en
fournir les raisons clairement énoncées et dûment établies et, enfin, sans indiquer, de manière précise
et concrète, l'alternative envisagée, à ce qui, au moment de la disparition du Président Boumédiène,
était en train de se réaliser, de se mettre en route ou même de se préparer dans le cadre d'une
politique clairement définie et connue et dans la mise en oeuvre d'une stratégie et de programmes
d'actions élaborés, lancés et considérés par tous, du moins tant que Boumédiène était là, comme
l'expression de la volonté du pays et comme l'impératif découlant des exigences de la Révolution.
Or, malheureusement, depuis des mois, des décisions surviennent annulant ou reportant des
actions enragées ou envisagées auparavant, des réorientations ou des intentions sont annoncées, des
équipes entières sont éclatées et dispersées, des mouvements de mutations sont effectués à une
échelle qu'il ne peut pas ne pas faire apparaître ces mutations comme des règlements de comptes
opérés sans rapport aucun avec l'intérêt du pays et avec les impératifs de la Révolution et ne pas
prendre, aussi et surtout, la signification d'un déblayage et d'un apprêtement du terrain pour l'amorce
d'une nouvelle politique, sans que l'on ait débattu, au sein des instances appropriées spécifiquement
prévues à cet effet par nos textes institutionnels, des raisons qui auraient pu justifier de telles
décisions ou de pareilles réorientations et que l'on ait donné la possibilité aux uns et aux autres et,
éventuellement, au peuple, de prendre connaissance des données et des impératifs qui pourraient lui
faire comprendre et accepter la modification d'une politique qu'il a, à maintes reprises, appuyé de son
adhésion massive et résolue.
C'est la raison par laquelle, devant certains faits, à la lumière de certaines manifestations et à
entendre des jugements, trop souvent hâtifs, qui se formulent, çà et là, sur la politique engagée dans
le passé, on ne peut s'empêcher de penser qu'un processus sournois se met en route en vue de créer,
comme cela a été déjà souligné plus haut, une situation nouvelle, afin que le bilan à présenter au
prochain Congrès Extraordinaire du F.L.N. soit effectué non pas sur des bases objectives, mais en
fonction d'un objectif prédéterminé visant à faire sortir de ce Congrès, une politique nouvelle, pour
ne pas dire différente et même diamétralement opposée à celle que définit la Charte Nationale, que
certains, du reste, souhaitent faire oublier et n'hésitent pas à manifester leur agacement, quand on en
22
parle. Tout se passe comme si, dans l'esprit de certains, ce qui a résulté des évènements qui ont
marqué l'évolution politique du pays à la fin de l'année 1978 et au début de l'année 1979, doit prendre
peu à peu le caractère d'un changement de Régime et ne pas demeurer inscrit dans le sens de la
continuité réaffirmée solennellement par le IVe Congrès du F.L.N.
En vérité, il n'y a pas lieu d'être surpris par le processus évoqué ci-dessus, quand on peut se
souvenir que, dans le courant de la période dramatique qui a marqué la fin de l'année 1978 et alors
que le Président Boumédiène, qui avait porté haut le flambeau de la Nation et de la Révolution
pendant de nombreuses années, gisait toujours sur son lit de mort et n'avait pas encore rendu le
dernier souffle, certains envisageaient déjà sa succession dont l'éventualité était évoquée par suite de
l'état de gravité où se trouvait sa santé, moins en termes de continuité qu'en portant l'accent sur les
réajustements, les modifications et même les Changements profonds à introduire dans le cours d'une
action que le Peuple, dans son immense majorité venait à peine de consacrer par l'approbation
massive donnée à la Charte Nationale. A un moment où le Peuple Algérien dans son ensemble et les
militants dans leur quasi-unanimité se préoccupaient surtout de la sauvegarde de l'unité nationale, de
la préservation des acquis de la Révolution, de la continuité de la politique du pays et de la pérennité
de nos institutions, d'aucuns s'empressaient, surtout, de savoir comment remodeler l'héritage, mettant
bien en évidence, par là-même, que, pour eux, le drame poignant que vivait le pays, en ces heures
pénibles de décembre 1978, était à saisir comme l'occasion tant attendue et survenue de façon
inespérée de se débarrasser ou, plus exactement, de se "libérer" d'une politique laquelle ils n'avaient,
en fait, jamais adhéré et qu'ils ne suivaient qu'à leur corps défendant et qu'avec beaucoup de
réticences, précisément dans le but de garder un pied à l'intérieur du système en vue de pouvoir
exploiter toute possibilité qui se présenterait pour changer le cours de cette politique.
C'est, assurément, dans la perspective d'un tel aboutissement pour le prochain Congrès
Extraordinaire du F.L.N. qu'une campagne si vaste, quand on considère l'envergure qu'elle prend à
travers tout le territoire et tous les milieux de la société et si pernicieuse par les procédés par lesquels
elle se manifeste, semble se développer insidieusement à l'échelle de l'ensemble du pays, avec
comme thème : "Le problème de notre économie ne se pose pas et ne doit pas être examiné en termes
de choix idéologique. Ce que les citoyens veulent, ce à quoi le peuple aspire dans son ensemble, c'est
de pouvoir trouver ce qui est nécessaire pour vivre, d'obtenir la fin des pénuries, d'augmenter la
production, d'élever le niveau de la productivité, de faciliter la distribution, d'arrêter la hausse des
prix, de disposer de logements décents pour se délivrer des taudis et de la promiscuité dans des
habitations insalubres et existes, d'éliminer la corruption, bref, de faire régner l'efficacité et
l'honnêteté. Que cela soit apporté par le socialisme, par le capitalisme ou par tout autre système,
peu importe ! L'essentiel est qu'il soit mis un terme aux difficultés qui assaillent actuellement la vie
des citoyens et aux maux qui menacent la santé de la société".
Tout naturellement, on se garde bien d'indiquer et de faire prendre conscience à l'opinion que
ceux qui inspirent ou qui tiennent un pareil langage sont précisément les auteurs mimes des
innombrables embûches, des sabotages, des blocages, de l'inertie et des manœuvres qui servent à
affaiblir ou à annihiler l'effort de développement entrepris par la Nation, à perturber le
fonctionnement du système économique, à accabler les entreprises nationales de difficultés sans
cesse renouvelées et grandissantes, tout particulièrement dans le domaine industriel, en un mot, à
susciter et à entretenir toutes les difficultés et tous les maux que l'on cite comme étant les différentes

23
causes des souffrances qu'éprouvent les citoyens dans leur vie quotidien ne et du malaise qui affecte
la société.
On entend dire également et de plus en plus maintenant, au sein même des milieux proches
des sphères dirigeantes, que si les options dont on a fait le crédo officiel du Régime devaient s'avérer
être des obstacles au "redressement" de notre économie, au renforcement de son efficacité et à l'amé-
lioration des conditions de vie de la population, il ne faut pas hésiter à les changer ou à les abolir, et
qu'après tout, la Charte Nationale n'est pas le Coran. Bien évidemment, par la même occasion, on
sous-entend insidieusement que ce sont ces options qui sont la source de toutes les difficultés et de
tous les maux qu'il faudra éliminer et que la voie suivie jusqu'à présent par le pays pour son
développement n'est pas la bonne.
Dans le cadre de la campagne qui se répand ainsi au sein des différentes couches de la
société, ces propos, ces appréciations et ces thèmes servent de moyens pour fausser le jugement des
citoyens et pour influencer l'opinion nationale et s'amalgament pour former une sorte de tampon de
chloroforme destiné à endormir les masses populaires et à préparer les esprits à accepter les
changements souhaités et à avaliser la série de faits accomplis dont on aura jalonné le chemin
conduisant à ces changements.
En fait, ce travail de sape et de pré-conditionnement des esprits a commencé depuis
longtemps et, en vérité, n'a jamais cessé de se déployer au sein de notre système, soumis ainsi aux
épreuves d'une double action : les menées visant à le ronger de l'intérieur et les attaques qui
l'assaillent de l'extérieur, sous différentes formes, pour l'abattre.
Divers rapports et documents diffusés, auparavant, ont tenté d'identifier certains aspects de
cette action de harcèlement. Il s'agit du "Rapport sur les problèmes financiers de l'industrie
socialiste", du "Rapport sur la politique salariale", du "Rapport sur le projet de texte présenté par le
Ministère des Finances et relatif à la création d'une Inspection Générale des Finances", du "Rapport
sur la mise en place de systèmes de gestion au sein des entreprises socialistes..." du "Rapport sur le
bilan et les perspectives à propos des acquisitions de terrain pour l'implantation des projets
industriels".
Le rapport sur l'I.G.F1, établi spécialement à l'intention du regretté Président Boumédiène,
avait déjà dénoncé et énuméré certains des agissements par lesquels les adversaires de l'option
socialiste dans notre pays ont tenté de dénaturer cette option, d'en faire échouer l'application et de
préparer l'avènement, en Algérie, d'une nouvelle politique économique.
Le présent rapport, au même titre que ceux qui l'ont précédé ou le suivront, se propose donc
de livrer à la réflexion de ceux qui auront à le lire et à l'examiner, des éléments d'information et des
éclaircissements destinés à attirer l'attention sur des questions que certains souhaiteraient escamoter
dans le débat qui doit s'ouvrir, débat que les auteurs des agissements évoqués précédemment tentent
de faire tourner court, afin d'éviter que les problèmes qui préoccupent l'opinion et la base militante
soient traités au grand jour, ce qui risquerait, évidemment, de mettre à nu leurs manœuvres et de faire
effondrer tout l'échafaudage mis en place pour le lancement de la nouvelle orientation qu'ils veulent
imprimer à notre politique économique. La référence à des rapports anciens, à des correspondances

1
Inspection Générale des Finances.
24
passées et à des discussions antérieures dont on pourra relever la trace aisément, établira sans aucun
doute que les thèmes traités dans ce rapport et les problèmes qui y sont abordés ne sont pas
nouveaux. Le Président Boumédiène les connaissait parfaitement et était pleinement conscient de la
nécessité de les résoudre et de l'enjeu important que représente cette solution pour un succès plus
assuré de notre politique de développement.
Aussi, son rôle a-t-il été déterminant dans l'élaboration et la mise au point des orientations et
des mesures retenues dans la Charte Nationale pour venir à bout de ces problèmes.
Cependant, accordant, dans ses préoccupations, la priorité aux luttes intenses menées pour
assurer l'émancipation de notre économie par la récupération de nos richesses nationales, la maîtrise
de nos moyens de production, la prise en main du commerce extérieur, du commerce de gros et des
autres leviers de notre économie, aux actions engagées pour le lancement et la réalisation de la
Révolution Agraire, la promotion et l'intensification de l'industrialisation, la mise en oeuvre de
l'équilibre régional, l'institution de la gestion socialiste des entreprises et de la médecine gratuite, la
démocratisation de l'enseignement à tous les niveaux, l'arabisation et la restauration de notre culture
nationale et, enfin, pour l'édification des structures de l'Etat et de nos institutions démocratiques, il a
considéré que la solution définitive des questions concernant, de façon plus spécifique, les rapports
entre les différents secteurs d'activité du pays viendrait en son temps et ne devait pas, dans
l'immédiat, dissiper inutilement les énergies de la Nation, qui devaient être mobilisées d'abord pour
gagner les luttes et réussir les actions citées, les unes et les autres, ci-dessus. Le Président
Boumédiène n'ignorait pas non plus, puisqu'il l'a clairement souligné à de nombreuses reprises, les
tentatives qui visaient, à travers certaines menées souterraines, à contrecarrer ces luttes et ces actions,
menées qui, dans certains domaines, s'enhardissent aujourd'hui à se manifester plus ouvertement.
Confiant dans la vigueur de notre Révolution Socialiste qu'il considérait comme
profondément enracinée dans l'âme de nos masses populaires et dans la conscience de nos militants,
il était fermement convaincu que ces tentatives et ces menées souterraines seraient enrayées et
qu'elles ne réussiraient jamais à mettre en échec les options de la Révolution Algérienne. A tous les
militants sincères et résolus du F.L.N., avant-garde de la Révolution Socialiste en Algérie, il a légué
la mission et le devoir de livrer et de gagner la bataille contre les menées de la réaction et de ses
commanditaires étrangers. Réaffirmer le principe de la continuité de la politique suivie jusqu'à la
disparition du Président Boumédiène, à un moment où il parait plutôt de bon ton d'afficher des
tendances à s'affranchir du "poids du passé", expose au reproche de s'accrocher à des conceptions
erronées et dépassées, de se laisser prendre par un certain fétichisme désuet et, peut-être, d'exploiter à
des fins intéressées le souvenir et le nom d'un grand disparu. Faudrait-il en conclure que notre Peuple
et notre Révolution n'atteindront jamais leur maturité et qu'ils n'auront jamais des plate-formes
politiques et des options idéologiques qui soient à eux, avant d'être celles d'une personnalité
déterminée aussi prestigieuse soit-elle ? Serait-on amené à dire, un jour, que les Algériens, dans leur
ensemble, ne forment qu'un immense troupeau de moutons de Panurge et que ce fut dans
l'inconscience collective qu'ils avaient accordé leur approbation à la Charte Nationale et aux actions
qui concrétisaient cette Charte dans les faits ? L'Algérie comptera-t-elle parmi les pays qui changent
leurs orientations et leurs options fondamentales chaque fois que le destin fait changer leurs
dirigeants ?

25
Tenir un tel langage et soulever les problèmes qui viennent d'être évoqués expose au reproche
de vouloir se présenter en "hériter de Boumédiène", de prétendre s'ériger en "légataire universel de
Boumédiène", de tenter de se faire accréditer comme "l'unique dépositaire de la pensée de
Boumédiène" et, à partir de là, de se mettre en avant pour essayer de s'arroger à titre exclusif le droit
ou la qualification de parler au nom de Boumédiène, de se réclamer de sa politique, de son action, de
ses idées, bref, de tout ce qui peut constituer l'héritage politique et doctrinal du Président défunt.
Quels que soient les sarcasmes dont on essaie de couvrir quiconque plaide en faveur de la
continuité de la politique suivie en application de la Charte Nationale et des décisions du IVe
Congrès du F.L.N., élève la voix pour mettre en garde contre les tentatives visant à s'écarter vis-à-vis
de cette politique, quels que soient les sobriquets que les partisans de la révision ou du reniement
s'acharneront à attacher à l'action et au comportement de ceux qui font obstacle à. leurs menées
sournoises, aussi tendancieux et injustes que puissent être les procès d'intention dont on s'ingénie à
faire des parades pour masquer les manœuvres par lesquelles on vise à faire avaliser par l'opinion la
réorientation de notre politique économique, il reste que tout militant profondément convaincu de la
justesse de la cause qu'il s'est engagé à servir, se doit de ne renoncer en aucun cas à défendre les
idées et les conceptions qui sont sa raison d'être. Si, pour cela, il devait s'avérer nécessaire d'encourir
le reproche de se poser en "légataire universel de Boumédiène" ou d'affronter les sarcasmes qui
s'ensuivraient, il n'y aurait aucune raison d'hésiter à continuer à aller de l'avant et à défendre
résolument la politique en laquelle on croit de toute la force de sa conviction. Plutôt le risque des
coups à recevoir ou des outrages à subir que le remord ou l'opprobre de rester indifférent devant les
atteintes portées à une politique que l'on a contribué à élaborer, à appliquer, à faire évoluer et à
défendre, non comme la manifestation d'un opportunisme passager, mais comme l'expression d'une
conviction profonde qui se confond avec sa propre raison de vivre.
Dans la réalité, les controverses qui reviennent à la surface, en ce moment, se sont déroulées
du vivant du Président Boumédiène en personne et avaient souvent donné lieu à des heurts qui
s'étaient même déroulés en sa présence. Aussi, n'est-ce pas d'aujourd'hui que les positions des uns et
des autres se sont faits connaître pour qu'il vaille la peine de s'émouvoir, si peu que ce soit, des
accusations, des procédés et de la vilenie par lesquels on essaie de jeter le discrédit sur l'action et l'at-
titude de ceux qui, en défendant la continuité de notre politique, continuent simplement à rester
fidèles à eux-mêmes et à ce qui fait leur raison d'être en tant que militants de notre Révolution, aussi
bien durant la lutte pour l'indépendance qu'en cette phase de combat pour l'édification du socialisme.
Quand on a compté, pendant des années, parmi ceux qui ont été les collaborateurs directs du
Président Boumédiène et qu'à ce titre, on a eu à partager, quelque peu, certaines de ses inquiétudes,
de ses angoisses, mais également de ses espérances, de ses vues et même de ses rêves sur l'avenir du
pays et de la Révolution, on ne peut assister sans peine et sans réagir, lorsque se dessinent ou
réapparaissent, avec une vigueur renouvelée, les menées aussi pernicieuses que nocives de ceux qui
se sont souvent opposés à sa politique, ne l'approuvaient que du bout des lèvres et ne pouvaient
souvent s'empêcher d'exhaler leur haine à l'égard de sa personne et de son oeuvre.
Même si cela devait conduire à assumer de nouveaux risques comme cela se passait au cours
des luttes passées, à affronter les menaces et la vilenie, à connaître des déboires et à courir le danger
de se faire briser, il est des moments où les militants sincères qui se sont engagés dans le mouvement
nationaliste de l'indépendance, qui ont pris part à la lutte de libération nationale dans les rangs et sous
26
la bannière du F.L.N. et de l'A.I.N. et qui agissent inlassablement pour l'édification d'une nation
moderne et pour la construction du socialisme doivent savoir se distinguer des éléments, du reste
connus de tout temps, qui ne s'infiltrent dans les partis d'avant-garde que par opportunisme,
n'apprécient la responsabilité que dans la mesure où elle leur permet de se hisser sur un tréteau, de se
montrer à l'avant-scène, de servir leurs proches ou leurs amis, de goûter ainsi à la drogue du pouvoir
et de s'en délecter, mais craignent de "se mouiller" ou de laisser des traces d'erreurs et qui, pour cette
raison, répugnent au travail effectif de tous les jours et aux engagements qui marquent, donnent la
préférence aux intrigues qui échappent à l'attention et favorisent le jeu à multiples facettes.
La nécessité, pour les militants sincèrement dévoués à la cause de la Révolution, de se
démarquer et de prendre conscience s'impose d'autant plus, aujourd'hui, que les agissements visant la
politique suivie sous l'égide du Président Boumédiène, ne se limitent plus, maintenant, à la remise en
cause du seul socialisme ; ils en viennent, en ce moment, comme on s'en rendra compte à travers ce
texte, à s'attaquer aux fondements mêmes de notre indépendance économique, c'est-à-dire de notre
indépendance tout court. Du reste, il n'y a rien d'étonnant à cela, puisque la logique même des
intérêts de classe qui animent ceux qui s'acharnent contre l'option socialiste conduit inéluctablement
à la conjonction avec les intérêts de l'étranger, c'est-à-dire, en définitive, à se compromettre avec eux
et, de ce fait, à sacrifier ou à méconnaître l'indépendance et la dignité de la Nation. En sorte que l'on
peut dire qu'aujourd'hui, il ne s'agit plus du socialisme et des options idéologiques de la Charte
Nationale, qu'il y va surtout de la patrie et que c'est aux principes de base et aux traditions de
l'authentique nationalisme algérien qu'attentent les actes qui, depuis la disparition du regretté
Président Boumédiène, tendent à la remise en cause de notre politique économique.
Aux yeux de tous les militants qui croient sincèrement en la Révolution et ne réduisent pas le
militantisme aux pratiques de la "politique politicienne", la Charte Nationale, les options
fondamentales de la Révolution, les grands axes de l'édification du socialisme, l'indépendance
nationale ne sont pas de simples fétiches qu'on jette ou qu'on remplace au gré des circonstances qui
affectent la vie des hommes.
Ils représentent des valeurs et des principes pour lesquels il vaut quelque peine de se battre,
même si Boumédiène n'est plus là. Certes, de son vivant, il en était l'incarnation et certains ont pu se
faire à l'idée que l'adhésion à ces principes et à ces valeurs n'était rien d'autre qu'une forme
d'allégeance non désintéressée à la personne du détenteur de la magistrature suprême. Si tel peut être
le cas de quelques- uns, cela ne peut refléter la position de tous. Continuer, après la disparition de
Boumédiène, à défendre la Charte Nationale et la poursuite de la politique qui matérialise les options
qu'elle a définies, c'est, certes, une forme d'hommage à témoigner au grand disparu ; mais c'est aussi
une manière de réaffirmer l'engagement envers la Révolution que la Charte Nationale définit comme
l'un des critères du militantisme.
N'est-il pas du devoir de tous les militants du FLN qui, lors du IVe Congrès du Parti, se sont
prononcés pour le respect de la Charte Nationale, pour la continuité de la politique de la Révolution
et pour la fidélité à la voie tracée sous l'égide du regretté Président Boumédiène de faire en sorte que
cette continuité soit assurée effectivement et loyalement, la continuité ne prenant en aucun cas, cela
va de soi, le sens de l'immobilisme et de la contemplation du passé. La continuité, dans le cadre de la
marche en avant d'une Révolution qui, comme celle du ler Novembre en Algérie, a donné tant de
preuves de sa vitalité, suppose la recherche constante de la novation, mais de la novation créatrice et
27
constructive qui fait rapprocher davantage la réalisation des objectifs de la Révolution socialiste. Ce
devoir de continuité et de fidélité incombe encore plus impérativement à ceux des militants du F.L.N.
qui exercent les responsabilités à tous les niveaux et dans tous les domaines.

28
INTRODUCTION
L'examen approfondi du contenu de la note du Ministère des Finances diffusée le 21 octobre
1978 (le texte de cette note est reproduit intégralement dans l'annexe n° 6 du présent rapport) appelle
les observations suivantes :
Il est à noter, tout d'abord, que la démarche qui sous-tend la note du Ministère des Finances
ainsi que l'esprit qui semble présider aux propositions qu'elle apporte, représentent quelque chose de
nouveau par rapport à ce qui, habituellement, émanait du Ministère des Finances, en matière de pro-
positions pour le financement des investissements. Cependant, bien que constituant un pas en avant
louable par rapport au passé, les solutions proposées par le Ministère des Finances n'apportent pas,
peut-on encore estimer, les mesures susceptibles de constituer des solutions durables et réelles aux
problèmes créés aux entreprises et, d'une façon générale, à l'économie nationale dans son ensemble,
du fait des conditions totalement inappropriées, imposées dans le passé, en matière de financement
des investissements ainsi que des contraintes que connaissent ces entreprises, en particulier un
environnement souvent inadéquat voire, dans certains cas, hostile.
Bien que les considérations développées dans la note pour présenter les différentes
propositions avancées par le Ministère des Finances soient plus que contestables, il n'en demeure pas
moins que certaines des propositions formulées constituent un progrès notable vers la recherche de
solutions appropriées aux problèmes de financement des investissements. Ces propositions
constituent, de ce fait, une amorce d'ouverture et pourraient conduire à rendre les relations entre
l'Administration des Finances et les différents secteurs de l'économie et tout spécialement avec le
secteur industriel plus constructives que ce qu'elles étaient dans le passé.
Néanmoins, lorsque l'on analyse plus en profondeur le contenu des différentes idées qui sous-
tendent l'analyse et les propositions contenues dans la note en question du Ministère des Finances, on
ne peut s'empêcher d'être profondément déçu d'aboutir à la conclusion que, même lorsqu'ils essayent
d'innover ou de manifester une attitude nouvelle, les services des Finances se révèlent constants dans
leurs objectifs en matière de financement du développement, objectifs qui n'ont pas changé depuis
1965 et qui se résument à peu près de la façon suivante :
- Limiter le développement industriel : cet objectif n'est évidemment pas énoncé
explicitement dans la note du Ministère des Finances, mais la reconstitution de la logique qui conduit
les propositions faites aboutit à ce résultat. Après plus de quinze ans de travail d'explication et de
clarification, on se trouve pratiquement ramené au point de départ, c'est-à-dire obtenir la limitation
du développement industriel par le biais de la remise en question des méthodes adoptées, il y a dix
ans, pour le financement des investissements (recours au crédit à 100 %), méthodes visant
précisément à libérer le développement industriel de la contrainte du financement et à accélérer le
rythme de ce développement. En effet, la prise en charge par le budget de l'État de certaines dépenses
telles que infrastructure, formation etc., va conduire, compte tenu de la limitation des ressources à
caractère définitif inscrites au budget de l'État et de la nécessaire limitation de la subvention qui
serait accordée à l'industrie dans ce cadre, à la réduction du nombre de projets industriels dont la réa-
lisation sera autorisée à l'avenir. Cette méthode de financement entraînera également un aiguisement
des conflits entre l'Industrie et les autres secteurs de l'économie, l'Industrie étant alors accusée, plus

29
que jamais, de "prendre les ressources destinées aux autres secteurs" et de gêner de ce fait leur
développement.
Ainsi, après avoir reconnu l'existence d'un problème d'inadaptation du système de
financement aux exigences du fonctionnement de l'économie industrielle, le Ministère des Finances,
au lieu d'aménager le cadre du financement à 100 % par le crédit de l'investissement industriel,
préfère opter pour un type de solution dont la conséquence entraînera inéluctablement la limitation
du développement industriel.
Cette démarche constante des services des Finances, depuis près de 15 ans maintenant, ne
constitue ni le résultat d'un problème technique à caractère financier, ni une question uniquement liée
aux modalités techniques de financement des investissements, ni encore un problème d'organisation
de la gestion des investissements. Il s'agit, comme nous n'avons pas cessé de le souligner depuis près
de quinze ans, d'un problème essentiellement politique que d'aucuns ont toupies essayé de masquer
sous des considérations techniques, afin d'éluder le débat politique qu'il appelle ou de masquer d'un
brouillard technocratique une attitude politique qui ne veut pas dire son nom.
La question principale qui se pose est en effet de savoir pourquoi l'on veut éluder ce problème
de fond et pourquoi l'on se refuse à le poser dans ses véritables termes, c'est-à-dire en termes
politiques. S'agit-il d'une façon de voiler une certaine incapacité à trouver les ressources nécessaires
pour le financement des opérations décidées par le peuple et par la Révolution ? Où bien est-ce une
attitude qui procède d'une démarche différente de celle qui a été retenue par les organes dirigeants de
la Nation ?
En ce qui nous concerne, en tout cas, nous noua sommes toujours refusés à accepter ce
maquillage des choses et nous avons considéré que la meilleure façon de régler ce problème consiste
à le poser dans ses véritables termes et dans sa réelle dimension, à savoir de considérer que le
problème est politique et que, dès lors, le débat à son sujet ne peut se limiter à un cercle restreint de
pseudo-techniciens ou de dirigeants et doit nécessairement s'élargir à toutes les instances du Parti et
des organisations de masse jusqu'à la base, aux assemblées populaires y compris les assemblées des
travailleurs et même, le cas échéant, prendre l'aspect d'un débat populaire, comme ce fut le cas
pendant la discussion de la Charte Nationale. Encore faut-il que "les dés ne soient pipés" et que
toutes les parties prenantes à ce débat soient éclairées de manière objective et complète.
Cette nouvelle contribution, qui s'ajoute aux différents documents déjà diffusés, en particulier
les documents relatifs aux problèmes liés à la définition d'une politique des rémunérations, ceux
traitant des problèmes financiers de l'industrie socialiste ainsi que le rapport relatif à l'Inspection
Générale des Finances, se propose de donner un point de vue sur les questions dont l'importance ne
saurait échapper à personne.
Il est toutefois à noter que les positions adoptées dans les différents documents diffusés ces
derniers temps et, en particulier, dans le présent rapport, ne constituent pas des attitudes nouvelles ou
circonstancielles ; il s'agit de positions de principe exposées par écrit à différentes reprises, en 1965,
1970, 1971, 1972, 1973 et 1974, tout spécialement. Beaucoup de questions traitées dans ces
documents, outre le fait qu'elles aient donné lieu à des documents écrits, ont été par ailleurs et à
plusieurs reprises exposées de vive voix en Conseil des Ministres.

30
L'ensemble de ce travail vise essentiellement à clarifier les choses de telle sorte que les gens
de bonne foi se distinguent des autres et que les "crypto-opposants" aux options de l'Algérie soient
débusqués.
Les problèmes posés étant de nature essentiellement politique, puisqu'ils touchent aux options
fixées par la Charte Nationale et à la stratégie même que définit cette Charte Nationale pour
l'édification d'une économie nationale indépendante et pour la construction du socialisme, il est du
devoir de chaque militant, et d'abord de chaque militant responsable, d'informer les autres militants
sur les données ainsi que sur tous les tenants et aboutissants des thèmes soulevés dans le débat. La
circulation de l'information la plus large et la plus objective constitue l'un des impératifs sur lesquels
portent les stipulations de la Charte Nationale et les recommandations du IVe Congrès du F.L.N., en
même temps qu'elle répond à l'exigence d'informer les citoyens sur toutes les questions intéressant
leurs conditions d'existence, la manière dont sont gérées les affaires de la Nation et la conduite du
développement du pays qui engage l'avenir de tous.
De toute façon, on ne peut plus et on ne doit plus masquer les problèmes de fond qui se
posent dans ce débat et surtout il ne saurait être question, pour nous, d'être complice de ce qui,
compte tenu de la manière dont il est posé, ne peut pas ne pas apparaître comme une sorte de
conspiration dans laquelle les uns, parce qu'ils s'expriment par écrit, se voient accusés de faire des
procès d'intention et d'avancer des jugements hâtifs ou exagérés, tandis que d'autres se posent en
"victimes" de ces procès d'intention, parce qu'ils se refusent à prendre position par écrit, procèdent
par la propagation de rumeurs, par des propos susurrés de bouche à oreille, empoisonnant de cette
façon l'atmosphère, déroutant les esprits et répandant une sorte de gaz délétère qui se refuse à
prendre toute coloration ou odeur susceptible de le révéler et dont on ne décèle la présence que par
ses effets.
Cette façon de faire finit par se manifester au moyen de toute une série de procédés indirects,
obliques et sournois et aboutit à engendrer un climat destiné à donner, du développement industriel et
de l'industrie d'une façon générale, une image fausse dans l'opinion publique et même chez certains
responsables littéralement assaillis par les tenants de ces types de procédés.
C'est pour ces raisons que nous considérons qu'il faut aller jusqu'au fond de ce débat et ne
cacher à personne les véritables données du problème, quitte à pousser jusqu'au détail l'analyse de
chaque chose ; il ne s'agit pas, en effet, de se contenter de donner une information incomplète, ni de
limiter le débat à des cercles restreints.
Car, de plus en plus, on retrouve une convergence, pour le moins douteuse, entre ce qui est dit
à l'intérieur du pays par certaines personnes, et ce qu'affirment à l'étranger des opposants déclarés au
Régime. Ces opposants de l'extérieur, qui s'expriment grâce à la complaisance de radios et de publi-
cations étrangères hostiles à l'Algérie, trouvent souvent dans ce que murmurent à l'intérieur du pays
certaines personnes, la base de leur propagande et le contenu de leurs élucubrations politiques. Il est
clair que ce que disent les uns et les autres n'est pas strictement identique, ce n'est pas du mot à mot,
mais les résultats des affirmations des uns et des autres se trouvent être souvent très proches.
Ce travail de clarification est rendu cependant quelque peu difficile, en raison du fait que
souvent, comme cela a d'ailleurs été signalé dans le rapport sur la politique des rémunérations, il est
plus facile de lancer des expressions, des phrases qui ne se fondent sur rien de concret ni de solide

31
mais qui ont peut être l'avantage d'aller dans le sens de certains préjugés ou de certaines idées reçues,
que de répondre dans le détail, et à partir de nos réalités nationales telles qu'elles ont été vécues par
nous, à ce qui est préconçu et s'est déjà imprimé dans les esprits comme des vérités intangibles.
Il arrive qu'entre les services des Finances et les services des autres secteurs de l'économie, il
y ait des problèmes de définition de concepts ou que ces services suivent des orbites parallèles ou
qu'ils soient sur des longueurs d'onde différentes.
D'où l'importance que revêt, en ce qui nous concerne tout au moins, le fait de définir ce que
nous voulons dire, quitte à aller jusqu'à exposer ce qui peut sembler, pour certains, des évidences et à
aboutir à des documents totalisant, dans certains cas, des centaines de pages, en réponse à des notes
ou des communications qui ne dépassent pas dix à quinze pages.
Il convient enfin de remarquer qu'une note émanant du Ministère des Finances, traitant d'un
sujet aussi important pour l'avenir du développement économique dans notre pays, ne contient
pratiquement aucun chiffre permettant de juger de la valeur des affirmations et des raisonnements
que cette note véhicule. Il se peut que ces chiffres existent ; dans ce cas, il est nécessaire de les
mettre à la disposition des responsables auxquels s'adresse cette note afin qu'ils puissent apprécier
l'importance de tel ou tel jugement, l'urgence que revêt le règlement de telle ou telle question.
Comme cela a déjà été signalé dans le document traitant de la politique des salaires, il est nécessaire,
avec le Ministère des Finances en particulier, que l'on travaille sur la base des mêmes chiffres afin
d'être assuré de donner la même importance aux mêmes phénomènes, et que, même au niveau des
concepts utilisés par les uns et par les autres, l'on définisse suffisamment ces concepts afin d'être
assuré de parler le même langage.
La situation décrite par le Ministère des Finances est peut-être vraie totalement ou
partiellement pour certaines entreprises, mais l'est -elle aussi en toua points et pour toutes les
entreprises du secteur socialiste ? Pour pouvoir apprécier, là également, à sa juste valeur le
raisonnement fait par les services des Finances dans le cadre de cette note, il est nécessaire de
disposer des chiffres sur lesquels ils ont assis leur raisonnement. Car, il est, en effet, plus que
probable que beaucoup d'entreprises échappent à l'analyse qui est faite par les services des Finances,
et il s'ensuit que la situation décrite dans la note sur le financement des investissements, même si,
encore une fois, cette note apporte des débuts de réponses positifs à certaines questions, n'est pas
généralisable à l'ensemble des entreprises. Il devient donc nécessaire, sous peine de tomber dans
l'amalgame et la confusion, de ramener les choses à leur juste proportion.

32
TITRE I : QUELQUES THÈMES DU RÉPERTOIRE.
Chapitre 1 : Premier examen d'une note des Finances.
Les remarques préliminaires développées en introduction trouvent déjà leur signification si
l'on procède à un examen, dans son texte même, de la note des Finances. On se bornera ici à la
première partie de la note intitulée "Analyse de la situation", la deuxième partie intitulée
"Propositions" étant examinée au chapitre 5.

1.1 - Qui est responsable des surcoûts ?


Après avoir rappelé quelques facteurs externes de surcoûts, notamment "l'inflation
internationale", la note des Finances aborde ainsi l'examen des facteurs internes :
"Cependant, à ces facteurs anormaux externes, s'ajoutent d'autres facteurs de surcoûts, tout
aussi anormaux mais de nature interne engendrés par l'organisation même de notre économie, les
modalités, circuits et procédures de financement et d'exploitation des investissements, l'absence
fréquente de critères de gestion et de sanctions le tout aboutissant souvent à un déséquilibre de
l'exploitation des entreprises qui, s'il devait se prolonger, risquerait de dégénérer".
Cette analyse du renchérissement interne des coûts étant faite de façon générale, le lecteur est
tout naturellement porté à mettre la responsabilité de la situation ainsi décrite sur le compte des
entreprises. En effet, l'évocation des critères de gestion et de l'exploitation prennent, dans ce
contexte, la signification d'un index pointé sur le gestionnaire de l'entreprise. Par contre, les services
des Finances apparaissent comme extérieurs à la réalité ainsi décrite, alors que leur responsabilité est
lourdement engagée à travers tout un réseau de textes, d'analyses, d'attitudes, de pratiques qui, tout
au long de ces années, ont encerclé les entreprises dans un véritable carcan.
Certes, il y a la part de responsabilité des gestionnaires des entreprises, mais il .y a surtout
toute une cascade de causes qui ont fait que ces entreprises ont de faire face, en sus des difficultés
inhérentes au sous-développement et à la situation économique de départ, à un réseau sans cesse
densifié d'entraves institutionnelles, administratives et, par suite, psychologiques.
Une telle situation a déjà été analysée dans de nombreux documents émanant du secteur
industriel et ayant trait, par exemple, au contrôle, aux retards dans la mise en vigueur des contrats et
aux formules des révisions de prix, aux procédures de financement etc., etc. Puisque cette analyse est
ignorée par la note des Finances, il est nécessaire de la reprendre une fois de plus et elle fait l'objet de
longs développements dans le cadre de ce document.

1.2 - A propos de ratios pour une bonne gestion.


La référence faite par la note des Finances à "l'absence fréquente de critères de gestion" se
prolonge par le commentaire suivant :
"En effet, aucun ration ou seuil de charges de personnel ni d'investissements par rapport au
chiffre d'affaires n'est observé, ni de bénéfice par rapport au chiffre d'affaires, ni de production par
agent, ni de taux de rendement fiscal, ni de rythme d'accroissement des frais généraux par rapport
au chiffre d'affaires".
33
Cette énumération de ratios non observés par les entreprises socialistes, déjà longue mais qui,
se terminant par des points de suspension, s'annonce comme ouverte, c'est-à- dire extensible, prend la
forme, sous un ton outré, d'un jugement ferme et définitif et, de surcroît, scientifique.
Cet exemple, tiré parmi tant d'autres possibles de la note des Finances, illustre et condense en
son sein la méthode utilisée dans cette note et qui vient d'être dénoncée en introduction.
On y retrouve d'abord l'ignorance de la situation dans les entreprises socialistes : s'il est
certain qu'un effort est à faire sur le plan des méthodes de gestion dans les entreprises, il est tout
simplement faux d'indiquer qu'aucun ratio n'est observé ; au contraire, on peut citer, par exemple, le
cas de l'entreprise S.N.I.C. qui dispose d'un tableau de bord mensuel.
S'agissant des efforts qui restent à faire, les entreprises et leur tutelle sont, en réalité,
conscientes du fait que le moment est venu de faire un véritable bond en avant.
Mais une telle action s'organise. S'il suffisait pour cela d'établir une liste de ratios, une
énumération encore plus longue et plus détaillée figure dans le document diffusé sous le timbre du
Ministère des Industries Légères et intitulé "Rapport sur les problèmes financiers de l'industrie
socialiste, Volume ler", plus précisément au niveau du Titre 4 consacré à la "Fixation de structures
financières normatives". Encore faut-il souligner que, dans le cadre du rapport cité, cette fixation de
ratios apparaît comme un élément de tout un faisceau d'actions visant à restituer à l'industrie
socialiste son droit à une structure financière cohérente.
Un tel effort sur le plan des méthodes de gestion s'organise donc et implique un certain
nombre d'actions. Encore faut-il qu'il ne soit pas entravé par des blocages au niveau du Ministère des
Finances, comme ce fut le cas des contrats d'organisation et de gestion des entreprises sous tutelle du
Ministère des Industries Légères. Cette situation a été décrite dans le rapport diffusé, en son temps,
par ce Ministère et intitulé "Rapport sur la mise en place d'un système de gestion".
On retrouve alors à ce niveau deux éléments de la démarche implicite dans la note des
Finances :
- d'une part, les services des Finances sont présentés comme neutres ou extérieurs à la
situation décrite alors que, dans le cas d'espèce, le blocage des contrats par les services des
Finances qui a été levé en janvier 1979, pour être remplacé aussitôt par l'opposition du Plan
qui, deux mois plus tard, à laissé place à un nouveau blocage du Ministère des Finances,
illustre bien la part de responsabilité de ces services dans la situation qu'ils se complaisent à
dénoncer.
- d'autre part, les services des Finances ignorent les écrits antérieurs ou les arguments
développés par les gestionnaires ou leur tutelle, puisque si des deux rapports du Ministère des
Industries Légères qui viennent d'être cités, celui sur la mise en place d'un système de gestion
est postérieur à la note des Finances, par contre, celui sur les problèmes financiers de
l'industrie socialiste - pour ne citer que celui- là - lui est antérieur.
On constate, ainsi, une attitude qui est très caractéristique dans les pratiques du Ministère des
Finances envers le secteur industriel et que l'on veut s'abstenir de qualifier dans ce rapport ; elle
consiste, d'un côté, à reprocher aux entreprises de ne pas appliquer de ratios de gestion, et de l'autre,
à leur refuser les moyens nécessaires à l'application de ces ratios et des techniques modernes pour

34
l'organisation scientifique et rationnelle de la gestion, condition indispensable pour l'exercice du
contrôle et pour mettre les entreprises en état de promouvoir leur performance.
Si donc la nécessité de critères de gestion ne peut être mise en doute, encore faut-il prendre
l'exacte mesure de leur signification et de leur application.
En premier lieu, il convient de souligner qu'un ratio ou une norme doit être considéré comme
un point de repère, un indicateur qui a son utilité pour la conduite de la gestion, mais ne doit pas
s'ériger en règle absolue à un point tel qu'il viendrait remettre en cause les objectifs supérieurs du
développement. De nombreux exemples sont là, malheureusement, pour montrer qu'une telle
déviation est non seulement possible, mais qu'elle a été effective, puisqu'il est maintenant connu que
le ratio de coût du m² imposé dans la construction a abouti à des situations où :
- des chantiers ont été arrêtés faute de crédits,
- des entreprises ont réalisé des logements inhabitables ou à dégradation rapide,
- des écoles, des lycées ont vu leur construction retardée ou amputée,
- des communes se sont endettées,
- des projets de villages socialistes agricoles ont été redimensionnés dans le sens de la
réduction pour répondre au ratio,
- des entreprises communales ou de Wilaya ont été amenées au bord de la faillite.
Sans compter les difficultés qu'ont rencontré les entreprises nationales de construction, ainsi
que le retard mis à la réalisation des objectifs, déjà modestes, du Plan en matière d'habitat.
On peut considérer à travers cet exemple qu'en faisant du ratio coût du m² un critère figé, on a
en fin de compte fait passer cet objectif avant celui de la réalisation des objectifs du Plan en matière
d'habitat et de construction.
En second lieu, il est nécessaire de souligner que la signification d'un ratio n'est pas neutre sur
le plan économique et que, par conséquent, les ratios à utiliser par les entreprises socialistes doivent
être cohérents et doivent s'inscrire dans le cadre de la voie choisie par notre pays sur le plan de son
développement économique. Ce n'est pas le cas de certains des ratios cités dans la note des Finances
ainsi que cela sera analysé dans le chapitre 11 consacré au choix des ratios de rentabilité et à leur
signification économique.
Tant il est vrai que, s'il suffit dans une note de quelques pages de glisser des termes
empruntés à la littérature spécialisée pour parer un jugement, en soi sommaire, de l'auréole de la
science et de la rigueur, les gestionnaires, quant à eux, doivent ajouter à leurs tâches quotidiennes la
préoccupation des concepts utilisables pour leur gestion, préoccupation sans laquelle leur action ne
pourrait s'inscrire dans le cadre de la politique économique du pays.
On retrouve alors à ce stade d'autres éléments de la démarche des services des Finances :
- l'emprunt à la littérature économique de termes et de concepts, s'il confère, a peu de frais,
l'auréole de la rigueur scientifique, sert, en réalité, ou bien à cacher une incapacité à inscrire
l'analyse économique dans le cadre de la voie de développement choisie par notre pays, ou
bien à masquer une tentative de remettre en cause cette voie puisqu'elle aboutit au double
résultat de jeter le discrédit sur des entreprises présentées comme peu soucieuses de
35
rentabilité, tout en entravant ou en mettant en échec des objectifs de développement ainsi qu'il
est apparu à travers l'exemple de la construction.
- la nécessité dans laquelle on se trouve, pour réparer le mal que peut faire un paragraphe de
quatre lignes, de faire de longs développements, puisque, dans le présent rapport, il sera
consacré, au passage évoquant rapidement les ratio dans la note du Ministère des Finances,
tout un chapitre sur la rentabilité. (Chapitre 11)

1.3. - Les entreprises optent-elles pour la solution de facilité ?


La note des Finances poursuit :
"En outre, les entreprises socialistes optent pour la solution de facilité en ajoutant au prix de
revient obtenu, la marge bénéficiaire. En situation de monopole, cette méthode paradoxalement ne
fait qu'encourager, à la limite, les entreprises à avoir les prix de revient les plus élevés pour avoir
les plus forts bénéfices, sans considération de la veneur réelle du bien, ni du pouvoir d'achat du
salarié".
C'est là un jugement sommaire, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il ne comporte aucun
discernement, puisque la note ne relève pas qu'au moins pour la majeure partie des produits sur le
marché, qu'il s'agisse de produits fabriqués localement ou importés, les prix sont fixée par décret et
figés au-dessous de leur prix de revient et même, dans bien des cas, au-dessous de leur prix d'achat à
l'extérieur.
C'est le cas notamment des grands produits de l'économie : carburants, acier, ciment, engrais,
machines agricoles, produits alimentaires de première nécessité etc., dont les prix ont figés depuis
longtemps ou sont restés figés pendant plusieurs années, voire une décennie et plus, sans pour autant
bénéficier, pour la plupart d'entre eux, de soutien budgétaire de la part de l'Etat.
C'est là l'une des sources des découverts des entreprises, découverts qui s'accumulent au
niveau des banques et sur lesquels ces banques prélèvent un intérêt de 6 % par an.
L'exemple du prix du ciment, qui a fait l'objet d'une analyse détaillée diffusée par le Ministère
des Industries Légères et dont les éléments principaux sont présentés en annexe n° 1, illustre bien la
situation de ces produits.
Pour le reste, c'est-à-dire pour les produits pour lesquels un décret n'a pas fixé de prix figé, les
marges elles- mêmes sont fixées par décret, ainsi que le stipule la Loi des Finances 1972, alors que le
texte de la note, cité ci-dessus laisse entendre qu'il y a là toute liberté pour les entreprises d'opter
"pour la solution de facilité".
Au demeurant, pour cette catégorie de produits qui concernent le textile, le cuir, les
cosmétiques, certains produits alimentaires, etc. le secteur socialiste ne se trouve pas en situation de
monopole, puisqu'il rencontre la concurrence du secteur privé qui occupe parfois une position majo-
ritaire ; au contraire, dans ces différentes branches, ce secteur socialiste, au lieu "d'opter pour la
solution de facilité", impose souvent des prix inférieurs à ceux du secteur privé (cas du textile), ce
qui ne va pas sans difficultés, puisque les entraves qu'il rencontre au niveau du développement de
son réseau de distribution limitent l'avantage que le consommateur pourrait tirer de ces niveaux de
prix.

36
Mais, ce que cette note "omet" tout simplement de signaler, c'est que les dispositions qui
établissent le principe de la marge bénéficiaire déterminée par pourcentage par rapport au prix de
revient ont été arrêtées sur la proposition conjointe du Ministère des Finances, du Ministère du
Commerce et du Secrétariat d'État au Plan et que, si ces dispositions bénéficient quelque peu aux
entreprises socialistes dont les produits échappent au système des prix figés et des marges bloquées,
elles profitent encore davantage aux entreprises privées.
La préoccupation exprimée par la note des Finances quant à "la valeur réelle des biens", et
"le pouvoir d'achat du salarié" gagnerait à s'enrichir de la mise en évidence des atteintes qui leur
sont portées par les libertés de toutes sortes rencontrées par le secteur privé dans la conduite de ses
opérations spéculatives. Pourquoi la note des Finances n'en parle-t-elle pas ?
Il suffit de passer en revue les prix des produits sous monopole, notamment ceux d'entre eux
qui sont destinés à d'autres secteurs de l'économie, pour s'apercevoir que, le plus souvent, les prix de
ces produits sont inférieurs au prix d'achat international. Les éléments de référence figurent dans la
préparation des décrets de fixation de ces prix. Pour quelle raison la note des Finances ignore-t-elle
cela ?
De nombreuses entreprises socialistes se voient, à travers les prix de vente fixés à leurs
produits, appelées en fait à supporter des subventions à l'économie. Dans quel but la note des
Finances ne le relève-t-elle pas ?
Puisque le débat est porté sur les marges bénéficiaires, que penser du niveau des marges des
Banques et de sa relation avec le travail effectif fourni en contrepartie par ces Banques ? Que penser
des taux d'intérêt, des commissions bancaires, des prélèvements de change, et autres ponctions
prélevées par le fait du prince sur la substance des secteurs productifs ?
S'agissant de la méthode paradoxale de la marge bénéficiaire en situation de monopole, que
penser du cas de la Banque Centrale qui, à travers le taux d'escompte et de réescompte et les taux de
change, apparaît comme la seule entité économique à se trouver réellement dans cette situation ?

1.4. - Qui est responsable des retards de réalisation ?


- Passant à l'analyse des difficultés génératrices de surcoûts pour les entreprises, la note des
Finances aborde les retards de réalisation :
"Les retards dans la réalisation dus à l'insuffisance de programmation, de maîtrise des
circuits et procédures, au manque de personnel qualifié, à des difficultés d'approvisionnement en
matériaux de réalisation, à une organisation pas toujours rationnelle des opérateurs, au manque de
coordination entre les différents secteurs et administration. Ces retards qui se caractérisent par
l'achèvement de certains projets en 5 et 6 ans au lieu de 2 ou 3 ans et par l'image devenue familière
du stationnement en permanence au large du port d'Alger d'une trentaine de bateaux, se traduisent
tous par des frais supplémentaires anormalement élevés se répercutant défavorablement sur le coût
final des projets, hypothéquant ainsi leur gestion future et pénalisant par la même occasion les
ressources intérieures et extérieures de l'Etat et le pouvoir d'achat de la population déjà fortement
sollicités par ailleurs".
La note adopte ainsi un ton général très vague, mais qui a pour résultat de laisser supposer
que la responsabilité entière de cette situation incombe aux seules entreprises, alors que les
37
responsabilités externes à ces entreprises, notamment celles des services des Finances sont
immenses.
Là, aussi, on ignore tous les écrits précédents, tous les arguments laissés sans réponse, toutes
les démonstrations que les gestionnaires s'éreintent à présenter, tous les débats de fond auxquels ils
invitent leurs correspondants du système financier, et s'il suffit ainsi de quelques lignes pour semer le
discrédit sur la gestion des entreprises socialistes, pour susciter le doute sur le choix de
développement dans lequel notre pays est engagé, plusieurs chapitres devront être consacrés dans le
présent document à l'analyse de cette situation, si l'on souhaite vraiment lever le flou complice et
situer les responsabilités (Titre II intitulé : "Les handicaps supportés par les entreprises et leurs
conséquences sur le coût des investissements et les charges d'exploitation").

1.5. - Prévisions optimistes, ou choix imposés ?


- Toujours à propos des facteurs de surcoût, la note des Finances poursuit :
"Par suite de prévisions optimistes, il est ainsi arrivé de nombreuses fois où le
remboursement des crédits à terme octroyés a été réclamé par les banques, avant que
l'investissement n'entre en production et parfois même avant que sa réalisation ne soit achevée".
Cette invocation de "prévisions optimistes" est pour le moins surprenante, si l'on se réfère à ce
que furent la règle et la pratique en matière de financement des investissements.
En réalité, cette situation n'est pas le fait d'une erreur de prévision, mais sanctionne au
contraire la volonté des Finances d'ignorer les exigences économiques de notre pays.
Cette situation n'est pas le fait du hasard ; elle a été voulue, et les effets qu'elle induit, tout
spécialement pour le secteur industriel, ont été dénoncés, à plusieurs reprises, par écrit et oralement,
notamment en Conseil des Ministres. Ces interventions ont eu, malheureusement, peu de suites, car,
peut-être et comme dit l'adage, il n'y a de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
En vérité, si les entreprises se sont trouvées devant ces situations, c'est non à cause des
prévisions optimistes, mais parce que les services des Finances ne leur ont laissé d'autre choix
qu'entre un financement de l'investissement dès le départ inadapté, ou la renonciation à
l'investissement. Les difficultés financières imputables à des erreurs de prévision sur les coûts ou sur
les délais de réalisation, erreurs auxquelles n'échappent pas, du reste, toutes les entreprises du monde,
y compris les plus performantes, ont certainement leur part dans les problèmes d'équilibre financier.
que connaissent les entreprises industrielles, mais cette part demeure cantonnée dans des proportions
modestes par rapport aux préjudices infligés aux entreprises socialistes par les modalités imposées
pour le financement de leurs investissements et de leurs activités.
On se retrouve donc de nouveau confronté au problème de l'inadéquation du financement des
investissements qui a déjà fait l'objet du Volume ler du "Rapport sur les problèmes financiers de
l'industrie socialiste"cité plus haut, et dont le remboursement des crédits avant entrée en production
de l'investissement ne constitue que l'un des épiphénomènes.
Ce problème du financement des investissements, qui constitue ici le thème central, sera
repris tout au long de différents chapitres du présent document.

38
1.6. - Que signifie le découvert ?
Après la présentation des surcoûts de l'investissement des entreprises, la note des Finances
aborde le thème des découverts et souligne notamment :
- "A titre purement indicatif, signalons que le volume des découverts des sociétés nationales
(dont une partie importante peut être considérée comme "impayés" et représentative de déséquilibres
de gestion) à la fin de l'été, a évolué entre 7 et 8 milliards de dinars chez la Banque Extérieure
d'Algérie seulement".
Après avoir été susurré de bouche à oreille, ce chiffre est lâché écrit, "à titre purement
indicatif". Qui peut être dupe de l'effet recherché à travers cette information "purement indicative"?
Qui peut ignorer les conclusions suggérées par cette information quant à la gestion des entreprises
socialistes, et à la validité de l'option de développement choisie ?
La même suggestion est faite par la note des Finances, lorsqu'elle parle de découverts comme
d'une "subvention d'équilibre déguisée" ; une telle expression est pernicieuse, car elle laisse
apparaître en filigrane le spectre du déficit du secteur productif socialiste, qui est le thème majeur par
lequel on commence toujours à attaquer le système socialiste avant de le remettre en cause.
Mais ces conclusions, implicitement suggérées, sur quoi reposent-elles sinon sur l'amalgame
et la confusion, du fait que le terme même de découvert qui, dans un autre contexte, traduit
l'incapacité de l'entreprise à faire face à ses obligations, n'a pas du tout la même signification dans
notre pays puisque, entre autres facteurs, l'entreprise socialiste n'ayant pas de financement de fonds
de roulement, le découvert est précisément le choix fait par notre système de financement pour jouer
ce rôle.
D'autres facteurs ont leur importance, et il n'est pas indiqué de les analyser dans cette
première partie, puisqu'ils sont développés plus loin, notamment dans le titre III intitulé "Le système
de financement". Néanmoins, puisque la note des Finances donne ce chiffre de découvert sans en
analyser le contenu, et si l'on veut donner d'ores et déjà, à titre purement indicatif, quelques éléments
sur la signification véritable de ce découvert, on peut souligner que si ce chiffre peut paraître énorme
dans l'absolu, il convient, pour l'apprécier valablement, de le rapprocher d'autres paramètres tels que
le chiffre d'affaires, le programme d'investissement, etc. On pourrait se rendre compte, alors, que si
énormité, il y a, elle se situe à hauteur des incohérences, inadéquations et vices qui caractérisent le
système financier et fiscal dans lequel sont enfermées, à défaut d'être étouffées, les entreprises
socialistes.

1.7. - Quand, les taux d'intérêts "parmi les plus faibles du monde" sont jugés,
trop élevés.
- La note des Finances poursuit :
"Malgré la baisse intervenu en 1971 lors de la réforme de la réglementation des taux
d'intérêts, les taux d'intérêts des crédits internes (et externes) finançant les investissements sont jugés
encore trop élevés par les opérateurs, alors qu'ils sont parmi les plus faibles du monde".

39
Un tel jugement est à la fois erroné et tendancieux ; il est tendancieux car il tend à insinuer
qu'alors que le secteur financier fait des sacrifices, les opérateurs des secteurs productifs lui
demandent d'en faire encore d'autres.
Il est erroné, car sinon pourquoi parler de taux d'intérêt, alors que c'est de la structure de
financement qu'il s'agit, car quelle signification un taux d'intérêt peut-il avoir indépendamment de
cette structure ?
Dans le monde capitaliste, 30 à 40 % de l'investissement étant constitué par des fonds
propres, auxquels ne correspondent ni intérêts ni échéances de remboursement, la part du crédit
commercial se trouve minorée.
Dans les pays socialistes, le crédit ne tient dans le mode de financement de l'investissement
qu'une place limitée, puisqu'il représente pour l'URSS environ 20 % du montant de l'investissement,
cette proportion oscillant, pour les autres pays, entre un minimum de 5,7 % pour la Roumanie et un
maximum de 33 % pour la Bulgarie. De plus, "les remboursements sur les crédits d'investissements
s'imputent sur le bénéfice distribuable des entreprises, ce qui revient en fait à consolider en fonds
propres les crédits en question" (Rapport sur les problèmes financiers de l'industrie socialiste,
Volume ler, page 199).
En Algérie, le financement de l'investissement industriel est assuré à 100 % par le crédit ;
dans ces conditions, le gestionnaire ne pose pas le problème du taux d'intérêt, mais celui de
l'inadéquation du système de financement dans son ensemble. Les problèmes étant liés, il ne servirait
à rien de traiter des épiphénomènes séparément. Toutefois, les conditions des crédits d'investissement
ne correspondent ni aux conditions dans lesquelles s'effectue la réalisation de ces investissements, ni
au fait que les projets industriels ne sont pas éligibles au financement budgétaire, c'est-à-dire par des
fonds non soumis à un échéancier de remboursement et ce, précisément parce qu'ils sont entièrement
financés par recours au crédit. Dans de telles conditions, la question du financement des investis-
sements devra être considérée dans sa globalité et ne pas s'arrêter à traiter isolément du seul aspect
relatif au taux d'intérêt.

1.8. - Où va la valeur ajoutée créée par les entreprises ?


- Après avoir souligné la "quasi absence d'accumulation que devraient engendrer les
investissements publics", la note des Finances débouche alors sur les inquiétudes du secteur financier
:
"Le secteur bancaire et financier de l'État, du fait de la non récupération des crédits octroyés
et concrétisée par le gonflement du portefeuille d'impayés, est en droit de s'inquiéter des capacités
futures de financement et de gestion de l'économie, si les ressources injectées ne se reconstituent
pas".
A ce stade, l'incompréhension devient totale ; les services des Finances raisonnent comme le
ferait en la matière un entrepreneur privé, c'est-à-dire qu'ils ignorent qu'en matière de
développement, à côté de l'accumulation au niveau de l'entreprise, il y a l'accumulation au niveau de
l'économie dans son ensemble, et que si l'accumulation peut s'envisager au niveau du projet, elle doit
s'analyser également et surtout au niveau de l'économie nationale.

40
Si les entreprises nationales n'accumulaient pas, on serait alors en droit de se demander d'où
vient l'argent qui permet au secteur bancaire de déclarer annuellement des bénéfices de plusieurs
centaines de millions de dinars et d'assurer les frais des services, des agences et des guichets qui
emploient plusieurs milliers de personnes, à moins que le Ministère des Finances ne considère que la
seule source d'accumulation en Algérie est le fait du secteur privé, ce qui aiderait alors à comprendre
l'insistance que mettent certains services à vanter les mérites du secteur privé.
Mais l'accumulation ne se pose pas dans les mêmes termes au niveau de l'entreprise et au
niveau de l'économie et l'accumulation au niveau de l'économie n'est pas constituée par l'addition de
ses éléments au niveau des entreprises.
D'abord, parce que sur le plan simplement des comptes, si un système de mesures peut faire
en sorte que la valeur ajoutée créée par l'entreprise n'apparaisse pas pour elle en tant
qu'accumulation, ce système ne peut empêcher cette accumulation de se fondre dans le creuset qui
regroupera l'accumulation de l'économie nationale. D'autre part, parce que, grâce notamment aux
effets induits, dans le cas où des projeta sont non rentables, ou peu rentables, ou tardivement
rentables pour l'entreprise, cela n'exclut pas que ces mêmes projets soient, du point de vue de
l'économie dans sa globalité, rentables, très rentables ou immédiatement rentables.
On s'aperçoit ainsi que dans beaucoup de pays, les Etats invitent les entreprises à investir et
pour cela non seulement les exemptent de toutes taxes à l'investissement, mais renoncent à percevoir
l'impôt pendant dix ans et consentent d'autres avantages : bonifications, subventions etc. (comme
présenté dans l'annexe n° 2 sur les avantages à l'investissement consentis dans de nombreux pays).
Ces aides de l'État sont loin de constituer des subventions à "fonds perdus", parce qu'en plus
des effets recherchés sur le plan de l'emploi etc., l'Etat sait que l'investisseur crée des ressources non
seulement à l'économie, mais au Trésor lui-même, car il n'ignore pas que l'action de l'investisseur
qu'il aura encouragé va gonfler la matière fiscale dans d'autres domaines, gonflement qui procurera
au Trésor de nouvelles ressources. Ces nouvelles ressources, bien que non perçues directement sur
l'investisseur subventionné, n'auraient pu exister sans l'action de cet investisseur.
En Algérie, les entreprises socialistes, bien que de création récente, bien qu'entrées depuis peu
dans la production, bien que devant faire supporter à leur patrimoine en production un programme de
développement sans commune mesure par comparaison aux pratiques d'autres pays et bien que
supportant toutes sortes de contraintes, contribuent de façon importante à l'accumulation, ainsi que le
montre, à travers quelques exemples, l'annexe n°3 sur la valeur ajoutée créée par les entreprises.
Que le système financier et fiscal fasse que l'entreprise soit saignée à blanc et apparaisse
comme déficitaire ne change rien à la réalité de la contribution de cette entreprise à l'économie. Bien
plus, en extrapolant le raisonnement présenté ci-dessus, on peut ajouter que l'entreprise socialiste
contribue à l'accumulation nationale non seulement à travers les ponctions faites sur sa valeur
ajoutée, mais aussi à travers la fiscalité perçue au niveau d'autres agents, notamment les entreprises
du secteur privé, pour lesquelles cette possibilité ne serait pas à la disposition du Trésor sans
l'activité de l'entreprise socialiste. Cette contribution est complémentaire à la valeur ajoutée de
l'entreprise socialiste, puisqu'elle apparaît au niveau des comptes de cette dernière comme une
charge.

41
En effet, une partie de cette valeur ajoutée créée par les entreprises socialistes sert de source
aux revenus que le secteur privé engrange grâce aux activités qu'il déploie dans le sillage des
investissements de l'Etat et de la production du secteur socialiste ; la valeur ajoutée créée par les
entreprises socialistes entre ainsi dans la formation de la matière fiscale qui apparaît au niveau du
secteur privé ; mais, malheureusement, ce que les services des Finances appellent pudiquement
"l'évasion fiscale", permet à une part notable de cette matière fiscale, née de la diffusion à travers
l'économie de la valeur ajoutée issue du secteur socialiste, d'échapper à l'impôt, ce qui prive le Trésor
d'une fraction importante de l'accumulation secrétée par les investissements publics et s'enregistrant à
son niveau.
Les services des impôts, qui laissent "s'évader" une proportion importante des rentrées
fiscales, ne sont-ils pas, à leur manière, une entreprise déficitaire qui "pénalise les ressources
intérieures de l'Etat", pour reprendre les termes mêmes qu'utilise la note du Ministère des Finances ?
Si les services des impôts relevant du Ministère des Finances étaient organisés en entreprise
socialiste, les capitaux considérables que le secteur privé subtilise au fisc et s'approprie en toute
quiétude, apparaîtraient, dans les comptes de cette entreprise, comme un énorme déficit, le déficit
étant entendu ici comme une perte sèche que ne compense aucune contrepartie, par ailleurs, au
bénéfice du Trésor, pour le compte duquel opère l'entreprise dite "Services fiscaux du Ministère des
Finances".
Si les développements ainsi présentés laissent un peu de scepticisme à certains, ces derniers
se reporteront avec profit au Rapport intitulé "Perspectives Décennales de Développement
Économique de l'Algérie", et qui présente les mesures que la France préconisait en 1957 pour attirer
l'investisseur dans le cadre du Plan de Constantine ; l'ampleur des avantages consentis à des
entreprises françaises aguerries et ne rencontrant pas les contraintes de nos entreprises socialistes,
donne un éclairage sur les raisons pour lesquelles, à reprendre le texte de la note des Finances,
"l'entreprise nationale d'État se voit frustrée d'une rentabilité à laquelle elle aurait pu et de
prétendre".
Ainsi, les services administratifs français ont évalué, dans les conditions de l'Algérie de
l'époque, les handicaps auxquels se heurteraient les investisseurs, et on calculé les contreparties à
fournir à ces derniers pour les inciter à investir.
Ainsi, de nombreux pays dans le monde font le même calcul, ainsi que le montre la panoplie
présentée dans l'annexe n° 2 sur les avantages à l'investissement. Certains d'ailleurs, les pays en voie
de développement à économie libérale, le font pour le capital étranger, alors qu'il est connu que ce
dernier réussit à évacuer et à rapatrier par toutes sortes de canaux l'apport à l'accumulation que peut
en espérer le pays hôte pour son économie.
Ainsi, la Banque Mondiale, à propos du projet de la cimenterie de Salda, a suggéré à notre
pays un certain nombre de mesures d'allègement en faveur de la SNMC.
Une question se pose donc de toute évidence : alors que notre pays engageait un effort de
développement auprès duquel le Plan de Constantine de la puissance coloniale ne peut apparaître que
comme dérisoire, qu'ont proposé les services des Finances pour aider au lancement de cet effort de
développement et à la réalisation de cet effort de développement ? Pourquoi les services des Finances
et les experts économiques algériens n'ont-ils pas évalué de la même manière les problèmes du
42
développement industriel en Algérie ? Pourquoi n'ont-ils pas suivi la même méthode que la Banque
Mondiale pour apprécier la rentabilité économique d'un projet ? Pourquoi ignorent-ils, en matière
d'accumulation, cette double appréciation financière et économique, c'est-à-dire au niveau
microéconomique (l'entreprise) et au niveau macroéconomique (la Nation), qu'on retrouve dans la
politique économique de nombreux pays étrangers ?
Autant de questions exigent une analyse plus approfondie de la conception du Ministère des
Finances en matière d'accumulation, ainsi que du contenu véritable de ce concept. C'est l'objet du
chapitre 13 intitulé "Quelle est la contribution réelle des entreprises socialistes à l'économie
nationale ?"

1.9. - Un scénario avec auteur


La note des Finances présente ensuite ainsi la situation à laquelle sont confrontées les
entreprises :
"Ceci étant, le scénario se poursuit schématiquement de la façon suivante : ce qui n'est pas
accordé à l'entreprise par le plan de financement de tel investissement, lui est ensuite consenti sous
forme de crédits supplémentaires dans le cadre de la restructuration ou de l'assainissement financier
de l'entreprise, sans que pour autant la société soit finalement en mesure de rembourser tous ses
crédits".
Ce scénario n'est pas sans auteur ! En effet, s'il y a effectivement scénario, il y a aussi un
auteur à ce scénario, un auteur dont on ne dit rien.
Qui est responsable de cette situation, sinon ceux qui se sont évertués à enfermer les
entreprises dans un système de financement unique au monde par ses effets négatifs, et auquel
l'entreprise la plus performante ne survivrait pas ?
Ce scénario a un auteur : ce sont les services des Finances eux-mêmes, et au sein de ces
services, des personnages qui ont joué, dans le passé, un rôle de premier plan dans la mise au point
de l'arsenal des mesures financières et fiscales qui ont conduit les entreprises industrielles dans la
situation où elles se débattent actuellement ; ces mêmes personnages tentent aujourd'hui de revenir
en surface et de ressurgir, sans doute, pour tirer les conséquences du système qu'ils ont contribué à
mettre en place.
Si les services des Finances semblent découvrir ces problèmes pour la première fois alors
qu'ils les ont engendrés eux-mêmes, ce n'est pas faute pour le secteur industriel d'avoir, depuis de
nombreuses années, dénoncé cette situation et attiré l'attention à travers de nombreuses lettres,
rapports etc., du reste, le Volume ler du "Rapport sur les problèmes financiers de l'industrie
socialiste" qui est antérieur à la note des Finances, a repris et exposé de façon détaillée cette
situation.
Cette situation, que les services des Finances ignorent quand ils le veulent, et redécouvrent
quand ils le souhaitent, est-elle le fait du hasard ou est-elle voulue ?
Pour en juger, il est nécessaire de reprendre plus en détail et une fois de plus l'analyse de la
situation du développement de l'industrie socialiste en Algérie.

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TITRE II. - LES HANDICAPS SUPPORTES PAR LES
ENTREPRISES ET LEURS CONSÉQUENCES SUR LE COUT DES
INVESTISSEMENTS ET LES CHARGES D'EXPLOITATION :
Après avoir indiqué que les entreprises nationales ployaient "sous le poids du
renchérissement énorme du coût des investissements, des études et des dépenses d'assistance
technique" et souligné que ces entreprises se trouvaient, en outre, confrontées à d'autres difficultés, la
plupart génératrices de surcoûts, la note présentée par le Ministère des Finances indique qu'il
convient d'ajouter à cela "la gestion relativement dispendieuse des entreprises, avant, pendant et
après la réalisation des projets d'investissement".
Aussi, bien que les difficultés rencontrées par nos entreprises soient maintenant bien connues,
et qu'il n'est plus possible de les ignorer, le mythe grossi de la "gestion dispendieuse", qui véhicule
derrière lui tout une imagerie de moquettes luxueuses, de bureaux spacieux et de gestionnaires qui
dépensent sans compter les deniers de l'État, a décidément la vie bien dure.
Il suffit pourtant d'ouvrir l’œil un peu plus largement autour de soi et d'observer quelque peu
attentivement la manière dont fonctionnent les différents services et organismes de l'Etat pour se
rendre compte du pâle reflet que prend la "gestion dispendieuse" de certaines entreprises nationales
industrielles, qui sont la cible favorite des dénigreurs du secteur socialiste, quand on compare cette
"gestion dispendieuse" à la profusion d'aisance et de prospérité indécente qui s'étale dans le
fonctionnement ou le sillage de bien d'autres secteurs de la vie du pays.
Il s'avère donc, une fois de plus, nécessaire de rappeler de nouveau quelle est la réalité vécue
par nos entreprises et les conditions qui entourent ces entreprises, tout au long de leurs actions
d'investissement et d'exploitation.

Chapitre 2 - Les surcoûts supportés par les entreprises en phase de


réalisation.
C'est principalement dans la phase d'investissement que résident les causes les plus
nombreuses pour les surcoûts de l'industrialisation.

2.1. - Ce que représente l'acquisition d'un terrain pour un projet industriel.


La localisation des projets dans les régions défavorisées du pays, opérée dans un souci
d'équilibre régional, ainsi que les procédures d'acquisition de terrains, une fois la décision d'im-
plantation est prise, entraînent des coûts supplémentaires et des retards de réalisation, eux-mêmes
générateurs de surcoûts, lesquels constituent un surcroît de dépenses pour l'entreprise.
Il n'est que de se reporter à l'étude menée et largement diffusée par le Ministère des Industries
Légères sous le titre "Bilan et Perspectives à propos des acquisitions de terrains pour l'implantation
des projets relevant de l'ensemble du secteur Industrie et Energie durant la période 1962-1980",
pour se rendre compte du phénomène lié à l'acquisition des terrains, qui exige généralement un
minimum d'attente d'une année avant le lancement des travaux et qui, dans de nombreux cas,

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demande des délais de deux, trois, quatre et même sept années, comme l'illustre si bien le cas du
projet d'installation intégrée de distribution SONATRACH d'El Khroubs, pour lequel le terrain
d'assiette avait été demandé en 1970 et n'avait pu être obtenu qu'en 1977.
Par ailleurs, les terrains affectés aux projets des entreprises socialistes font partie, pour la
plupart, de zones à relief difficile nécessitant des coûts importants en travaux de terrassement et de
génie civil.
A titre d'exemples, on peut citer les aménagements des terrains, qui, devant servir à
l'implantation de projets textiles, ont coûté les sommes suivantes à la SONITEX :
- à Tebessa : 23 Millions de DA
- à Aïn Beida : 22 Millions de DA
- à Souk Ahras : 40 Millions de DA
- à Akbou : 25 Millions de DA
En outre, quand ces terrains font partie des zones industrielles gérées par la CADAT, les
choix définitifs des sites sont parfois retardés par les formalités administratives de constitution de ces
zones. C'est ainsi que les terrains pour l'implantation des projets textiles (cas de Aïn Beida, Akbou,
Khenchela) n'ont pu être bordés définitivement qu'après la parution des décrets de création des zones
industrielles, intervenue bien après la signature des contrats de réalisation, obligeant l'entreprise à
retarder les études d'engineering et à subir des coûts additionnels du fait de ce retard. Par ailleurs, la
viabilisation de ces zones, qui incombe à la CADAT, intervient, dans les rares cas où elle est
effectivement réalisée par cet organisme, le plus souvent bien après les délais prévus dans les
plannings retenus, tant en ce qui concerne les alimentations des chantiers que celles des unités en
phase de production. Dans beaucoup de cas, ce sont les promoteurs industriels eux-mêmes qui
prennent directement en charge cette viabilisation tout en payant, de plus, par ailleurs, des coûts de
terrains supposés viabilisés. Ces règlements de coûts de terrains dont la CADAT exige 50 %
d'avance avant toute délimitation de parcelle, sont, de plus en plus, payés, aux prix forts (jusqu'à 140
DA/m²), à l'avance et dans leur totalité, par les Sociétés Nationales, sous peine de se voir refuser le
permis de construire lorsque, dans certains cas, ils ont déjà pris possession des terrains demandés
avant paiement intégral.
Les difficultés d'acquisition de terrains, les changements de site et leur incidence sur les coûts
méritent également d'être signalés.
Lorsque les terrains appartiennent à des privés, les difficultés rencontrées dans les procédures
d'expropriation pour cause d'utilité publique se trouvent souvent compliquées par le statut
d'indivision qui régit les parcelles à exproprier.
Les difficultés de même ordre pèsent sur le coût d'un projet quand le Ministère de
l'Agriculture et de la Révolution Agraire, le Ministère de l'Hydraulique, et/ou celui de l'Habitat et de
la Construction décident, directement ou indirectement, à travers les agréments du Comité
Interministériel pour l'Aménagement du Territoire (CIMAT), de faire changer de site à un projet, en
cours d'étude et souvent en phase de réalisation, parce que le terrain, choisi initialement avec l'accord
des autorités locales, est considéré par ces organismes comme étant par exemple "à vocation

45
agricole", ou bien encore "destiné à être intégré dans un périmètre irrigable", ou bien, enfin,
appartenant ou pouvant appartenir à des zones naturelles touristiques à protéger.
Ce souci de protéger des périmètres ou des zones à valeur agricole ou touristique, que le
secteur industriel ne peut pas ne pas faire sien lorsqu'il se justifie, est louable en soi ; cependant, ces
changements de site, qui interviennent un an, deux ans et même trois ans après un choix initial, opéré
pourtant par les autorités locales avec la participation des représentants de toutes les entités
concernées, et en l'occurrence, de ceux des autorités qui sont, par la suite, à l'origine de leur remise
en question, sont décidés également au moment où ils perturbent le plus la réalisation du projet,
annihilent, de ce fait, tout effort de planification et condamnent ainsi la gestion future de ce projet,
tout en semant l'inquiétude et la désorganisation chez le promoteur industriel et, en créant chez ce
dernier, une hantise du phénomène acquisition de terrain, une perte de confiance et un
découragement dans toute prochaine action d'investissement et de développement. Un exemple
éloquent, en matière de désorganisation de la planification des projets, réside en la réception,
devenue alors prématurée sur le site final du projet, des équipements de production commandés
auparavant et programmés pour être réceptionnés seulement la veille du montage ; ces équipements
sont alors stockés sur le site selon des moyens de fortune et le plus souvent soumis aux intempéries
et à la corrosion durant le temps (1 ou 2 ans) que durera leur stockage ainsi imposé avant leur
montage, malgré les mesures de protection que les responsables des projets ne manquent pas de
prendre pour parer à de telles situations.
Le cas le plus typique des aberrations auxquelles l'on a abouti par le jeu des blocages
provoqués au nom de l'environnement ou de la préservation des terrains agricoles est, sans conteste,
celui de la Raffinerie de Bejaia que l'on propose, maintenant, d'annuler purement et simplement en
condamnant la SONATRACH à subir une perte considérable et, sans doute aussi, à payer un lourd
dédit au constructeur qui avait été retenu pour la réalisation de ce projet. Par cet exemple, on a la
possibilité de mesurer l'ampleur des dégâts infligés à l'industrie en prenant appui sur des concepts,
louables en soi, qui sont utilisés, cependant, comme une machine de guerre pour combattre
l'industrialisation du pays, au grand bénéfice des groupes étrangers, du genre de l'ERAP, qui avaient
accueilli avec beaucoup d'hostilité le programme de raffinage lancé par l'Algérie, car ils avaient
parfaitement saisi que l'objectif visé par notre pays était de leur imposer, à l'avenir, de
s'approvisionner, non plus en brut, mais en produits finis issus de la transformation sur place de nos
matières premières.
L'implantation du projet SONITEX de Sidi-Aïch, pour citer un exemple parmi tant d'autres,
dont on peut prendre aisément connaissance dans l'étude citée plus haut sur le bilan et les
perspectives à propos des acquisitions de terrains pour le secteur Industrie et Energie, permet
d'illustrer l'impact du choix du site sur le coût du projet. Le terrain, retenu initialement pour
l'implantation de cette unité et situé dans la commune de Takriets (Daïra de Sidi-Aïch) a fait l'objet
d'un choix de terrain en date du 25/11/75.
Propriété privée, ce terrain devait faire l'objet d'une procédure d'expropriation le 19 mars
1977 ; suite aux diverses interventions des propriétaires et ayant droits et du fait que ce terrain devait
faire partie du périmètre irrigable de la Soummam, la Wilaya fit part à la SONITEX de son
opposition à une telle implantation.

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Le 27 mars 1977, la Commission de Wilaya a arrêté son choix sur un terrain situé dans la
commune de Timezrit-Il-Maten. La cession devait faire l'objet d'une décision favorable du CIMAT.
Des études immédiatement entreprises ont révélé la présence d'un volume très important de marnes
bleues couvrant la majeure partie de la parcelle.
Le coût du terrassement de cette zone a été estimé à près de 90 Millions de DA. L'importance
de ce coût a contraint la SONITEX à intervenir de nouveau auprès de la Wilaya pour obtenir
l'implantation de l'Unité sur une autre parcelle qui, du point de vue coût et implantation, représente
une solution meilleure. Le 20 septembre 1977, soit près de deux années après le premier choix, la
Commission autorisa enfin l'implantation de l'Unité sur la nouvelle parcelle.
Le changement de site s'est traduit tout de même par un coût supplémentaire de 40 Millions
de DA, tandis que le retard de 7 mois enregistré dans l'ouverture du chantier se traduit par un chiffre
d'affaires non réalisé d'environ 180 Millions de DA, la révision des montants non forfaitaires prévue
par le contrat étant évaluée, quant à elle, à 14 Millions de DA ?

2.2. - Industrie-Agriculture : concurrence ou complémentarité ?


La dégradation des terres agricoles ou à vocation agricole par l'industrie et le rétrécissement
des superficies cultivables du pays qu'aurait entraîné l'extension de l'industrialisation constituent l'un
des faux problèmes inventés de toutes pièces pour justifier les blocages par lesquels l'on tente de
freiner la marche de l'industrialisation et d'en réduire les résultats par suite du renchérissement
imposé aux investissements des sociétés nationales et de la surcharge qui en découle sur leurs prix de
revient, par le biais des amortissements et des frais financiers ; sinon, comment expliquer autrement
qu'au moment où l'on reproche à l'industrie d'arracher des terres à l'Agriculture, on laisse en friche
des milliers d'hectares à travers le pays et notamment dans les plaines les plus fertiles comme celles
de la Mitidja ou de Azzaba, tandis que, par ailleurs, des zones qui s'énorgueillissaient naguère de
riches cultures, se transforment en parcelles incultes ou en marécage comme dans la région de
Mohamedia. Le cas de Mohamedia illustre vraiment l'absurdité des situations auxquelles peuvent
conduire les types de faux problèmes que l'on suscite en vue de contrer le développement de
l'industrialisation, puisqu'au moment où l'on laissait les vergers et les parcelles maraîchères de cette
zone se transformer en marécage, on bloquait le chantier de construction de l'usine de lampes de la
SONELEO, sous prétexte de préserver les terres agricoles.
Pour en continuer avec les faux problèmes du même genre, signalons aussi que l'on reproche
à l'industrialisation de vider les campagnes de leur main-d’œuvre agricole et de constituer, de la
sorte, un facteur de régression pour notre agriculture. Là également, pour se rendre compte de
l'absurdité de telles allégations, il suffit de rappeler que l'exode qui affecte nos masses rurales a
commencé bien avant le lancement de notre industrialisation et qu'il a servi d'abord et pendant
longtemps à alimenter l'émigration vers l'Europe. On ne sache pas que l'on ait déclenché un jour une
campagne contre notre émigration pour avoir privé nos campagnes d'une partie de leur main-d’œuvre
agricole. Bien plus, il n'est pas rare de constater que ce sont souvent les mêmes voix qui reprochent à
l'industrialisation d'absorber de la main-d’œuvre d'origine agricole, qui, par ailleurs, plaident en
faveur du maintien des conditions encourageant le séjour de notre émigration en Europe alors qu'en
Algérie, les terres agricoles ne sont plus travaillées et que certains tentent de justifier l'annulation de
projets industriels par l'insuffisance de la main-d’œuvre.
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Emportés et aveuglés par leur zèle et leur hargne anti-industrie, nos dénigreurs professionnels
en arrivent décidément à faire flèche de tout bois pour déconsidérer notre politique de
développement sur le plan industriel et en arrivent à oublier que notre industrialisation a assumé un
rôle déterminant dans la résorption du chômage, en même temps qu'elle a évité, à beaucoup de ceux
qui quittent nos campagnes, d'aller se faire exploiter en Europe.
Est-il besoin de souligner, aussi, que l'exode rural a commencé à affecter nos campagnes bien
avant le lancement de notre industrialisation, qu'une grande partie de ceux qui auraient pu constituer
une main-d’œuvre utile pour les activités agricoles se concentrent dans les bidonvilles et fuient le
travail industriel autant que le travail de la terre et que, par conséquent, l'industrie, si elle a bien
constitué un facteur déterminant dans l'accélération de l'évolution de notre société et dans la refonte
de ses structures héritées de l'époque coloniale et des traditions féodales, ne saurait assumer à elle
seule, à moins d'un déni délibéré de la vérité et de l'équité, la responsabilité des aspects négatifs inhé-
rents aux bouleversements qui affectent la situation de notre vieille société rurale.
Au demeurant, pour illustrer à quel point le reproche fait à notre industrialisation d'avoir
affaibli notre agriculture en lui prenant sa main-d’œuvre est injuste, faudrait-il noter que c'est dans
les pays industrialisés que l'agriculture connaît ses meilleures performances et que cette performance
de l'agriculture va généralement de pair avec la diminution de la proportion de la population active
qui se consacre aux activités agricoles ? N'est-il pas exact que ce sont les pays, comme les U.S.A. et
le Canada, où cette proportion est la plus faible puisqu'elle n'atteint même pas les 4 % pour les
U.S.A., qui arrivent non seulement à pourvoir aux besoins alimentaires de leur population dont la
consommation induit des besoins énormes, mais en plus assument l'approvisionnement d'une grande
partie de la population de la planète en produits alimentaires et détiennent encore, de surcroîts, les
plus grandes réserves mondiales pour ces mêmes produits ? Ces faits dont l'évidence n'échappe à
personne, démontrent parfaitement bien que le développement de l'industrialisation, loin d'affaiblir
l'agriculture, crée, au contraire, les conditions de son expansion et de l'amélioration de son efficacité.
Ces conditions tiennent principalement à ce que l'industrie, en absorbant le surplus de main-d’œuvre
qui pèse sur l'agriculture, procure à cette dernière l'avantage d'élever sa productivité et d'améliorer
considérablement le niveau de vie de ceux qui y travaillent, en même temps qu'elle lui assure, par
ailleurs, un marché plus large et plus rémunérateur pour ses produits ainsi que l'apport nécessaire en
biens industriels tels que les moyens mécaniques, les engrais, les phytosanitaires pour sa
modernisation etc.
En Algérie, le secteur industriel, en plus du soutien qu'il a donné à l'agriculture sur le plan de
la fourniture de certains produits industriels dont elle a besoin, a assuré la charge de prix en constante
augmentation pour une meilleure valorisation des produits agricoles.
Dans notre économie considérée globalement, comme c'est le cas dans l'économie de tous les
autres pays, l'industrie et l'agriculture constituent les deux secteurs clefs de la production nationale.
Au lieu de chercher à les opposer en des conflits stériles avivés par de faux problèmes
artificiellement suscités à cet effet, la sagesse autant que l'intérêt même du pays commandent plutôt
d'en organiser la solidarité et de promouvoir toutes les actions qui sont de nature à les amener à se
soutenir mutuellement. Malheureusement, les besoins de l'action de dénigrement menée contre
l'industrialisation de notre pays exigent qu'il en soit autrement et expliquent les multiples allégations
par lesquelles on tente d'imputer à notre industrie les difficultés que connaît notre agriculture.
48
Tout cela sent la haine, la calomnie et la rage qu'inspire la perte d'intérêts colossaux et laisse
clairement entrevoir que derrière ces intérêts et ceux qui les servent avec autant de complaisance, se
profile l'ombre sinistre des nostalgiques des milieux néo-colonialistes de Paris qui ne pardonnent pas
à l'Algérie d'avoir ruiné, en s'engageant dans la voie de l'industrialisation, leurs espoirs de faire de
notre marché national, un débouché privilégié pour l'écoulement de la production de leur propre
industrie. Cela sent aussi la réaction intérieure qui aurait aimé voir notre politique d'industrialisation
lui laisser une place plus large pour faire prospérer ses affaires et lui ménager la possibilité de
s'associer davantage avec les groupes étrangers et de recueillir quelques miettes de la part de ces
derniers en servant de support à leur implantation au sein de notre économie.

2.3. - Le projet industriel doit commencer par mobiliser ses besoins en eau.
Au sujet de l'alimentation en eau, il s'agit de souligner que, du fait d'une insuffisance notoire
des aménagements hydrauliques dans notre pays, la consommation de la plupart des projets
industriels localisés ne peut être satisfaite par les ressources déjà connues et mobilisées et nécessite la
recherche et la mobilisation de nouvelles ressources.
C'est ainsi que, par exemple, la SONITEX a été contrainte d'inclure dans le coût des projets :
- d'une part, les frais de campagnes de recherches hydrogéologiques en vue de déterminer les
potentialités en eau des zones d'implantation (en particulier à Arris, Souk Ahras et Nédroma).
- d'autre part, l'exécution de forages (cas de Sidi-Aïch) ainsi que l'équipement de puits
(projets de Sidi-Aïch, de Sebdou, de Tébessa) et la réalisation de conduites sur plusieurs
kilomètres (3 km à Sidi-Aïch, 8 km à Sebdou et environ 22 km à Aïn Beida).
Il y a lieu également de signaler le problème de la qualité de l'eau destinée à alimenter les
Usines. Dans bien des cas (Aïn Beida, Tebessa, Nedroma et Sidi-Aïch), les eaux ont une forte teneur
en sel ; de ce fait, les entreprises socialistes, qui sont tenues de s'implanter dans ces régions dans le
cadre de la politique de l'équilibre régional, se voient dans la nécessité de subir, pour leur
alimentation en eau, un coût de traitement supérieur à celui normalement exigible ; ainsi et à titre
d'exemple, l'eau d'alimentation de l'unité d'Aïn Beida dont la teneur en sel est de l'ordre de 3,500
mg/l exige, pour son traitement, une station dont le coût est estimé à environ 10 Millions de DA.
Par ailleurs, la faiblesse des ressources en eau sur le plan national a amené le Ministère de
tutelle à imposer aux entreprises de doter leurs projets de stations de recyclage des eaux usées dans
un souci d'économie de ces ressources, ce qui se traduit par un surcoût additionnel qu'il convient
d'avoir aussi en mémoire lorsqu'on s'ingénie à comparer le coût des réalisation de nos entreprises
avec celui d'unités analogues dans des pays industrialisés.

2.4. – Qui paye pour les insuffisances en infrastructure et en transport ?


Le développement économique exige "la mise en place à travers le pays d'une infrastructure
adéquate qui constitue une nécessité primordiale..." (Charte Nationale), donc des voies de
communication et des moyens de transport adaptés à la mise en valeur rationnelle de l'espace
national et, dans ce contexte, aux nécessités de l'industrialisation ; or, l'extension et l'amélioration des
infrastructures de communication n'ont généralement pas suivi le développement des investissements
industriels de production et des besoins qu'ils impliquent en matière de transport.
49
La réalisation d'un projet requiert des transports présentant des caractéristiques principales
suivantes :
- Origines et destinations diverses
- Gabarits souvent exceptionnels
- Tonnage très variable
- Grande dispersion de ces activités dans le temps.
Il apparaît que le modèle même adapté à ces conditions et mis en regard avec la situation du
pays, est incontestablement la route, alors que l'offre constituée par le parc propre compte des
entreprises industrielles nationales n'est pas adéquat pour ces transports et que la SNTR ne dispose
pas d'une flotte spécialisée, suffisamment dimensionnée, pour répondre aux besoins des entreprises.
Cette insuffisance de l'infrastructure dans le domaine du transport est une source permanente
de prolongation des délais et de surcoûts dans la réalisation des investissements. Cette insuffisance
est due, surtout, à un manque de matériel et de capacité.
Néanmoins, l'organisation du secteur des transports parait jouer un rôle qui n'est pas à
négliger.
Le mauvais fonctionnement de certaines infrastructures (routes, ports) cause des délais
souvent coûteux, dans tous les domaines et à tous les échelons. L'engorgement des ports provient de
l'insuffisance de l'infrastructure portuaire par rapport aux volumes des importations, mais également
de la faiblesse des capacités des transports routiers pour l'enlèvement des marchandises.
En plus des contraintes de délais pour la mobilisation des transports publics, l'entreprise
socialiste doit subir également les coûts anormalement élevés de ces transports, qu'elle aurait pu
assurer avec une plus grande souplesse et à moindre coût, si elle était dotée d'un parc propre compte
de plus grand tonnage.
Les pertes provoquées par l'arrêt d'un chantier important ou le retard de la mise en activité
d'une usine, faute d'un matériel de transport adéquat et disponible, s'ajoutent au coût des projets ; on
évalue mieux, dans ce contexte, la rentabilité des investissements pour l'acquisition d'une flotte
spéciale destinée à ces transports d'équipements d'usine.
Pendant que l'on refuse aux entreprises socialistes les crédits et même les autorisations
nécessaires à l'acquisition des moyens de transport qui leur sont indispensables à la fois pour mener à
bien leurs activités et pour réduire leurs coûts, on les contraint à recourir aux véhicules du secteur
privé qui se trouve, ainsi, gratifié d'une véritable rente de situation, ses véhicules étant assurés à la
fois de ne pas rester sans travail et de bénéficier d'une rémunération élevée pour leur location.
Enfin, à propos des surcoûts diffusés à travers l'économie par les conditions dans lesquelles
s'effectuent les opérations de transport, il convient de mentionner les effets résultant des bipoles
pratiqués par Air Algérie et la CNAN.
En raison de ces bipoles, les tarifs pratiqués pour le coût des transports aériens et maritimes
entre l'Algérie et certains pays étrangers sont convenus entre nos deux entreprises nationales citées
ci-dessus et leurs homologues étrangères qui sont associées à elles dans le cadre de chaque bipole.
Certes, le bipole réserve à chacune de ces deux entreprises la moitié du fret sur les lignes concernées,
50
mais le tarif appliqué pour ce fret, qui est fixé de manière à leur assurer des revenus confortables,
profite également aux compagnies étrangères auxquelles elles sont liées par le bipole, du fait que ce
tarif est commun aux deux partenaires de ce bipole. Il en résulte que les compagnies étrangères
réalisent un profit important sur le fret en provenance ou à destination de l'Algérie. Pour ce qui est
plus spécialement du trafic maritime, le bipole ne s'appliquant pas au pétrole et le transport du GNL
étant régi par des accords spécifiques, le tarif ainsi convenu porte essentiellement sur les
importations effectuées par l'Algérie dont les exportations sont pratiquement d'un volume
négligeable hormis le pétrole et le gaz. Comme ce tarif est généralement plus élevé que celui qui
aurait résulté du libre jeu de la concurrence internationale, il contribue à renchérir le coût des
produits que nous importons dans une proportion qui profite pour moitié à des entreprises étrangères.
Aussi, serait-il, sans doute, plus indiqué de revoir le principe de ces bipoles de manière à éviter que
la recherche de tarifs rémunérateurs pour nos deux entreprises nationales de transport sur les lignes
extérieures n'aboutisse à procurer des profits excédentaires à des économies étrangères au détriment
de la nôtre.
Enfin, il faudrait aussi signaler l'impact des surestaries et des autres surcoûts qui affectent le
transport de nos importations en raison des difficultés engendrées par l'engorgement de nos ports aux
navires qui y accostent.

2.5. - Des retards qui se facturent à hauteur de l'inflation mondiale.


Dans le cadre de notre politique de développement, notre pays doit faire appel à l'importation
de biens et services, et se trouve par conséquent exposé à la conjoncture économique internationale,
caractérisée durant ces dernières années par un taux d'inflation élevé.
De ce fait, les coûts des investissements se trouvent gonflés, et tout retard dans la réalisation,
qu'il soit dû aux procédures administratives, aux contraintes de l'environnement ou aux insuffisances
des moyens de réalisation de l'entreprise, se traduit par un surcoût d'autant plus important.
Cela apparaît notamment à travers les réévaluations que doivent subir les investissements
réalisés par les entreprises ; bien que ces surcoûts dus à l'inflation ne soient pas la seule cause de ces
réévaluations, ils permettent d'apporter déjà un éclairage à cette "pratique devenue systématique, la
réévaluation des projets en cours de réalisation", dénoncée quelque peu sommairement et sans
discernement par la Note du Ministère des Finances.

Chapitre 3 - Les surcoûts liés à l'environnement administratif et


institutionnel.
Par les lenteurs et la multiplication des procédures qu'il impose à l'entreprise, l'environnement
administratif et institutionnel engendre également des surcoûts.
La description des procédures, que connaît le projet avant l'individualisation, pendant la mise
en vigueur des contrats et après cette mise en vigueur, révèle la complexité de ces procédures, ainsi
que les lenteurs et même, dans certains cas, les blocages provoqués par certains services.
Cette complexité prend un relief particulier lorsqu'on constate que, déjà, lors du lancement du
Premier Plan Quadriennal, c'est-à-dire à un moment où les procédures étaient encore relativement

51
simples, une recommandation visant à les réduire encore davantage était soulignée dans le document
de présentation de ce Plan.
Ainsi, si ce danger a été effectivement perçu à temps, et ses conséquences sur le coût des
investissements prévues, la recommandation n'a malheureusement pas eu de suite ; bien au contraire,
la situation s'est aggravée :

3.1. - Ce qui se passe avant l'individualisation.


Le premier problème qui se pose aux entreprises, c'est l'appréhension du coût exact du projet.
En effet, il est très difficile de cerner le coût d'un projet avant la signature du contrat pour une raison
évidente : la fluctuation des prix qui peuvent passer du simple au triple entre le moment où naît l'idée
du projet et celui où intervient la signature du contrat.
De ce fait, les entreprises doivent, en général, attendre la signature du contrat principal avant
d'entamer ou de procéder à la demande d'individualisation, afin de fournir aux services du Plan des
informations chiffrées qui cernent de plus prés la réalité. Mais alors, ces services du Plan, au lieu de
prendre en considération ce souci de leur fournir des informations aussi fiables que possible,
reprochent aux entreprises de signer des contrats sur des projets non individualisés. L'on se trouve
ainsi enfermé dans un cercle vicieux : individualiser un projet avant d'être en possession de toutes les
données ou du moins des données essentielles pour en évaluer le coût et s'exposer plus tard au
reproche de demander des réévaluations et de faire des études technico-économiques peu sérieuses
ou bien, en vue d'éviter ce reproche, ne présenter le projet à l'individualisation qu'une fois en
possession des chiffres définitifs de son coût et l'on se voit alors accusé de mettre le Plan devant le
fait accompli.
Dans ce cas, il arrive que le projet est soit rejeté, soit retardé, ce qui entraîne généralement un
surcoût, les délais convenus avec le partenaire étranger pour le gel des prix se trouvant dépassés.
Quant aux fameuses études technico-économiques, l'expérience établit que même dans les
pays développés, leurs conclusions s'écartent souvent et parfois largement de l'évaluation exacte que
révèle la réalisation.
Malheureusement, le fait de ne présenter les projets à l'individualisation qu'après la signature
du contrat de réalisation, bien qu'il permette de cerner au plus juste les coûts, pose néanmoins
certains problèmes.
En effet, l'entreprise est amenée à effectuer un certain nombre de dépenses préliminaires,
telles que les frais de lancement des appels d'offres, ainsi que les coûta de différentes études, d'achats
de terrains et, dans bien des cas, de terrassement ; ces dépenses ne peuvent être honorées au niveau
du projet puisqu'il n'est pas encore individualisé et ne bénéficie par conséquent pas de décision de
financement.
Les frais sont alors imputés sur les fonds d'exploitation des activités de production de
l'entreprise et réduisent d'autant ses résultats, faisant apparaître même des déficits ou les aggravant.
Ce phénomène, à lui seul, illustre la nécessité d'analyser en détail et avec objectivité les
charges qui pèsent sur les entreprises avant de conclure hâtivement à leur déficience ou à leur
"gestion dispendieuse". La nécessité de cette analyse est d'autant plus impérieuse que ces dépenses,

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que les entreprises se trouvent obligées de prendre en charge sur leurs fonds d'exploitation, sont
généralement abritées dans la rubrique dite des "Frais Généraux" qui connaît ainsi un gonflement
anormal servant trop souvent de prétexte aux jugements sommaires portés sur la gestion des
entreprises.
Il y a lieu également de souligner la lenteur quant à l'obtention des décisions
d'individualisation qui peuvent durer plus d'une année ; les cas des projets SONITEX de Laghouat,
Akbou, Arris, Nédroma, Bougaa, Mérouana et Kherrata comptent parmi les exemples frappants de
cette lenteur.
Ces délais sont d'autant plus étonnants qu'ils ne sont généralement pas motivés par un examen
approfondi qui nécessiterait des discussions entre l'entreprise et les services du Plan chargés
d'instruire les demandes d'individualisation.
Pour l'entreprise, ces délais prennent la forme d'une attente imposée sans explication et sans
justification, une décision d'individualisation intervenant la plupart du temps à la suite d'un temps
mort, sans que des éléments nouveaux ne soient apparus ; de ce fait, l'entreprise ne comprend pas
pourquoi on lui a refusé hier, ce qu'on lui concède aujourd'hui.
Il convient de préciser, par ailleurs, que cette situation est en contradiction flagrante avec les
termes mêmes de la circulaire Finances-Plan n° 21/SEP/BCP du 20 mai 1974, officiellement toujours
en vigueur et qui stipule que les délais requis pour l'intervention de la décision d'individualisation,
émanant des services du Plan, ne sauraient excéder quatre semaines à compter de la date du dépôt de
la demande par la société nationale concernée.
Le cas de SONITEX, cité plusieurs fois précédemment, ne constitue nullement une exception
à laquelle on chercherait à attacher un caractère de généralité ; il représente, bien au contraire, un
exemple illustratif d'une situation qui prévaut à travers la plupart des entreprises industrielles
nationales.
En général, les coûts additionnels induits par les circuits administratifs et les lenteurs de
services concernés sont plus élevés que l'économie escomptée du fait des contrôles exercés à
différents niveaux par ces services.
De nouvelles procédures d'individualisation mises en pratique en 1978 exigent l'accord
préalable du Ministère des Finances sur l'opération projetée, avant l'accord des services du Plan pour
l'individualisation.

3.2. - Quand le projet parcourt le labyrinthe de son acte de naissance


administratif.
La mise en vigueur est une opération longue et compliquée ; elle commence à. la date
d'obtention de la décision d'individualisation et s'arrête au procès-verbal de mise en vigueur établi
avec l'attributaire du contrat de réalisation du projet. Les phases de cette opération sont les suivantes
:
- Etablissement d'un plan de financement
- Décision de financement
- Domiciliation du contrat
53
- Visa de la BAD
- Autorisation de transfert - Mise en place des fonds
- Paiement des acomptes
- Procès-verbal de mise en vigueur

Établissement d'un Plan de financement :


Le plan de financement ne peut être élaboré sans que les conditions de crédits externes n'aient
été arrêtées avec les banquiers des firmes étrangères partenaires dans la réalisation du projet ; la
discussion de ces conditions ne peut se faire sans l'assistance technique de la Banque primaire de
l'entreprise algérienne ; une fois établi, le plan de financement doit être agréé par le comité technique
de la BAD et soumis au Conseil de Direction de la BAD pour approbation ; ce Comité technique et
ce Conseil de Direction ne se réunissent pas en fonction des délais des Entreprises et compte tenu de
l'urgence appelée par chaque projet, mais d'un calendrier qui leur est propre. Bien souvent,
l'agrément de ce plan n'intervient pas immédiatement. Une fois approuvé, ce plan de financement est
transmis au Ministère des Finances pour l'établissement de la décision de financement.
La décision de financement :
Ce document indispensable à toute opération financière met, également, un temps assez long
à "sortir" et, souvent, les Entreprises se voient obligées d'intervenir auprès du Ministère des Finances
pour l'obtenir. Il est arrivé aussi que des plans de financement déjà approuvés par le Conseil de
Direction de la BAD, soient rejetés par le Ministère des Finances, alors même que ce Ministère, qui
assume la tutelle de la BAD, constitue pratiquement à lui seul l'essentiel du Conseil de Direction de
la BAD, composé de la BAD elle-même, de la Direction du Trésor, du Crédit et des Assurances, de
la BCA, des banques primaires, de l'entreprise concernée, de son Ministère de tutelle et du Plan. Ce
rejet rend alors nécessaire, de nouveau, la remise en oeuvre de la même procédure initialement
suivie.
La domiciliation du contrat :
Pour obtenir la domiciliation d'un contrat, l'Entreprise est tenue de justifier de l'octroi d'une
A.G.I. (Autorisation Globale d'Importation).
Si l'on considère que les demandes d'A.G.I. par l'entreprise sont faites à la veille de chaque
année, alors que la signature du contrat et sa prise d'effet peuvent survenir en coure d'année, si l'on
précise que le contrat peut ne pas donner lieu à des importations pour l'année en cours, ce qui rend
sans objet la demande d'A.G.I. exigée, si l'on ajoute que la domiciliation du contrat, subordonnée à
l'obtention d'une A.G.I. dont on n'a pas encore besoin, est nécessaire, car des paiements sont
exigibles avant le début des opérations d'importation d'équipements (paiements d'acomptes et
d'études), on imagine l'impasse dans laquelle un tel imbroglio administratif peut conduire les
entreprises ; de ce fait, les entreprises sont souvent amenées à demander des dérogations, ce qui est
l'occasion de délais supplémentaires.
Le visa de la B A D :

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Munies de la décision d'individualisation et de la décision de financement, les entreprises
engagent alors la procédure de demande de visa au niveau de la BAD ; ce visa quoiqu’automatique,
pose un certain nombre de problèmes, du fait que la structure des coûts contenue dans le contrat de
réalisation ne correspond pas généralement à celle indiquée dans la décision d'individualisation, les
services du Plan décidant d'eux-mêmes, sans raison apparente, lors de la signature de la décision
d'individualisation, de rectifier en baisse, par rapport à la demande de l'entreprise, un certain nombre
de rubriques composant le montant du coût du projet. Les entreprises se trouvent ainsi dans une
situation où elles ne peuvent pas honorer le paiement des factures des services faits, compte tenu des
dépassements occasionnés au niveau de certaines rubriques par l'insuffisance des crédits alloués
initialement dans la décision d'individualisation. Les entreprises en viennent, alors, à formuler, de
nouveau, auprès des services du Plan, avec justificatifs à l'appui, une demande de changement de la
structure des coûts, de manière à pouvoir honorer les engagements pris auprès des fournisseurs et des
constructeurs. C'est, ainsi, que s'expliquent, dans une large mesure, les réévaluations dont on fait
grand cas dans beaucoup de rapports sur la gestion des investissements.
Autorisation de transfert :
l'obtention de cette autorisation est conditionnée par les documents suivants :
- la décision d'individualisation
- la décision de financement
- le visa de la BAD
En principe, l'obtention de cette autorisation ne pose pas de problème ; toutefois, il est à
signaler que la banque primaire fait preuve d'une lenteur excessive avant de la délivrer, sans donner
aucune explication aux entreprises socialistes clientes.
Ainsi, cette étape dans la procédure administrative, bien que devant découler
automatiquement des démarches précédentes, se trouve elle aussi mise à profit pour constituer un
délai supplémentaire, qui, venant s'ajouter aux autres délais correspondant aux étapes qui l'ont
précédé, aura pour effet de ralentir encore plus la réalisation des investissements, et de contribuer, à
son tour, à leur renchérissement.
Mise en place des fonds :
Pour obtenir les crédits internes, les Entreprises sont tenues de les prévoir dans le budget
d'investissement de l'année.
Or, les dates de mise en vigueur des contrats et, par voie de conséquence, les dates de
démarrage des travaux demeurent aléatoires pour les raisons invoquées plus haut ; il est donc difficile
de cerner les besoins prévisionnels en trésorerie pour les projets à lancer. Comme les sommes déblo-
quées ne suffisent pas aux besoins des projets, les entreprises sont amenées soit à appeler des fonds
supplémentaires dans la mesure où la tranche totale annuelle octroyée est suffisante, soit à demander
des passages de crédits d'un projet sur un autre, ce qui exige des délais parfois assez longs dans la
mesure où cela ne se heurte pas à des positions de "principe" des services financiers, soit encore à
demander des tranches complémentaires lorsque l'enveloppe annuelle allouée s'avère insuffisante, ce
qui ne peut se faire qu'une fois l'an et sous réserve de rectifications en conséquence de la Loi de

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Finances de l'exercice en cours et ceci n'est obtenu qu'après les délais requis pour adopter les
modifications appropriées.
Pour ce qui est des crédits externes, la mise en vigueur des conventions de crédit constitue
aussi une opération complexe. Les documents demandés sont nombreux (statuts de l'entreprise,
statuts de la banque primaire, décret de nomination du Directeur Général, autorisation de transfert et
autorisation ministérielle...).
L'aval des effets, condition de mise en vigueur des con.. ventions, est une des opérations les
plus longues, et il est même arrivé que la banque primaire mette trois mois pour donner son aval sur
les billets ayant trait à un seul crédit.

Le paiement des acomptes :


Le paiement des acomptes est en principe la dernière phase de la mise en vigueur et ne
présente pas de problème majeur, si toutes les conditions précitées sont réunies ; toutefois, le
transfert de ces acomptes exige un délai variant entre quelques semaines et quelques mois.
Le procès-verbal de mise en vigueur :
Ce document est la concrétisation de la mise en vigueur et c'est la date de départ de tous les
plannings contractuels.
c) Après la mise en vigueur :
Une fois leur mise en vigueur acquise, les contrats passés par les entreprises continuent à se
heurter à de nombreuses difficultés.
Principalement liées à l'importation des équipements, matières premières et produits semi-
finis, ces difficultés concernent :
- la gestion des A.G.I.,
- le dédouanement,
- l'enlèvement des marchandises des ports et les opérations bancaires.
 La gestion des A.G.I. :
Les importations sont soumises à la délivrance par le Ministère du Commerce d'autorisations
globales d'importations (A.G.I.). Les dispositions contenues dans les avis 94, 101 et 105 qui ont
successivement régi l'utilisation de ces A.G.I. obligent les entreprises à fournir plusieurs mois à
l'avance leurs prévisions annuelles d'importation, conformément à une nomenclature très détaillée
(nomenclature du tarif douanier).
De telles dispositions rendent difficile la gestion de ces A.G.I. car, en plus du caractère
aléatoire qui affecte nécessairement des prévisions établies par position tarifaire, les demandes de
crédits sont souvent réduites de manière unilatérale et sans considération des besoins réels des
entreprises, lesquelles ne font le plus souvent, tout particulièrement quand elles exercent un
monopole à l'importation, que reprendre au niveau de l'expression de leur demande, les besoins du
pays. On saisit aisément, de la sorte, le rôle de ces réductions unilatérales portées sur les demandes

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des entreprises dans l'apparition des pénuries qui perturbent ensuite le fonctionnement de l'économie
et compliquent la vie des citoyens.
Ainsi, il arrive fréquemment que des crédits affectés à une position tarifaire soient épuisés, ce
qui rend impossible le dédouanement d'une marchandise arrivée à quai, même si elle est
indispensable à un chantier ou à une exploitation.
Les entreprises sont ainsi amenées à formuler des demandes complémentaires de crédits qui
requièrent des procédures longues et compliquées et qui ne sont que rarement satisfaites. La
conséquence de tout cela, ce sont, de nouveau, des ralentissements de chantier, des perturbations et
même des arrêts de production, de graves pénuries sur le marché, (cas des pièces de rechange
introuvables alors que des centaines de caisses de pièces de rechange commandées et arrivées en
Algérie pourrissent dans les ports et ne peuvent être dédouanées), l'engorgement des ports et la
détérioration des marchandises conteuses exposées plusieurs mois aux intempéries.
De plus, l'abrogation de l'avis 101 qui avait introduit une certaine souplesse dans la gestion
des A.G.I., en donnant aux entreprises la possibilité d'effectuer des transferts de crédits d'une position
excédentaire à une position déficitaire, sans pour autant dépasser le montant total de l'A.G.I., aggrave
la situation précédemment exposée.
Plus récemment, l'avis 01 du 10 février 1979, soit le cinquième avis édicté en 3 ans par le
Ministère des Finances en matière de gestion financière des A.G.I., introduit des contraintes
complémentaires, notamment pour les procédures de domiciliation des contrats et de dédouanement
des marchandises ; ainsi, entre autres, cet avis supprime la faculté accordée aux entreprises de
procéder au moyen de la déclaration provisoire (D48) et introduit, comme condition préalable à la
domiciliation de contrats, la présentation de déclaration de mise à la consommation (D3), ce qui aura
pour effet d'allonger les délais d'enlèvement des marchandises.
De plus, l'A.G.I. étant gérée au siège social de la banque primaire, et les débarquements ayant
lieu sur l'ensemble du territoire algérien, on imagine les pertes de temps qu'entraîne la nécessité des
déplacements des déclarants jusqu'à Alger, les banques à l'instar de beaucoup d'autres services et
organismes des Finances se refusant à la décentralisation ou ne la mettant en oeuvre qu'avec une
lenteur extrême.
Ainsi, on constatera, à travers cet exemple de l'éphémère avis 101, que dans les rares cas où
une disposition est prise en vue de simplifier les procédures auxquelles sont soumises les entreprises,
une telle amélioration ne peut être considérée comme définitivement acquise, tant est solidement
ancrée la volonté de certains services de tenir les entreprises sous leur joug ; on mesure, ainsi,
l'impact de telles attitudes sur le plan du développement économique national.
 Le dédouanement :
Le dédouanement des marchandises importées constitue une opération coûteuse pour
l'entreprise par l'ampleur des moyens humains et matériels mis en oeuvre pour le règlement des
problèmes y afférents.
A la complexité des procédures, héritées pour partie de l'administration coloniale, s'ajoutent
les lenteurs des services douaniers requis pour contrôler la conformité des marchandises avec les

57
déclarations correspondantes des entreprises socialistes et pour donner les bons à enlever réglemen-
taires pour l'évacuation de ces marchandises.
Il devient même difficile de faire appel à certains douaniers pendant la période normale de
travail, parce qu'ayant la possibilité d'obtenir des bons d'heures supplémentaires, ces agents ont
tendance à rendre nécessaire l'exercice de leur mission en dehors de l'horaire normal de travail,
quand ils ne vont pas jusqu'à exiger des entreprises des bons d'heures supplémentaires, quand bien
même le travail pour lequel ils sont requis est exécuté pendant les heures normales de travail.
De plus, il semblerait, suivant certains dires, qu'il arrive que des firmes étrangères et des
transitaires privés parviennent parfois à dédouaner leurs marchandises plus rapidement que les
entreprises socialistes, sans que l'on sache si une telle situation est due au manque de diligence de ces
dernières ou bien à une mauvaise volonté qui les viserait plus spécifiquement.
Que les douaniers, comme beaucoup d'autres agents de l'Etat, aient tendance à rechercher le
moyen d'améliorer leur situation matérielle en mettant à profit les possibilités que leur offre la
réglementation, disons qu'il y a là une tendance qui s'inscrit dans la nature des choses et que l'on
pourrait même considérer comme répondant à une préoccupation légitime. Mais alors, pourquoi ne
pas essayer de donner satisfaction aux douaniers en imaginant, dans leur cas, dans le cadre de la mise
en oeuvre du nouveau statut général des travailleurs, un système de rémunérations qui tiendrait
compte à la fois de la célérité qu'ils mettraient à dédouaner les marchandises arrivés dans les ports ou
dans les aéroports et de leur vigilance à déceler les activités frauduleuses qui tendent de s'introduire à
travers les opérations de dédouanement.
Par ailleurs, des difficultés apparaissent dans l'application de la loi des Finances 1978 qui
réduit les droits de douanes à 3 % et introduit l'exonération de la TUGP. Malgré des cautions
bancaires déposées auprès des banques, les entreprises subissent des blocages ponctuels.
En effet, au début de 1978, la BAD se refusait à viser des dépenses ayant trait aux droits de
douane et à la TUGP arguant, pour cela, de la parution de la Loi des Finances 1978, alors qu'en
pratique cette Loi n'a été appliquée que vers le mois de mai de la même année.
En outre, la suppression, intervenant surtout au cours de l'année budgétaire, en matière
d'admission temporaire, des cautions morales et leur remplacement par des cautions bancaires, et
notamment, le paiement en devises des frais qu'entraîne la mise en place de ces cautions par les
partenaires étrangers de nos entreprises ont causé un préjudice certain à ces entreprises. En effet,
comment bloquer des sommes très élevées de l'ordre de 6 Millions de DA par projet, alors que celles-
ci n'étaient pas prévues dans les budgets d'investissements ?
 L'enlèvement des marchandises des ports :
Au niveau des opérations d'enlèvement des marchandises des ports, il y a lieu de noter les
lacunes suivantes qui rejaillissent sur la gestion des entreprises.
Les marchandises ne sont pas triées par destinataire dans les ports. Il devient de ce fait
difficile de les localiser et d'y accéder en vue de leur enlèvement. Souvent, les enlèvements des
marchandises acquises par une entreprise sont tributaires des enlèvements des autres sociétés.

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L'enlèvement sous palan initialement réservé, en dehors des équipements ne pouvant faire
l'objet d'un autre type d'enlèvement, pour les produits classés dangereux a été, du fait de
l'engorgement des ports, généralisé à toutes les marchandises.
Cette mesure, prise dans un souci d'efficacité, est malheureusement difficilement applicable
en raison de l'insuffisance des moyens de transport et du manque de prévision dans la fixation des
dates d'accostage des navires.
Compte tenu de l'organisation actuelle de tout le système relatif à l'utilisation des ports, il
apparaît que le trafic excède largement les capacités des installations portuaires. De plus, les ports
souffrent d'un manque de main-d’œuvre occasionnelle, de même que de l'insuffisance et des faibles
performances du matériel de levage utilisé.
Pour ce qui est de l'évaluation des capacités portuaires de notre pays, il est utile de rappeler
que les documents du Ministère des Transports indiquent un flux total Import-Export de 56 Millions
de tonnes pour l'année 1976, soit le triple du plus fort tonnage enregistré il y a une décennie ; dans la
mesure où l'on suppose que le tonnage enregistré, vers 1966, est au moins égal à celui constaté avant
1962, nous sommes donc amenés à croire que, durant la colonisation, les capacités portuaires étaient
trois fois supérieures aux besoins du moment. Quand on constate ainsi l'écart qui existait entre les
besoins et les capacités du temps de la colonisation, on ne peut que s'interroger sur la thèse, qui, dans
l'Algérie indépendante, vise à contenir dans les limites de ces capacités de 1962, le développement
de notre infrastructure portuaire.
L'accostage des navires loin des voies de chemin de fer, des quais de débarquement, entraîne
une dispersion des marchandises, sans que ne soient toujours prises par ailleurs les mesures devant
en faciliter le regroupement et le chargement dans les camions et wagons.
Les avis d'arrivage expédiés par la CNAN parviennent avec beaucoup de retard à la structure
concernée de l'entreprise destinataire. De plus, cette dernière, qui ne peut faire face aux besoins en
transport par les moyens propres dont elle est autorisée à se doter et qui sont insuffisants, ne se
trouve pas pour autant assurée du concours de la SNTF ou de la SNTR, elles- mêmes surchargées.
Les entreprises disposent souvent d'un département Transit chargé de toutes les opérations de
dédouanement et d'enlèvement de marchandises dans les ports et aéroports nationaux. Ce
département anime et supervise l'activité d'antennes de transit que la plupart des entreprises ont
installé dans les ports (Oran, Alger, Béjaïa et Annaba). Cependant, l'activité de ce département est
perturbée par l'insuffisance de moyens de transport et les contraintes que l'entreprise rencontre dans
ce domaine et qui viennent d'être décrites. Cela n'exclut pas, bien évidemment, que ces services
transit mie en place par les entreprises demeurent, dans certains cas, à l'état embryonnaire et ne
réunissent pas encore les moyens et les compétences nécessaires à l'exercice effectif et efficace d'une
activité de transit dans les ports et les aéroports.

3.3. - Les procédures et les pratiques dans le cadre des opérations bancaires.
Les relations des entreprises avec leur banque primaire demeurent un point névralgique ; si
l'on en juge par la lenteur dans l'exécution des ordres de virement et dans les avals, et par les rejets
non motivés des ordres de virement, la banque semble être dépassée par le volume des opérations

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dont elle a la charge et constitue, sur le chemin critique de réalisation des projets, un goulot
d'étranglement difficile à surmonter.
Certes, au même titre que les autres opérateurs économiques nationaux, la banque rencontre
des difficultés notamment du fait d'une insuffisance globale en cadres qualifiés ; mais ces difficultés
se trouvent considérablement amplifiées du fait d'une réglementation financière extrêmement
complexe, génératrice de pertes de temps et de surcoûts, et qui ne s'est pas adaptée aux taches de
développement des entreprises.
A l'endroit des banques, on peut déplorer de rencontrer souvent un esprit étroit et des
méthodes de travail périmées, peu conformes au caractère public et national de ces établissements,
ces phénomènes étant par ailleurs aggravés par un comportement souvent bureaucratique, parfois
tatillon de certains agents ou fondés de pouvoir ; il convient cependant de souligner que malgré ce
contexte, des initiatives parfois remarquables sont prises par certains agents des banques, qui, au
milieu des arcanes procédurières, se dévouent à faciliter ou à accélérer le règlement des problèmes
posés.
Dans la négociation des gros contrats industriels et des conventions financières y afférentes,
les banques ont une politique extrêmement rigide du taux d'intérêt appliqué au financement du
contrat. Ce manque de souplesse réduit considérablement la marge de manœuvre de l'entreprise qui,
de ce fait, ne peut juger en priorité la validité d'une offre sur la base des autres éléments du contrat
(prix des équipements, qualité etc.).
La recherche des conditions financières conformes aux exigences de la banque, et visant à
obtenir, pour les taux d'intérêts et les durées de crédits, des conditions plus avantageuses que celles
en vigueur sur le marché financier international, a entraîné souvent des retards dans la signature des
contrats, et ces retards se sont révélés, dans certains cas, plus coûteux que l'économie recherchée par
le biais des meilleures conditions financières, du fait notamment de la réévaluation des coûts des
projets provoquée par ces retards dans la mise en vigueur des contrats.
D'ailleurs, cette vision fragmentaire des problèmes, qui se limite à ne considérer que les
seules conditions des emprunts à contracter, aussi légitime qu'elle soit, loin de faire bénéficier le pays
d'avantages particuliers, l'entraîne, au contraire, à débourser des sommes plus importantes que les
gains escomptés à travers de telles opérations qui s'assignent comme but et comme justification
d'améliorer en notre faveur la durée des prêts financiers et surtout leurs taux d'intérêt.
De plus, il n'est pas tenu compte, dans l'appréciation des taux d'intérêts souscrits, de l'impact
des durées des crédits ou du choix des monnaies, pas plus que de la situation d'inflation qui continue
à prévaloir dans le monde, et qui tend même à prendre l'allure d'un phénomène structurel,
phénomène auquel s'ajoute ou s'intègre la dépréciation du Dollar qui est pratiquement l'unique
monnaie de nos recettes en devises.
Autrement dit, compte tenu précisément de ce phénomène d'inflation, qui se traduit par une
augmentation encore très sensible du coût des équipements, produits et services importés, il peut
s'avérer plus intéressant d'emprunter, même à un taux élevé, plutôt que de différer la réalisation des
projets.
Lorsqu'on critique les procédures, les méthodes de travail et la manière de concevoir les
choses appliquées par les banques ou bien par les services et les autres organismes relevant du
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Ministère des Finances, on rétorque que les opérateurs économiques et tout spécialement les
entreprises industrielles veulent, en réalité, récuser le contrôle, rechignent à le subir et, en définitive,
entendent conserver une liberté d'action totale et s'octroyer le privilège d'agir à leur guise.
C'est l'éternel manichéisme qui situe d'un côté les défenseurs de la rigueur et des intérêts du
Trésor incarnés par tout ce qui relève des Finances, de l'autre côté, ceux dont la prodigalité veut se
déployer sans borne au détriment des deniers de l'État.
En fait, le contrôle tel qu'il est conçu et appliqué par les services des Finances qui en
assument la charge tient du "pavé de l’ours" par bien de ses aspects et, en tout cas, par un grand
nombre de ses conséquences. Se donnant comme justification ou comme alibi de sauvegarder les
intérêts du pays et de réaliser des économies, il aboutit au triste résultat, d'infliger à la collectivité des
pertes et des dommages infiniment plus larges que les inconvénients ou les risques qu'il prétend lui
épargner.
Les pertes financières que les entreprises subissent par suite des méfaits entraînés par la
manière dont s'exerce le contrôle qui leur est appliqué représentent, en termes de surcoûts et de
manque à gagner, des sommes considérables qui, de surcroît, sont sans commune mesure avec le
coût de ce que le Ministère des Finances qualifie de "Gestion dispendieuse" des entreprises.
Encore faut-il que le Ministère des Finances arrive, un peu, à discerner et à comprendre que,
ce qu'il appelle "les intérêts du Trésor" ou "les deniers de l'Etat",intègre également les entreprises et
les intérêts dont elles ont la charge et que la vision des intérêts de l'Etat ne peut être que globale et ne
doit pas être envisagée de façon étroite et étriquée.
L'économie moderne, à travers son évolution et la complexité de sa formation et de son
fonctionnement, a engendré des méthodes de contrôle qui se distinguent à la fois par leur efficacité et
par leur aptitude à ne gêner en aucune manière le bon déroulement des activités sur lesquelles elles
s'exercent. Le Ministère des Finances, qui s'affirme si soucieux du contrôle, continue, néanmoins, à
ignorer ces méthodes et interdit aux entreprises de les acquérir et de les utiliser pour maîtriser leur
gestion et améliorer leur efficacité. Le document intitulé "Programme de travaux portant sur
l'amélioration, la conception et la mise en place de systèmes de gestion au sein des entreprises
socialistes sous tutelle du Ministère des Industries Légères", et diffusé sous le timbre du Ministère
des Industries Légères en décembre 1978, le démontre amplement.

Chapitre 4 - Les surcoûts supportés par l'entreprise en phase


d'exploitation.
Les différentes sources de surcoûts de l'investissement signalées ci-dessus participent dans
leur ensemble à l'aggravation des coûts d'exploitation des entreprises, car le renchérissement de
l'investissement gonfle le poste des amortissements dans les coûts de production et aggrave les
charges financières liées à ces amortissements, du fait que le financement de l'investissement se fait à
100 % par crédit.
En plus, viennent s'ajouter un certain nombre de surcoûts plus spécifiquement liés à la phase
d'exploitation, ce sont :

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- Les atteintes portées à la sensibilité aux coûts
- Les interruptions de la production
- Le facteur humain

4.1. - Les atteintes portées à la sensibilité aux coûts.


La situation actuelle qui ôte aux entreprises le contrôle d'une bonne partie des coûts et qui, en
même temps, les oblige à en assumer les frais, décourage la "sensibilité aux coûts" des gestionnaires
et émousse leur sens de l'économie.
C'est, par exemple, le cas dans le domaine des transports où les entreprises sont persuadées
qu'elles peuvent organiser le transport de leur personnel, des matières premières et des produits finis
à un coût moindre, alors qu'elles ne sont pas autorisées à se doter d'un parc propre compte à hauteur
de leurs besoins et qu'elles sont obligées de s'adresser à la SNTR et la SNTV, et de payer leurs
services (retards dans les interventions demandées, coûts élevés des prestations) ; chaque entreprise
ne peut manquer d'évaluer l'équivalent en camions et en cars qu'elle aurait pu acquérir en affectant à
leur achat les dépenses occasionnées par les frais de transport ou bien, tout simplement, en utilisant
pour cet achat le surcroît de dépenses que leur occasionnent les surcoûts pratiqués par les entreprises
de transport. Il en est de même des frais élevés de transit et de dédouanement, des coûts découlant
d'une insuffisance en matière d'équipements sociaux et notamment en matière d'habitat etc., etc.
Les fonctions de l'Entreprise se trouvent ainsi amoindries dans le contrôle de ses coûts
principaux et, insensiblement, il en résulte une conscience défectueuse des autres coûts de
l'entreprise. Le raisonnement que chacun est tenté de tenir consiste à se demander s'il est vraiment
nécessaire et utile de chercher à réaliser des économies et à obtenir des performances dans la gestion
et dans la productivité, puisque la réglementation impose, par ses contraintes, une déperdition de
ressources dont la réalité n'échappe plus à personne et qui aboutit à priver les gestionnaires et
l'ensemble des travailleurs du fruit de leurs efforts et de leur ingéniosité.
Par ailleurs et dans le même ordre d'idées, les surcoûts découlant des localisations dans le
cadre de la politique d'équilibre régional, les frais supportés par les entreprises du fait de la politique
des prix, s'ils correspondent à des préoccupations légitimes sur le plan de l'économie nationale,
viennent porter atteinte aux efforts de productivité dans les unités, dés lors qu'ils leur sont imputés
intégralement et sans considération de leur impact au niveau des critères permettant de juger des
résultats de l'entreprise.

4.2. - Les interruptions de la production.


Une source importante de surcoût dans les charges de la production industrielle se situe au
niveau des interruptions de cette production ; les interruptions sont généralement dues à des ruptures
dans les approvisionnements ainsi que dans les coupures d'eau et d'électricité.
En effet, des pénuries de matières premières et autres produits - pénuries que l'effort de
développement a justement pour but de supprimer -, les coupures d'eau et d'électricité, entraînent une
sous-utilisation des capacités de production installées, tandis qu'un manque de pièces de rechange a
pour conséquence un entretien défectueux et donc une usure anormale de ces installations.

62
La constitution d'un stock de sécurité à un niveau très élevé contribue à réduire des risques
d'arrêt de production, mais se traduit par des frais supplémentaires qui s'ajoutent aux charges
normales d'exploitation.
Compte tenu des coûts fixes de la production (intérêts et amortissements, frais
d'administration et de personnel) il va sans dire qu'une production réduite, à cause d'une pénurie,
entraîne directement un accroissement sensible du coût de production par unité produite.
En plus de l'impact au niveau de l'entreprise elle-même, une interruption dans la fabrication
d'un produit a des répercussions au niveau des secteurs utilisateurs de ce produit au sein de
l'économie ; ainsi, s'agissant du ciment, un arrêt momentané de production d'une cimenterie se
traduit, non seulement par un surcoût pour la SNMC, mais aussi par une perturbation dans
l'approvisionnement des chantiers de construction et par un nouveau surcoût au niveau de ces
chantiers.
C'est dire l'importance accordée par l'ensemble des entreprises à tout ce qui peut contribuer à
la création de ces surcoûts et notamment les insuffisances en matière de transport, les difficultés au
niveau du dédouanement, et les lenteurs dans la mise en place des crédits.
Les pièces de rechange qui ne sont pas disponibles au moment voulu, les matières premières
qui manquent, les machines qu'on ne peut faire sortir du port, les coupures d'eau et d'électricité etc.,
sont autant de handicaps qui contribuent aux surcoûts de l'exploitation, c'est-à-dire à l'élévation des
prix de revient et, en définitive, des prix de vente ou bien, dans les cas assez nombreux où ces prix de
vente sont figés par la réglementation, à susciter ou à aggraver les déficits des unités de production et
de l'entreprise dans son ensemble.

4.3. - Le blocage des réalisations sociales des entreprises.


En mettant en avant "le faible rendement du travailleur national, comparé à celui des pays
industrialisés et l'inexpérience des cadres" comme source de la détérioration de la situation
financière de l'entreprise, la note du Ministère des Finances nous invite à porter l'analyse sur le
facteur humain et son impact sur la gestion.
En vérité, à conditions de vie et de travail égales, le rendement du travailleur national,
comparé à celui des travailleurs émigrés n'en donnent-ils pas la preuve et ne sont-ils pas appréciée
par leurs employeurs au même titre que les travailleurs Portugais, Espagnols, Italiens ou Français ?
Par contre, ce qui devient caractéristique des conditions de travail dans notre pays, c'est l'absence
d'infrastructure sociale sur les sites des projets (logements, santé, écoles...) et des moyens de
transports appropriés, ce qui a un effet direct négatif sur la productivité du travail et contribue à
entretenir l'absentéisme du personnel des Entreprises.
Il est alors nécessaire de rappeler les difficultés auxquelles se sont heurtées les entreprisse
industrielles dans leurs tentatives pour associer à chaque projet son infrastructure sociale. Il est
nécessaire de rappeler les refus opposés aux demandes de crédits que les entreprises ont déposées en
vue de développer l'infrastructure sociale indispensable au bon fonctionnement des usines.
Ainsi, notre système de planification, y compris dans sa partie financière, a non seulement été
incapable de prévoir la montée de ces besoins, mais bien plus, il s'est opposé aux initiatives des
opérateurs industriels, qui, de par leurs positions sur le terrain et donc sur le front du développement,
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étaient mieux à même d'identifier, parce qu'ils les ressentent directement, l'importance et l'urgence de
ces besoins.
Le refus d'accorder aux entreprises la possibilité et les moyens de se doter des infrastructures
sociales nécessaires pour offrir à leur personnel des conditions de vie favorables pour soutenir son
rendement et stimuler sa productivité ou bien les entraves opposées aux initiatives prises par les
entreprises dans ce domaine s'appuient, très souvent, sur l'argument selon lequel de telles initiatives
conduiraient à surajouter, par rapport eu reste de la population, des privilèges sociaux à des
travailleurs qui bénéficient déjà de l'avantage notable de disposer d'emplois que l'État a créés à coup
de Milliards de Dinars. Une telle argumentation, outre qu'elle relève d'une forme de frustration
nuisible au progrès social, dénature, d'une part, la finalité sociale et économique des investissements
nationaux qui, tout en créant des emplois qu'occupent les travailleurs, sont destinés à pourvoir
l'ensemble de la collectivité en produits dont elle a besoin et à créer la richesse nécessaire à la pour-
suite de son développement dans tous les domaines et méconnaît, d'autre part, l'essence même du
rôle des travailleurs en tant que facteurs de la production, facteurs dont le potentiel et la qualité ont
besoin, pour le moins autant que les machines, des soins et apports nécessaires à leur maintien et à
leur renforcement. La productivité dont la promotion est l'un des thèmes majeurs de nos
préoccupations actuelles ne peut résulter uniquement de l'utilisation maximum de la capacité des
installations en place ; elle est fonction également et, peut-on même dire, essentiellement de l'effort
physique et intellectuel des travailleurs, ainsi que de leur aptitude et de leur disponibilité à consacrer
une attention intense à l'accomplissement de leurs tâches.
C'est pour élever le niveau de cet effort et de cette attention que la conception moderne de la
gestion des activités économiques accorde un intérêt majeur aux oeuvres sociales en faveur des
travailleurs, en plus de l'exigence de l'éthique socialiste qui ne sépare pas le progrès social et culturel
des travailleurs de leur promotion, en tant d'hommes et en tant que producteurs, du progrès tout
court.
Or, il n'est pas rare de constater que ce sont parfois les voix qui s'excitent le plus au sujet des
faiblesses de la production, des insuffisances de la productivité et des déficiences de la gestion, et les
personnes qui, en maintes occasions, tentent de donner une coloration de gauche à leurs opinions et
se posent volontiers en défenseurs des intérêts des travailleurs et des couches déshéritées qui, par
ailleurs, s'érigent en contestataires des oeuvres sociales en faveur des travailleurs, quand on veut
construire, pour ces travailleurs, des logements, les doter de centres médico-sociaux ou leur offrir là
possibilité de bénéficier de loisirs nécessaires à leur détente.
Par contre, beaucoup de ceux qui tentent de faire prévaloir des idées et des conceptions visant
à améliorer la situation des travailleurs dont ils appréhendent directement les préoccupations
quotidiennes à travers les problèmes de la gestion et qui s'efforcent, même au prix d'initiatives
frappées du pêché de l'irrégularité vis-à-vis de l'orthodoxie financière et "d'opérations pirates"
condamnées et pourchassées par les gardiens de la "discipline" de la planification, de promouvoir des
réalisations sociales en faveur des travailleurs, passent, dans la logomachie de certains pseudo-
théoriciens du socialisme pur et démocratique et de quelques chantres de la bonne gestion, pour des
technocrates insensibles aux difficultés rencontrées par les travailleurs et n'observant aucune rigueur
dans la gestion des biens de la collectivité.

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Du reste, il n'est pas rare de relever que les dépenses engagées dans les réalisations sociales
consacrées aux travailleurs sont incluses dans ce que l'on présente comme la "gestion dispendieuse"
reprochée aux entreprises nationales.
Quant aux avantages de différentes natures dont bénéficient les cadres dans le secteur
productif, le moins que l'on puisse dire est que le Ministère des Finances est mal venu de donner des
leçons d'austérité ou d'harmonie à ce sujet, l'examen de la situation salariale dans les secteurs
d'activité de l'État, auquel il a été procédé en 1977, avant l'amorce de l'action visant au réajustement
et à l'harmonisation des salaires, ayant révélé que les rémunérations et avantages divers servis par les
services du Ministère des Finances et par les Organismes qui relèvent de sa compétence comptent
parmi les plus élevés au sein de notre économie.
De la même manière, il est aisé, pour peu que l'on veuille bien y prêter quelque attention, de
se rendre compte que beaucoup de ceux qui appellent le plus à la rigueur dans la gestion, sans qu'ils
soient capables, du reste, d'indiquer en quoi consistent les règles les plus élémentaires de la bonne
gestion, n'ont pas brillé ou ne brillent pas par l'ordre ou la clarté régnant dans la gestion des affaires
dont ils ont la charge, la confusion caractérisant la marche de ces affaires se retrouvant même au
niveau de la situation de leur personnel marquée par une grande disparité, tant dans les
rémunérations que dans les bases de recrutement.
Ces simples indices suffisent, par eux-mêmes, à amener tout observateur objectif et conscient
à penser que les réquisitoires dont sont accablées les entreprises socialistes, tout particulièrement
celles qui appartiennent au secteur industriel, au sujet de la gestion, procèdent, souvent, quand elles
ne sont pas imputables à l'ignorance ou à une certaine tendance à juger hâtivement les choses, de
manœuvres motivées sournoisement par l'envie qui engendre l'aveuglement et conduit parfois au
désir de détruire, comme il devient de plus en plus évident que ces réquisitoires servent aussi, dans
bien des cas, à anesthésier l'opinion et à fausser son jugement, dans le but de faire avaliser comme
des mesures de redressement de la gestion, des décisions tendant, en fait, à modifier ou même à
inverser le cours et les bases de notre politique de développement, tout spécialement en ce qui
concerne l'industrialisation.
Pour en revenir aux problèmes concrets que rencontre quotidiennement la gestion des
activités des entreprises socialistes, que penser également du refus de fournir les crédits pour la
construction et le fonctionnement des instituts de technologie du secteur industriel, destinés à la
formation et au perfectionnement des cadres, de la part de ceux qui contrôlent les hauteurs
financières de notre économie, et qui semblent, maintenant, découvrir subitement l'importance de
l'expérience des cadres pour une meilleure gestion des Entreprises ?
Dans certains cas, la situation financière des Entreprises est moins obérée par une
insuffisance du rendement du facteur humain que par les coûts élevés de formation qu'elles assument
sur leur budget d'exploitation, pour augmenter le niveau de qualification de leur personnel. Aussi, si
l'on veut se préoccuper véritablement de leur santé financière, faudra-t-il décharger les entreprises
d'une partie de ces coûts, d'abord en assurant à notre jeunesse une formation de meilleure qualité qui
évite à l'Entreprise d'avoir à la compléter ou même à la refaire entièrement, ensuite, en accordant à
l'entreprise les moyens d'enrayer le phénomène du "turn-over" qui lui fait perdre ses cadres et ses
travailleurs une fois qu'elle les a formés et rodés, faute, par exemple, de leur offrir un logement qui
les attacherait au sort de cette entreprise. Celle-ci se trouve, dès lors, condamnée à recruter de
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nouveaux travailleurs et à engager des frais supplémentaires pour les former et les adapter à leurs
taches, sans plus de chances que pour les précédents de les conserver à son service.
L'Unité SONACOME de Rouiba a vu plus de 60 % de son personnel, constitué
essentiellement de cadres et d'ouvriers qualifiés, se renouveler en une période de quatre ans.
La logique capitaliste, en cas de faible rendement de la main-d’œuvre, conduit à remplacer le
facteur humain par la machine.
Sans préjudice de ce qu'une telle politique impliquerait pour un pays confronté à la nécessité
de la création massive d'emplois, faudrait-il déduire de la constatation de la faiblesse que subissent
en contrecoup les capacités nationales, la nécessité de faire appel au concours de l'étranger ? Si l'on
se base sur l'attitude du Ministère des Finances vis-à-vis des contrats d'études destinée à la mise en
place de systèmes d'organisation et de gestion, au sein de nos entreprises, par des experts
internationaux et si l'on considère, par ailleurs, que la voie de l'appel à l'assistance technique
étrangère pour former le personnel semble se fermer, il ne resterait alors d'autre alternative que celle
de l'ouverture au capital étranger. Ceux qui, embusqués dans notre système depuis des années, se
sont évertués à aggraver sans cesse les charges qui pèsent sur l'industrialisation et sur notre
développement en général et qui ont compliqué à l'envie la gestion de nos entreprises par des
procédures contraignantes, vont-ils considérer que le moment est venu aujourd'hui de nous conduire
à la redécouverte de l'"Infitah" ?

Chapitre 5 : La partie invisible des charges indues supportées par les


entreprises.
En se proposant "d'éliminer les charges indues des entreprises", les services des Finances
reconnaissent, enfin, l'existence d'un ensemble de facteurs qui, découlant des interactions du système
économique ou des contraintes de l'environnement jouent, dans l'état actuel de l'organisation de notre
pays, largement en défaveur de ces entreprises.
Ainsi, les entreprises socialistes ont à subir des charges supplémentaires qui parfois peuvent
se traduire par des dépenses individualisées, chiffrées et figurant dans des comptes spécifiques ;
mais, souvent, ces charges supplémentaires prennent la forme de surcoûts directs ou indirects dont le
montant gonfle les différents comptes de l'entreprise sans pour autant apparaître de façon distincte
dans les rubriques comptables.
Dans ces conditions, l'élimination des "charges indues des entreprises", que se propose
d'opérer le Ministère des Finances, pose un autre problème qui est celui de l'inventaire complet de
ces charges et de leur évaluation à l'intérieur des comptes généraux de l'entreprise, car ces charges,
bien que réelles et assumées par l'entreprise, ne sont pas calculées systématiquement.
Par exemple, si le coût de la viabilisation du site d'un projet est une charge indue bien définie,
parce que chiffrée et enregistrée en tant que telle dans le bilan financier de ce projet, il existe par
contre des phénomènes et des contraintes qui augmentent le niveau des charges sans que leurs effets
soient cernés quantitativement.
Ces charges, indues et non quantifiées, sont nombreuses, et méritent qu'on les décrive pour, à
reprendre les termes mêmes de la note du Ministère des Finances, "mieux situer le problème du
financement des activités de l'entreprise".
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5.1. - Les charges liées aux contraintes des infrastructures.
Il y a, en premier lieu, les différentes contraintes d'infrastructure dont les effets complexes et
multiples sur la réalisation d'un projet et l'exploitation des unités de production, ne sont pas appréciés
dans toute leur dimension, parce qu'"invisibles".
Certaines de ces contraintes peuvent être évaluées relativement facilement. En effet, la lenteur
des procédures administratives des différentes institutions nationales déjà citées plus haut, la
faiblesse des capacités portuaires, l'insuffisance des moyens de transport et des moyens de commu-
nication nationaux, les pénuries d'eau, de matières premières locales, les coupures d'énergie
électrique, l'absence de logements pour les travailleurs etc., se traduisent :
- Au niveau des projets, par un allongement des délais de réalisation avec des conséquences
précises sous forme de réévaluation des coûts de l'investissement et d'un manque à gagner en
matière de production.
- Au niveau des unités de production, par une sous-utilisation des capacités installées et donc
par des déficits que l'on peut évaluer en fin d'année à partir des résultats de ces unités.
Par contre, il y a les effets indirects des insuffisances en matière d'infrastructure, insuffisances
se traduisant par des coûts qui échappent à l'analyse comptable et qui ne constituent pas moins des
pertes réelles pour l'entreprise.
Un retard dans un projet entraîne, entre autres, une démobilisation des équipes de personnel
formées par l'entreprise pour prendre an charge l'exploitation de ce projet, une fois réalisé. Souvent,
après avoir attendu trop longtemps l'achèvement d'un projet, le personnel ainsi formé abandonne l'en-
treprise pour aller travailler ailleurs. La reconstitution de telles équipes et leur formation induisent,
alors, d'autres coûts à l'entreprise, distribués dans différents postes de charge de l'entreprise, sans
qu'il soit possible d'en affecter le montant exact au projet.
Le complexe lainier de Tiaret dont le retard est imputable, pour une certaine part, à des
défaillances aussi bien de l'entreprise chargée de son exploitation que de celle qui en a assumé la
responsabilité dans la réalisation, s'est, par exemple, retrouvé au moment de son démarrage en juillet
1976, sans encadrement du fait des départs des techniciens formés, initialement, pour un projet dont
la mise en route devait se faire en mai 1972, si des obstacles n'avaient pas retardé sa réalisation.
Le sous-encadrement de ce complexe, en personnel algérien qualifié, dure encore et
l'assistance technique étrangère n'a pas permis de surmonter complètement cet obstacle.
La sous-utilisation d'une capacité par suite des arrêts de production, ayant souvent pour
origine les contraintes de l'environnement, peut être estimée par la valeur des produits non fabriqués,
du fait de ses contraintes, mais déduction faite du coût des inputs nécessaires à cette production.
Mais d'autres effets pervers, liés à la sous-utilisation des capacités de production, charrient des frais
additionnels aux charges des entreprises, à savoir :
- La rupture du rythme de travail dans un atelier de production, consécutive à une pénurie de
matières premières, a des conséquences sur le rendement des travailleurs qui va au-delà de la
période proprement dite de l'arrêt.

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- La perte de confiance de la clientèle de l'entreprise parce que cette clientèle ne reçoit pas la
quantité de marchandise qu'elle escomptait, par suite de l'arrêt de production ; cette situation
se traduit, soit par des pénuries entraînant un mécontentement que certains se hâtent d'imputer
à l'option socialiste ou à un mauvais fonctionnement du système, soit lorsque l'entreprise
nationale n'est pas seule sur le marché, par un déplacement de la demande de cette clientèle
vers d'autres fournisseurs, en général, privés. Cette difficulté est attribuée par les ennemis de
l'option socialiste à la mauvaise gestion du secteur socialiste ou à son manque d'agressivité
commerciale, alors que sa cause véritable se situe souvent en amont, au niveau des entraves,
défaillances et autres blocages rencontrés par ce secteur.
La sous-utilisation du réseau commercial, quand il existe, constitue un élément de surcoût, du
fait d'une production rendue momentanément insuffisante par les différents paramètres signalés plus
haut.
Les charges fixes (personnel, transport, frais généraux) de ce réseau ne sont pas compensées
par les marges commerciales, car il y a moins de produits à vendre, par suite des arrêts de production.
En outre, un manque de locaux pour la commercialisation et de capacités de stockage
suffisantes a une influence directe sur le chiffre d'affaires de l'entreprise, sans qu'il soit possible
d'évaluer exactement le tort causé à l'entreprise et à la collectivité par un réseau de distribution
insuffisant. D'autre part, ces difficultés donnent naissance à une augmentation des charges de
transports et des stocks de produits finis. Peut-on considérer que ces charges relèvent de la gestion
propre de l'entreprise, alors qu'on refuse, par ailleurs, à cette entreprise les moyens de les éliminer ou
tout au moins de les réduire ?
Enfin, la qualité irrégulière des matières premières locales, livrées souvent aux entreprises
socialistes au prix du premier choix fixé d'avance, pénalise les entreprises qui, à partir de ces
matières premières, mettent sur le marché des produits finis de deuxième choix et donc de moindre
valeur.
Les exemples des peaux brutes, de qualité médiocre, qui donnent un mauvais cuir, et des
oranges tout venant qui font un jus amer, produits finis qui se vendent au rabais, montrent, là
également, que l'entreprise prend en charge des insuffisances qui se situent en dehors de son activité
et qu'il n'y a pas lieu de lui imputer ; il en est de même des mauvaises qualités de blé qui donnent des
semoules et des farines quelquefois critiquées par les consommateurs, comme ces derniers se
plaignent également des déficiences de certains produits de la SNIC ou de la SNMC obtenus à partir
de l'utilisation de matières premières fournies par d'autres entreprises et présentant des défauts dans
leur composition.

5.2. - Les charges liées au facteur humain.


Les ressources humaines constituent un autre facteur à prendre en considération dans tous ses
aspects, quand on veut chiffrer les charges indues supportées par les entreprises.
Outre l'aspect de surplus de personnel ou l'absentéisme que l'entreprise subit du fait de
l'environnement social et que l'on peut chiffrer exactement par le biais des salaires et des charges
sociales, ou l'assistance technique destinée à pallier les insuffisances de l'encadrement et à former le
personnel de l'entreprise, ou encore de la formation assurée par l'entreprise pour relever le niveau de
68
qualification des travailleurs issus en majeure partie du milieu rural sans tradition industrielle ou bien
pour remplacer les travailleurs qualifiés qui l'ont quittée, il reste d'autres dépenses moins visibles qui
sont supportées par l'entreprise, alors qu'elles relèvent de facteurs externes à son activité.
L'usure rapide des équipements de production et des moyens de transport de l'entreprise,
parce qu'ils sont mal entretenus ou mal conduits, qui se traduit par des consommations plus
importantes de pièces détachées et des renouvellements plus fréquents de machines, est un
phénomène inconnu dans les pays industrialisés, compte tenu du niveau élevé de qualification de leur
main-d’œuvre.
Par contre, l'entreprise socialiste, en Algérie, baignant dans un marché du travail encore
déficient en personnel qualifié, paie un lourd tribut bien supérieur au coût direct de formation, si l'on
compte la détérioration plus rapide du matériel que les personnels occasionnent dans le processus
d'apprentissage de leur métier.
Si l'on ajoute des défauts de qualité de certaines productions d'entreprises socialistes
(production élevée de 3ème et 4ème choix) imputables à la faible qualification de la main- d’œuvre,
laquelle, bien sûr est appelée à s'améliorer avec le temps, il apparaît clairement qu'au-delà de la prise
en charge de coûts de formation, l'on devra également tenir compte des retombées de la sous-
qualification du personnel embauché sur le niveau quantitatif et qualitatif de la production et sur la
durée de vie du capital matériel de l'entreprise ; ces retombées qui sont, certes, considérées comme
des investissements dans la formation sur le tas, sont, cependant, injustement supportées par
l'entreprise.
L'effort des travailleurs, élément fondamental des performances des entreprises, dépend non
seulement du système de rémunération qui doit stimuler leur productivité, mais également de leur
régime alimentaire, de leurs conditions de logement et de transport sur le lieu de travail ainsi que de
leur niveau de conscience politique.
Lorsque la plupart de ces conditions ne sont pas réunies, comme c'est le cas actuellement,
l'entreprise accueille, sur le lieu de travail, un personnel fatigué, incapable d'efforts soutenus, qui se
trouve dans l'impossibilité de travailler correctement ; ces facteurs négatifs qui entravent le
développement de l'entreprise ne constituent-ils pas aussi des "charges indues" ? Analysées selon les
termes de la logique capitaliste, une telle situation équivaut, pour l'entreprise, à une subvention à
l'emploi de la main-d’œuvre sous forme de prime par poste de travail créé, du fait même de la non-
substitualité de cette main-d’œuvre à faible rendement par le facteur capital.
Par contre, dans le contexte de l'édification socialiste de notre pays qui fait de
l'épanouissement de l'homme un objectif fondamental, le coût ainsi subi par l'entreprise socialiste est
celui qui découle tout naturellement de son rôle d'opérateur pour l'Etat dans le cadre de sa politique
en matière d'emploi et en matière d'industrialisation. Encore faudrait-il que le système économique,
dans le cadre de son organisation générale, reconnaisse ce coût et donne à l'entreprise la possibilité
de l'assumer.
Les actions au niveau des autorités locales ont souvent pour objectif et pour résultat de
soutenir le fonctionnement des unités de production et de réalisation des projets ; néanmoins, une
mention particulière doit être faite des cas malheureusement nombreux où certaines interférences

69
n'ont pas eu des impacts positifs sur la bonne marche de ces unités et sur l'état d'avancement de ces
projets.
En effet, il arrive que de telles interférences, au sein des unités et de projets, entraînent
comme conséquences beaucoup plus l'affaiblissement de l'autorité des Directeurs d'unité ou des
Chefs de projet qu'un règlement des problèmes internes à ces ensembles.
Certains conflits, par exemple, n'ont pas eu pour origine les problèmes sociaux des
travailleurs, mais ont été créés ou amplifiés par des rivalités de clans, suscitées par les actions
souterraines de quelques responsables sujets au népotisme et externes à l'entreprise, dont le but
inavoué est d'imposer, par personne interposée, leur autorité aux collectifs des travailleurs au
détriment de l'autorité du gestionnaire de l'usine ou du projet.
La situation est telle, dans ces cas, qu'il devient difficile de trouver des cadres pour accepter et
assumer la responsabilité de Directeur d'unité ou de projet dans certaines localités, compte tenu des
entraves nombreuses et des différents obstacles que leur prépare un environnement hostile, et
auxquels il leur faudra faire face pour accomplir leurs fonctions.
Que penser également de la passivité de certaines autorités locales, quand il s'agit de mettre, à
la disposition des entreprises, des logements pour les équipes de projet et pour le personnel
d'encadrement des unités, ou bien quand il faut attribuer un terrain et alimenter en eau le site d'un
projet ?
L'entreprise socialiste doit-elle assumer seule le poids de l'industrialisation du pays ou bien
faudra-t-il quantifier l'ensemble des contraintes qu'elle subit et faire assumer les charges
correspondantes par la collectivité nationale, comme cela se fait dans tous les pays soucieux d'un
développement accéléré de l'économie nationale ?

5.3. - La cascade des coûts liés aux lenteurs administratives.


L'on a vu précédemment que la création de nouvelles industries ou l'augmentation des
activités dans les industries existantes, génèrent des revenus qui représentent un pouvoir d'achat et
une demande pour les produits d'autres industries, exerçant un effet positif sur la croissance
industrielle (effet de revenu). Chaque investissement industriel exerce également une stimulation sur
les autres branches de l'industrie par les enchaînements en amont et en aval (effet d'entraînement).
Dans la réalité, les contraintes d'infrastructure et de ressources humaines présentées ci-dessus,
en retardant la réalisation des projets et en handicapant la production industrielle, réduisent ou
retardent ces effets de revenu ou d'entraînement.
Par ailleurs, la complexité des circuits administratifs se traduit souvent par des temps morts
qui se répercutent sur les délais de réalisation des investissements et de mise en production d'une
usine.
Mais, les coûts pour la collectivité des lenteurs administratives ne sont pas calculés
systématiquement. On sait que le critère de référence pour juger du bon fonctionnement d'une
procédure est sa flexibilité par rapport aux imprévus. Dans le cas d'une A.G.I. par exemple, en cas de
prévisions incorrectes soit par une sous-estimation des besoins d'un produit donné, soit par suite
d'une hausse des prix imprévue et non couverte par l'enveloppe financière de l'A.G.I., il faut une

70
A.G.I. additive ou une rectification, donc l'intervention de différentes entités d'une administration
généralement surchargée, ce qui cause encore des délais et des pertes.
Si l'on évalue le coût des crédits immobilisés pendant la période nécessaire à la procédure
d'importation, sur la base par exemple d'une importation de 400 Millions de DA (A.G.I. d'une
entreprise) et en supposant un délai d'un mois, cela coûte à la collectivité nationale 3,3 Millions de
DA pour ce mois en prenant un taux d'intérêt de 10 % par an. Pour un délai de 3 mois, on arrive à 10
Millions de DA ; en général, ce délai est toujours dépassé.
Si l'on ajoute à cela, le gonflement des stocks pour se prémunir contre les délais
d'importation, l'entreprise subit ainsi un double effet négatif sur ses résultats.
Certes, parmi les contraintes multiples et complexes subies par les entreprises, parce qu'elles
sont inhérentes à l'état de sous-développement dans lequel se trouvait au départ notre économie,
certaines doivent s'amenuiser progressivement avec son développement. En effet, les contraintes au
plan des infrastructures et des utilités telles que l'eau, le téléphone, les voies de communications, si
elles sont considérées à juste titre comme une limitation à court terme dans le développement, avec
les surcoûts de gestion qui en découlent, apparaissent comme surmontables dans le moyen terme.
De même, on peut raisonnablement espérer que les efforts en matière de formation et
d'apprentissage ainsi que l'expérience acquise tant au niveau de l'organisation et de la gestion des
entreprises qu'au niveau de la pratique industrielle permettront de surmonter les difficultés qui ont
trouvé leur source dans l'insuffisance de qualification de nos ressources humaines.
Mais, si les contraintes d'infrastructures et de ressources humaines sont surmontables à
moyen terme, par contre, les limites non économiques, d'ordre structurels, sont moins liées au temps
qu'elles ne relèvent d'un état d'esprit rebelle au changement et exigent par conséquent d'opérer une
mutation des mentalités et des attitudes.
En effet, il n'est pas facile de faire évoluer des administrations traditionnelles réticentes à
l'égard de tout changement, où l'on reconnaît la survivance des valeurs conservatrices marquée par
une hostilité à l'égard de tout ce qu'elles ignorent.
C'est ainsi que certains services financiers en sont encore au stade où les avoirs financiers
sont gérés et contrôlés de façon artisanale, compte tenu de l'inexistence d'instruments efficients
d'analyse, de planification financière et d'intervention sur le marché financier international, et de ce
fait ne sont ni en mesure de générer de nouvelles ressources, ni de les affecter correctement au
développement de l'économie nationale.
Les entreprises assument donc les conséquences des faibles performances du secteur bancaire
et financier à travers la manière dont leur sont servies des ressources que les banques ne permettent
pas de créer à des conditions satisfaisantes ou ne savent pas répartir convenablement.
Les mesures préconisées dans la note du Ministère des Finances, c'est-à-dire la prise en
charge par le budget de l'Etat des dépenses indues, comme le coût des terrains, de l'infrastructure, de
la formation, l'exonération de la TUGP sur les biens d'équipements, la réduction ou la suppression de
droits de douane, l'exonération des impôts sur les nouvelles unités pendant une période donnée ne
doivent pas masquer les autres contraintes subies par l'entreprise qui n'apparaissent pas au premier
abord, parce qu'elles ne sont pas quantifiées ou ne sont pas facilement quantifiables.

71
En d'autres termes, il s'agira, dans le cadre du volume des crédits de financement des activités
des entreprises, de tenir compte également de ces aspects faute de quoi, l'on continuera à gérer des
déficits et des découverts qui trouvent leur source en grande partie dans les systèmes et procédures
où est enfermée l'action des entreprises.

72
TITRE III. - LE SYSTEME DE FINANCEMENT.
Chapitre 6. - Sortir des apparences pour aller vers la réalité.
Après avoir analysé un certain nombre de facteurs ayant contribué au déséquilibre financier
des entreprises, la note du Ministère des Finances conclut en indiquant que ces facteurs entraînent
pour la plupart des entreprises :
- Un très fort endettement.
- Une incapacité durable de rembourser les capitaux empruntés.
- Un déficit chronique de gestion.
En effet, il est maintenant devenu courant de voir le découvert, le déficit et l'endettement
présentés comme les signes apparents qui seraient significatifs de la santé des entreprises socialistes
industrielles. Il convient donc de s'interroger sur la signification de ces notions, sur ce qu'elles
représentent véritablement pour nos entreprises, puis de tirer les conséquences de cette analyse.

6.1. - Les apparences.

6.1.1. - Que représente le découvert bancaire ?


En règle générale, le découvert bancaire est un prêt à court terme accordé à l'entreprise par la
Banque pour lui permettre de faire face pendant une période de courte durée à des dépenses qui
dépassent le montant de son fonds de roulement. Cette situation ne peut être que conjoncturelle,
puisqu'en temps normal, l'ensemble des dépenses à court terme sont couvertes par le fonde de
roulement de l'entreprise.
En effet, pour fonctionner, l'entreprise a besoin d'acheter des matières premières et des
produits et de louer des services avant que le résultat de l'activité de cette entreprise n'apparaisse, et
bien avant que le produit fabriqué par l'entreprise ne soit vendu et que le produit de la vente ne soit
encaissé. Pour couvrir ces dépenses intermédiaires, l'entreprise doit disposer normalement d'un fonds
de roulement qui couvre les frais engagés avant la réalisation de la vente de ses produits.
En Algérie, les entreprises socialistes industrielles n'ont pas été dotées d'un financement du
fonds de roulement ; de ce fait, destiné normalement à financer les seuls surplus de dépenses que le
fonds de roulement ne peut conjecturalement couvrir, le découvert devient la méthode choisie pour
financer le fonds de roulement de l'entreprise. Ainsi, de conjoncturel, le découvert devient donc
structurel.

6.1.1.1. - Les impayés et les créances : des entreprises qui financent le Trésor.
Ainsi ce découvert est constitué des impayés et des créances que détiennent les entreprises les
unes sur les autres ; on se trouve alors devant le paradoxe suivant : une entreprise peut bien travailler,
produire et vendre sa production d'une façon convenable, et il suffit que cette production soit vendue
à d'autres entreprises qui travaillent mal et qui ne paient pas l'entreprise productrice, pour que la
situation financière de l'entreprise acheteuse soit florissante, alors que la situation de l'entreprise
vendeuse apparaît désastreuse ; en effet, cette dernière aura un découvert important auprès de sa

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banque, découvert sur lequel elle paiera des charges d'intérêts élevées, bien qu'elle ait normalement
produit et livré sa production.
De la même manière, quand les entreprises livrent leurs produits ou leurs services à des
administrations de l'Etat, elles ne sont généralement payées qu'au bout d'une période d'attente qui
peut atteindre et même dépasser une année, en raison des exigences de la comptabilité publique.
De ce fait, le Trésor qui assure les paiements dus par les administrations sur le budget de
l'Etat se trouve détenir, dans ses caisses, des sommes qui appartiennent aux entreprises comme
contrepartie de ce qu'elles ont livré. En d'autres termes, ces entreprises détiennent sur le Trésor des
créances qui peuvent atteindre des montants considérables et qui ne donnent lieu à aucun paiement
d'intérêts, pendant que ces entreprises, privées ainsi d'une partie de leurs ressources, continuent à être
en découvert auprès des banques qui leur font supporter un taux de 6 %. De ce fait, tout se passe
comme si les entreprises financent le Trésor en empruntant pour son compte et à leurs dépens.
Par contre, quand une entreprise est en retard pour le versement des impôts ou du produit des
taxes qu'elle doit au Trésor, elle est dénoncée comme étant mal gérée et non rentable par le Ministère
des Finances qui l'accuse de se faire financer au détriment du Trésor.
Il n'est pas exclu de découvrir ainsi qu'une entreprise, en retard dans le paiement des impôts et
taxes qu'elle doit au Trésor, se trouve en même temps créancière de ce même Trésor pour les
sommes dont ce dernier lui est redevable en contrepartie de ce qu'elle a livré aux administrations de
l'Etat. Il est, en tout cas, plus que probable que si l'on devait examiner les choses globalement, on se
rendrait compte que les dettes du Trésor envers les entreprises dans leur ensemble seraient d'un
montant supérieur à celui des versements fiscaux non acquittés par ces entreprises dans les délais
requis.

6.1.1.2. - Les stocks : de l'argent qui dort.


Les stocks de produits finis, de matières premières ou de pièces de rechange participent
également au découvert ; ces stocks sont soit nécessaires à la production, soit de par leur caractère
stratégique imposés à l'entreprise par l'État ; il s'agit alors de produits importés pour lesquels
l'entreprise doit constituer, afin d'assurer la couverture de la consommation nationale, un stock
équivalent à un nombre déterminé de jours ou de mois de cette consommation. Ces stocks
représentent donc de "l'argent qui dort", financé par le découvert bancaire, et sur lequel l'entreprise
paie à sa banque 6 % d'intérêts par an.
Par ailleurs, il convient d'ajouter les pratiques de sur-stockage qui se sont développées dans
les entreprises, par suite de la lourdeur des procédures d'importation ainsi que de la situation de sous-
développement de notre économie, qui fait que l'on s'adresse encore à l'étranger pour beaucoup de
matières consommables. En effet, là où un fabricant européen stocke une pièce, un industriel algérien
est obligé de stocker, parfois, le triple pour faire face à d'éventuelles ruptures de charge. Ce sur-
stockage est pratiqué, aussi bien pour les pièces de rechange et les matières consommables d'une
façon générale, que pour les matières premières importées.
Enfin, il convient de tenir compte du cas particulier des entreprises dont la production
s'écoule sur des cycles saisonniers divers : la SOGEDIA qui fabrique ses concentrés, ses jus ou ses
conserves en une période déterminée de l'année et les écoule ensuite sur toute la durée de son
exercice ; la SONITEX et la SONIPEC qui doivent stocker une bonne partie de leur production
74
pendant des mois pour répondre à une demande qui se manifeste d'une manière intense en des
moments déterminés du cycle annuel : la rentrée scolaire, les veilles des fêtes traditionnelles, le
passage de la saison froide à la saison chaude ou inversement etc.
La production finie maintenue ainsi en stock au même titre que les approvisionnements
acquis et mis en réserve pour exécuter cette production, représentent des valeurs dont le montant se
trouve retracé dans les découverts que les entreprises tiennent auprès de banques, faute de fonds de
roulement qui les auraient dispensées des charges financières liées aux découverts.

6.1.1.3. - Les charges financières de l'investissement : la confiance faite au projet.


Le découvert est aussi constitué des charges financières résultant d'un financement inadéquat
de l'investissement : en effet, lorsqu'une entreprise réalise un projet, ce projet est financé par des
crédits internes et par des crédits externes. Ces crédits financent toutes les composantes du coût de
l'investissement, y compris les impôts et taxes ; ainsi, pour donner un exemple, l'entreprise emprunte,
moyennant intérêts, de l'argent auprès de l'État ou des banques étrangères pour financer les impôts
mis à sa charge par l'État. Tout se passe donc comme si l'État imposait aux entreprises un véritable
impôt sur l'investissement et, qu'ensuite, pour se faire payer, il prête de l'argent aux entreprises.
De plus, le remboursement de l'emprunt commence à courir, alors que le projet est encore en
chantier et dans certains cas, avant même que l'ensemble des études d'exécution du projet ne soient
terminées. De ce fait, les charges financières de l'investissement, qui normalement doivent être
remboursées sur le produit de cet investissement, viennent, avant que le projet ne soit réalisé, grever
lourdement l'exploitation de l'entreprise, qui finance ainsi, sur le produit de ses activités de
production en cours, des frais qui entrent dans le coût des investissements nouveaux qu'elle
entreprend, c'est-à-dire des frais afférents à une production future.
Cette contrainte est d'autant plus pesante pour la gestion de l'entreprise que le programme
d'investissement, qui lui est affecté, représente généralement plusieurs fois son patrimoine,
contrairement à la situation et aux conditions d'évolutions de firmes similaires dans les pays
développés.
Ce cas a été mis en évidence dans le rapport élaboré en 1978 par le Ministère des Industries
Légères à propos du prix du ciment, notamment lorsqu'il compare la situation de la SNMC à celle du
groupe LAFARGE en France, groupe pour lequel les investissements nouveaux portent sur des
capacités qui correspondent seulement à une fraction réduite du potentiel de production déjà en plein
rendement dont il dispose.
Enfin, les conditions de financement des projets sont, au plan interne, plus draconiennes que
celles que l'on obtient des organismes étrangers ; d'une façon générale, le début du remboursement
des crédits externes commence après la mise en production de l'usine ; dans certains cas (Exim Bank
des Etats-Unis d'Amérique par exemple), les banques étrangères acceptent que les prêts qu'elles font,
dans le cadre des groupements financiers, soient les premiers à être mobilisés et les derniers à être
remboursés, alors que chez nous, la règle veut que l'on rembourse la banque algérienne avant les
banques étrangères. Pour un observateur "neutre", de telles pratiques signifieraient que les banques
étrangères font davantage confiance aux projets algériens que les banques algériennes.
Toutes ces contraintes pèsent sur la trésorerie des entreprises qui se trouvent alors acculées à
recourir au découvert bancaire pour honorer les échéances qu'elles sont obligées d'affronter en des
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délais déraisonnables ou bien pour s'acquitter de charges qui leur sont imposées au-delà des limites
du supportable.

6.1.1.4. - Certaines pratiques bancaires.


Le découvert a également pour origine certaines pratiques bancaires :
Ainsi, à titre d'exemple, l'entreprise contracte un volume de crédits important auprès des
banques étrangères pour le financement des services et fournitures qu'elle se procure à l'extérieur,
dans le cadre de la réalisation de ses projets.
La livraison de ces prestations et fournitures s'étalant sur plusieurs mois, l'entreprise n'est
amenée normalement à effectuer des tirages sur les crédits mis à sa disposition par les banques
prêteuses qu'au fur et à mesure seulement de ses besoins en paiements. De la sorte, les charges
d'intérêts liées à l'utilisation de ces crédits ne commencent à courir qu'à partir de la date de
mobilisation des tranches utilisées et ne s'appliquent qu'aux sommes déjà tirées.
Lorsque l'entreprise dispose simultanément de plusieurs crédits, il arrive que des sommes
importantes mises à sa disposition restent gelées auprès des banques prêteuses pendant la durée
maximale de tirage autorisée, qui est souvent de l'ordre de 24 mois.
Cependant, la nécessité de soutenir l'équilibre de notre balance des paiements a fait apparaître
l'utilité de procéder à la mobilisation intégrale et immédiate des crédits extérieurs accordés aux
entreprises et d'en assurer l'utilisation à d'autres fins, pendant toute la période où elles ne sont pas
exigibles au niveau des besoins de ces entreprises.
Il va sans dire que le tirage immédiat et intégral des crédits se traduit par des charges
financières plus lourdes qu'un tirage progressif s'étalant sur plusieurs mois. Cette façon de faire
procure, certes, à l'économie du pays une trésorerie importante en devises, mais les charges
qu'implique une telle opération sont supportées, sans contrepartie, par la seule entreprise
emprunteuse, comme cela a été exposé dans la première partie du Volume II du "Rapport sur les
problèmes financiers de l'industrie socialiste".
Ces charges financières étant intégralement supportées par l'entreprise, les banques primaires
algériennes bénéficient temporairement et pour partie des crédits ainsi mobilisés et ne supportent
aucune charge sur leur utilisation.
Étant donné le volume très important des crédits utilisés ces dernières années, il est facile de
mesurer l'impact, sous forme de charges financières indues, que la BOA et les banques primaires ont
ainsi fait supporter à la trésorerie des entreprises. Au moyen de la pratique du rapatriement immédiat
des crédits, non seulement les entreprises ont contribué à procurer un volume très important de
ressources extérieures temporaires aux banques primaires et, indirectement, à la banque centrale,
mais elles ont, de surcroît, supporté les charges d'intérêts liées à l'utilisation de ces ressources par le
système financier pour lequel est attribué, par ce biais, une véritable rente de situation.
Il arrive également que les crédits mobilisés par les banques primaires ne trouvent pas
d'utilisation immédiate. Leur placement sur le marché financier international à court terme permet
alors la production de revenus au profit du secteur financier national, au moment où ils se traduisent
par des charges d'intérêts pour les entreprises.

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La rente de situation dont bénéficie ainsi notre système bancaire s'amplifie, en outre, des
primes de change et des commissions de diverses natures que s'attribuent la BOA et les banques
primaires qui, par ailleurs, s'enorgueillissent des résultats mirifiques accumulés ainsi au détriment
des entreprises que le Ministère des Finances accable de ses critiques, leur reprochant notamment de
ne pas contribuer à l'accumulation nationale.
Sur un autre plan, il ne serait pas sans intérêt de noter, tout au moins, que le Ministère des
Finances dont les rapports ne manquent presque jamais de tirer à boulets rouges sur les prix et les
tarifs exorbitants que pratiqueraient les entreprises nationales en dehors de la réglementation ou
contrairement aux normes édictées par elles, passe curieusement sous silence les primes et
commissions de toutes sortes que prélève le système financier et que ne régit aucune loi ni aucun
décret. Ces primes et ces commissions qui sont fixées par les banques et les institutions financières
seules ou bien, tout au plus, avec l'accord de leur Ministère de tutelle qui n'est autre que celui des
Finances, ne sont pas autre chose que des tarifs de monopoles, de monopoles qu'on ne mentionne,
d'ailleurs, presque jamais dans les rapports, souvent inquisitoriaux, que le Ministère des Finances
dresse contre les entreprises exerçant des activités de monopole.
En outre, la non généralisation de la décentralisation du système bancaire fait que, dans
beaucoup de cas, le calcul des intérêts par la Banque ne tient pas compte d'une consolidation entre le
compte central de l'entreprise et les comptes des unités.
En fait, dans la plupart des cas, les comptes des unités des entreprises se trouvant à l'intérieur
du paye sont des comptes créditeurs, puisqu'ils enregistrent les recettes que réalise l'entreprise, alors
que le compte central est un compte découvert, puisque les recettes mettent un certain temps à arriver
au siège de l'entreprise. Une consolidation entre les comptes des agences bancaires et les comptes du
siège aurait permis, si ce n'est d'annuler le découvert, du moins de le réduire dans des proportions
souvent notables.

6.1.1.5. - Le découvert est la méthode choisie le système financier.


En conclusion, dans notre système de financement, il n'existe pas de financement des fonds
de roulement. Le découvert est la méthode choisie par le système financier pour financer le fonds de
roulement de l'entreprise. L'entreprise subit sur ce découvert un intérêt de 6 % par an, le paiement de
ces fraie financiers contribue à aggraver le découvert et, de cette façon, l'entreprise est placée
pratiquement sous la tutelle financière de la banque, qui se contente d'enregistrer et de prélever son
intérêt sur le découvert en vertu d'une rente de situation qui prend, ainsi, toute l'allure d'une situation
créée pour les besoins de la cause.
Pour les personnes averties, qui ont une formation classique, le découvert exprime la situation
de quelqu'un qui a perdu temporairement les moyens engagés dans son entreprise, et qui recourt à la
banque pour être "sauvé". Dans notre système, en Algérie, le découvert n'exprime pas cette situation
; il est, comme indiqué ci-dessus, voulu par les autorités financières, indépendamment de toute
considération relative à la situation réelle de l'entreprise. Il est, lui-même, le système de financement.
Il en découle un véritable paradoxe, car le découvert, pour ceux qui ne sont pas familiers avec
la réalité économique algérienne, exprime un déséquilibre et représente un signe de mauvaise
gestion, alors qu'en réalité, dans ces conditions, la situation de trésorerie de l'entreprise perd, en
Algérie, toute valeur pour la mesure de la gestion.
77
Cette logique inexorable du découvert, dans laquelle l'entreprise s'est trouvée placée, a donné
lieu à différentes interprétations. Certaine ont confondu découvert et déficit, d'autres ont laissé
subsister l'ambiguïté.
En fait, il n'y a de rapport entre découvert et déficit que dans la mesure oh les charges
financières du découvert peuvent transformer une entreprise bénéficiaire en entreprise déficitaire.
Tels sont donc quelques vérités qu'il faut connaître et quelques faits qu'il faut prendre en
considération, lorsque le Ministère des Finances étale brutalement devant les instances responsables
du pays ou laisse filtrer en direction de l'opinion publique nationale des chiffres énormes sur l'en-
dettement des entreprises auprès des banques comme, par exemple, lorsque la note du Ministère des
Finances faisant l'objet de ce rapport mentionne que "le volume des découverts des sociétés
nationales ... à la fin de l'été (1978), a évolué entre 7 et 8 milliards de dinars chez la Banque
Extérieure d'Algérie seulement". C'est en déformant la réalité de cette façon que le Ministère des
Finances tente de convaincre les dirigeants et l'opinion populaire que l'économie du pays est "au
bord de la catastrophe", expression que certains responsables reprennent à leur compte aisément et,
parfois, avec une pointe de satisfaction, pour caractériser l'héritage économique du regretté Président
Boumédiène.

6.1.2. - Qu'est ce que le déficit d'exploitation ?


Le résultat d'exploitation d'une entreprise pour un exercice donné représente la différence
entre les produits et les charges d'exploitation. Si cette différence est positive, l'entreprise est
bénéficiaire ; si cette différence est négative, l'entreprise est déficitaire.
L'appréciation du résultat d'une entreprise ne peut donc pas se faire sans référence aux
charges qu'elle supporte et aux prix qu'elle applique.

6.1.2.1. - Des entreprises en déficit pour subventionner l'économie.


Or, la situation financière des entreprises, déjà touchée par les charges du découvert que nous
venons d'examiner, aggravée par les charges de l'investissement et les conditions de son financement
qui ont été largement analysées et clarifiées dans le Volume Premier du "Rapport sur les problèmes
financiers de l'industrie socialiste" et dont nous parlerons par la suite, se trouve également obérée par
le fait que les prix de vente de certains produits sont gelée pendant plusieurs années, alors que les
charges liées à la production ou à l'acquisition de ces produite ne cessent de croître, au point que les
prix de revient deviennent supérieurs aux prix de vente, faisant apparaître ainsi des pertes de plus en
plus lourdes dans les comptes de ces entreprises.
En outre, les mesures d'augmentations de certains prix de vente, lorsqu'elles interviennent, ne
tiennent pas compte des pertes subies précédemment et ne permettent donc pas à ces entreprises
d'éponger les déficits qu'elles ont accumulés du fait de la pratique de prix antérieurs inadéquats.
Le recours, laissé à ces entreprises auxquelles l'État impose des pertes qui s'élèvent, dans
certains cas, à des centaines de millions de dinars, comme c'est le cas pour la SONATRACH, la
SONACOME, la SNS ou la SNMC, consiste à présenter des plans dits d'assainissement ou de
restructuration financière en vue d'obtenir des prêts à long terme, destinés théoriquement à éponger
le découvert de l'entreprise, mais qui, en réalité, alourdissent leur endettement et leur imposent de
financer, par une ponction sur leurs revenus futurs, des subventions accordées à d'autres secteurs, du
78
fait précisément du gel des prix ou du maintien de ces prix à un niveau inadéquat anormalement bas
au bénéfice de ces secteurs.
Si cette politique, en matière de prix, peut s'avérer juste, au plan national, il ne faut pas,
cependant, en tirer un jugement politique sur la gestion de ces entreprises. En outre, il s'avère que les
dettes nées des impayés supportés par les entreprises et des écarts entre prix de revient et prix de
vente qui leur sont imposés, sont à l'origine des bruits répandus, ici et là, disant que les entreprises
industrielles sont déficitaires, qu'elles conduisent l'État à la banqueroute et qu'elles acculent le pays à
la ruine.
Il est intéressant de constater qu'une partie des crédits à long terme accordés à certaines
entreprises par suite des pertes infligées à ces dernières en raison des subventions qu'elles consentent
à l'économie par le biais de prix minorés ou bloqués, ont pris le nom de crédits dits
"d'assainissement". Cette appellation (crédits d'assainissement) est, à elle seule, très significative,
puisqu'elle induit, chez un esprit non averti, l'idée que l'entreprise a failli à ses obligations et que
l'État se trouve obligé de venir à son secours en vue d'"assainir" sa situation financière.
A titre d'exemple, il est utile de mentionner que la décision, dont il ne s'agit nullement de
contester l'opportunité et l'utilité pour l'économie nationale dans son ensemble, d'imposer à des
entreprises industrielles de vendre sur le marché intérieur certains de leurs produits au-dessous de
leur prix d'achat à l'extérieur ou du prix de revient de leur fabrication, qui intègre parfois des matières
premières, des produits semi-finis ou des prestations importés, ont entraîné, pour les entreprises
socialistes, des pertes qui s'élèvent à :
- 2 Milliards de DA pour la SNS, pour la période 1970-1975 en incluant non seulement la
perte résultant de la différence entre les prix d'achat et les prix de vente, mais aussi tous les
frais financiers et autres charges liés à cette situation sur le plan des prix.
- 1,100 Milliard de DA pour la SONATRACH pour la seule année 1977, ce chiffre atteint
plus de 4 milliards de dinars si l'on veut évaluer toute la perte accumulée par SONATRACH,
sur la période 1975-1978, par suite des contraintes qui lui sont imposées à travers les prix de
commercialisation d'une grande partie de ses produits sur le marché intérieur.
- 480 Millions de DA pour les matériels agricoles livrés par la SONACOME à l'Agriculture
durant la période 1974-1978.
- 600 Millions de DA pour l'activité ciment produit localement, au niveau de la SNMC pour
la période allant de 1976 au premier semestre 1978.
- 400 Millions de DA pour l'activité ciment importé au niveau de la SNMC pour la période
1976-1978.
- 210 Millions de DA pour l'activité sucre au niveau de la SOGEDIA durant la période 1973-
1978.
- 86 Millions de DA pour l'activité corps gras au niveau de la même SOGEDIA durant la
période 1974-1978.
Voilà donc, à nouveau, des faits, cette fois chiffrés, qu'il convient d'avoir présents à l'esprit,
quand le Ministère des Finances fait état du "volume des découverts des sociétés nationales... évalué
entre 7 et 8 Milliards de dinars chez la Banque Extérieure d'Algérie seulement", laquelle Banque
79
Extérieure d'Algérie se trouve être précisément la Banque de SONATRACH, de la SNS et de
SNMC. Ces trois entreprises, à elles seules et uniquement en raison de l'obligation qui leur est faite
de vendre au-dessous de leurs prix d'achat à l'étranger dans le cadre des activités d'importation qui
leur incombent dans l'exercice de leur monopole, totalisent ainsi une perte de 2 Milliards de DA pour
la SNS de 1970 à 1975, de 4 Milliards de DA pour la SONATRACH de 1975 à 1978 et de 600
Millions de DA pour la SNMC de 1976 au premier semestre 1978, ce qui est à comparer aux 7 à 8
Milliards de découverts accumulés par des sociétés nationales auprès de la Banque Extérieure
d'Algérie.
Certes, la SNS et la SNMC ont bénéficié de certains des crédits dits d'assainissement destinés
à leur permettre de réduire leurs découverts. Mais, il convient de ne pas oublier que les montants des
pertes signalées ci-dessus ne concernent que l'une des causes qui semblent avoir été structurellement
"instituées" pour couler financièrement les entreprises nationales industrielles et que les crédits dits
"d'assainissement" accordés à ces dernières ne visent pas à corriger les distorsions qui leur sont
imposées et ont simplement pour effet, sinon pour objet, de reconstituer les ressources des banques.
En outre, aux conséquences résultant du gel des prix de certains produits, gel qui concerne
souvent des produits importés qui se trouvent être, du fait de ce gel, revendus sur le marché national
au-dessous de leurs prix d'achat à l'extérieur, s'ajoutent les charges afférentes aux frais d'approche qui
s'additionnent à ces prix d'achat. Parmi ces frais d'approche, on peut citer les frais de transport et de
manutention particulièrement élevés du fait des tarifs pratiqués par les organismes prestataires de
services tels que, par exemple, la CNAN, la SONAMA, la SNTR et la SNTF ; l'on se rendra compte,
ainsi, encore mieux de l'alourdissement considérable des charges pesant sur la gestion des entreprises
industrielles.
Il faut ajouter, également, ainsi qu'il vient d'être illustré ci-dessus, l'effet sur ces entreprises,
des prix bloqués durant plus d'une décennie pour certains produits, telles que l'huile fabriquée par la
SOGEDIA, ou les semoules et farines fabriquées par la SN SEMPAC. Le blocage de ces prix se
traduit, en général, soit par le blocage des marges de fabrication des entreprises, qui ne correspondent
plus à la réalité des charges engagées par ces entreprises pour la fabrication de tels produits, soit par
la suppression pure et simple de ces marges, soit encore par la limitation des prix de vente à un
niveau nettement en dessous des prix de revient, sans pour autant que l'entreprise bénéficie, comme
on serait tenté de le croire, d'un soutien de l'Etat.
A ce titre, on peut citer encore le cas de l'entreprise SONELGAZ qui pratique, quant à elle,
pour l'énergie électrique, un tarif qui remonte à la période d'avant l'indépendance, puisqu'il date de
1960, c'est-à-dire depuis vingt années, alors que cette énergie électrique est fournie aux quatre
cinquièmes(4/5) par des installations acquises à partir de 1965 ; bien plus, la plupart des centrales
électriques et des ouvrages de transport nouvellement mis en place n'ont été construits et ne sont
entrés en service que durant les deux plans quadriennaux lancés à partir de 1970, c'est-à-dire à une
époque où les coûts ont atteint des niveaux sans aucun rapport avec celui qui était le leur en 1960.
Pour ce qui est du gaz naturel distribué à travers le pays, le tarif a été baissé en 1968 et figé depuis.
Une telle politique a eu des effets certainement bénéfiques, tant au point de vue de la sauvegarde du
pouvoir d'achat des masses populaires et de leur accès à l'usage de l'utilisation moderne de l'énergie
que sur le plan de l'encouragement à la promotion des activités économiques dans le pays, qu'il
s'agisse de l'industrie ou des diverses catégories d'artisans consommateurs du gaz naturel
80
(boulangers, restaurateurs, petits fabricants etc.). Cependant, faute de mesure d'accompagnement
appropriées, notamment en ce qui concerne le financement des investissements et la fiscalité, cette
politique vaut à SONELGAZ d'avoir aujourd'hui. auprès de sa banque, un découvert qui avoisine ou
dépasse 1milliard de DA. Ceux qui avancent que le taux d'intérêt en Algérie serait le plus faible du
monde, ne mentionnent nullement les prix et tarifs qui permettent de fournir, à la population et à
l'économie, des biens à des conditions qui se retrouvent rarement dans le monde, sans compter que
les prix bas et les tarifs figés et peu élevés pratiqués par les entreprises nationales industrielles, qui
exercent des monopoles, correspondent à des livraisons réelles de marchandises dont les coûts de
production ne cessent d'augmenter, tandis que le taux d'intérêt perçu par le système financier n'est
rien d'autre qu'un prélèvement effectué à la faveur de la mise en oeuvre de crédits découlant d'une
décision politique ; ce prélèvement représente, évidemment, une ponction sur la valeur ajoutée créée
par ces mêmes entreprises et constitue, dans sa nature, une rente de situation au bénéfice du système
financier.
Le fait d'avoir laissé à la charge des entreprises et, par delà celles-ci, à la charge de la
monnaie, d'importantes subventions à l'économie et au soutien du pouvoir d'achat des masses
populaires ne constitue pas en soi une politique que certains sont tentés d'assimiler à une sorte de
fuite en avant.
Bien au contraire, il prend valeur d'une action engagée en tablant sur les résultats attendus de
la transformation et de la croissance de l'économie nationale laquelle économie, grâce précisément à
l'impulsion que lui a donnée l'effort de développement intense entrepris et accompli au cours de ces
dernières années, est en mesure aujourd'hui de supporter l'effet des mesures qu'il devient impérieux
de prendre pour résorber les déficits imposés aux entreprises par suite des subventions dont elles ont
assumé la charge pour favoriser l'expansion de cette économie. Seules sont à critiquer et même à
réprouver les attitudes qui, ignorant ou feignant d'ignorer le rôle assumé par ces entreprises indus-
trielles dans le soutien des prix et, par voie de conséquence, dans la lutte pour juguler et réduire
l'inflation, tentent de présenter ces entreprises comme ayant fait faillite et font ainsi d'une situation
sciemment déformée, un argument spécieux pour s'attaquer à la politique même de développement
du pays à laquelle ces entreprises servent de support.
Par ailleurs, le système fiscal met l'entreprise dans l'obligation de payer l'impôt sur les BIC au
niveau de chacune des unités qui la constituent, et non au niveau du bilan consolidé de l'entreprise.
De ce fait, une entreprise présentant un compte d'exploitation négatif, mais dont certaines unités sont
bénéficiaires, se voit prélever au niveau de ces unités un impôt qui vient en fait aggraver son déficit.
Ce phénomène va s'aggraver dans l'avenir, de nombreuses entreprises devant mettre en
exploitation des unités réalisées durant le second Plan Quadriennal ; certaines de ces unités qui, déjà
dans un environnement favorable, seraient normalement déficitaires pendant la période de montée en
cadence de la production, verront leur déficit aggravé durant cette période, suite à l'inadéquation du
système de financement ; le prélèvement de l'impôt sur les BIC, au niveau des unités déficitaire,
constituera, ainsi, une autre difficulté pour les entreprises.

6.1.2.2. - Quand SONATRACH perd de l'argent pour que l'État puisse en gagner.
Un cas encore plus typique pour caractériser la situation des entreprises nationales assumant
volontairement la prise en charge de certaines opérations qui, tout en étant cornues comme étant

81
déficitaires pour les résultats financiers de l'entreprise, sont nettement rentables pour le Trésor de
l'Etat et pour l'économie nationale dans son ensemble, est celui de la SONATRACH, dans ses
activités de production des hydrocarbures.
En effet, avant les nationalisations de 1971, les sociétés pétrolières étrangères, tout
particulièrement les sociétés françaises qui détenaient alors le contrôle des activités de production sur
la quasi totalité de nos gisements y compris ceux de ces gisements comportant des participations
d'intérêts non-français, arrêtaient systématiquement la production des gisements ou simplement des
puits considérés par elles comme non rentables, à partir du moment où, pour ces sociétés, qui
faisaient leur compte non seulement gisement par gisement mais même, au sein d'un gisement
déterminé, puits par puits, estimaient que la production issue de ces gisements ou de ces puits leur
causait un déficit ou bien, tout simplement, ne leur rapportait pas un bénéfice suffisant et satisfaisant,
en raison des charges qui leur sont imputées, charges qui incluent évidemment tous les impôts et
taxes versés à l'État.
Ainsi, les sociétés pétrolières étrangères, comme c'est le cas, naturellement, de toute société
privée, ne prennent en considération que leurs intérêts propres et ne se soucient nullement de ceux de
la collectivité et de l'Etat, qui perdent évidemment le bénéfice des impôts et taxes provenant des gise-
ments et des puits dont la production a été arrêtée. Les impôts et les taxes, qui sont des recettes pour
le Trésor, sont enregistrés, cela va de soi, comme dépenses par les Sociétés. Les règles qui
déterminent les charges fiscales étant uniformes pour l'ensemble des exploitations pétrolières et les
frais d'exploitation étant déterminés par les caractéristiques et la position géographique de chaque
gisement, la société étrangère arrête la production dès que le montant cumulé de la charge fiscale et
des frais d'exploitation ne lui permet plus de retirer un avantage financier de l'exploitation, ce qui
devient encore plus fréquent quand les gros amortissements imputés à cette exploitation sont passés.
Bien évidemment, il ne saurait être question, pour aucune société étrangère, de puiser dans les
résultats de ses gisements ou de ses unités bénéficiaires de quoi compenser le déficit que le poids de
la fiscalité ou la masse des salaires versés à la main-d’œuvre locale lui créent sur d'autres
exploitations.
Cette manière de considérer les choses, qui est l'essence même de la règle d'or de la gestion
capitaliste, fait que, sous le règne des sociétés pétrolières françaises, l'exploitation de certains
gisements et de beaucoup de puits a été arrêtée et que, par suite du relèvement du taux du
prélèvement fiscal intervenu sous différentes formes depuis 1971 sous l'effet de l'action propre de
l'Algérie et de l'OPEC, une bonne partie de nos gisements et un grand nombre de nos puits de pétrole
se seraient trouvés condamnés à la stérilisation, privant ainsi l'Etat de recettes substantielles, si la
valorisation de nos ressources en hydrocarbures avait été laissée entre les mains des sociétés
étrangères.
Du reste, c'est bien là la raison qui explique, et qui a été même explicitement invoquée
comme telle, l'abandon par l'ERAP, après les nationalisations de 1971, de la totalité des
participations que ces nationalisations lui avaient laissées sur la production de nos gisements.
Par contre, au lendemain de la prise en main par la SONATRACH de nos champs pétroliers
et gaziers, des instructions très fermes avaient été données à cette entreprise nationale de réactiver les
gisements et les puits abandonnés comme non rentables par les sociétés et de maintenir en activité

82
d'autres puits ou d'autres gisements dont les résultats financiers viendraient à devenir déficitaires en
raison de l'impact de la fiscalité ou du poids des dépenses locales.
En effet, le poids de la fiscalité s'étant alourdi depuis 1971 et les frais d'exploitation ayant
augmenté par suite de l'inflation et du vieillissement de beaucoup d'équipements, une partie non
négligeable de la production pétrolière de la SONATRACH est devenue financièrement non rentable
pour cette dernière dont les résultats financiers, obtenus sur la valorisation de la part restante de sa
production, se trouvent amputés des montants servant à combler le déficit né du maintien en activité
des gisements et des puits non rentables pour l'entreprise du point de vue financier. Cependant, là où
la SONATRACH enregistre un déficit, l'Etat, grâce au produit de la fiscalité qu'il prélève, continue à
bénéficier de rentrées substantielles, tandis que l'exportation de cette production, non rentable
financièrement au niveau de l'entreprise, procure à notre balance des paiements des rentrées
appréciables en devises. En fin de compte, si au lieu d'envisager les choses séparément, d'un côté sur
le plan des résultats financiers du bilan de la SONATRACH et, d'un autre côté, au niveau des
recettes perçues par le Trésor, on considère que la caisse de la SONATRACH et le Trésor de l'Etat
ne forment qu'un fonds commun, l'Etat demeure largement bénéficiaire dans une opération qui est
déficitaire pour la SONATRACH seule. On retrouve là un cas type d'activité qui ne laisse à
l'entreprise aucun bénéfice et lui occasionne même des pertes, mais, qui, par ailleurs, demeure d'un
apport important à l'accumulation nationale et, de surcroît, procure au pays des moyens de paiements
extérieurs.
Beaucoup de nos experts financiers et de nos économistes, qui se font les censeurs de la
gestion de nos entreprises industrielles, semblent ignorer cette distinction qui existe entre
l'accumulation considérée du point de vue microéconomique propre à l'entreprise et l'accumulation
envisagée à l'échelle globale de l'ensemble de l'économie ou bien font semblant de ne pas connaître
cette distinction, pour dire que notre industrie n'accumule pas ou qu'elle enregistre des résultats
médiocres et nettement insuffisants, eu égard à l'importance des capitaux qui y sont investis par
l'Etat.
Ainsi, des entreprises qui contribuent grandement à la croissance de l'économie du pays et
assument, de ce fait, une mission de caractère national au détriment de leur intérêt propre en tant
qu'entité individuelle, se trouvent mises à l'index et accablées injustement de reproches sur leur
rentabilité présentée comme négative ou insuffisante.
Signalons, afin d'aller au devant de certaines objections, que l'on serait peut être tenté
d'avancer, par ailleurs, que l'augmentation des prix de vente du pétrole est de nature à rétablir ou à
améliorer la rentabilité des gisements et des puits dont le cas a été évoqué ci-dessus, dans la mesure
où l'aggravation des conditions fiscales ne viendraient priver la SONATRACH du soulagement
qu'elle est en droit d'attendre de cette augmentation des prix.
Enfin, il convient de souligner également que, si la fonction économique des hydrocarbures
ou de toute autre production devait se réduire un jour à l'unique avantage de convertir en devises une
production obtenue par des moyens payés totalement ou en partie en monnaie nationale, ce serait un
impératif pour les entreprises, qui en assument la charge, de poursuivre leurs activités, même si
celles-ci se ramenaient, du point de vue financier, à des opérations blanches, voire déficitaires. C'est
ce qui explique, du reste, que les Gouvernements de beaucoup de pays, qu'ils appartiennent au
monde capitaliste ou au camp socialiste, accordent des subventions en monnaie interne à des activités
83
de production exportatrices, qui procurent des moyens de paiement extérieurs à l'économie
nationale.
En conclusion, si la notion de bénéfice ou de déficit est liée à celle de la bonne ou de la
mauvaise gestion dans un environnement normal, elle perd toute sa signification, quand
l'environnement se présente sous la forme d'un certain nombre de mesures, sur lesquelles l'entreprise
n'a aucune prise, qui sont, sans doute, dans certains cas, justifiées du point de vue de l'intérêt
national, mais qui réduisent le bénéfice de l'entreprise ou augmentent son déficit, sans qu'aucune
mesure correctrice n'y soit apportée.
La prise de conscience de ce phénomène a amené le Ministère des Industries Légères à
élaborer, au cours de l'année 1977 et dans le cadre de l'application de la circulaire présidentielle sur
la distribution des bénéfices, la notion de prime d'encouragement pour les unités, certes, déficitaires,
mais qui ont réalisé des progrès certains et mesurables, afin de ne pas priver les travailleurs de la part
qui leur revient légitimement sur le fruit de leurs efforts et d'éviter que le concept de la gestion de
l'entreprise soit atteint dans l'un de ses fondements essentiels.

6.1.3. - Que signifie l'endettement des entreprises vis-à-vis de l'Etat ?


Pour un observateur non averti, l'endettement des entreprises socialistes peut apparaître
comme ayant atteint un plafond intolérable ; en réalité, cette situation, comme les problèmes
financiers de l'entreprise en règle générale, découle d'une inadéquation entre les activités de
l'entreprise et la façon dont elles sont financées.

6.1.3.1. - Un système fait pour endetter l'entreprise.


S'agissant plus spécialement des charges d'investissement, il y a lieu de rappeler que
l'investissement est financé à 100 % par le crédit, c'est-à-dire que l'entreprise ne dispose pas de fonds
propres ; de ce simple fait, il découle que les charges financières, subies par l'entreprise socialiste en
Algérie, sont plus importantes que celles subies par des entreprises analogues dans d'autres pays.
De plus, nos entreprises se trouvent dans une phase de développement de notre pays où elles
sont chargées de réaliser un important programme d'investissement. Cela se traduit à travers le bilan
de ces entreprises, par un gonflement du poste du bilan où sont enregistrés les investissements et
appelé "immobilisations en cours". Normalement, on veille à ce qu'il y ait un équilibre entre les
postes de la partie du bilan appelée "actif du bilan" et les postes de la partie du bilan appelée "passif
du bilan". Les postes de l'actif du bilan retracent les éléments dont dispose l'entreprise
(immobilisations en cours, stocks...), les postes du passif indiquent le financement de ces postes
(capital, réserves, financement à long terme, à moyen terme...).
L'équilibre recherché entre les postes de l'actif et ceux du passif du bilan doit entraîner un
financement adapté à chaque élément de ce bilan. Ainsi, pour que la structure financière de
l'entreprise ne soit pas déséquilibrée, il faut qu'il y ait adéquation entre les postes d'immobilisations
de l'actif et les postes Capital, Réserves et Financement à long terme du passif. Les raisons pratiques
et théoriques qui expliquent cet équilibre et cette adéquation sont exposées dans le Volume I du
Rapport sur les problèmes financiers de l'industrie socialiste.
Dans notre situation, le capital et les réserves des entreprises sont faibles, du fait d'une faible
dotation initiale; la part du financement à long terme, dans le financement total, bien qu'elle ait
84
relativement progressé ces dernières années, reste faible au regard du poids des immobilisations ; il
s'ensuit, puisque l'on doit retrouver un équilibre au niveau du bilan, que la part du financement à
court terme et à moyen terme est élevée.
L'entreprise est obligée, pour rembourser ces financements à court terme et à moyen terme, de
faire appel à des crédits relais ou d'aggraver son découvert.
L'endettement des entreprises est aggravé par le fait que le potentiel de production actuel des
entreprises est trop faible pour pouvoir supporter les charges financières entraînées par le
financement d'un important programme de développement.
Ainsi, des charges élevées d'endettement relatives à ce programme de développement et
constituées, en particulier par :
- Les intérêts intercalaires, c'est-à-dire les intérêts encourus du fait du financement durant la
phase de réalisation,
- Les échéances que les entreprises sont tenues de rembourser avant même que le projet ne
soit mis en route, sont assumées par l'entreprise qui ne dispose, à cet effet, que de la valeur
ajoutée créée par ses unités qui fonctionnent déjà.
A toutes ces charges, déjà lourdes et qui, en s'accumulant, placent l'entreprise dans une
situation d'endettement structurel, que les entreprises socialistes algériennes sont probablement parmi
les seules à devoir supporter dans le monde, s'ajoutent les surcoûts de l'investissement constitués,
entre autres, par :
- La fiscalité sur l'investissement et sur l'exploitation,
- Les surcoûts de transport et de manutention,
- Les frais pour la réalisation d'infrastructures, du fait que la grande majorité des projets sont
implantés dans des zones non viabilisées,
- Les frais de formation,
- Les augmentations de coûts dues aux retards d'acquisition de terrains, d'obtention des
autorisations pour l'entrée en vigueur des contrats etc. ,
- Les coûts de mobilisation des financements extérieurs.
Ces surcoûts représentent, dans la plupart des cas, des frais qui ne devraient pas normalement
être pris en charge par l'entreprise.
C'est ainsi que les entreprises algériennes se voient placées, pour assumer leur mission, dans
l'obligation d'ajouter ces charges à toutes celles citées plus haut, alors que dans les pays développés,
les entreprises bénéficient de nombreux avantages en matière d'investissements, avantages parmi
lesquels on peut citer la mise à disposition de terrains viabilisés à des conditions de prix très
favorables, des exonérations fiscales, un financement de l'investissement à des conditions
appropriées, une main-d’œuvre déjà formée et expérimentée ; en outre, ces pays aménagent, en
général, par convention avec ces entreprises, des reports sur une période assez longue des déficits
constatés au cours des premières années de fonctionnement des unités nouvelles ; de plus, certaines
dépenses, telles que l'infrastructure et la formation, sont supportées par le Gouvernement du pays
dans lequel se fait l'investissement.
85
Par ailleurs, dans certains pays développés, sauf dans les cas où ces pays traversent une
période de crise économique qui les amène à décourager l'investissement, la partie du bénéfice de
l'entreprise qui est réinvestie peut, parfois, ne pas être frappée par l'impôt, ou bien bénéficie, tout au
moins, d'allègements fiscaux. En réalité, cela revient à accorder, aux entreprises qui investissent, une
subvention qui peut aller jusqu'à 50 % du montant des bénéfices, puisque l'impôt sur ces bénéfices
est, en général, de 50 % de leur montant. (Voir annexe n° 2 sur les avantages à l'investissement).
Ainsi, non seulement ces avantages n'existent pas pour les entreprises socialistes algériennes,
mais celles-ci doivent supporter, comme nous l'avons indiqué précédemment, des charges anormales
(non financement jusqu'en 1974 des intérêts intercalaires, début de remboursement des crédits avant
même la fin de la réalisation du projet, des frais financiers sur un financement qui, ailleurs, est assuré
par des apports en capitaux propres, taxes sur les investissements etc.).

6.1.3.2. - Quand l'État fait une avance de trésorerie gratuite - et risquée - à la société
étrangère.
Parmi les charges imposées aux entreprises nationales et industrielles et qui grèvent leurs
coûts, il en est une qui émerge non seulement parce qu'elle sort de la norme des charges que
supportent habituellement les activités industrielles, mais aussi par le caractère absurde de son mode
d'application : il s'agit de l'imposition des sociétés étrangères qui réalisent des projets pour le compte
des entreprises nationales.
Dans une lettre écrite, en date du 6 avril 1978 sous le n° 131/CAB, au Ministère des Finances
par le Ministère des Industries Légères, ce problème a été traité en ces termes, qui demeurent
toujours d'actualité :
"La réalisation d'une unité industrielle n'est rien d'autre qu'une opération commerciale et
peut s'analyser, au même titre que l'achat d'un véhicule par la SONACOME, d'un appareil Boeing
par la Compagnie Air-Algérie ou d'un Méthanier par la CNAN". Sous cet angle, l'impôt sur les BIC
à l'investissement apparaît comme une anomalie pour le moins peu explicable. En effet, si les
appareils Boeing, au lieu de voler depuis leur lieu de production jusqu'à un aéroport algérien, étaient
acheminés en pièces détachées et montés en Algérie, la vente des Boeing serait-elle justiciable de
l'impôt sur les bénéfices ? On peut poser une question analogue à propos de l'achat d'un véhicule qui
serait livré en lots de pièces sur les quais d'un port algérien ou d'un méthanier dont les différente
composants seraient assemblés et soudés dans nos eaux portuaires. D'un autre côté, si les unités
industrielles nous étaient livrées toutes faites sur skid ou sur panneaux flottants, comme cela
commence à se faire de par le monde, seraient-elles alors dispensées de cette imposition sur les BIC
?
Plaçons nous, maintenant, dans l'hypothèse où le principe de cette imposition n'est pas remis
en cause, et analysons ses modalités d'application.
Si la société qui investit est une société privée, l'Etat ne fait que récupérer son dû à travers
l'entreprise réalisatrice de l'investissement.
Dans le cas d'une entreprise socialiste, celle-ci verra son partenaire, c'est-à-dire la société
étrangère à laquelle il est fait obligation de payer l'impôt, tenir compte, dans le cadre du contrat, de
toutes les obligation, auxquelles elle souscrit ; la firme étrangère calcule alors ses coûts en fonction
de l'impôt. En d'autres termes, le bénéfice étant le but visé, le prix de la proposition sera défini de
86
façon telle qu'une fois toutes les obligations, y compris celles de l'impôt, satisfaites, cela laisse un
certain bénéfice.
En conséquence, à partir du moment où c'est l'État lui-même qui est à la fois l'acheteur, le fisc
et le payeur, il y a une situation absurde qui aboutit à ce que l'État donne en fait à la société étrangère
une somme qu'il lui réclamera par la suite.
En effet, lorsque l'impôt sur les BIC est payé par la société étrangère, sur une base annuelle,
en cours d'investissement, l'Etat ne fait que récupérer, après un certain délai, ce qu'il aura versé à
travers les entreprises socialistes.
Cette situation s'analyse donc en premier lieu comme une avance de trésorerie consentie
gratuitement en faveur de la société étrangère.
Mais cette avance n'est pas faite sans risque. Il suffit que l'entreprise se soit trompée dans ses
prévisions et fasse des pertes pour ne pas payer d'impôt. Dans ce cas, l'État perd ce qu'il aura avancé
en sa qualité d'acheteur et de payeur. Car tout projet industriel comporte des risques ; en avançant de
l'argent dans ce cadre, l'Etat le risque, car s'il n'y a pas de bénéfice, il n'y a pas d'impôt.
Bien plus, on aura donné à la Société étrangère la possibilité de faire jouer tous les
mécanismes comptables susceptibles de réduire son bénéfice et, par voie de conséquence, son
imposition, ou même lui permettant de se présenter comme n'ayant fait aucun bénéfice, voire comme
ayant enregistré une perte et, à ce titre, ne rien payer au fisc.
Afin de n'ouvrir aucune possibilité de jeu à l'entreprise étrangère, et de n'avoir pas à partager
le risque industriel qu'elle prend dans le cadre de sa réalisation, l'Etat n'a d'autre alternative que
d'exclure, dès le départ, l'imposition de l'investissement qu'il réalise directement ou par ses
entreprises socialistes, et de permettre aux négociations des contrats de se conclure hors impôts et
hors taxes.
Cette formule de contrat hors taxes et impôts, outre qu'elle évite tout contentieux fiscal dont
la répercussion se fait sentir lourdement sur le déroulement des opérations d'investissement, permet,
par ailleurs, à l'entreprise socialiste et à la société étrangère, lors de la négociation d'un contrat,
d'arriver à la détermination d'un prix non influencé par des aléas fiscaux.
En tout état de cause, l'entreprise étrangère, notamment celle qui a un établissement autonome
en Algérie, opérant exclusivement dans le cadre de contrats d'investissement passés avec des
entreprises socialistes, incorpore sans doute dans ses prix de massives provisions pour risques
fiscaux, qui sont en définitive supportées par les entreprises socialistes clientes, c'est-à-dire par l'État.
Dans ce but, il convient ou bien d'exempter l'investissement de ces impôts, ou bien, si l'on
tient à attacher un impôt à l'investissement, de faire payer directement cet impôt par la Société
Nationale concernée. Cette dernière le verse directement au Trésor et, dans ce cas, l'État est sûr de ne
rien perdre.
Au-delà de ce schéma, il n'est que fiction, car l'entreprise étrangère ne versera rien qui ne
provienne déjà de la société nationale, c'est-à-dire, en fin de compte, de l'État lui-même.
On pourrait objecter que. dès lors que les entreprises algériennes de réalisation, telles par
exemple la D.N.C. ou la SONATIBA, sont sujettes à l'imposition lorsqu'elles réalisent un chantier,

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pourquoi dispenserait-on l'entreprise étrangère ? Ne créerait-on pas ainsi des conditions d'inégalité,
dans la soumission à un appel d'offres, au détriment des entreprises nationales de réalisation ?
En fait, la société étrangère tient compte, dans sa proposition de prix, des obligations fiscales
dont elle est redevable chez elle, car elle paye l'impôt sur toute son activité. En d'autres termes, dans
les circonstances actuelles, la société étrangère fait l'objet d'une double imposition, celle dont elle est
redevable vis-à-vis de son pays d'origine et celle à laquelle elle est assujettie en Algérie, alors que
l'entreprise algérienne n'en subit qu'une, celle qu'elle acquitte envers le Trésor algérien.
On peut aussi ajouter que l'obligation, pour une entreprise étrangère, de payer l'impôt donne
la possibilité aux autorités algériennes d'accéder à la comptabilité de cette entreprise et de contrôler
l'utilisation qu'elle fait de ses ressources. En vérité, si tels devaient être la préoccupation et l'objectif
du Ministère des Finances, les banques nationales sont déjà un moyen de contrôle efficace, dès lors
qu'elles constituent le passage obligé pour les flux financiers de toute entreprise étrangère en Algérie.
De plus, et en tout état de cause, l'obligation de contrôle de la comptabilité peut être établie
directement, sans pour autant devoir être assortie d'obligations fiscales.
Dans une nouvelle lettre écrite par le Ministère des Industries Légères au Ministère des
Finances en date du 25 avril 1978 sous le n° 154/CAB, ce problème de l'imposition des sociétés
étrangères travaillant pour le compte de l'État a été de nouveau évoqué comme suit :
"Les partenaires étrangers qui détiennent une participation financière au capital d'une
société mixte apportent à cette dernière une assistance technique en détachant des spécialistes en
Algérie. Le détachement de ce personnel intervenant par contrat spécifique, l'administration fiscale
considère qu'il s'agit d'une activité indépendante justiciable de la TUGPS et de l'impôt sur les BNC.
Il en résulte de lourdes charges fiscales dont les conséquences sur le cet des prestations de services
et sur l'activité des sociétés mixtes se font ressentir d'une manière aiguë. A titre d'exemple, la charge
fiscale totale représente en moyenne, pour la SOMERI, 58 % du prix de revient de l'homme/mois
détaché par son partenaire Suisse FRISA.
Il ... paraît important que soit reconsidéré la position de l'administration fiscale en matière
de TUGPS et d'impôt sur les BNC qui, en définitive, pénalisent lourdement les sociétés mixtes par le
biais de leurs partenaires étrangers."
Notons, du reste, au passage, que la conséquence résultant de la situation ainsi faite aux
sociétés mixtes créées par nous dans le but d'aider à la formation d 'outils nationaux de réalisation,
aboutit à pénaliser les sociétés nationales qui s'engagent dans cette voie et à les inciter à recourir
directement aux services des sociétés étrangères dans un cadre purement commercial, qui est
finalement moins onéreux pour nos entreprises.
On mesure ainsi l'absurdité ou la signification d'une attitude qui conduit à décourager la
constitution d'outils nationaux de réalisation alors que, d'un autre côté, on ne cesse de reprocher à nos
sociétés nationales de continuer à faire appel à l'intervention des sociétés étrangères dans l'exécution
de nos investissements.
En outre, pour illustrer l'impact sur le coût de nos investissements et sur nos coûts de
production, de cette imposition à laquelle sont assujetties les entreprises étrangères travaillant pour le
compte de l'Etat, on peut encore reproduire le passage suivant extrait de la lettre déjà citée ci-dessus :

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"L'imposition des entreprises étrangères constitue, en fait, une opération qui consiste pour
l'État à verser de l'argent de ses caisses et à vouloir le récupérer par la suite, avec le risque, ... de ne
pas rentrer totalement en possession des fonds qu'il avait versés à travers les entreprises socialistes
et affectée par celle-ci au paiement des charges fiscales. Les impôts et taxes supportés par les
sociétés étrangères étant, en pratique, à la charge directe de l'entreprise socialiste cocontractante,
car inclus dans le prix du contrat, cette imposition aboutit au système de l'avance de trésorerie, avec
risque au niveau de la récupération.
Cependant, si l'on considère qu'il ne faut pas exempter les sociétés étrangères travaillant
pour le compte des entreprises nationales de tout impôt et qu'en tout état de cause certaines taxes
doivent être prélevées sur les sociétés étrangères ayant passé avec des entreprises socialistes des
contrats relatifs à l'investissement, il est souhaitable que les impôts et taxes soient pris en charge par
l'entreprise socialiste et payés directement par elle, de manière à éviter tout contentieux possible
entre l'administration fiscale et la société étrangère et dont les conséquences se répercutent sur le
déroulement de la réalisation du projet d'investissement concerné. A cet égard, il parait plus efficace
que soient imposées au régime de la taxe forfaitaire, au lieu de l'impôt sur les BIC, toutes les
sociétés étrangères, sans exception, ayant conclu avec des entreprises socialistes des contrats
relatifs à l'investissement. Le contrôle de ces sociétés étrangères peut être assuré, par ailleurs, sous
des formes qui ne réduisent en rien l'efficacité dont pourraient se prévaloir les services fiscaux."
Par ailleurs, en plus de l'aggravation que ces charges fiscales frappant les activités des
sociétés étrangères qui sont leurs partenaires entraînent sur leurs coûts de production et, par voie de
conséquence, sur leur rentabilité financière et sur leurs prix de vente, les entreprises nationales
subissent, aussi, les contrecoups des contentieux qui ne manquent pas de surgir entre les services
fiscaux et les sociétés étrangères.
Ces contrecoups s'analysent toujours et, en définitive, en termes de pertes financières et de
surcharges dans les coûts.
En effet, dans le but de récupérer des impôts dont la matérialité est souvent contestée suivant
la confusion évoquée dans les lettres citées ci-dessus, les services du fisc en viennent à prendre des
mesures coercitives contre les entreprises étrangères, sans tenir compte des conséquences fâcheuses
de ces mesures sur les activités des sociétés nationales qui ne sont rien d'autre qu'un bien appartenant
à l'Etat. C'est ainsi que, pour pénaliser une entreprise étrangère de réalisation, les services fiscaux ont
mis sous scellée les grues utilisées sur le chantier d'une société nationale et fait procéder à la saisie
des outils de travail des techniciens de cette entreprise qui travaillaient dans ce même chantier.
Quelle que soit la bonne volonté de ne voir, dans cette attitude et ces actes des services
relevant du Ministère des Finances, que des maladresses et des bavures inhérentes au zèle mie à
remplir les caisses du Trésor et à la confrontation avec le comportement des sociétés étrangères, on
ne peut s'empêcher de mettre en parallèle le caractère intempestif de ce zèle et des mesures
auxquelles il donne lieu souvent, au nom de l'État, au détriment des intérêts de l'État dont les sociétés
nationales assument la charge, avec la permissivité dont bénéficient certaines activités au secteur
privé national, ainsi que l'atteste le fait que des Tribunaux algériens ont reconnu, faute de textes
législatifs prescrivant le contraire, la régularité d'une commission à prélever par une personne
algérienne privée au titre de certains marchés passés par deux entreprises nationales. Ainsi, là où l'on
laissait les activités parasitaires des intermédiaires se poursuivre impunément, on accablait d'impôt et
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de tracasseries onéreuses les sociétés étrangères travaillant pour les entreprises nationales, ce qui a
pour effet de prolonger les délais de réalisation de nos investissements, d'aggraver en conséquence le
coût de ces derniers et, en fin de compte, de surcharger les coûts de production de nos entreprises
nationales, ruinant de la sorte et à l'avance leurs gains financiers et leurs chances d'assurer leur
rentabilité.
En conclusion, si les entreprises algériennes sont sur-endettées, c'est parce que le financement
de leurs activités, comme les charges qu'elles supportent, sont faits pour cela.
A ceux qui se plaisent à souligner que de telles entreprises, si elles se trouvaient dans un pays
capitaliste, seraient en faillite, on peut en toute assurance rétorquer que toute entreprise capitaliste,
qui aurait à subir une telle politique financière, non seulement se trouverait en faillite, mais n'aurait
jamais accepté d'entreprendre quoi que ce soit.
En vérité, la politique financière comme la politique fiscale doivent être adaptées à la
politique de développement de notre pays et aux options qui la sous-tendent.

6.2. - La réalité.
Tout au long de cet examen des signes apparents de la santé financière des entreprises
industrielles socialistes, une réalité est apparue, celle de l'accumulation en un processus cyclique et
auto-entretenu des causes de déséquilibre de leurs structures financières ; tout au long de ce parcours
des difficultés rencontrées par les entreprises, est apparue aussi la multiplication des canaux par
lesquels est pompée et transférée vers d'autres secteurs la substance créée par les entreprises.
Les causes de déséquilibre des structures financières des entreprises socialistes industrielles
sont donc connues :
- Ce sont les surcoûts supportés par l'investissement en Algérie, pour partie conséquence de
procédures et de pratiques bureaucratiques, pour partie inévitable dans un pays en voie
de développement et sous-équipé ; ces surcoûts sont le plus souvent non imputables à
l'entreprise et sont mis à sa charge dans des conditions qui accroissent les ponctions faites sur sa
valeur ajoutée à travers les frais financiers.
On ne peut s'empocher de rapprocher cette situation de celle existant du temps de la puissance
coloniale qui, dans le cadre de ce qu'on a appelé le Plan de Constantine, a jugé nécessaire d'accorder
un certain nombre d'avantages tels que primes, bonifications, remboursements, réductions ou
exonérations, pour attirer en Algérie des entreprises déjà aguerries et ayant un passé et une
expérience en France.
- C'est le système de financement de l'entreprise qui comporte l'inadaptation du financement
de l'investissement, l'absence de fonds de roulement, l'inadéquation des conditions de remboursement
des emprunta et tout un ensemble de pratiques financières dont la finalité, loin d'être celle d'aider et
de soutenir l'entreprise, relève plutôt du souci de la placer sous le joug de la banque et de l'empêcher
d'affirmer sa viabilité.
- C'est le système fiscal inadapté, souvent archaïque, qui semble mu par le seul souci
d'accroître ses propres ressources et qui ne fait rien pour se transformer en un élément intégré d'un

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ensemble économique plus global, qui seul peut prendre en charge l'ensemble des intérêts de la
Nation.
- Ce sont les multiples handicaps que l'entreprise doit prendre en charge.
- Ce sont les multiples missions qui lui sont assignées dans le cadre de la politique de
développement du pays, mais qui ne sont pas prises en compte lorsqu'il s'agit de juger des résultats
des entreprises ; c'est, par exemple, le cas de certaine subventions de soutien des prix qui sont
supportées par les entreprises et qui ne leur sont pas toujours remboursées ou des péréquations de
prix qui ne sont pas compensées ; c'est aussi le cas du monopole à l'importation qui, dans l'exemple
du ciment et du fait de l'insuffisance du prix de vente par rapport au prix d'achat, a coûté à la SNMC,
pour la seule année 1977, des pertes évaluées à 113 Millions de DA. (voir annexe n° 2 sur le prix du
ciment).
Ainsi, toutes ces conditions liées à des insuffisances dans l'organisation économique et
financière de notre pays, font que, pendant que les entreprises socialistes industrielles sont lancées
dans la bataille du développement, la majeure partie de la valeur ajoutée créée par elles est épongée
par le système financier ou fiscal, quand elle n'est pas transférée vers d'autres secteurs.
Pour l'année 1976, sur un chiffre d'affaires de 6,7 Milliards de DA pour le secteur des
Industries Légères, la masse salariale a représenté 1,1 Milliard de DA, les taxes 1,1 Milliard de DA et
les charges sociales 0,5 Milliard de DA.
Pour l'année 1977, sur des valeurs ajoutées réalisées pour la SMIC de 358 Millions de DA,
pour la SNLB de 310 Millions de DA, pour la SN EMA de 301 Millions de DA, respectivement 15
%, 58 % et 83 % en ont été prélevés par le système financier et fiscal. (voir annexe n° 3 sur la valeur
ajoutée).
On peut donc dire que si l'entreprise ne reçoit rien de l'Etat puisque l'État lui prête tout et
qu'elle est appelée à le rembourser, par contre, l'Entreprise verse chaque année à l'État une partie
importante de sa valeur ajoutée.
Afin de dissiper tout malentendu, il convient de noter que l'énoncé des charges et des
contraintes qui pèsent sur les entreprises socialistes et obèrent lourdement leurs résultats ne tend
nullement à esquiver les déficiences qui sont propres à la gestion de ces entreprises. Bien au
contraire, ces déficiences sont analysées en détail dans le Volume II du "Rapport sur les Problèmes
Financiers de l'Industrie Socialiste".

6.3. - Les enseignements à tirer.


Les enseignements à tirer de cette situation sont particulièrement importants : le système
financier et fiscal doit se situer à hauteur du niveau atteint par notre politique de développement ;
l'organisation de notre économie, vue dans son cadre le plus global, doit être instituée en conformité
avec nos options.
Pour ne citer qu'un exemple, le financement du fonds de roulement, prévu par la Charte de la
gestion socialiste des entreprises, ainsi que par les statuts des entreprises, n'existe pas encore.
L'entreprise se voit assigner des missions dans le cadre de la politique de développement,
dans le cadre de la politique d'équilibre régional, dans le cadre de la sauvegarde du pouvoir d'achat
91
des masses populaires ; ces missions doivent trouver leur projection au niveau de la structure
financière des entreprises et doivent être sanctionnées au niveau de leurs résultats.
Les entreprises accomplissent leurs missions de développement, de production et de gestion,
et elles l'ont fait, dans le passé, sans trop prêter intérêt à l'impact, sur leurs comptes, des différentes
mesures initiées par l'environnement, convaincues que l'intérêt économique national devait toujours
prendre le pas sur l'intérêt particulier de l'entreprise. Ce faisant, elles ont fait en sorte que la politique
de l'industrialisation a transformé le visage de notre pays qui peut présenter aujourd'hui, sur le plan
international, sa voie de développement comme un modèle pour les pays du Tiers Monde.
Aussi, quand on veut procéder à des bilans ou à des évaluations, convient-il de faire en sorte
que chacun soit jugé sur ses performances et sur l'ensemble des apports et des facteurs de
développement qu'il a été en mesure de mettre à la disposition du pays. On doit juger, bien sûr, de la
rentabilité des entreprises industrielles, cela ne souffre aucune contestation, mais on doit, aussi, juger
de la rentabilité de l'ensemble des secteurs de l'économie, y compris des secteurs non productifs.
Le secteur industriel peut se présenter avec sérénité et même avec fierté à cette évaluation ;
mais la règle du jeu doit être claire ; chacun doit être jugé selon ses performances véritables, car c'est
dans ce cadre seulement que pourront être trouvées les solutions aux problèmes qui conditionnent le
succès de la bataille de la gestion et de la production.
La règle du jeu, répétons le encore une autre fois, doit être claire, car c'est dans la clarté que
l'on pourra trouver le cadre véritablement mobilisateur pour les travailleurs.
Cela signifie que la réalité de l'entreprise ne peut être cachée derrière des concepts financiers
qui, sous couvert de leur aspect prétendument savant, dissimulent leur archaïsme et leur inadaptation
totale à notre politique de développement, comme à nos options.
Cela signifie notamment qu'un projet ne pourrait être jugé sous le seul angle de sa rentabilité
financière, car une telle approche méconnaît les intérêts économiques supérieurs ainsi que les
impératifs de notre politique de développement.
La rentabilité économique, qui est un concept utilisé dans l'évaluation de tout projet de
développement de par le monde, doit être introduit dans les règles qui servent de base à l'appréciation
de nos projets dans le cadre de la planification.
Cela signifie que l'analyse et l'approfondissement de la notion de rentabilité économique qui,
au-delà du simple aspect financier, prend en considération la réalité économique et qui, au-delà du
seul projet, prend en compte l'ensemble de ses effets sur l'économie ainsi que les paramètres
découlant de notre politique de développement, doivent prévaloir dans la conduite de nos opérations
de planification ; seule, donc, l'utilisation de ce critère de rentabilité économique permettra de juger
de l'intérêt d'un projet, comme des performances véritables d'une entreprise.

Chapitre 7. - Le cas illustratif de la SONATRACH .


7.1. - La SONATRACH, un cas singulier, dans le monde.
Le cas le plus caractéristique de la situation dans laquelle s'exerce les activités de nos
entreprises industrielles, est, sans conteste, celui de la SONATRACH. Notre entreprise pétrolière
nationale est probablement, pour ne pas dire certainement, la seule entreprise pétrolière dans le
92
monde qui travaille dans des conditions aussi contraignantes que celles qui sont les siennes. Dans
tous les pays, quand il s'agit d'engager des activités destinées à la prospection ou à la production des
hydrocarbures, on commence toujours par définir, pour ces activités, un régime particulier qui se
distingue, dans tous les cas, par des facilités accordées sous forme de mesures portant sur la
simplification des procédures, d'aides diverses de l'est, d'exonérations, d'allègements ou de stabilité
des obligations fiscales et d'avantages en ce qui concerne le recrutement du personnel. Ces mesures
d'encouragement, qui peuvent s'analyser comme des normes pour la gestion dont elles renforcent les
performances et qui prennent généralement le caractère de dérogations par rapport au droit commun,
parfois, de privilèges exceptionnels, se justifient par l'importance stratégique que les Gouvernements
intéressée attachent à la nécessité de disposer de ressources nationales en hydrocarbures pour les
besoins de l'approvisionnement de l'économie en énergie, ainsi que pour la création de ressources
financières et l'acquisition des devises à affecter au développement.
L'exemple le plus significatif à cet égard est, sans doute, celui de la Grande Bretagne, pays
développé parmi les plus avancés, qui a fait de son pétrole et de son gaz de la Mer du Nord un moyen
de moderniser et de restructurer son industrie, qui compte parmi les plus anciennes, de manière à la
hisser au niveau de ses concurrents des autres pays développés, notamment au sein de la
Communauté Economique Européenne.
En Algérie, la prospection et la production des hydrocarbures ont été initiées durant la
période coloniale. L'Administration française avait doté l'industrie pétrolière d'une réglementation
spécifique qui lui assurait des garanties pour la rentabilité et la récupération de ses investissements
ainsi que des facilités extrêmement larges pour son fonctionnement. Le régime accordé ainsi aux
activités concernant les hydrocarbures en Algérie portait vraiment la marque de dispositions dont
seuls les secteurs stratégiques ou les domaines touchant à la sécurité sont admis à bénéficier. Au
lendemain de l'indépendance, ce régime a été maintenu et figé par les accords d'Évian, avant d'être
quelque peu modifié par les accords pétroliers algéro-français du 20 juillet 1965 dans ses clauses
ayant un caractère restrictif à la souveraineté algérienne et portant préjudice aux intérêts de notre
Pays. Sous le couvert de ce régime, les sociétés pétrolières étrangères et, en premier lieu, les sociétés
françaises disposaient d'une autonomie de mouvement presque totale à l'intérieur du pays, échappant
pratiquement à toute contrainte de la part de l'Administration, disposant d'une liberté de circulation
quasi-absolue sur le plan des formalités douanières et de la réglementation relative au contrôle des
changes. Elles constituaient de ce fait, de véritables enclaves étrangères incrustées dans le corps de
notre souveraineté nationale, dans la pure tradition de l'esprit des "capitulations" qui furent imposées,
naguère, à certains pays d'Orient et d'Extrême Orient.
Ce sont les nationalisations édictées par les décisions historiques annoncées le 24 février
1971 par le regretté Président Boumédiène qui ont permis à l'Algérie de se débarrasser complètement
et définitivement de ces enclaves, en même temps qu'elles ont rendu au pays la pleine possession de
ses richesses naturelles en hydrocarbures, ainsi que la maîtrise des opérations relatives à leur
exploitation et à leur développement.
Cette reprise par l'État de la possession des richesses en hydrocarbures du pays et la maîtrise
de leur exploitation s'est concrétisée dans la dévolution à la SONATRACH, entreprise nationale
appartenant entièrement à l'État, de l'exclusivité dans l'attribution des titres miniers dans les
domaines du pétrole et du gaz, ce qui aboutit à placer sous le contrôle de notre entreprise l'ensemble
93
des activités de prospection de production et de transport des hydrocarbures. De ce fait, c'est l'Etat
qui prenait directement en main le contrôle de ces activités, à la place des sociétés étrangères. Or, ce
fut en passant ainsi sous le contrôle de l'État que ces activités, qui bénéficiaient auparavant, quand
elles étaient menées par des sociétés étrangères, de grandes facilités pour le déroulement de leurs
opérations ainsi que d'un régime fiscal qui allégeait leurs charges, allaient se trouver soumises à la
rigueur implacable de toutes les procédures appliquées en Algérie, en même temps que s'abattait sur
leurs résultats financiers le poids d'une fiscalité aggravée.

7.2. - L'ostracisme manifesté à l'égard de la SONATRACH.


Ainsi, la SONATRACH, qui a en charge l'une des missions les plus vitales pour la vie et le
développement du pays par son rôle de pourvoyeur du Trésor en flux financiers puisqu'elle contribue
pour plus de 50 % aux recettes fiscales du budget de l'État et par son apport en devises pour
l'économie dont elle est pratiquement la seule source de moyens de paiements extérieurs, se trouve
régie, dans ses activités, par les mêmes règles et les mêmes servitudes s'appliquant à n'importe quel
opérateur économique, y compris le plus petit entrepreneur privé travaillant uniquement pour son
profit particulier. Les raisons invoquées pour justifier une telle situation, qui constitue véritablement
un cas singulier dans le monde, est que la loi doit être la même pour tous, que la SONATRACH,
aussi importante soit-elle, ne doit pas échapper à la règle de la soumission au droit commun et
devenir une sorte d'État dans l'Etat et que, enfin, suprême argument, l'importance des intérêts qu'elle
gère pour le compte du pays rend nécessaire qu'un contrôle plus rigoureux soit appliqué à ses
activités.
On aboutit, dès lors, à des aberrations telles que celles-ci :
a) Alors qu'anciennement, les sociétés pétrolières étrangères disposaient de la faculté de
conserver, à l'extérieur, la libre disposition de la moitié de leur chiffre d'affaires et ne rencontraient,
de ce fait, aucune difficulté pour assurer l'approvisionnement de leurs installations en équipements,
en pièces de rechanges et en fournitures diverses nécessaires à leurs activités de production et de
développement, pouvaient recruter sans entrave les techniciens dont elles avaient besoin et leur
assurer régulièrement le paiement de leurs salaires sans se heurter au moindre obstacle et se
permettaient même le privilège de s'assurer la "fidélité" d'un grand nombre de leurs employés
algériens, surtout au niveau de l'encadrement, en leur payant, à l'extérieur, une partie de leur salaire
versée en devises et échappant ainsi aussi bien au prélèvement fiscal qu'au contrôle des changes du
pays, la SONATRACH se trouve soumise, pour la moindre de ses opérations avec l'étranger, à toutes
les procédures qui sont appliquées à l'exécution de nos importations et à l'autorisation des transferts
de fonds vers l'extérieur. Bien plus, malgré la faculté qui leur était laissée de disposer librement à
l'extérieur de la moitié de leur chiffre d' affaires, les sociétés pétrolières françaises bénéficiaient, en
outre, de la part de nos services chargés du contrôle des changes, d'un certain laxisme dans la
vérification du rapatriement de la partie de ce chiffre d'affaires qu'elles devaient situer en Algérie.
C'est ainsi que, malgré des mises en garde réitérées que le Ministère de l'Industrie et de l'énergie leur
avait, alors, adressées, ces services ont laissé, par négligence ou par complaisance, à ces sociétés
françaises la possibilité de garder "en retard" à l'extérieur, une somme d'environ dix-huit milliards
d'anciens francs sur la partie de leur chiffre d'affaires qu'elles devaient obligatoirement rapatrier en
Algérie. Cette somme dont il convient d'apprécier l'importance par référence à la valeur de la
monnaie à l'époque précédant les nationalisations de 1971, s'est retrouvée constituée en un atout
94
entre les mains des sociétés françaises, au moment où l'Algérie a eu à négocier avec celles-ci la
liquidation du contentieux né des nationalisations de leurs activités dans notre pays. A lumière de cet
exemple, à lui seul, on mesure la différence de comportement qui caractérise l'attitude des services
chargés du contrôle des changes, naguère envers les sociétés pétrolières françaises et, ensuite, à
l'égard de la SONATRACH, à laquelle ils refusaient de conserver à l'extérieur et sous un contrôle
exercé a postériori, un pourcentage réduit de son chiffre d'affaires pour la couverture de certaines
catégories de dépenses qui auraient pu être explicitement définies par la réglementation, pour
faciliter à notre entreprise pétrolière nationale l'exécution de ses opérations qui concourent au
déroulement des activités d'un secteur vital pour l'économie du pays. L'ostracisme manifesté ainsi à
l'égard de la SONATRACH apparaît encore avec plus de relief quand on sait que les services des
Finances, qui se montrent si pointilleux sur le principe de l'accaparement direct et immédiat par la
BCA de la moindre portion de nos recettes d'exportation, ont admis, avec une légèreté stupéfiante,
l'idée d'une hypothèque sur le produit de nos exportations en acceptant, avec la plus grande libéralité,
que les recettes représentant la contrepartie de la vente du GNL livré à la société EL PASO soient
placées en gage entre les mains des banques américaines pour la garantie du remboursement des
prêts consentis par celles-ci à la SONATRACH pour la réalisation de l'usine GNL 1 d'Arzew.
Pour remédier aux inconvénients nés de la situation qui lui était ainsi faite, la SONATRACH
a été amenée, sur les directives de son Ministère de tutelle et sous son contrôle direct, à conserver à
l'extérieur une fraction, relativement minime, du produit de ses exportations. Le montant total des
sommes ainsi retenues à l'étranger, en vertu d'une décision qui, dans la lettre, contrevient à la
réglementation des changes, s'est élevé à peine à une trentaine de milliards d'anciens francs s'étalant
sur une période de dix années, de 1967 à 1977, soit une moyenne annuelle de trente millions de
dinars algériens. Ce montant global est à comparer aux dix-huit milliards d'anciens francs que le
laxisme de nos services du contrôle des changes a permis aux sociétés pétrolières françaises de ne
pas rapatrier à temps, entre 1965 et 1970, c'est-à-dire en quelque cinq années seulement, pour en
faire, par la suite, un moyen de pression sur l'Algérie au moment où il a fallu régler le conflit
provoqué par les nationalisations de 1971. Encore, convient-il de préciser que le montant de trois
cents millions de DA mentionné ci-dessus provient en partie des intérêts provenant du placement des
sommes ainsi retenues à l'extérieur et qu'il a servi dans une large proportion à la couverture de
dépenses d'investissements, parmi lesquelles les plus importantes sont la préparation des dossiers
techniques des gazoducs sous-marins à destination de l'Espagne et de l'Italie. En particulier, c'est
grâce à l'utilisation des sommes qui ont été, de la sorte, retenues à l'extérieur, par suite d'une
irrégularité considérée comme coupable par les tenants de la réglementation des changes, que les
études technico-économiques nécessaires qui ont permis à la SONATRACH de négocier avec l'ENI,
sur des données concrètes et fiables, le contrat de vente de gaz naturel à l'Italie par gazoduc sous-
marin ont été effectuées et que les travaux préparatoires à la réalisation de ce gazoduc, qui doit
traverser la Tunisie et le Détroit de Sicile, ont été menés à bien et à temps pour permettre le
lancement, il y a quelques mois, par le Président Chadli Bendjedid, de la construction de cet ouvrage
unique en son genre.
Les conditions dans lesquelles la SONATRACH a été amenée à travailler en infraction avec
la lettre de la réglementation du contrôle des changes n'ont pris fin qu'avec la décision prise, en
Conseil des Ministres, par le regretté Président Boumédiène en 1978, de régulariser une telle
situation en ordonnant que le produit des exportations effectuées par l'ensemble des entreprises
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nationales sans aucune exception soit intégralement rapatrié et que chacune de ces entreprises
reçoive, à hauteur de ses besoins, un budget en devises situé à l'étranger et utilisé sous le contrôle a
postériori des services concernés des Finances.
Un document retraçant la provenance et l'utilisation des fonds détenus à l'extérieur par la
SONATRACH a été transmis en janvier 1979 au Chef de l'État, aux Membres du Conseil de la Révo-
lution et à ceux de la Commission Nationale Préparatoire du IVème Congrès du FLN.
Il est aisé, de s'apercevoir, ainsi, que les dépenses de fonctionnement des antennes
SONATRACH dont on parle tant aujourd'hui sont d'un montant dérisoire, comparées à la proportion
de leur chiffre d'affaires que les sociétés pétrolières françaises étaient autorisées à garder à l'extérieur
et aux libéralités que leur accordaient, de surcroît, les services des Finances, pour conserver encore à
l'étranger ou pour retarder le rapatriement d'une part notable de la fraction de ce chiffre d'affaires qui
devait être située en Algérie.

7.3 - L'impact désastreux de l'exemple donné par certains "revanchards".


Enfin, puisque l'actualité incite à l'évoquer, notons que les "multiples faveurs" accordées, sur
ce que l'on appelle les fonds extérieurs de la SONATRACH et en vertu de ce que l'on présente
comme un abus de pouvoir sur l'utilisation des deniers de l'État justiciable de la Cour des Comptes
représentent probablement peu de chose par rapport aux "libéralités", pour ne pas dire plus, dont
bénéficiaient les cadres algériens employés naguère en Algérie par les sociétés pétrolières françaises,
lorsque ces cadres recevaient, en devises versées à l'étranger, une partie de leurs salaires et
devenaient, de la sorte, les otages de ces sociétés qui arrivaient ainsi, et c'est le moins que l'on puisse
en dire, à les neutraliser, voire à en faire des complices et à les dresser contre les intérêts de leur
pays. Aussi, tout compte fait, est-il préférable, en matière de "faveurs" de ce genre, que celles-ci
soient servies par un organisme national plutôt que par l'étranger. Il faut bien dire que la disparition,
par suite de la nationalisation du secteur des hydrocarbures en Algérie, des "faveurs" octroyées à
certains Algériens par les sociétés françaises ne compte certainement pas pour peu dans la haine que
ceux que l'on appelle aujourd'hui "les Régaliens" et autres assimilés exhalent à l'égard des cadres de
la SONATRACH qui, en s'engageant dans l'entreprise pétrolière nationale de leur pays au lieu de
céder à l'attrait des avantages offerts alors par la présence des sociétés étrangères, ont permis à
l'Algérie de forger l'outil qui a permis, avec la liquidation de ces sociétés qui constituaient de
véritables enclaves au sein de notre économie, l'élimination des privilèges qui profitaient à ceux dont
elles avaient acquis la fidélité et dont elles avaient imprégné l'esprit et le comportement dans la
manière d'envisager nos intérêts nationaux. Faut-il encore ajouter, à cet égard, qu'en plus de
l'avantage procuré par le versement à l'extérieur d'une partie de leur salaire, cette catégorie de
"Régaliens" et autres assimilés avaient obtenu, de la part de leurs employeurs, des "prêts", qui étaient
en réalité de véritables dotations définitives, pour l'acquisition de logements en toute propriété. Le
bénéfice de ces "libéralités" était étendu à des individus qui ne possédaient aucun titre pouvant en
faire des cadres dans l'industrie pétrolière, mais que les sociétés pétrolières étrangères, qui les
employaient gratifiaient, néanmoins, de la qualité d'"ingénieur assimilé" afin de les lier à leurs
intérêts et d'en faire des agents à leur dévotion face à l'Algérie.
Afin de prévenir toute interprétation tendancieuse, il convient de préciser que si beaucoup de
"Régaliens" et autres assimilés ont quitté notre industrie pétrolière et, parfois, choisi de quitter
96
purement et simplement notre paye pour suivre leurs anciens employeurs sous d'autres cieux, quand
l'entrée en lice de la SONATRACH a permis la suppression de leurs privilèges, à commencer par la
réduction du niveau de leurs salaires, beaucoup d'autres "Régaliens" et de cadres qui s'étaient,
auparavant, engagés au service d'autres sociétés étrangères, se sont intégrés loyalement et sans
problème au sein de notre entreprise et de notre Administration des Hydrocarbures et ont compté
parmi les meilleurs travailleurs et parmi les cadres les plus valables de notre industrie pétrolière
nationale.
On peut mesurer ainsi l'amertume qui doit être celle des cadres qui ont contribué, par leur
travail et par leur dévouement, à l'édification de cette industrie, lorsqu'ils constatent la vindicte à
laquelle ils se trouvent livrés aujourd'hui, sous l'effet de la revanche accordée à certains "Régaliens"
et autres assimilés, de la même manière qu'il est aisé d'imaginer l'impact désastreux sur les jeunes
cadres des générations montantes, au vu de ce que devient le destin de ceux qui ont servi la cause
nationale et qui se retrouvent contraints, par suite des humiliations, des brimades et des mesures
injustes qui leur sont infligées, d'abandonner ce qui a constitué leur raison de vivre, de réorienter leur
vocation ou même de refaire leur vie, parfois en dehors de leur pays qui, soudain, parce que
Boumédiène est mort, semble ne plus vouloir d'eux et leur préférer les pêcheurs en eau trouble, les
larbins qui inclinent à épouser les causes les plus douteuses et les adeptes des conceptions étrangères
aux options de la Révolution que ces cadres, aujourd'hui méconnus, humiliés et rejetés, étaient fiers
de vivre et de servir.

7.4. - Des habillages contradictoires.


La nécessité de se conformer au droit commun que l'on invoque pour imposer à la
SONATRACH toutes les contraintes qui dérivent des procédures et des réglementations diverses
s'appliquant aux activités commerciales, industrielles ou financières, au recrutement de coopérants
étrangers, disparaît quand il s'agit de la fiscalité. En effet, le droit commun fixe à quelque cinquante
ou soixante pour cent le taux de prélèvement sur les BIC des sociétés et à environ 2,5 % la taxe sur le
chiffre d'affaires (TAIC). Sous prétexte que les activités pétrolières doivent être imposées selon les
barèmes déterminés au sein des pays membres de l'OPEC, on applique à la SONATRACH, en
Algérie, une fiscalité qui pèse lourdement tant sur ses résultats financiers que sur sa trésorerie.
En effet, le versement des impôts et taxes qui, pour d'autres activités, se fait suivant une
période plus large qui favorise la trésorerie des entreprises, s'effectue mensuellement en ce qui
concerne la SONATRACH dont les liquidités se trouvent ainsi presque constamment asséchées,
quand l'entreprise ne se voit pas tout simplement acculée de recourir au découvert pour remplir ses
obligations fiscales, tandis que la ponction prélevée sur ses revenue atteint ou dépasse les 90 %,
grâce à l'effet combiné du prix retenu pour le calcul du chiffre d'affaires et qui se situe généralement
au-dessus du prix réel, ce qui majore artificiellement le montant du chiffre d'affaires à taxer ou des
revenus à imposer, du taux du prélèvement sur les BIC et de celui de la redevance, qui tient lieu de
TAIC en ce qui concerne les activités pétrolières.
On retrouve, dans cette situation ainsi faite à la SONATRACH sur le plan fiscal, un autre
exemple des attitudes contradictoires qu'adoptent les services des Finances dans leur comportement
envers les entreprises industrielles : on invoque le droit commun interne et les exigences du contrôle
quand il s'agit des procédures à appliquer à la SONATRACH, sans tenir compte du fait que ces
97
procédures imposent à cette entreprise des contraintes qui la défavorisent considérablement par
rapport aux entreprises pétrolières des pays étrangers, notamment celles qui appartiennent aux autres
pays membres de l'OPEC ou bien qui opèrent dans ces pays, toutes ces entreprises étant des
concurrents de notre SONATRACH sur le marché international ; mais, en ce qui concerne les
dispositions fiscales et parce que le droit commun, dans ce cas, favoriserait la SONATRACH par
rapport aux entreprises payant leurs impôts et taxes sur la base des règles adoptées par les pays
membres de l'OPEC, nos services des Finances oublient le principe sacro-saint de l'uniformité de la
loi pour tous, oublient le droit commun et s'en tiennent aux règles de l'OPEC. La situation ainsi faite
à la SONATRACH est d'autant plus injuste que, parmi les pays membres de l'OPEC, l'Algérie est
pratiquement le seul pays à connaître des coûts de production élevés, en raison d'une part, de la faible
dimension de ses gisements, de la faiblesse de leur rendement par suite de conditions liées à la nature
et de leur éloignement des terminaux marins et, d'autre part, de l'effort intense bien qu'encore
insuffisant, que notre pays consacre à la prospection de son sous-sol, lequel sous-sol est loin d'avoir
livré tous ses secrets.
A tous ces faits, s'ajoute, comme cela est souligné, par ailleurs, dans ce document, celui relatif
aux gisements non rentables pour l'entreprise, mais que la SONATRACH maintient en activité pour
préserver les recettes fiscales et les rentrées en devises que ces gisements procurent à l'État.
La conséquence de tout cela est que la SONATRACH, comme toutes les entreprises
nationales, voit ses résultats financiers complètement érodés par les multiples contraintes qui lui sont
imposées, approche parfois le déficit d'exploitation pur et simple et se retrouve logée à la même
enseigne que toutes les entreprises socialistes nationales que le système financier, fiscal et
réglementaire, dans lequel elles sont insérées, condamne à un déficit endémique.
Ainsi, dans le monde de l'industrie pétrolière où les entreprises se distinguent d'une manière
quasi-générale par le traitement privilégié qui leur est réservé par les législations de tous les pays, la
SONATRACH est assurément la seule à détenir le triste privilège d'être condamnée, par la volonté
de son Gouvernement, à demeurer une entreprise peu rentable ou déficitaire, au point que le Ministre
des Finances en arrive à parler, comble de l'aberration, de la faible valeur ajoutée créée par les
investissements consacrés au secteur des hydrocarbures,

7.5. - Des motivations a se situent ailleurs.


Pour tenter de donner un semblant de justification à leur attitude, les services des Finances
invoquent un certain nombre de raisons ; mais ces raisons sont autant de prétextes qui arrivent
difficilement à masquer le fait que les motivation réelles de ces attitudes se situent ailleurs et
demeurent inavouées.

7.5.1. - En récupérant une rente abandonnée gour accroître les recettes de l'État, la
SONATRACH se voit appliquer un régime fiscal qui obère ses résultats financiers.
- Pour ce qui est de la fiscalité, les services des Finances prétendent que, par l'impôt sur les
activités de production des hydrocarbures menées par la SONATRACH, l'Etat ne prélève pas en
réalité un impôt sur un revenu, mais récupère une rente inhérente aux richesses de son sous-sol, d'où,
par conséquent, le niveau élevé du taux d'imposition appliqué à la SONATRACH par rapport au taux
dont sont justiciables, dans le pays, les autres activités à caractère industriel et commercial. Comme

98
pour étayer cette argumentation, les théoriciens de nos services financiers ajoutent que le Trésor de
l'État, par le biais du fisc, ne doit pas retirer des revenus de la SONATRACH moins qu'il n'aurait
perçu si notre pétrole et notre gaz étaient exploités par des sociétés étrangères et que l'Etat, sur le
plan de ses recettes fiscales, ne devrait pas se trouver pénalisé par les nationalisations qui ont dévolu
tous nos gisements de pétrole et de gaz à la SONATRACH.
Le caractère fallacieux d'une telle argumentation, qui, dans la réalité, vise à discréditer l'idée
même de la nationalisation, idée inhérente au concept de socialisme et ayant acquis valeur d'image de
marque pour le Régime du Président Boumédiène, apparaît d'une manière éloquente et n'a nul besoin
d'être démontré, quand on sait les exigences que les sociétés étrangères posent comme conditions
préalables à leur consentir avant de s'associer avec la SONATRACH dans des opérations de
prospection ou de production d'hydrocarbures et surtout, quand on se rappelle, qu'au lendemain des
nationalisations de 1971 et de la décision prise par notre Gouvernement de fixer souverainement les
règles relatives aux obligations fiscales des sociétés pétrolières et d'aligner, dans ce domaine, les
règles applicables en Algérie sur celles des autres pays membres de l'OPEC, les sociétés françaises
ont abandonné plus de la moitié des intérêts que les nationalisations de 1971 leur avaient laissés dans
le cadre du système juridique nouveau fixé pour régir, en Algérie, les opérations des sociétés
pétrolières étrangères. En particulier, l'Algérie n'aurait pu relever le défi que lui avait lancé l'ERAP
en 1974, lorsque cette Entreprise d'Etat française avait fait savoir à notre Gouvernement, par la voie
de son Président, que, compte tenu du poids de la fiscalité, elle avait décidé d'arrêter ses activités en
Algérie. Il fut alors répondu qu'il appartenait à l'ÉRAP d'agir en conformité avec ses intérêts et l'idée
qu'elle s'en faisait, que l'Algérie, pour sa part, n'en serait nullement dérangée et qu'elle reprendrait
pour son propre compte les activités qu'abandonnerait l'ÉRAP. Sans l'existence et l'intervention d'une
entreprise nationale, la SONATRACH, l'Algérie se serait retrouvée sans défense face à l'attitude de
l'ERAP et aurait eu, sans doute, à payer, par des concessions sur la fiscalité, le prix du maintien en
activité des gisements abandonnés par les sociétés étrangères. Les gisements correspondant ainsi aux
intérêts abandonnés par les Français seraient demeurés stérilisés, si l'Algérie ne s'était pas dotée de
l'outil d'intervention que constitue la SONATRACH pour notre Etat, ce qui montre bien que si la
disponibilité de ressources minières héritées de la nature crée une rente au profit de l'État, cette rente
ne jaillit pas toute seule et comme par enchantement des entrailles du sous-sol pour se déverser dans
les caisses du Trésor. Considérer que la SONATRACH n'est pour rien dans l'existence et la percep-
tion de cette rente, c'est en arriver à dire que si le Trésor de l'Etat encaisse des impôts, c'est parce que
nous avons un Ministère des Finances qui a des services fiscaux et que la production n'y est pour
rien, de la même manière que la même logique pourrait aboutir, également, à la conclusion que c'est
grâce à la BCA que le pays engrange des devises et non aux activités de production qui permettent
les exportations dont ces devises ne sont que la contrepartie.
L'argumentation que développent, à ce sujet, certains de nos experts financiers est de la même
veine que celle qui consiste à contester à nos entreprises industrielles tout mérite dans la perception
par l'État des impôts et taxes considérés comme frappant la consommation et, par conséquent, payés
par les citoyens, alors que ces impôts et taxes, comme cela est souligné, par ailleurs, n'auraient pas
pu exister sans la disponibilité de la production qui leur sert de support et dont ils représentent une
fraction importante de la valeur ajoutée. Le niveau des prix de vente de cette production n'étant pas
extensible au-delà d'un certain niveau, en raison de la nécessité de les tenir en rapport avec l'équilibre
exigé par la sauvegarde du pouvoir d'achat de la population, la fraction de cette valeur ajoutée qui est
99
prélevée par le biais de la fiscalité dite indirecte réduit d'autant le montant du revenu qui aurait pu
rester en propre à l'entreprise productrice.
On trouvera en annexe n° 6 la liste des gisements abandonnés, l'indication des chiffres relatifs
à la production de chacun de ces gisements, ainsi que le volume global de leur production quand ils
sont considérés dans leur ensemble.
On mesurera, ainsi, le déficit que l'Algérie aurait enregistré aujourd'hui dans sa production
pétrolière et le manque à gagner qui en aurait résulté pour ses recettes fiscales et ses rentrées en
devises, si la SONATRACH n'avait pas pris le relais des sociétés françaises défaillantes, mettant en
échec, par là- même, le chantage de l'ERAP.
Cependant, le problème de la rentabilité posé par l'ERAP sur le plan financier demeure
également valable pour la SONATRACH pour laquelle il se trouve même aggravé en raison des
charges lourdes que notre entreprise pétrolière nationale assume dans le domaine de la prospection
du sous-sol national, en vue de mettre à jour de nouvelles quantités de pétrole et de gaz, d'élever,
ainsi, le niveau des réserves du pays en hydrocarbures et d'accroître, en définitive, le volume des
richesses qui servent de base à son développement. En assumant, de la sorte, la mission de maintenir
la continuité d'opérations qui procurent à l'Etat d'importantes recettes en revenus fiscaux et en
devises, la SONATRACH, en tant qu'entreprise, obère ses résultats financiers sans compensation
aucune de la part de l'État qui, de surcroît, ne lui en sait aucun gré, puisque le Ministre des Finances
considère que ces investissements ne produisent qu'une faible valeur ajoutée.

7.5.2. – Qui finance les investissements pétroliers ?


- En ce qui concerne l'exigence du rapatriement intégral des recettes d'exportation, les
services des Finances font mention de ce que l'État, qui n'assumait aucune charge dans les
investissements pétroliers quand la recherche et l'exploitation des hydrocarbures relevaient des
sociétés étrangères, supporte aujourd'hui tout le poids de ces investissements, depuis que la
SONATRACH s'est substituée à ces entreprises étrangères et se doit, par conséquent, d'appréhender
toutes les ressources que la SONATRACH tire de la mise en oeuvre de ces investissements. Là aussi,
l'argumentation prend un caractère spécieux car, auparavant, c'est-à-dire quand les sociétés
étrangères tenaient en main notre industrie des hydrocarbures, la moitié du volume du chiffre
d'affaires créé par les activités pétrolières était maintenue à l'extérieur par ces sociétés étrangères
tandis que les réserves du pays en pétrole et en gaz étant incluses dans le patrimoine des sociétés
concessionnaires, l'État ne pouvait les comptabiliser entièrement parmi les ressources qui
garantissent sa solvabilité, quand il s'agit d'emprunter des fonds à l'étranger pour les besoins du
développement du pays. Et cela, sans compter que, grâce à la maîtrise qu'il détient sur la totalité de
ses richesses en pétrole et en gaz, l'État, par l'intermédiaire de la SONATRACH, emprunte à l'exté-
rieur bien au-delà des limites déterminées par les besoins en investissements de la SONATRACH.
En réalité, comme on peut le vérifier aisément par l'examen des chiffres concernant ce sujet, les
investissements de la SONATRACH, y compris le remboursement et le paiement des intérêts des
emprunts afférents à ces investissements, n'entraînent aucune ponction sur les ressources financières
du Trésor et sur les ressources en devises de l'État et sont financés par des crédits gagés sur les
revenus futurs de cette entreprise, revenus qui sont garantis par les actions de mise en valeur portant

100
sur les résultats qu'enregistre la SONATRACH dans le développement des réserves en hydrocarbures
du pays.

7.5.3. - Une conception Dal relève de l'Étal libéral et revient à contester à l'Etat socialiste le
droit d'agir pour faire prévaloir l'option socialiste :
- Quant au principe de l'uniformité dans l'application des procédures à l'ensemble des agents
économiques sans distinction, il relève tout simplement de la conception qui suppose que l'État ne se
considère pas comme engagé dans les entreprises créées par lui, que ses intérêts sont différents de ceux
représentés dans ces entreprises, que ces dernières sont envisagées, par rapport à lui, comme des tiers et non
comme étant l'émanation de ses propres intérêts et que, par conséquent, l'intervention des entreprises
socialistes dans les domaines qui leur sont dévolus n'est pas reconnue comme étant celle de l'État lui-même,
Bien plus, beaucoup d'indices donnent souvent l'impression que l'action des entreprises socialistes est
appréciée avec plus de méfiance que celle des entreprises privées, sinon parfois avec une franche hostilité.
De ce fait, l'État se comporte envers les entreprises nationales qui sont sa propre émanation, comme
envers les privés ; il s'interdit même de faire des distinctions entre ces entreprises nationales et ces privés, en
vertu du principe de la non discrimination.
En réalité, si l'État devait accorder des dérogations à certaines de ses entreprises nationales, il ne
lèserait les intérêts de personne, puisque ces dérogations demeureraient le, privilège de l'État lui-même et
n'affecteraient aucun intérêt particulier au profit d'un autre intérêt particulier, ce qui constituerait,
effectivement, un cas d'injustice et de manquement aux règles de l'équité qui s'imposent à l'est dans son
comportement vis-à-vis des tiers. En définitive, quand l'État prend des mesures dérogatoires en faveur de
ses entreprises qui ne sont rien d'autres que ses propres prolongements et dote ces entreprises de moyens
d'actions accrus, il ne fait que se privilégier et se renforcer lui-même dans l'exercice des attributions qui sont
les siennes en tant qu'émanation de la collectivité nationale et de l'intérêt général de la société. Un privilège
qui va à la collectivité n'en est pas un, de même qu'une mesure qui renforce l'efficacité de l'action de cette
collectivité pour le bien de tous ne saurait être analysée comme une mesure exorbitante du droit commun,
sous réserve que soient réservés les droits individuels des citoyens. Au demeurant, le fait même de parler de
dérogations, quand il s'agit de régir les activités des entreprises nationales, dénote la subsistance, dans les
mentalités .t dans les idées dont continuent à se nourrir certains esprits, de notions qui sont propres au
système libéral et qui ne concordent aucunement avec le concept du socialisme.
En vérité, refuser aux entreprises socialistes, tout particuliérement quand il s'agit de celles d'entre
elles qui assument des missions stratégiques et d'intérêt national majeur, la possibilité d'être dispensées de
certaines formalités bureaucratiques sans utilité réelle et les moyens d'accroître leur efficacité, revient tout
simplement à contester à l'État socialiste le droit d'agir pour faire prévaloir l'option qui représente les
principes mêmes sur lesquels se trouve fondée la légitimité même de son existence.
Une telle façon de voir les choses relève de la conception de l'État libéral, nie les implications de
l'option pour un État socialiste et sert, en définitive, d'alibi commode pour susciter toutes sortes d'entraves à
l'activité des entreprises socialistes au nom du contrôle et de la sauvegarde des intérêts de l'Etat. C'est ainsi
qu'en vertu du principe de la sauvegarde des intérêts de l'Etat dont on continue à situer l'idée dans les
concepts propres au système libéral, on en arrive à retourner contre les structures de l'économie socialiste
les moyens d'action érigés en application du droit régalien de l'Etat même qui préside à l'instauration de
l'option socialiste.

101
TITRE IV. - QUELQUES QUESTIONS AUTOUR DE LA
POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT.
Chapitre 8. - Cherche-t-on à orienter la Direction Politique vers un
changement de la politique économique ?
8.1. - De l'ardeur communicative d'un élan à la morne dérive vers l'affaissement.
8.1.1. - Le financement à 100 % de l'investissement industriel et la politique de
développement entreprise depuis le 19 Juin 1965.
Contrairement à ce qui pourrait naître dans l'esprit des personnes non averties qui n'ont pas
suivi, pour ainsi dire de l'intérieur, les différentes phases de réflexion par lesquelles il a fallu passer,
depuis le 19 juin 1965, pour mettre en orbite notre politique de développement, le secteur industriel
n'est nullement surpris par les problèmes financiers auxquels il est confronté aujourd'hui en raison
des conditions que le Ministère des Finances a fait imposer pour l'application du principe du
financement à 100 % par le crédit des investissements industriels, y compris les fonds de roulement.
Financer l'industrie à 100 % par le crédit constitue, certes, un mode de financement peu commun ;
les inconvénients découlant de ce mode de financement et qui devaient aboutir au déséquilibre de la
structure financière des entreprises, au renchérissement de leurs investissements et au gonflement de
leurs charges d'exploitation pouvaient considérablement être atténués, sinon totalement supprimés, si
certains de nos prétendus experts financiers et économiques n'avaient pas manifestement cherché à
faire payer, au secteur industriel, le fait d'avoir non seulement accepté, mais suggéré que les dépenses
de l'État relatives à la marche de la production industrielle et à son développement soient couvertes
uniquement par le crédit. Le prix que l'on a voulu faire. payer, ainsi, au secteur industriel et pour
lequel certains croient le moment venu de présenter la facture, maintenant que Boumédiéne n'est plus
là, consiste à retourner contre les entreprises industrielles le mode de financement imaginé pour le
développement de l'industrialisation, conçue comme devant être large, globale et accélérée afin de
répondre aux exigences de notre Révolution. Et c'est ainsi que l'on a fait des diverses modalités
élaborées pour l'application du financement de l'industrie à 100 % par le crédit autant de causes et de
moyens pour conduire les entreprises industrielles à la ruine sur le plan financier et les acculer à une
situation de faillite que l'on se proposait bien d'ériger un jour, et que l'on fait ériger effectivement
aujourd'hui, comme la preuve de l'échec de l'industrialisation.
Pour tous les opposants à l'option socialiste alliés aux adversaires extérieurs atteints dans
leurs intérêts par notre politique visant à l'édification d'une économie nationale indépendante et
émancipée de toute exploitation étrangère, et aussi, il faut bien le dire, pour tous ceux qui, tout
simplement, animés par la jalousie et aveuglés par la haine, souhaitaient l'échec politique du
Président Boumédiène et se réjouissaient de tout ce qui pouvait le faire trébucher, l'industrialisation
s'est affirmée comme l'un des facteurs qui ont contribué à la consolidation du régime issu du 19 juin
1965, tant sur le plan interne que sur le plan externe.
Or, c'est par le recours au crédit pour le financement intégral de cette industrialisation que le
régime instauré par le Président Boumédiène a pu étendre très largement les limites des ressources
mobilisées pour le développement de l'industrie et, par là même, ouvrir les perspectives les plus
prometteuses à l'expansion de cette industrie ; mais, et c'est peut-être ce que les ennemis de l'option
102
socialiste et leurs alliés extérieurs autant que tous les autres adversaires du régime pardonnent encore
moine à notre industrialisation, celle-ci, en acceptant de se faire financer uniquement par le crédit, a
soulagé le budget de l'État de la charge de réserver une partie de ses ressources au développement du
secteur industriel, ce qui a agrandi d'autant les ressources disponibles pour les autres secteurs non
éligibles au financement par le crédit.
Libéré ainsi de la contrainte du financement de l'industrie, le budget de l'État a trouvé une
plus grande aisance pour assurer la charge des besoins de l'éducation à tous les niveaux, de la santé et
de la médecine gratuite, des programmes spéciaux, de la Révolution Agraire, de la construction des
villages socialistes agricoles, de la modernisation de l'Agriculture, de l'entretien et du développement
de l'infrastructure. de l'habitat et des subventions pour les prix des produits de première nécessité, ces
subventions représentant, comme on le sait, un soutien important au pouvoir d'achat des masses
populaires. Bien plus, en prenant encore à son compte, dans le cadre du financement par le crédit,
certaines dépenses d'infrastructure et de formation, l'industrie a permis, de surcroît, de rendre
disponibles, au sein du budget de l'Etat, des ressources complémentaires pour les secteurs
socioculturels et pour l'infrastructure. En outre, en assumant la charge d'obligations fiscales dont sont
normalement exonérées lige activités industrielles en extension, le secteur industriel a procuré et
continue à procurer au budget de l'Etat des ressources considérables qui permettent de soutenir les
efforts que le pays consacre aux différents secteurs déjà énumérés ci-dessus : culture, santé, villages
socialistes, programmes spéciaux, équilibre régional, soutien des prix, etc.
En fin de compte, par le financement du développement industriel à 100 % par le crédit, le
régime issu du 19 juin 1965 a pu, dans le cadre de son action, se libérer dans une large mesure de la
contrainte financière et a réussi ainsi à démultiplier considérablement les ressources qu'il lui a fallu
mobiliser en vue de concrétiser sa politique entièrement axée sur la lutte contre le sous-
développement et sur un large éventail d'actions destinées à soulager les souffrances des couches les
plus déshéritées et à promouvoir le progrès des masses populaires.
De la sorte, en un peu plus d'une décennie, le régime formé sous l'égide du Président
Boumédiène, tout en réalisant une industrialisation dont l'ampleur, la forme et l'intensité sont citées
en exemple dans le monde, a pu accomplir, par ailleurs, une oeuvre considérable dans les autres
domaines de l'activité nationale, et notamment en ce qui concerne l'éducation et la formation, la
santé, l'équilibre régional, la promotion des zones affectées aux opérations de la Révolution Agraire,
l'infrastructure etc. Toutes ces actions, s'ajoutant aux efforts accomplis dans d'autres domaines,
notamment ceux de la défense et de la politique extérieure, ont contribué grandement à renforcer
l'assise populaire du régime et à lui valoir le soutien des masses, particulièrement à travers l'atta-
chement manifesté en différentes occasions à la personne du Président qui en assumait l'incarnation.
Il est d'une évidence claire que ce concept du financement à 100 % par le crédit s'est appuyé
largement sur la création monétaire et que, de ce fait, certains le dénoncent ou le récusent comme un
facteur d'inflation. Cet aspect des choses a été largement traité dans le "Rapport sur les problèmes
financiers de l'industrie socialiste" ; il n'est pas nécessaire, par conséquent, d'y revenir ici. Qu'il
suffise, cependant, d'ajouter que malgré cet appel accru au concours de la monnaie induit par le
financement de l'industrie à 100 % par le crédit pendant toute une décennie, l'inflation constatée en
Algérie ne présente rien d'exceptionnel par rapport à celle qui sévit dans le reste du monde, y
compris dans les pays libéraux qui prônent les rigueurs financières classiques de l'économie
103
capitaliste et qui font de la restriction de l'émission monétaire l'instrument privilégié de leur lutte
contre l'inflation. Autrement dit, l'inflation qu'a connue l'Algérie, surtout si l'on en considère la
moyenne annuelle sur les dix années qui se sont écoulées depuis le lancement de notre premier Plan
Quadriennal, n'a pas revêtu une ampleur plus grande que celle relative à l'inflation qui a affecté
l'économie des pays qui, précisément, comme action anti-inflationniste, ont restreint les crédits à leur
économie et, par là-même, freiné leur développement. Bien au contraire, grâce à la politique
d'austérité appliquée par notre pays, notamment en matière d'importations de biens de
consommation, le taux de l'inflation en Algérie demeure relativement modéré. Ce taux aurait été
probablement encore plus faible si les services fiscaux avaient montré une meilleure efficacité dans
la taxation des revenus du secteur privé qui alimentent une grande partie de la masse monétaire qui
joue un rôle dans la pression inflationniste, bien qu'en Algérie, comme c'est le cas dans beaucoup de
pays sous-développés, une partie de cette masse monétaire se trouve neutralisée par la thésaurisation.
Ainsi, alors que l'on considère généralement que l'industrie s'est toujours édifiée sur la base
de ressources provenant de ponctions faites sur le produit de l'agriculture et des autres activités, en
Algérie, c'est le secteur industriel qui a servi de soutien aux autres secteurs de l'activité du pays. Ce
rôle, le secteur industriel a pu le jouer, certes, grâce à la rente tirée des ressources du pays en
hydrocarbures ; mais il a pu le jouer aussi, et dans une proportion non négligeable, grâce à la valeur
ajoutée créée par ses branches autres que les hydrocarbures, sans compter que la rente minière
inhérente aux ressources en hydrocarbures du pays ne jaillit pas spontanément du sous-sol et n'a pu
devenir disponible qu'au prix d'efforts intenses qu'il a fallu mener avec détermination, patience,
imagination et continuité.

8.1.2. - La dynamique imprimée au développement du pays et le puissant élan donné à


son industrialisation par le Président Boumédiène.
Certains pourraient, dès lors, se demander pour quelles raisons, tout au long des années
durant lesquelles il a assumé la responsabilité de diriger les affaires du pays, le Président
Boumédiène a dû laisser se constituer sans réagir le tissu des contraintes et la masse des charges dont
se plaignent aujourd'hui les entreprises industrielles ou dont on dit que les entreprises industrielles
sont accablées, sous l'effet d'actions maléfiques voulues par des gens animés par la volonté de
précipiter ces entreprises dans la ruine.
En vérité, beaucoup des mesures dont les conséquences pèsent actuellement sur les
entreprises industrielles ont été suggérées et instituées au nom du contrôle et de la nécessité de
procurer des ressources au budget de l'État.
Des lettres adressées en leur temps tant à la Présidence qu'au Ministère des Finances, et
jalonnant toute la période commençant le 19 juin 1965 n'ont pas manqué, du coté du secteur
industriel, de signaler les difficultés et la situation de faillite financière vers lesquelles ces mesures
allaient conduire les entreprises nationales. On pourra retrouver trace de ces lettres aisément, comme
cela a été déjà mentionné dans le préambule de ce texte.
Cependant, se conformant à une ligne de conduite à laquelle il s'est toujours tenu dans son
action, le Président Boumédiène a toujours considéré qu'il faut chaque fois viser l'essentiel et le
fondamental et s'y consacrer et éviter de se laisser dissiper par des questions qui revotent un aspect

104
secondaire dans l'immédiat et dont la solution pourrait être trouvée dans l'avenir, à la seule condition
que cet avenir ne fût pas compromis par la persistance de ces questions.
Aussi, comme cela a été déjà souligné par ailleurs, le Président Boumédiène, s'en tenant à
l'essentiel, a décidé et fait appliquer le financement à 100 % par le crédit pour le développement
industriel, ce qui a eu pour effet de libérer pratiquement de toute contrainte financière le lancement
des projets initiés dans le cadre de l'industrialisation, contrainte que certains voulaient ériger en
barrière pour freiner le développement industriel et le moduler nettement dans le sens du
ralentissement.
Pour ce qui est des modalités adoptées pour la mise en oeuvre de ce financement à 100 % par
le crédit du développement industriel, le Président Boumédiène considérait, qu'à partir du moment où
elles mettaient en cause des organismes qui, bien que relevant de tutelles ministérielles différentes,
appartenaient tous à l'Etat, elles étaient susceptibles d'être corrigées et réadaptées à la lumière de
l'expérience et que le pouvoir politique ne pourrait, en aucun cas, admettre ou tolérer qu'un
organisme de l'État travaillant pour le bien du pays fût acculé à la faillite et contraint à plier le genou
par un autre organisme de l'Etat, sous prétexte d'assurer l'application rigoureuse de modalités
bureaucratiques qui ne concordent pas avec l'intérêt du pays.
De la sorte, chaque fois qu'une offensive s'est déclenchée pour entraver le développement de
l'industrie ou qu'une tentative s'est esquissée pour bloquer le lancement d'un projet industriel, le
Président Boumédiéne est intervenu de tout le poids de son autorité pour arrêter et faire échouer cette
offensive ou cette tentative, insistant simplement sur la nécessité de veiller avec la plus grande
vigilance à contenir les engagements financiers du pays dans la limite de ses capacités de
remboursement.
C'est pour cette raison que, tant que le Président Boumédiène avait en charge les affaires du
pays, aucun projet industriel ne s'est vu annulé ou repoussé ; le Président Boumédiène avait toujours,
même dans les cas les plus difficiles, fini par opter pour la solution qui favorise la poursuite du
développement et contribue à l'édification d'une économie nationale indépendante.
A cet égard, il portait une attention particulière aux projets de l'industrie lourde et du secteur
des hydrocarbures dont il connaissait et mesurait pleinement l'importance vitale et le caractère
stratégique pour l'avenir du pays et pour la consolidation de son indépendance nationale.
Sa principale préoccupation au sujet de ces projets était, chaque fois, de savoir comment
réunir les moyens nécessaires pour entreprendre et accomplir leur réalisation et pour réussir leur mise
en marche et leur gestion. Il suffit, pour illustrer ce que fut l'attachement du regretté Président
Boumédiène à l'idée de doter l'Algérie d'une industrie de base conséquente, de se référer aux
orientations qu'il a fixées pour les programmes d'investissement des années 1977 et 1978 qui ont
suivi la fin du IIème Plan Quadriennal, orientations dont les prescriptions étaient, tout en consacrant le
maximum de ressources aux secteurs socio-culturels, à l'infrastructure sociale et économique, à
l'hydraulique et à l'Agriculture, de lancer les projets industriels arrivés à maturité et pour lesquels les
financements en devises nécessaires auront été réunis, sous réserve de maintenir les engagements
financiers extérieurs du pays dans la limite de ses capacités de remboursement, capacités à
déterminer en se fondant exclusivement sur les ressources dont la disponibilité est établie de manière
sûre pour l'avenir. A ce titre, il accordait une importance particulière aux projets de développement

105
de nos réserves et de notre production en hydrocarbures dont la valorisation demeurera encore, pour
de longues années, la source principale de nos ressources financières, plus spécialement en moyens
de paiements extérieurs.
Ainsi, tant que le regretté Président Boumédiène était à la direction des affaires du pays, la
dynamique imprimée au développement du pays et tout particulièrement le puissant élan donné à son
industrialisation n'ont jamais connu de fléchissement. Bien plus, au fil du temps et grâce à l'ardeur
communicative qui animait le Président Boumédiène, cette dynamique et cet élan se sont peut à peu
érigés en un vigoureux ressort soutenant et impulsant le mouvement d'effort et d'enthousiasme par
lequel toutes les forces vives de la Nation s'engageaient dans la lutte contre le sous-développement et
la marche vers le progrés.

8.1.3. - Une morne et inexorable dérive vers la stagnation et l'affaissement.


Malheureusement, depuis que la maladie, ensuite la mort ont terrassé le Président
Boumédiène, ce magnifique mouvement qui était constamment tendu pour aller toujours de l'avant,
semble se muer, à un rythme de plus en plus accéléré, en une morne et inexorable dérive vers la
stagnation et l'affaissement. Non seulement, on prescrit de ne lancer aucun projet nouveau, mais on
s'efforce de freiner, de remettre en question et même d'annuler les projets déjà approuvés et, dans
certains cas, mis en exécution du temps du Président Boumédiéne. Des groupes étrangers en relations
d'affaires depuis des années avec des entreprises nationales algériennes, venus s'inquiéter du sort des
projets pour lesquels ils étaient engagés en Algérie, se sont vu répondre qu'ils devaient se rendre
compte que le Gouvernement avait changé en Algérie, que cela entraînait une révision de la politique
suivie auparavant et qu'après tout ils n'avaient qu'à prêter attention à ce qui se passe en Iran. Ainsi, à
leur stupéfaction et comme beaucoup d'Algériens, les étrangers découvrent ainsi que, dans l'esprit de
certains, la succession du Président Boumédiène prend de plus en plus l'allure d'un changement de
régime et d'un renversement de politique, à l'instigation de groupes de personnes déterminés, qui
espèrent entraîner définitivement, dans leur sillage, toute la Direction Politique du pays.

8.1.3.1. - Le prétexte de l'endettement extérieur .


Fin 1978 et début 1979, les protagonistes de ce changement et de ce renversement avançaient
comme prétexte, pour donner un semblant de justification à l'arrêt des projets, le niveau atteint par
l'endettement extérieur du pays. Or, s'il est exact que cet endettement s'était effectivement accru par
rapport au passé en raison de l'effort de développement poursuivi par le pays, il n'en est pas moins
exact aussi que cet endettement demeurait confortablement contenu dans les limites permises par la
solvabilité de l'Algérie, solvabilité qui était assurée par les ressources nouvelles attendues de façon
certaine de l'augmentation et de la valorisation de notre production de pétrole, de condensat, de GPL
et de gaz naturel.
Bien plus, le chiffre atteint par notre dette extérieure en 1978 ne constituait nullement une
surprise pour les services concernés, puisqu'il avait été prévu avec une précision satisfaisante
quelques années auparavant, dans des études effectuées par les services même de planification, de la
même manière que l'augmentation qu'allait connaître le prix du pétrole en 1979 était connue et que,
dès 1978, le Gouvernement dans son ensemble en était non seulement informé, mais avait été
également prévenu de l'ampleur possible qu'elle pouvait atteindre. (Voir annexe n°7 les extraits d'une
note remise au Président Boumédiéne le 22 mai 1978).
106
En outre, les responsables de nos Finances ne pouvaient ignorer les ressources futures en
devises attendues de façon certaine par l'Algérie, puisque des prévisions chiffrées leur avaient été
transmises à ce sujet par la SONATRACH et que même les organismes étrangers avaient produit des
documents et des études dont l'Algérie avait eu connaissance et qui établissaient nettement que, dés
le début de la décennie 1980, l'Algérie allait connaître une augmentation substantielle de ses rentrées
en devises, que, par conséquent, sa situation, sur le plan de l'endettement extérieur, allait s'améliorer
notablement et que sa solvabilité demeurait solide, malgré la montée constatée dans l'immédiat du
chiffre mesurant le niveau du service de sa dette ; aussi, au contraire de ce que certains de nos
Financiers affichaient comme l'expression d'une panique réelle ou bien, simplement, comme la
manifestation d'une attitude simulée de désarroi en vue d'influencer le jugement des responsables
politiques du pays, les milieux financiers internationaux ne ressentaient aucune inquiétude, tant face
au gonflement de notre dette extérieure au cours de ces dernières années que devant les prévisions
mêmes d'augmentation encore de cette dette pour les deux ou trois années à venir, alors que
beaucoup de nos prétendus experts, aidés en cela par les "informations", les thèses et les rumeurs
répandues par les médias et les milieux néo-colonialistes de Paris ou leur servant d'amplificateur,
présentaient l'Algérie comme parvenue au bord de la banqueroute et au seuil de l'asphyxie. Bien plus,
les milieux financiers internationaux, précisément parce qu'ils connaissent les potentialités de
l'Algérie, les ressources que notre pays allait en tirer et même les délais dans lesquels ces ressources
commenceraient à devenir disponibles concrètement, offraient à nos entreprises nationales et à nos
banques de procurer les crédits financiers nécessaires pour assurer le relais qui permettrait d'attendre,
sans difficultés majeures, l'achèvement des projets destinés à créer les flux nouveaux de recettes en
devises inscrits dans nos prévisions.
Au demeurant, il est utile de signaler, à ce propos, que des organismes tels que le Fonds
Monétaire International (F.M.I.) ou les grandes institutions financières du monde capitaliste
disposent de moyens efficaces leur permettant de suivre avec précision l'évolution de la dette
extérieure de chaque pays et ne pouvaient, par conséquent, ignorer la situation de l'Algérie en ce qui
concerne ses engagements financiers vis-à-vis de l'étranger. Si, donc, la solvabilité de l'Algérie est
demeurée crédible malgré la montée de sa dette au cours de ces dernières années, c'est que le
diagnostic porté par ces institutions sur la santé de son économie et sur la tenue de ses ressources a
été jugé favorable, certainement plus favorable que ne le disent ou ne le pensent certains de nos
experts financiers, qui ont cherché ou contribué à semer la panique au sujet de notre dette extérieure.

8.1.3.2. - Les objectifs du blocage des investissements industriels.


Dès lors, il ne peut échapper à l'esprit le moins averti que le blocage général imposé, depuis la
disparition du regretté Président Boumédiène, aux investissements, tout particulièrement dans le
secteur industriel, s'explique par autre chose que pour des raisons financières. Du reste, cela devient
d'une évidence indéniable quand on sait que la nette amélioration apportée notre balance des
paiements et à nos ressources en devises dans l'avenir n'a modifié en rien la situation en ce qui
concerne ce blocage des investissements. Bien au contraire, de nouveaux arguments sont avancés
depuis qua l'évolution du prix du pétrole a rendu quelque peu éculé celui du niveau d'endettement :
on parle maintenant de la nécessité de "faire le bilan", de "digérer d'abord ce que nous avons réalisé
et d'en maîtriser la gestion", de "laisser quelque chose à faire pour le prochain Plan", comme si, au
niveau de la vie d'un pays, le bilan se fait à la manière du commerçant du quartier qui abaisse ses

107
rideaux et arrête ses activités quand il procède à son inventaire ou que le fait de lancer les projets
arrivés à maturité et pour la plupart inscrits déjà, tout au moins comme idées de projet, dans les plans
précédents, allait arrêter le cours de l'histoire ou mettre fin à la croissance des besoins du pays. La
croissance de ces besoins ne cesse de s'accélérer et ne manquera pas d'alimenter en idées de projet et
en projets tous les plans à venir, tandis que chaque projet mûr et mis en chantier contribuera à réduire
les tensions créées sous la pression de ces besoins, alors que tous les projets retardés ou annulés se
traduiront par des déficiences parfois graves dans le développement du pays, entraîneront la
prolongation des pénuries qui affectent nos approvisionnements, provoqueront peut-être l'apparition
de nouvelles pénuries et se manifesteront, sans doute, par des distorsions sérieuses dans l'effort de
restructuration de notre économie, restructuration qui est l'essence même de la lutte contre le sous-
développement. Les risques de tensions graves qu'entraînent les annulations ou les reports de projets
industriels parvenus au seuil et même au début de leur réalisation, sont d'autant plus réels et
menaçants que c'est une évidence, maintenant communément admise, que lorsque certains besoins de
consommation prennent racine dans les habitudes de la population d'un pays en voie de
développement, il devient difficile sinon proprement impossible de les comprimer et que, par voie de
conséquence, faute de pouvoir satisfaire ces besoins par la production nationale dont on aura réduit
ou retardé la capacité par suite de l'annulation ou du report des projets, l'on condamne le pays à
recourir inéluctablement à l'importation pour répondre à la demande incompressible des
consommateurs. C'est dire que le freinage que l'on a imposé, depuis la disparition du Président
Boumédiène, au développement industriel, tout particulièrement dans les branches des industries de
base, prend le sens d'une opération qui a pour effet, si ce n'est pas là tout simplement son motif et son
but, d'apprêter notre marché national en un débouché de choix pour la production étrangère et tout
spécialement pour la production française. On connaît les efforts que déploie actuellement le
Gouvernement français pour augmenter le volume de ses exportations et, à cet effet, pour multiplier
ou élargir ses marchés extérieurs. On comprend aussi la joie qu'éprouvent les sphères industrielles
françaises et que manifeste la presse d'Outre Méditerranée à l'annonce que l'Algérie renonce à ses
grands projets ou les retarde, de même que tout militant conscient de notre Révolution peut saisir la
portée du satisfecit que la presse française décerne aux promoteurs du prétendu "new-look"
économique qui s'annonce dans notre pays et qui se traduit par un coup d'arrêt asséné à l'essor de
notre industrialisation.

8.2. - Deux exemples aux enseignements nombreux et utiles à méditer.


Parmi toutes les décisions prises pour annuler ou retarder des projets industriels et même pour
revenir sur certains de ces projets dont le processus de lancement et de réalisation était engagé depuis
des années et avait déjà entraîné des dépenses non négligeables, on peut retenir deux dont l'exemple
comporte des enseignements nombreux et utiles à méditer, et dont le cas revêt une signification qui
parle d'elle-même : ce sont le projet d'usine d'électrolyse d'aluminium de M'Sila et la Câblerie
électrique de Biskra, qui sont encore évoqués, par ailleurs, dans ce rapport. Le fait d'attirer l'attention
de façon particulière sur ces deux projets ne diminue en rien l'importance à accorder aux autres
projets qui ont fait l'objet de mesures analogues, tout spécialement les projeta de développement de
la production de pétrole, de traitement de gaz naturel, notamment pour l'extraction du GPL et du
condensat et la réinjection du gaz non utilisé, ainsi que les usines de liquéfaction de gaz, les
complexes pétrochimiques, les cimenteries, la production d'acier, etc.
108
8.2.1. - Le projet, d'usine d'aluminium à M’Sila.

8.2.1.1. - Des prétextes fallacieux.


Pour ce qui est de l'usine d'aluminium de M'Sila, sa réalisation, annoncée et préparée depuis
près de six années, semble repoussée ou différée pour les raisons suivantes, lesquelles raisons, en
vérité comme on le verra plus loin, ne sont que des prétextes fallacieux destinés à masquer des motifs
plus profonds et inavoués et, sans doute aussi, inavouables :
- Capacité de l'usine considérée comme trop importante par rapport au volume des
besoins du pays en aluminium,
- Pollution risquant d'affecter la végétation et le cheptel dans la zone de M'Sila,
- Une ponction sur les eaux du barrage du K'Sob au détriment de l'irrigation des terres
agricoles et de la consommation humaine,
- Une trop grande dépendance vis-à-vis de l'étranger sur le plan des
approvisionnements en matières premières,
- L'insuffisance de la main-d’œuvre.
Que des individus croient pouvoir fonder, sur de pareilles objections, le rejet d'un projet dont
la mise au point a nécessité, pendant plus de six années, des études technico-économiques bien
fouillées, tant en ce qui concerne la technologie à utiliser que les problèmes d'écoulement de la
production sur le marché intérieur et à l'exportation, des prospections de sites, un examen approfondi
des problèmes de pollution, des négociations longues, minutieuses et ardues avec de nombreux
partenaires possibles etc., cela signifie que tous ceux qui se sont occupés de ce projet : Ministres,
responsables et techniciens de la SNS, Directeurs et Sous-Directeurs du Ministère de l'Industrie et de
l'Energie, puis au Ministère de l'Industrie Lourde sont de fieffée imbéciles, puisqu'ils engagent le
pays dans un investissement qui se monte à près de dix milliards de dinars algériens sur des bases
aussi peu sérieuses et avec des risques aussi grands que ceux relevés par ceux qui prétendent se poser
aujourd'hui en coryphées de la planification, de l'environnement et de la science économique en
Algérie.
Néanmoins, un examen quelque peu approfondi, même s'il présente parfois des aspects
fastidieux, permet de se rendre compte que les raisons pour lesquelles l'on cherche à éliminer ce
projet ne sont pas celles que l'on avance en apparence.
En effet :
a) La surcapacité : un argument moribond qui est exhumé quinze ans après El Hadjar :
En ce qui concerne la capacité retenue pour l'usine, elle a été fixée à 140 000 tonnes
d'aluminium par an environ, niveau qui permet à cette usine de bénéficier de certaines économies
d'échelle et d'être exploitée dans des conditions optimales. De son côté, la capacité d'absorption du
marché intérieur pour l'aluminium est estimé à 65 000 t/an environ pour 1985, à plus de 100 000
tonnes pour 1990, pour dépasser les 200 000 tonnes en l'an 2000. L'usine dont le chantier n'est pas
encore ouvert et, comme on vient de le voir, risque de ne s'ouvrir jamais, n'atteindra sa pleine
capacité qu'au bout d'une décennie, compte tenu des délais requis pour sa réalisation et sa montée en
cadence. Par conséquent, en admettant que cette réalisation démarre immédiatement, la production
de l'usine ne parviendra pas à son niveau maximum avant la fin de la prochaine décennie, c'est-à-dire

109
à un moment où plus des deux tiers de son volume suffiront à peine pour couvrir la demande
nationale.
La partie de la production envisagée, qu'il resterait à placer sur les marchés d'exportation, est
relativement faible et on ne peut dire, donc, que la valorisation d'un investissement dans lequel
l'Algérie aura engagé des milliards de dinars sera soumise aux aléas des marchés étrangers et
risquerait, de ce fait, de devenir pour le pays une cause de dépendance extérieure périlleuse.
En outre, ce qui atténue encore davantage le risque, si risque il y a, que constituerait le
problème du placement de moins d'un tiers de la production de l'usine, il convient de souligner que
l'Union Soviétique a accepté de recevoir de l'aluminium en remboursement des prêts qu'elle aura
consentis pour la réalisation de l'usine. Faut-il rappeler, à ce propos, que l'URSS avait pris également
un engagement analogue vis-à-vis de la SNS pour la réalisation de l'aciérie d'Annaba, que, par la
suite, cette entreprise nationale n'a même pas eu besoin de faire jouer cette clause, le placement de
son excédent momentané de production de la fonte s'étant effectué sans difficultés sur le marché
international et que, comme c'est le cas aujourd'hui pour l'usine d'aluminium, beaucoup d'esprits se
prétendant d'une intelligence supérieure à celle de la Direction Politique responsable de la promotion
du projet de Annaba et se prenant, à l'instar de leurs émules d'aujourd'hui, pour des économistes
avisés, alors qu'ils ne faisaient que répercuter ce dont les imprégnaient les officines néo-colonialistes
de Paris, se lamentaient sur les difficultés dans lesquelles allait s'empêtrer l'Algérie en se dotant d'un
complexe sidérurgique d'une capacité nettement supérieure à la demande nationale qui, à l'époque,
avoisinait à peine les 100 000 tonnes / an pour les produits sidérurgiques. Aujourd'hui, malgré
l'extension en cours du complexe de Annaba dont la capacité aura été multipliée par cinq en une
décennie, notre production en acier demeure en-deçà de la demande nationale qui, entre-temps, a
monté en flèche sous l'effet de la mise en route du développement du pays. Rien n'interdit de penser
que notre industrie de l'aluminium ne connaîtra pas le même phénomène, d'autant plus que, au sein
de notre économie, des secteurs importants dont c'est précisément la caractéristique d'être de grands
consommateurs d'aluminium, n'ont connu jusqu'à présent qu'une croissance relativement lente et
n'arrivent que maintenant au seuil d'une expansion accélérée et très étendue, en raison de la pression
intense des besoins nationaux qui se manifeste avec une grande acuité pour les produits de ces
secteurs. Il s'agit essentiellement, en plus des besoins des câbles de l'électrification qui s'étend et
s'intensifie à travers tout le territoire, du bâtiment dont la partie menuiserie demandera beaucoup
d'aluminium, de l'emballage nécessaire aux industries alimentaires, pharmaceutiques et chimiques,
ainsi que des industries mécaniques, électriques et électroniques qui sont également utilisatrices de
l'aluminium pour la fabrication d'une grande partie de leurs pièces.
On aurait pu se passer de l'évocation de cette série de besoins de notre économie et des
perspectives qui sont celles d'une industrie de l'aluminium en Algérie, car cela revient, somme toute,
à débiter des banalités pour tous ceux qui connaissent et sentent les réalités de notre économie et qui
sont conscients des exigences de notre développement, si la conjoncture prévalant actuellement dans
notre pays n'acculait pas à la nécessité de répondre à des allégations nées de l'ignorance ou de la
mauvaise foi. L'ignorance se pare parfois des allures de la suffisance, tandis que la mauvaise foi
exprime souvent l'effet de la haine, de la jalousie ou de la volonté de contredire et de s'opposer aux
initiatives des autres ; mais, l'une comme l'autre, constituent malheureusement deux des faiblesses
humaines que les spécialistes de l'action psychologique des milieux néo-colonialistes savent

110
exploiter pour y puiser les moyens d'infléchir notre politique économique dans le sens des intérêts
des groupes capitalistes et des orientations voulues par la stratégie des multinationales. A cet égard,
quand on met en parallèle les réalités avec les arguments que l'on entend, aujourd'hui, dans la bouche
de ceux qui se livrent au dénigrement de notre industrialisation et, singulièrement, avec les argu-
ments avancés pour torpiller notre projet d'aluminium, certaines observations ne manquent pas à
venir à l'esprit :
- D'abord, on s'aperçoit que ceux qui affichent tant d'angoisse à propos du placement de
l'excédent de production que créerait la surcapacité retenue pour l'usine de M'Sila par rapport à la
demande nationale, ne manifestent aucune inquiétude quant à la dépendance extérieure dans laquelle
le pays se trouverait de plus en plus piégé du fait que, faute de réaliser cette usine, la marche de
nombreux secteurs vitaux de notre économie deviendra tributaire des fournisseurs étrangers
d'aluminium.
- Comme pour les camions, les véhicules particuliers et les engins de travaux publics, la seule
conséquence inéluctable à laquelle conduit le report ou l'annulation de la construction de l'usine de
M'sila est de réserver aux monopoles étrangers notre marché de l'aluminium, au moment où il va
connaître une ampleur qui fait précisément de lui une assise sûre pour une industrie nationale ainsi
que le stipule la Charte Nationale.
- Ensuite, quand bien même la règle d'or, pour le lancement des projets industriels dans le
cadre d'une politique de développement - qu'il ne faut pas confondre avec une politique de
croissance, laquelle suppose une économie déjà normalement constituée et rationnellement structurée
- serait de ne lancer une usine qu'une fois assuré l'écoulement de la totalité de sa production sur le
marché intérieur, il resterait que l'Algérie ne pourrait se cantonner éternellement à n'exporter que des
matières premières et qu'elle doit se préparer à diversifier ses exportations et à en faire évoluer la
structure vers des produits plus élaborés, incluant une part plus grande de valeur ajoutée provenant
du travail de l'homme. S'il est difficile d'envisager, dans l'immédiat, la conquête de marchés
extérieurs où sévit une très vive compétitivité qu'il nous est difficile d'affronter sur le plan du prix de
revient et de la qualité, il est des créneaux de ces marchés pour lesquels l'Algérie dispose de quelques
atouts pour commencer à prendre place dans le marché mondial et, parmi ces créneaux, l'aluminium
se présente sous les meilleures auspices. En effet, en raison des caractéristiques propres de sa
fabrication, qui exige une grande consommation d'énergie électrique, l'aluminium est composé, en
valeur, pour près du tiers par l'énergie, les frais de personnel prenant environ 20 % de cette valeur et
d'autres facteurs nationaux encore 5 %, tandis que la part qu'en prend le coût de la matière première
importée ne dépasse pas 20 %. Autrement dit, un produit, obtenu à partir de la transformation d'une
matière première importée, comporte, en valeur, une structure qui en fait un produit d'origine
largement nationale. En sorte que l'on dit bien souvent, et à juste raison, que l'industrie de
l'aluminium est une industrie de pays possédant de l'énergie et non de ceux qui possèdent la bauxite.
Au demeurant, le projet de M'Sila prévoit l'implantation de deux usines et non d'une seule
avec, chacune, une capacité égale à celle qui est retenue pour l'usine dont on veut empocher
aujourd'hui la réalisation. Cela parce que l'on avait considéré que l'Algérie détient, grâce à ses
ressources en gaz naturel, un atout déterminant pour assurer la compétitivité de son aluminium sur le
marché international.

111
De plus, le doublement de la capacité de production dans le complexe de M'Sila permettrait
de renforcer encore davantage cette compétitivité, car pratiquement toute l'infrastructure et, en
particulier, tous les aménagements apportés au site pour la réalisation de la première unité, serviront
à la seconde unité, de sorte que la réalisation de cette seconde unité prendrait l'allure d'un simple
investissement complémentaire, se limitant au coût d'acquisition des équipements, de leur montage,
du génie civil y afférent et peut-être de quelques extensions en ce qui concerne les installations de
stockage.
De ce fait, la partie des charges fixes relative à l'amortissement et aux frais financiers
concernant l'infrastructure et l'aménagement du site, se trouverait répartie sur un volume de
production multiplié par deux, ce qui réduirait d'autant le coût de production de l'aluminium et
permettrait, sur le plan des prix, soit de rendre cet aluminium plus compétitif, soit d'améliorer le
résultat financier à attendre de sa valorisation.
Or, ce sont les mêmes voix qui prononcent des sermons sur la nécessité de diversifier et de
transformer la structure de nos exportations que l'on retrouve dans le concert de celles qui sont
coalisées pour obtenir le report ou le rejet de l'usine d'aluminium de M'Sila. S'agit-il là d'une
contradiction inconsciente, fruit de l'ignorance et de l'ineptie, ou bien ne faut-il voir, dans cette
contradiction, que les deux volets apparemment opposés, d'une politique qui demeure la même : celle
qu'inspirent les intérêts des groupes étrangers d'un côté, dénigrer l'industrialisation de l'Algérie en lui
reprochant de n'être pas encore parvenue à exporter et, de l'autre, l'empêcher de devenir exportatrice
là où elle peut devenir un concurrent sérieux et même de taille, menaçant la position de ces groupes
sur les marchés qu'ils tiennent sous leur domination. Est-il nécessaire de préciser encore que le
marché de l'aluminium est un marché pratiquement cartellisé et que les multinationales ont toujours
visé, comme on le verra plus loin, à ne pas laisser les pays du Tiers Monde accéder au stade de pays
producteurs dans ce domaine ?
Le comble du paradoxe dans l'attitude de ceux qui semblent s'être jurés d'effacer le projet de
M'Sila est qu'ils condamnent l'Algérie à demeurer dans une situation où elle exporterait de l'énergie à
l'état brut pour la réimporter, ensuite, sous la forme de l'une des composantes incluses dans la valeur
de l'aluminium qu'elle serait obligée d'acquérir pour la couverture de ses besoins, la quantité
d'énergie ainsi réimportée étant évidemment d'un coût supérieur au prix initial de son exportation à
l'état brut, car elle reviendrait surchargée de la fiscalité du paya où elle aura été utilisée et des frais de
sa transformation.
- Enfin, pour en finir avec les observations et les méditations auxquelles conduit la
dialectique de ceux qui dénigrent notre industrialisation et s'ingénient à susciter tous les obstacles
possibles pour briser son élan, il y a lieu de relever qu'au moins pour une fois, l'on ne peut pas faire
le reproche à notre industrie d'opter, en ce qui concerne l'usine de M'Sila, pour une technologie de
pointe. Le partenaire retenu étant l'Union Soviétique, sa technologie est certes moderne et bien
convenable, mais ne représente pas le modèle le plus perfectionné pour la fabrication de l'aluminium
à l'image de ce que l'on a reçu dans le cadre des offres provenant de fournisseurs occidentaux.
Néanmoins, cela n'empêche pas que le projet soit combattu et l'on constate ainsi que, si
l'argumentation diffère et s'adapte aux nécessités des attaques à livrer, la cause, elle, demeure la
même : gêner et briser l'industrialisation et, à cet effet, plaider le recours à la technologie simple au
nom de l'emploi quand il s'agit de démolir des projets initiés dans les secteurs où une technologie
112
complexe est requise, invoquer d'autres arguments lorsqu'on se trouve en face d'un projet dont le
choix technologique échappe au reproche de la sophistication.
b) La pollution : objet d'analyses sérieuses débouchant sur des solutions ou bien
argument de secours toujours, prêt à servir ?
Pour ce qui est de la pollution, autre argument invoqué pour essayer d'obtenir l'annulation du
projet de M'Sila, il convient de noter que :
- le site de M'Sila a été précisément choisi en raison de la possibilité qu'il présente d'écarter
tout risque de pollution pour la végétation et pour le cheptel, puisque ce site a été retenu à l'intérieur
d'une zone rocailleuse inapte à toute végétation et donc à toute culture et les caractéristiques de cette
zone s'étendent à des kilomètres à la ronde autour du site de l'usine, alors que les normes les plus
sévères appliquées dans le monde en matière de sécurité contre la pollution issue d'usines
d'électrolyse d'aluminium, exigent simplement un maximum de cinq kilomètres pour la distance
séparant l'usine des zones de végétation.
Dans le cas du Complexe de M'Sila, sur plusieurs kilomètres à la ronde, on ne rencontre ni
végétation ni habitation, la ville elle-même étant située à près de quinze kilomètres du site de ce
complexe.
- dans beaucoup de pays développés, y compris des pays européens, où la densité de la
population est très forte et la végétation recouvre la quasi totalité du sol, des usines d'aluminium
existent depuis des décennies sans que cela ait entraîné aucune catastrophe dans ces pays.
- Malgré les informations rassurantes recueillies sur ces précédents, c'est en raison de
l'apparition, suite à certaines études faites en Europe et en Amérique, d'un risque de pollution autour
des usines d'aluminium que l'implantation de notre complexe d'aluminium, initialement envisagée
sur le littoral, d'abord à Jijel puis à Bejaia, a été finalement fixée dans cette zone rocailleuse de
M'Sila, en plus des raisons qui, par ailleurs, militent en faveur de la création d'un pôle industriel près
d'une ville appelée à devenir l'un des points d'ancrage du développement de nos hauts plateaux.
c) L'eau : quand un projet est coupable de la mobilisation insuffisante de nos ressources
en eau :
On a présenté la réalisation de l'usine d'aluminium à M'Sila comme devant se traduire par la
ponction d'une importante quantité d'eau sur le barrage du K'Sob, au détriment de l'irrigation et de la
consommation humaine. Or :
- les besoins en eau de l'usine sont couverts par des forages et non par prélèvement sur le
barrage ;
- dans le cadre d'un aménagement à l'échelle nationale de nos ressources hydrauliques, il
existe des possibilités d'amener dans la région de M'Sila des quantités d'eau, de loin, plus importantes
que celles provenant du barrage du K'Sob ;
- par conséquent, s'il existe un problème d'eau à M'Sila, c'est bien de celui-là qu'il s'agit, c'est-
à-dire de la nécessité de construire les barrages, les canalisations et les autres installations
indispensables pour amener ces ressources en eau dans la région de M'Sila où il est possible, en plus
de la couverture intégrale des besoins de la consommation urbaine et industrielle y compris celle du
complexe d'aluminium, d'irriguer des dizaines de milliers d'hectares et non pas seulement quelques
milliers comme c'est le cas actuellement avec le barrage du K'Sob.
113
d) La matière première : quand les dangers de la dépendance servent d'argument pour
torpiller une opération de coopération industrielle de pays du Tiers Monde :
Sur le plan minier, on sait que jusqu'à présent, on n'a pas réussi à mettre en évidence
l'existence de gisements de bauxite en Algérie ; aussi, avait-il été prévu d'approvisionner l'usine de
M'Sila avec des matières premières importées sous forme d'alumine, c'est-à-dire d'un produit issu
d'un premier traitement de la bauxite brute. Certains ont cru voir dans cet approvisionnement
d'origine entièrement externe, s'ils ne l'ont pas expressément érigé comme tel pour les besoins de leur
cause, un lien de dépendance dangereux pour le pays vis-à-vis des pays fournisseurs d'alumine.
Aussi, est-il nécessaire, là également, de clarifier certaines questions.
- En premier lieu, l'approvisionnement retenu pour le projet provient de deux sources
différentes et non d'une seule : la Guinée et la Jamaïque ;
- en second lieu, à l'intérieur de ces pays, la préférence a été donnée soit à l'alumine provenant
des gisements et des usines de traitement appartenant en propre aux Gouvernements de ces
deux pays et non aux sociétés étrangères installées chez eux, soit à la part d'alumine qui
reviendrait à ces deux Gouvernements au titre de leur participation à des exploitations mixtes,
formées en association avec des multinationales, pour l'extraction et le traitement de la
bauxite.
- en troisième lieu et pour une longue période encore, il sera difficile à l'un quelconque de ces
pays d'exercer un chantage sur l'Algérie, en raison de la large disponibilité des gisements de
bauxite à travers le monde et de l'impact réduit du coût de son transport à travers les océans
dans le coût de production final de l'aluminium, ce qui permet d'envisager des appro-
visionnements même à partir de pays aussi éloignés de notre région que l'Australie qui, en
échange, pourrait même recevoir des phosphates algériens, comme cela a été, du reste,
évoqué lors de l'examen de l'une des hypothèses de travail qui ont été passées en revue, dans
le cadre de la préparation du projet.
- En outre, l'approvisionnement de l'Algérie en alumine est inséré dans le cadre d'opérations
de fournitures qui associent plusieurs pays ; aussi, à moins d'une action discriminatoire
difficilement envisageable qui viserait exclusivement notre pays, sera-t-il difficile à la Guinée
ou à la Jamaïque de se livrer à des manœuvres ou bien de prendre des mesures qui porteraient
atteinte aux intérêts de plusieurs pays à la fois. Une telle éventualité est d'autant moins
probable que les pays exportateurs de bauxite, bien que rassemblés dans une organisation
similaire à l'OPEP, n'occupent pas une position déterminante dans l'approvisionnement des
industries de l'aluminium, lesquelles industries elles-mêmes ne tiennent pas, au sein de
l'économie mondiale et du moins pour une période qui parait encore assez longue, une
position vitale et stratégique semblable à celle du pétrole.
- Enfin et pour en finir avec les questions soulevées à propos de l'approvisionnement de
l'usine de M'Sila en matière première, il n'est pas sans intérêt de relever que le prétendu lien
de dépendance qui affecterait l'Algérie en raison de cet approvisionnement sert, en définitive,
d'argument pour torpiller l'une des opérations de coopération industrielle que des pays du
Tiers Monde tentent de monter directement entre eux. Cette coopération industrielle
"horizontale", c'est-à-dire associant directement des pays en voie de développement, constitue
l'un des thèmes défendue par l'Algérie dans le cadre de son action pour la promotion du Tiers
114
Monde et de ses interventions au sein du Mouvement des Non Alignés. C'est encore tout un
pan de la politique dans laquelle s'est engagée l'Algérie sous l'égide du regretté Président
Boumédiène que l'on tente de démolir.
e) La main-d’œuvre : quand L500 emplois ne trouveraient pas preneurs dans une
région déshéritée :
Le problème de l'insuffisance de la main-d’œuvre n'est pas le moins insolite des arguments
invoqués pour annuler le projet d'aluminium ou bien pour l'éloigner de M'Sila, ce qui est une manière
de le retarder, compte tenu du délai nécessaire pour trouver un nouveau site et y adapter les plans du
projet. En effet,
- par l'effectif qu'il requiert (3 500 personnes environ) et qui pourrait encore augmenter en cas
de doublement de la capacité de l'usine, le projet d'aluminium apporte une contribution
capitale à la solution du problème de l'emploi dans une zone déshéritée du pays. Les emplois
à créer concernent évidemment les chômeurs vivant actuellement dans cette zone ; mais, il
concerne encore davantage les jeunes qui vont bientôt arriver en âge de travailler et qui, eux,
contrairement au cas de beaucoup des adultes qui sont encore sans emploi, auront connu
l'école, et sans doute, pour une large partie d'entre eux, les CEM, voire les lycées. Il s'agira
donc d'une catégorie de personnes ayant un certain niveau de formation et pour lesquelles,
faute de créer sur place des emplois adéquats, il faudra préparer des conditions d'accueil
ailleurs.
- par contre, dans le cas où l'objection viserait à considérer que les emplois créés seront
supérieurs aux besoins locaux ou bien ne correspondraient pas, par leurs caractéristiques, aux
qualifications de la main-d’œuvre locale, les avantages procurés sur le plan de l'emploi
apparaîtraient encore avec plus de relief, car
- d'une part, par la formation qu'il devra prodiguer sur place à son personnel, le complexe
d'aluminium apportera à ce dernier la possibilité d'élever son niveau et de réaliser sa
promotion et,
- d'autre part, en faisant venir à M'Sila du personnel originaire d'autres régions, la réalisation
de ce complexe d'aluminium entrerait bien dans la stratégie définie dans la Charte Nationale
visant à la promotion de nos plaines des Hauts Plateaux et consistant à renverser les flux
migratoires de nos populations, afin de soulager les zones côtières du Nord et de favoriser ou
de maintenir l'implantation des populations dans les Hauts Plateaux et dans les régions
sahariennes. Au demeurant, certains recensements effectués dans l'agglomération de la
Capitale et dans quelques zones au Nord du pays ne font-ils pas état de ce que la région de
M'Sila soit l'une des régions d'origine d'une grande partie de la population qui peuple les
bidonvilles ? Si tel est le cas, ne serait-il pas préférable et plus rentable pour l'économie
nationale d'engager des investissements sociaux et industriels dans ces régions, et dans celle
de M'Sila plus particulièrement, pour y fixer les populations que tente l'exode rural, plutôt
que de se trouver acculé, faute d'avoir effectué ces investissements, à construire une
infrastructure sociale plus coûteuse au sein des grandes cités du Nord pour résorber les
bidonvilles formés précisément par ces populations que l'on n'aura pas su retenir sur place. Il
est, pour le moins, paradoxal que ce soit au moment où l'on fait de ce que l'on appelle
"l'aménagement du territoire" une fonction essentielle de la planification que certains
115
cherchent à écarter un projet qui a été conçu, préparé et implanté comme devant, entre autres,
contribuer à l'équilibre régional. Cette constatation, une fois de plus, tend à illustrer que les
arguments avancés pour justifier les décisions affectant certains projets industriels ne sont pas
l'expression des vrais mobiles qui ont déterminé de telles décisions. C'est pour cette raison, du
reste, que l'on relève, dans l'argumentation développée par les promoteurs de ces décisions,
des contradictions notoires qui s'amplifient sans que cela gêne en quoi que ce soit le
comportement de ceux qui se sont assignés la mission de refondre notre économie et de
"repenser" notre industrialisation.
- Enfin, au moment où l'on reproche souvent à l'industrie de ne pas créer suffisamment
d'emplois et où l'on se préoccupe grandement de la réinsertion de nos émigrés, il est, pour le
moins, surprenant d'invoquer une éventuelle insuffisance de main-d’œuvre, pour rejeter
l'implantation du projet d'aluminium près de M'Sila qui se trouve, précisément, au centre
d'une région caractérisée par l'existence d'un courant intense d'émigration vers les autres
parties du pays et vers l'Europe.

8.2.1.2. - Deux aspects couverts d'un silence complice :


Cependant, si les adversaires du projet aluminium ont mis en avant tous les arguments
susceptibles, à leurs yeux, d'influencer les instances dirigeantes du paye dans le sens voulu par eux, il
reste qu'ils recouvrent d'un silence plutôt complice que pudique deux aspects importants du problème
lié à ce projet :

- Faire tomber un pièce maîtresse de la coopération algéro-soviétique :


On oublie de noter que ce projet avait fait l'objet d'un protocole intergouvernemental conclu
avec l'Union Soviétique, après un accord de principe intervenu, à ce sujet, au plus haut niveau entre
le Président Boumédiène et les dirigeants soviétiques. Ce protocole confie à l'Union Soviétique la
réalisation de l'usine de M'Sila, règle le montant et les conditions du financement apporté du côté
soviétique pour le projet, fixe les domaines d'intervention et les objectifs de l'assistance technique
soviétique et détermine les bases du contrat de réalisation à conclure, sur le plan technique, entre la
SNS et l'organisme soviétique chargé de la fourniture de l'usine, selon la formule "clefs en mains".
La mise en exécution du projet était subordonnée simplement au règlement de certaines questions
telles que le prix et des points techniques relatifs à la conception ou à la construction de l'usine.
La remise en question du projet a donc, pour conséquence, si cela n'en était pas l'objet en ce
qui concerne certains, de revenir sur un accord conclu avec l'Union Soviétique et de faire tomber une
pièce importante de notre coopération industrielle avec ce pays et avec l'ensemble du camp socialis-
te. Les répercussions d'une telle attitude, de la part de l'Algérie, seront d'autant plus majeures que le
projet d'aluminium a été envisagé et compris, tant du côté algérien que du côté soviétique, comme
devant prendre le relais du complexe de Annaba pour servir de support à la continuité et au
développement de la coopération algéro-soviétique. La signification qui s'attacherait ainsi à ce
revirement prendrait encore plus de relief du fait qu'il surviendrait au lendemain de la disparition du
Président Boumédiène.
Il est difficile de ne pas manifester un certain trouble et même un trouble certain, quand on
s'aperçoit que les objections les plus vives émises contre ce projet se révèlent avoir des origines
116
communes avec des tentatives visant à éloigner l'Algérie de l'Union Soviétique ou à détériorer nos
relations amicales avec ce pays. Enfin, il serait pour le moins aussi surprenant que contradictoire
qu'au lendemain de la tenue du IVe Congrès du FLN qui a recommandé vivement le renforcement de
notre coopération avec les pays socialistes et qu'au moment ou l'organe central du Parti, qui assume
la responsabilité du pouvoir dans le pays, publie des articles déplorant la faiblesse de notre
coopération avec ces pays, on annonce l'abandon d'un projet destiné précisément à constituer l'une
des pièces maîtresses de cette coopération, cet abandon venant d'ailleurs s'ajouter à d'autres : le
report ou le rejet, dans les mêmes conditions, de la Câblerie de Biskra et l'annulation des contrats de
réalisation de deux complexes phosphatiers à laquelle devait prendre part la Pologne.
- L'opposition des monopoles occidentaux à la naissance d'une industrie nationale de
l'aluminium dans les pays du Tiers Monde.
En rapport, précisément, avec ce qui vient d'être signalé ci-dessus, il est difficile pour ne pas
dire impossible, de citer un pays du Tiers Monde qui ait pu réaliser pour son propre compte, c'est-à-
dire lui appartenant en propre et entièrement, une usine d'aluminium avec la coopération d'un pays ou
d'une firme capitaliste. A part les usines qui y sont implantées par les multinationales et les autres
sociétés capitalistes pour leurs propres intérêts, toutes les usines d'aluminium réalisées dans le Tiers
Monde l'ont été grâce à la coopération des pays socialistes, particulièrement de l'URSS. Même la
Turquie, qui prétend faire partie non seulement de l'Europe, mais se réclame de l'Occident, siège au
Conseil de l'Europe et appartient à l'alliance Atlantique dont elle constitue un bastion important, a
construit son industrie de l'aluminium avec la coopération de l'URSS. Il est vrai qu'en ce qui
concerne son projet, l'Algérie a reçu des offres de la part de firmes occidentales. Mais, il convient de
noter, aussi, que ces offres ne se sont concrétisées qu'avec l'entrée en lice de l'Union Soviétique dans
la compétition pour la réalisation du projet et qu'auparavant, elles étaient le plus souvent assorties de
certaines conditions, formulées parfois sous l'apparence d'une offre de services, telles que la garantie
de la bonne marche de l'exploitation, la certitude de l'écoulement de la production pour essayer
d'obtenir, en faveur de ces firmes, l'exclusivité de la commercialisation de notre aluminium à
l'extérieur etc.
Les avantages promis dans les offres émanant des firmes occidentales se sont précisés et
multipliés, lors de la période qui a précédé la conclusion de l'accord signé avec l'Union Soviétique,
avec sans doute l'espoir d'écarter ce pays de la réalisation du projet algérien.
Du reste, c'est là l'une des raisons pour lesquelles le lancement éventuel de la deuxième usine
d'aluminium prévue à M'Sila en coopération avec une firme occidentale, n'était pas envisagé avant la
mise en exécution du projet convenu avec les Soviétiques.
Malgré la tendance connue des monopoles occidentaux de s'opposer à la naissance, dans les
pays du Tiers Monde, d'une industrie nationale de l'aluminium échappant à leur contrôle, l'URSS a
consenti à notre pays des conditions de financement intéressantes pour la réalisation de l'usine de
M'Sila.
Ainsi, comme ce fut le cas, il y a un quart de siècle pour la sidérurgie, la coopération avec les pays
socialistes et principalement avec l'Union Soviétique, s'avère-t-elle être, pour les pays en voie de
développement, le moyen le plus sûr pour ne pas dire le seul, de se doter d'une industrie nationale de
l'aluminium, l'électrolyse de l'aluminium, au même titre que la fabrication de l'acier, constituant des

117
industries de base qui sont le fondement de tout développement économique indépendant, ce dont les
tenants de l'hégémonie impérialiste ne veulent à aucun prix. Aussi, les groupes capitalistes, qui n'ignorent
pas la valeur des atouts que détient l'Algérie pour développer une industrie nationale de l'aluminium grâce à
ses richesses en gaz naturel et à un marché intérieur en pleine expansion, qui avaient toujours pensé qu'ils
arriveraient à nous convaincre de renoncer à la coopération de l'Union Soviétique pour la réalisation de
notre usine de M'Sila et qui n'avaient même pas dissimulé qu'ils caressaient l'espoir de nous amener à
rompre l'accord signé avec l'URSS, apprendraient-ils, sans doute, comme une bénédiction du ciel,
l'éventuelle annulation d'un projet que l'Algérie a mis prés d'une décennie à faire mûrir et pour lequel il lui a
fallu surmonter et vaincre bien des obstacles et des objections suscitées par les défenseurs des intérêts
capitalistes.
A la lumière de cet examen, les principales objections avancées par ceux qui visent à éliminer notre
projet d'aluminium ou, à défaut, à le retarder, on se rend bien compte que poser, comme conditions à la
réalisation de ce projet, l'existence d'un marché garanti pour l'écoulement de l'ensemble de la production, la
détermination d'une source sûre pour l'approvisionnement en matière première, la disponibilité d'un site où
il y aurait de l'eau en excédent, où vivrait une main-d’œuvre qualifiée et suffisante, mais où n'existerait
aucune vie végétale et animale susceptible d'être affectée par la pollution, etc., c'est exiger la quadrature du
cercle, c'est-à-dire faire en sorte que le projet ne se réalise jamais. Il resterait, peut-être, à savoir à qui
bénéficieraient de telles attitudes2.

8.2.2. - Le projet de Câblerie électrique de Biskra.


Ce qui a été développé précédemment à propos du projet d'aluminium peut être repris presque
intégralement en ce qui concerne la câblerie électrique de Biskra.
Là aussi, il s'agit d'un projet que l'on prétend écarter pour insuffisance des ressources en eau,
des disponibilités en main-d’œuvre, des possibilités de financement etc.
Mais, là aussi, il s'agit d'un projet qui, se situant an aval de celui de M'Sila, contribue à la
valorisation de la production issue de ce dernier, constitue un point d'appui important pour
l'électrification du pays, et représente un pôle essentiel destiné à servir de base à la promotion d'une
région déshéritée ; là aussi, il s'agit d'un projet touchant une industrie qui se trouve être, dans le
monde capitaliste, encore plus cartellisée que celle de l'aluminium, puisque les fabricants de câbles
électriques se sont partagés les marchés existant à travers le monde ; dans ce partage, l'Algérie a été
dévolue aux producteurs français, en l'occurrence "Les Câbleries de Lyon" appartenant au groupe
CGE en France.
Aussi, a-t-il été pratiquement impossible de trouver une firme occidentale pour nous aider à
construire cette câblerie ; certaines firmes non françaises consultées par nous et averties que leur
manque de coopération pourrait nous conduire à diminuer ou même à supprimer nos achats auprès
d'elles dans des domaines autres que celui du câble, répondent par des offres assorties de conditions
inacceptables par nous ou bien formulées de telle sorte qu'elles perdent toute valeur. Nos tentatives

2
Depuis que ce document a été rédigé, le Président Chadli BENDJEDID a pris la décision de lancer la réalisation du
projet de M'Sila dans sa forme initiale et sans rien modifier dans la conception de ce projet ; cependant, les idées
développées dans ce rapport, à propos des controverses soulevées par le projet aluminium de M'Sila, demeurent valables
car elles pourraient être reprises presque intégralement au sujet d'autres projets industriels actuellement remis en question
par ceux qui ont tenté d'empêcher la construction de l'usine d'aluminium de M’Sila.

118
auprès des pays socialistes n'ont pas révélé, non plus, beaucoup de possibilités pour des raisons
technologiques et seule, finalement, la République Démocratique Allemande s'est affirmée comme
étant en mesure de nous apporter, pour la réalisation de cette câblerie, non seulement le concours
technique et humain nécessaire, mais aussi un financement satisfaisant.
Là encore enfin, l'annulation ou le report du projet amènerait à se demander quels intérêts
viendraient bien à trouver leur compte dans une telle situation.
Il n'est pas sans intérêt, non plus, de relever que la presque totalité des projets industriels
annulés ou retardés concernent des régions surpeuplées et déshéritées du territoire aciérie de Jijel,
aciers fins et spéciaux de Aïn M'Lita, complexe phosphatier de Tébessa, plusieurs Unités SONITEX
des Aurès et du Sud-Est de Biskra, Complexe moteurs et camions de Sétif, Aïn-Oussera et Tiaret,
Complexe engins travaux publics de Chalghoum Laïd, Complexe pneumatique de Bouira, matériel
électro-technique de Ksar El Boukhari, Complexe électroménager de Tizi-Ouzou, Complexe de
cosmétiques des Ouadhias, etc. De la même manière, on ne saurait ne pas relever la concordance qui
se constate entre le fait de bloquer, sous divers prétextes, le lancement de la presque totalité des
projets industriels nouveaux prêts à la réalisation et le fait que nos relations économiques avec la
France se trouvent pratiquement gelées en ce moment pour les raisons que l'on connaît. Tout se passe
comme si l'on voulait étendre les effets de ce gel à l'ensemble de nos autres partenaires étrangers et
attendre que la situation fût débloquée avec la France, afin de lui réserver sinon la totalité, du moins
une bonne partie de nos projets, surtout les plus grands.

8.3. - Un travail de sape mené contre notre politique de développement afin


d'orienter l'Algérie vers une nouvelle politique.

8.3.1. - Un stratagème consistant à faire l'âne pour, dissimuler le jeu d'une politique
qui sert des intérêts opposés à ceux du pays.
Mais, ce qui achève de convaincre que les prétextes et les arguments, successivement avancés
jusqu'à ce jour pour donner un semblant de justification au blocage des investissements industriels,
ne reflètent pas les véritables raisons qui sont à l'origine de ce blocage, apparaît clairement, quand on
apprend que l'on songe maintenant à réduire nos exportations d'hydrocarbures, aux motifs que
l'augmentation du prix du pétrole, que le caractère durable de la crise de l'énergie maintiendra à un
niveau élevé, nous procure suffisamment de ressources pour nous permettre de réduire le rythme de
l'exploitation de nos réserves. Un tel raisonnement aurait eu des chances de rencontrer quelque crédit
s'il avait été précédé par la mise en route de la réalisation de tous les projets actuellement bloqués et
qui ont été tous établis sur la base de besoins qui deviennent pressants pour la vie des citoyens et
pour le fonctionnement de l'économie du pays et s'il avait, par ailleurs, fait suite à une évaluation
chiffrée des ressources financières nécessaires, et notamment des disponibilités en devises exigées,
dans les prochaines années, pour la poursuite de notre développement, pour la couverture des besoins
de nos populations en différents produits et services utiles à la vie quotidienne et aussi et surtout,
pourquoi ne pas le dire, pour doter le pays des bases indispensables pour consolider sa souveraineté
et garantir son indépendance dans tous les domaines. Que l'on songe, aussi, par exemple, aux
sommes colossales s'évaluant en dizaines de milliards de dinars qui seraient nécessaires pour la seule
ville d'Alger en vue du réaménagement de son urbanisme et de la réalisation des divers ouvrages
d'infrastructure indispensables, destinés à assurer la fluidité requise par la circulation qui devient de
plus en plue intense dans ses artères, ou bien pour la mise en oeuvre du grandiose programme spécial
119
des zones sahariennes décidé par le Conseil des Ministres de Tamanrasset en juin 1978, pour se
rendre compte de l'importance des ressources financières dont l'Algérie devra disposer dans l'avenir,
si elle veut affronter et régler tous les problèmes que pose l'évolution rapide du pays. Par la même
occasion, on peut se rendre compte également de l'absurdité qui s'attache aux élucubrations de ceux
qui prétendent, dès maintenant, pouvoir affirmer que l'Algérie n'a plus besoin d'intensifier ses ventes
d'hydrocarbures et que la seule augmentation des prix de ces hydrocarbures suffira, dans l'avenir, à la
couverture de ses besoins financiers ; à moins que cette absurdité ne soit rien d'autre qu'un
stratagème consistant à faire l’âne pour dissimuler le jeu d'une politique qui sert des intérêts opposés
à ceux du pays et aux impératifs de la Révolution.
Ainsi, il s'avère de plus en plus clairement que l'on s'oriente bien ou que l'on tente d'orienter
l'Algérie vers une nouvelle politique et que le problème restant à résoudre consiste simplement à
trouver la voie à suivre et les méthodes à employer pour éviter que la Direction Politique, les masses
populaires et la base militante, par leur réaction, ne mettent en échec le changement souhaité.
Il n'est pas sans intérêt de relever également que les tentatives de changement qui s'amorcent,
au sein de certains services, dans les orientations à assigner au développement du pays et plus
spécialement dans la conception et les objectifs à fixer à notre industrialisation, ne peuvent que
combler d'aise les milieux néocolonialistes français et concordent avec les souhaits des tenants des
intérêts impérialistes dans le monde, qui ont toujours considéré ce que l'on commençait à appeler le
modèle algérien de développement comme un mauvais exemple et un mauvais augure pour la
pérennité de leur hégémonie sur les économies des pays du Tiers Monde.
Le rapport élaboré et diffusé sous la forme de "commentaires et d'observations" sur le projet
de création d'une Inspection Générale des Finances passe en revue quelques-uns des thèmes utilisés
par la réaction intérieure et par ses inspirateurs étrangers, dans le travail de sape mené contre notre
politique de développement. Il réfute les arguments par lesquels on tente de donner une certaine
crédibilité à ces thèmes, en même temps qu'il dénonce la connivence, qui devient de plus en plus
évidente, entre les opposants à l'option socialiste sur le plan interne et les intérêts et les visées des
milieux néo-colonialistes externes. Mais, des idées avancées récemment comme devant constituer
l'une des novations à apporter à notre politique de valorisation des hydrocarbures, s'annoncent en fait
comme l'amorce d'une nouvelle manœuvre destinée à ramener la politique de développement de
l'Algérie dans la mouvance française et à apporter un coup mortel à la diversification de nos relations
économiques extérieures, diversification obtenue au prix d'efforts intenses menés pendant de longues
années pour mettre fin à l'hégémonie française sur notre commerce extérieur et pour convaincre les
firmes et les sphères économiques de beaucoup de pays que l'Algérie était parfaitement libre de ses
mouvements sur le plan économique et qu'elle concevait et appliquait sa politique de développement
sur des bases nationales et en toute indépendance, notamment par rapport à l'ancienne puissance
coloniale.

8.3.2. - Le rôle que tiennent aujourd'hui des individus connus pour des complaisances
manifestes envers les intérêts étrangers.
Il n'y a pas de quoi être vraiment surpris, néanmoins, lorsque l'on voit s'amorcer de telles
manœuvres, quand on sait, par ailleurs, le rôle que tiennent, aujourd'hui, des individus qui,
précisément, au moment où notre politique pétrolière était mise en oeuvre et où notre développement
prenait son élan, mettaient à profit les fonctions importantes que leur avait confiées l'Etat pour faire
120
obstacle et non pour servir de point d'appui à l'action déployée, à l'époque, en vue de dégager notre
industrie des hydrocarbures de l'emprise des intérêts français, ou bien se livraient sans vergogne à
l'imposture de présenter, comme le fruit de leur propre imagination, les solutions qui leur étaient
suggérées par leurs maîtres à penser français, à propos de problèmes relatifs à notre industrie ou bien
encore servaient "d'indigène de service", pour la pénétration, auprès de nos responsables, des
conceptions que les sociétés françaises voulaient nous faire admettre, tant pour infléchir dans le sens
de leurs intérêts le cours de notre politique en matière de valorisation de nos gisements pétroliers,
que pour influencer la conduite de notre politique pétrolière dans son ensemble.
Au cours de ces dernières années et dans l'espoir de nous mettre à genoux pour nous
contraindre à nous soumettre aux injonctions de Paris dans la direction de notre politique de
développement et de notre politique extérieure, les Français ont déployé des manœuvres intenses en
vue de tarir les sources de financement auxquelles avait recours notre pays. Beaucoup de groupes et
de pays étrangers, avec lesquels l'Algérie a noué des relations importantes et suivies et qui ont été
pour beaucoup dans l'échec de ces manœuvres françaises, ne tarderont pas ainsi et non sans une
certaine amertume, à tirer la conclusion, au vu de certains faits qui semblent se dessiner
actuellement, sous divers prétextes, que la France aurait des chances de reprendre le dessus en
Algérie. Le fait qu'au sein de la nouvelle direction de notre secteur des hydrocarbures, on n'hésite pas
à reprendre la thèse française, selon laquelle l'augmentation du prix du pétrole ne présente prati-
quement aucune utilité pour nous, puisqu'elle aboutirait à alimenter l'inflation mondiale et à renchérir
le coût de nos importations, ne manquera pas de finir par être relevé par les observateurs extérieurs,
notamment au sein de l'OPEP, comme le signe évident de cette "récupération" de l'Algérie par la
France, grâce à la remise en selle des individus qui se sont, précisément, distingués dans le passé par
leur servilité envers le colonisateur et par leur propension à gagner les satisfecit des milieux
pétroliers de Paris.

8.3.3. - Le sort qui affecte des hommes et des équipes dont le Président Boumédiène
avait requis le concours.
Au demeurant, la satisfaction qu'éprouvent les milieux néocolonialistes français, qui n'ont
jamais épargné leur hargne envers la politique d'indépendance économique suivie par l'Algérie sous
l'égide du Président Boumédiène, ne manque certainement pas de se trouver confortée, dans le cœur
des maîtres des intérêts néocolonialistes, par le sort qui affecte les hommes et les équipes qui les ont
affrontés dans les batailles décisives que leur a livré l'Algérie et qui leur ont damé le pion en de
multiples occasions.
Sous prétexte de "dissoudre des féodalités", de "casser des empires", de "renouveler les
têtes", expressions qui emplissent la bouche des envieux, des minus habens et de ceux qui se sont
distingués par leur incapacité à promouvoir, à créer, à gérer efficacement, à forger des cadres, à
animer des équipes et à insuffler, aux bâtisseurs de notre développement, une foi enthousiaste et
communicative, on assiste aujourd'hui à la mise à l'écart, à l'éloignement et à la dispersion de cadres
qui, par leur participation active, authentique et ardente aux différentes actions entreprises par
l'Algérie pour l'émancipation et l'édification de son économie sur des bases modernes et
indépendantes, capitalisent en eux l'expérience acquise par le pays, donnent de la consistance à
l'assise d'où surgit peu à peu l'élite issue du peuple et destinée à former l'armature d'encadrement de
notre économie et constituent des éléments d'une valeur de plus en plus élevée dans le patrimoine
121
humain de la Nation. Pire encore, les éléments qui ont contribué à concevoir et à exécuter les
nombreuses réalisations industrielles dont s'enorgueillit l'Algérie, qui ont représenté honorablement
l'Algérie dans de nombreux et importants débats internationaux, ceux dont le Président Boumédiène
avait requis le concours pour assurer la participation de l'Algérie à des réunions aussi capitales que
celles de la Conférence constitutive des 77, de la IVème Conférence au Sommet des Non-Alignés, de
l'Assemblée Générale Extraordinaire de l'ONU consacrée aux matières premières et au
développement, à la première conférence au Sommet de l'OPEC, au dialogue Nord-Sud, ceux qui,
par leur sérieux, la qualité de leur travail et le sens de la dignité avec lequel ils ont représenté leur
pays, se sont acquis l'estime de leurs collègues dans les pays du Tiers Monde et la considération et le
respect de leurs partenaires dans les pays développés et se sont assurés, à la fois pour eux-mêmes et
pour leur pays, une notoriété et une audience largement reconnues dans les milieux de l'OPEC et du
monde industriel, se voient obligés, aujourd'hui que le Président Boumédiéne a disparu et sous l'effet
de brimades mesquines, d'humiliations intentionnellement provoquées, de tentatives d'intimidation et
de manigances de toutes sortes, de céder le pas et, finalement, de s'effacer devant des individus
médiocres, écartés dans le passé, soit pour incapacité notoire, soit pour complicité ou attitude
douteuse dans des opérations de corruption, quand ce n'est pas pour des complaisances manifestes
envers les intérêts étrangers et au détriment des intérêts nationaux, lorsqu'il a fallu livrer de rudes
controverses avec les représentants des groupements d'intérêts étrangers, français notamment et
lorsque des Algériens, heureux d'être utilisés comme "indigènes de service", s'évertuaient à mettre le
bâton dans les roues aux éléments qui avaient reçu la mission de faire prévaloir les intérêts du pays et
de la Révolution. Comble de cynisme et d'impudence, on n'hésite même pas à placer de hauts cadres,
qui ont donné maintes preuves de leur valeur et de leur dévouement, sous l'autorité d'individus dont
ils ont décelé et dénoncé la malhonnêteté et que, dès le lendemain de la disparition du Président
Boumédiène, on s'est empressé de remettre en selle, avec en prime de l'avancement dans les
fonctions qui leur ont été accordées.
Si l'on s'avisait de reprocher, aujourd'hui, à ces cadres qui partent ou songent à partir à
l'étranger ou bien qui envisagent d'utiliser leur compétence pour s'installer à leur propre compte dans
le privé, il leur serait aisé de répondre qu'on ne peut leur tenir rigueur de quitter un pays où la mé-
diocrité, la malhonnêteté, l'allégeance personnelle, le népotisme et l'esprit de clan deviennent des
critères qui priment sur les services rendus au pays, sur le dévouement à la cause nationale, sur
l'engagement envers les principes et les objectifs de la Révolution et, enfin, sur l'honnêteté même.
Personne, en effet, ne serait fondé à condamner des militants qui, en désespoir de cause,
préfèrent abandonner des secteurs qu'ils ont contribué à édifier et à développer, plutôt de continuer à
subir et à voir le pays subir l'imposture, de constater que soit permise la remise en cause, pour des
motifs de vindicte personnelle, de l’œuvre qui a constitué une de leurs raisons de vivre et, enfin, de
se retrouver sous la coupe de ceux-là mêmes qu'ils ont contribué à démasquer comme des individus
malhonnêtes, corrompus et agissant, dans le cadre de leurs fonctions, en agents stipendiés de
l'étranger.
Quand on apprend, par ailleurs, la nature des mesures vexatoires par lesquelles on tente de
provoquer le découragement de ces cadres, notamment en essayant de les priver de leurs logements
alors qu'ils servent l'État depuis plus d'une décennie sinon depuis l'indépendance et qu'ils ont parfois
milité dans les rangs du FLN au cours de la lutte pour la libération nationale, on se rend compte de la

122
vilenie des procédés utilisés pour se débarrasser de militants et de cadres auxquels on n'a rien d'autre
à reprocher que d'être précisément sans reproche et dont le tort majeur est d'avoir servi loyalement le
pays, de posséder une compétence éprouvée et, parfois, d'avoir du brio. C'est plus que ne peuvent
supporter les minus habens, les imposteurs et les envieux.
Le critère qui semble, aujourd'hui, prendre de la prééminence pour l'accès aux responsabilités
de direction au sein de notre secteur des hydrocarbures réside dans le fait d'avoir servi dans le passé
dans une certaine société mixte qui a existé dans ce secteur jusqu'aux nationalisations intervenues le
24 février 1971. Or, beaucoup de cadres algériens qui avaient appartenu à cette société mixte
l'avaient quittée quand sa Direction Générale était devenue algérienne ou bien lorsqu'elle a été
nationalisée entièrement et intégrée dans sa totalité au sein de la SONATRACH, car ces cadres, qui
considéraient comme tout à fait naturel d'être commandés par des Français, avaient estimé
insupportable de se retrouver, ensuite, sous les ordres d'autres cadres "indigènes" venus de la
SONATRACH ou de son administration de tutelle.
Quand il arrivait de demander à certains d'entre eux les raisons pour lesquelles, dans
l'accomplissement de leurs fonctions ou bien au cours de rencontres avec, soit la SONATRACH soit
l'administration, ils appliquaient des mesures ou défendaient des positions qui ne concordaient pas
avec les intérêt de l'Algérie, ils se contentaient de répondre qu'ils exécutaient les instructions de leurs
supérieurs hiérarchiques, c'est-à-dire des responsables Français qui assumaient des fonctions de
direction au sein de la société mixte en question.
C'est un tel comportement qui sert maintenant de critère privilégié pour diriger le secteur le
plus vital de l'économie du pays. A lui seul, il constitue la définition d'une orientation politique et la
marque d'une époque.
Certes, en aucun domaine de la vie, il n'y a d'hommes irremplaçables et on aurait pu
comprendre que des anciens qu'on aurait considéré comme ayant assez ou trop duré fussent invités à
céder la place à d'autres, à des jeunes à promouvoir ; mais écarter ces anciens qui ont contribué, par
leur dévouement, par leur labeur et par leur intelligence à forger l'outil dont peut s'enorgueillir le
pays et qui force le respect de l'étranger y compris l'adversaire, pour ramener à leur place ceux dont
le titre de mérite est d'avoir servi sous les ordres de l'étranger et souvent d'avoir servi les intérêts de
ce dernier aux dépens de ceux de l'Algérie, c'est manifestement aller à l'extrême de ce que peuvent
inspirer la vindicte et la haine qui sont, de toujours, la marque de la contre-Révolution. Pour ceux qui
en sont les victimes, la consolation qui traduit, au fond de l'âme de chacun, une certaine forme de
fierté, réside dans le fait que tout cela advient comme conséquence de la disparition de Boumédiène.
Pour tous ceux auxquels notre regretté Président avait procuré le privilège de vivre avec lui l'épopée
de "la bataille du pétrole" qu'il a menée avec tant de vigueur et de panache, la vanité et le caractère
dérisoire, qui s'attachent à certains actes qui s'accomplissent en ce moment dans le secteur des
hydrocarbures, n'en prennent que plus de vilenie et d'insignifiance.
Faut-il s'attendre à ce qu'il soit dit ou écrit un jour que, même dans l'Algérie du nationalisme
populaire et de la Révolution du ler novembre 1954, on finit par se brûler les doigts et par se retrouver
victime de la lâcheté et des coups bas, quand on a commis l'imprudence ou la faute de s'attaquer aux
intérêts impérialistes, aux privilèges des monopoles pétroliers et aux positions hégémoniques des
puissances néo-colonialistes et de s'opposer aux appétits des compradores internes et aux visées de
ceux qui les soutiennent ?
123
Au lendemain du 19 juin 1965, assumant les responsabilités du Pouvoir dans le cadre d'une
succession faisant suite au renversement d'un régime et à son remplacement par un autre, le Président
Boumédiéne avait non seulement repris à son compte la politique pétrolière dont l'esquisse et les
premiers jalons avaient été posés sous l'égide du régime qui venait d'être éliminé, mais il devait, par
la suite, approfondir cette politique, lui imprimant une vigueur accrue et lui donnant une ampleur
plus grande pour l'ériger, en définitive, en une expérience à la fois suivie et enviée à l'extérieur,
prenant ainsi une portée dépassant largement les frontières du pays.
Par ailleurs, il consolidait les équipes en place, les assurant d'un appui à la fois vigilant et
fraternel jamais démenti et ne cessant de prodiguer, aux cadres et aux autres travailleurs, les
encouragements les plus soutenus, comme en témoigne la réunion qu'il avait fait organiser à Hassi
Messaoud, à la veille du 19 juin 1971, pour rencontrer les cadres et les travailleurs de la
SONATRACH. Par contre, aujourd'hui, alors que des instances nouvelles issues d'assises
démocratiques, établies suivant des mécanismes constitutionnels issue du suffrage populaire,
assument la charge d'une succession, qui n'est sensée être rien d'autre que la prolongation d'une
même volonté dans le cadre d'un régime qui demeure le même, succession qui, en outre, s'est
effectuée sous le signe de la continuité, de la fidélité à la Charte Nationale et de l'engagement de
continuer à suivre la voie tracée par le Président défunt, on ne peut s'empêcher de constater
l'émergence d'une situation où l'on ne se contente pas de marginaliser ou de se débarrasser des cadres
qui ont toujours assuré, de leur soutien et de leur fidélité, la politique suivie par le Président
Boumédiène dont, en maintes circonstances importantes comme lors des Sommets des Non-Alignés
et de l'OPEC et de la tenue de l'Assemblée Générale Extraordinaire de l'ONU sur les problèmes du
développement, ils ont été les collaborateurs et les conseillers les plus directs ; tout semble indiquer
que, dans l'esprit de certains, la ligne directrice à suivre désormais est soit de chercher à dire ou à
faire l'inverse de tout ce qui a été entrepris ou envisagé dans le passé et, chaque fois que cela
s'avèrera possible, de revenir sur les décisions qui n'ont pas dépassé le point d'irréversibilité. Aussi,
voyons-nous, parfois, accueillie comme la bienvenue et comme un indice heureux de novation, toute
suggestion visant à modifier ce qui a été réalisé ou entamé du temps du Président Boumédiène ou à
lui substituer quelque chose de différent susceptible de donner l'illusion que l'on fait mieux que dans
le passé, l'essentiel étant de faire oublier et de remplacer ce qui porte l'empreinte de ce passé.

8.3.4. - Des directives sournoises : ne mettre en relief, dans le cadre du bilan, que les
aspects négatifs.
Les directives qui viseraient sournoisement, au sein de certaines administrations, à mettre en
relief, dans le cadre du bilan à présenter au prochain Congrès Extraordinaire du FLN, que les aspects
négatifs de l'expérience passée, procèdent de la même volonté de jeter le discrédit sur l’œuvre
accomplie sous l'égide du regretté Président Boumédiène. Cependant et pour leur déconvenue, ceux
qui, emportés, soit par leur haine visant à assouvir des vindictes personnelles, soit par leur zèle à
servir les desseins de leurs commanditaires avides de trouver des éléments à utiliser pour régler leurs
comptes ou bien pour aménager le terrain à la voie politique nouvelle qu'ils veulent imposer, en
arrivent à oublier que l’œuvre accomplie dans le passé, dans quelque domaine que ce soit, n'est pas
l'apanage d'une seule personne déterminée qui en a assumé la responsabilité à un moment donné et
que cette oeuvre est le fruit d'un effort collectif, le plus souvent déployé dans l'enthousiasme que
suscite la foi en la cause que l'on se sent fier de servir et que crée la confiance dans les dirigeants qui

124
assument la charge de conduire l'action attachée à cette cause. Dans le secteur industriel, cet effort
collectif a, bien évidemment, engagé l'ensemble des travailleurs et, en premier lieu, les cadres
auxquels l'on demande aujourd'hui de fausser le bilan d'une œuvre et d'une gestion dont ils ont été les
auteurs principaux et de s'associer à la basse besogne de ceux qu'animent l'envie, la haine
caractéristique des médiocres ou bien la hâte de la réaction empressée de renverser le cours des
choses dans le sens de ses intérêts et de ses appétits. Malgré les ravages que peut entraîner
l'opportunisme qui sévit dans beaucoup de sphères de notre société, on imagine, de loin, le mépris
que doivent ressentir les travailleurs et les cadres honnêtes et intègres à l'égard de ceux qui les
invitent à se mêler à une besogne aussi vile, de même qu'il est facile de mesurer aisément aussi bien
le degré de découragement qu'une telle situation finit par provoquer au sein des milieux sains de la
Nation que la perte de confiance envers les responsables dont on décèle le rôle dans de semblables
besognes, même si ce rôle se joue derrière le rideau de la duplicité et de la fuite devant la franchise
des positions clairement affirmées.
Le zèle déployé, ainsi, à combattre ce passé, pourtant marqué par des succès qui sont autant
d'acquis à l'actif du pays, conduit à des démarches aussi ridicules que celles qui tentent de présenter
comme des trouvailles neuves et originales sorties de l'imagination des nouveaux responsables, des
idées ou des projets qui appartiennent précisément, de par toutes leurs racines, à ce passé que l'on
s'efforce d'effacer, de faire oublier et, à l'occasion, de défigurer et de dénigrer.

8.4. - Les manœuvres grotesques déployées autour du problème de la révision du


prix de vente du GNL à la Société El Paso.
8.4.1. - Les changements qui ont affecté le secteur des Hydrocarbures depuis mars
1979 ont coûté à l'Algérie une perte sèche de .150 Millions de dollars.
L'épisode grotesque que constituent les manœuvres grossières que l'on a essayé de déployer
autour du problème de la révision du prix de vente de notre GNL dans le cadre du contrat
SONATRACH-EL PASO, entre bien dans la lignée des menées entreprises et de l'imposture mise en
avant pour dénigrer ce passé ; en même temps, l'on n'hésite pas à s'approprier effrontément par le
biais d'une escroquerie morale dont la vilenie le dispute à l'impudence, le mérite et les avantages qui
se rattachent directement à ce passé. C'est ainsi que la révision du prix convenu avec El Paso en
1969, et le résultat auquel elle a abouti, ont été présentés à l'opinion comme étant dus aux
responsables qui ont actuellement en charge le secteur des hydrocarbures et comme le fruit d'une
action entreprise et réussie par ces responsables pour redresser une situation léguée par leurs
prédécesseurs et très préjudiciable aux intérêts du pays. Les anciens responsables du secteur pétrolier
ont été, de la sorte, non seulement escroqués d'un mérite qui leur appartient indubitablement ; mais
on a tenté, en plus, d'en faire devant le pays des éléments coupables, soit d'une incompétence notoire,
soit d'une négligence grave, sinon d'une trahison pure et simple au détriment des intérêts de l'Algérie.
En vérité, la révision destinée à réajuster le prix du GNL livré à El Paso et à l'aligner sur le prix déjà
fixé dans les autres contrats conclus par SONATRACH, était acquise depuis bien longtemps dans
son principe et entre, du reste, dans l'ordre naturel des choses, puisqu'elle correspond à une pratique
devenue courante, aussi bien dans le marché international du gaz que dans les relations de
SONATRACH avec l'ensemble de ses clients étrangers pour le gaz naturel algérien.
Bien plus, le processus concret de cette révision était engagé bien avant le remaniement
ministériel qui a fait suite à la disparition du défunt Président Boumédiène et l'on est en droit,
125
aujourd'hui, à la lumière des éléments nouveaux survenus dans cette affaire, de penser qu'il aurait pu
même aboutir avant que n'intervînt le remaniement mentionné ci-dessus. En effet, comme ils
semblaient prévenus du changement qui allait affecter le secteur de l'énergie chez nous et de la
réorientation que devait entraîner ce changement dans la conduite de notre politique pétrolière,
réorientation qui se manifeste maintenant de manière de plus en plus précise, puisque l'on parle
concrètement du réaménagement du programme VALHYD et d'une nouvelle "philosophie" dans la
valorisation de nos hydrocarbures, les Américains étaient sans doute tentés de faire traîner en
longueur les négociations qui étaient en cours, dans l'espoir de pouvoir traiter dans des conditions
plus favorables pour eux et avec des interlocuteurs qui pourraient admettre plus facilement leurs
thèses, en ce qui concerne la révision du prix du GNL que leur livre l'Algérie. En tout état de cause,
la suite des événements démontre que la prolongation des discussions s'est révélée bénéfique pour les
Américains puisque l'accord conclu en mai 1979 pour la révision du prix convenu dans le contrat
signé en 1969, leur assure des avantages qu' ils n'auraient jamais pu obtenir de ceux qui avaient été
leurs interlocuteurs jusqu'à la mi-mars 1979. Les avantages supplémentaires consentis ainsi à la
Société El Paso s'expliquent d'autant moins et prennent un caractère d'autant plus inattendu et
surprenant que, de mars à mai 1979, la situation du marché international de l'énergie a évolué avec
une accélération rapide dans un sens favorable aux pays exportateurs d'hydrocarbures. C'est dire
qu'en mai 1979, la SONATRACH se trouvait en position d'imposer à El Paso des conditions encore
plus avantageuses pour l'Algérie que ne pouvaient penser le faire ceux qui, du côté algérien,
conduisaient les négociations jusqu'en mars 1979. Or, c'est l'inverse qui s'est produit, les Américains
ayant obtenu, en premier lieu, le décrochage, dans le cadre de la mise en oeuvre de la formule
d'indexation retenue, du prix de base par rapport aux prix des produits pétroliers et, en second lieu,
un rabais plus substantiel sur celui envisagé en mare 1979 par les représentants de la SONATRACH
sur le nouveau prix commercial convenu dans le contrat de révision.
Au titre du décrochage signalé, ci-dessus, la Société El Paso enregistre ainsi un gain
supplémentaire de près de trois cents millions de dollars, tandis que le rabais supplémentaire qui lui a
été consenti sur le nouveau prix commercial, lui rapporte la rondelette somme d'environ soixante
millions de dollars, alors qu'au contraire, en raison de l'évolution rapide du marché international de
l'énergie vers une situation de crise devenue aiguë, précisément, en mai 1979, ce rabais aurait pu
encore être facilement réduit par rapport au niveau envisagé, du côté algérien, en mars 1979. En
définitive, on peut conclure aisément que les changements qui ont affecté la direction de notre
secteur des hydrocarbures depuis mars 1979 ont coûté à l'Algérie une perte sèche d'environ trois cent
cinquante millions de dollars. Il n'est pas difficile d'imaginer la satisfaction et le dédain, peut être
quelque peu mêlé d'une certaine compassion condescendante, que les Américains ont éprouvé, au
fond d'eux-mêmes, en constatant que les informations dont ils disposaient dès le mois de février 1979
s'étaient vérifiées et que les évènements leur donnaient raison d'avoir retardé, pour le bien de leurs
intérêts, l'aboutissement de la négociation, en tablant sur les avantages qu'ils escomptaient retirer des
changements qu'ils attendaient dès février dernier en Algérie, alors que la conjoncture mondiale du
marché de l'énergie dont l'évolution ne pouvait aucunement échapper à des responsables pétroliers
américains, les incitait plutôt à traiter au plus vite avec l'Algérie dont ils connaissent, par expérience,
l'aptitude à tirer avantage de toute modification en sa faveur des circonstances du marché de
l'énergie. Aussi, est-on fondé à penser que si les dirigeants d'El Paso ont préféré retarder la
conclusion des négociations jusqu'après les changements politiques attendus en Algérie, malgré le
126
fait qu'ils ne pouvaient ignorer l'aggravation qui se dessinait déjà, en mars dernier, sur le marché de
l'énergie, c'est qu'ils avaient des raisons d'espérer que ce retard leur serait bénéfique.

8.4.2. - La remontée à la surface d'individus proches d'un réseau international


d'escrocs.
Et de fait, si l'on met en parallèle la manière dont a été reprise et conclue la négociation avec
la Société El Paso sur la révision du prix du GNL que livre la SONATRACH, avec d'autres éléments
intervenus en ce qui concerne la gestion de cette importante entreprise nationale, l'on ne peut
manquer de relever la concordance qui rapproche certains faits et qui porte à s'interroger sur la façon
dont sont désormais traitées les affaires relatives à la commercialisation de nos hydrocarbures. En
effet, des individus, anciennement employés par SONATRACH ou bien ayant détenu des fonctions
importantes au sein de ses structures, qui avaient été soit licenciés, soit mis à l'écart en raison
d'éléments graves relevés en ce qui concerne leurs relations avec des sociétés étrangères, remontent
aujourd'hui en surface, les uns prenant une position de "Deus ex machina" au sein de l'entreprise,
d'autres qui se tenaient "à l'abri" à l'étranger, se remettant non seulement à circuler librement en
Algérie depuis la disparition du Président Boumédiène, mais retrouvant aussi la faveur de frayer avec
les nouveaux responsables de l'entreprise, au vu et au su des cadres qui avaient contribué à déceler et
à mettre en échec leurs méfaits. Bien plus, l'un de ces anciens employés de la SONATRACH, qui
avait été éliminé du secteur des hydrocarbures pour corruption et pour s'être fait le pivot de tout un
réseau international d'escrocs constitué en vue d'exercer des pressions et, parfois, un véritable
chantage sur les partenaires de la SONATRACH et même des autres entreprises nationales et qui
avait été dénoncé auprès de tous les groupes étrangers en relations d'affaires avec la SONATRACH,
retrouve aujourd'hui la faveur de s'afficher ouvertement avec les responsables du secteur dont il a été
écarté, ce qui lui donne la possibilité de pouvoir arguer, auprès de tous ses complices et des
partenaires étrangers qui s'étaient montrés loyaux envers l'Algérie et qui avaient ressenti un profond
sentiment de soulagement quand ils en furent débarrassés, qu'il a retrouvé toute sa crédibilité et sa
toute puissance d'antan.
De surcroît, l'un de ses proches, qui avait été également écarté des fonctions qu'il occupait au
sein de la SONATRACH à la suite de la découverte du réseau international d'escrocs évoqué ci-
dessus et des présomptions de complicité qui les liaient dans la participation aux méfaits de ce
réseau, retrouve, lui aussi, une position officielle plus éminente au sein du secteur des hydrocarbures,
ce qui semble bien avoir été fait à dessein pour apporter aux "correspondants" étrangers, qui se
livraient à un véritable racket auprès des partenaires de SONATRACH, la preuve que leurs
complices en Algérie ont repris les positions "qu'il faut" pour redevenir "utiles et intéressants".
Pendant ce temps, ces mêmes individus et certains de leurs compères, avec l'encouragement
manifeste de leurs "protecteurs" qui se tiennent, pour l'instant, derrière le rideau, mais dont
l'identification n'est pas difficile à établir, se livrent à des "investigations" très poussées aussi bien au
sein des multiples services de la SONATRACH qu'auprès de groupes étrangers, dans l'espoir de
"découvrir" de quoi se venger sur les cadres qui les ont démasqués, éliminés et "démontisés" ou bien,
à défaut de vengeance, de quoi exercer sur ces cadres un chantage destiné à couvrir de nouveaux
méfaits commis au détriment des intérêt de l'Algérie, comme c'est précisément le cas pour le contrat
de révision du prix du gaz livré à la Société El Paso.

127
Alors que l'on fait éplucher les comptes de la SONATRACHen remontant aux débuts mêmes
de son existence, dans l'espoir de découvrir des détournements ou des abus dans l'utilisation des
fonds ou des biens de l'entreprise, sous forme de frais de mission, d'usage de véhicules ou de prise en
charge de certaines dépenses à caractère personnel, en vue de constituer des dossiers pour accuser de
dilapidation de deniers de l'Etat les anciens dirigeants du secteur des hydrocarbures ainsi que des
cadres dont on cherche à se débarrasser, on fait perdre allégrement à l'économie du pays et au Trésor
de l'État un montant de plus de trois cent cinquante millions de dollars, concédé sans aucune
justification à un client étranger qui, probablement, n'en espérait pas tant, malgré la tentation qui a
été certainement la sienne de tirer profit du changement de direction intervenu dans notre entreprise
pétrolière nationale. Bien plus, pour jeter de la poudre aux yeux, assurément dans le but de cacher ce
jeu et de faire croire à la Direction Politique que l'on déploie tout le zèle voulu pour assainir la
gestion de la SONATRACH et mettre fin à la "gabegie" héritée du passé, on s'empresse de liquider
les antennes extérieures de l'entreprise, antennes dont le fonctionnement requiert un budget annuel
global qui n'équivaut même pas au quarantième du cadeau dont on a gratifié la Société El Paso. Cela
veut dire, en termes plus claire, que les trois cent cinquante millions de dollars US, laissés sans
raison valable à El Paso, auraient pu faire vivre toutes les antennes de SONATRACH à l'extérieur
pendant près d'un demi siècle et dépassent de très loin le montant de tous les avantages financiers
supplémentaires dont on aurait pu, par le plus exagéré des abus de pouvoir, privilégier les cadres de
cette entreprise.
Quelle considération les cadres de la SONATRACH, qui connaissent de telles jongleries et
les méfaits qu'elles recouvrent, peuvent-ils nourrir à l'égard de leurs nouveaux responsables et même
de quelle crédibilité bénéficierait désormais, auprès de ces cadres et de tous ceux à qui cet état de
choses n'échappe nullement, la Direction Politique dans son ensemble, qui tolère une pareille
situation ou se montre incapable de la prévenir ou de l'enrayer ?
En vérité, les individus, revenus, au sein de la SONATRACH, à des postes de responsabilité
qui leur permettraient, sans doute, d'écumer à nouveau l'entreprise et pour lesquels l'habitude de tirer
profit des rapines, de se vautrer dans les affaires malhonnêtes et de se plier à la servilité, est devenue
une caractéristique si profonde de leur manière de vivre qu'ils s'en sont fait, en quelque sorte, une
seconde nature, commettent l'erreur capitale, au même titre, d'ailleurs, que leurs protecteurs, de juger
les autres par référence à eux-mêmes, ainsi qu'aux sentiments et aux pratiques qui sont les leurs ; ils
en arrivent, ainsi, à penser que l'on ne peut avoir assumé une responsabilité sans s'être "sucré". Ils en
viennent, alors, à croire que tous les autres ne peuvent avoir un comportement différent du leur et
qu'il n'y a plus en Algérie d'éléments pour lesquels le dévouement à la chose publique constitue
encore une valeur respectée, même si cela devait conduire à y consacrer quelque sacrifice,
notamment en affrontant les foudres des "Dieux" sous les ailes de qui ces escrocs aiment ou croient
se mettre en sécurité. Quand la lâcheté, l'odieux, la calomnie et le mépris de la chose publique ainsi
que la déconsidération touchant les valeurs de la Révolution atteignent un certain degré, on hésite
toujours, en cherchant à savoir quelle attitude adopter, entre le mépris et le défi. Bien qu'il donne
quelque sentiment de se rabaisser à un niveau auquel on répugne tout naturellement, le concours que
l'on doit à la manifestation de la vérité et le devoir de contribuer à éclairer les militants sincères et
dévoués à la cause de la Révolution conduisent à la conclusion que c'est le défi qui devient,
aujourd'hui, la seule attitude conséquente. Aussi, peut-on dire, en toute sérénité, à tous ceux qui
croient détenir quelque atout que ce soit, quelque document que ce soit, quelque information que ce
128
soit sur la gestion du secteur industriel, et du secteur des hydrocarbures en particulier, d'en faire état
et de se présenter auprès des instances chargées du contrôle dans le pays.
Malheureusement, des faits patents montrent que l'assainissement n'est pas le souci majeur de
ceux qui en parle le plus, puisque des tentatives de corruption perpétrées à l'égard de responsables de
l'entreprise de la part de certaines sociétés étrangères demeurent pratiquement sans lendemain, etc.
On serait bien en droit de considérer, face à une telle situation, que l'action préconisée par d'aucuns
comme une innovation heureuse et visant à "démanteler les empires" et à "dissoudre les féodalités"
soi-disant hérités du passé, n'est rien d'autre, en fin de compte, qu'un paravent destiné à dégager la
voie aux vautours avides de monter des opérations d'escroquerie au détriment de notre secteur des
hydrocarbures, à masquer le retour de certains individus dont les méfaits sont connus et à éliminer les
éléments "gênants" qui ont refusé, dans le passé, de se faire les complices des "hommes de paille" de
certains personnages qui ont gagné en importance par suite de la disparition du Président
Boumédiène.

8.4.3. - A quoi conduit l'engagement au service de l'Etat et de la Révolution ?


Faudrait-il alors en arriver à considérer, désormais, que l'engagement au service de l'État et de
la Révolution ne conduit qu'à deux issues possibles : échouer et sombrer alors dans l'opprobre et
l'oubli ou bien réussir et s'exposer, en conséquence, au reproche de constituer des "féodalités"
dangereuses pour l'équilibre du pays, avant de se retrouver érigé en ennemi à abattre ? En dehors de
cette alternative, il ne reste que la voie qui conduit aux clans, aux allégeances personnelles et à la
veulerie, c'est-à-dire à la soumission aux intérêts égoïstes, aux attitudes sectaires et aux visées
partisanes, ce qui aboutit inéluctablement à la prédominance de la médiocrité, à la négation des
intérêts de l'État et au reniement des valeurs de la Révolution.
Dans ces conditions, quel militant accepterait, dorénavant, d'assumer des responsabilités et
d'engager d'autres militants à le suivre dans l'accomplissement de la mission qui lui serait confiée s'il
constate qu'en même temps qu'on l'invite à affronter d'autres problèmes et à se charger d'autres
tâches et qu'on tente de le persuader qu'il possède toutes les qualités requises pour réussir dans sa
nouvelle mission, on s'acharne à démolir l’œuvre qu'il a contribué à faire réaliser au cours de
missions précédentes, en même temps qu'on recourt aux procédés les plus vils pour décourager et
briser les cadres qui, en prenant part à la réussite de ces missions avaient cru servir leur pays et la
Révolution ? Quel militant risquerait, dans l'avenir, de se dévouer à la cause de la Révolution et au
service de l'État s'il sait, à l'avance, que le triste sort qui lui sera réservé, au bout du compte, est de
l'accuser de former une "féodalité" et de le condamner à assister, dans l'impuissance, à la vindicte qui
frappera, comme des malpropres, ceux qui auront accepté de le suivre pour l'aider dans sa tâche et
qui auront refusé de se plier à des injonctions visant à les détourner de la voie du devoir et de
l'honnêteté ?
Au demeurant, ce n'est pas le moindre des paradoxes qui se succèdent depuis quelque temps
que la valse des cadres qui se déroule dans le secteur des hydrocarbures. En effet, au moment où ils
assistent à la dispersion et à l'éloignement, comme des malpropres, de beaucoup de leurs
collaborateurs qui les ont aidés dans l'accomplissement des tâches qui leur avaient été confiées dans
le passé, les militants, qui ont assumé durant plus de quinze années la responsabilité de créer, de
développer et de gérer le secteur des hydrocarbures, se voient proposer prendre en charge d'autres

129
secteurs, Pour justifier ces propositions, on avance comme argument que ces secteurs traversent une
situation difficile et ont besoin de connaître un redressement vigoureux et que la réussite obtenue
dans les domaines de l'industrialisation et des hydrocarbures permet de bien augurer du succès de ce
redressement. De deux choses l'une : ou bien ces militants auxquels on propose la mutation vers de
nouveaux secteurs où des difficultés sont à affronter et à résoudre, n'ont pas démérité dans la mission
qui était la leur précédemment et, dans ce cas, on ne comprendrait pas les raisons pour lesquelles
leurs anciens collaborateurs sont aujourd'hui les victimes d'un ostracisme, d'un sectarisme et d'un
rabaissement outranciers, ou bien ces collaborateurs s'avèrent être des malfrats et des individus
malhonnêtes, incompétents ou indignes qui n'étaient pas à la hauteur de leurs tâches et, dans cette
hypothèse, ceux qui ont eu la charge de les commander et de les diriger par leurs orientations et leurs
directives ne sauraient litre considérés comme étant d'une meilleure facture que leurs anciens
collaborateurs et ne mériteraient pas de se voir confier de nouvelles responsabilités dans des secteurs
où le pays attend des solutions urgentes et des résultats concrets pour le bien des citoyens et pour la
bonne santé de l'économie nationale. Il faudra bien un jour que le mystère qui entoure ce paradoxe
soit clarifié et que les ambiguïtés soient levées.
Le fléau social le plus pernicieux qui menace notre société n'est-il pas dans le fait que
beaucoup de cadres semblent se résigner à l'idée que, pour réussir ou, tout au moins, pour éviter des
ennuis, il est préférable et, en tout cas, plus sûr d'entrer dans une coterie, de se mêler à des
entourages qui portent bien, ceux-là, la marque de la féodalité et ne pas s'embarrasser de trop de
scrupules quand il s'agit de choisir entre la loyauté et la déloyauté, entre l'honnêteté et la
malhonnêteté, entre la Révolution qui anoblit et la servilité qui permet de parvenir ?

8.4.4. - Une opération de diversion, fondée sur l'imposture et la mauvaise foi, et dans le
but de dissimuler.
A la lumière de ce faisceau d'éléments troublants et de présomptions sérieuses, la manœuvre
grotesque lancée publiquement autour de la révision du prix du gaz livré à la Société El Paso apparaît
dans sa véritable signification : une opération de diversion fondée sur l'imposture et la mauvaise foi
lancée dans le but de créer un nuage de fumée destiné à masquer les concessions, pour ne pas dire
plus, accordées à la société américaine, en violation flagrante, en ce qui concerne les modalités de
fixation du prix de vente de notre gaz naturel, de règles clairement établies depuis longtemps et
consacrées dans de nombreux autres contrats conclus par la SONATRACH et, aussi, en contradiction
avec les possibilités nouvelles que la situation du marché de l'énergie offrait à l'Algérie. La
dérogation aux règles évoquées ci-dessus et l'évaluation des concessions à accorder en fonction de la
situation du marché sont d'autant plus anormales qu'elles n'ont donné lieu à aucune consultation des
instances politiques habilitées à en apprécier l'opportunité, comme cela se faisait dans le passé.
Par contre, on a monté en épingle ce qu'on a présenté comme une perte qu'aurait subie
l'Algérie en raison du maintien de l'application de l'ancien prix prévu dans le contrat de 1969 aux
livraisons effectuées au cours de la première année de la mise en exécution de ce contrat, alors que
cette prétendue perte n'est rien d'autre qu'une sorte d'avance consentie à la Société El Paso sur le
montant d'un avoir auquel cette dernière peut légitimement prétendre, suivant les pratiques en usage
dans le commerce international du gaz naturel. Cette avance initiale, dont on a exagéré à dessein la
somme qui n'atteint pas le chiffre de deux cent quatre-vingt-dix millions de dollars cité devant
l'opinion, ne représente pas, du reste, la plus grande part du montant mentionné ci-dessus comme
130
devant revenir à la Société El Paso, puisque les conclusions du contrat de révision dont on a voulu
faire, par le biais d'une véritable escroquerie morale, un succès éclatant à l'actif des nouveaux
responsables de la SONATRACH et une preuve manifeste de la carence, sinon de la trahison de
l'ancienne direction de l'entreprise, laissent encore à la société américaine un avantage
supplémentaire dont la valeur dépasse substantiellement celle correspondant aux deux cent quatre-
vingt-dix millions de dollars qu'on a jetés en pâture à une opinion dont on a ainsi délibérément faussé
l'information. Du reste, il est utile de souligner que l'avance initiale évoquée ci-dessus aurait pu être
d'un montant plus faible, si l'usine GNL1 d'Arzew avait fonctionné moins bien au cours de la
première année de sa mise en production. Mais, à la déception sans doute des dénigreurs de notre
industrialisation pour lesquels "la plupart de nos unités industrielles ne marchent qu'à un faible taux
de leur capacité", l'usine d'Arzew a connu une montée en cadence rapide, ce qui a permis à la
Société El Paso de recevoir un volume de GNL plus grand et, par voie de conséquence, d'enregistrer
une avance initiale plus importante sur son avoir auprès de SONATRACH. Si l'usine GNL1 avait
connu un démarrage plus difficile, elle aurait produit moins de GNL et la société El Paso n'aurait
bénéficié, avant la révision du prix, que d'un avantage plus réduit, ce qui aurait augmenté d'autant le
reliquat que lui accorde aujourd'hui le contrat de révision.
En d'autres termes, la remontée du prix de son niveau ancien, tel que fixé dans le contrat
conclu en 1969, jusqu'au niveau à déterminer nouvellement dans le cadre de la révision devant se
faire progressivement durant une période à convenir contractuellement, en application d'une pratique
universellement reconnue dans les usages du commerce international du gaz naturel, le rabais qui
devait être consenti à la Société El Paso après la révision et qui, soulignons le encore une fois puis-
qu'on a "omis" de le mentionner dans les déclarations faites à la RTA et à la presse écrite, a été
effectivement consenti par le contrat signé en mai 1979, aurait été plus important que celui qui figure
dans ce contrat, si l'usine GNL1 d'Arzew avait fonctionné à un taux plus faible de sa capacité
pendant les premiers mois de sa mise en production. Tout compte fait, c'est la réussite enregistrée par
la SONATRACH dans la maîtrise de sa première grande unité de production de GNL qui est à
l'origine du montant de l'avantage gagné par la Société El Paso au titre des premières quantités de
gaz dont elle a pris livraison, montant que les auteurs de la manœuvre montée autour de cette affaire
ont transformé en perte subie par l'Algérie, en prenant soin, de surcroît, d'en gonfler le chiffre avec
une évidente mauvaise foi. Quant à la perte énorme que l'Algérie aurait subi dans l'avenir si l'ancien
prix n'avait pas été modifié, elle n'est rien d'autre qu'une affabulation grotesque inventée par ses
auteurs pour les besoins de leur entreprise de dénigrement, la révision du prix et son alignement sur
les autres prix pratiqués par la SONATRACH pour la vente du gaz naturel algérien se trouvant, à la
date du remaniement ministériel de mars 1979, non seulement acquis dans leur principe, mais
pratiquement proches de leur aboutissement, aboutissement qui aurait pu être encore plus avantageux
pour l'Algérie, n'était-ce la complaisance dont a bénéficié la Société El Paso au cours de la phase
ultime des négociations de la révision intervenue après mars 1979.
Si, maintenant, l'on veut inférer de cette affaire qu'il ne fallait pas vendre notre gaz naturel au
prix convenu en 1969, lors de la signature du contrat avec la Société El Paso, cela signifie tout
simplement que l'Algérie aurait dû se croiser les bras et ne rien entreprendre, en stérilisant, ainsi, ses
gisements de gaz naturel, car il resterait à déterminer à quel moment on pourra estimer que le prix du
gaz naturel aura atteint un niveau qui ne donnera pas lieu à révision, en considérant que la
conjoncture du marché international de l'énergie fera jouer toujours cette révision en faveur de
131
l'Algérie et sans préjudice du surcoût élevé que notre économie aurait eu à supporter, si elle avait à
réaliser actuellement ou plus tard l'ensemble des installations industrielles qui concourent aujourd'hui
à assurer la livraison du GNL vendu aux différente clients de la SONATRACH. On mesure, ainsi, à
quelle aberration peuvent conduire les spéculations qu'inspire la mauvaise foi et, en fin de compte, la
seule stupidité.
En définitive, c'est le contrat signé en mai 1979 qui a déterminé le montant global de
l'avantage reconnu à la Société El Paso, en application des règles en usage sur le marché
international du gaz naturel, montant dans lequel s'intègre la somme, d'ailleurs surévaluée, de deux
cent quatre-vingt-dix millions de dollars présentée à l'opinion comme une perte subie par l'Algérie
par suite de ce que l'on veut faire accréditer comme une carence ou une trahison des anciens
responsables du secteur des hydrocarbures. Ce montant global comprend aussi, naturellement,
l'avantage supplémentaire accordé comme reliquat complétant les deux cent quatre-vingt-dix
millions de dollars ; mais, de ce reliquat qui atteint 400 millions de dollars, on n'a rien dit à l'opinion,
bien évidemment, de la même manière qu'on s'est bien gardé, également, de faire état devant la RTL
et la presse écrite du cadeau supplémentaire de plus de trois cent cinquante millions de dollars dont la
Société El Paso a été généreusement gratifiée suivant le processus décrit ci-dessus et sans aucune
raison par ceux qui ont pris la responsabilité de conclure la phase ultime des négociations qui ont
abouti au contrat de révision signé en mai 1979.
En conclusion, l'épisode évoqué plus haut, à propos de la révision du prix du contrat
SONATRACH-EL PASO, se résume en un tour de main tendant au paradoxe de consentir à la
Société américaine des avantages inespérés par le jeu d'une opération où l'on fait porter le chapeau
aux anciens responsables du secteur des hydrocarbures dont on cherche à mettre en doute l'intégrité
et, par delà ces responsables, c'est à la mémoire du regretté Président Boumédiène que l'on tente, en
fin de compte, d'attacher la marque d'une affaire présentée comme douteuse et comme un héritage
préjudiciable aux intérêts du pays.
Le trouble suscité au sein de l'opinion n'a pas d'autre objet. Dans certaines réactions faisant
suite à cette opération qui est le produit de l'imposture et de la mauvaise foi, le souci légitime de se
préoccuper des intérêts du pays n'est pas le seul à prévaloir. Le rôle de "révolutionnaires purs et durs'
dont quelques-uns aiment à se réclamer, éprouve vraiment beaucoup de mal à se séparer d'une
volonté difficilement contenue d'assouvir une revanche inavouée et de régler des comptes peu
reluisants.
La vérité étant, malgré tout, difficile à étouffer, et les procédés par lesquels on tente de
tromper l'opinion finissant toujours par être démasqués, on en vient à recourir au chantage pour
empêcher que les tenants et les aboutissants de cette triste affaire soient connus et que la mésaventure
de ceux qui l'ont montée de toutes pièces soit révélée au grand jour. Mais, au même titre que cette
mésaventure elle-même, les atouts que les apprentis maîtres-chanteurs croient détenir dans leur
manche ne tarderont pas, à leur tour, à tourner à la confusion de ces derniers.
Ce n'est pas la première foie que le secteur industriel connaît le désagrément de se heurter à
des mésaventures de cette nature et aux agressions de ceux qui en sont les acteurs.
Cependant, si les metteurs en scène qui ont actionné ces acteurs dans le passé sont aujourd'hui
bien connus, il reste à découvrir l'identité de ceux qui les ont engagés dans cette nouvelle

132
mésaventure, si malencontreuse pour eux, lancée à propos de la révision du prix du contrat
SONATRACH-EL PASO. En attendant, une telle mésaventure est à retenir, dans la façon de
conduire les affaires de la Nation, comme un précédent pour le moins fâcheux et porteur de germes
nocifs pour la santé morale du pays et comme l'un des épisodes qui illustrent bien la campagne de
dénigrement visant à défigurer notre politique pétrolière et à rabaisser la valeur des résultats qu'elle a
obtenus et du renom favorable qu'elle a apporté à l'Algérie auprès de nombreux pays, notamment au
sein du Tiers Monde.
De fait, dans le cadre de la politique pétrolière suivie et appliquée par l'Algérie depuis quinze
années, il demeure peu d'idées qui n'aient été envisagées, tentées ou préparées, tant la stratégie suivie
par cette politique s'était fixée comme règle fondamentale d'envisager toutes les hypothèses et de
mettre, à la portée de la direction politique du pays, une panoplie d'alternatives dans la conduite des
affaires relevant d'un secteur vital pour la vie et l'avenir de la Nation, afin d'éviter à l'Algérie de se
trouver engagée dans une voie sans issue et de ne pas âtre à court de solutions de rechange, si les
circonstances de la lutte contre l'hégémonie des intérêts impérialistes et les retournements de la
conjoncture mondiale de l'énergie devaient rendre nécessaire de modifier le cours de notre action ou
d'entreprendre de nouvelles opérations commerciales, industrielles, politiques ou diplomatiques.

133
TITRE V. - DEVELOPPEMENT ET GESTION DES ENTREPRISES
: CHOIX ET CRITERES.
Chapitre 9 - Le choix des technologies et ses implications sur la
politique de développement.
La note du Ministère des Finances se concentre sur la question ayant trait au "financement des
investissements planifiés des entreprises".
Il n'en demeure pas moins que certaines critiques relatives à la technologie, à son coût, son
choix, sa maîtrise, sa productivité, y apparaissent en filigrane ou de manière allusive, laissant crain-
dre que le Ministère des Finances ne soit en train de se rallier à une thèse connue en matière de choix
technologiques. Cette thèse, qui continue à faire couler beaucoup d'encre à l'étranger, trouve, semble-
t-il, de plus en plus de défenseurs, au plan national, au sein de l'Administration et de l'Université.
Elle consiste à prôner, auprès des pays du Tiers Monde, l'acquisition, pour les besoins de leur
développement, de technologies qui ne soient ni trop coûteuses, puisqu'ils n'ont pas de devises, ni
trop complexes, puisqu'ils manquent de main-d’œuvre qualifiée, ni trop automatisées, puisqu'ils ont
des problèmes d'emploi, ni de trop grandes dimensions, puisqu'ils n'ont pas de marché... Et pour bien
persuader les responsables politiques du Tiers Monde du bien fondé de cette thèse et de la pertinence
de ces conseils, on leur agite, sous les yeux, des épouvantails qui, pour avoir tellement servi, ont fini
par être éculés : l'endettement extérieur qui va compromettre l'indépendance économique et, donc po-
litique du pays ; les usines qui ne peuvent être mises en marche ou qui sont utilisées bien au-dessous
de leur capacité parce que la population n'a pas de tradition industrielle ; l'industrie à haute
technologie qui n'est pas apte à créer suffisamment d'emplois dans un pays souffrant du chômage,
avec, pour conséquence, un climat de tensions sociales ; le marché national trop limité, qui ne peut
pas absorber la production des usines, même conçues au minimum de l'échelle économique, etc.
Dans son "Rapport 1979" publié tout récemment, la Banque Mondiale n'hésite pas à affirmer que la
technologie et l'industrialisation "à l'occidentale", c'est-à-dire embrassant l'ensemble des branches
industrielles, ne peuvent qu'aggraver les problèmes du Tiers Monde ; elle va même jusqu'à
recommander, en conséquence, aux pays en voie de développement de renoncer à l'électrification et
de s'en tenir à la civilisation du "Kanoune" et de la lampe à huile.
Sur ces diverses questions, l'Algérie a déjà depuis longtemps pris position et expliqué les
raisons qui l'ont amenée à briser ce cercle vicieux et à s'engager dans une voie diamétralement
opposée, car les "cercles vicieux du sous-développement ne le sont que pour ceux qui s'y laissent
enfermer" comme l'avait proclamé, en avril 1974, le regretté Président Boumédiène devant
l'Assemblée Générale des Nations Unies. Dans le cadre d'une stratégie de développement appuyée
sur une industrialisation en profondeur, l'option algérienne pour une technologie avancée a été
largement explicitée et consacrée dans la Charte Nationale, qui doit constituer désormais, pour les
responsables nationaux, l'unique source de référence, la seule doctrine.
Tel ne semble malheureusement pas le cas. Des responsables au sein de l'Etat et du Parti, se
laissant prendre par des idées simplistes type "Café du commerce", n'hésitent pas à contester, souvent
de manière détournée, le choix raisonné effectué par la Direction Politique sous l'égide du Président
Boumédiène et inspiré par un large consensus national.

134
Se fondant sur notre expérience industrielle de la dernière décennie, des chercheurs et des
universitaires algériens prennent maintenant publiquement le relais des "Conseillers" étrangers ; par-
tant de constatations fragmentaires, soigneusement sélectionnées pour les besoins de la cause, ils en
arrivent à construire de "nouvelles" théories sur les choix technologiques qui n'ont rien à envier aux
thèses néo-classiques encore enseignées dans les universités occidentales. Ce n'est certainement pas,
non plus, l'effet du hasard si cette remise en question et ces théories sont régulièrement reproduites et
amplifiées, Outre-Méditerranée, par certains organes de presse et que de soi-disant spécialistes du
développement s'en inspirent et s'y appuient pour écrire que l'économie algérienne est à "l'heure des
choix" ou que l'Algérie est à la "croisée des chemins". Cette campagne, habilement orchestrée de part
et d'autre de la Méditerranée, nous amène à nous interroger sur les buts poursuivis. Est-ce pour
préparer l'opinion algérienne à un changement de direction dans la stratégie de développement
approuvée massivement lors de l'adoption de la Charte Nationale ?
La convergence des indices qui apparaissent ça et là, notamment à travers certaines
affirmations avancées dans la récente communication du Ministère des Finances, permettent de
croire que c'est là justement l'objectif recherché. Il est particulièrement troublant de constater que
cette thèse, jusque-là pure spéculation de pseudo-théoriciens sans contact avec la réalité de l'industrie
algérienne, devient maintenant un cheval de bataille pour des responsables dont la fonction est juste-
ment de concrétiser, sur le terrain, la stratégie officielle de la Révolution telle qu'elle est définie par
la Charte Nationale.
Limités à la question de la technologie, les arguments habituels sur lesquels repose cette thèse
et repris dans la note du Ministère des Finances s'articulent principalement autour de 5 thèmes :
- Le coût de la technologie achetée,
- Son degré de complexité,
- L'absence de maîtrise de cette technologie,
- Son impact sur la Société,
-La dépendance qu'elle aggrave vis-à-vis de l'extérieur.
Ces divers aspects sous lesquels est appréhendée la question de la technologie ne constituent
évidemment que les multiples facettes d'un seul et mime problème, tel qu'il est perçu, sans doute à
travers un prisme déformant : celui du parti pris délibérément adopté sur le choix de la technologie
nécessaire à l'industrialisation du pays. Il est clair que ce qui est en cause, c'est à la fois la
technologie retenue par l'Algérie, en même temps que la manière dont la sélection est censée être
effectuée. Il ne fait guère de doute qu'à travers cette critique, c'est la voie choisie pour
l'industrialisation du pays qui est également mine en cause.
Pour en revenir aux quelques affirmations du Ministère des Finances ayant un lien avec le
sujet, il y a lieu de les prendre, une par une, et d'essayer de les mener au bout de leur logique pour en
montrer les implications quant à la question de la technologie :

9.1. - La technologie coûte de plus en plus cher.


Limité au strict plan financier, ce coût s'appréhende sous deux aspects, externe (inflation
internationale) et interne (surcoût d'origine nationale).
135
9.1.1. - Faut-il cesser de l'importer et arrêter le développement ?
"L'inflation internationale et le renchérissement exagéré des prix d'importation aggravent la
situation des entreprises nationales (qui ploient) déjà sous le poids de renchérissement énorme du
coût des investissements, des études et des dépenses d'assistance technique...", lit-on dans la note du
Ministère des Finances.
Deux observations peuvent être faites à ce sujet :
- la technologie achetée à l'étranger revient de plus en plus chère à l'Algérie du fait de
l'inflation internationale.
- les entreprises ne supportent plus le poids de leurs investissements.
Deux conclusions peuvent en être tirées et considérées, soit alternativement, soit
cumulativement :
- Il convient maintenant de freiner les importations de technologie et de ralentir, par
conséquent, les investissements industriels ;
- Il convient maintenant d'opter pour une technologie moins coûteuse, donc moins avancée
et de réorienter les investissements vers les secteurs autres que les industries de base ou
que l'industrie tout court.
Il est pourtant clair, compte tenu de la tendance de l'inflation mondiale à devenir structurelle,
que tout projet dont la réalisation est différée à une date ultérieure reviendra beaucoup plus cher,
L'intérêt de l'Algérie et le bon sens ne militent-ils pas plutôt pour une accélération de l'inves-
tissement, au moins jusqu'à la limite véritable des capacités financières du pays et de ses priorités ?
S'agit-il d'opter, à partir de maintenant, pour une technologie moins coûteuse, donc moine
avancée et à faible valeur ajoutée ? La Charte Nationale a déjà répondu à une telle interrogation :
"céder à la facilité d'une technologie peu avancée... C'est se laisser prendre au piège d'un engrenage
qui ... a pour conséquence de maintenir et d'aggraver le retard technologique" (titre VI, VII, 3 - p.
153).
Encore que l'option pour une technologie de pointe n'a jamais été systématique, comme cela a
été établi dans les faits et consacré dans la Charte (titre VI p. 150). Des exemples pris dans les
secteurs des textiles ou de l'industrie alimentaire, particulièrement visés par nos pseudo-théoriciens,
montrent amplement que des techniques simples ont été privilégiées chaque fois qu'elles étaient de
nature à créer plus d'emplois (transport à l'intérieur de l'usine, manutention, stockage...) sans
compromettre le niveau de productivité ou celui de la qualité des produits finis, ni mettre en danger
la sécurité des travailleurs.
S'agit-il de réorienter les investissements vers d'autres secteurs ? Cela est possible, à
condition, toutefois, que cette réorientation se fasse dans le cadre d'une politique globale et cohérente
et sans remettre en cause la stratégie de développement arrêtée par la Charte Nationale. D'ailleurs,
des initiatives ont été prises, à cet effet, lors de la présentation des programmes d'investissements
1978 et 1979, par le Ministère des Industries Légères, qui a eu l'occasion de faire certaines
propositions allant dans ce sens. Encore, y a-t-il lieu de rappeler que l'industrialisation a été investie
d'un rôle stratégique dans l'édification des bases matérielles du socialisme et de l'indépendance
économique du pays et qu'elle se situe à l'amont et à l'aval des autres secteurs, en tant qu'elle leur
136
fournit toutes sortes de biens et de matériaux et qu'elle leur assure des débouchés et un marché par
son rôle de créateur d'emplois et de distributeur de revenus.
De plus, le fait d'investir davantage dans les autres secteurs, notamment pour renforcer
l'infrastructure économique et sociale (hydraulique, communications, travaux publics, construction...)
ne libère pas, pour autant, de l'obligation de recourir à une technologie étrangère onéreuse et souvent
complexe, sans compter qu'investir davantage dans les autres secteurs implique aussi un appel accru
à des biens et à des services qui, s'ils ne sont pas fournis par la production nationale donc par
l'industrie pour une large partie, doivent être importés. Et pour les importer, encore faut-il disposer
de devises, ce qui nous ramène à la nécessité d'accroître les productions exportables, c'est-à-dire,
encore une fois, d'accroître l'industrie, tout particulièrement dans la branche des hydrocarbures.

9.l.2. - Que faut-il faire pour en réduire les coûts internes ?


L'inflation internationale et le renchérissement des prix d'importation ne constituent qu'un
facteur aggravant qui se conjugue, selon cette même thèse, avec l'effet de "l'organisation interne de
notre économie, de ses circuits et procédures".
C'est ainsi que les entreprises souffrent également de facteurs de surcoûts "internes" parmi
lesquels le Ministère des Finances relève les retards dans la réalisation dus à "l'insuffisance de
programmation, de maîtrise des circuits et procédures, au manque de personnel qualifié...". Certes,
il y a des retards dans la réalisation, mais faut-il généraliser pour autant et jouer de l'amalgame pour
faire le procès des entreprises?
Les causes de retard peuvent être classées au moins en trois catégories :
- Celles qui sont internes à l'entreprise elle-même,
- Celles qui sont le fait de son partenaire étranger,
- Celles qui sont imputables à l'environnement national.
La troisième catégorie étant traitée par ailleurs, il suffit de rappeler que les difficultés dues à
l'environnement actuel causent le plus de soucis à l'entreprise. Il semblerait pour le moins injuste et
peu logique de rejeter sur l'entreprise la responsabilité de certains problèmes dus en grande partie au
manque de cohérence dans la politique suivie par certains services de l'état, voire à leur carence,
sinon à leur hostilité ou à leur opposition.
Il reste, néanmoins, certaines difficultés d'ordre objectif, en matière de retard dans les
réalisations qui demeurent imputables soit à l'entreprise elle-même, soit à son partenaire étranger et
qui relèvent, d'une manière générale, des modalités d'acquisition et de maîtrise des technologies
importées. Ces difficultés là devraient être assumées par le pays dans son ensemble ; en effet, les
entreprises n'étant que des instruments d'exécution d'une politique, leurs difficultés sont les
difficultés de la Nation entière. A plus forte raison, et au risque de se déjuger, les responsables
politiques ne peuvent pas ne pas endosser les responsabilités des conséquences d'une politique dont
ils gardent la paternité et qui découlent de facteurs objectifs qui reflètent l'état d'évolution de notre
Société dans son ensemble.
Il faut faire la distinction entre le fait d'adhérer totalement à une politique en tant que simple
exécutant et celui de concevoir cette politique et d'en ordonner l'exécution.

137
Autrement dit, les entreprises doivent-elles aussi assumer la responsabilité de certains actes
ou décisions qui s'imposent à elles et qui les dépassent ?
Puisque l'on parle de financement, il en est ainsi de la politique de financement des
investissements, comme de la politique fiscale ou encore de la politique douanière, commerciale ou
de prix, comme de la politique sociale et salariale. De plus, si les entreprises souffrent d'un "manque
de personnel qualifié", jusqu'à quel point est-ce de leur faute et jusqu'à quel autre est-ce la faute des
structures d'enseignement et de la formation du pays ? La sous-qualification est une situation
objective dans laquelle s'est trouvé le pays depuis son entrée dans l'ère industrielle.
Est-ce une raison suffisante pour freiner l'industrialisation ou se tourner vers des technologies
dépassées ?
Ne convient-il pas plutôt de renforcer les efforts pour éduquer, former, perfectionner toujours
davantage et pour améliorer la qualité des enseignements ?
S'il s'agit de ce dernier type de surcoûts, ils ne sont ni plus ni moins que la conséquence de la
somme des handicaps qui caractérisent précisément l'état de sous-développement du pays. Prétendre
sortir de ce sous-développement en adoptant, qui plus est, la voie la plus juste, la plus efficace et la
plus rapide, celle du socialisme, et refuser d'en payer le prix, c'est, pour le moins, faire preuve d'une
certaine inconséquence. A moins que cela ne soit, comme il y a tout lieu de le craindre, un simple
alibi pour tenter de remettre en cause l'industrialisation du pays et, à travers elle, la stratégie adoptée
précisément pour sortir du sous- développement actuel.

9.2. - Technologie simple et technologie avancée : avec quels objectifs et pour


quels intérêts ?
L'un des reproches fait aux responsables de notre politique industrielle est qu'ils auraient opté
systématiquement en faveur des grandes échelles et des technologies de pointe et qu'ils auraient
laissé à nos partenaires étrangers une telle marge de manœuvre dans la conception et le choix des
équipements que ces derniers ont pu facilement imposer à notre industrie, toute une série de gadgets
coûteux et superflus sans tenir compte, entre autres, du niveau de qualification de nos travailleurs.
Le moins qu'on puisse dire est que l'on fait là un véritable procès d'intention aux entreprises
industrielles nationales et que ceux qui leur adressent de tels reproches n'ont qu'une connaissance
superficielle ou livresque des affaires industrielles ; on peut se demander combien d'usines ils ont pu
visiter en Algérie et à l'étranger pour porter de tels jugements. L'observateur averti, le moins bien
disposé, s'il prenait le temps de visiter nos réalisations et de les comparer avec certaines installations
de l'étranger, pourrait même affirmer le contraire. Nos pseudo-théoriciens, s'ils étaient animés d'un
minimum d'objectivité, pourraient en faire de même, mais encore faut-il qu'ils trouvent le temps de
s'arracher à la lecture des volumineux traités publiés Outre-Mer pour se rendre sur le terrain et
rechercher de tels exemples de "gadgets" à citer à l'appui de leurs affirmations qui, faute de
justification, sont pour le moins gratuites.
Par ailleurs, lorsque le Ministère des Finances fait référence au "faible rendement du
travailleur national comparé à celui des pays industrialisés, l'inexpérience des cadres... et aux
difficultés de maîtrise de la technologie", il vise le problème de l'adéquation de la technologie au
niveau de qualification de la force de travail. Ces affirmations apportent, encore, de "l'eau au
138
moulin" des défenseurs de la thèse déjà présentée plus haut : "les travailleurs du Tiers Monde sont ce
qu'ils sont et toute question de coût ou d'emploi mise à part, il ne sert à rien de leur imposer
brutalement une technologie moderne, car ils ne sauront pas la dominer et l'utiliser efficacement.
Conclusion : puisque le travail du pays sous- développé est d'un niveau inférieur, il faut lui choisir
une technologie simple qui soit à sa portée".
Certes, il y a eu des pays du Tiers Monde qui ont adopté une telle voie et connu un relatif
succès et l'on cite volontiers les cas de la Tanzanie avec ses "techniques de village" et la Chine de
Mao avec ses mini hauts-fourneaux éparpillés dans la campagne. Mais est-ce que les conditions de la
Tanzanie ou de la Chine de Mao sont celles de l'Algérie d'aujourd'hui ? Et sait-on que la Tanzanie,
malgré son option pour les technologies intermédiaires, n'a pas pour autant rejeté la technologie de
pointe ? Qu'est en train de faire maintenant la Chine de "l'après Mao", sinon suivre la voie tracée par
l'Algérie : moderniser son économie sur la base d'une technologie étrangère avancée et ne craignant
pas de s'endetter auprès des pays occidentaux pour l'obtenir, car confiante dans ses propres
potentialités ? Sait-on que les Chinois viennent visiter certaines de nos usines pour saisir comment
nous avons procédé pour l'acquisition de la technologie et qu'ils ont approché telle ou telle société
occidentale pour lui demander de leur réaliser chez eux des unités, selon les méthodes appliquées par
les Algériens ?
Il est, pour le moins, piquant de constater qu'au moment où les Chinois décident, sur le plan
de l'industrialisation, de se tourner vers une voie proche de la voie algérienne, certains de nos
"stratèges" formulent, pour notre économie, des propositions d'orientation vers des formes
d'industries rurales qui ne sont pas sans rappeler la voie chinoise suivie jusqu'à une époque récente.
Faudra-t-il attendre que la Chine ait consacré la voie choisie par notre pays depuis longtemps pour
que cette voie soit, enfin, acceptée par ces "stratèges" ?
Au demeurant, il n'est pas sans intérêt de mentionner ici que l'adoption, en Algérie, de
technologies relativement simples et faisant appel à une utilisation accrue de la main- d'oeuvre
n'épargne pas à notre industrie des critiques aussi acerbes que celles que lui vaut le recours à des
technologies complexes. C'est ainsi que l'usine de porcelaine de la SNIC à Guelma, qui a été réalisée
en coopération avec la Chine Populaire et qui utilise des techniques qui font intervenir largement le
travail manuel de l'homme, se voit reprocher de fournir des produits qui manquent de finition et dont
la qualité n'est pas suffisamment attrayante pour le consommateur qui lui préfère les produits
similaires provenant de l'importation. Mais, l'utilisation d'une technologie plus automatisée qui aurait
permis de suppléer, dans une certaine mesure, à l'insuffisance de qualification de la main-d’œuvre se
serait heurté, à son tour, au reproche de ne pas être génératrice d'un plus grand nombre d'emplois.
Quand on connaît, d'une part, la rapidité avec laquelle évoluent les progrès de la science et de
la technique, surtout dans certaines branches industrielles et, d'autre part, le délai nécessaire à la
maturation des projets, de leur réalisation, de leur montée en cadence, de la maîtrise des opérations
jusqu'au moment de leur amortissement, il serait pour le moins irresponsable d'investir aussi
massivement dans les technologies retardataires.
On sait où conduit la logique d'un tel raisonnement : le pays reste sous-équipé, la population
sous-qualifiée, le retard technologique aggravé, la dépendance technique et économique accrue. Si
les difficultés rencontrées actuellement viennent du faible rendement du travailleur national, la véri-
table cause n'est pas imputable à la technologie. Et si elles viennent de l'inexpérience des cadres,
139
comment leur faire acquérir l'indispensable expérience sans les confronter aux problèmes de la
technologie moderne. "La signification des industries utilisant des technologies avancées a été
largement explicitée par la Charte Nationale (Titre VII, II, 5 à p. 170). Il est certain que les
industries de ce type détiennent un rôle capital pour la promotion de l'homme et qu'elles permettent
de réduire la dépendance de l'industrie nationale et des autres activités vis-à-vis des économies
étrangères".
La Charte ayant été suffisamment claire là-dessus, il est permis de s'interroger sur les buts
inavoués des orientations de la note des Finances, car, il est clair que pour tout responsable patriote,
il ne peut y avoir d'autre orientation que celle qui a été définie dans la Charte. Si problème de
maîtrise de technologie il y a, la solution ne réside pas dans un nivellement par le bas, mais dans un
effort accru pour relever le niveau de qualification des travailleurs, assurer leur "promotion
technologique" et améliorer les conditions d'acquisition et de maîtrise des technologies.
S'il y a une bataille à mener sur le plan national, c'est bien de celle là qu'il s'agit. Il convient, à
cette fin, d'utiliser toutes les voies disponibles pour la gagner, notamment par la mise en oeuvre
concrète de notre politique scientifique et technique dont, entre autres, la promotion de l'activité
inventive et la normalisation doivent constituer des piliers. Il ne faut pas oublier, en effet, que le pays
n'est pas engagé dans une simple industrialisation, mais dans une révolution industrielle, processus
plus vaste et plus profond car "l'industrialisation, en Algérie, prend la signification et les dimensions
d'une véritable révolution en ce sens que, comme la Révolution Culturelle et la Révolution Agraire,
elle intègre, aux objectifs qu'elle s'assigne par ses actes d'investissements et par les activités qu'elle
crée, et à la transformation des rapports de production, consécutive à l'option socialiste, la mutation
profonde de l'homme et la refonte de la Société en même temps qu'elle agit pour remodeler le visage
du territoire" (la Charte Nationale, Titre IV, III, p. 79).
Parallèlement et simultanément, il y a lieu de continuer aussi la lutte sur le plan international,
pour amener les détenteurs de la technologie moderne dans les pays industrialisés à consentir un
transfert réel de cette même technologie vers les pays du Tiers Monde.
En outre, l'une des raisons de nos difficultés en matière de technologie, selon nos pseudo-
théoriciens, est ce qu'ils appellent le "libéralisme technologique". Les entreprises jouissent, selon
eux, d'une trop grande liberté dans le choix des technologies et des partenaires et cette liberté les
aurait amenées à des solutions qui sont loin d'être optimales.
Quand le Ministère des Finances affirme que "les choix de nos investissements productifs... à
l'avenir, devraient absolument répondre à certains critères de rentabilité, de dimension et d'emploi
dont il n'a pas été assez tenu compte jusqu'à présent..." ou qu'il souligne que "le critère de rentabilité
financière mérite d'être pris sérieusement en considération dans la méthodologie d'évaluation des
projets", il ne fait que reprendre à son compte ce même argument.
Faire une critique aussi générale est bien trop facile. Sur quels exemples précis se fonde-t-on
pour affirmer que nos choix industriels ne reposent en définitive sur aucun critère ou que les
entreprises procèdent au choix de leurs investissements au gré de leur fantaisie ?
Le Ministère des Finances est pourtant bien placé, en tant que source principale du
financement, pour savoir comment les choix sont opérés, quand ils ne sont pas décidés directement
au niveau du Conseil des Ministres lui-même. Depuis le moment où naît une idée de projet jusqu'au
140
moment où le contrat de réalisation est signé, l'ensemble des opérations qui se succèdent suit une
procédure rigoureusement établie, qui fait intervenir non seulement l'entreprise elle-même, mais
également le Ministère de tutelle et bien d'autres Ministères, y compris celui des Finances lui-même,
ceux du Plan ou de l'Intérieur, sans compter certains services tels ceux chargés de la sécurité, qui
participent de plein droit aux commissions des marchés avant la conclusion finale. Où est donc cette
liberté dont jouiraient les entreprises pour choisir leurs investissements ? Au demeurant, il devient de
plus en plus fréquent d'entendre dire qu'auparavant : "il n'y avait pas de politique rationnelle" ; "on
faisait une politique de prestige" ; "on faisait de la "fuite en avant" ; "il n'y avait pas de contrôle"; "il
n'y avait pas de planification" etc. Des situations de ce genre, quand elles se créent, s'accompagnent
toujours d'une floraison de larbins qui, dans le but de se mettre au goût du jour et de gagner des
faveurs, offrent leurs services pour aller dans le sens de ceux qui détiennent le privilège de distribuer
des places ou des libéralités, mais qui ont besoin "d'experts" pour tenter de donner de la crédibilité,
d'un point de vue technique, aux thèses qu'ils veulent faire accréditer sur le plan politique. Les
retournements de veste que l'on a, de la sorte, en spectacle et la servilité complaisante qui caractérise
certains comportements sont d'autant plus flagrants qu'ils sont, souvent, le fait d'individus qui, hier
encore, se voulaient les plus ardents partisans des options et des valeurs qu'ils veulent démonétiser
aujourd'hui et se présentaient volontiers en fervents soutiens des réalisations issues de ces mêmes
options et de ces mêmes valeurs. c'est ainsi que s'expliquent, en grande partie, les inepties rappelées
ci-dessus et les tentatives visant à fausser et à dénaturer les bilans à présenter sur la politique de
développement suivie par le pays jusqu'à ce jour.
Ce n'est pas parce que certains s'estiment avoir été tenus à l'écart ou s'étaient tenus à l'écart
des affaires du pays, qu'il faille d'emblée considérer que, durant toute cette mise à l'écart, le pays
n'avait pas de politique, que son action n'était guidée par aucune stratégie et, surtout, que son
développement se déroulait de manière anarchique et n'obéissait à aucune planification. Certes, des
divergences, parfois sérieuses, se manifestaient à propos de certains problèmes, notamment en ce qui
concerne la manière de concevoir et de conduire la planification. Mais la Charte Nationale, par les
larges débats qu'elle a suscités, a permis de clarifier ces problèmes, en même temps qu'elle a défini
nettement les orientations de notre développement et fixé des objectifs concrets qu'il reste à traduire
en programmes précis et situés dans le temps, comme le recommande le IVème Congrès du FLN
dans sa résolution économique.
On peut donc dire que les choix qui ont été faits, en matière d'investissement, répondaient à
des critères préalablement établis et visaient des objectifs précis, avec un. souci d'optimisation des
résultats escomptés. Il demeure, cependant, que les critères de sélection des projets et de choix des
techniques ne peuvent être satisfaits tous à la fois au sein d'une même réalisation. Il y a certains de
ces critères qui sont nécessairement privilégiés par rapport à d'autres en fonction de la nature du
projet, de son lieu d'implantation, des caractéristiques des matières premières disponibles, de son
coût, etc. L'importance est que, sur la totalité des projets, grands, moyens et petits, l'ensemble de ces
critères se trouvent réunis et répondent aux besoins globaux du pays.
Quant au critère de rentabilité financière, s'il y a eu des cas où il n'a pas été retenu, le
Ministère des Finances est bien placé pour en connaître les raisons.
Certains complexes dans le domaine de la sidérurgie ou de la mécanique, ne satisfont pas,
cela est évident, à ce critère d'une manière rapide et n'y parviennent qu'au bout d'une période de
141
mûrissement plus longue que pour d'autres projets ; mais des impératifs d'ordre stratégique les ont
imposés ; leur raison d'être dérive, entre autres, de la nécessité de disposer, sur le plan national, d'une
industrie lourde conséquente qui sert de base à une industrialisation véritable et sans laquelle toute
notre politique de développement reposerait sur du sable.
Du reste, cette situation n'est pas propre à l'Algérie ; même dans les pays développés où le
problème de la maîtrise de la technologie ne se pose pas dans les mêmes termes qu'en Algérie, les
industries de base, dans beaucoup de domaines, ne réalisent leur équilibre financier que
difficilement, soit avec des délais assez longs, soit par l'intervention de subventions accordées sous
diverses formes par l'Etat.
D'autres exemples peuvent exister où le critère de rentabilité financière a pu être écarté, mais
toujours à l'avantage d'autres critères plus importants. Ceci, sans oublier de souligner qu'il est
toujours permis de négliger un tel critère au niveau interne d'un projet, si la production issue de
l'installation envisagée est, soit nécessaire aux besoins du pays pour son développement ou à la
consommation de la population (ciment, produits alimentaires, etc.) soit destinée à d'autres
installations situées en aval et dont globalement la rentabilité financière est assurée.
Pour ce qui est du choix technologique proprement dit, on ne peut pas dire, non plus, que les
entreprises ont disposé d'une telle liberté qu'elles ont systématiquement opté pour des technologies
de pointe coûteuses et difficilement maîtrisables.
Il faut se garder d'oublier que la technologie achetée à l'étranger vient le plus souvent comme
un élément d'un "paquet technologique" selon la forme du contrat "clé en main" ou "produit en
main". Les offres reçues dans le cadre de consultations internationales comportent bien d'autres
éléments tels que le financement, l'assistance technique, la formation, les équipements, la gestion
initiale, les garanties etc. Aussi, les mérites de chaque offre sont-ils appréciés globalement.
De ce fait, il est évident qu'il n'y a pas toujours de solution technique de rechange. Cela, par
contre, sera possible le jour où les capacités de l'engineering national nous permettront de défaire "le
paquet" et de ne recourir à l'extérieur que pour ce qui est strictement nécessaire. Ainsi, les procédés
techniques disponibles de par le monde, dans la mesure où des alternatives n'existent pas sur le plan
national, pourront faire l'objet d'une analyse comparative rigoureuse, avant que l'on opte pour l'un ou
pour l'autre. Cependant, il faut se garder de tomber dans l'illusion de croire que toutes les
technologies sont disponibles et libres à la vente, même à prix élevés et qu'il suffit de choisir, puis de
payer. Les technologies réellement dignes d'intérêts sont souvent protégées par le système des
brevets ou encore gardées jalousement au secret par leurs détenteurs, qui préfèreront toujours vendre
leurs produits plutôt que leur technologie et leur "savoir faire". L'exemple de Dupont de Nemours,
qui vient de refuser de céder sa technologie pour la fabrication de fibres synthétiques à la SONITEX,
n'est qu'un cas entre mille. L'Algérie s'est déjà heurtée, dans le passé, à des refus similaires de la part
d'autres multinationales, lorsqu'il s'est agi, par exemple, de fabriquer des engins de travaux publics,
des pneumatiques, du caoutchouc synthétique ou de l'aluminium. Par contre, ce qui est laissé au Tiers
Monde, ce sont toutes les technologies largement amorties et souvent dépassées, dont les pays
industrialisés ne veulent plus pour toutes sortes de raisons et qu'ils acceptent facilement de céder ou
qu'ils essayent même d'imposer aux pays sous-développés, pour bien les maintenir dans leur état de
sous-développement et de dépendance.

142
La stratégie des firmes multinationales apparaît maintenant clairement ; ne pouvant heurter de
front les revendications des pays du Tiers Monde pour un accès plus libre à la technologie, elles
s'efforcent d'en organiser le transfert de manière à toujours conserver leur avance et leur compétiti-
vité. Pour mieux parvenir à leur fin, elles financent, directement ou indirectement, les travaux de
recherche de certaines institutions internationales, publiques ou privées, pour élaborer de nouvelles
théories sur le type de technologies qui convient le mieux aux pays sous-développés. Il faut avouer
que beaucoup d'économistes et de responsables du Tiers Monde sont tombés dans le piège et
reprennent à leur compte des théories sur les technologies dites intermédiaires, adaptées,
progressives, appropriées... dont le seul point commun est qu'elles sont obsolètes et sans même avoir,
pour autant, l'avantage d'être bon marché. Aussi, quand les entreprises algériennes réussissent,
malgré tous les obstacles, à obtenir des technologies avancées, il vaut mieux s'en féliciter que le
déplorer, car les difficultés actuelles de maîtrise de ces technologies finiront par se résorber.
Pour le cas de l'Algérie, et comme cela est affirmé dans la Charte Nationale, c'est souvent de
haute lutte que le principe du transfert de certaines technologies lui a été concédé grâce à l'utilisation,
comme facteur de négociation avec les détenteurs de ces technologies, de sa capacité d'achat qu'elle
n'a pu mettre en jeu que grâce à l'instauration d'un monopole sur l'importation des produits issus de
cette technologie.
Nous n'aurions jamais pu arriver à imposer à ces groupes industriels étrangers de coopérer
avec notre pays pour la fabrication de moteurs, de camions, de tracteurs, des machines agricoles, des
appareils électro-ménagers, des pneumatiques, des phyto-sanitaires, des détergents, des appareils
électroniques et téléphoniques si, par le biais des monopoles, nous n'avions pas pu fermer nos
marchés à ceux qui refusaient de noua accorder cette coopération.
A l'inverse, s'agissant des produite pour lesquels ce monopole n'existait pas ou n'était pas
exercé par une entreprise industrielle ayant vocation à fabriquer ces produite, il a été difficile, sinon
impossible d'obtenir une telle coopération comme c'est le cas, par exemple, des petits appareils
électro-ménagers (type Moulinex), et des câbleries électriques ou téléphoniques. Pour certains autres
produits, qui sont parfois cartellisés sur le marché international, des accords n'ont été possibles que
lorsque les Ministères qui en sont grands utilisateurs se sont décidés à appuyer les entreprises
industrielles auprès de leurs fournisseurs.
C'est cette politique, explicitement consacrée par la Charte Nationale, que l'on essaie
aujourd'hui de remettre en question, ou ,à tout le moins, que l'on risque de remettre en question,
notamment par les tentatives visant, sous des prétextes divers, à priver certaines entreprises
industrielles du monopole qui leur a été dévolu sur les produits dont elles sont chargées de
promouvoir la fabrication en Algérie par des moyens nationaux. Leur enlever ce monopole ou
l'affaiblir, c'est les priver de leur atout principal et décisif face aux détenteurs des technologies qu'il
leur faudra acquérir pour réaliser ladite fabrication.
Il n'est pas interdit, là non plus, de retrouver, derrière les sophismes et les prétextes divers par
lesquels l'on tente de justifier de telles tentatives, la main des groupes étrangers peu désireux de voir
l'Algérie accéder à l'industrialisation de certains produits dont ces groupes veulent se réserver
l'exclusivité de la fabrication, afin de maintenir ainsi notre pays dans la position de simple client,
notre marché national servant de débouché pour l'écoulement de la production issue de leurs propres
usines. Si une telle éventualité devait se confirmer, elle ne manquerait pas de conforter les espérances
143
des compradores internes qui ne perdent pas encore l'espoir de monter de florissantes affaires dans le
sillage de l'écoulement des produits étrangers sur le marché national.
Est-il concevable de mener une politique vraiment nationale en matière de développement si
notre démarche devait se trouver influencée ou dictée par des inspirations provenant de ces
compradores ?

9.3. - Maîtrise de la technologie et productivité ; productivité et accumulation.


Partant d'une prémisse, l'option systématique pour une technologie de pointe donc
difficilement maîtrisable, la faisant suivre d'une proposition moyenne sur la force de travail non
qualifiée, nos pseudo-théoriciens concluent, tout naturellement, que la technologie de pointe difficile
à maîtriser ne peut être maîtrisée par une force de travail non qualifiée. Pourtant, la rigueur du
raisonnement n'est qu'apparente et relève plutôt d'un procédé qui tient davantage du sophisme que de
la logique. En effet, on sait déjà que la prémisse est erronée, l'option pour les technologies de pointe
n'étant pas systématique et que notre force de travail, même non qualifiée au départ, ne le demeurera
pas éternellement et que, par conséquent, la conclusion à laquelle on veut nous conduire ne peut être
que fausse.
Pourtant, la séduction d'un tel sophisme semble avoir produit son effet sur le Ministère des
Finances puisqu'il lie, selon un principe de causalité et d'une manière subtile, "le faible rendement du
travailleur national", "l'inexpérience des cadres", les "difficultés de maîtrise de la technologie" au
fait que "les finances publiques et extérieures de l'Etat sont gênées par la quasi-absence
d'accumulation que devraient engendrer les investissements publics ou par l'économie de devises
(sic) qu'aurait pu réaliser une plus haute productivité de l'entreprise".
Bien sûr, c'est une affirmation à caractère général, qui, apparemment, concerne tous les
secteurs.
Cependant, par le fait de mentionner l'entreprise par deux fois, dans le développement fait sur
l'absence d'accumulation des investissements publics, on semble viser le secteur industriel. A cet
égard, il convient, d'abord, que la question de savoir si, oui ou non, il y a eu accumulation dans le
secteur industriel et ce qu'on entend par accumulation soit élucidée, ce que précisément le présent
document se propose de faire dans le chapitre 13 consacré, ci-après, à l'accumulation.
D'ailleurs, au sens de la Charte Nationale (Titre VI, II p. 124), il y a quatre sources
d'accumulation.
- Les richesses d'origine minérale, dont les hydrocarbures.
- L'industrie.
- L'agriculture.
- Les services.
Les hydrocarbures occupant une place à part dans la mesure où, manifestement, il ne serait
pas raisonnable de leur contester la réalité de l'accumulation dont ils sont l'origine et ce quel que soit
le sens que l'on donne à cette notion, pourquoi dans ce cas, les critiques formulées dans la note du
Ministère des Finances à propos du problème de l'accumulation visent-elles uniquement l'industrie ?

144
Es-ce en raison de l'importance relative des investissements consacrés à l'industrie ? Peut-être
mais cela n'est pas convaincant. Oublie-t-on que l'industrie traverse actuellement une phase de
transformations profondes par suite des effets de la Révolution industrielle et de la mise en place des
rouages de la gestion socialiste ? Même si l'affirmation du Ministère des Finances repose sur
quelques faits concrets - ce qui reste à vérifier - ses services semblent ignorer que la Charte a
clairement établi que, si l'industrie représente une "grande source d'accumulation", "une période de
maturation et de démarrage est nécessaire avant que cette source ne devienne significative".
Quelle a été la contribution du Ministère des Finances pour raccourcir cette période de
maturation et accélérer cette phase de démarrage, comme le prévoit la Charte, pour les "adapter aux
exigences des échéances du développement du pays"?
Si l'objectif véritable est bien de renforcer la capacité d'accumulation du pays, il faut aussi
accepter d'acquérir une technologie moderne à productivité élevée et d'en payer le prix, même si ce
prix parait élevé au départ et malgré les difficultés passagères auxquelles peut donner lieu sa mise en
oeuvre dans le pays. Il ne s'agit pas, comme le précise bien la Charte, d'opter systématiquement pour
une technologie de pointe ; mais, lorsqu'il n'y a pas d'alternative, il faut savoir assumer ses
responsabilités et relever le défi qui consiste à s'engager dans la voie de la "Révolution technolo-
gique", pour des raisons économiques, certes, mais aussi pour des raisons sociales (élévation du
niveau de qualification et de revenu des travailleurs), politiques et stratégiques car, comme le dit
encore la Charte Nationale : "l'indépendance véritable postule l'indépendance économique qui
repose aussi sur la maîtrise de la technologie, et permet d'échapper au colonialisme technologique".
"Une plus haute productivité" de l'entreprise ramène, une fois de plus, au problème de la
technologie choisie par les entreprises. On connaît la thèse défendue actuellement dans certains
milieux. Elle est schématiquement la suivante : l'industrie algérienne se distingue par un faible
niveau de productivité caractérisé par un décalage substantiel entre :
- le niveau et le rythme des investissements qui lui sont consacrés et celui de la production
effective à laquelle ces investissements donnent lieu.
- la productivité potentielle ou théorique de l'appareil de production et sa productivité réelle.
Comme la productivité est déterminée par l'utilisation, à pleine capacité, des moyens de
production par la force de travail en place, on en conclut que ce manque de productivité est dû à une
absence de maîtrise de la technologie par les travailleurs et, par conséquent, au niveau de
qualification générale de ces travailleurs. Autrement dit, le choix des techniques n'a pas été "optimal"
; il est "trop ambitieux" par rapport aux capacités du travailleur algérien. Aussi, convient-il, pour
l'avenir, de mettre fin au "libéralisme technologique", de contrôler ce choix, en un mot, d'opter plutôt
pour des techniques moins élaborées, plus facilement maîtrisables et naturellement moins coûteuses.
Est-ce que l'allusion à la productivité des entreprises signifie que le Ministère des Finances
reprend à son compte cette analyse qui a été systématiquement réfutée par la Charte Nationale (titre
VI, VII, 3, p. 153, cité plus haut) ?
En dehors des aspects propres au procédé de fabrication qui est déterminé par la technologie
choisie, le niveau de productivité des entreprises est fonction au moins de deux autres facteurs qui
peuvent se conjuguer pour donner un résultat plus ou moins favorable :

145
- L'efficacité de l'organisation,
- L'effort productif fourni par les travailleurs.
Est-il besoin de rappeler que, sur le plan de l'organisation, les entreprises subissent
actuellement les contre-coups de l'accélération de notre politique de développement ?
Au cours des dix dernières années, la dimension même des entreprises a pris une très grande
ampleur ; le nombre des unités réalisées et en cours de réalisation s'est multiplié ; les effectifs ont été
décuplés. Peut-être que l'effort d'organisation n'a pas suivi au même rythme. Mais, il serait pour le
moins injuste d'oublier les causes qui ont contribué à cette situation : l'implantation dans les régions
déshéritées par souci de justice sociale et d'équilibre régional, la politique de décentralisation, la
dispersion des services imposée par le refus de construction de sièges sociaux, sans oublier la mise
en place et le rodage des organes de la G.S.E. Imposer aux entreprises autant de contraintes et exiger
d'elles en même tempe et simultanément une "plus haute productivité" relève, au mieux, d'un
manque total de réalisme et d'une quasi- ignorance des affaires industrielles. Persévérer dans cette
voie, c'est se faire, en définitive, le complice de tous ceux qui dénigrent l'expérience socialiste et
veulent la mettre en cause en prétendant justement se fonder sur le manque de productivité des
entreprises nationales. Malgré les insuffisances et les défaillances, le fait d'avoir réalisé autant en
aussi peu de temps n'en revêt pas moins un grand mérite, qui est à porter au crédit de l'Algérie et des
entreprises socialistes en particulier.
Dans ce cadre, on ne peut s'empêcher, non plus, de rappeler les atermoiements puis les refus
opposés par les services des Finances et du Plan, lorsque le Ministère de l'Industrie a voulu, par une
action d'envergure, travailler à la réorganisation financière et comptable des entreprises par le recours
à une collaboration technique de certaines firmes spécialisées.
Il est clair aussi que le niveau de productivité peut être également fonction de l'effort fourni
par les travailleurs. Nul ne peut nier, aujourd'hui, que les travailleurs du pays, où qu'ils soient, ne
fournissent pas encore tout l'effort requis pour augmenter la productivité ni même, parfois, pour faire
le minimum pour lequel ils sont rémunérés.
Cette situation, qui n'est pas particulière au secteur industriel, mais qui se constate au niveau
national, a pour origine les conditions de vie et de travail de notre main-d’œuvre et nous amène à
nous interroger sur ce qui a été fait jusqu'à présent pour faciliter la vie et améliorer les conditions de
travail, notamment en matière de logement, de transport, d'infrastructure sociale ou sanitaire ? Sans
oublier le manque de motivation et le malaise général qu'illustre la démobilisation politique
provoquée, entre autres, par les contradictions relevées entre ce qui est prescrit par la Charte et les
textes en vigueur et ce qui est pratiqué quotidiennement à tous les niveaux. Les effets de cette
démobilisation sont encore aggravés par un autre phénomène, social celui-là : l'instabilité des
travailleurs et spécialement des cadres, instabilité due, pour une grande part, à leur jeunesse et aux
disparités de rémunérations et d'avantages divers qui existent d'une entreprise à une autre et d'un
secteur à un autre. Par conséquent, s'il y a une action à engager pour relever le niveau de
productivité, il faut l'engager au plan national et pas uniquement à celui des entreprises. Il est
heureux de noter qu'une action visant à éliminer les disparités entre les rémunérations ait été entamée
; mais il faut rapidement la mener à son terme ; sinon, il y a risque de voir la situation se dégrader
rapidement et devenir bien plus inextricable qu'auparavant Cependant, cela n'est pas encore suffisant

146
; il convient parallèlement d'engager une action de mobilisation politique de grande envergure. Le
moment n'a peut être jamais été aussi mûr pour une telle opération.

9.4. - La technologie fait-elle peser des menaces sur la société algérienne ?


Parmi les critiques dirigées contre la technologie étrangère utilisée dans l'industrie algérienne,
deux thèses figurent habituellement en bonne place :
- Les choix technologiques n'ont pas suffisamment tenu compte des impératifs
d'élargissement de l'emploi, (d'où une concentration des revenus sur une couche de
population, par définition déjà privilégiée, d'où encore l'aggravation de la stratification
sociale et le risque d'aboutir à une nouvelle bourgeoisie d'Etat).
- L'influence de certains effets pervers par suite de l'importation, en même temps que la
technologie, de rapports de production, de modes de vie et d'habitudes sociales étrangers à
la Société algérienne, d'où le risque d'une aliénation sociale et culturelle.

9.4.1. - La technologie menace-t-elle politique de l'emploi ?


Par ces thèmes, c'est le problème bien connu du choix entre technologie à forte intensité de
capital et technologie à forte intensité de main-d’œuvre qui est posé. C'est également un sujet favori
des discussions de salon et sur les terrasses de café. Il est évident que les préférences qui s'affirment
au cours de ces discussions, vont vers la seconde puisque par nature, c'est une technologie peu
avancée, voire artisanale, donc facile à maîtriser, qui ne coûte pas chère, donc n'aggrave pas
l'endettement extérieur du pays et qui a l'avantage appréciable de créer un plus grand nombre
d'emplois. En termes plus économiques, pour les partisans de cette thèse, il est préférable d'opter
pour une technologie à productivité peu élevée dont le coût en capital par unité produite est plus
faible, de même, d'ailleurs, que le coût de production, ce qui permet, en plus de la création d'emplois
plus nombreux, de dégager des ressources pour les autres secteurs.
On connaît sur ce point, la thèse défendue dans la Charte Nationale : "Céder à la facilité
d'une technologie peu avancée et laisser, aux pays développés, le monopole du progrès
technologique et l'exclusivité du bénéfice qui en résulte, c'est se laisser prendre au piège d'un
engrenage qui, sous prétexte d'un surcroît dans la création d'emplois a pour conséquence de
maintenir et d'aggraver le retard technologique du pays, lequel se trouverait condamné ainsi à
demeurer toujours à l'écart des innovations qui, en améliorant la productivité, contribuent à élever
le niveau de vie des travailleurs et à soutenir la promotion de l'homme vers le progrès" (Titre VI,
VII, p. 153).
Certes, la création d'emplois et la nécessité de donner du travail à tout citoyen adulte en
mesure de travailler, font partie des obligations des responsables politiques et économiques du Pays.
Dans la conception du socialisme algérien, le travail n'est-il pas, en effet, non seulement "un droit,
mais aussi un devoir et un honneur" ?
"Bannir à jamais le chômage est également l'un des objectifs les plus pressants du socialisme
en Algérie". Il est clair, cependant, que ce problème aussi crucial et sensible qu'il puisse être, ne peut
être définitivement, ou même substantiellement, résolu par un choix de techniques qui serait plus
"judicieux" et donc différent de celui qui est préconisé dans la Charte Nationale.

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Le problème de la création d'emplois ne peut pas non plus être réglé uniquement par
l'industrie, même si, comme on le sait, chaque emploi industriel induit 2 à 3 emplois dans les
services. Le problème de l'emploi ne peut trouver de solution satisfaisante et définitive que dans le
cadre d'une stratégie globale de développement. Par conséquent, la seule solution est de continuer à
investir à un rythme soutenu, y compris dans le secteur industriel. Nous arrivons, en effet, à une
phase de notre industrialisation où les industries légères et de biens de consommation, plus intensives
en main-d’œuvre, prennent progressivement une certaine ampleur.
Enfin, pour en terminer avec cet argument, existe-t-il vraiment en ce moment un problème
d'emplois en Algérie ? Les mêmes rapports et les mêmes hérauts qui plaident en faveur de
technologies simples créant plus d'emplois ne craignent pas de se contredire lorsque, par ailleurs, ils
invoquent le manque de main-d’œuvre pour justifier le report ou l'annulation de certains projets
industriels ou bien quand ils font état de chantiers qui ne progressent pas de manière satisfaisante
faute de pouvoir recruter des travailleurs en nombre suffisant, ou bien encore quand ils affirment que
l'Agriculture manque de main-d’œuvre par la faute de l'industrie et que des milliers d'hectares de la
Révolution Agraire demeurent en friche faute d'attributaires.
Ces simples faits, à eux seuls, indiquent que la querelle faite à l'industrie, sur le problème de
la création des emplois, à propos des choix technologiques, est sans objet, ou bien procède de
motivations qui ne sont pas celles que l'on avance apparemment à travers l'argumentation invoquée.
Il s'agit, en réalité, d'un problème plus profond qui touche à la stratégie même adoptée par le pays
dans la conduite de son industrialisation.
Aussi, le dilemme entre technologie à intensité de capital et technologie à intensité de main-
d’œuvre dans lequel on a tenté d'enfermer les pays sous-développés, apparaît-il comme un faux
problème dans le contexte algérien ou, en tout cas, comme très largement dépassé par la pratique
aussi bien que par la théorie. Des économistes éclairés, de plus en plus nombreux même dans le
monde occidental, ne reconnaissent-ils pas, en effet, que rien ne serait plus erroné que de réduire le
problème du sous-développement à un problème de chômage et de s'y attaquer sous cet angle par
priorité, surtout quand il s'agit d'effectuer les choix technologiques dans le processus
d'industrialisation ?
Emprunter une telle voie ne peut mener qu'à une impasse, comme le montrent du reste de
nombreux exemples de par le monde. Ainsi, la Tunisie qui a misé à fond sur la théorie des avantages
comparatifs et a investi dans une technologie simple, intensive en main-d’œuvre, essentiellement
dans l'industrie des textiles orientée, par ailleurs, vers l'exportation et qui n'a pas fini de connaître des
déboires, à partir du moment où l'Europe lui a fermé les portes de son marché.

9.4.2. - La technologie importée menace-t-elle nos options ?


Par ailleurs, partant des soi-disant effets sociologiques induits par l'importation de
technologies, des milieux se prévalant d'idées progressistes se rejoignent curieusement avec certains
cercles obscurantistes, bien que pour des raisons opposées, pour adresser une critique systémique
contre le recours à la technologie étrangère, qu'elle soit avancée ou non.
Pour les uns, la technologie venant essentiellement du monde occidental, cette importation
massive a des effets pervers ; les firmes capitalistes et autres multinationales introduisent dans le
pays, par la même occasion, ou tendront d'imposer d'une manière insidieuse, un style de vie, un mode
148
de pensée, un schéma d'organisation et de gestion ou encore un modèle de consommation de type
occidental inconciliables avec les principes de la société socialiste que l'Algérie est en train d'édifier.
Pour éviter une telle mésaventure à notre société et aux cadres particulièrement visés, ils re-
commandent de se lier davantage aux pays du camp socialiste.
Pour les autres, la technologie étrangère d'où qu'elle vienne et spécialement lorsqu'elle est
d'origine socialiste, donc de pays considérés comme se prévalant de conceptions matérialistes, est
condamnable, car elle apporte dans son sillage un système de valeurs incompatibles avec notre
propre système de valeurs arabo-islamiques et qu'elle est de nature à éloigner les travailleurs de leurs
devoirs de bons musulmans.
Aux premiers, il y a lieu de faire deux réponses, l'une politique, l'autre technique. Ainsi que
cela est énoncée dans la Charte, la politique de non alignement de l'Algérie est, sur le plan extérieur,
"l'expression la plus appropriée de la politique d'indépendance nationale" vis-à-vis de toute
puissance étrangère, qu'elle soit de l'Est ou de l'Ouest. Cela dit, il n'en demeure pas moine que
l'Algérie ne cesse de développer sa coopération avec les pays socialistes dans tous les domaines,
d'autant plus que cette politique est fondée sur une lutte commune contre le colonialisme, le néo-
colonialisme et l'impérialisme (Charte Nationale, Titre V p. 114). Aussi, les liens privilégiés actuels
avec les pays socialistes ne sont-ils pas négligeables, bien loin de là ; le nombre de projets réalisés,
en cours de réalisation ou en discussion avec les pays socialistes est là pour l'attester.
Il n'empêche cependant, qu'on le veuille ou non, que la technologie occidentale dans
beaucoup de domaines est encore, pour des raisons historiques en particulier, en avance sur la
technologie des pays socialistes, qui, pendant des décennies et en raison des menaces pesant sur leur
sécurité, ont réservé une priorité absolue aux technologies concernant la Défense Nationale, dans les-
quelles ils ont atteint des performances remarquables, les mettant, parfois, au niveau le plus avancé
dans le monde. Certains responsables de ces derniers pays n'hésitent pas, du reste, à l'admettre en
privé devant les visiteurs étrangers, notamment Algériens. Aussi, les pays socialistes qui ont
également leurs limites et leurs contraintes, ne dédaignent-ils pas de recourir, eux aussi, à la
technologie occidentale, chaque fois qu'ils le peuvent. La lecture de la presse internationale permet
de constater qu'un nombre croissant de projets industriels sont implantés, dans les pays socialistes,
avec la collaboration de firmes occidentales et qui vont de l'industrie mécanique (véhicules V.I. et
V.P.)3 à l'industrie hôtelière (construction et gestion) en passant par l'industrie des biens de
consommation, à un point tel que le volume de la dette extérieure de l'ensemble des pays socialistes
vis-à-vis du monde occidental commence à préoccuper ce dernier. On peut, par conséquent, en
conclure que les pays socialistes d'Europe, de même que la Chine qui vient de s'ouvrir largement à la
technologie occidentale, n'en craignent nullement les effets pervers pour leur société ? Pourquoi,
alors, l'Algérie serait le seul pays socialiste à les craindre ? Et ce, d'autant plus que l'Algérie ne peut
faire abstraction du monde qui l'entoure et dans lequel elle vit. Pays arabe, africain et méditerranéen,
l'Algérie ne peut ignorer, non plus, qu'elle est située aux portes de l'Europe. C'est donc avec les pays
qui l'entourent qu'elle aura principalement à confronter ses produits et à se mesurer sur le plan
technique, économique ou commercial. Le meilleur moyen de gagner sa place dans cette
confrontation n'est-il pas justement d'utiliser tous les atouts dont elle peut disposer, parmi lesquels,
une technologie avancée ?

3
V.I. = Véhicules Industriels. V.P. = Véhicules Particuliers.
149
Quant aux seconds, dans la mesure où leur thèse mérite bien une réponse, il y a lieu d'abord
de leur recommander de relire les passages sur l'Islam et la Révolution Socialiste dans la Charte
Nationale où il apparaît clairement qu'Islam, progrès ou modernité n'ont jamais été des notions
contradictoires.
Si le monde musulman et le monde arabe, en particulier, ont connu depuis plusieurs siècles,
un déclin incontestable, ils le doivent à des "facteurs de nature matérielle, économique et sociale tels
que les invasions étrangères, les luttes intestines, la montée des despotismes, l'extension de
l'oppression féodale et la disparition de certains circuits économiques mondiaux" (Charte Nationale,
Titre I, II p. 21).
La renaissance de l'Islam passe également par une transformation des mentalités que
favorisent le fruit du développement ainsi que le progrès de la science et de la technique. l'éclat avec
lequel la civilisation arabo-islamique a brillé dans le passé montre que les Arabes et les Musulmans
peuvent se placer à l'avant-garde de la culture, de la science et de la technique mondiale, sans
difficulté et sans dommage pour leur spiritualité ou leur personnalité.
Cependant, le narcissisme actuel de certains milieux qui se délectent dans la contemplation
nostalgique du brillant passé des Arabes et de l'Islam n'est pas fait pour régler les problèmes de la
société algérienne d'aujourd'hui, et encore moins pour lui assurer l'avenir auquel elle aspire. Si la
crainte de l'influence néfaste de la technologique étrangère est sincère, elle n'est nullement fondée.
Les racines arabo-islamiques de la population algérienne sont suffisamment bien ancrées pour
avoir su résister avec succès aux tentatives de dépersonnalisation de plus de 130 ans de domination
coloniale. Du reste, il existe dans le monde d'autres exemples, dont celui du Japon est peut-être le
plus frappant, qui montrent que progrès et modernité peuvent s'allier harmonieusement avec
traditions sociales et religieuses. Aussi, un tel défi n'est-il pas hors de portée de la société algérienne
actuelle.

Chapitre 10. - La technologie et la dépendance.


Le problème est posé en ces termes : la technologie acquise par l'Algérie pour sortir du sous-
développement est- elle un facteur de libération ou, au contraire, un facteur de dépendance ?
Un facteur de dépendance, répondent bien vite nos critiques. Se fondant sur certaines
considérations dont quelques-unes ont déjà été évoquées, ils placent leurs arguments sur le terrain
économique et financier, technique et même politique. L'ensemble de ces arguments aboutit tout
naturellement à une seule et même conclusion : l'aggravation de la dépendance de l'Algérie, au plan
économique et financier, technique et politique.

10.1. - La dépendance économique et financière.


Cette prétendue dépendance est mise en évidence de la manière suivante :
Le coût de la technologie est élevé, d'une part, parce que la priorité a été donnée aux
technologies de pointe et aux grandes échelles et que celles-ci coûtent cher, d'autre part, parce que
l'inflation mondiale gonfle démesurément ce coût. Le résultat est que le poids de la dette extérieure
devient insupportable et le service de cette dette atteint une proportion alarmante de nos recettes
d'exportation. Comme la plupart de nos autres importations nécessaires aux besoins de
150
fonctionnement de l'économie ou de consommation demeurent incompressibles et que l'austérité
imposée à la population a déjà atteint son seuil de tolérance, le risque de se trouver bientôt en état de
cessation de paiements est sérieux.
Aussi, le pays se trouve-t-il acculé à l'alternative suivante : soit continuer dans la voie actuelle
avec le danger qu'elle comporte, soit freiner ses investissements, notamment par le choix d'une
technologie plus appropriée et moins coûteuse, et sauvegarder son indépendance économique et
financière.
Une réponse a été déjà donné à ce type de question dans la note diffusée en janvier 1979 par
le Ministère des Industries Légères et intitulée "Note sur la recherche et la mobilisation d'emprunts
extérieurs pour le financement du développement de l'économie nationale". Il suffit d'en rappeler un
passage :
"Il est admis que si l'endettement est utilisé pour soutenir les dépenses de fonctionnement
d'un pays, il existe un risque de non solvabilité, car le pays ne réalise pas, avec les capitaux qui
créent cet endettement, les moyens de rembourser l'argent emprunté. Dans notre cas, tout
l'endettement résulte d'opérations de développement et il n'y a pas, de ce fait, de risque de non
solvabilité. Au demeurant, si le risque existait, et s'il avait pesé en 1978, les prêteurs d'argent
étrangers ne se seraient pas engagés en Algérie pour plus de 3 Milliards de dollars US pour cette
seule année 1978".

10. 2 - La dépendance technique.


La thèse développée pour expliquer cette dépendance s'appuie sur les arguments suivants :
En dehors de son coût financier, la technologie acquise par l'Algérie produit, en raison de son
niveau élevé, un certain nombre de conséquences qui se conjuguent pour renforcer la dépendance du
pays vis-à-vis du marché extérieur. Outre les "difficultés de maîtrise" par une force de travail
insuffisamment qualifiée, qui se traduisent par une "faible productivité" et une "absence
d'accumulation" et accentuent la fragilité de l'équilibre financier du pays, la complexité de la
technologie a imposé un recours croissant à l'assistance technique étrangère, de même qu'elle a
entraîné une augmentation des importations de pièces, produits et autres biens intermédiaires
nécessaires à la bonne marche de l'outil de production ainsi qu'aux opérations de maintenance.
Aussi, l'appel massif à une technologie aussi avancée, au lieu d'atténuer notre dépendance
technologique, n'a fait que l'aggraver et ce, d'autant plus qu'il n'y a aucun effort de recherche-
développement au sein des entreprises socialistes pour préparer l'utilisation même graduelle de
technologies proprement nationales et diminuer le recours systématique à l'étranger.
La thèse dont la substance a été ainsi présentée a fait déjà l'objet précédemment d'un certain
nombre de réponses.
Il faut, cependant, ajouter les suivantes :
Même si la situation présente est difficile, elle n'en est pas moine maîtrisable, à condition que
tous les efforts du pays tendent vers ce but et ne s'éparpillent pas dans des directions opposées.
La formation massive ainsi que le relèvement de la qualité de l'enseignement ont pour objet
de fournir, en nombre et en compétence suffisants, les cadres et techniciens nécessaires : l'expérience
151
aidant, le recours â l'assistance technique étrangère finira par diminuer avec le temps pour atteindre
un niveau plus acceptable, comme il l'est déjà dans certains secteurs.
Les investissements industriels ont sans doute induit de nouvelles importations de biens et
services, mais cela est naturel dans la phase actuelle et ne serait préoccupant que si on devait arrêter
là notre effort industriel.
Le propre de la croissance est justement de satisfaire certains besoins tout en créant d'autres.
Il nous appartient de savoir utiliser cette dialectique pour accélérer davantage le développement du
pays et faire face aux besoins nouveaux.

10.2.1. - Seule l'intégration permet une industrialisation authentique.


Il n'en est pas moins curieux de souligner que ce sont ceux qui critiquent ces nouvelles
importations induites par l'industrie qui dénoncent les taux d'intégration élevés dans les usines, alors
que cette intégration a, entre autres, pour objectif de diminuer les importations.
Ce problème de l'intégration fait partie, aussi, des thèmes que l'on retrouve le plus
fréquemment dans le déploiement de l'argumentation utilisée en vue de dénigrer notre industria-
lisation.
Parmi les arguments avancés pour critiquer l'intégration élevée appliquée dans certaines de
nos industries et pour en préconiser l'abandon ou la diminution, figure en bonne place le reproche
d'engendrer les coûts élevés qui caractérisent certaines de nos fabrications.
Beaucoup de nos complexes et de nos usines, en raison de la recherche d'une intégration
nationale la plus large possible, regroupent des fabrications dont le degré d'élaboration est élevé, du
fait que la majeure partie des pièces ou composants du produit final y sont réalisés. Car, dans son
essence même, ce concept de l'intégration nationale a pour but de faire en sorte qu'un produit
fabriqué dans le pays soit constitué, dans ses différentes composantes sur le plan physique et dans la
proportion la plus étendue, par des éléments qui soient authentiquement d'origine nationale. De ce
fait, plus l'intégration est élevée, plus la part des éléments, du travail et des matières premières
importés dans la composition d'un produit fabriqué localement est faible. C'est le contraire qui se
passe avec les activités de montage ou de conditionnement qui servent à réunir et à présenter, soue
une étiquette apparemment nationale, des éléments importés de l'extérieur. Dans ce cas, l'industrie
locale devient un simple canal, pour l'écoulement sur le marché national, d'une production issue
d'une économie étrangère,
Dans le but de surmonter les obstacles existant sur le marché national, qui, à l'origine, était à
la fois diversifié quant à la gamme des produits demandés et étroit en ce qui concerne sa capacité
d'absorption pour chacun de ces produits, nos complexes ou nos usines intégraient parfois, en
quantités relativement faibles, des fabrications, certes complémentaires mais faisant appel à des
technologies différentes. C'est dire l'ampleur et la complexité des problèmes engendrés par la mise en
oeuvre d'un tel outil de production.
En raison de la grande diversité des pièces, composants et produits de leurs programmes de
fabrication, ces complexes et usines ont nécessité, d'abord pour leur mise en place et ensuite pour
leur démarrage, la recherche et l'appel à des compétences rarement réunies entre les mains d'un seul
partenaire étranger.
152
De la part de l'opérateur algérien, cette situation a exigé un effort intense déployé dans le
domaine de la formation professionnelle et en matière d'assimilation des technologies. Cela explique
les nombreuses difficultés rencontrées dans la maîtrise des fabrications et les retards fréquents qui en
ont découlé.
Hormis les difficultés liées à l'assimilation de technologies nouvelles et à leur mise en oeuvre,
le fonctionnement de ces complexes a nécessité, en outre, l'introduction d'un type d'organisation du
travail radicalement nouveau et, en tout cas, totalement étranger à l'environnement humain
préexistant. Il a, d'autre part, créé des contraintes d'échanges et d'approvisionnements difficilement
compatibles avec la réglementation en vigueur, dans notre pays, pour les relations économiques avec
l'étranger.
Il ne fait aucun doute que la recherche d'un taux d'intégration élevé, dans le processus
d'industrialisation, constitue un objectif ambitieux, complexe et difficile à réaliser, qui demande la
mobilisation de ressources financières et humaines importantes et qui se traduit, dans les premières
années du moins, par des surcoûts au niveau des frais de production.
Mais il ne fait aucun doute, également, que seule une intégration nationale élevée peut assurer
à terme des conditions favorables à une croissance autonome de l'économie et renforcer sa capacité à
faire face aux besoins sans cesse croissants d'une population aspirant au bien-être.
Aujourd'hui, il est difficile à quiconque et, en particulier, à ceux qui ne cessent de prôner,
sous différents prétextes, que nous analyserons plus loin, l'abandon de l'intégration, de nier que celle-
ci a permis la création d'un ensemble industriel qui ouvre à notre pays un champ de développement
très vaste et qui constitue, par ailleurs, le meilleur atout dont l'Algérie dispose pour engendrer à
l'avenir, une source de revenus durable, seule capable de prendre la relève des hydrocarbures.
La principale source de richesse des pays développés ne réside-t-elle pas, en effet, dans la
puissance de leur potentiel industriel ? Récemment, lorsqu'il s'est agi, pour ces derniers, de donner
une impulsion nouvelle à ce potentiel industriel en le restructurant et en le modernisant pour lui faire
conserver son rôle moteur dans l'économie nationale, leur choix s'est porté sur les fabrications à
haute valeur ajoutée, c'est-à-dire sur celles qui subissent le plus haut degré d'élaboration et qui sont
donc les plus intégrées.
Au lieu, par conséquent, de rechercher à résorber les surcoûts nés de l'option pour une
intégration élevée dans nos fabrications, par des moyens qui résident principalement dans des
mesures destinées à assurer une meilleure maîtrise des technologies et à promouvoir une
augmentation de la productivité, on préfère prôner l'abandon pur et simple des fabrications géné-
ratrices de surcoûts pour revenir à des modes d'industrialisation sensiblement proches du montage.
On oublie, également, de considérer toutes les autres sources de surcoûts qui pèsent, plus
lourdement encore, sur les prix de revient des produits et qui tiennent, quant à elles, comme cela est
expliqué tout au long de ce rapport, à l'environnement administratif qui entoure la réalisation des
projets et leur exploitation, ainsi qu'aux charges financières et fiscales que ces projets supportent
indûment.
Lorsque, par exemple, l'industrie française du Camion s'est trouvée confrontée à des
problèmes de compétitivité, donc de coûts de production, la réaction des autorités françaises n'a

153
nullement consisté en l'abandon de cette industrie ou à sa désintégration, mais bien en une politique
de subventions destinée à favoriser l'écoulement de ses produits sur les marchés extérieurs4.
Les partisans d'une réduction du taux d'intégration de nos fabrications industrielles omettent,
également, de signaler qu'une des conséquences directes et non la moindre de l'intégration partielle
réside dans l'obligation, dans laquelle se trouveraient nos usines et nos complexes, de
s'approvisionner à l'étranger en pièces et composants entrant dans l'élaboration du produit final et
dont la fabrication locale serait abandonnée.
Ces pièces et composants ayant le plus souvent un caractère spécifique, leur achat ne pourrait
se faire qu'auprès d'un nombre restreint de fournisseurs (parfois auprès d'un fournisseur exclusif) qui
se verraient aussi attribuer un débouché captif au sein de notre marché national.
En dehors des liens étroits de dépendance qu'une telle situation provoquerait pour notre
industrie, les conditions financières et commerciales, dans lesquelles ces achats s'effectueraient,
seront loin d'être favorables à l'acheteur qui sera l'entreprise algérienne concernée, parce que, comme
l'expérience l'a montré, ces conditions seront déterminées selon le bon vouloir des fournisseurs, qui
auraient, alors, pleinement conscience de disposer, dans un tel cas, de moyens de pression efficaces
pour imposer à leur guise des prix élevés et des marges bénéficiaires importantes.
Il y aurait là une source de surcoûts, supportés en devises cette fois-ci, qu'il conviendrait
d'analyser avec soin. Il n'est pas exclu, en effet, que de tels surcoûts puissent peser sur les prix de
revient plus lourdement que les surcoûts d'origine locale ayant, pour cause, un taux d'intégration
élevé.
Il est, en tout cas, certain que l'entreprise algérienne sera moins bien armée pour agir sur les
surcoûts d'origine externe que sur les surcoûts d'origine locale.
En supposant, à la limite, que les conditions, telles que décrites ci-dessus, dans lesquelles
notre marché deviendrait captif entre les mains des fournisseurs étrangers des composants ou pièces
complémentaires, ne soient valables que pour une catégorie restreinte de produits et qu'il soit
possible à l'opérateur algérien, d'assurer, ainsi, pour la plupart des produits dont il a besoin pour ses
fabrications, un approvisionnement compétitif en faisant jouer, en sa faveur, les mécanise: de la
concurrence, il demeure établi, comme l'expérience l'a d'ailleurs suffisamment démontré, que le coût
d'acquisition de pièces élémentaires ou composants de toute nature entrant
dans l'élaboration d'un produit donné est plus élevé, lorsque ces derniers sont achetés en l'état
que lorsqu'ils sont livrés incorporés dans le produit fini.
Ce qui démontre bien que, dans de nombreux cas et dans un sens strictement commercial, il
est plus intéressant d'acquérir un bien livré monté que sous forme d'éléments à monter localement.
En se plaçant, maintenant, dans l'optique purement commerciale d'une élimination des
surcoûts liés à un taux d'intégration élevé, la désintégration présentée comme seul moyen de
résorption de ces surcoûts, amènera donc, dans une première étape, l'abandon d'une partie des

4
Le Gouvernement Français accorde, à Berliet, une subvention de l'ordre de 20 % du prix de vente pour lui permettre
de pénétrer le marché Nord Américain du camion et de compenser, ainsi, les effets du marasme qu'il connaît sur le
marché local.

154
fabrications et, ensuite, étant donné qu'une telle solution, au lieu de résorber les surcoûts, les
maintiendrait et les rendrait incompressibles, du fait de leur origine externe, à l'abandon pur et simple
de toute intégration et à sa substitution par de l'importation.
Est-ce là l'objectif visé par les adversaires de l'intégration ?
Ce n'est pas par le fait du hasard si, des pays à économie libérale, comme le Brésil, l'Espagne
et le Mexique, ont engagé très tôt leur industrie dans un processus d'intégration très poussée des
fabrications.
Cette politique s'appliquait à des entreprises capitalistes dont l'objectif était pourtant le profit
industriel. Le fait que ces dernières s'en soient accommodées prouve bien que l'intégration ne
constitue nullement une source permanente de surcoûts.
Bien au contraire, après une phase d'adaptation nécessitée par l'apprentissage de la main-
d’œuvre et par la maîtrise progressive des technologies, l'intégration locale des fabrications a ouvert,
à ces entreprises capitalistes, des possibilités de réaliser une valeur ajoutée plus importante que celle
qu'elles auraient tirée d'une activité de montage et leur a donné, en conséquence, l'occasion de
prélever des profits substantiels.
L'évolution de certains phénomènes économiques, tels que l'élévation rapide du niveau des
salaires dans les pays industrialisés, ont amené les entreprises de ces pays à rechercher d'autres voies
pour maintenir leur compétitivité et le niveau de leurs profits.
Ainsi, à côté des voies traditionnelles que constituent l'exportation de produits finis au coût
marginal ou la création dans les pays sous-développés d'usines de montage alimentées par des
composants et pièces importées, voies qui ont révélé leur limite par suite du renchérissement continu
des prix, consécutif à la hausse des salaires, ces entreprises procèdent, de plus en plus, à des
investissements directs dans les pays qui leur assurent le maintien de très bas salaires (Brésil, Asie de
Sud-Est) et leur garantissent le transfert intégral de leurs profits.
On comprend, dans ces conditions, qu'elles n'aient aucune crainte à réaliser localement le
maximum de valeur ajoutée, en intégrant fortement leurs fabrications.
On peut même dire qu'elles se sentent encouragées à le faire, dans la mesure où la même
masse d'investissements leur procure des profits proportionnellement plus élevés que dans leurs pays
d'origine.
Ainsi, tout en donnant l'illusion qu'elles contribuent à une industrialisation authentique dans
ces pays sous-développés, les entreprises capitalistes prélèvent des profits considérables, par une
exploitation effrénée de la main-d’œuvre locale.

10.2.2. - Où se trouve la véritable dépendance ?


Ce sont là des aspects que les adversaires de l'intégration omettent dans les analyses qu'ils
font de l'industrie algérienne et le hasard veut (mais est-ce toujours le hasard ?) que leurs
recommandations aillent dans le sens des intérêts bien compris de ceux qui n'ont jamais cessé de voir
dans l'industrie algérienne un adversaire potentiel et un concurrent qu'il convient de contenir dans des
limites compatibles avec la prépondérance des intérêts néo-colonialistes et impérialistes.

155
Du reste, même quand des entreprises étrangères, qui sont généralement les multinationales, y
implantent des industries très fortement ou totalement intégrées, on ne peut dire que les pays sous-
développés accèdent pleinement à l'acquisition et à la maîtrise de la technologie. En effet, ces firmes
étrangères, même si elles emploient du personnel autochtone au niveau le plus élevé de la hiérarchie,
conservent la totale maîtrise des fonctions essentielles de gestion.
Les centres de décision, véritables centres nerveux où s'élaborent et se décident les politiques
et où se déterminent les aspects essentiels qui affectent la vie de l'entreprise, sont localisés au-dehors,
le plus souvent dans le pays d'origine de ces firmes.
On ne verra que très rarement, sinon jamais, ces firmes installer, au sein des usines qu'elles
réalisent dans les pays sous-développés, des bureaux d'études chargés de concevoir, par exemple, les
adaptations multiples que nécessite un produit en fabrication ni, encore moins, de concevoir et
développer des produits nouveaux.
La politique commerciale, élaborée par ces firmes étrangères, sera dictée par les impératifs de
leur propre stratégie, qui se déploie généralement à l'échelle mondiale, et non en fonction de l'intérêt
du pays d'accueil.
Ces deux fonctions sont jalousement conservées par la firme étrangère, qui exerce ainsi une
tutelle très forte sur les industries délocalisées. Elles lui permettent, notamment, de maintenir en sa
faveur, une avance technologique importante, de contrôler de manière très étroite le transfert de
technologie vers les pays sous-développés et de maîtriser les marchés d'écoulement du produit.
Un exemple vécu dans notre pays illustre bien la situation décrite plus haut : c'est celui des
sociétés pétrolières étrangères qui étaient installées en Algérie avant les nationalisations de 1971.
Avant que leur nationalisation n'intervienne, ces sociétés ont toutes été invitées par notre
Gouvernement à algérianiser complètement leur personnel d'encadrement. En réponse à une telle
exigence, ces sociétés procédèrent à un recrutement massif de cadres algériens, dans certains cas en
encourageant la promotion d'agents subalternes qu'elles employaient déjà ; dans d'autres cas, en
recrutant de jeunes universitaires algériens fraîchement débarqués des meilleures Universités
étrangères et auxquels elles offrirent des salaires très avantageux.
Mais, qu'elle ait concerné le personnel subalterne, déjà employé par ces firmes et qui s'est vu
offrir des promotions rapides, ou qu'elle ait porté sur le personnel fraîchement sorti des universités,
auquel étaient accordés des avantages matériels substantiels, tels que logements de haut standing ou
versement à l'étranger, d'une partie du salaire en devises, l'algérianisation n'a été qu'une façade
destinée à masquer les procédés subtils par lesquels ces sociétés allaient continuer à conserver la
maîtrise des fonctions essentielles de gestion de leur entreprise.
Leur nationalisation a permis de découvrir que le personnel algérien, quel que soit son niveau
hiérarchique, était en fait cantonné dans des tâches d'exécution, qu'il n'était jamais associé aux
décisions qu'on qualifie habituellement de "politiques" dans la gestion d'une entreprise et que ces
décisions politiques s'élaboraient et se décidaient exclusivement à l'étranger, au siège des sociétés
mères de ces firmes.
Cette constatation qui se dégage aussi clairement de l'expérience vécue en Algérie se trouve
confortée par des constatations similaires que l'on relève même dans le cas de pays développés. C'est

156
ainsi que l'on peut lire dans le livre de Henri CLAUDE, publié aux Editions sociales de Paris sous le
titre : "Les multinationales et l'Impérialisme" :
"Cette domination absolue du centre de décision s'exerce à l'échelle internationale sur
l'ensemble des salariés du groupe, y compris les cadres. Comme l'explique un cadre français qui a
quitté le groupe américain IBM, aucun poste ne me semblait attrayant chez IBM-FRANCE ou même
IBM-EUROPE. Car les endroits intéressants, c'est-à-dire ceux où les décisions sont prises, sont
situés exclusivement aux Etats Unis. Elle s'exerce aussi par voie de conséquence sur l'ensemble de
chacun des peuples concernés."
Pour en revenir au cas des sociétés pétrolières en Algérie et en ce qui concerne le personnel
subalterne hâtivement promu aux postes d'encadrement, il est apparu qu'il n'exerçait, en fait, aucun
des attributs des fonctions qui lui étaient confiées, tellement était parfois grand l'écart entre ses
capacités réelles et les exigences de la fonction exercée. Pour combler cet écart qu'elles avaient
artificiellement créé et qui, du reste, arrangeait bien leurs intérêts, puisqu'il mettait cet encadrement
algérien hors d'état d'exercer une quelconque influence sur la gestion, ces firmes pétrolières avaient
recours au principe de la doublure qui consistait à placer auprès du personnel autochtone, des
assistants techniques auxquels revenaient en fait toutes les décisions importantes.
On voit donc bien que la localisation, en pays sous-développés, d'activités industrielles,
même lorsqu'elle s'accompagne d'une intégration élevée des fabrications et de l'emploi d'un
personnel d'encadrement autochtone, ne peut déboucher sur un affranchissement économique réel
que si elle s'accompagne du contrôle progressif, mais aussi rapide et complet que possible, par le
pays d'accueil, de fonctions aussi essentielles que le développement et la recherche, fonctions par
lesquelles s'exerce, de nos jours, la tutelle des firmes multinationales sur l'économie mondiale.
On constate aujourd'hui que seul le Japon, qui a engagé son processus d'industrialisation vers
la deuxième moitié du 19ème siècle, a réussi à s'affranchir de cette tutelle et ce n'est pas un hasard
s'il constitue aujourd'hui pour les Etats-Unis et l'Europe Occidentale un concurrent redoutable.
Dans le rapport sur les problèmes financiers de l'industrie socialiste, un cas vécu, il y a
quelques années au Mexique, est cité ; il illustre bien la situation de dépendance dans laquelle peut se
trouver, à tout moment, une industrie partiellement intégrée : "des ingénieurs mexicains avaient
réussi à mettre au point des camions à partir d'éléments de diverses marques de fabrication
étrangère et d'éléments dont ils avaient maîtrisé la production et qu'ils manufacturaient dans des
installations industrielles qu'ils avaient créées. Les ponts pour ces camions venaient des Etats-Unis.
Or, du fait de la guerre du Vietnam qui consommait une énorme quantité de matériel roulant, l'usine
américaine qui fournissait les ponts à l'entreprise mexicaine, avait coupé l'approvisionnement. La
conséquence en avait été l'arrêt de la fabrication des camions, alors qu'on devait financer les stocks
d'autre provenance et même pour partie prendre livraison de nouveaux stocks en application de
marchés dûment conclus antérieurement".
On arrive ainsi à la conclusion dégagée par la réalité vécue, parfois amèrement, et par les
leçons tirées des différentes étapes par lesquelles est passée notre démarche dans la recherche et
l'élaboration de la stratégie que nous avons adoptée et appliquée pour notre industrialisation, qu'il n'y
a de maîtrise véritable de la technologie qu'à travers une industrie authentiquement nationale, c'est-à-

157
dire socialisée et qu'une industrie nationale et socialisée ne peut être fondée que sur une intégration
d'un taux élevé, si l'on veut éviter de tomber dans toutes les formes de la dépendance.
Renoncer à l'intégration élevée, c'est donc renoncer tout simplement à l'édification d'une
industrie indépendante et, partant, à l'indépendance économique tout court. Cependant, comme
toujours et pour tenter de masquer les conséquences auxquelles conduisent leurs théories ou bien les
mobiles qui inspirent celles-ci, les défenseurs des conceptions néocolonialistes avancent leur
argumentation sous la forme d'un rejet de l'intégration coûte que coûte qui est la cause de coûts de
production trop élevés et donc de prix de vente inaccessibles. On croit pouvoir anesthésier ainsi
l'opinion pour l'engager sur la voie du renoncement à l'indépendance économique et l'amener à
accepter l'idée d'industries utilisatrices de technologies moins coûteuses.
Le recours à une technologie moins avancée, apparemment plus maîtrisable, n'aurait
certainement pas évité la dépendance technologique du pays. Si, véritablement, dépendance il y a, la
technologie avancée ne crée qu'une dépendance passagère, soit le temps nécessaire à sa maîtrise
tandis que la technologie moins avancée crée une dépendance structurelle et perpétue les liens de
dépendance. Là, aussi, il y a lieu de se référer à ce qui a été énoncé dans la Charte Nationale.
Quelle serait, en effet, la dépendance la plus grave :
- Celle qui résulterait de l'assistance technique et des quelques importations nécessaires pour
fabriquer de l'acier, des camions, des moteurs, des tracteurs, des machines agricoles, des
téléviseurs et, demain, des pneumatiques, des produits Pétrochimiques de base, de
l'aluminium etc.
- Ou bien celle qui mettrait l'économie du pays à la merci des groupes étrangers, si nous
devons acheter de l'extérieur des millions de tonnes d'acier pour approvisionner nos usines de
transformation et d'abord nos chantiers de construction en fer à béton, des quantités
considérables de produits, issus de la transformation du pétrole et du gaz, que nous vendons à
l'état brut, pour alimenter nos installations chimiques, nos unités de fabrication d'objets en
plastique ou nos complexes textiles etc. ?
Cette forme de dépendance serait encore plus grave ai l'Algérie dont les besoins en véhicules
industriels de différents tonnages sont estimés, pour le présent, à plus de vingt mille (20 000) unités
annuellement, devait laisser, avec de tels chiffres, son parc de transport se constituer entièrement à
partir de l'importation, car, faute d'installer ou de développer sur son territoire national et par ses
propres moyens les industries sidérurgiques, mécaniques ou chimiques nécessaires, parce que ces
industries requièrent des technologies "avancées", "sophistiquées" ou de "pointe", tout notre parc de
véhicules se trouverait à la merci des groupes étrangers pour ses pièces de rechange et pour le
renouvellement de ses pneus.
On peut multiplier, ainsi, à l'envie les exemples des cas d'aberration auxquels conduit la
dialectique de ceux qui croient trouver ou feignent de croire trouver la non-dépendance dans la
renonciation à ce qu'ils appellent les "techniques de pointe", à la manière de GRIBOUILLE qui, en
se jetant dans un lac, croit pouvoir éviter d'être mouillé par la pluie.
En vérité, c'est là un débat déjà traité et tranché par la Charte Nationale et la vraie question à
se poser aujourd'hui est de savoir pour quelles raisons il revient sur le tapis et quels mobiles réels
inspirent ou déterminent ces raisons.
158
Quant à la recherche-développement nationale, elle ne peut se concevoir qu'à partir du
moment où le pays dispose de moyens à y consacrer et de l'infrastructure nécessaire. Il s'y emploie
actuellement pour "faire progressivement du transfert de la technologie un processus interne devant
conduire à la création technologique" (Charte Nationale, Titre VI, p. 151). A ce propos, on ne
manquera pas de relever l'attitude négative des services financiers devant les projets d'implantation
des laboratoires centraux des entreprises socialistes dont l'objectif est justement de préparer ce
processus.

10.3.- La dépendance politique.


On agite également, ça et là, les conséquences des liens multiples et variés tissés, à travers ce
transfert de technologie, avec les pays capitalistes, conséquences, qui, en se conjuguant avec les
difficultés rencontrées sur les plans financier, économique et technique, vont finir par compromettre
l'indépendance politique du paye. Tel est, enfin, l'argument choc que tentent d'utiliser nos pseudo-
théoriciens pour essayer d'effaroucher certains responsables anxieux, à juste titre, de sauvegarder
l'indépendance nationale. Le comble du paradoxe, c'est que ces pseudo-théoriciens se fondent sur des
arguments très largement inspirés par les tenants du capitalisme mondial et par la stratégie des
multinationales en matière de technologie, pour se présenter en vertueux défenseurs de la cause du
développement et du socialisme en Algérie. On ne peut mieux montrer le procédé démagogique et la
mauvaise foi.
Ceci dit, il faut préciser que l'indépendance dans l'absolu n'existe pas. Même les États Unis,
qui restent l'une des premières puissances mondiales, sont très largement tributaires de l'étranger,
notamment en ce qui concerne leurs approvisionnements en énergie et dans certaines matières
premières stratégiques. La politique d'indépendance énergétique inaugurée du temps du Président
Nixon s'est soldée par un échec total : les importations américaines de gaz et de pétrole, au lieu de
diminuer ces dernières années, n'ont fait que croître, l'Algérie est bien placée pour le savoir.
En dépit de ses défauts et des visées de domination des grandes puissances, le monde actuel
reste caractérisé par une intense circulation de biens, de services et d'idées entre les nations. Dans un
monde dont les dimensions ont tant rétréci grâce au progrès des transports et des communications,
pour sauvegarder son indépendance, il faut savoir entretenir, avec les autres nations, des relations
d'une intensité et d'une qualité telles qu'aucun ne se sente dépendre de l'autre et inversement, parce
que chacun aura pris conscience qu'il est aussi dépendant des autres que les autres le serons vis-à-vis
de lui-même ou entre eux. Mais, tant que le niveau de développement des uns sera inférieur à celui
des autres, dans des proportions aussi considérables, que celles qui séparent actuellement les pays
développés des pays sous-développés, les seconds dépendront toujours des premiers. C'est pourquoi,
dans le cas de l'Algérie, la voie de l'indépendance passe obligatoirement par le développement, lui-
même tributaire, dans une large mesure, de l'acquisition de la technologie étrangère la plus avancée
possible ou, si l'on préfère, la moins dépassée possible.
Il est clair que le procès que l'on fait actuellement à la technologie, sous les divers aspects
évoqués ci-dessus, conduit en fait au procès des entreprises nationales et à celui de l'industrialisation
du pays, laquelle s'inscrit pourtant dans la stratégie de développement définie dans la Charte
Nationale.

159
Recourir à une technologie autre que celle qui a été acquise jusqu'à maintenant et, par là, il
faut entendre le recours à une technologie plus adaptée, en d'autres termes, retardataire, ne servirait
qu'à organiser son propre retard, sans pour autant réaliser un gain quelconque sur le plan de
l'indépendance technologique ; bien au contraire, cela reviendrait, purement et simplement, à
planifier son propre sous- développement et à tomber dans le piège des détenteurs de la technologie,
qui ne cherchent qu'à "planifier l'obsolescence" des techniques vendues aux pays sous-développés. Il
serait bien naïf de croire que cette "planification de l'obsolescence", affichée et pratiquée par les
entreprises du monde industrialisé, ne correspond pas en réalité à une politique délibérément
appliquée par ce monde industrialisé, qui ne renonce pas facilement aux marchés auxquels il s'est
habitué dans les pays du Tiers Monde.
Dans un article paru dans son édition de l'hiver 1976/1977, la revue américaine "Foreign
Policy", connue comme reflétant l'opinion des milieux diplomatiques de Washington, cite, à côté
d'autres affaires du même genre passées par des entreprises américaines avec le Japon, la Pologne et
la France, le contrat conclu entre la firme américaine GTE et SONELEC pour la construction du
complexe électronique de Sidi-Bel-Abbès, parmi les choses que le Gouvernement des USA ne
devrait pas autoriser, s'il veut sauvegarder la prépondérance de l'industrie américaine dans le monde.
On ne retrouve pas, dans l'énumération des cas cités dans l'article mentionné ci-dessus, des exemples
portant sur des contrats concernant des usines de montage du genre de celles que l'on cite à propos de
ce qui se fait en Tunisie ou dans d'autres pays du Tiers Monde qui se font les adeptes des
technologies adaptées. Ainsi, rien ne comble davantage les vœux de ces tenants de l'hégémonie
technologique d'Outre-Atlantique et de leurs homologues dans les autres pays développés que les
conceptions qui se font jour chez nous en faveur des technologies dites simples.
En vérité, pour peu que l'on se donne la peine d'approfondir davantage la réflexion sur les
thèses mises en avant à propos de la technologie par les censeurs de la politique d'industrialisation
suivie par l'Algérie et repris par le Ministère des Finances dans certaines de ses communications, on
finit par se rendre compte que le prétendu problème du choix de la technologie n'est rien d'autre
qu'un nuage de fumée derrière lequel l'on essaie de dissimuler un problème d'une autre nature et à
propos duquel des groupes étrangers, et notamment français, ainsi que les suppôts internes de ces
groupes tentent d'amener la Direction Politique du Pays à adopter des solutions qui font le jeu des
intérêts étrangers capitalistes, mais dont on s'évertue à masquer le contenu mercantile, néo-
colonialiste et anti-national.
Il est instructif à cet égard de laisser parler d'eux-mêmes les rapports, études et documents
traitant des stratégies de redéploiement qu'élaborent les pays développés ; c'est ainsi que l'on peut lire
:
- Dans le rapport du Groupe d'études sur les perspectives de la balance commerciale française
au cours des dix prochaines années (février 1978) :
"En fabriquant à l'étranger, notamment dans les pays en voie de développement, certains
composants peu élaborés de leurs productions, les entreprises nationales bénéficient de la
dotation favorable de facteurs de ces pays, sans toutefois renoncer au maintien sur le
territoire français de l'essentiel de la valeur ajoutée créée. Tel est le sens du développement
des "trafics de perfectionnement" qui prennent une ampleur croissante dans le textile et
l'électronique grand public".
160
- Dans un article d'Anne-Marie BOYER paru dans l'USINE NOUVELLE (6 octobre 1977) et
intitulé "Concurrence Africaine : comment s'y préparer" :
"Le développement de la concurrence africaine rend le transfert des productions de grandes
séries dans les pays à bas salaires absolument nécessaire. Cette stratégie de spécialisation
permet à l'industriel de continuer sa fabrication de "bas de gamme" à des prix compétitifs et
d'envisager une production plus sophistiquée en France ; elle présente l'avantage de
maintenir les emplois en France et d'accroître la productivité de l'entreprise".
- De même, dans l'article déjà cité, paru dans FOREIGN POLICY, et intitulé "Les
exportations de technologie peuvent nous nuire", l'auteur de l'article, Jack BARANSON,
après avoir défendu le point de vue selon lequel, "c'est l'intérêt de l'industrie US de
restreindre la possibilité de céder la technologie brevetée", écrit :
"Dans une économie mondiale en mutation, dans laquelle les pays en voie de développement
jouent un rôle croissant dans la production de biens manufacturés, les Etats-Unis
continueront à évoluer vers les productions exigeant des investissements élevés (capital
intensif) laissant les industries de main-d’œuvre aux pays à bas salaires".
En effet, l'approfondissement de la réflexion révèle très nettement que l'on vise à convaincre
l'Algérie de renoncer à certaines industries et à abandonner la fabrication de certains produits chez
elle par ses propres moyens nationaux, et qu'il ne s'agit pas simplement de changer ou de corriger le
choix des technologies dans la mise en oeuvre de ses différents programmes industriels. Le but visé
est bien la modification même de ces programmes, desquels les groupes étrangers, et notamment
français, souhaitent nous voir exclure carrément certaines catégories de fabrication ou, à tout le
moins, nous limiter en ce qui concerne ces dernières, à de simples opérations de montage, à défaut de
donner la possibilité à ces groupes étrangers de venir s'installer chez nous pour fabriquer eux mêmes
et dans des installations leur appartenant en propre ou bien contrôlées ou dominées par eux, les
produits issus de ces catégories d'installations et destinées à notre marché national.
Car, on ne sache pas que l'Algérie ait choisi de recourir à une technologie de pointe pour
fabriquer ses textiles ou ses chaussures, moudre son blé, produire ses pâtes alimentaires, ses
matériaux de construction, ses détergents etc.
Par contre, la fabrication de l'acier et de la gamme de produits sidérurgiques qui en dérivent,
la construction des moteurs, des véhicules et d'autres engins mécaniques, la liquéfaction du gaz
naturel, la fabrication des composants électroniques ou la pétrochimie requièrent des technologies
complexes, la complexité étant inhérente à la nature même de ces industries et ne découlant
nullement d'un penchant à opter systématiquement pour la sophistication dans la mise en oeuvre des
processus de production utilisés dans de telles activités. Il n'existe pas de méthodes artisanales pour
fabriquer de l'acier, des moteurs, des pneus, du ciment ou des fibres synthétiques, à moins de prendre
délibérément le parti de situer notre industrialisation à un âge qui ne serait même pas celui des
fabriques les plus anciennes qui survivent encore actuellement dans certains pays industrialisés de
longue date. Quant à la liquéfaction du gaz naturel, elle est en elle-même une technologie de pointe
dans le domaine précis qui est le sien. On ne dispose pas, à son sujet, d'une technologie de pointe et
d'une technologie plus simple entre lesquelles il serait possible de choisir. S'écarter de la liquéfaction
du gaz naturel pour éviter une technologie de pointe, c'est tout simplement renoncer à exporter notre

161
gaz naturel ou bien renoncer à nous charger nous-mêmes de son exportation et c'est ce à quoi
veulent nous amener ceux qui tentent de démontrer que le recours aux technologies dites de "pointe"
est nuisible à l'Algérie et que nos ouvriers et nos cadres n'y sont pas adaptés.
Il suffit, du reste, de comparer les méthodes et les technologies adoptées dans nos usines avec
celles qui sont utilisées ailleurs pour se rendre compte qu'elles sont modernes, certes, mais qu'elles ne
tiennent généralement pas du dernier cri existant en la matière. Dans les usines de l'industrie
mécanique japonaise et même européenne, beaucoup d'opérations sont effectuées par des robots
commandés électroniquement, ce qui n'est ni le cas de l'usine SONACOME de Rouiba, ni celui du
Complexe de Constantine ou de Sidi-BelAbbès. Bien évidemment, la comparaison doit se faire avec
les usines réalisées en des périodes concomitantes et non avec des unités dont la construction
remonte à des époques où l'on utilisait des technologies qui sont aujourd'hui dépassées et ou l'on ne
disposait pas des technologies couramment adoptées actuellement. Certes, il existe, parmi nos usines,
des unités qui souffrent de certaines difficultés, parfois sérieuses, tenant de la peine rencontrée à
maîtriser la technologie utilisée ; mais de telles situations, qui demeurent surmontables avec le
temps, représentent des avatars qui se rencontrent souvent dans les pays les plus développés eux-
mêmes et ils ne sont pas une tare dont l'Algérie serait infligée par suite d'un mauvais choix dans
l'acquisition de ses technologies. On ne peut considérer, par exemple, qu'un groupe industriel comme
LAFARGE en France manque de maîtrise sur la technologie du ciment ; pourtant, cela ne lui a pas
épargné de connaître, dans la réalisation de l'une de ses dernières cimenteries, des mésaventures
similaires à certaines de celles vécues par la SNMC sur sa cimenterie de Meftah, qui est du même
type que la cimenterie en question de LAFARGE construite presque concomitamment et avec le
même ingénieur conseil.
Quant aux économies d'échelle, elles sont bien réelles dans beaucoup de nos unités, comme
cela se constate par exemple dans les résultats de nos usines de GNL et apparaît, aussi, dans le
rapport établi à propos du prix du ciment et faisant ressortir notamment que la cimenterie de Hadjar
Essoud, formée de deux unités contiguës de 500 000 tonnes/an chacune, pose plus de difficultés
d'exploitation que des unités d'un million de tonnes/an.
Par ailleurs, parmi les critiques formulées à l'endroit de cette politique de diversification
entreprise et largement réussie par l'Algérie, il en est une qui tend à accréditer l'idée qu'en nouant des
relations économiques importantes avec des pays comme les U.S.A., la R. F. A. ou même le Japon,
l'Algérie hypothèque son avenir et compromet son indépendance en plaçant son économie sous la
dépendance des groupes qui exercent une hégémonie sur l'économie même du monde capitaliste.
Cette critique émane généralement des milieux connus pour leurs tendances gauchistes ou bien pour
la sympathie qu'ils expriment envers le camp des pays socialistes. Pourtant, ainsi que chacun peut le
constater, l'Algérie, quand elle a recours au concours des firmes capitalistes pour la réalisation de ses
projets de développement, n'agit pas différemment par rapport à. ce que pratiquent précisément les
pays socialistes qui, le plus souvent, font appel aux mêmes firmes capitalistes qui coopèrent avec
notre pays. On ne voit, donc, pas pourquoi ce qui ne serait pas dangereux pour les pays socialistes
d'Europe et d'Asie le deviendrait pour l'Algérie. A moins que, pour ces critiques qui se réclament
volontiers de la "gauche" et du prolétariat, le nationalisme algérien, qui a toujours animé le
mouvement de nos masses populaires dans leur lutte pour l'indépendance, qui constitue la base
doctrinale de la Révolution du ler Novembre 1954 et de l'action du Front de Libération Nationale, ne

162
constitue pas une cuirasse suffisamment aguerrie pour préserver l'Algérie de la pénétration de
l'influence impérialiste et ne confère pas une immunité suffisante contre le virus de l'idéologie
capitaliste et que seuls les pays qui pratiquent un socialisme se définissant comme l'application
intégrale de la doctrine marxiste-léniniste et, qui, pour certains, ont accepté de s'agréger en un camp
sous l'égide du plus puissant d'entre eux, peuvent se permettre de coopérer largement avec les pays
capitalistes sans courir le risque de se laisser contaminer par les idées capitalistes ou de voir un jour
leur économie tomber dans l'emprise des intérêts impérialistes par les effets de la dépendance
technologique.
C'est, du reste, par un raisonnement analogue que nos "gauchistes", au même titre que leurs
"homologues" de l'extérieur, refusent de reconnaître le caractère socialiste de notre Révolution, de
nos options socio-économiques et des réalisations qui en découlent, considérant, en cela, qu'il ne peut
y avoir de socialisme authentique sans l'adhésion pleine et entière à la philosophie et à la doctrine
marxiste-léniniste et sans l'inféodation au système mondial formé par les Etats et les partis qui se
réclament de cette philosophie et de cette doctrine.
Selon les principes et les idées définis par la Charte Nationale, l'édification d'une société
socialiste en Algérie doit se faire sous l'égide du FLN qui a toujours représenté l'avant-garde et le
guide de notre Révolution et dans le respect des valeurs arabo-islamiques qui forment l'essence de
notre culture nationale, en même temps qu'elle doit s'efforcer constamment, sur le plan de sa
méthodologie et de l'élaboration de ses concepts et de ses projets, de recourir à l'utilisation des règles
de la science et aux expériences du socialisme moderne, tout en veillant à ce que la promotion de
l'homme, qui demeure l'objectif fondamental de notre socialisme, intègre dans sa finalité
l'épanouissement et la consolidation de la spiritualité islamique qui reste la marque indélébile du
peuple algérien. Une telle conception de l'édification du socialisme ne correspond pas, évidemment,
aux idées dont se réclament les "gauchistes" et, de ce fait, ne doit pas, dans l'optique de ces derniers,
déboucher sur une réussite susceptible d'offrir un modèle attrayant pour d'autres peuples. Dès lors,
tous les moyens sont bons pour en empêcher le succès et pour entraver les efforts de développement
entrepris sous ses auspices.
Cependant, la critique visant à présenter la coopération de l'Algérie avec des pays tels que les
U.S.A., la R.F.A. et le Japon, comme une orientation voulue ou bien comme une dérive acceptée par
résignation vers une dépendance accrue vis-à-vis de groupes dominants de l'économie capitaliste, ne
provient pas uniquement des milieux gauchistes ; elle est souvent le fait des milieux néo-colonialistes
français, car ces derniers, qui ne voient pas déjà d'un bon oeil les relations économiques,
commerciales et culturelles nouées par l'Algérie avec les pays socialistes, s'inquiètent encore
davantage des rapports que l'Algérie a réussi, dans le cadre de la diversification de ses relations
économiques extérieures, à établir avec d'autres pays capitalistes dont la concurrence, l'agressivité
commerciale et la position avancée sur le plan technologique constituent une menace plus sérieuse à
la prétention des groupes d'intérêts français de se maintenir comme des partenaires privilégiés de
l'Algérie. Dans le cas où la prédominance française se serait maintenue sur les relations économiques
extérieures de notre pays, les privilèges auraient joué évidemment à sens unique, l'Algérie servant de
support à des activités françaises défaillantes et incapables d'affronter, par leurs propres forces, la
compétitivité de leurs concurrents sur des marchés plus ouverts au libre jeu des échanges
internationaux.

163
Dans leurs actions visant à éloigner ces concurrents de l'Algérie et à ramener celle-ci dans la
mouvance française, les sphères néo-colonialistes et néo-capitalistes françaises, agissent directement
ou par le biais des mass media et des agents qu'elles manipulent, y compris certains milieux dits
"gauchistes" dont le rôle consiste, le plus souvent, à servir de relais à l'action de ces sphères néo-
colonialistes et impérialistes et qui, par les tendances politiques et idéologiques dont ils se réclament,
donnent une coloration de gauche et une connotation progressiste aux critiques et aux attaques vient
à discréditer la politique de l'Algérie, tout particulièrement dans la conduite de son développement et
de son industrialisation. Il est clair que, lorsqu'elles émanent directement de personnes ou
d'organismes s'exprimant explicitement au nom des sphères et des intérêts néo-colonialistes d'Outre-
Méditerranée, ces critiques et ces attaques ont très peu de chance d'avoir prise sur l'opinion
algérienne et d'influencer l'action de ses dirigeants ; par contre, enrobées dans la logomachie
gauchiste et camouflées sous la forme de développements doctrinaux d'allure progressiste se
proposant de prévenir et de préserver l'Algérie de la menace impérialiste qui pèserait sur elle, du fait
de l'insouciance ou de la complicité de ses dirigeants, ces mêmes critiques et ces mêmes attaques
sont susceptibles de semer le trouble dans les esprits non avertis et même de susciter des
mouvements hostiles envers l'action de la Direction Politique du pays, si un effort de clarification
n'est pas effectué auprès de notre base militante et de notre opinion pour démonter et mettre à nu les
mécanismes utilisés dans les menées visant notre Révolution et pour démasquer aussi bien les
véritables auteurs de ces menées que ceux qui, consciemment ou inconsciemment, leur servent de
complices. Par le recours à de tels procédés, dont l'utilisation est classique dans les méthodes
qu'appliquent la réaction et les milieux impérialistes pour tenter de contrer la progression des
mouvements révolutionnaires, les milieux néo-colonialistes français essaient de parvenir à freiner la
coopération de l'Algérie avec des pays que la France considère, bien qu'ils appartiennent au même
titre qu'elle au monde capitaliste, comme ayant des intérêts contradictoires avec les siens. En fait, les
néo-colonialistes de France espèrent obtenir, par une action politique sournoise, l'élimination d'une
concurrence qu'ils ne peuvent soutenir à visage découvert, les Américains, les Allemands, les
Japonais, les Anglais et les Italiens, pour ne citer que les principaux, arrivant non ,seulement à damer
le pion à leurs homologues français sur les marchés mondiaux, mais, de surcroît, devenant, en ce qui
concerne l'Algérie et en raison de leur agressivité en vue de conquérir de nouveaux marchés,
coupables d'empêcher les groupes français d'imposer leurs conditions aux entreprises algériennes,
enlevant ainsi à ces groupes la possibilité de faire de notre pays un marché piégé et confortable.
Il est bien connu que l'exploitation des contradictions d'intérêts existant dans le camp
capitaliste est l'une des règles d'or de l'action révolutionnaire et l'Algérie ne pouvait se priver d'y
recourir et d'utiliser, à son profit, une arme devenue, pour ainsi dire, d'un usage courant dans les
relations internationales. Cette arme, l'Algérie, bien évidemment, s'en est largement servie pour se
dégager de l'emprise française, la France ayant voulu et continuant toujours à vouloir faire de notre
pays une chasse gardée pour ses intérêts ; mais, l'Algérie s'en est servie également vis-à-vis des
autres pays, en particulier à l'encontre des U.S.A., par appel, notamment, à la concurrence du Japon
ou même de la France et de l'Europe, comme ce fut le cas lors de la campagne pour la
commercialisation de notre gaz naturel, à l'encontre du Japon par recours à des firmes européennes
etc. En vue d'affaiblir l'Algérie dans la conduite de cette lutte, la France mène une action à double
visage : auprès de ses partenaires capitalistes, elle tente de présenter l'Algérie comme un pays hostile
à l'Occident, inféodé à Moscou et engagé dans des aventures révolutionnaires irresponsables sur le
164
plan politique, comme un pays économiquement au bord de la faillite et à l'avenir incertain ; auprès
de notre opinion, elle s'efforce, par différents canaux, de persuader notre opinion que l'Algérie se
laisse inféoder de plus en plus aux pays dominants du monde capitaliste, compromettant ainsi son
indépendance et gagnerait, par conséquent, à réorienter sa politique économique vers des objectifs
moins ambitieux.
Il importe, donc, que les différentes campagnes qui se déroulent autour de notre politique
économique soient perçues et analysées avec discernement et que le suivisme et le mimétisme
manifestés par certains nationaux envers des idées infiltrées chez nous par des officines étrangères
soient combattues et que l'action du Parti accentue ses efforts pour amener nos militants et l'ensemble
des Algériens à penser leurs problèmes par eux-mêmes, suivant les traditions du nationalisme
algérien et les principes qui ont toujours guidé la démarche du FLN, sans rien négliger, bien sûr dans
les enseignements à tirer de l'expérience des autres.
Il convient de faire en sorte que ces campagnes soient, pour chaque militant, l'occasion d'une
prise de conscience approfondie des moyens qui sont employés pour entraver le cours de notre
Révolution et sur l'enjeu primordial de notre politique de développement et de la lutte pour la
consolidation de notre indépendance dans tous les domaines.
Il devient, ainsi, clair que dans le débat où l'on veut nous engager à propos du choix des
technologies, on entretient à dessein un vaste malentendu qui vise à masquer l'enjeu véritable du
procès fait à l'industrialisation poursuivie par l'Algérie : à savoir qu'on nous reproche d'avoir inclus,
dans le programme de cette industrialisation, des catégories d'industries auxquelles on voudrait nous
amener à renoncer, pour en abandonner l'exclusivité aux pays développés ou bien, dans le cas
où nous souhaiterions installer ces catégories d'industries chez nous, en laisser le soin aux
multinationales qui viendraient, alors s'implanter directement dans notre marché et pour leur propre
compte. Eu termes plus clairs, et explicitant leur portée sans aucune ambiguïté dans le langage des
groupes d'intérêts impérialistes et de ceux qui leur servent de suppôt ou de porte-voix en Algérie,
cela signifie que notre pays devrait renoncer à procéder par lui-même à la liquéfaction de son gaz
naturel, s'abstenir de fabriquer lui-même certains produits tels que la fonte, l'acier ordinaire, les
aciers spéciaux, les différentes catégories de produits sidérurgiques, les moteurs, les véhicules
industriels ou particuliers, les engins de travaux publics, le machinisme agricole, les machines outils,
les composants électroniques, les produits chimiques et pétrochimiques de base, les différents
appareils électriques à usage industriel ou domestique etc. Il ne s'agit aucunement, pour la fabrication
des produits énumérés ci-dessus, de substituer une technologie simple à une "technologie de pointe".
Car, dans la manière ambiguë de s'exprimer des promoteurs et des propagateurs des thèses
développées par les milieux impérialistes en direction de notre opinion et en vue de dénigrer notre
modèle d'industrialisation, la "technologie de pointe" tant décriée et à laquelle on impute tant de
maux, ce sont tout simplement les industries concernant la fabrication des produits énumérés plus
haut, fabrication dont on souhaite nous détourner.
Telle est l'inconséquence dans laquelle tombent ceux qui se laissent prendre par les théories
habilement inculquées dans leurs esprits par les tenants des intérêts hégémoniques des pays
occidentaux, à moins qu'il s'agisse d'une option délibérément prise en faveur d'une forme de pseudo-
développement, qui s'écarte manifestement de la voie choisie par la Révolution algérienne et
consacrée par la Charte Nationale. Si tel est le cas, la solution de rechange à laquelle on voudrait
165
alors nous conduire ne constituerait nullement une nouveauté ; sa substance et ses conséquences
s'étalent dans la réalité de bien des pays du Tiers Monde qui émergent, non pas par leur avance vers
le progrès et l'émancipation économique, mais par un enfoncement de plus en plus profond dans les
inégalités sociales et les affres de l'exploitation néo-colonialiste et de la domination impérialiste.
Il s'agit, en fin de compte, d'une solution qui tourne carrément le dos à l'indépendance
effective et qui, à ce titre, non seulement se révèle en contradiction avec les prescriptions définies par
la Charte Nationale, mais débouche sur le reniement des principes les plus élémentaires du vieux, du
vibrant et du vigoureux nationalisme populaire algérien.
On ne manquera pas, sans doute, de rétorquer, çà et là, que le malentendu évoqué ci-dessus et
les conclusions que l'on prétend en tirer tiennent du procès d'intention et que le débat ne dépasse
nullement le problème du choix des technologies et ne pourrait, en aucune manière, être considéré
comme visant à réduire l'éventail des industries à promouvoir dans notre pays et à compromettre
ainsi les bases de notre indépendance économique.
En admettant qu'il s'agit véritablement, ainsi, du seul problème du choix entre les différentes
technologies qu'il serait possible d'acquérir, avons-nous réellement le choix, ou bien, en reprenant la
question autrement, la marge de choix dont nous disposons n'est-elle pas bien étroite ?
Pour se référer au domaine de la Défense Nationale, ne serait-ce qu'en vue de prendre, pour
les nécessités de la comparaison et du raisonnement, un domaine qui sort du cadre de
l'industrialisation, nous devrions éviter, pour nous conformer aux conceptions développées dans la
note du Ministère des Finances et dont on retrouve la substance dans la bouche de beaucoup de nos
prétendus experts, de recourir à la technologie de pointe que les Algériens ne seraient pas capables de
maîtriser et d'utiliser de manière optimale ; notre armée devrait, par conséquent, s'abstenir d'acheter
des équipements et des armements considérés comme sophistiqués. Par exemple, s'agissant de la
défense de notre espace aérien et de nos frontières, il faudrait alors se limiter à placer des guetteurs
sur les pics de nos montagnes, comme au Moyen Âge, pour détecter les avions qui feraient des
incursions dans notre ciel, de la même manière que les sections de méharistes pourraient suffire pour
assurer l'imperméabilité de nos frontières et prévenir toute violation de notre territoire national. On
renoncerait ainsi aux radars qui permettent de repérer au loin l'approche de tout agresseur éventuel
sur terre, sur mer ou dans les airs et qui présentent l'avantage de signaler tout franchissement de nos
lignes frontières, que ce soit au sol, dans les eaux territoriales ou dans l'espace aérien. De leur côté, à
l'instar des pays qui achètent des usines obsolètes, nos aviateurs auraient à se suffire des vieux avions
à hélices ou subsoniques, si faciles à maîtriser et si maniables, et n'auraient plus à se confronter avec
les innombrables difficultés que pose l'utilisation des avions à réaction supersoniques dont les
mouvements et les opérations relèvent davantage des appareils électroniques de guidage ou de
commande des opérations d'attaque, que de l'intervention directe de l'homme qui devient pour ainsi
dire aveugle et ne voit qu'à travers son ordinateur ou son tableau de bord électronique.
Il n'est pas absurde d'imaginer qu'une telle conception puisse se révéler valable pour la
conduite de notre politique en matière de Défense Nationale, à une seule condition, bien entendu :
que nos éventuels adversaires adoptent cette même conception, c'est-à-dire, en définitive, que tout le
monde fasse comme nous. Si tous les pays devaient s'accorder pour ramener la guerre à des
opérations de cavalerie ou à des combats avec des sabres de bois, l'Algérie pourrait se permettre, en
effet, de renoncer à la technologie de pointe dans le choix de son armement. Sinon, comment serait-il
166
possible, à ceux qui ont en charge d'assurer la sécurité et la défense du pays vis-à-vis de l'extérieur,
de s'acquitter valablement de leur mission, si notre conception en matière de choix de la technologie
devait les placer d'emblée en situation d'infériorité manifeste par rapport à ceux dont ils auront à
repousser les assauts et à écraser l'agression ?
Ce serait faire de l'Algérie une terre ouverte à toutes les convoitises et exposer son intégrité
territoriale, son indépendance et sa sécurité aux audaces du premier venu.
L'exemple de la Chine qui, pendant une décennie, a vanté les mérites des technologies
simples et s'est nourrie de la logomachie gauchiste sur la bureaucratie érigée en totem pour combattre
le concept de la hiérarchie qui représente la base de toute organisation, parle de lui-même des
dangers auxquels s'expose ainsi un pays qui méconnaît les réalités qui déterminent la compétition et
l'équilibre entre les nations dans un monde qui ne ménage aucune pitié pour les faibles.
Malgré l'énorme masse de sa population dont l'effectif approche du milliard, la Chine
Populaire s'est vu acculée à l'humiliation de subir le défi au Vietnam, de se voir narguer par l'Inde et
de louvoyer avec l'URSS, en raison du faible niveau technologique de son économie et de ses
moyens de défense. Elle prend conscience, aujourd'hui, de la nécessité de rattraper son retard et
d'accéder aux technologies modernes, sous peine de compromettre ses chances de survie en tant
qu'État et de se laisser ravaler définitivement au rang d'une puissance de seconde zone.
Autrement dit, dans une monde où ce sont la compétition et la rivalité entre les nations qui
sont à la base de la loi qui détermine la place et le sort de chaque peuple, nous nous retrouvons
condamnés, que cela nous agrée ou non, à chercher à nous situer au mieux dans la course vers le
progrès sous toutes ses facettes, si nous voulons éviter le risque de diminuer notre rang dans le
classement des nations et de nous laisser ravaler au niveau de la situation des faibles et des laissés
pour compte.
Ce qui est valable en matière de défense l'est également sur le plan de l'économie. Une
économie retardataire, marquée de surcroît par une industrialisation au rabais et négligeant
délibérément de s'engager dans la marche forcée vers le progrès qui anime tous les peuples, conduit
inéluctablement vers un état non seulement de stagnation mais de régression tel qu'il débouchera
immanquablement sur le retour de la domination étrangère, sur la résurgence de l'exploitation des
masses populaires et, en fin de compte, sur l'abaissement de la Nation.
Ce sont là autant de questions devenues oiseuses et inutiles parce que la politique de
développement suivie par le pays sous la direction éclairée du Président Boumédiène les avait
définitivement éliminées des préoccupations algériennes ; mais, malheureusement, la conjoncture
créée par sa disparition semble les ramener en surface.
Faut-il attribuer au fait du simple hasard que ce sont précisément les hydrocarbures et les
branches de l'industrie lourde qui ont été les plus affectées par les mesures contraignantes prises à
l'initiative du Ministère des Finances tout au long de l'année 1978 et qui se poursuivent encore ?
N'est-ce pas justement dans les domaines du GNL, de la pétrochimie, de la sidérurgie, de la
métallurgie non ferreuse, des constructions mécaniques, électriques et électroniques que se situent les
cibles des attaques menées de l'extérieur contre la forme d'industrialisation choisie et poursuivie par
l'Algérie ? N'est-il pas symptomatique que les milieux, qui gravitent autour du Pouvoir en France, se
réjouissent de l'orientation de ce qu'ils appellent la nouvelle planification algérienne ou, du moins, de
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l'idée qu'ils s'en font ? Idée qui leur est probablement suggérée par les échos qu'ils recueillent auprès
des milieux concernés de nos administrations ou par les "tuyaux" qui sont communiqués à leur presse
par les canaux qui se sont fait une spécialité d'alimenter la presse étrangère en informations sur ce
qui "boue dans notre marmite", pour reprendre une expression bien caractéristique de notre sagesse
populaire.
A cet égard, comment ne pas être frappé par la similitude que l'on relève entre les thèses que
développent, en ce moment, certaines de nos sphères administratives avec ceux que l'on lit dans la
presse d'Outre-Méditerranée ou que l'on retrouve dans les écrits et les déclarations de certains
personnages complaisamment repris et diffusés par des radios et des publications étrangères ?
Il entre bien, du reste, dans la nature ce ceux qui font le jeu des intérêts de l'étranger, de vivre
avec une âme vassalisée de larbins dont la carrière est jalonnée d'allégeances successives, l'essentiel,
pour eux, étant de se retrouver toujours, à travers des circonstances changeantes, à la place qu'il faut
en vue, à la fois, de satisfaire leurs ambitions et de combler les vœux de leurs maîtres à penser ou
tout simplement d'exécuter les ordres de leurs commanditaires. Même au sein des Révolutions les
plus authentiques, il arrive que ce genre d'individus, qui ne croient en aucune foi, ni en aucun
principe et auxquels l'arrivisme tient lieu d'idéal, parviennent à percer et à réussir par le recours au
mensonge, à l'imposture ou à la servilité ; ils y parviennent, aussi, quelquefois, en exploitant la
méconnaissance des problèmes nationaux par certains responsables ou bien en se faisant les
complices de ceux qui cherchent à s'écarter de la voie tracée par la Révolution.
La nécessité d'une pause pour digérer des investissements considérables dits "non rentables",
la réorientation de nos investissements vers des secteurs visant à satisfaire en priorité les besoins
sociaux des populations, comme si les investissements effectués jusqu'à présent avaient visé autre
chose, l'abandon de l'industrie lourde, le ralentissement du programme VALHYD (valorisation des
hydrocarbures) pour ramener la politique de valorisation de nos hydrocarbures vers les horizons où
voulaient la contenir naguère les stratèges de l'ERAP avec la complaisance de leurs vassaux en
Algérie, l'abandon ou le report des projets de valorisation de nos phosphates au grand bénéfice de
leurs concurrents, tunisien et marocain, et au détriment de la promotion d'une région déshéritée
comme celle de Tebessa, la mise au frigidaire du projet aluminium de M' Bila5 et de celui de la
Câblerie électrique de Biskra, le premier devant être réalisé avec le concours de l'Union Soviétique,
le second avec celui de la R.D.A., ce qui affaiblira d'autant, au même titre que le report des projets
phosphatés à la réalisation duquel devait participer la Pologne, notre coopération avec les pays
socialistes, coopération qu'on dit vouloir renforcer sans compter que, par le fait de ces décisions,
l'Algérie sera contrainte d'importer, dans l'avenir, des quantités de plus en plus grande d'aluminium et
de câbles électriques à la satisfaction des groupes PECHINEY et CGE en France, groupes auxquels
la cartellisation capitaliste qui caractérise ces produits réserve précisément le marché algérien
pratiquement en exclusivité, la limitation générale de nos investissements sont autant d'indices qui
comblent d'aise les tenants du "redéploiement" industriel en France. Aussi, n'y a-t-il pas lieu de
s'étonner de constater que les campagnes, qui se déchaînaient contre l'Algérie et s'acharnaient à
détruire sa crédibilité et à dénigrer sa politique de développement, se sont calmées comme par
enchantement au lendemain de l'enterrement du regretté Président Boumédiène. Il est vrai que les

5
Avant la décision prise récemment par le Président Chadli BENDJEDID de relancer la réalisation de ce projet.

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plumitifs et les dénigreurs d'Outre-Méditerranée, qui déployaient leur hargne contre l'Algérie et sa
politique d'indépendance, ont, entre-temps, trouvé sur place des émules qui les relaient avec autant
de zèle dans la besogne visant à dénaturer et à abaisser, dans l'esprit de l'opinion, la valeur et l'utilité
de ce qui a été entrepris depuis plus d'une décennie, tout spécialement dans le domaine de l'in-
dustrialisation. C'est à croire qu'au lendemain du IVème Congrès de notre Parti d'avant-garde et qu'à la
faveur de la conjoncture créée par la disparition du Président Boumédiène, le fameux "Parti
Français", que ce dernier a souvent dénoncé, a conquis de nouvelles positions et acquis, de la sorte,
les moyens qui lui manquaient en vue d'espérer parvenir à l'adoption par le pouvoir politique des
conceptions qu'il a toujours essayé de faire prévaloir et d'avoir, ainsi, la possibilité de peser sur le
cours de notre politique économique ; celle-ci, comme on le sait, a toujours constitué la cible
principale des menées des milieux impérialistes français à l'encontre de notre pays. Il est temps que
les équivoques soient levées, que les masques tombent et que les choix, les préférences ou les
orientations des uns ou des autres s'expriment clairement.
La Charte Nationale est, cependant, claire dans l'énoncé des choix qu'elle fixe dans les
différents domaines de développement, ainsi que dans la formulation qu'elle adopte pour la définition
et la conduite de notre stratégie en matière d'industrialisation. L'élaboration, la discussion et l'adop-
tion de cette Charte Nationale se sont déroulés à un moment où nos multiples actions de
développement et la mise en oeuvre de notre politique industrielle étaient suffisamment avancées,
pour qu'on puisse prétendre qu'elles se sont effectuées dans l'impossibilité de percevoir avec une
clarté suffisante les implications découlant des options que l'immense majorité du Peuple Algérien a
discuté, puis approuvé avec un enthousiasme qui demeure vibrant dans la conscience nationale,
comme l'ont démontré, les grandioses et émouvantes manifestations populaires qui ont secoué le
pays durant la maladie et, ensuite, à l'occasion des obsèques du regretté Président Boumédiène.
Croire, en définitive, que les arguments avancés en faveur de la thèse présentée à propos du
choix des technologies sont suffisamment convaincants au point de faire dévier l'Algérie de la voie
qu'elle a choisie, c'est d'abord une insulte à la mémoire du regretté Président Boumédiène dont la
clairvoyance a été unanimement reconnue et c'est, aussi, faire bien peu de cas de l'attachement du
Peuple Algérien à la Charte Nationale, de l'intelligence, de la lucidité et du sens des responsabilités
des instances dirigeantes du Parti du FLN, avant-garde de toujours de notre Révolution.
N'y a-t-il pas lieu de se demander si la disparition du Président Boumédiène n'a pas été perçue
par certains milieux comme un facteur susceptible de leur permettre de récupérer l'Algérie au profit
de thèses qui connaissent la faveur des sphères néo-colonialistes et que notre pays a rigoureusement
rejetées sous l'impulsion de son regretté Président ? Bien des discussions inutiles et dépassées
auraient sans doute été épargnées au pays si le décès du Président Boumédiène n'avait pas fait revivre
chez certains le désir de réouvrir le débat de 1976, avec l'espoir de revenir sur les options consacrées
par la Charte Nationale.
Lorsque, dans un geste dont tout le monde se souvient, l'image en ayant été largement
popularisée par la télévision, le regretté Président Boumédiène avait indiqué, le ler mai 1976 à la salle
Harcha, qu'en ouvrant le débat populaire sur l'avant-projet de la Charte Nationale, il mettait en
question l'ensemble de la politique suivie depuis le 19 juin 1965 par le Pouvoir Révolutionnaire dont
il assumait la direction et que, dans le cas où le peuple manifesterait son désaccord avec cette
politique, il quitterait la Direction du Pays, il ne s'adressait pas seulement au Peuple ; on peut même
169
dire que, par ricochet, il s'adressait d'abord et surtout à pas mal de ceux qui, de l'intérieur même du
système en place, n'avaient pas cessé d'opposer à cette politique une sourde hostilité,
Ce n'est pas révéler un grand secret ou vexer qui que ce soit en soulignant que la politique
révolutionnaire et socialiste consacrée par la Charte Nationale a été considérée par certains comme
leur ayant été imposée et que la mort de Boumédiène leur ouvre la voie de la revanche et leur donne
même le droit d'y prétendre.
Cependant, au lieu de clamer, alors, ouvertement qu'ils n'étaient pas d'accord avec la politique
définie dans l'avant-projet de la Charte Nationale, ces derniers ont préféré opérer un recul tactique
afin de demeurer à l'intérieur du système et d'attendre que le destin leur offre l'occasion de reprendre
le dessus et de renverser la vapeur au bénéfice de leurs thèses.
Du reste, par un de ces étranges retournements de situation dont l'ironie du sort accompagne
parfois les grands destins, ce sont des hommes qui ont tiré bien des avantages ou des privilèges de
leurs fonctions ou de leur situation, en qui la base militante voyait le plus souvent l'image négative
du régime et que le regretté Président considérait comme son opposition interne, qui se montrent
aujourd'hui acharnés à démolir ce qui a été réalisé sous son égide et s'empressent d'effacer jusqu'aux
traces des idées et des orientations qui ont marqué l'action de la Révolution sous sa direction. Il n'est
pas difficile, aujourd'hui, de relever, dans le comportement de ces hommes comme dans leurs actes,
avec une certaine impatience à assouvir leur revanche, la marque de la rancœur et la hâte de laisser
maintenant se déchaîner sans aucune entrave des appétits incomplètement assouvis parce que
longtemps comprimés. On assiste, ainsi, de la part de ceux qui n'ont jamais admis les options
adoptées par la politique algérienne dans le domaine du développement, à une tentative de faire
aboutir, tout au moins sur le plan économique, une véritable "Déboumédiénisation" qui ne veut pas
encore dire son nom.
Évidemment, pour les tenants de cette revanche, contraints, pendant un certain temps, de
rentrer quelque peu dans leur coquille en raison des immenses manifestations populaires qui se sont
déroulées pendant la maladie, puis à la suite du décès du défunt Président et de l'appui donné par ces
masses aux résultats du IVème Congrès du FLN tenu soue le signe de l'attachement à la Charte
Nationale, de la volonté d'assurer la continuité de la politique suivie par le Président défunt et de la
fidélité à la voie qu'il a tracée, la volonté populaire qui a soutenu de son immense adhésion la
politique incarnée par le regretté Président Boumédiène ne revêt aucune signification du moment
qu'elle ne concorde pas avec les conceptions qui sont les leurs.
Faut-il rappeler, à ce propos, que lors des discussions qui se sont déroulées pendant la
préparation du IVème Congrès du FLN, l'idée avait été avancée que la Constitution, ayant été conçue
comme "un habit tissé sur mesure à la taille de Boumédiène", devait être refondue et que certaines
dispositions de la Charte Nationale nécessitaient d'être "revues ou précisées" avec, comme argument
que "réexamen ne signifiait pas réversibilité"?
Les manifestations populaires qui ont marqué la maladie, puis les obsèques du Président
Boumédiène, la prise de position publiquement proclamée de l'Armée Nationale Populaire en faveur
de la stabilité et de la continuité incarnées par le respect des institutions et des options de la Charte
Nationale, ainsi que la préoccupation clairement exprimée par la base militante de voir assurée la
fidélité à la ligne politique suivie sous l'égide du Président défunt, ont certainement pesé d'un poids

170
déterminant dans la décision prise de ne toucher en rien à la Charte Nationale et de ne pas modifier
les bases fondamentales de la Constitution.
Aujourd'hui, si toute velléité de bouleverser les dispositions essentielles de la Constitution
semble abandonnée, par contre, en ce qui concerne la Charte Nationale, l'idée parait ressurgir d'en
réexaminer certains points, toujours avec l'assurance que "réexamen n'est pas réversibilité". Il est
évident que la Charte Nationale n'est pas le Coran et que, dans l'une de ses dispositions essentielles,
il est prévu explicitement que "La Charte Nationale étant le document idéologique de référence du
Parti, le Congrès pourra en approfondir les conceptions et les orientations et y apporter les
ajustements, les correctifs nécessaires, compte tenu des impératifs de l'évolution de la Révolution
dans tous les domaines".
Si tel devait être le cas, à l'occasion du prochain Congrès Extraordinaire du FLN, le problème
reste, d'abord, de savoir à partir de quel point on considèrera qu'on n'est plus dans les limites d'un
simple réexamen et qu'on entre dans le processus de la réversibilité et, ensuite, de se demander si,
depuis l'adoption de cette Charte Nationale qui remonte à peine à un peu plus que trois années, il s'est
produit, dans "l'évolution de la Révolution", quelque chose de vraiment nouveau et de fondamental
qui justifie que l'on procède à un réexamen de cette Charte. Le seul fait capital et nouveau survenu
depuis l'adoption de cette Charte est précisément la disparition de Boumédiène. Comment ne pas
s'interroger, dès lors, que le réexamen envisagé ne vise pas ou ne risque pas de conduire à la remise
en question de certaines options dont, pour certains, il n'a pas été possible d'empêcher l'adoption en
raison de la présence et de la vigilance de Boumédiène ?
Est-il nécessaire de souligner, à ce sujet, que la préparation, puis la mise en vigueur de la
Charte Nationale, qui se sont déroulées durant les années 1975 et 1976, ne sont intervenues qu'au
bout d'une quinzaine d'années après l'adoption du programme de Tripoli et de la Charte d'Alger et
que la période, qui a précédé ainsi l'avènement de la Charte Nationale, a été marquée par la mise en
application, qui se reflète effectivement dans les réalisations accomplies durant cette période,
pratiquement de l'ensemble des dispositions du Programme de Tripoli et de la Charte d'Alger ? C'est
dire que le fait de parler d'un réexamen de la Charte Nationale, alors qu'elle vient à peine d'être
promulguée et que tous les esprits sont d'abord préoccupés de la mise en application effective de ses
dispositions et du retard pris à ce sujet, ne manquera pas d'être perçu par la base militante, par
l'opinion populaire nationale et par les observateurs extérieurs, sinon, comme une tentative de
"réajustement" ou de remise en question des orientations connues de notre Révolution, du moins
comme un signe, pour beaucoup inquiétant, d'instabilité.
Aussi, s'il y a vraiment lieu d'en discuter, convient-il, dès lors, que tout ce qui touche aux
options et aux orientations clairement définies dans la Charte Nationale soit ouvertement débattu,
dans les conditions assurant la plue large participation, aux débats, de la base militante de la
Révolution et des couches populaires, tout en prenant garde à éliminer les manœuvres visant à
escamoter ces débats.
L'éclipse de l'avant-scène de certaines individualités auxquelles on prêtait, à tort ou à raison,
le dessein de revenir sur certaines options fondamentales de la Charte Nationale et même de
renverser complètement le cours de la politique suivie par le Président Boumédiène dans beaucoup
de domaines, a pu faire naître l'illusion que tout danger de remise en cause de la Charte Nationale, de
la socialisation de notre économie, des choix de notre industrialisation, de la Révolution Agraire et,
171
de manière générale, de notre politique de développement, est écarté et que la continuité de notre
politique et des actions de développement engagées sous l'égide du Président Boumédiène est
assurée.
En vérité, ce qui, aux yeux de beaucoup, apparaît comme le signe que le danger est conjuré
risque de s'avérer tout simplement comme une diversion dont l'effet sera de démobiliser la vigilance
des militants et d'anesthésier l'opinion, en amenant tout le monde à croire que toute source de
déviation, par rapport à la Charte Nationale et à la voie tracée par le Président Boumédiène, est
éliminée, alors que, dans la réalité, cette déviation se met en branle, d'abord sous la forme d'un travail
de sape visant à présenter la situation économique léguée par le Président Boumédiène comme
catastrophique ensuite, sous le couvert de mesures avancées comme rendues inéluctables par la
nécessité de redresser une telle situation, amorcer une politique nouvelle se déroulant par étapes
successives de manière à ne pas en laisser apparaître le véritable visage et à la faire avancer ainsi
insensiblement vers des orientations et des objectifs s'éloignant notablement de la voie définie par la
Charte Nationale, quand ils ne s'y opposent pas totalement. Il s'agit, en fait, de la mise en jeu d'un
processus dont la préparation a été évoquée dans le texte diffusé à propos du projet de création d'une
Inspection Générale des Finances. Et, à travers ce processus, se trouvent certainement à l’œuvre des
personnes dont, certes, les intentions et les options ne se manifestent pas d'une manière ouverte et
ostentatoire, mais qui n'en poursuivent pas, pour autant, une action ni moins pernicieuse, ni moins
nocive que celles de ceux qui expriment franchement leur hostilité envers les choix fixés par la
Charte Nationale.
La stratégie telle qu'elle se dessine apparaît comme s'étant fixée comme règle d'opérer ou
d'obtenir les changements et même les renversements visés, non pas de manière déclarée, mais par
des infléchissements limités, mais successifs et s'inscrivant dans une ligne constante, par la force
d'inertie quand il s'agit de gêner ce qui a été déjà engagé dans le passé ou ce qui marche bien, par des
mouvements exécutés en catimini dont on prend soin de minimiser l'ampleur ou la portée et, le tout
mené, en vue de forcer la décision du Pouvoir Politique, sous le couvert d'une apparente sérénité qui
s'offusque de toute idée de modifier la ligne politique suivie jusqu'à présent et d'une volonté qui
proclame sans cesse son attachement à la Charte Nationale et à la "voie tracée par le défunt
Président Boumédiène".
Aussi, travailler à la nécessité d'un débat ouvert et franc, dans le cadre du Parti et des
institutions du pays, constitue assurément le meilleur moyen d'agir pour donner à la démocratie la
possibilité de s'exercer effectivement, pour assurer la continuité de la politique dont les bases
fondamentales ont été définies par la Charte Nationale, pour mettre les masses populaires en état de
défendre les options qui expriment leurs aspirations profondes et, enfin, pour déjouer les manœuvres
tendant à altérer ces options ou à les écarter. De la même façon qu'il importe tout autant, si l'on
devait aboutir à un infléchissement ou à un changement profond des orientations de notre politique
de développement, que l'alternative, qui en est sous-jacente, soit connue clairement et que le pays
sache quelles voies nouvelles lui sont proposées pour l'organisation de son économie et la poursuite
de son développement.
Il importe, par conséquent, que ceux qui, de par leur situation, disposent des moyens
d'amplifier la portée de leur voix, de démultiplier les effets de leur agitation et de donner, ainsi,
l'impression qu'ils font l'opinion et qu'ils expriment le vœu de la population, ne soient pas les seuls à
172
pouvoir dominer les échos de l'actualité et ne réussissent pas à étouffer le sentiment profond des
masses populaires pour se mettre en état de peser sur le Pouvoir Politique en vue de l'entraîner dans
le sens de leurs intérêts et des options qui sont les leurs. Pour cela, il convient de rendre la parole aux
masses, de les inciter à ne pas céder à la torpeur et à l'indifférence et de donner les moyens de faire
connaître leur point de vue à ceux dont les intrigues et les menées souterraines ne sont pas le mode
d'action. Si, après cela, c'est-à-dire à l'issue d'un débat clair où les dés n'auraient pas été pipés à
l'avance, un courant majoritaire devait se dégager au sein du Peuple en faveur d'une politique
différente de celle que définit la Charte Nationale, eh bien ! Tant mieux.

Chapitre 11 - Un ratio fait-il la rentabilité, et la rentabilité fait-elle le


développement ?
11.1. - Le choix des ratios de rentabilité et leur signification économique.
Parlant de l'absence fréquente de critères de gestion "précisant qu'en effet, aucun ratio ou
seuil de charges de personnel ou d'investissement par rapport au chiffre d'affaires n'est observé", la
note du Ministère des Finances semble faire de ces ratios l'indicateur de rentabilité des
investissements.
A vrai dire, à travers les ratios mentionnés dans la note du Ministère des Finances et l'idée
que ce dernier semble se faire à propos de ces ratios, se profile une vision qui fixe à l'investissement
un seul objectif, celui de produire un maximum de chiffre d'affaires, avec le minimum de capital et
de force de travail.
En d'autres termes, en exhumant des réminiscences de théories de l'entrepreneur privé, cette
approche fait fi de tous les développements de la Charte Nationale visant à présenter, dans sa
globalité, la finalité de notre politique de développement.
Si aucune économie ne peut se passer de préoccupations d'efficience et de rentabilité et s'il est
juste et nécessaire que de telles préoccupations soient placées au premier plan, il reste tout aussi
fondamental d'affirmer que le concept de rentabilité n'a pas de signification intrinsèque et qu'il ne
peut trouver sa véritable formulation qu'une fois inséré dans le contexte de la politique de
développement économique choisie.
Dans ce cadre, il apparaît que les ratios ainsi présentés par la note du Ministère des Finances
ne sont nullement significatif s, au moins pour deux groupes de raisons :
- d'une part, parce que les termes manges de ces rapports, que sont les ratios, c'est-à-dire au
numérateur, le coût des investissements ou les charges de personnel et, au dénominateur, le
chiffre d'affaires, ne peuvent, contrairement au cas de l'entrepreneur privé se situant dans une
économie de marché, être considérés indépendamment des facteurs de l'économie nationale
dont ils dépendent,
- d'autre part, parce que ces ratios tendent à ignorer des objectifs importants du
développement économique, par exemple, celui ayant trait à la nécessité de maximiser le taux
d'intégration économique.
En effet, en ce qui concerne la première série de facteurs, il a été suffisamment développés ci-
dessus l'impact qu'exercent tout un ensemble de causes externes à l'entreprise socialiste sur le coût de
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l'investissement et sur le coût de l'exploitation ; s'agissant des charges de personnel, qui pour
l'entrepreneur privé représentent un poste à comprimer au maximum, il est trop souvent perdu de vue
que l'entreprise socialiste, si elle aussi est tenue de réduire ses coûts, se trouve néanmoins confrontée
aux limites que lui imposent la politique sociale et la politique de l'emploi ; s'agissant du chiffre
d'affaires, il est de nouveau nécessaire de rappeler qu'il perd toute signification pour des entreprises
socialistes dont les prix de vente sont fixés à un niveau central, souvent sans relation non seulement
avec le prix de revient, mais aussi avec les prix qui ont cours dans le reste du monde et se trouvent
gelés parfois pendant une décennie.
Par ailleurs, en ce qui concerne la deuxième série de facteurs, et si l'on prend à titre d'exemple
la nécessité de maximiser le taux d'intégration nationale, il apparaît que les ratios présentés par la
note des Finances ne sont nullement significatifs de la rentabilité, car ils varient considérablement
suivant la nature et l'ampleur de l'activité de transformation, c'est-à-dire suivant le taux d'intégration
des fabrications.
En effet, deux (2) unités sortant de leurs chaînes de fabrication une même quantité de produits
identiques, autrement dit réalisant le même chiffre d'affaires, peuvent avoir des ratios
"Investissements ou charges de personnel sur chiffre d'affaires" différents l'un de l'autre.
L'une peut disposer, par exemple, d'une simple chaîne de montage et l'autre, disposer
d'installations nombreuses permettant la fabrication, en valeur, de 70 % du produit final.
Dans le premier cas, les ratios d'investissements ou de charge de personnel sur le chiffre
d'affaires peuvent être relativement faibles du fait de la faiblesse du volume des équipements
nécessaires et lu personnel employé.
Dans le deuxième cas, ces mêmes ratios sont évidemment plus élevés en raison de
l'importance du volume des installations de fabrication nécessaires et du personnel employé.
Doit-on sur le simple vu de ces ratios, conclure que l'usine de montage dont le ratio est le plus
faible, est plus rentable que l'usine intégrée dont le ratio est forcément plus élevé ?
En d'autres termes et pour prendre un exemple concret, peut-on considérer, sur le simple vu
de ces ratios, que l'usine de Rouiba qui, avant de devenir la propriété de l'État Algérien, disposait
uniquement d'une chaîne. de montage, aurait été plus rentable, pour une capacité de 6 000
camions/an, lorsqu'on limitait à y assembler des collections de pièces importées de l'étranger, que
maintenant qu'on y fabrique 70 % des pièces composant la majeure partie des 6 000 camions ?
Le chiffre d'affaires n'a pas la même signification lorsque l'usine, au lieu d'assembler 6 000
camions par an à partir de collections de pièces importées, fabrique 70 % de toutes les collections de
pièces composant le produit.
Pour réaliser cet objectif, il a fallu non seulement mettre en place de très importantes
installations, mais faire passer les effectifs employés de 2 000 à 6 000 personnes.
Il va de soi que, dans ces conditions et pour un chiffre d'affaires qui serait le même, cette
usine nécessite aujourd'hui un volume d'investissement et des charges de personnel infiniment plus
importants qu'autrefois.
Les ratios investissements ou charges de personnel sur chiffre d'affaires étant devenus plus
élevés, on pourrait être amené à conclure, si on faisait de ces ratios un critère absolu, que la
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rentabilité décroît automatiquement avec l'intégration locale et qu'il est donc plus rentable d'acheter
des produits à l'extérieur que d'investir pour les fabriquer sur place.
A la limite, menée jusqu'au terme de sa logique, la rentabilité ainsi conçue débouche sur la
conclusion suivante : la seule politique qui soit rentable serait celle qui arrête le développement et
consacre les ressources en devises que le pays tire du défruitement de ses richesses naturelles à
l'achat de produits fabriqués par les entreprises étrangères.
On mesure alors à quelles conséquences peut conduire la logique de ratios pris isolément sans
qu'aient été considérées leur signification et leur relation par rapport aux seuls objectifs qui devraient
véritablement guider notre rationalité économique, ceux de notre politique de développement.
La Charte, quant à elle, prend en charge cette rationalité lorsqu'elle dit : "Les investissements
ayant un haut niveau de rentabilité demandent, au départ, une mise de fonds qui réclame des capi-
taux considérables. Mais, l'immobilisation de ces capitaux trouve, par la suite, une contrepartie
largement satisfaisante dans les flux financiers que dégage l'exploitation des installations dont elle a
permis la réalisation". (Charte Nationale - Titre Septième - II – 3 page 168).

11.2. - Comment comparer l'investissement en Algérie à l'investissement à l'étranger


?
Les mêmes erreurs d'appréciation que celles qui viennent d'être analysées sont souvent
commises, lorsqu'on utilise ces ratios pour comparer la rentabilité d'un investissement en Algérie
avec la rentabilité de ce même investissement à l'étranger.
En effet, dans les pays industrialisés, les entreprises sont fortement spécialisées et sous-
traitent une grande partie des fabrications entrant dans la composition de leur produit final. De plus,
leurs investissements sont marginaux et concernent le plus souvent des renouvellements
d'équipements anciens, plutôt que des investissements "ex nihilo", comme c'est présentement le cas
en Algérie.
Le poids de ces investissements par rapport au chiffre d'affaires étant nécessairement plus bas
qu'en Algérie, il fait apparaître un ratio plus favorable qui laisse supposer une rentabilité meilleure.
Cette situation caractérise les économies industrielles anciennes qui ont, depuis des
décennies, accumulé un potentiel productif et des connaissances scientifiques et techniques
considérables qui font qu'aujourd'hui un investissement nouveau s'applique toujours sur une "plate-
forme industrielle" existante qui améliore notablement ses effets.
Cette situation n'existe pas encore dans notre pays où les premières grandes vagues de
renouvellement de notre potentiel productif n'interviendront pas avant plusieurs années. Les
investissements, qui seront réalisés alors, seront moins lourds, car ils concerneront de moins en
moins les dépenses d'infrastructure dont une large part aura été réalisée, et les dépenses d'assistance
technique qui, à la faveur de l'accumulation de l'expérience, ne constitueront plus un chapitre aussi
important de nos dépenses d'investissements, comme c'est le cas actuellement.
Dans cet ordre d'idées, il convient de relever le tort infligé à une entreprise comme la
SONACOME à laquelle on refuse des investissements relativement faibles, mais qui lui auraient
permis de doubler la production de cycles et de motocycles de son usine de Guelma et, par la même

175
occasion, de rentabiliser davantage les investissements initiaux et plus lourds qu'elle a déjà engagés
dans cette usine. Le cas de l'usine de Guelma n'est qu'un exemple illustrant la situation de beaucoup
d'autres unités qui, moyennant quelques "micro-investissements" qu'on leur refuse, auraient pu
arriver à améliorer notablement leur rentabilité financière, objectif que semble souhaiter le Ministère
des Finances, mais dont il inhibe les conditions de réalisation. On ne sait s'il convient d'imputer les
motifs d'une telle attitude à l'ignorance ou bien à la volonté délibérée de maintenir toujours les
entreprises en état de donner un semblant de justification aux réquisitoires dont ne cesse de les
accabler le Ministère des Finances.
Limités aux dépenses de renouvellement ou d'extensions, les investissements des entreprises
socialistes seront plus directement productifs. Leur rentabilité, exprimée en termes de ratios, pourrait
alors être valablement comparée à celle qu'ils peuvent avoir dans une économie développée, car cette
comparaison se fera sur des bases sinon analogues du moins suffisamment rapprochées l'une de
l'autre.
En réalité, ainsi que cela a été développé ci-dessus, la confusion provient de l'utilisation qui
est faite mécaniquement de ces ratios, sans que leur signification et leur relation avec nos options de
développement économique n'aient été analysées et prises en compte.
A cet égard, la note du Ministère des Finances ne fait nullement allusion au critère de valeur
ajoutée nationale qui constitue le meilleur indicateur des gains économiques que peut engendrer une
opération d'investissement.
En appliquant ce critère aux exemples cités plus haut, il devient alors aisé de constater que
l'opération dont le ratio chiffre d'affaires/investissements ou charges de personnel est bas, et qui, de
ce point de vue, apparaît comme non rentable, engendre en réalité une valeur ajoutée importante et
acquiert, de ce fait, une rentabilité très élevée au sens macroéconomique et vice-versa.
Ainsi, ce critère permet de bien distinguer les opérations pseudo-industrielles ou quasi-
commerciales, qui engendrent une faible valeur ajoutée nationale, de celles qui sont authentiquement
industrielles et qui engendrent une forte valeur ajoutée nationale.
De ce point de vue, il est difficile à quiconque et, en particulier, à ceux qui ne cessent de
qualifier, injustement, de désastreux les résultats de nos entreprises socialistes, de nier que celles-ci
ont fortement contribué à l'accroissement de la valeur ajoutée nationale, qui s'exprime, notamment,
non seulement par la masse des salaires distribués, mais aussi par le volume important des ressources
fiscales et para-fiscales que leurs activités ont procurées à l'État.
Ces résultats ont été obtenus grâce à la politique d'intégration poussée poursuivie par les
entreprises socialistes et qui constitue la seule voie possible vers une industrialisation authentique et
un développement économique autonome. (Voir annexe n° 3 sur la valeur ajoutée)

11.3. - De la rentabilité au développement.


- "En vérité, une politique d'industrialisation doit être appréciée dans sa globalité, au travers
de toutes ses composantes et non être jugée sur un élément déterminé pris isolément de l'ensemble
que recouvre une telle politique. Considérée sous cet angle, l'industrialisation en Algérie comporte
un large éventail d'actions destinées non seulement à susciter des emplois, mais aussi, à situer ces
emplois dans les régions qui figurent parmi les plus déshéritées du pays..." (Charte Nationale).
176
Il est à déplorer que la note du Ministère des Finances, en traitant des résultats des
entreprises, n'ait souligné nulle part cet aspect, pourtant important, de la rentabilité de nos entreprises
socialistes.
Car, rien ne serait plus facile à celles-ci, si elles devaient se soucier de satisfaire avant tout,
des critères tels que le ratio chiffre d'affaires/investissements ou charges de personnel, de se lancer
dans des choix d'investissements moins lourds, identiques dans leur genre à ceux que réalisent par
exemple de nombreuses firmes multinationales dans les pays sous-développés et portant sur des
opérations industrielles "légères" et faiblement génératrices de valeur ajoutée (montage,
transformation finale et partielle de certains produits semi-élaborés).
En agissant de la sorte, nos entreprises socialistes industrielles pourraient afficher des
résultats financiers élevés qu'il leur serait aisé d'atteindre, du fait de la modestie des investissements
engagés et de la relative simplicité des processus de fabrication mis en oeuvre.
Mais, ce que cette apparente rentabilité élevée ne laissera pas apparaître, c'est la faible valeur
ajoutée apportée à l'économie et surtout les coûts importants en devises qu'il conviendra de supporter
en permanence pour procéder aux achats des pièces, composants et produits intermédiaires non fabri-
qués localement et qui entreraient, alors, dans la composition des produits sortant de nos usines.
Ainsi, chaque fois que les tenants de la rentabilité, mesurée en termes de ratios identiques à
ceux cités plus haut, décideront qu'une opération industrielle n'est pas rentable, le risque est grand
que cela ne les conduise à renoncer à fabriquer, dans notre pays, un certain nombre de produits dont
notre économie aura pourtant grand besoin, et à laisser ceux qui ne cultivent pas, sans discernement,
la religion des ratios le faire à notre place.
Ces derniers trouveront là de bonnes opportunités pour écouler leurs produits, même s'il faut
parfois qu'ils les fabriquent avec notre main-d’œuvre expatriée, à laquelle se fermeront chez nous des
possibilités d'emploi dont la création n'aura pas été jugée nécessaire en vertu d'une conception étri-
quée de la loi des ratios de rentabilité.

11.4. - La naissance d'un projet : de l'inadaptation des critères d'évaluation à la


multiplication de certaines pratiques.
Puisque le problème de "ce qui n'est pas accordé à l'entreprise sur le plan du financement de
l'investissement" est posé, il y a lieu d'identifier les rubriques de projets qui font l'objet d'un refus de
financement adéquat de la part des services bancaires et les techniques que ces derniers utilisent pour
parvenir à leurs fins et, enfin, les conséquences sur le cet total de l'investissement ainsi que sur la
gestion des unités ainsi réalisées.
Se basant sur les orientations données par le Ministère des Finances, selon lesquelles
"l'obligation de faire face à tous les investissements productifs planifiés n'est pas mécanique et ne
peut se faire n'importe comment, ni à n'importe quel prix", le système bancaire et financier en a fait
une règle de droit pour refuser ou réduire le montant de crédits sollicités et un moyen de contrôle "a
priori" de la gestion et des gestionnaires des entreprises socialistes.
Ce refus ou cette réduction procèdent généralement de plusieurs attitudes devant
l'investissement, qui découleraient :

177
- des ressources limitées et du respect des enveloppes fixées,
- du niveau d'endettement et des capacités de rembourse- ment de l'entreprise.
Mais, en réalité, ces refus ne font que masquer la volonté de freiner le rythme du
développement industriel.
Les refus d'une partie ou de la totalité des crédits sont opérés selon des méthodes très
élaborées que pratiquent couramment certaines banques privées vis-à-vis de la clientèle jugée "peu
crédible".
Il y a tout d'abord les manœuvres procédurières.
Les services bancaires sont spécialisés dans la manière de demander à faire "compléter"
systématiquement tout dossier de crédit déposé à la banque : "il manque telle pièce ou telle
autorisation". En général, si tout est en ordre, on vous invite à rechercher les accords du Plan, du
Ministère des Finances et de la tutelle de l'entreprise, comme si l'opération introduite par l'entreprise
auprès de sa banque n'avait pas déjà reçu l'aval de son Ministère de tutelle ou n'entrait pas dans le
cadre des objectifs du plan.
Quand, enfin, après un certain temps, on se décide à étudier le dossier, se déclenche alors une
série "d'observations" à caractère dilatoire :
- "il faut revoir les conditions du crédit extérieur", ou bien
- "le plan de financement n'est pas adapté"
et dont le résultat pratique se traduit par un report des mises en vigueur ou des paiements d'acomptes
des contrats passés par les entreprises.
Si, entre-temps, une entreprise s'impatientait et se proposait de relancer les services concernés
de la banque, la technique "du responsable intéressé qui n'est pas là" vient rappeler à quiconque
l'oublie que la banque à ses raisons et qu'il ne faut pas la déranger.
Pourtant, les modalités prévues dans les circulaires officielles, pour l'allocation des crédits
d'investissements, ne laissent pas, en apparence, présumer une quelconque atteinte à la politique de
développement de l'économie nationale : les projets d'investissements appuyés d'une étude technico-
économique élaborée conformément au schéma type du "manuel d'évaluation des projets", sont
transmis par l'entreprise socialiste aux services du Plan.
Les projets, une fois étudiés par ces services, et retenus après compléments et modifications
éventuelles en liaison avec les opérateurs concernés, font alors l'objet d'une "décision
d'individualisation".
Après cette opération d'individualisation, la procédure de financement est mise en oeuvre par
la réunion de "Comités Techniques", spécialement créés à cet effet, composés de représentants des
administrations et des entreprises concernées, et placés auprès du système bancaire ; ces comités
techniques sont chargés de définir un "Plan de Financement" pour chaque projet et de le soumettre,
pour décision, au "Conseil de Direction" de la B.A.D... Les plans de financement sont étudiés en
tenant compte, pour chacun des projets planifiés, de la nature de l'opération, de la situation financière
de l'entreprise concernée et de l'état des liquidités existantes. L'adoption des plans de financement par
le Conseil de Direction de la B.A.D. débouche sur l'établissement, par l'Administration Centrale du
178
Ministère des Finances, des "décisions de financement" correspondantes, qui sont notifiées aux
Ministères concernés et aux organismes emprunteurs.
Ces décisions de financement permettent aux entreprises de passer avec, respectivement, leur
banque primaire et la B.A.D., des conventions de crédit qui comportent le montant, les conditions et
les modalités de remboursement des prêts à moyen et long terme.
La banque primaire ouvre à son niveau un compte d'investissement pour chaque entreprise
domiciliée chez elle; d'autre part, elle tient, pour chaque projet, des fiches de suivi des crédits moyen
terme et long terme octroyés, ainsi que des crédits extérieurs contractés par l'entreprise, et ce pour
faciliter les contrôles a priori et a posteriori de tous les paiements. Ce système permet ainsi aux
banques de suivre et de connaître à tout moment la réalisation financière des projets planifiés qui
donnent lieu, d'ailleurs, à l'élaboration de situations périodiques aux Ministères de tutelle des orga-
nismes concernés, au Plan et au Ministère des Finances.
Sur le plan macro-économique, ce système devait déboucher sur une maîtrise des
mouvements de fonds dans la sphère productive par le système bancaire... Ce qui aurait constitué un
jalon important dans l'instauration progressive d'une planification financière.
En réalité, le système bancaire tient, à travers le "Manuel d'Évaluation des Projets" et "le
Plan de Financement", non pas les instruments d'analyse pour adapter les crédits aux besoins
exprimés par les entreprises socialistes, mais au contraire les moyens de contenir ces besoins dans les
limites d'une enveloppe décidée d'avance par les banques "en fonction des disponibilités financières".
Au niveau de l'évaluation du projet, tout d'abord, l'approche des Services des Finances et du
Plan ne prend pas en compte les objectifs économiques. Se basant essentiellement sur les coûts
directs, cette approche ignore la valeur ajoutée, non seulement celle qui correspond directement au
projet, mais également celle qui est créée dans les autres branches d'activités ou les autres secteurs
par la mise en oeuvre de ce projet.
On ne peut ignorer que la valeur ajoutée nette créée à l'intérieur ou à l'extérieur d'un projet se
traduit par un revenu supplémentaire allant à différents organismes de l'État et aux travailleurs.
Il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des conséquences économiques d'un projet, telles la
valeur ajoutée supplémentaire engendrée annuellement, les changements de revenu pour chaque
groupe d'agents, l'emploi créé directement ou indirectement, ainsi que le colt réel pour la collectivité,
donc de l'ensemble des éléments traduisant la rentabilité économique du projet, et seuls à même de
déterminer le volume des crédits qui doivent être utilement affectés à l'investissement.
Par conséquent, les critères d'évaluation des projets et leur présentation doivent être
complétés comme indiqué ci-dessus, sous peine de fausser les choix économiques opérés par les
autorités compétentes.
Considérant certains projets dits "chers" et peu rentables financièrement sur la base des
critères du manuel d'évaluation, l'on tente de remettre en cause certains investissements.
Par ailleurs, lors de l'individualisation d'un projet, les Services du Plan procèdent, de façon
unilatérale et arbitrairement, c'est-à-dire en ne se fondant sur aucun critère objectif, à la réduction des
crédits d'investissement demandés, et ce, soit en minorant les prévisions initiales prévues dans
certains postes de l'investissement, soit même en retranchant, purement et simplement, certaines
179
prestations pourtant indispensables à la bonne réalisation du projet, et, de ce fait, prévues dans la
demande d'individualisation élaborées par l'entreprise.
C'est ainsi que :
- la construction des logements et des infrastructures sociales nécessaires à la vie du projet
n'est pas prise en compte dans la fiche d'individualisation. Les dossiers concernant les cités de
travailleurs, à mettre en place près du site de chaque projet, sont purement et simplement
rejetés, obligeant les entreprises à subir les coûts de transport de leur personnel et les effets
négatifs sur le niveau de production des unités, du fait de la fatigue et de l'absentéisme d'une
partie des effectifs de ces unités ;
- la prise en charge, sur le budget d'investissement, du coût de l'assistance technique pour le
démarrage des projets et la formation professionnelle complémentaire du personnel
d'exploitation, est limitée à une année au maximum dans le cas, par exemple, du contrat
"produit en main", sans donc tenir compte de la durée qui a réellement été prévue dans le
contrat (souvent deux à trois années), en fonction de la nature du projet, du nombre d'équipes,
et du délai nécessaire pour leur mise en place, en un mot du planning de montée en cadence
de l'usine réalisée. Et pourtant, c'est seulement une fois cette phase de montée en cadence
achevée que l'usine peut être considérée comme étant entrée vraiment dans sa phase normale
d'exploitation, cela signifiant que cette assistance technique au démarrage, telle que prévue
dans le contrat "produit en main", ne constitue pas une charge normale d'exploitation mais
une dépense d'investissement nécessaire à la bonne réalisation du projet qui doit, de ce fait,
faire l'objet d'un amortissement sur un certain nombre d'années d'exploitation au même titre
que les autres postes de l'investissement ;
- les coûts de la construction, qui sont appréciés par les Services du Plan sur la base de taux
unitaires en Dinars par mètre carré construit, sont souvent minorés lors de l'étude du dossier
d'individualisation, sans qu'il soit tenu compte de l'ensemble des éléments techniques propres
au projet, de la nature du terrain d'assiette, des conditions de réalisation en relation avec le
site d'implantation, ou de la progression du coût de la main-d’œuvre et des matériaux durant
la période de réalisation du projet.
En outre, il est clair que l'impact de l'inflation sur les coûts d'investissement des projets,
notamment ceux des équipements et services importés dans le cadre de ces projets, cet impact étant
aggravé par les divers retards enregistrés dans leur réalisation, rend souvent caduques les prévisions
budgétaires arrêtées initialement par les entreprises.
Il est alors, pour le moins normal, surtout si ces prévisions ont été minorées par les Services
du Plan, que les financements, insuffisants au départ, soient complétés, lorsque cela est nécessaire,
pour achever les opérations programmées.
Les Services Financiers ne l'entendent pas toujours de cette manière, puisque des chantiers
ont dû s'arrêter faute de crédits additionnels pour honorer les engagements pris. C'est ainsi que dans
le cas du complexe lainier de Tiaret, par exemple, un complément de crédits sur investissements, qui
devait permettre d'acheter des équipements et des matières premières nécessaires au démarrage de
fabrication, a été refusé durant plusieurs mois, retardant d'autant la mise en production de ce
complexe.
180
En ce qui concerne justement les retards enregistrés dans l'achèvement de certains projets, la
note du Ministère des Finances les évoque en adoptant un ton général très vague, qui laisse supposer
que la responsabilité de ces retards incombe exclusivement aux entreprises. Certes, ces entreprises ne
sont pas exemptes de reproches à ce sujet et beaucoup de négligences et de défaillances leur sont
certainement imputables.
Mais la note du Ministre des Finances, de son côté, ne fait pas état des nombreuses
tracasseries administratives dont sont l'objet les entreprises de la part des organismes qui dépendent
du Ministère des Finances et dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles ont fortement contribué au
ralentissement des activités économiques, si ce n'est parfois à leur blocage complet.
Il est devenu fréquent, ces dernières années, qu'un projet dûment signé et doté d'un
financement extérieur attende plus d'une année l'autorisation de sa mise en vigueur. Ce retard
provoque le renchérissement du projet avant même le début de son exécution, dans des proportions
qui sont rarement inférieures à 10 % par an.
A ce retard initial devenu presque inévitable, s'ajoutent de nombreux autres retards affectant
les projets en cours de réalisation et dus soit aux difficultés d'acquisition du terrain d'implantation,
soit aux formalités douanières, soit aux lenteurs des banques.
Il est évident que tous ces retards et les difficultés qui en découlent au niveau de la réalisation
des projets sont à l'origine d'une attitude, qui est devenue naturelle ces dernières années, chez les
soumissionnaires étrangers, et qui consiste dans le gonflement systématique du prix de leurs offres
pour se prémunir, à l'avance et de la façon la plus sécurisante possible, contre de tels aléas.
A ce gonflement du montant initial du contrat vient s'ajouter l'effet de la mise en jeu des
clauses contractuelles de révision des prix, provoquant, même en cas de contrat à prix fermes, un
nouveau renchérissement de l'investissement, du fait d'une perturbation du planning contractuel de
réalisation pour des raisons indépendantes de la volonté du cocontractant étranger.
Ces retards compromettent les planning de réalisation des projets et provoquent, outre le
renchérissement des prestations et des fournitures comme indiqué ci-dessus, l'immobilisation
prolongée de stocks importants de matières premières et de produits semi-finis, la mise au chômage
forcé et quelquefois la perte de la main-d’œuvre recrutée et formée pour les besoins des projets, ainsi
que des manques à gagner considérables, du fait des décalages successifs dans le lancement des
fabrications.
Les causes de ces décalages ne sont pas toutes imputables au services extérieurs à l'entreprise,
ceux des Finances notamment ; mais on aurait souhaité qu'au lieu de se contenter de signaler de tels
retards, les responsables des Finances proposent des mesures adéquates pour éliminer les causes qui
sont à leur origine et, en particulier, celles, nombreuses, de ces causes qui relèvent des organismes
qu'ils dirigent.
En définitive, ce que le secteur bancaire et financier considère comme des insuffisances dans
la gestion des projets est, en fait, imputable dans une large mesure aux faiblesses du système
d'évaluation et de financement des projets qui a été mis au point par les Services des Finances et par
ceux du Plan et qui ne colle pas à la réalité.

181
De même que la réévaluation des projets doit être comprise, tout au moins dans un grand
nombre de cas, comme destinée non pas à combler seulement d'éventuelles erreurs d'estimation
initiale par l'entreprise socialiste, mais également à compenser les "fausses économies" nées soit de la
sous-évaluation initiale des projets opérée par les Services chargés de l'individualisation et du
financement, soit du renchérissement de leur coût dû, en particulier, aux retards de toutes sortes
enregistrés dans leur réalisation, soit encore des financements inadaptés aux besoins réels
d'investissement des entreprises, soit enfin de l'effet combiné de ces trois causes agissant
cumulativement.

11.5. - Gestion et contrôle des entreprises.


11.5.1. - Quand, on refuse à l'entreprise et à sa tutelle les moyens d'organiser sa
gestion et son contrôle.
Parmi les facteurs de surcoûts internes à l'entreprise, la note signale l'absence fréquente de
critères de gestion.
Il est à rappeler que la définition des critères de gestion et la mise en place, au sein des
entreprises nationales, d'une organisation rationnelle des activités bâtie sur un ensemble cohérent de
systèmes et sur des procédures normalisées devant permettre une meilleure utilisation de l'outil de
production, font partie des préoccupations majeures du secteur industriel qui a engagé, depuis sa
création, de nombreuses actions dans ce domaine.
Une tâche d'une telle ampleur passe tout de même par l'étude détaillée des activités de chaque
entreprise, l'analyse de tous les postes de travail et leur réaménagement éventuel en vue d'une
meilleure productivité, par la définition des qualifications professionnelles requises et de la formation
du personnel devant y satisfaire, par la mise en application de systèmes comptables adéquats pour
une quantification convenable des moyens engagés et des résultats obtenus, ainsi que par la mise en
place de circuits d'information de gestion devant permettre et faciliter le suivi et le contrôle de toutes
les activités.
Pour mener à bien une telle tâche, qui intéresse l'ensemble des entreprises nationales, le
concours de sociétés étrangères dont la qualification et l'expérience dans ce domaine sont
confirmées, est nécessaire. A cet effet, il a été déposé, auprès des organismes financiers de contrôle,
des projets de contrats d'assistance et sollicité un accord pour leur mise en application.
Il faut déplorer, malheureusement, le manque de diligence des différents organismes
concernés des Finances et du Plan qui a fait que cette action, envisagée depuis de nombreux mois
déjà, n'ait pu encore, à ce jour, être engagée sur le terrain et dont l'opportunité même semble,
maintenant, contestée.
Ainsi, alors que le Ministère des Finances se dit, d'une part, persuadé de la nécessité et de
l'urgence d'organiser les entreprises socialistes sur des bases rationnelles et de les doter de critères de
gestion devant permettre une évaluation et un contrôle aisés de leurs activités, il continue, d'autre
part, à les priver des moyens qui leur sont indispensables pour mener à bien ces actions.
Les services de l'Industrie n'ont pas manqué, pour leur part, d'apporter toutes les précisions
nécessaires sur ce problème. De nombreuses remarques et mises au point ont été faites, au sein des
instances appropriées, sur cette question.
182
Mais le Ministère des Finances s'est contenté de qualifier de polémiques les nombreuses notes
qui lui ont été adressées. N'est-il pas trop facile de qualifier un argument de polémique, lorsqu'on ne
veut ou ne peut lui apporter de réponse valable ?
L'attitude adoptée par le Ministère des Finances au sujet de l'assistance technique étrangère
recherchée par le secteur industriel pour acquérir des méthodes modernes de gestion et d'organisation
de la production prend un relief bien significatif quand on sait que, pour ce qui le concerne, il recourt
presque systématiquement à l'assistance de l'Inspection des Finances d'un pays étranger et de la
Banque Mondiale pour, par exemple, apprendre à ses services comment évaluer un projet ou bien
pour étudier la réorganisation du système bancaire national. Reprenant à son compte le vieil adage
"Faites ce que je dis et non pas ce que je fais", le Ministère des Finances considère comme des
dépenses inutiles les études pour des conseils en gestion quand elles sont engagées par les entreprises
industrielles, mais y voit certainement un moyen efficace de "défendre les intérêts de l'État" lorsque
ces études sont le fait de ses propres services.
En d'autres termes, le Ministère des Finances organise ainsi, au niveau des entreprises,
l'inefficacité qu'il critique, pendant que, lui-même, se dote, comme il l'entend, des moyens
nécessaires à l'amélioration de sa propre efficacité.
N'est-ce pas là l'expression d'une volonté, à peine déguisée, de maintenir les entreprises hors
d'état de s'organiser, en les privant des moyens qui leurs sont indispensables pour surmonter leurs
difficultés ?
Est-il normal de dénoncer l'absence de critères de gestion dans les entreprises socialistes, tout
en continuant à les priver des moyens nécessaires pour mettre en place ces critères de gestion et alors
que le Ministère des Finances ignore ces mêmes règles de gestion dans les banques et autres
entreprises placées sous sa tutelle ? Peut-on parler de sanctionner la gestion des entreprises
socialistes alors que l'absence de critères de gestion ne permet nullement à un contrôle véritable de
s'effectuer ni, par conséquent, à des sanctions d'être objectivement prononcées ?

11.5.2. - Les limites à l'autonomie de fonctionnement des entreprises.


L'assertion que les entreprises socialistes ne sont tenues par "aucune limite en matière de
fonctionnement" peut laisser croire, à ceux qui ne connaissent pas les structures de gestion et de
contrôle de ces entreprises, que ces organismes disposent d'une autonomie totale de gestion et ne sont
comptables devant aucune autorité de leurs actions et de leurs résultats.
En fait, l'entreprise socialiste ne dispose pratiquement d'aucune marge de manœuvre dans ses
dépenses comme dans l'utilisation de ses résultats.
Le budget de l'entreprise, qui lui fixe les moyens et les objectifs à atteindre, est approuvé par
l'autorité de tutelle après avoir été discuté au niveau des unités et du siège de l'entreprise, avec la
participation des assemblées des travailleurs, en conformité avec les textes portant gestion socialiste
des entreprises ; ce budget est régulièrement communiqué à toutes les instances concernées et à ceux
qui en font la demande. De plus, la réalisation de ce budget donne lieu à des contrôles périodiques de
la part des assemblées des travailleurs et des services du Ministère de tutelle.
Par ailleurs, il faut signaler que, d'une manière générale, et pour une multitude de raisons
relevant soit du contrôle, soit de la simple information, soit encore de la nécessité d'établissement de
183
bilans, et ce, régulièrement pour certains aspects et ponctuellement pour d'autres, les entreprises sont
soumises, de plus en plus, à de trop nombreuses sollicitations, émanant aussi bien de leur Ministère
de tutelle que des services du Plan et des Finances ; ces sollicitations deviennent telles que les
entreprises ont dû mettre en place des services spécialisés de correspondants destinés à répondre à
ces sollicitations ; ce sont en effet des rapports mensuels, trimestriels, annuels, quadriennaux et
même décennaux que les entreprises élaborent et soumettent aux services de la tutelle, des Finances
et du Plan, en plus des nombreuses notes et correspondances communiquées ponctuellement.
De plus, indépendamment des crédits destinés aux investissements dont l'utilisation est
contrôlée étroitement par le système financier, les comptes prévisionnels des entreprises sont soumis,
avant le commencement de l'exercice, à l'approbation de la Banque qui en assume ainsi la
supervision. On ne saurait, tout de même, assimiler le fait que les Banques n'exercent pas les
attributions de contrôle, qui leur sont dévolues par les textes, à une absence de contrôle dont la
responsabilité est paradoxalement imputée aux entreprises.
En outre, les achats de l'entreprise, qui proviennent pour une grande part de l'étranger, sont
limités par les A.G.I. délivrées pour le Ministère du Commerce. Les salaires et prestations sociales,
les taxes et frais financiers sont, par ailleurs, des charges fixées par la réglementation et qui
s'imposent à l'entreprise, sana aucune possibilité pour elle de les influencer.
Quant aux résultats, ils sont pompés par le système fiscal et financier, au point que les
entreprises se trouvent, des années après leur création, dans une situation de dépendance telle que
l'auto-financement de leur activité demeure un objectif illusoire.
Cette mise au point étant faite, il paraît nécessaire de mettre l'accent, en particulier, sur le
budget des entreprises socialistes, qui est l'élément de base sur lequel repose le contrôle de gestion du
Ministère de tutelle et sur les directives qui guident ces entreprises dans la mise en oeuvre des
moyens mis à leur disposition pour atteindre les objectifs fixés.
L'élaboration de ce budget est l'occasion, pour les gestionnaires et les assemblées de
travailleurs de l'entreprise ainsi que pour le Ministère de tutelle, de maintenir la cohérence des
objectifs budgétaires avec les priorités retenues par le Plan et de systématiser les efforts
d'optimisation et de redressement des résultats.
La procédure de préparation, d'adoption et de suivi des réalisations budgétaires, ne laisse
aucun doute sur le rôle actif du Ministère de tutelle dans l'orientation et le contrôle de l'entreprise
socialiste et sur la participation active des différents collectifs des travailleurs, qui veillent au bon
fonctionnement de ces entreprises dans le cadre des limites budgétaires qui leur sont fixées.
En tout état de cause, si le secteur financier et bancaire ne dispose pas, dans l'état actuel de
son organisation, des instruments d'analyse de la situation des entreprises, ce n'est pas faute
d'informations de la part de ces entreprises, si l'on juge par le nombre des documents transmis
régulièrement aux différents organismes sous tutelle du Ministère des Finances, pour ne citer que les
budgets, les bilans et comptes d'exploitation, les rapports d'activité, les plans de trésorerie, les
déclarations fiscales...
Si l'on ajoute les informations ponctuelles, les réunions, les inspections, les études d'analyse
financière et comptable destinées à éclairer les différentes institutions financières sur le
fonctionnement des entreprises, il n'y a pas de doute que les éléments d'appréciation de la situation
184
de ces entreprises existent et que le nuage de fumée dans lequel on tente d'enfermer leur activité pour
mieux la critiquer n'existe que dans l'esprit de gens dont les intentions visent délibérément à
déformer la réalité, à tromper la bonne foi des personnes non averties et, en définitive, à dénigrer
pour détruire, par envie, par haine ou par intérêt.
La politique, qui consiste à mettre en avant la prétendue impossibilité, pour le système
financier, de voir clair dans les comptes des entreprises pour masquer son incapacité à analyser et à
redresser les déséquilibres financiers de ces entreprises, n'est rien d'autre que la politique de
l'autruche.
Si l'on avait invité les entreprises à présenter les différentes charges qu'elles assument
indûment et, en particulier, certaines dépenses d'infrastructure, puis à discuter sur les coûts
correspondants, pour apprécier ce qui relève effectivement de leur gestion et ce qui ne l'est pas, et si
on était arrivé, par la suite, à conclure à l'impossibilité d'affecter ces différentes charges par manque
de données précises, on pourrait alors conclure que la responsabilité d'une telle situation incombe en
partie aux entreprises.
Cependant, la réalité est toute autre, à partir du moment où le secteur financier et bancaire n'a
rien fait pour apporter des solutions définitives aux problèmes financiers des entreprises, malgré
toutes les données recueillies sur ces problèmes et toutes les sollicitations dont il a été l'objet à ce
sujet. Une telle attitude, de la part de l'administration des Finances, laisse supposer un manque de
volonté d'exploiter les informations disponibles et d'apporter des solutions aux difficultés financières
des entreprises.
Les mesures prises récemment, en février 1979, après tant d'années de tergiversations et de
blocages systématiques, n'apportent qu'un allégement partiel et temporaire à ces problèmes.
Mais, en dépit des défaillances que l'on peut relever dans le fonctionnement des entreprises, il
ne faut pas croire "qu'en l'état actuel des choses, l'entreprise n'est tenue par aucune limite en matière
de fonctionnement". Indépendamment du contrôle du Ministère de tutelle et des Assemblées des
Travailleurs, le secteur financier et bancaire continue à enserrer les entreprises dans un carcan si
étroit qu'il ne leur permet de survivre que grâce à des reports d'échéances de crédit ou à des
découverts de trésorerie, lesquels sont assortis de charges encore plus contraignantes.
Dans la phase actuelle, l'entreprise est arrivée au point où, sur chaque mouvement de fonds,
elle doit payer un impôt qui alourdit ses charges et déséquilibre davantage ses comptes financiers,
alors que, par ailleurs, des investissements de plus en plus nombreux se réalisent et qu'une
production plus importante et plus variée est mise sur le marché.
Dans ces conditions, l'inquiétude du secteur financier et bancaire, si ce secteur situait son
action dans une perspective de développement de l'économie nationale, n'a pas sa raison d'être,
surtout quand une telle inquiétude n'est fondée que sur l'augmentation d'un "découvert" qu'il a lui-
même contribué à créer et amplifier.
Dans son intervention à la première session (1976) du Conseil National Economique et Social
(C.N.E.S.) relative aux problèmes financiers des entreprises, le Ministère de l'Industrie et de
l'Énergie avait mis l'accent, une fois de plus, sur les difficultés financières rencontrées par les
Entreprises Socialistes et sur la manière de les résoudre dans l'intérêt national.

185
Dans cette intervention, qui garde toute actualité, puisque rien de nouveau n'est venu apporter
une amélioration dans le financement des activités de l'entreprise, il disait en substance :
"Que l'on mette en place un système de financement des investissements qui tienne compte
des conditions de réalisation des projets dans notre pays et qui évolue avec l'évolution de ces
conditions, que l'on mette enfin en place un système de financement de la production quitte à ce que
ce système, au moyen d'un taux d'intérêt, pénalise les dépassements éventuels, que l'on éclaircisse les
procédures d'agrément et de financement des investissements ainsi que la mise à la disposition des
entreprises de crédits adéquats, que l'on revienne à des notions plus conformes à la réalité de notre
pays et de notre économie, en matière de contrôle des changes, que soit précisé le rôle du trésor en
tant que trésor public d'une part et celui qui est le sien en tant que banque de développement, que
l'on réforme profondément les procédures, pratiques et réglementa fiscaux, que l'on décentralise les
crédits et les banques, que tout cela ne soit plus, comme par le passé, fait en dehors des entreprises,
mais que toutes ces réformes soient conçues et mises en place avec la collaboration des entreprises
et on aura certainement contribué à aider à la solution de ces problèmes financiers".

186
TITRE VI. - LES RESSOURCES POUR LE DEVELOPPEMENT
Chapitre 12. - Comment sont épongées les possibilités dl financement
des entreprises ?
12.1. - L'auto-financement, les amortissements et leur affectation.
Il est évident que les financements par le crédit posent le problème du calendrier de
remboursement, lequel doit être compatible avec le rythme de dégagement, par l'entreprise, d'un
cash-flow utilisable pour ce remboursement. Ce cash-flow, qui définit les capacités d'auto-
financement de l'entreprise, mesure l'aptitude pour celle-ci d'accroître son fonde de roulement et de
financer, par là-même, de nouveaux équipements ou de rembourser des emprunts à moyen et long
terme. Cette capacité d'auto-financement est mesurée par la somme "bénéfices plus dotations aux
amortissements de l'exercice", qui reflète bien, s'il n'y a pas d'investissements nouveaux, l'accroisse-
ment du fonds de roulement de l'entreprise ou, si l'on préfère, l'accroissement du montant des
capitaux laissés dans l'entreprise.
En tout état de cause, la composante "amortissements" n'assure un dégagement de ressources
que dans la mesure les résultats annuels nets, après impôts, sont pour le moins équilibrés. Dans le cas
d'une entreprise en pertes, les dotations aux amortissements ne dégagent des ressources que si les
amortissements excèdent les pertes et seulement à la hauteur de cet excédent.
Il est à souligner que la masse des amortissements, en cas de résultats bénéficiaires, ou dans
la limite indiquée ci-dessus en cas de résultat déficitaire, est utilisée normalement, en attendant son
réemploi, à des fins diverses : achats de stocks, financement de postes client etc. Elle contribue, ainsi,
à alléger la trésorerie et à améliorer le fonds de roulement.
Dans le cas des entreprises socialistes, les ressources qui pouvaient être induites par les
amortissements ont déjà leur affectation aux remboursements des emprunts faits pour réaliser les
investissements, ou à la réduction de leur endettement bancaire et, par conséquent, de leurs charges
financières.
Toutefois, l'absence de fonds propres et le financement du fonds de roulement de l'entreprise
par crédits bancaires, sur lesquels l'entreprise paie des intérêts débiteurs, montrent s'il en était besoin,
que le cash-flow des entreprises est, dans bien des cas, insuffisant pour le remboursement des
emprunts ou pour la réduction de l'endettement bancaire.

12.2. - Des crédits inadaptés aux crédits relais.


L'on est en droit de s'interroger, alors, pourquoi les programmes de remboursement de crédits
d'investissements ont été définis par les organismes financiers sans référence aux possibilités
objectives de dégagement interne des ressources par les entreprises concernées, c'est-à-dire sans tenir
compte des conditions réelles de réalisation des projets dans notre pays, ni du contexte dans lequel
fonctionnent les entreprises socialistes.
De plus, l'on fait peu de cas de la nécessité pour une entreprise d'avoir des fonds qui lui soient
affectés à un niveau suffisant pour respecter ses échéances et de disposer de ressources stables dans
son patrimoine qui lui permettront de couvrir les différences entre ces échéances et son cash-flow ;
187
faute de ces ressources, les entreprises sont amenées à régler les échéances des crédits
d'investissements par le découvert bancaire affecté au fonds de roulement et continuent ainsi de
s'enfoncer dans l'endettement.
Les exemples nombreux de plans de financement adoptés par la B.A.D. pour les
investissements montrent que les programmes de remboursements des crédits ne sont généralement
pas modulés sur le cash-flow prévisionnel dégagé par le projet.
Plus précisément, la désarticulation du financement des projets par rapport aux conditions de
réalisation de ceux-ci se produit parce qu'on ne tient compte ni des délais effectifs de leur réalisation,
ni de la durée de leur montée en cadence.
En effet, les crédits obtenus et destinés aux projets, qu'ils soient d'origine interne ou externe,
sont en général remboursables sur une durée de cinq à dix ans, incluant un délai de grâce variant de
vingt-quatre (24) à quarante-huit (48) mois, correspondant en principe au délai théorique initialement
prévu pour la réalisation du projet considéré.
Or, même après 48 mois de délai de grâce, il peut arriver, par suite de retards dans la
réalisation que le projet ne soit pas achevé, alors que le remboursement de l'emprunt commence à
s'effectuer. En outre, même si la période de grâce correspondait avec exactitude au délai réel de
réalisation, il resterait à tenir compte de la période de montée en cadence qui, elle, peut durer jusqu'à
vingt-quatre (24), voire trente-six (36) mois, selon le type d'industrie envisagée et la complexité du
process de fabrication.
Donc, le délai de grâce, inférieur ou, au mieux, égal à la durée réelle de réalisation, est
toujours inférieur à la période nécessaire pour atteindre une production normale de l'usine projetée.
Cette inadaptation du financement aux réalités inhérentes à la réalisation d'un projet rend
alors nécessaire la mise en place de crédits-relais, qui permettraient le remboursement des emprunts
par le projet lui-même, après qu'il ait atteint sa phase normale d'exploitation.
L'absence de ces crédits-relais dont la nécessité était déjà reconnue en 1974, du moins au
niveau du Conseil de Direction de la BAD, et dont la mise en place est projetée, sans résultat, depuis
cette date, entraîne automatiquement un prélèvement, sur le compte d'exploitation de l'entreprise,
destiné à couvrir à la fois les charges de remboursement des premières échéances et les charges
d'intérêt correspondantes.
De plus, dans le cas où l'entreprise a une trésorerie insuffisante ou bien si elle est déjà en
découvert au niveau de son compte d'exploitation, les remboursements qu'elle doit effectuer pour les
crédits et les emprunts liés aux investissements, l'amènent alors à aggraver sa situation de trésorerie,
c'est-à-dire son découvert bancaire.
A titre d'exemple, on peut citer les cas de la SOGEDIA et de la SONITEX.
Pour la SOGEDIA, le découvert occasionné par les remboursements de crédits et d'emprunts
liés aux investissements atteint 115 Millions de Dinars à fin 1978. Il ira en s'accentuant, eu égard à
l'importance des remboursements de dettes internes et externes dues aux investissements réalisés ou
en cours de réalisation. En effet, l'échéancier prévu pour ces remboursements jusqu'en 1982, à savoir
:

188
Pour 1979 117 219 (en 103 DA)
Pour 1980 119 155
Pour 1981 107 756
Pour 1982 100 793
amènera l'entreprise à augmenter de façon sensible le montant de son découvert, tout en supportant
des charges d'intérêt liées à ce découvert, charges qui seront de plus en plus élevées, passant, par
exemple, de 6 Millions de Dinars en 1978 à 9 Millions de Dinars en 1979.
Pour la SONITEX, l'examen de sa situation financière montre qu'au 31/12/1978, environ 360
Millions de Dinars, c'est-à-dire plus de la moitié de son découvert, évalué à cette date, à 600 Millions
de Dinars (et ce, sans compter les crédits B.A.D. arrivés à échéance et non remboursés du fait de la
structure financière de l'entreprise), sont constitués par les remboursements des emprunts contractés
pour les investissements, et par les frais financiers du découvert correspondant.
Il est donc clair que, par suite de l'inadéquation entre les prévisions de dégagement de cash-
flow par les nouvelles unités, d'une part, et les plans de financement arrêtés pour la mise en place des
investissements correspondants, d'autre part, l'entreprise est obligée de commencer à rembourser les
échéances des emprunts contractés pour ces investissements, alors même que la mise en production
des unités créées avec ces emprunts n'a pas commencé, ces remboursements étant alors opérés sur le
compte d'exploitation de l'entreprise, ce qui a pour conséquence de détériorer sa trésorerie,
d'augmenter son découvert et d'alourdir ses charges financières. L'on s'engage ainsi dans une spirale
infernale de dettes en hausse constante et de frais d'intérêts composés sans cesse croissants, comme
cela est exposé en détail dans le Volume I du "Rapport sur les problèmes financiers de l'industrie
socialiste" diffusé en août 1978 sous le timbre du Ministère des Industries légères.

12.3. - Subvention d'équilibre déguisée ou déficit organisé ?


La référence explicite au déficit des entreprises socialistes, référence qui prend une forme
implicite quand on parle de "subvention d'équilibre déguisée", ne rend pas compte de la réalité des
résultats des entreprises, ni de leur contribution au développement de l'économie nationale.
L'examen des comptes des entreprises socialistes fait apparaître, pour la plupart d'entre elles,
des charges d'exploitation sans commune mesure avec celles que peut supporter une entreprise de
type capitaliste travaillant dans la même branche d'activité dans un autre pays, même parmi les plus
développés.
Tout d'abord, si l'on considère les coûts du personnel, qui représentent un poids important
dans les budgets de nos entreprises, il apparaît que si l'entreprise capitaliste, dans certaines
conjonctures, peut opérer, dans les limites du droit du travail, des compressions de personnel, nos
entreprises socialistes, en revanche, maintiennent des effectifs permanents (parfois en surnombre),
assurant par là-même à leur personnel la sécurité de l'emploi ; par ailleurs, si l'entreprise capitaliste a
pour objectif permanent de limiter au maximum les charges de personnel, telle n'est pas l'attitude de
nos entreprises socialistes qui, conformément aux orientations du Pouvoir Politique, mènent une
véritable politique sociale, dont elles supportent entièrement le coût, qui est d'autant plus élevé que
les infrastructures correspondantes (centres de santé, colonies de vacances, centres de loisir,

189
transports publics...), du fait de leur insuffisance ou de leur inexistence, sont à créer et à gérer par les
entreprises elles-mêmes et sur leur propre budget.
Si l'on considère ensuite les matières premières importées qui, elles aussi, représentent
encore, dans de nombreux cas, une charge importante dans les budgets de nos entreprises, il y a lieu
de noter que leurs prix évoluent en fonction de la conjoncture mondiale. Le souci majeur de toute
entreprise est de cerner tous les éléments qui interviennent dans l'évolution de ces prix, afin d'aboutir,
par la connaissance approfondie des mécanismes régissant le marché, et par une stratégie d'achats
judicieusement conduite, à réduire au maximum le coût de ses approvisionnements ; mais, une telle
démarche est, bien sur, impossible à envisager au niveau de nos entreprises, les lenteurs
administratives et la complexité des procédures de commande, d'importation, de dédouanement, de
manutention et de paiement étant telles que leur souci majeur se limite malheureusement à essayer
d'éviter au maximum une pénurie dans les matières premières, et donc un arrêt de la production avec
toutes les conséquences, d'ordre financier pour l'entreprise, ou économique pour le pays, que cela
entraînerait.
Ce souci amène donc nos entreprises à procéder à leurs opérations d'approvisionnement en
matières premières importées, non pas au moment opportun, c'est-à-dire au moment le plus
économique, mais en fonction uniquement des contraintes administratives et financières dans
lesquelles elles vivent ; de plus, ce même et seul souci et ces mêmes contraintes les amènent à
augmenter considérablement le niveau de leurs stocks en matières premières importées (au moins
pour les besoins de 6 mois de production), ce qui a pour conséquence, en plus des surcoûts non
négligeables engendrés par les procédures d'importation, des frais supplémentaires de stockage et
d'immobilisation de fonds, qui viennent s'ajouter au prix d'achat des matières ainsi approvisionnées.
Pour les approvisionnements en matières premières locales, il y a lieu également de noter que
certaines entreprises peuvent être défavorisées par des prix, qui leur sont imposés et fixés par la
réglementation dans un souci d'équilibre économique inter-entreprises ou inter-secteurs au niveau du
pays.
Enfin, le poids de la fiscalité et des frais financiers en progression constante, s'ajoutant aux
charges d'exploitation, détournent au profit du Trésor et des banques, la majeure partie des bénéfices
escomptés au niveau de l'entreprise, et dans la plupart des cas, créent ou aggravent le déficit du
secteur socialiste, laissant ainsi peu d'espoir aux travailleurs de recevoir une part du surplus qu'ils ont
produit, parce que ce surplus est accaparé par le secteur bancaire et financier. (Voir annexe n° 3 sur
la Valeur Ajoutée)
La surcharge constante des coûts de production pour des raisons externes à l'entreprise ne doit
laisser aucune illusion sur la possibilité de parvenir à la réduction des prix de revient des produits du
secteur socialiste.
En effet, tous les éléments du prix de revient sont actuellement en hausse, les augmentations
annoncées ou prévues des charges entrant dans la formation de ces prix de revient ne pourront pas
être totalement compensées par des gains de productivité.
Le blocage de certains prix de vente, tout en profitant à la population, pénalise, dans ces
conditions, les entreprises socialistes qui ne peuvent présenter des résultats bénéficiaires.

190
Le cas de la SOGEDIA symbolise la situation faite aux entreprises socialistes du secteur
industriel.
Malgré l'effort d'assainissement de la gestion, notamment par l'utilisation plus rationnelle des
moyens humains et matériels, et l'application d'une politique rigoureuse d'austérité, l'entreprise
SOGEDIA se trouve dans l'incapacité de dégager les résultats qui lui permettraient de faire face aux
remboursements des crédits et des emprunts liés aux investissements planifiés qu'elle a réalisés. Cette
incapacité résulte de la sous-activité des unités de conserverie qui ne sont pas approvisionnées
régulièrement par le secteur agricole, et de contraintes de prix pour les secteurs sucre et corps gras.
En effet :
- le prix de cession du sucre de betterave à l'ONACO, qui a été fixé en 1966 à 1 250 DA la
tonne, demeure inchangé, alors que les charges ont sensiblement augmenté et que le prix de la
betterave, surtout, a doublé depuis 1976 (de 100 DA, il est passé à 198,75 DA la tonne).
Une "subvention", au titre du soutien des prix, est prévue, mais elle n'a pas été perçue depuis
1973. Le montant dû à la SOGEDIA, au titre de ce soutien, est de 76,7 Millions de Dinars,
pour les années 1973 à 1978.
- le prix de la prestation pour le conditionnement du sucre fixé en 1968 à 250 DÂ/tonne pour
l'unité de Sfisef et appliqué aux sucreries et raffineries d'El-Khemis, de Guelma et de
Mostaganem, demeure sana changement depuis cette date.
- le prix de raffinage du sucre roux arrêté à 407/DA/tonne traitée en 1970 est figé à ce même
montant depuis cette date.
- la marge dont bénéficie SOGEDIA pour le raffinage des huiles alimentaires n'a pas évolué
depuis l'indépendance.
Comment s'étonner alors du "déficit chronique" d'une telle entreprise, coincée entre des prix
de revient de plus en plus élevés et des prix de vente bloqués ou des marges gelées depuis
plusieurs années, avec, en outre, les préjudices résultant des aléas d'une production agricole
incertaine.
- Ainsi donc, les résultats financiers réels de l'entreprise industrielle socialiste ont été souvent
appréciés par les services financiers de manière restrictive et fragmentaire. Trop nombreux
sont ceux qui, à tous les niveaux, par leur passivité ou même par leur opposition délibérée aux
options socialistes du pays, n'ont pas perçu que le problème de l'entreprise d'Etat doit être
posé dans sa globalité, avec toutes ses implications bénéfiques aux plans économique et
social.
L'expression "subvention déguisée" utilisée dans la note du Ministère des Finances est
pernicieuse, car elle laisse percer ou apparaître en filigrane le spectre du déficit du secteur productif,
qui est l'un des thèmes par lesquels
l'on commence toujours par attaquer le système socialiste dans le but de susciter une
atmosphère propice à sa remise en cause.
Cette expression "subvention déguisée", à travers laquelle on cherche à ancrer, dans les
esprits, l'image d'un secteur industriel socialiste déficitaire en permanence, toujours à la traîne du

191
budget de l'Etat, lequel budget de l'Etat est alimenté par les contributions des citoyens, est une
machine de guerre que les adversaires du secteur socialiste tentent d'utiliser contre l'option nationale
de développement.
En effet, pour quelles raisons veut-on ignorer, par exemple, la valeur ajoutée créée par
l'entreprise, qui constitue l'élément permettant le mieux de traduire l'efficacité économique de cette
entreprise et sa contribution à l'activité économique nationale. Pourquoi "oublier" de préciser que la
contribution de l'entreprise va sous diverses formes vers les caisses de l'Etat, par le biais, notamment
:
- des impôts et taxes de toute nature,
- des droits de douane,
- des contributions de l'entreprise et des travailleurs aux différentes caisses sociales (Sécurité
sociale, allocations familiales, caisse de retraite etc.),
- de la contribution de l'entreprise au budget de l'Etat, (lorsque cette contribution était prévue
par la loi),
- de l'affectation, dans un compte bloqué au Trésor, des fonds d'amortissements de l'entreprise
(lorsque cette procédure était en vigueur),
- des montants des intérêts et autres charges financières versées aux diverses institutions
financières de l'Etat (Trésor, B.A.D., Banque primaires), sur les prêts consentis ou sur les
découverts,
- des montants des frais de change engendrés lors des opérations de commerce extérieur
(importations, exportations) ou des emprunts contractés à l'étranger.
Considère-t-on qu'une entreprise, qui fait des bénéfices et augmente ses prix de vente à la
population, a rendu plus de services à la collectivité qu'une entreprise qui est déficitaire, parce qu'elle
aura maintenu ses prix constants et assumé des charges supplémentaires au profit du pays tout entier
?
Ou bien vent-on faire du profit financier le seul critère pour l'appréciation de l'efficacité de
l'entreprise socialiste, profit qui après avoir été banni du vocabulaire économique des pays socialistes
de l'Europe a été certes réhabilité par les économistes tels que LIBERMAN (URSS), OSKAR
LANGE (POLOGNE), OTA SIK (TCHÉCOSLOVAQUIE) ; mais n'est pas considéré dans ces
économies comme une fin en soi, mais comme un instrument d'analyse.
En outre, il devient courant, également, de chercher à lier, dans l'imagination populaire,
l'émission excessive de monnaie avec la nécessité d'alimenter les découverts de trésorerie des
entreprises socialistes et de faire, ainsi, de ces découverts la cause majeure, sinon unique de
l'inflation nationale.
Ce thème de l'inflation est examiné en détail dans la première partie du Volume II du Rapport
traitant des problèmes financiers de l'industrie socialiste, ainsi que dans le Rapport sur la politique
des salaires.

192
Toutefois, il serait peut-être utile de relire également les différentes publications consacrées à
ce sujet, et qui attribuent à des causes institutionnelles et structurelles ainsi qu'à la gestion monétaire,
ce phénomène qui frappe tous les pays y compris l'Algérie.
En tout état de cause, si les coûts sociaux du développement que supporte l'entreprise sur ses
fonds propres ou au moyen de l'endettement, étaient assumés par la collectivité nationale, ils le
seraient à travers les ressources du Trésor.

Dans ce cas, deux possibilités existeraient :


a) le trésor, du fait de ressources insuffisantes, s'endette auprès de l'Institut d'Emission, et on
revient au cas précédent avec la seule différence que c'est le Trésor qui s'endette et non les
entreprises, ce qui à notre sens revient au même, puisqu'aussi bien le Trésor que les
entreprises appartiennent au même Etat.
b) le trésor, malgré les ressources insuffisantes, ne recourt pas au crédit bancaire ; il s'ensuit
alors une ponction sur le budget, ce qui entraîne une limitation des crédits accordés aux
financements des dépenses incombant au budget de l'État, celles concernant la formation ou
l'infrastructure principalement. Or, ce que nous recherchons, c'est augmenter les crédits à
mettre à la disposition du budget de l'Etat, pour, en particulier, dynamiser les opérations
visant à financer notre infrastructure et à prendre en charge nos dépenses sociales et
culturelles.
Dans le même ordre d'idées, si la SOGEDIA ou la SN SEMPAC, par exemple, devaient
répercuter ce type de charges sur les consommateurs, il s'ensuivrait, du fait qu'il s'agit des produits de
première nécessité un recours plus important au budget de l'Etat à travers le chapitre consacré au
soutien des prix, ce qui entraînerait une réduction des ressources nécessaires à la couverture des
multiples dépenses incombant à l'Etat, et l'on se retrouverait dans les cas décrits ci-dessus.

Chapitre 13. - Quelle est la contribution réelle des entreprises socialistes


à l'économie nationale ?
13.1. - Comment apprécier l'accumulation engendrée les investissements publics
?
- "L'industrie représente, elle aussi, une grande source d'accumulation, mais une période de
maturation et de démarrage est nécessaire avant que cette source ne devienne significative", (Charte
Nationale - Titre sixième - II - I b, page 124).
La note du Ministère des Finances indique que les investissements publics n'ont quasiment
pas engendré d'accumulation et que ceci a gêné les finances de l'État.
Une telle affirmation dénote l'esprit avec lequel les responsables des finances appréhendent
les problèmes de développement de notre pays.
En effet, cet esprit, qui dénote une certaine extraversion, conduit à une vision différente des
problèmes de développement et, en fin de compte, peut même atteindre et dépasser les limites qui
définissent la politique de développement de notre pays.

193
En définitive, cela se traduit, entre les responsables des finances et ceux du secteur industriel,
par une large incompréhension, voire même par un dialogue de sourds, tant il est vrai que les mots
peuvent prendre une signification différente d'un interlocuteur à l'autre.
Les responsables des finances raisonnent, en effet, comme si en matière d'investissements
publics, seul le critère de rentabilité financière comptait.
Ils assimilent volontiers les entreprises socialistes à des investisseurs privés dont le seul but
doit être la recherche du maximum de profits financiers.
En raisonnant de la sorte, ils ne font que reprendre un certain nombre de notions livresques ou
plutôt ils ne font que choisir, parmi des notions livresques, celles qui sont le plus à même de servir de
support à leur démarche et perdent de vue que notre problème demeure avant tout un problème de
développe ment d'une économie sous-développée.
La Charte Nationale met en garde contre une telle approche, quand elle déclare : - "S'engager
dans une forme différente d'industrialisation, qui s'apparenterait à la démarche capitaliste propre à
l'investisseur privé qui limite la portée de la rentabilité à la seule recherche du profit et à la
fructification immédiate du capital, qui n'accorde aucune considération aux priorités du
développement national et qui s'ingénie à accaparer à son avantage exclusif le surplus dégagé par
l'investissement, c'est se condamner à un rythme forcément lent dans le développement et renoncer,
pratiquement pour toujours, à rattraper le retard accumulé par rapport aux nations avancées".
(Charte Nationale - Titre troisième - III - page 80).
En effet, les profits que tire une entreprise de la réalisation d'un projet se mesurent à la
différence entre la valeur des recettes engendrées par ce projet et la valeur des dépenses que sa
réalisation a occasionnées au cours d'un certain laps de temps, qui correspond généralement à la
durée de vie du projet.
La rentabilité financière se mesure donc aux gains directs et immédiats réalisés par
l'entreprise.
Cependant, un grand nombre d'incidences extérieures à l'entreprise appelées "effets induits" se
produisent par suite de la réalisation d'un projet, et n'entrent pas dans le calcul de sa rentabilité
financière.
Il s'agit, en premier lieu, du gain en devises que la production du projet contribue à réaliser
par suite d'une réduction des importations. Ce gain en devises améliore les ressources extérieures du
pays et permet à d'autres secteurs de disposer ainsi de moyens supplémentaires pour accroître leurs
achats à l'extérieur.
Il s'agit, aussi, de la croissance du revenu national consécutive à une distribution de revenus
en faveur des catégories sociales défavorisées et à une réduction du chômage
La croissance du revenu national améliore la consommation nationale et l'épargne. La
consommation nationale offre aux projets locaux des possibilités d'écoulement plus larges et
l'épargne réalisée, c'est-à-dire la partie non consommée du revenu renforce les possibilités de
financement interne.
Il s'agit, également, de l'accroissement des fonds drainés par le secteur bancaire et des marges
de toute nature que celui-ci prélève sur les activités de production et de commercialisation créées.
194
Il s'agit, enfin, de l'augmentation des recettes fiscales et parafiscales de l'État, qui permettent à
ce dernier de faire face aux dépenses budgétaires et qui renforcent sa capacité de financement de
nouveaux investissements. A leur tour, ces nouveaux investissements produiront les mêmes effets
par l'accroissement des revenus auxquels ils donneront lieu ultérieurement.
On ne peut donc apprécier la rentabilité d'un projet sans prendre en considération ses "effets
induits". C'est ce qui distingue fondamentalement l'approche d'une entreprise capitaliste, qui apprécie
les investissements qu'elle réalise exclusivement à travers les gains immédiats et directs qu'ils lui
procurent, de l'approche d'une entreprise socialiste qui, au-delà des gains immédiats et directs qu'un
investissement lui procure, se soucie de maximiser les "effets induits" de l'investissement en faveur
des autres secteurs de l'économie nationale.
Les investissements réalisés par les entreprises socialistes répondent à ce souci et s'inscrivent
dans le cadre d'une politique de développement de l'ensemble des secteurs économiques du pays.
C'est en prenant en compte les performances obtenues par l'ensemble de ces secteurs que l'on
peut mesurer correctement l'apport réalisé par les investissements des entreprises socialistes.
En ignorant ces effets et en se limitant à l'analyse des résultats directs et immédiats des
entreprises socialistes, les responsables des Finances adoptent une approche erronée qui leur fait
perdre de vue les objectifs de développement poursuivis à travers l'intensification de l'investissement
public.
La rentabilité économique constitue pourtant l'un des critères essentiels qu'utilisent les
planificateurs chargés de l'élaboration de plans de développement pour la détermination et le choix
des projets industriels.
Elle est utilisée, depuis plusieurs années et de plus en plus, par la Banque Mondiale pour
l'examen et l'analyse de certains projets de développement que lui soumettent les États membres. La
Banque de la R.F.A. chargée de gérer les fonds que ce pays consacre au développement s'appuie, en
ce qui la concerne également, sur le concept de la rentabilité économique pour apprécier la rentabilité
d'un projet.
Les experts français eux-mêmes, de leur côté, ne se sont pas arrêtés au seul critère de la
rentabilité financière pour établir leur Plan ; eux, aussi, ont fait de la rentabilité économique la base
de leurs évaluations pour tracer les lignes fondamentales du fameux Plan de Constantine élaboré,
pendant notre guerre de libération, pour amorcer certaines opérations de développement en Algérie
en vue de torpiller notre Révolution.
Il reste à savoir pourquoi nos prétendus experts financiers ont systématiquement ignoré ce
concept de la rentabilité économique, lorsqu'ils s'essaient à dresser le bilan de notre industrialisation.
C'est pour mettre en évidence cette carence ou cette omission volontaire qui deviendrait
l'illustration d'une intention politique déterminée, que le document, établi en 1957 par
l'Administration coloniale française sur les perspectives décennales de développement de l'Algérie, a
été reproduit et diffusé auprès des membres de nos instances responsables.
De fait, les investissements publics et l'accumulation qu'ils engendrent doivent être appréciés
non seulement du point de vue de l'entreprise qui les réalise, mais aussi, du point de vue de
l'économie dans son ensemble.
195
En examinant les effets des investissements publics sur l'économie dans son ensemble et en
prenant tout particulièrement en compte la valeur ajoutée dégagée par les entreprises socialistes sous
forme de salaires distribués, d'impôts et taxes de toute nature versés au Trésor Public, d'intérêts et
autres charges financières versés aux divers établissements bancaires de l'État, il devient difficile de
soutenir que les investissements publics n'ont engendré aucune accumulation. (Voir annexe n° 3 sur
la Valeur Ajoutée)
Si l'on devait, par exemple, se conformer à la conception du Ministère des Finances sur la
notion relative à l'accumulation, la SONATRACH devrait arrêter tous les gisements et tous les puits
dont le cas a été évoqué ci-dessus et qui n'apportent à l'entreprise qu'un résultat nul ou que des pertes,
bien que la production qu'ils débitent permette à l'État de percevoir des impôts d'un montant
substantiel.
Pourquoi les responsables des Finances ne prennent-ils pas en compte des facteurs aussi
importants que la valeur ajoutée, dans leur appréciation des résultats des entreprises socialistes ?
Pourquoi, tout particulièrement, ne prennent-ils pas en compte, dans les effets engendrés par
les investissements publics, le transfert, au bénéfice du Trésor, d'une partie importante de la valeur
ajoutée dégagée par ces entreprises ?

13.1.1. - Pourquoi nos entreprises socialistes sont-elles parmi les rares entreprises au
monde à ne bénéficier ni d'aides, ni d'avantages à l'investissement?
Ces facteurs n'échappent pourtant pas aux responsables des Finances de nombreux pays sous-
développés, de surcroît à économie libérale, qui ont procédé à l'élaboration de codes
d'investissements. Ces codes contiennent de nombreuses mesures d'encouragement à la création de
nouvelles activités industrielles. Ils incitent les épargnants à investir en leur accordant toutes sortes
d'avantages tels que des exonérations d'impôts et taxes, des versements d'aides sous forme de
subventions directes d'investissement ou d'exploitation, des aides sous forme de bonification
d'intérêts ou de prise en charge de certaines dépenses d'infrastructure et de formation professionnelle.
(Voir annexe n° 2 sur les avantages à l'investissement)
En renonçant à percevoir des impôts et des taxes et en accordant des aides à fonds perdus, ces
Etats perdent-ils de l'argent ? A vrai dire non, car par le jeu des effets induits, les activités
nouvellement créés élargissement l'assiette fiscale et procurent à l'État de nouvelles ressources dont
le volume dépasse largement les montants à la perception desquels il a renoncé provisoirement.
Dans le cadre de l'économie libérale, les défauts d'un tel système résident dans les inégalités
sociales qu'il engendre ou qu'il présuppose et dans le drainage vers l'extérieur d'une grande partie de
la richesse créée, au point que pour l'Amérique Latine, par exemple, et pour une période de dix
années allant de 1966 à 1976, le montant des capitaux transférés de ces pays en direction des Etats-
Unis a dépassé de près de 50 % celui des capitaux américains apportés de l'extérieur à ces mêmes
pays pendant la même période. (Source : "Selected Data on US Direct Investissement Abroad, 1966-
1976", US Department of Commerce, Washington, citée dans "Le Monde Diplomatique" du mois
d'août 1979).
Dans une économie socialiste, l'avantage que tire l'État des investissements publics ne se
limite pas seulement à une amélioration des recettes fiscales. Il s'étend à tous les secteurs qu'il

196
contrôle et qui bénéficient directement ou indirectement de la distribution de la valeur ajoutée créée
grâce à la mise en jeu de ces investissements.
"Ce sont ces flux financiers qui sont à l'origine des capitaux qu'accumulent le Trésor Public
et les différents organismes économiques du pays et qui concourent à assurer et à renforcer
l'indépendance financière de l'Etat" (Charte Nationale - Titre septième - II - 3 - page 168).
Ce phénomène, on fait semblant de l'ignorer. Tout comme on fait semblant d'ignorer qu'avant
l'indépendance de notre pays, des experts français ont recommandé l'octroi d'avantages nombreux
aux entreprises françaises désireuses d'implanter des activités industrielles en Algérie.
Ces experts considéraient, en effet, que les entreprises supportaient de nombreux handicaps
en investissant dans un pays dépourvu d'infrastructures adéquates, de main-d’œuvre formée, et, en un
mot, de traditions industrielles pouvant assurer, à leurs investissements, une rentabilité comparable à
celle qu'elles pouvaient en attendre en France.
On retrouve l'énumération de ces handicaps et môme leur chiffrage dans le document intitulé
"Perspectives décennales de l'Algérie" élaboré en 1957, Ce document propose également des
mesures de compensation en faveur des entreprises pour les aider à surmonter les handicaps
énumérés.
Pourtant, les activités industrielles qu'il s'agissait de promouvoir étaient très différentes, par
leur nature et leur ampleur, de celles qui ont été engagées dans notre pays au lendemain de
l'indépendance.
Les activités industrielles, envisagées par les Français dans leur document de 1957, étaient
moins intégrées. Elles concernaient le plus souvent des secteurs à faible intensité technologique et
étaient mises en oeuvre par des entreprises disposant d'un potentiel de connaissances techniques et
technologiques élevé et d'un encadrement humain important, éléments qui faisaient le plus
gravement défaut à nos entreprises socialistes, lors de leur création.
Les experts français ont néanmoins considéré comme nécessaire l'octroi d'aides et d'avantages
multiples aux entreprises de leur pays.
Ainsi, alors que des entreprises françaises ont bénéficié d'aides substantielles pour lancer
quelques activités industrielles en Algérie, aucun Ministre des Finances de l'Algérie indépendante n'a
pensé faire de même en faveur des entreprises socialistes, auxquelles les pouvoirs publics ont
pourtant assigné des objectifs de développement dont l'ampleur était sans précédent et qui visaient la
promotion de secteurs industriels entièrement nouveaux et souvent difficiles à maîtriser.
Ce qui surprend dans l'attitude des responsables des Finances, habituellement friands d'idées
qui viennent de France et qui n'hésitent jamais à recourir aux services et conseils de l'administration
de ce pays chaque fois qu'il leur est demandé d'innover dans leur domaine d'activité, c'est qu'ils
ignorent ou feignent d'ignorer comment l'administration française a apprécié l'investissement en
Algérie, du temps où elle en assumait la responsabilité.
Pourquoi les responsables des Finances de l'Algérie indépendante n'ont-ils rien proposé qui
puisse aider les entreprises socialistes à surmonter les handicaps de la création de nouvelles activités
industrielles, handicaps dont personne n'oserait nier, aujourd'hui, l'existence et l'importance ?

197
Pourquoi ces mêmes responsables ignorent-ils ou feignent- ils d'ignorer l'approche des
banques de développement de nombreux pays dans l'examen des projets qui leur sont soumis pour un
financement ?
La position de la Banque Mondiale vis-à-vis du projet de cimenterie de Saïda mérite, à cet
égard, d'être rapportée.
Malgré le faible rendement financier de ce projet, la Banque Mondiale, sollicitée pour son
financement, a non seulement octroyé un crédit pour sa réalisation, mais a recommandé aux autorités
algériennes de le faire bénéficier d'une aide financière non remboursable pendant les dix (10)
premières années de son exploitation et ce, pour couvrir des déficits prévisibles.
Partant du point de vue de l'économie dans son ensemble, la Banque Mondiale a considéré ce
projet comme étant rentable sur le plan économique, en raison des bénéfices quantifiables que sa
réalisation engendrerait dans l'environnement (emploi, économie en devises, valorisation des
ressources naturelles) et ce, malgré un rendement financier très faible et même négatif. Non
seulement une telle approche semble n'avoir jamais effleuré l'esprit des responsables des Finances
mais, pire encore, ils se sont employés, dans de nombreux cas connus et vécus, à détourner au profit
des organismes de financement qu'ils dirigent et au détriment des entreprises industrielles socialistes,
les avantages que celles-ci avaient pu obtenir, parfois, auprès de banques de développement
étrangères qui ont accordé des crédits à très long terme et à très bas taux d'intérêt pour le financement
de certains projets.
Les cas de la boulonnerie visserie et de la cimenterie d'Aïn-El-Kebira méritent d'être signalés.
Ces projets ont en effet bénéficié, dans le cadre d'une aide gouvernementale non liée, de conditions
de financement très avantageuses de la part d'une banque de développement étrangère.
Ces avantages portaient sur la longue durée des crédits et sur leur faible taux d'intérêt.
L'organisme bancaire algérien qui, pour le montage de ces crédits, s'est interposé entre la
Banque de Développement étrangère et les entreprises chargées de réaliser les projets, a décidé, en
vertu d'on ne sait quel principe, de rétrocéder ces crédits en son nom aux entreprises, en leur
appliquant des conditions de financement plus contraignantes que celles qui avaient été obtenues
auprès de la dite Banque de Développement étrangère.
Ainsi, il a aligné les conditions de crédits accordés aux deux (2) projets cités sur celles qu'il
consentait habituellement aux projets planifiés, en réduisant notablement la durée de leur
remboursement et en élevant leur taux d'intérêt.
En imposant aux entreprises socialistes le remboursement des crédits avant leur exigibilité par
la banque étrangère de développement et en leur appliquant des taux d'intérêts plus élevés que ceux
accordés par celle-ci, l'organisme bancaire algérien détournait à son profit, gratuitement et pendant
une longue période et selon une procédure purement commerciale de type capitaliste, des fonds
importants, après avoir prélevé, sur leur utilisation par l'entreprise socialiste, des marges d'intérêts
importantes.
En agissant d'une manière aussi injustifiée et en aggravant délibérément les conditions de
financement des projets en question, cet organisme bancaire algérien n'a-t-il pas créé d'emblée les

198
conditions d'un déficit d'exploitation durable ou incité à l'établissement de prix de vente élevés pour
les produits issus de ces projets ?
Osera -t-il estimer un jour que ces projets ont été incapables d'assurer la remboursabilité des
crédits qui leur ont été concédés ou de faire face aux charges d'intérêts sur ces crédits, pour ensuite
accuser les entreprises socialistes, chargées de la réalisation de la boulonnerie-visserie et de la
cimenterie d'Aïn -El -Kebira, d'être de mauvais investisseurs et d'avoir de mauvais gestionnaires ?
Cet exemple de rétrocession de crédits par notre système financier aux entreprises
industrielles, à des conditions nettement moins favorables que celles qui lui sont consenties par
l'extérieur (Crédits Gouvernementaux, Banque Mondiale, Banques Commerciales) n'est
malheureusement pas isolé, le Ministre des Finances lui-même ayant, personnellement, imposé aux
entreprises, courant 1974, au sein de divers Conseils de Direction de la Banque Algérienne de
Développement, des crédits extérieurs contractés par les Banques Primaires, malgré les déclarations
répétées de ces entreprises de pouvoir acquérir, par elles-mêmes, des crédits extérieurs à des
conditions plus avantageuses. Pis encore, la SNMC s'était vue imposer la rétrocession de crédits
extérieurs à des conditions ordinairement inacceptables pour "financer" des projets, pourtant déjà
achevés, certes, sur crédits internes. La situation imposée à la SNMC consistait tout simplement à
remplacer les échéances sur crédits internes contractés quelques années plus tôt, par des échéances
sur crédits externes à des conditions évidemment nettement plus onéreuses pour l'entreprise. Tout
s'était passé comme si la Banque Primaire (BEA) avait un excès de crédits extérieurs dont elle ne
savait que faire et s'estimait ainsi être obligée, au lieu d'annuler avec l'extérieur les crédits contractés,
de chercher un équilibre proprement interne, mais au détriment de l'entreprise.

13.1.2. - Des actions qui vont dans le même sens que les réactions qui se manifestent à
l'extérieur contre le développement de notre pays.
Au risque d'être accusés de nourrir des procès d'intention, nous ne voyons, dans l'attitude des
responsables des Finances, que deux explications possibles, qui sont d'ailleurs des lapalissades :
- ou bien les responsables des Finances ignorent ces faits et, dans ce cas, il est permis de
s'interroger sur leur aptitude à gérer les finances publiques et, encore moins, à se prononcer
sur le développement économique du pays ;
- ou bien ils connaissent ces faits, mais n'en tiennent aucun compte ; dans ce cas, il s'agit
d'expliquer les raisons pour lesquelles on ne trouve trace, nulle part, de leur doctrine en la
matière.
On comprend, dès lors, à travers la réponse que l'on peut entrevoir les raisons pour lesquelles
on a essayé autrefois de freiner le développement, d'abord en limitant les investissements, ensuite en
condamnant les entreprises socialistes au déficit permanent qui conduit à une situation de faillite.
En abandonnant, aujourd'hui, le système de financement par recours au crédit à 100 % et en
revenant au financement d'une partie des investissements sur concours définitifs, les responsables
financiers tentent une nouvelle fois de limiter les investissements productifs.
Ils instituent, en effet, une espèce d'étrangleur qui commanderait le rythme des
investissements productifs et l'alignerait sur celui des investissements sur fonds publics dont le
montant est nécessairement limité et qui gagneraient, plutôt, à être utilisés pour le développement de

199
secteurs sociaux qui ne peuvent pas faire appel à un autre type de financement et qui, par ailleurs,
souffrent d'un retard sur le plan de leur développement.
Les choses s'éclairent davantage quand on voit qu'au lieu d'exposer des arguments valables, et
de le faire par écrit, les responsables des Finances répondent par des questions du genre :
- Pourquoi tenez-vous à faire des camions et des moteurs ?
- Pourquoi tenez-vous à fabriquer des pneus ?
- Pourquoi tenez-vous à fabriquer des véhicules de tourisme ?
- Pourquoi tenez-vous à fabriquer des téléviseurs ?
Ce qui pourrait vouloir dire, en d'autres termes, pourquoi ne les
importerait-on pas ? (Il s'agit de l'ensemble des produits cités ci-dessus)
- Pourquoi l'Etat s'épuiserait-il à fabriquer de la bonneterie, des chemises, des pantalons,
des chaussures, des jouets, des articles de ménage ?
Face à de telles questions, on ne peut s'empêcher de penser qu'elles tendent à déboucher sur la
conclusion qu'on ne voudrait pas, en Algérie, d'une industrialisation véritable ou, à tout le moins,
d'une industrialisation qui prenne la forme qu'elle a commencé à prendre : c'est-à-dire une forme
authentiquement nationale et largement socialisée.
Il est très édifiant de rapporter, ici, les commentaires d'un fonctionnaire français, M. Christian
STOFFAES, relevés dans son ouvrage paru récemment et intitulé : "La Grande Menace
Industrielle", sous-entendu du Tiers Monde. C'est ainsi qu'il écrit :
"S'il n'est guère contesté que le Tiers Monde est destiné à s'industrialiser à plus ou moins
longue échéance, la vraie question est de savoir à quel rythme et selon quelles modalités : c'est de la
rapidité et de la forme de l'industrialisation du Tiers Monde que va dépendre l'ampleur de la menace
sur les industries occidentales". A l'appui de ce paragraphe de son livre, M. Christian STOFFAES
cite un autre auteur, Raymond VERNON, spécialiste américain du commerce international, qui écrit
de son côté : "La direction est connue, la vitesse seule reste en question".
Monsieur Christian STOFFAES poursuit plus loin : "C'est cette industrialisation qui inquiète
le plus les pays industrialisés et qui est à l'origine des réactions de défense qui se développent
actuellement, d'autant que ses succès en font un modèle de référence pour d'autres pays en voie de
développement tentés par cette forme d'industrialisation rapide".
Émanant d'un fonctionnaire français qui occupe le poste de chargé de mission auprès de la
Direction Générale de l'Industrie dans son pays, ces commentaires en disent long sur la menace qui
pèse sur des pays comme l'Algérie, qui ont fait de la vitesse et du rythme de leur industrialisation un
des atouts majeurs de leur développement et de l'édification de leur indépendance économique.
L'auteur cité ci-dessus précise que les emplois menacés à terme, par la poursuite des
tendances de l'industrialisation du Tiers-Monde, représentent entre 5 et 7 % des effectifs de
l'industrie dans son ensemble, plus de 30 % pour le textile et l'habillement et des pourcentages aussi
élevés dans le cuir et les industries diverses.

200
En ne cessant de multiplier les entraves à l'investissement productif, les responsables des
Finances ont-ils conscience que leurs actions vont dans le même sens que les réactions qui se
manifestent à l'extérieur contre le développement de notre pays ?

13.1.3. - Une myopie dangereuse conduit à grever, notre économie d'hypothèques


beaucoup plus graves au celles au l'en veut éviter.
Si les questions évoquées plus haut s'étaient accompagnées, dans l'esprit de leurs auteurs, de
la nécessité de ne plus importer les produits dont on abandonnerait ou retarderait la fabrication, on en
aurait admis le principe, car elles se situeraient rigoureusement dans une démarche logique et
cohérente et elles seraient considérées comme procédant véritablement du souci légitime de
sauvegarder nos ressources extérieures et se seraient inscrites dans le cadre de la recherche d'une
économie indépendante.
Mais, là encore, si on peut se passer de véhicules de tourisme, on ne voit pas comment il est
possible de priver notre économie de camions, de pneus, de lubrifiants.
"En assumant une couverture de plus en plus large des besoins nationaux en biens de
consommation et d'investissement à partir d'une production nationale, l'industrialisation aboutit à
diminuer les importations, pour les limiter pratiquement aux biens, que des facteurs déterminés ne
permettent pas d'obtenir dans le pays, c'est-à-dire certains types d'équipements, quelques matières
premières et une série de produits finis et semi-finis". (Charte Nationale - Titre sixième - II - 2 a –
page 126).
Toute décision de ne pas fabriquer de tels produits conduit donc fatalement à les importer et à
ouvrir de plus en plus largement le marché algérien aux produits étrangers et plus spécialement aux
produits du pays qui continue à considérer l'Algérie comme son débouché naturel et sa chasse
gardée.
Comme cela a été souligné dans le Volume II du Rapport sur les problèmes financiers de
l'industrie socialiste, il convient de noter que la consommation de biens industriels, quand elle
commence à pénétrer dans les habitudes d'un pays, ne régresse jamais et, tout au contraire, ne peut
que s'intensifier et aboutit à créer des tensions qui, faute d'être levées par la production nationale
qu'on aura empêchée ou retardée, rendent impérieux le recours à l'importation.
Ce serait, alors, faire de notre pays un vaste marché qui deviendra le paradis des compradores
commissionnaires.
Après avoir effacé de notre paysage les drapeaux SHELL, TOTAL, BERLIET, FIAT,
MERCEDES etc., on verrait, ainsi, de nouveau, dans nos villes et nos campagnes, fleurir une
multitude de plaques publicitaires vantant les vertus et les mérites des produits des plus grandes
marques occidentales et promettant bonheur et confort à leurs utilisateurs.
Il ne manquerait pas, alors à ce moment-là, de gens suffisamment intelligents pour masquer
tout cela en invitant les sociétés étrangères, écoulant leurs produits chez nous, à en faire la
fabrication localement, comme cela se fait en Tunisie, au Maroc, au Brésil, en Argentine, au
Mexique et ailleurs.
Ils pourraient même les obliger à intégrer progressivement leurs fabrications et, pourquoi pas,
à algérianiser leurs affaires florissantes en accordant des participations à l'Etat et au capital privé.
201
Il faudra, dans ce cas, qu'ils considèrent comme allant de soi d'accorder, à ceux qui auront
ainsi accepté le risque d'investir, des garanties suffisantes.
Ces investisseurs étrangers ne tarderont pas à exiger qu'ils puissent disposer, pour mener à
bien leurs activités, d'une liberté de manœuvre totale, qu'ils puissent faire circuler librement leurs
capitaux, qu'ils puissent librement s'approvisionner, qu'ils ne soient pas handicapés par une
législation sociale trop favorable aux travailleurs et probablement aussi que leurs activités lucratives
soient tenues à l'abri des conflits sociaux et protégées par nos forces de sécurité qu'on devra
transformer, pour la circonstance et suivant en cela l'exemple du Maroc, de la Tunisie et du Brésil, en
gardes-chiourme chargés de matraquer nos travailleurs, s'il leur arrivait de se déclarer mécontents de
voir leurs droits méconnus.
C'est en face de telles perspectives que chacun doit prendre position et à partir de là qu'il faut
déterminer tout le reste.
Parmi les raisons qu'invoquent les tenants d'une limitation des investissements, figurent en
bonne place l'endettement croissant de notre pays et les risques de dépendance vis-à-vis de l'étranger
que cet endettement ferait planer sur notre économie.
En fait, ceux qui craignent la dépendance née de l'endettement ne semblent nullement
s'inquiéter de celle qui proviendrait de l'obligation d'acheter, à l'extérieur, des quantités croissantes de
lubrifiants et de pneus dont on sait l'importance qu'ils présentent pour le fonctionnement normal des
parcs devenant de plus en plus immenses de voitures, de camions, d'engins de génie civil, de chars,
d'avions, etc.
Toujours, dans le adule ouvrage, intitulé : "La Grande Menace Industrielle", Monsieur
Christian STOFFAES retient quatre grandes catégories de biens dans la panoplie "des armes dont les
puissances économiques disposent aujourd'hui pour assurer leur indépendance" ; et les classe
comme suit :
1) "Les activités qui concourent à la Défense Nationale, fabrication d'armements, matières
premières stratégiques indispensables au fonctionnement des armées, qu'il faut préserver du
contrôle des investissements étrangers aussi bien que la dépendance à l'égard
d'approvisionnements extérieurs susceptibles d'être soumis à un embargo en période de crise.
Il s'agit d'une approche élémentaire de la notion d'indépendance qui s'impose à l'évidence à
toute nation soucieuse de mener une politique étrangère autonome et qui conduit, à défaut de
pouvoir développer une industrie nationale d'armement, à diversifier ses sources
d'approvisionnement, même s'il faut pour cela acheter plus cher";
2) "Les matières premières indispensables à l'économie "dans les domaines énergétique,
minéral ou agricole où il "importe également de maintenir un contrôle national" ;
3) "Les industries qui commandent en amont d'importantes filières de production, et qui
présentent une importance de même ordre que les matières premières pour le développement
de l'ensemble de l'économie. C'est le cas des grands intermédiaires de la chimie organique ou
minérale, de l'acier, etc., mais aussi de produits plus élaborés tels que la machine-outil,
activité-mére des biens d'équipements industriels, les automatismes et la régulation, facteur
clé de l'automatisation des usines et des progrès de productivité, des économies d'énergie et
de matières premières, les composants électroniques qui commandent la branche de
202
l'électronique et l'informatique etc. "Les pays en voie de développement qui cherchent en
priorité à se doter d'une pétrochimie ou d'une sidérurgie nationale répondent aussi à cet
impératif" ;
4) "Les industries de haute technologie : l'informatique, l'électronique sont, par exemple, tout
particulièrement concernées par cet aspect de l'indépendance, car elles conditionnent le futur
des communications et du traitement de l'information. Dans beaucoup de pays, même les
moins développés, elles font l'objet de la sollicitude des Gouvernements"6.
Les tenants d'une limitation des investissements semblent estimer qu'il n'y a pas suffisamment
de ressources pour fabriquer ces produits, mais qu'il y en aura toujours et suffisamment pour
continuer à les importer.
A titre d'exemple, les besoins potentiels en produits mécaniques pour l'année 1979, compte
tenu du rattrapage rendu nécessaire par suite d'un approvisionnement insuffisant du marché au cours
des trois dernières années, sont estimés à 19 Milliards de Dinars. D'autre part, il est prévu qu'à l'hori-
zon de 1985, le marché algérien absorbera 50 000 camions par an. A défaut d'un accroissement
rapide de nos capacités de production, notre pays se verrait, alors, obligé d'en importer plus de 40
000 annuellement.
Ce serait assurément un exemple unique au monde qu'un pays dont les besoins en camions
auront atteint un tel niveau, soit contraint, pour les satisfaire, de recourir à leur importation dans une
proportion aussi élevée.
Qu'envisagent les tenants d'une limitation des investissements pour satisfaire des besoins de
cette envergure et qui iront sans cesse croissants ?
Trouveront-ils les moyens de paiements extérieurs correspondants, nécessaires aux
importations destinées à couvrir ces besoins ?
A supposer que ces moyens existent, savent-ils que ce que coûterait annuellement
l'importation de ces produits dépasse largement les annuités de remboursement des prêts qui
pourraient être contractés pour les fabriquer en Algérie ?
Bien entendu, il est hors de question de tout fabriquer, car l'indépendance absolue dans ce
domaine est difficilement accessible à tous les pays. Seules peut-être, les deux grandes super-
puissances peuvent y prétendre.
Mais, si l'indépendance totale n'est pas possible, il est au moins souhaitable de choisir la voie
qui conduise à l'atténuation de la dépendance et à un certain degré d'autonomie.
Or, nous sommes encore bien loin d'avoir atteint un degré d'autonomie suffisant pour qu'il
soit possible, aujourd'hui, de limiter nos investissements sans provoquer, à terme, une dépendance,
plus grave celle-là, de notre pays pour ses approvisionnements en biens essentiels et souvent
stratégiques.
Un ouvrage intitulé : "Le défi économique du Tiers Monde" et traitant du fameux problème du
"redéploiement industriel" qui exprime, en fait, la stratégie par laquelle les pays développés

6
Christian STOFFAES : "La Grande Menace Industrielle" CALMANT - LEVY - 1978
203
occidentaux déploient leur contre-offensive envers l'industrialisation du Tiers Monde, cite en ces
termes le cas de la Suède pour illustrer les thèses qu'il développe :
"La politique de neutralité de la Suède a conduit, dès avant la seconde guerre mondiale, à
rechercher une certaine autonomie de manière à pouvoir subsister en autarcie en cas de guerre.
Cette volonté a conduit à la création du conseil national de la défense économique (CNDE) qui
s'inscrit dans le cadre de la politique générale de défense de ce pays. Depuis quelques années, ce
conseil se préoccupe non seulement de préparer l'autonomie de la Suède dans l'hypothèse d'une
guerre, mais également dans celle d'une crise économique mondiale qui conduirait à une cessation
temporaire partielle ou totale du commerce extérieur. Cette politique de défense économique
comporte deux volets majeurs:
- d'une part, une importante politique de stockage pour les produits qui ne peuvent être
fabriqués en Suède et doivent donc être importés. L'objectif de ces stocks est de permettre une
survie autarcique pendant 1 à 3 ans selon les produits.
- d'autre part, une politique visant à préserver en Suède un certain nombre d'activités jugées
indispensables à la survie en cas de crise.
Aussi, on voit que la Suède est un pays qui réussit à préserver en permanence une certaine
autonomie pour les principaux biens consommés"7.
Pour ce qui la concerne, la Suisse qui vit dans la hantise d'une coupure avec le monde
extérieur, en cas de crise grave dans les relations internationales, soutient sur son sol le maintien
d'une agriculture céréalière au niveau des besoins de sa consommation, grâce à la pratique de prix
élevés garantis aux paysans à qui le blé, par exemple, est payé à raison de l'équivalent de 200 DA le
quintal, alors qu'on peut l'acquérir à un prix nettement plus avantageux sur le marché international.
Ces exemples suffisent à illustrer la myopie qui caractérise les conceptions "stratégiques" de
ceux qui déclarent se faire, chez nous, les défenseurs de l'indépendance économique, et qui, en fait,
par les mesures qu'ils édictent, aboutissent à compromettre sérieusement cette indépendance en la
grevant d'hypothèques beaucoup plus graves que celles qu'ils prétendent éviter.
En vérité, la logique que suivent ceux qui poussent à l'abandon de notre politique
d'industrialisation ou bien à réorienter ses investissements dans un sens qui laisserait à l'importation
la couverture d'une grande part de nos approvisionnements, particulièrement dans des domaines stra-
tégiques pour la vie et la sécurité de la Nation, relève de la même veine que celle qui, sous prétexte
que l'on pouvait acquérir du blé à un prix bas auprès des producteurs Nord-Américains et que l'on
pouvait se procurer des produits laitiers et du sucre à des prix avantageux sur les marchés extérieurs
grâce aux subventions que les Gouvernements Européens consentent pour le soutien de leur
agriculture, a décommandé naguère, pour le développement, l'extension et la modernisation de notre
agriculture, les investissements qui auraient permis d'étendre considérablement la superficie de nos
périmètres irrigables, de diversifier notre production agricole et, d'en augmenter le volume dans des
proportions élevées, mais qui ont été combattus et écartés parce que, suivant les prévisions établies à
l'époque où ils avaient été préconisés, ces investissements auraient conduit à une production ayant

7
Extrait de l'ouvrage intitulé "Le défi économique du Tiers Monde" par YVES BERTHELOT et GÉRARD TARDY,
édité par le commissariat général du plan français dans la collection "La Documentation Française".
204
des prix de revient élevés, qui rendraient nécessaires soit la vente des produits agricoles à notre
population à des prix chers, soit le recours à des subventions de l’Etat pour ramener ces prix à des
niveaux supportables ; le principe de ces, subventions avait été présenté comme économiquement
absurde du moment que l'on pouvait bénéficier, sur le marché international, de prix nettement plus
bas.
C'est cette politique à courte vue qui fait qu'aujourd'hui nous dépendons de l'extérieur et
singulièrement à plus de 60 % de nos besoins en blé qui, entre-temps, se sont nettement accentués et
que nous devons recourir aux importations dans des proportions encore plus élevées pour ce qui est
de beaucoup d'autres produits agricoles présentant une importance vitale sur l'alimentation de notre
population. En plus de cela, les prix avantageux sur lesquels tablaient nos experts se sont envolés
pour atteindre des niveaux proches ou supérieurs aux prix de revient prévisionnels dont on s'est servi
comme argument pour écarter les investissements qui auraient donné la possibilité à notre agriculture
d'accroître ses capacités de production et, en couvrant une partie plus large de nos appro-
visionnements en produits alimentaires, d'assurer une meilleure aisance à notre balance commerciale
et à notre balance des paiements et, par là-même, de placer notre pays dans une meilleure position
sur le plan de son indépendance économique et même de son indépendance tout court.
Le résultat est que nous consacrons aujourd'hui, en proportion et en valeur absolue, une part
nettement plus grande des ressources en devises que nous procure l'exportation des hydrocarbures à
l'importation des produits alimentaires nécessaires à la couverture des besoins de notre population,
que cette situation est appelée non seulement à durer mais va s'aggraver de plus en plus, au moment
où, en raison de la croissance des besoins en produits alimentaires dans le Monde, les pays
développés qui ont une agriculture prospère et plus particulièrement les États-Unis, menacent de se
servir de leur situation d'exportateurs de produits agricoles comme d'un atout stratégique majeur pour
peser sur la politique des pays producteurs de pétrole et, d'une manière générale, sur toute la
politique des pays du Tiers Monde. Si d'aventure et par malheur, une telle menace devenait
effectivement possible et était mise en exécution, l'Algérie se trouverait assurément parmi les pays
les plus vulnérables, sinon peut-être le seul vulnérable, parce que l'alimentation de notre population
repose essentiellement sur le blé, alors que pour les autres pays membres de l'OPEC, cette menace
n'existe pratiquement pas, soit parce que l'effectif de leur population est faible et ne posera pas de
problème majeur sur le plan des approvisionnements alimentaires, soit parce que leurs habitudes
alimentaires font qu'ils consomment surtout du riz ou des produits tropicaux disponibles en dehors
des zones se trouvant sous l'emprise des USA et des autres pays occidentaux.
C'est vers une situation similaire de dépendance grave vis-à-vis de l'extérieur et de risque
d'étranglement économique que peut nous conduire, sur le plan de nos approvisionnements en biens
industriels, ce qui semble se dessiner actuellement comme l'amorce d'une politique industrielle
nouvelle. En tout cas, c'est ce qui ne manquera pas de résulter à coup sûr de l'annulation ou du report
des projets industriels auxquels l'on procède sous des prétextes divers depuis la disparition du
regretté Président Boumédiène.
Ceux qui, aujourd'hui, par ignorance, par indifférence, par esprit d'hésitation, par
complaisance ou par complicité, ne veulent pas prendre conscience du fait que l'avènement d'une
telle situation est parfaitement possible, risquent de ne s'en apercevoir que lorsque les conséquences
commenceront à se faire sentir lourdement sur la vie du pays et sur la vie de chacun. Il sera, sans
205
doute, à ce moment-là, trop tard et trop coûteux pour réagir et tenter de redresser la situation ; et il ne
servirait, alors, à rien de pérorer sur les inconvénients de la dépendance vis-à-vis de l'étranger et sur
les mérites de l'auto-suffisance, comme certains aiment tant le faire aujourd'hui à propos de
l'Agriculture, après s'être opposés dans le passé aux investissements qui auraient permis, aujourd'hui,
à cette agriculture d'assumer mieux ou pleinement son rôle dans l'approvisionnement du pays en
produits alimentaires.
Tels sont les aboutissements que nous promettent les agissements qui visent à altérer, à
modifier ou à renverser une action de développement qui constitue, suivant les termes mêmes de la
Charte Nationale, l'un des "grands axes de l'édification du socialisme", puisqu'il s'agit de la
Révolution Industrielle et le fait de laisser dévier ou abattre une politique qui se sera affirmée tant par
sa hardiesse et son réalisme que par sa clairvoyance.

13.2. – La valeur ajoutée créée par les entreprises et sa distribution dans


l'économie.
La note du Ministère des Finances souligne le phénomène des "entreprises publiques qui ne
remboursent pas leurs crédits"; en fait, derrière ce constat, se profile un jugement sur l'efficacité
économique du secteur socialiste industriel, la contribution de ce secteur à l'accumulation nationale
étant perçue comme quasiment nulle, du fait que les résultats financiers des entreprises ne leur
permettent pas de faire face à leurs remboursements d'emprunt.
Une telle approche s'apparente à celle qui consiste à dire qu'une entreprise privée, qui se
trouverait dans une des conditions de remboursabilité que connaissent les entreprises socialistes
industrielles, serait appelée à disparaître.
Un tel "rapprochement", qui s'en tient aux apparences, occulte, en fait, toutes les différences
qui séparent les conditions qui caractérisent l'entreprise privée dans le contexte d'une économie
capitaliste, des conditions que connaît l'industrialisation dans le contexte de l'économie algérienne ;
pour aller au-delà des apparences, il faudrait, ce que ne fait pas la note du Ministère des Finances,
pousser jusqu'au terme de leurs significations et de leurs implications, l'analyse du prix, du coût, des
conditions économiques et techniques de réalisation et d'exploitation, ainsi que l'appréciation des
notions de découvert, déficit, résultats financiers, résultats d'exploitation etc.
Cette analyse étant faite par ailleurs dans ce document, il y a lieu, ici, de s'interroger sur la
forme que prend l'apport des entreprises socialistes industrielles à l'économie nationale ; ce qui
renvoie à l'examen de l'affectation de la valeur ajoutée des entreprises socialistes industrielles, ainsi
que des ressources financières que ces entreprises ont reçu de la part de l'État et des institutions
financières.
En effet, la valeur ajoutée nette mesure la production nouvelle créée par l'entreprise et son
affectation est faite entre les différents agents économiques : les travailleurs, l'entreprise, l'État et les
institutions financières ; en d'autres termes, l'affectation de la valeur ajoutée nette donne lieu, en plus
des remboursements que doit effectuer l'entreprise, à des revenus versés à l'Etat et aux institutions
financières par le biais de la fiscalité et de la parafiscalité, comme par le biais des intérêts et autres
commissions bancaires.

206
C'est dire que, pour apprécier à leur juste mesure les échanges financiers entre, d'une part, les
entreprises et, d'autre part, l'État et les institutions financières, il convient non pas de se limiter aux
seuls remboursements, mais de mettre en relation les flux financiers dans les deux sens.
En d'autres termes, si les apports de l'Etat et des institutions financières aux entreprises se
mesurent en termes de fonds propres et de prêts, l'apport de l'entreprise à l'État doit être considéré à
travers tout ce que l'État et les institutions financières ont pu prélever du fait de l'activité de
l'entreprise : impôts versés, frais financiers payés, impôts et charges sociales sur les revenus des
travailleurs, impôts sur la consommation etc.
L'examen des comptes d'un certain nombre d'entreprises, prises à titre d'exemple : SNIC,
SNMC, SONIPEC et SNTA montrent clairement qu'une participation importante au fonds potentiel
d'accumulation nationale est réalisée par les entreprises, à travers les mécanismes de ponction de la
valeur ajoutée créée par ces dernières.
Cette analyse est présentée de façon détaillée en annexe n° 3 ; on relèvera cependant les
conclusions suivantes :
- la SNIC avait reçu de l'État, entre 1968 et 1977, 1 832 Millions de DA à titre de prêts, et
n'avait remboursé que 109 Millions de DA, la plus grande partie de ces prêts étant récente
(plus d'un milliard de DA pour l'année 1977) et son remboursement n'étant donc pas arrivé à
échéance. Mais, pendant la même période, s'agissant des contributions à titre définitif, la
SNIC n'avait reçu que 95,5 Millions de DA au titre des fonds propres, alors qu'elle a versé
sous des formes diverses à l'Etat et aux institutions financières 985 Millions de DA.
- la SONIPEC a versé à l'Etat et aux institutions financières, entre 1967 et 1977, l'équivalent
de 74 % de ce qu'elle a perçu à titre de prêts, tout en n'ayant remboursé que 5 % de ces prêts.
Si l'on déduit les remboursements effectués par SONIPEC, il apparaît alors que cette
entreprise a généré et remis à l'État l'équivalent de 73 % du financement de ses investissements, pour
lesquels elle a bénéficié de crédits porteurs d'intérêts.
- la SNMC a reçu, entre 1968 et 1977, 6 168 millions de DA de crédits pour lesquels elle n'a
remboursé que 115 millions de DA. Par contre, s'agissant des contributions à titre définitif, si
elle n'a perçu que 112,300 Millions de DA en fonds propres, et 38,5 Millions de DA en
subvention, elle a versé à l'Etat et aux institutions financières sous des formes diverses 3 285
Millions de DA.
Déduction faite des sommes qu'elle a remboursées, la SNMC a généré et transmis à l'État
l'équivalent d'un financement de 53 % de ses investissements sur lesquels elle a obtenu des
crédits à intérêts.
- pour ce qui est de la SNTA, le bilan présenté en annexe se passe de commentaires. En effet,
si la SNTA a reçu de l'Etat moins de 200 Millions de DA, elle a versé à l'État et aux
institutions financières plus de 6 Milliards de DA ; l'apport de l'entreprise socialiste, dans ce
cas précis, est de plus de 48 fois la mise de départ effectuée par l'État. On pourrait rétorquer,
sans doute, que dans ces six Milliards de Dinars sont incluses les taxes sur la consommation
des produits tabagiques qui sont payées par les consommateurs. Outre qu'en l'occurrence, la
SNTA, entreprise industrielle, apparaît dans son rôle de collecteur d'impôts pour le compte du

207
Trésor, ce qui est également le cas pour un grand nombre d'entreprises socialistes qui tiennent
ainsi une place déterminante dans la rentrée des impôts que les Finances présentent
généralement comme une opération dont le mérite leur revient entièrement, ce fait montre
bien que, sans l'intervention de l'entreprise socialiste et de la production dont elle est la source
et l'organisatrice, ces taxes n'auraient trouvé ni de support pour leur création et leur
perception, ni de collecteur pour les amasser à travers l'économie et venir les verser au
Trésor.
- s'agissant du secteur des hydrocarbures, le bilan de ses flux financiers avec l'État est
particulièrement éloquent, puisque les échanges se sont soldés, pour la période 1974 -1978,
par un flux net, en faveur de l'État, de 73,4 Milliards de DA.
Pour la même période, l'impact des activités du secteur des hydrocarbures sur les moyens de
paiement extérieurs, se traduit par un apport net en devises de 72,2 Milliards de DA (128,7 Milliards
de DA de rentrées contre 50,5 Milliards de DA de sorties en devises directes et indirectes).
L'examen de ces seules entreprises montre que, si les remboursements ne sont pas effectués
en totalité, la participation des entreprises est incontestable dans l'augmentation des ressources
nationales, ressources dont l'utilisation productive se traduit par l'accumulation.
C'est là un phénomène d'autant plus remarquable qu'il s'agit de sociétés en développement et
dont les ressources ne se sont pas encore concrétisées par des capacités productives arrivées à
maturité. En d'autres termes, pour ces entreprises, les apports par lesquels elles contribuent à la
formation de l'accumulation nationale sont le fait de la mise en production d'une partie des ressources
qui leur ont été octroyées ; on peut souligner, en effet, que, en moyenne, les sommes versées à l'Etat
par ces entreprises, représentent 50 % des ressources octroyées à ces entreprises, alors même que cet
apport est le fait de la mise en production de capacités représentant 40 % de ces ressources ; il est
donc aisé d'imaginer que, non seulement la mise en production de ces capacités représentant 40 %
des ressources octroyées, mais également la mise en route des capacités de production disponibles et
représentant les 60 % restants de ces ressources octroyées, continueront, durant plusieurs années, à
être à l'origine d'une accumulation toujours accrue au bénéfice du système financier.
Pour que ces entreprises puissent à la fois satisfaire à leur obligation de remboursement et
participer à l'accumulation nationale comme elles le font à travers le transfert de leur valeur ajoutée,
il leur faudrait atteindre des taux de rentabilité financière outranciers.
Pourquoi donc cet acharnement sur l'entreprise socialiste, alors que le problème de fond se
pose au niveau de la redistribution intersectorielle et interindustrielle des ressources nationales. Sans
entrer dans les détails des techniques fiscales et de la planification financière, il est indispensable de
répartir équitablement, sur l'ensemble des secteurs, les charges du développement, de façon à libérer
les instruments de la Révolution Industrielle, que sont les entreprises socialistes, du carcan dans
lequel elles sont enfermées, notamment au plan financier.
L'approche de la. contribution de l'entreprise, sous le seul angle des résultats financiers et de
leur affectation, est insuffisante. Ce sont, surtout, l'interdépendance entre les différentes entreprises,
les aspects dynamiques et les effets compensateurs sur le développement de l'ensemble des secteurs
économiques, qui rendent compte le mieux de la contribution de l'entreprise socialiste au changement
des structures et à la croissance de l'économie.
208
La méthode, pour démontrer et quantifier ces effets, est l'analyse des échanges interindustriels
à la base d'un modèle de Léontieff ouvert.
1) Un des effets de l'industrialisation est la création de nouveaux emplois. Le personnel
additionnel employé reçoit une certaine rémunération dont une part est utilisée pour des biens de
consommation et des services. L'effet de revenu est un effet positif de l'industrialisation, un effet de
feed back qui, de son côté, stimule encore le développement économique, car les dépenses que cet
effet entraîne exigent une production correspondante qui, de son côté, génère une demande de biens
intermédiaires additionnels etc., un process multiplicateur est donc ainsi mis en marche.
2) Les effets externes ne se limitent pas à l'effet de revenu. C'est l'effet d'entraînement
interindustriel qui est important au cours de l'industrialisation du pays, parce qu'il représente une
force motrice essentielle dans le processus de développement.
Le tableau d'échanges interindustriels (TM) montre que le mécanisme de répercussion de la
croissance est de deux sortes, selon le sens de la liaison :
- l'effet en amont qui est la conséquence d'une demande supplémentaire (demande au secteur
élevage à la suite du développement du secteur textile, par exemple)
Pour qu'un tel effet survienne, le développement de la production textile est donc
indispensable.
- l'effet en aval qui survient quand un produit de base devient disponible (engrais ou tracteurs
pour l'agriculture) ; alors, les utilisateurs potentiels sont incités à se porter demandeurs de ces
biens, ce qui permet chez eux des progrès de production, voire de productivité.
Les effets mixtes (effets boomerang) agissent dans les deux sens.
L'examen des T.E.I. (années1969 et 1974), publiés par le Plan et présentés en annexe,
montrent que ce sont les secteurs de base et les secteurs intermédiaires qui propagent au maximum
les effets en aval :
- cas des hydrocarbures,
- cas des industries sidérurgique, mécanique, métallique et électrique notamment.
Les fournitures de l'agriculture aux autres secteurs est cependant faible.
Or, ce sont précisément les industries de base et, dans une moindre mesure, le secteur des
hydrocarbures, qui se trouvent frappés de plein fouet dans leur développement par les mesures
restrictives portant sur les investissements, préconisées et appliquées par le Ministère des Finances,
de même qu'ils sont affectés dans leurs activités de production par les compressions touchant les
A.G.I., alors que la situation des ressources du pays, malgré les tensions qui pèsent sur elles, ne
justifie nullement l'intensité donnée à ces mesures et à ces compressions.
En outre, depuis 1970, on peut constater le renforcement de l'intégration économique, avec
l'augmentation des consommations intermédiaires et de la demande finale des différents secteurs
d'activité et ce, grâce à l'effort de l'ensemble des entreprises socialistes du secteur industriel.
Encore une fois, on constate que le résultat pratique de l'entreprise ne serait donc pas exact, si
on le mesurait par le seul niveau du découvert bancaire, sans tenir compte de l'ensemble des effets
que l'entreprise induit à travers l'ensemble de l'économie et qui accélèrent sa mutation.
209
Chapitre 14. - Le problème de la disponibilité des ressources financières
internes.
14.1. - Limitation des ressources et choix de la méthode de financement.
Le problème majeur du pays, sur le plan financier interne, revient à aménager les conditions
de crédit de telle sorte que la politique de développement puisse se poursuivre dans le respect des
options choisies par le pays et en particulier, de son indépendance. Les aménagements et les réformes
à apporter à la politique du crédit ont déjà été largement explicités dans le Volume premier du
Rapport sur les problèmes financiers de l'industrie socialiste, consacré aux structures financières des
entreprises ; il n'est pas besoin de revenir en détail sur ces problèmes. Toutefois, il est nécessaire
d'insister, encore une fois, sur le fait que le recours au budget de l'Etat pour le financement de
certaines activités des entreprises industrielles ne doit en aucun cas se faire au détriment des secteurs
de l'économie qui ne sont habituellement éligibles, d'une façon quasi exclusive, qu'à ce type de
financement.
En outre, adopter cette méthode de financement par le budget de l'Etat de certaines activités
industrielles reviendrait à remettre en cause les décisions prises au début du ler Plan quadriennal
(1970-1973) en matière de financement des investissements. A l'époque, il avait été en effet convenu
de financer par concours temporaire l'investissement industriel de façon à ne pas limiter la croissance
de ce type d'investissement et de ne pas, surtout, lier son rythme de développement aux seules
possibilités offertes par le budget de l'Etat.
Ouvrir de nouveau le débat sur ce thème, revient, en réalité, à poser le problème des
ressources, déjà développé dans le rapport sur les salaires diffusé au cours de l'année 1978 sous le
timbre du Ministère des Industries Légères.
Le secteur industriel ne devrait recourir au budget de l'Etat que dans la mesure où les autres
secteurs - l'infrastructure en particulier - ont vu leurs besoins pleinement satisfaits, et lorsque les
dépenses de fonctionnement (y compris la Défense, la Formation, la Santé) ont été totalement
couvertes.
De plus, les investissements à caractère socio-culturel (lycées, hôpitaux, universités....)
devront au préalable être entièrement pris en charge par le budget de l'Etat, de même que devra être
réalisé le réajustement des salaires de la Fonction Publique avec ceux du secteur productif, de façon à
harmoniser les rémunérations dans les secteurs relevant de l'Etat.
Faute de quoi, le risque est grand de se voir poser à nous le dilemme fondamental suivant : ou
bien imposer, du fait de la ponction qui sera faite sur le budget, pour le développement industriel, des
contraintes intolérables sur le plan social et, par conséquent, provoquer les remous sociaux
susceptibles de se transformer en désordres politiques, ou bien, remettre en cause le développement
industriel de façon à ne pas imposer de contraintes au développement des infrastructures
économiques et sociales.
Ce que l'on sait des théories professées par certains de nos experts et des sources auxquelles
ils se référent habituellement, permet de penser que, malheureusement, ce qui est recherché est à la
fois l'un et l'autre, c'est-à-dire le désordre politique et la limitation du développement industriel,
puisque l'un et l'autre conduisent, en définitive, à la remise en cause de l'option socialiste. L'issue qui
210
apparaîtrait alors comme la seule possible pour lever les contraintes en matière de ressources, serait,
en suivant la dialectique de ces experts, la libéralisation de l'économie et l'appel au capital privé
national et étranger.
On comprend mieux, de la sorte, pourquoi on a laissé se constituer et se développer le capital
privé national et pourquoi l'action de beaucoup de services a visé à faire de l'action de
développement interne menée par le pays, une véritable entreprise d'embauche pour engraisser le
secteur privé, se réservant ainsi une carte qui serait jouée en temps opportun.

14.2. - Le recyclage des capitaux détenus par le secteur privé.


La limitation des ressources, compte tenu de l'ampleur des besoins induits par le
développement, est effectivement une réalité. Elle n'est pourtant pas une donnée particulière à
l'Algérie. C'est une constante de l'ensemble des pays en voie de développement. Cependant, ce qui
est peut âtre particulier à l'Algérie, c'est qu'on ne peut pas dire que notre pays a mis en action toutes
les possibilités dont il dispose pour se créer les ressources nécessaires pour la prise en charge de
toutes les actions qu'il a besoin d'engager ou de poursuivre dans le cadre de son développement
économique, social et culturel.
En particulier, il est difficile de ne pas relever le fait qu'on laisse s'amplifier, sans contrôle, les
masses importantes d'argent que le secteur privé amasse à la faveur, la plupart du temps, d'opérations
spéculatives, et qu'il utilise pour exacerber les tensions inflationnistes que connaît notre économie,
dans le but d'accumuler à l'étranger, au moyen d'un véritable trafic de devises, des capitaux
importants.
Pour ces raisons, on ne pourra parler de limitation impérative de ressources qu'après avoir
épongé ces disponibilités existantes dans le secteur privé et après les avoir recyclées de façon
productive pour le bénéfice de toute l'économie nationale. Il est important de noter à ce sujet, que
parmi les pays au Monde qui se sont engagés effectivement dans le socialisme, l'Algérie est
probablement le seul pays où il n'existe pas ou pratiquement pas d'impôt sur le capital. Les quelques
prélèvements effectués au titre d'une imposition sur le capital à travers les droits d'enregistrement ou
de succession sont d'un montant dérisoire et occupent une proportion plus que négligeable dans les
recettes budgétaires de l'Etat. Bien plus, les droits, qui frappent ainsi le capital en Algérie, sont d'un
niveau encore plus faible par rapport à ce qui se pratique dans la plupart des pays capitalistes eux-
mêmes, Cette anomalie prend d'autant plus de relief qu'il n'est pas difficile à l'observateur le moins
averti de voir que des fortunes importantes existent et se multiplient dans une Algérie où l'on
construit le socialisme. Le paradoxe devient plus frappant et frise le scandale quand on sait que c'est
l'Etat qui fournit la totalité des ressources financières qui irriguent l'économie et animent les activités
à partir desquelles le secteur privé tire son enrichissement et accumule, avec un rythme étonnamment
rapide, des fortunes de plus en plus colossales.
Quel mystère se trouve à l'origine de ce paradoxe ? Quelles raisons ou quels prétextes
invoquer pour justifier l'existence d'une situation dans laquelle, d'une part, on argue de l'insuffisance
des ressources financières, pour limiter les investissements économiques, sociaux et culturels ou bien
pour s'opposer à des mesures destinées à améliorer les revenus des salariés ou des pensionnés de
l'Etat, et notamment des plus faibles, alors que, d'autre part, une masse d'argent en constante
augmentation se trouve détenue par des personnes privées dont la richesse affiche une profusion et
211
une image qui concordent très mal avec l'éthique d'une société qui prétend construire le socialisme et
qui déclare s'assigner comme objectif primordial de satisfaire en priorité les aspirations des plus
démunis et de réserver la primauté de ses efforts au bien-être et au renforcement de la collectivité
nationale ?
Les services des Finances qui, tout au long de ces dernières années, n'ont cessé d'édicter un
arsenal de mesures contraignantes pour contrôler les activités des entreprises socialistes, pour aspirer
la valeur ajoutée créée par ces entreprises et entamer même leur substance, semblent soudain se
trouver à court d'imagination et se contentent parfois d'avouer leur impuissance, quand il s'agit
d'appréhender les ressources que draine le secteur privé. Autant les rapports émanant des services des
Finances foisonnent de chiffres, souvent inexacts, tronqués ou même fantaisistes lorsqu'ils traitent de
l'état des entreprises socialistes, autant ces rapports demeurent muets sur les données concrètes
concernant la situation du secteur privé. Ainsi, aucune statistique, aucune évaluation ne semblent
disponibles, du moins en apparence, sur les richesses détenues par ce secteur, sur le nombre des
multimillionnaires ou des milliardaires qui ont basé leurs fortunes sur l'exploitation et le
détournement des ressources que la collectivité consacre au développement de la Nation.
Pendant ce temps, on entend beaucoup de voix s'élever pour critiquer les oeuvres sociales et
les avantages accordés aux travailleurs, pour fustiger la "gestion dispendieuse des sociétés
nationales" ou bien pour tirer à boulets rouges sur les privilèges dont seraient comblés les cadres de
l'Etat et du secteur socialiste ; mais ces mêmes voix se retrouvent soudainement comme frappées de
mutisme ou empreintes d'une pudique discrétion dès qu'il s'agit d'aborder l'analyse de la situation du
secteur privé dont la prospérité s'étale parfois de manière outrancière aux yeux de tous.

14.3. - La valorisation du patrimoine immobilier et foncier.


Outre le recyclage des capitaux détenus par le secteur privé, il est possible à l'État de créer
des ressources complémentaires au moyen de la valorisation du patrimoine immobilier et foncier.
Cette valorisation peut prendre la forme, comme cela a été suggéré dans le rapport relatif à la
politique des salaires diffusé par le Ministère des Industries Légères, de vente de terrains à bâtir, de
location-vente d'appartements biens de l'État, auxquelles pourraient s'ajouter des mesures à situer
dans le cadre de la Révolution Agraire et qui pourraient, tout à la fois, procurer des ressources à l'État
et aider à régler certains problèmes qui se posent à l'agriculture.
En effet, on parle beaucoup des difficultés que rencontre actuellement notre agriculture. Pour
notre part, nous considérons que, quelles que soient ces difficultés, les conditions d'un redressement
vigoureux et d'une large expansion de notre agriculture existent potentiellement, et qu'il suffit de les
déceler, de les étudier et de les mettre en œuvre.
S'il est vrai que la situation de l'agriculture est difficile, il serait, toutefois, erroné de
considérer que cette situation est désespérée. Il serait encore plus erroné de considérer que le dé-
veloppement de l'Algérie est définitivement obéré par une agriculture à jamais défaillante. C'est pour
ces raisons que, dans le cadre des dispositions de la Révolution Agraire, il est possible de procéder à
un réaménagement de la structure de nos exploitation agricoles, selon des modalités qui pourraient,
par la même occasion procurer quelques ressources financières à l'État.

212
14.4. - Des mesures prioritaires et urgentes dans le domaine de la
commercialisation.
D'autres mesures peuvent être prises, également, pour renforcer les ressources de l'Etat. Parmi
ces mesures, celle qui consiste à aider les entreprises à commercialiser directement, elles-mêmes,
leur production, revêt un caractère prioritaire et urgent. En effet, la situation actuelle dans le domaine
de la commercialisation est caractérisée par les éléments suivants :

14.4.1 – Une volonté politique qui s'est exprimée.


Cette volonté politique s'est exprimée, notamment à travers la Charte Nationale et la
Constitution, de donner à l'État le monopole du commerce de gros et de lui permettre d'être présent
dame le commerce de détail.

14.4.2 Une réalité marquée par des entreprises nationales privées de moyens.
Les entreprises nationales productrices et, importatrices n’obtenant pas des services du Plan
et des Finances les moyens nécessaires à la construction de réseaux de distribution, et obligées
d'avoir recours, pour l'écoulement de leurs produits à des réseaux de commercialisation demeurant en
grande partie sous le contrôle du secteur privé.

14.4.2.1. - Le cas de la SONACOME.


L'exemple le plus frappant qui mérite d'être cité à ce sujet est certainement celui de la
SONACOME dont le cas fait l'objet aujourd'hui de bien de controverses, surtout en ce qui concerne
l'utilité et l'opportunité du monopole qui lui est dévolu.
En effet, la SONACOME a présenté en 1975 aux services concernés de l'administration du
Plan, un programme comprenant la réalisation en trois phases, entre 1976 et 1981, des centres
suivants :
- 32 succursales pour assurer l'après-vente et l'entretien, pour un niveau de 30 % du parc
véhicules industriels,
- 26 succursales pour assurer l'après-vente et l'entretien pour un niveau de 35 % du parc
véhicules particuliers,
- 5 succursales avec 3 points d'appui pour pièces de rechange, et des services mobiles pour
assurer l'aprés-vente et l'entretien du parc engins de travaux publics,
- 4 succursales avec 6 points d'appui, et des services mobiles pour l'entretien des équipements
industriels,
- 4 succursales pour l'après-vente du cycle et motocycle.
L'ensemble de ces centres répartis sur la presque totalité des Wilayate du pays pour ce qui est
des véhicules industriels (camions) et particuliers (voitures) ou bien sur les principales régions du
territoire en ce qui concerne les engins de travaux publics et les équipements industriels, devait servir
de support, d'une part, aux services d'entretien des multiples utilisateurs publics et privés et, d'autre
part, à un réseau d'artisans privés spécialisés dans les activités mécaniques de réparations auto-
mobiles et dans la distribution des pièces de rechange. Ce réseau, se situant en aval des installations
de SONACOME, aurait pu compléter les prestations accordées directement par SONACOME qui
213
aurait disposé de ses propres points de vente, afin de ne pas laisser au secteur privé l'exclusivité du
contact avec le public pour ce qui concerne tout particulièrement la distribution des pièces de
rechange.
L'estimation du coût global du programme mentionné ci-dessus était, en 1975, de 1 275
Millions de Dinars.
De l'ensemble de ce programme, il n'a été autorisé, en 1976, que la réalisation de 10
succursales, autorisation liée d'ailleurs à des circonstances particulières prévalant au cours de cette
même année 1976.
La non disponibilité de cette infrastructure a fait qu'un entretien indispensable n'a pu être
assuré, ce qui a entraîné les conséquences suivantes :
- Le parc de véhicules, d'engins de travaux publics et de machines agricoles, se trouve
immobilisé durant des périodes très longues, et voit sa durée de vie diminuer sensiblement.
- Du fait de ces immobilisations, des importations supplémentaires se sont avérées
nécessaires, aboutissant ainsi à la nécessité d'un suréquipement pour faire face à une certaine
partie des besoins,
- Une surconsommation en pièces de rechange, ce qui a pour conséquence un accroissement
important des importations.
A titre d'exemple, un parc de véhicules particuliers d'un âge moyen de 10 ans demande des
coûts d'entretien de 140 %, si on prend comme base à 100 % les coûts d'entretien d'un parc d'un âge
de 5,5 ans en Europe. C'est dire l'énorme gaspillage en devises que la continuation d'un tel état
signifie.
Si l'on considère que les conséquences qui viennent d'être signalées correspondent
simplement à 10 % du niveau annuel d'importation en produits mécaniques, sachant que le niveau se
situe entre 4 et 5 milliards de Dinars, il apparaît que, pour la période des six années allant de 1976 à
1981, prévue pour la réalisation du programme, une économie de 2,5 à 3 milliards de dinars aurait
ainsi pu être faite, ce qui aurait permis de financer une part notable du coût global du programme,
coût qui, comme on le verra plus loin, s'est avéré plus élevé que l'estimation initiale.
Ainsi donc, alors que le programme de distribution présenté par la SONACOME n'a pas été
approuvé, sous prétexte d'une insuffisance de nos moyens financiers, ces mêmes moyens financiers
ont été disponibles pour faire face aux dépenses et aux importations supplémentaires dues à l'absence
d'une infrastructure de distribution et de maintenance.
Il reste à ajouter que cette infrastructure est plus que jamais nécessaire, et, qu'au gaspillage de
nos ressources engendré par l'inexistence d'une telle infrastructure, s'ajoute le surcoût dû à l'inflation,
puisque ce programme, qui était évalué en 1975 à 1 275 millions de dinars, est estimé aujourd'hui
avoir un coût minimum de 5 milliards de dinars, le coût global des 10 succursales en cours de
réalisation s'élevant, à lui seul, à 745 millions de dinars. Cette augmentation sensible du coût du
programme s'explique tant par l'inflation que par une meilleure appréciation du coût du programme.
Une telle infrastructure demeure nécessaire mais non suffisante. Car, dans le domaine de la
gestion de la pièce de rechange, deux conditions fondamentales doivent être remplies pour assurer un
approvisionnement régulier :
214
- le réapprovisionnement constant de la pièce normale,
- le réapprovisionnement rapide de la pièce de dépannage.
Or, les procédures multiples imposées par l'administration pour les importations et le
dédouanement des marchandises sont loin de faciliter, c'est le moins qu'on puisse dire, l'exécution de
ces opérations d'approvisionnement.
Parallèlement au programme présenté pour la réalisation de cette infrastructure, un autre
programme était également proposé, en 1973, par le secteur industriel pour la formation en masse
d'ouvriers qualifiés dont une proportion importante devait être orientée vers les activités de services,
y compris dans les ateliers appartenant au secteur privé. Ce programme non plus n'a pas été retenu à
l'époque, exception faite de quelques centres dont la réalisation a été autorisée par la suite.
Aujourd'hui, il se trouve dépassé par la montée des besoins, en même temps que son coût s'est accru
considérablement.

14.4.2.2. - Les coups portés à la SONACOME visent en fait le Monopole de l'État sur
le Commerce Extérieur.
Pendant ce temps, les divers utilisateurs des produits de la SONACOME et, en premier lieu,
les citoyens, se plaignent avec juste raison des multiples difficultés qu'ils rencontrent quand ils
veulent réparer leurs véhicules ou leurs engins ou bien acquérir des pièces de rechange qu'ils
n'arrivent pas à se procurer auprès des établissements de SONACOME, trop peu nombreux et d'une
capacité très réduite pour les recevoir et les servir, alors que ces pièces de rechange leur sont
proposées à des prix exorbitants au "marché parallèle". Le mécontentement et la mauvaise humeur
de tous prennent évidemment pour cible la SONACOME, ignorant tout des raisons principales qui
empêchent cette entreprise nationale d'accomplir convenablement les différentes missions mises à sa
charge par le monopole et l'activité de production qui lui ont été assignée par l'État.
Pour ceux dont l'objectif réel, mais toujours inavoué, est de remettre en question le principe
même du monopole de l'État sur le commerce extérieur et sur le commerce de gros, ou bien, de
priver les grandes entreprises de production de l'atout que constitue pour elle le monopole sur les
importations dans leurs négociations avec les groupes étrangers, lorsqu'il s'agit notamment d'obliger
ces groupes à consentir le transfert de leur technologie en faveur de l'industrialisation en Algérie des
produits dont ils sont les fabricants, la source des difficultés que rencontrent les citoyens et les
utilisateurs des produits mécaniques réside uniquement dans l'incapacité de SONACOME à gérer ses
activités de production et de commercialisation.
La seule solution qui leur paraît valable et dont ils rêvent serait, d'abord, de priver
SONACOME, comme les autres sociétés nationales industrielles, de leurs activités commerciales et
probablement ensuite, de rendre au secteur privé, y compris sans doute pour certaines des sociétés
étrangères, un rôle dans la distribution et la maintenance des produits mécaniques.
Quiconque s'avise de défendre le principe du maintien du monopole et du contrôle par le
secteur productif de la commercialisation des produits qui se rattachent à son activité, est présenté
comme se réjouissant de la prolongation des difficultés qui assaillent le consommateur et entravent la
vie quotidienne des citoyens.

215
Rien n'est alors négligé pour brouiller les cartes et empêcher de se rendre compte que ces
difficultés sont le plus souvent secrètement entretenues par ceux-là même qui s'en prévalent pour
attaquer les monopoles et les entreprises nationales industrielles, alors que la solution du problème
consiste d'abord, comme le prescrit expressément l'article 5 de la loi n° 78-02 du 11 février 1978
portant Monopole de l’Etat sur le Commerce Extérieur, de pourvoir les entreprises chargées de
l'exercice de ce monopole et des diverses activités de distribution au sein du marché national des
moyens nécessaires à l'accomplissement de leur mission.

14.4.2.3. - Le problème des pénuries.


Dans cet ordre d'idées, il est un autre thème que l'on utilise consciemment ou inconsciemment
pour dénigrer ou discréditer les monopoles : il s'agit de la confusion que l'on entretient autour du
problème des pénuries.
Quand un produit existe dans l'économie en quantité suffisante, qu'il soit issu de la production
locale ou qu'il soit importé, pour répondre à toute demande qui s'exprime sur le marché, l'apparition
d'une pénurie est généralement le fait, soit d'une mauvaise organisation de la distribution imputable à
l'entreprise qui en est chargée, soit des contraintes extérieures qui s'imposent à cette entreprise et
l'empêchent d'accomplir convenablement sa mission : lenteur des procédures concernant les
importations, problèmes de transport internes ou externes etc. Mais, généralement, ce type de pénurie
se manifeste rarement malgré les menées des spéculateurs qui tentent d'organiser des pénuries
artificielles en achetant, en vue de les stocker, des produits pourtant disponibles en quantité
suffisante pour équilibrer la demande, provoquant ainsi dans le marché une raréfaction de ces
produits favorisant leur revente ensuite à des prix spéculatifs élevés. Ces tentatives se trouvent
pratiquement enrayées et les pénuries concernant ce type de produits n'existent plus ou bien ne se
manifestent que pendant une courte durée ; l'élimination complète ou quasi-complète de ces pénuries
a été obtenue grâce à l'extension des réseaux de distribution des sociétés nationales, notamment
celles relevant de l'industrie, qui se sont établies jusqu'au niveau des Dairas et, parfois, comme c'est
le cas pour la SN SEMPAC, à l'échelon des communes.
Par contre, il est des pénuries qui sont réelles parce que les marchandises nécessaires pour
satisfaire la demande ne sont pas disponibles en quantité suffisante ou bien sont parfois
complètement éliminées du marché par une décision politique. Dans ce cas, il y a bien pénurie, mais
il s'agit de pénuries politiquement voulues ou acceptées pour des raisons qui tiennent à la
planification et qui réservent la primauté, dans l'utilisation de nos ressources, aux besoins du
développement et à la satisfaction de la demande prioritaire dans la consommation des masses :
santé, éducation, nourriture, habillement etc.
Ce sont donc des pénuries qui sont imposées par les contraintes qui pèsent sur le pays dont les
ressources et les capacités de production ne sont pas encore en mesure de donner pleine satisfaction à
tous les besoins qui s'expriment de la part des différentes catégories de la population.
Mais, la gestion de ces pénuries est laissée entièrement à la charge des sociétés nationales et,
comme elles portent sur des produits qui relèvent dans leur presque totalité de l'importation, on
attribue la responsabilité de ces pénuries au principe même du monopole en tant qu'institution, sans
compter que les milieux d'affaires et tous ceux qui les soutiennent agissent pour que l'opinion
publique oriente son mécontentement vers les entreprises nationales détentrices de monopoles.

216
En fait, dans ce cas, l'État ou les administrations concernées qui devraient normalement
édicter les règles régissant la gestion de ces pénuries et déterminer en particulier selon quels critères
et dans quel ordre de priorité répartir des lots de marchandises dont on a volontairement restreint les
quantités disponibles, préfèrent se décharger de cette tache ingrate sur les sociétés nationales et
éluder des responsabilités qui sont, au premier chef, les leur, puisque, quand il y a restriction et
rationnement, c'est à l'État qu'il appartient de prendre la décision, de nature essentiellement politique,
de dire comment répartir ou, en d'autres termes, d'indiquer à qui infliger la privation.
On préfère laisser subsister la confusion, se retrancher derrière le paravent des entreprises
nationales qui se trouvent ainsi livrées à la vindicte publique et, ce qui est plus grave, on expose à la
colère de l'opinion le principe du monopole auquel on s'arrange ainsi à faire porter le chapeau.
Tel est l'un des procédés par lesquels agissent tous les adversaires du socialisme, procédés
qui, comme c'est souvent le cas dans les attaques qu'inspire ou qu'organise la réaction, ne se
distinguent ni par la clarté, ni par la franchise.
La tentative entreprise récemment auprès de l'Assemblée Populaire Nationale en vue de
préparer les esprits à l'idée d'une révision de la loi portant Monopole de l'Etat sur le Commerce
Extérieur, laquelle, pourtant, compte à peine un an d'existence, en dit long sur les raisons qui
motivent, dans la réalité, la campagne engagée contre les monopoles. Du reste, les militants membres
de l'APN ne s'y sont pas trompés du tout et ont nettement fait savoir que les problèmes qui affectent
la distribution se posent d'abord au niveau des moyens à mobiliser et des méthodes performantes à
imaginer pour permettre une application adéquate et efficace de l'exercice des monopoles de l'État
sur le commerce de gros et sur le commerce extérieur. Il est vrai que certains ont oublié, dans leur
lancée pour effacer hâtivement les traces de l’œuvre léguée par le Président Boumédiéne, que la loi
mentionnée ci-dessus avait été votée par l'APN et que le projet transmis à cet effet par le
Gouvernement avait été, en plein accord avec le Président Boumédiène, repris, enrichi et renforcé
dans une large partie de ses dispositions, par les Députés et les commissions spécialisées de l'APN.
On a voulu s'attaquer aux monopoles en plaidant sournoisement qu'il s'agit simplement de décisions
"improvisées" et de "fuites en avant" imposées arbitrairement par Boumédiène sans considération
aucune de la nécessité d'assurer aux citoyens les nombreuses prestations en matière d'appro-
visionnement et de distribution ; on s'est trouvé en face d'un barrage dressé par des militants
conscients de leur mission, pleinement résolus à défendre les options fondamentales de la Révolution
et nullement disposés à se laisser surprendre par des arguments inventés pour les besoins d'une cause
qui ne dit pas son nom.

14.4.3. - Des entreprises de commercialisation insuffisantes.


La situation, en matière de commercialisation, est caractérisée aussi par des entreprises de
commercialisation, censées distribuer les produits fabriqués localement et importés, qui n'arrivent
pas à s'imposer et, dans certains cas, à voir le jour, et qui sont contestées, car reposant sur un partage
des tâches artificiel et inadéquat.

14.4.3.1. - Faut-il séparer production et commercialisation ?


Au moment où revient sur le tapis, avec une certaine vigueur, l'idée de séparer la fonction
"commercialisation de la fonction production" que l'on voit surgir chez noue depuis des années
chaque fois que se dessine ou se déclenche une offensive contre le secteur socialiste, il convient de
217
porter sérieusement attention au fait que l'on essaie d'atteindre un tel objectif, et même d'arracher au
pouvoir une décision de principe à ce sujet, sans avoir, au préalable, pris en compte les résultats des
expériences vécues dans notre pays en matière de commercialisation et soupesé le pour et le contre
qui s'attachent à chaque conception. Nous ne sommes plus en 1966 lorsque, le problème s'étant posé
alors à propos de la commercialisation des produits agricoles, les discussions ne portaient que sur des
vues théoriques et non sur l'analyse d'une situation concrète réellement vécue dans le pays. Sans
reprendre l'argumentation développée en ce qui concerne ce problème, dans le rapport diffusé, sous
le timbre du Ministère des Industries Légères, sur le contrôle et le projet de création d'une Inspection
Générale des Finances, il suffit de souligner que, depuis 1970, nous avons connu différentes
expériences en matière de séparation ou d'intégration des fonctions de commercialisation et de
production. Dans certains cas, les entreprises productrices ont exercé d'une manière constante la
fonction de commercialisation des produits ; par contre, dans d'autres cas, des sociétés nationales
industrielles, qui assumaient auparavant la commercialisation de leurs produits, ont cédé, durant
quelques années, cette commercialisation à une entreprise spécialisée relevant du Ministère du
Commerce, avant de la reprendre et de l'exercer à nouveau directement. Il serait éminemment
indiqué et certainement instructif de procéder à l'examen de chacune de ces phases pour le cas de
chaque branche concernée, d'apprécier les faits qui l'ont marquée et de comparer, d'une phase à une
autre, les résultats obtenus ainsi que les éléments notables enregistrés en ce qui concerne les
répercussions sur le consommateur. En particulier, dans le cas de chacune des phases évoquées ci-
dessus, on devrait s'intéresser aux aspects suivants : écoulement de la production, adéquation de
l'offre à la demande tant au niveau des quantités qu’au plan de la qualité, résultats comparés sur le
plan de la valorisation de la production, c'est-à-dire examiner dans quelle condition la production
s'est-elle trouvée en mesure de récupérer, par le biais de la commercialisation, une part plus grande
de la valeur ajoutée qu'elle a créée, progrès enregistrés dans l'élimination des grossistes privés,
impact au niveau des consommateurs, spécialement pour ce qui est des prix pratiqués à leur égard, de
la qualité du, service qui leur est rendu, de l'étendue et de la densité du réseau de distribution en
contact avec les détaillants et la population, du caractère judicieux et adéquat de la répartition de ce
réseau à travers le territoire national de manière à rapprocher au maximum les marchandises à
commercialiser des régions isolées et déshéritées, etc. ; toutefois, il convient que soient évaluées
également les actions menées par les entreprises purement commerciales dont l'existence remonte
maintenant à près ou à plus d'une décennie. Les résultats de ces entreprises doivent être examinés
également sous les divers aspects énumérés ci-dessus.
En résumé, le problème général de l'organisation de notre économie et le débat que l'on veut
ouvrir sur l'opportunité de séparer ou de jumeler ce que l'on appelle les fonctions de production et de
commercialisation, ne peut aujourd'hui se réduire à des controverses théoriques fondées sur des
abstractions ; pour aboutir à des solutions valables et constructives ce débat doit donner lieu à des
discussions prenant pour base essentielle les faits mis en évidence par les nombreuses expériences
réalisées dans le pays, de la même manière qu'il y a lieu de mettre en lumière les entraves, les
embûches et les procédés qu'emploient les adversaires aux multiples visages de la construction du
socialisme dans notre pays.

218
14.4.3.2. - L'anecdote ne saurait pallier l'absence d'analyse.
L'objectivité et l'appréciation correcte des faits dans l'autocritique constructive des actions
accomplies, alliées au respect des options et des orientations de la Révolution, peuvent constituer la
seule voie valable pour la définition, la mise en oeuvre et la perfection d'une politique économique
digne de ce nom et apte à servir au mieux les intérêts des masses populaires. Il est désolant de
constater que l'on tente parfois d'émettre un jugement et de tirer des conclusions à propos du rôle
accompli dans la distribution par une entreprise nationale comme la SONATRACH, en partant de
l'observation d'une file de voitures attendant de faire le plein devant l'une de ses stations et en prenant
en compte la remarque de l'exploitant de cette station se plaignant de ce que les services concernés
de la SONATRACH ne se seraient pas dépêchés de venir réparer certaines de ses pompes, qui se
trouvaient en panne, et concluant de cette carence dont la réalité reste à vérifier, que là où l'État met
sa main, c'est la ruine.
Quelles que soient les carences de ce genre que l'on peut relever dans le fonctionnement du
réseau de distribution de la SONATRACH, il demeure que le bilan des activités de ce réseau, depuis
son lancement en 1967, doit être apprécié d'abord en rapport avec un certain nombre de réalités bien
concrètes :
- La prise en main de l'ensemble des réseaux récupérée sur les sociétés étrangères, le plus
souvent dans un état de vétusté avancé,
- La multiplication, en une décennie, par trois du volume annuel des carburants distribués, par
sept de celui des GPL et par deux de celui des engrais,
- Le fait que cette augmentation du volume des produits distribués s'est faite avec des moyens
qui sont pratiquement demeurés les mêmes, l'infrastructure de l'entreprise n'ayant pu être ni
agrandie, ni modernisée, mis à part la réalisation d'un certain nombre de centres de
remplissage pour les GPL.
- Le maintien, jusqu'à ce jour et à leur niveau de 1968, des prix des carburants distribués, ce
qui représente un avantage considérable pour les utilisateurs des différents secteurs de
l'économie et pour les consommateurs. Cet avantage a été encore rendu plus net pour les
populations de l'intérieur, en raison de l'uniformisation de ces prix sur toute l'étendue du
territoire national. De plus, ce même avantage consenti à notre population, à travers les prix
des carburants, a pris un relief particulier pour les GPL dont les prix de vente ont été
notablement abaissés en 1968 ; tandis que, de leur côté, les agriculteurs bénéficient, en outre,
du gel des prix des engrais et des produits phytosanitaires depuis 1974.
Ce gel et cette uniformisation des prix des carburants et des produits chimiques destinés à
l'agriculture ont entraîné, pour l'entreprise SONATRACH, des charges lourdes qui se montent, pour
la seule année 1977, à 1 338 millions de DA, charges que l'entreprise n'aurait pu supporter sans le
soutien de ses activités de production, d'autant plus qu'une large proportion de ces charges est due à
la différence élevée qui sépare, pour une grande partie des produits distribués, le prix de vente sur le
marché intérieur des prix d'achat de ces mêmes produits à l'importation ; ces prix d'achat ont
augmenté considérablement au niveau du marché international depuis les hausses des prix du pétrole
intervenues d'abord en 1971, ensuite depuis 1973.

219
- L'action menée, en vue d'assainir le marché national des carburants, pour l'élimination des
grossistes et des intermédiaires privés, action marquée par un climat d'hostilité entretenu par
les menées de ceux qui n'acceptent pas de gaieté de cœur que leurs privilèges soient
bousculés, les moins virulents n'étant pas ceux qui, précisément, manifestent leur
mécontentement de ne plus avoir la possibilité de concentrer entre leurs mains l'exploitation
de plusieurs stations SONATRACH,
- Les difficultés de toutes sortes rencontrées pour implanter de nouveaux dépôts de carburants
et de nouvelles stations de vente au détail, dans des zones qui souffrent intensément de la
pénurie des carburants ; parmi ces difficultés, figurent les obstacles qu'il a fallu surmonter
pour obtenir les terrains nécessaires, qui n'ont été attribués qu'au bout de retards importants
qui prolongent d'autant les pénuries dont se plaignent les citoyens. Des campagnes bien
orchestrées amènent ces derniers à reporter tous leurs griefs sur l'entreprise et à ignorer les
entraves qui sont opposées à cette dernière dans l'accomplissement de sa mission, c'est-à-dire
dans l'exercice de son monopole et de sa fonction de commercialisation, les deux attributions
dont on veut précisément l'amputer en invoquant, à cet effet, des arguments qui paraissent
bien, ainsi, comme ayant été sciemment créés pour les besoins de la cause. Le même procédé
peut se retrouver si l'on analyse la situation d'autres entreprises auxquelles on conteste, dans
les mêmes termes que pour la SONATRACH, l'exercice d'un monopole ou de la fonction
commerciale.
A la lumière de cet exemple, on peut aisément se rendre compte de l'erreur que l'on risquerait
de commettre en voulant apprécier une politique ou décider de sa réorientation sur la base de
considérations qui relèvent davantage de l'anecdote que d'une saine analyse économique.

14.4.3.3. - La voie à suivre.


Il est non seulement légitime, mais impérieux de se préoccuper des difficultés que rencontrent
les citoyens dans leur vie quotidienne et de prospecter toutes les voies susceptibles de conduire à
l'élimination de ces difficultés ; cependant, cette préoccupation honorable, découlant de la volonté
exprimée par les responsables du pays de parvenir à rendre moins pénible et, si possible, plus
agréable la vie de chacun, ne doit pas être détournée de la finalité louable qui la motive en vue de
conduire à des décisions qui pourra avoir pour effet d'affaiblir les structures sur lesquelles s'édifie
notre économie et qui seraient susceptibles même de répondre aux vœux de ceux qui aspirent à
retrouver ou à se créer de nouvelles occasions de se livrer à des activités lucratives et spéculatives sur
le dos de la collectivité et au mépris des orientations de la Charte Nationale. Arguer des
conséquences suscitées par les entraves visant à empocher la réussite de la mise en oeuvre de ces
orientations pour essayer de faire prévaloir l'idée de modifier le cours de notre politique ne constitue
pas, c'est le moins que l'on puisse dire, la meilleure façon de travailler à l'application de la Charte
Nationale et au triomphe des options qu'elle a consacrées.
Ce n'est pas en ouvrant au secteur privé les vannes de notre commerce intérieur et de nos
échanges avec l'étranger que l'on parviendra à améliorer le sort de nos populations. Faire état des
perturbations dont se plaignent les citoyens sur le plan de leurs approvisionnements en produits
destinés à la consommation ou bien au fonctionnement des activités de production, pour justifier le
démantèlement des structures des entreprises nationales et pour élargir le champ d'intervention du
secteur privé, ce n'est pas faire le bonheur des masses populaires et rendre le sourire aux citoyens,
220
mais entrer dans le jeu de ceux pour lesquels la mort de Boumédiène a retenti comme le signal d'un
retour en force des compradores et des accapareurs, en attendant l'envolée vers l'avènement de la
"libre entreprise". Si l'on veut réellement travailler à la solution des problèmes qui compliquent la
vie quotidienne des citoyens sur le plan de la distribution et si l'on veut éviter de se laisser entraîner
dans les manœuvres de ceux qui recherchent simplement un alibi pour couvrir un recul par rapport
aux options de la Charte Nationale afin de rendre, au secteur privé exploiteur, un rôle de plus en plus
étendu au sein de notre économie, la voie à suivre est à déterminer à la lumière des résultats obtenus
par des entreprises nationales comme :
- La SN SEMPAC qui, par son implantation au niveau de le presque totalité des communes
du pays et par l'organisation d'un réseau qui livre à domicile les boulangers et les détaillants à
travers une large partie du territoire en attendant d'acquérir les moyens de pouvoir le faire
partout, a réussi à créer les conditions d'une distribution rationnelle et efficace d'un des
produits de première nécessité les plus demandés, en se rapprochant au maximum des
populations, et en prêtant souvent l'appui de son réseau à la distribution de produits provenant
d'autres sociétés nationales et qui, enfin, grâce à l'ensemble de ces opérations, a pu se créer
des ressources supplémentaires pour valoriser davantage ses activité production et soutenir
son effort de développement ;
- La SOGEDIA, la SNIC, la SONIC, dont les réseaux couvrent la presque totalité des Daïras
du pays, ce qui a pratiquement permis d'obtenir l'élimination des pénuries en ce qui concerne
les produits les concernant ;
- La SONATRACH, la SNS, la SNMC qui assurent un approvisionnement qui se normalise
de plus en plus sur l'ensemble du territoire, malgré une poussée vertigineuse de la demande
avec, en outre, le maintien des prix à des niveaux très bas pendant de longues périodes, ce qui
favorise considérablement les consommateurs ;
- La SONITEX et la SONIPEC qui ont déjà réussi, dans des branches où elles se heurtent à la
concurrence du privé et où leur part d'intervention dans la production et la commercialisation
n'atteint pas encore 50 % du marché national, à assurer un écoulement régulier à leurs
produits, mettant fin aux stockages inutiles et coûteux, de même qu'elles sont parvenues à
réduire considérablement la participation des grossistes dans cet écoulement et à procurer aux
populations un service dont la qualité est de mieux en mieux appréciée par la population,
comme semble l'attester le succès de certains magasins ouverts par la SONITEX.
Pour les Entreprises industrielles, toute cette activité menée dans le domaine de la
commercialisation aussi bien que la qualité et la quantité des services rendus à la population, qu'il
faut d'ailleurs apprécier, non dans l'absolu, mais en les mettant en comparaison avec les services
similaires assumés par d'autres secteurs et en mesurant les progrès accomplis d'une année à l'autre, se
font parallèlement avec la conduite d'importantes activités de production en expansion continue et en
constante amélioration et en même temps que se sont menées les multiples actions de
développement.
Faut-il ajouter que, dans la plupart des cas, les réalisations accomplies dans le domaine de la
commercialisation et de la distribution par ces entreprises industrielles nationales et dont l'utilité ne
peut être aujourd'hui niée en ce qui concerne le bien qu'en tire la population, se sont faites sans le

221
concours financier de l'État et ont été prises en charge sur les frais d'exploitation de ces entreprises,
frais d'exploitation qui se trouvent gonflés d'autant, au point que le Ministère des Finances, ne
voulant s'en tenir qu'aux chiffres sans prêter attention aux réalités que recouvrent ces chiffres,
dénonce sans aucun discernement le gonflement anormal des coûts d'exploitation des sociétés
nationales. Faut-il également préciser que, pour la majorité de ces entreprises, compte tenu de leur
qualité "d'interdits" dans les faits, au plan de la commercialisation, leurs implantations dans ce cadre
ont dû être réalisées avec des moyens de fortune, la distribution de leurs produits étant assurée dans
des locaux tels que garages, hangars et fonds de commerce divers loués aux administrations (Wilaya,
APC), à différents organismes (CAPCS, SAP, etc.) et aux privés, et qui ne répondent nullement aux
conditions exigées par la commercialisation ; la SONITEX a même été amenée, pour écouler ses
produits et faute de locaux, à utiliser, comme centres de distribution, des cabines de chantier achetées
à SNLB et des camions aménagés. De plus, des problèmes de transport, faute de moyens disponibles
en la matière au niveau des entreprises, viennent compliquer des difficultés rencontrées au plan des
capacités de stockage, des rotations de stocks et d'écoulement des produits, difficultés que ces
entreprises sont ainsi amenées à résoudre ponctuellement au jour le jour.

14.4.4. - Une planification de Gribouille.


Les services du Plan renvoyant les entreprises productrices, désirant inscrire des opérations
de réalisation des réseaux de distribution, vers des organismes dits spécialisés dans la
commercialisation qui n'existent pratiquement pas sur le terrain.

14.4.5. - Des "opérations pirates".


Des entreprises de production, essayant de "tricher" et de monter des opérations "pirates",
pour être dans la ligne politique du pays.

14.4.6. - Un secteur privé qui profite.


Un secteur privé qui profite de cette situation, fait des affaires en or et prélève une part
substantielle de la valeur ajoutée créée par l'activité du secteur socialiste.
C'est ainsi que les entreprises nationales industrielles, au même titre que les exploitations
agricoles socialistes, cèdent leurs produits à des prix qui, le plus souvent, ne représentent que 50 %
des prix payés par le consommateur, de sorte que ces entreprises nationales connaissent des
difficultés financières grandissantes et sont accusées de mauvaise gestion, pendant que des
ressources énormes, provenant de la commercialisation de la production de ces mêmes entreprises,
sont accumulées par le secteur privé ou par des secteurs qui ne portent pas les responsabilités
inhérentes à la production.
Le secteur des textiles, par exemple, constitue l'un des cas les plus remarquables dans le
domaine de l'appropriation par le secteur privé de ressources considérables, au détriment, à la fois, du
secteur socialiste et du consommateur. En effet, la SONITEX qui produit le tissu, n'en contrôle
encore la commercialisation que pour une faible partie ; le commerce de gros du tissu reste dominé
par le secteur privé. Le prix de vente, d'un type donné de tissu, au consommateur représente
généralement le double du prix auquel ce même tissu est vendu à la production. Tout se passe
comme si le producteur, en l'occurrence la SONITEX, qui construit l'usine au moyen de prêts que lui
fait l'Etat, prêts dont elle assure le remboursement augmenté d'intérêts conséquents, qui achète la
222
matière première et la transforme, qui recrute, forme et rémunère les travailleurs pour fabriquer le
tissu à partir de la matière première, reçoit pour toutes ces actions la même rémunération que celui
qui ne fait qu'une simple opération de transfert de la main à la main, portant le textile du producteur
au consommateur.
Un autre exemple peut être trouvé dans la commercialisation du ciment. Tout le monde sait
que, du fait de la maîtrise insuffisante par l'Etat des circuits de commercialisation, et de l'insuffisance
encore persistante de l'offre, une partie de ce ciment est vendue en dehors des circuits officiels à un
prix qui atteint, parfois, le triple ou le quadruple du prix de vente normal de ce ciment. Si l'on
estimait les quantités de ce produit, qui échappent au circuit officiel, à seulement 10 % de la totalité
du ciment commercialisé, ces quantités auraient représenté, en 1978, 10 % de 4 Millions de tonnes,
soit 400 000 tonnes environ (8 Millions de sacs de 50 kg l'un). Si, par ailleurs, on considérait le gain
par sac fait par le spéculateur privé, à 30 DA, le gain total fait par la spéculation privée sur le ciment
en 1978 s'établirait à 240 Millions de (8 Millions de DA sacs X 30 DA par sac). Cette somme de 240
Millions de DA aurait compensé plus que largement les pertes qu'a subies SNMC en 1978, du fait de
la commercialisation de ce produit.

14.4.7. - Un bouc émissaire qui "encaisse les coups".


Mais une logique semble s'instaurer qui voudrait que l'on dénonce les pertes des sociétés
nationales, même lorsque ces pertes, comme c'est le cas du ciment importé par la SNMC, résultent de
l'établissement d'un prix de vente inférieur au prix de revient, se traduisant ainsi par une véritable
subvention faite par la SNMC au reste de l'économie, et que l'on ferme les yeux sur les véritables
rentes laissées au secteur privé.
Par ailleurs, et toujours en ce qui concerne le ciment, un dossier, établi par le Ministère des
Industries Légères, à l'occasion de la présentation, au cours de l'année 1978, du décret fixant le prix
du ciment, a montré que sur un prix de revient moyen du ciment (local et importé) de 253,27 DA, les
coûts opératoires de la production nationale sont de 48,49 DA, soit 19,54 % du prix de revient. Le
reste, c'est-à-dire la, différence entre le coût de revient moyen et les coûts opératoires, est prélevé au
titre des amortissements, frais financiers, frais de manutention, de transit, etc. par des organismes
extérieurs à la SNMC. (voir l'annexe n° 1).
Les situations décrites et les exemples présentés précédemment illustrent le type même de la
situation aberrante, par excellence. Il s'agit de ne pas se laisser enfermer dans le piège de "la
spécialisation", de permettre aux entreprises de l'Etat de prendre rapidement, sur le terrain, la place
du secteur de gros privé et de réorienter vers l'État et les entreprises nationales de production les flux
financiers qu'accapare actuellement le secteur privé dans le domaine du commerce de gros.

14.5. - Autres ressources mobilisables.


Dans un tout autre domaine, il est possible d'imaginer un drainage vers l'État de certaines
ressources. En effet, la médecine étant gratuite, d'autres prestations sociales l'étant également, et
bénéficiant à tout le monde, on peut admettre la nécessité, pour chacun, de verser une cotisation qui
serait modulée en fonction de son revenu et qui comporterait un niveau minimum et un niveau
maximum. Les hôpitaux et services de santé devraient être gérés "hors budget" par un organisme
distinct. Le budget de l'État, au lieu de supporter, comme c'est le cas actuellement, l'essentiel du coût

223
du fonctionnement des services de santé, ne verserait à l'avenir à cet organisme que le complément
nécessaire à l'équilibre de son budget, qui devrait être réalisé en priorité grâce à cette cotisation et
aux versements réalisés par d'autres organismes.
Dans une approche plus approfondie, le système des cotisations devrait être unifié pour
l'ensemble des citoyens et l'organisme de la Santé devrait devenir l'attributaire de toutes les
cotisations versées au titre de la Santé.
Par ailleurs, partant du principe que le travail constitue non seulement "un droit mais aussi un
devoir et un honneur", on doit poser comme principe que l'accès au Revenu National n'est ouvert
qu'à ceux qui travaillent et qui contribuent à l'enrichissement de la Nation.
Par conséquent, ceux qui refusent le travail et préfèrent se livrer à des activités parasitaires,
devraient payer une contribution en argent ou en nature qui compenserait le manque à gagner que
supporte la Nation du fait de leur comportement parasitaire. La prestation en nature exigée de ces
personnes peut prendre la forme d'un travail dans des chantiers de reboisement, des opérations de
voirie, des travaux municipaux, des travaux agricoles et d'aménagement agricole ou de petite
hydraulique, des chantiers de construction communaux. L'Etat ne fournirait que les outils de travail,
la nourriture de ces personnes demeurant à leur propre charge.
Autant il est normal que soient exonérés d'impôt les titulaires de petits revenus, car ils
participent à la formation du Revenu National, autant il est anormal que des personnes du sexe
masculin valides, en âge de travailler et capables de le faire, préfèrent demeurer oisives, profitent du
revenu créé par les autres et n'apportent rien à la collectivité nationale. Dans ce cas, non seulement
ces personnes oisives s'approprient sans contrepartie une portion du Revenu National, mais elles
profitent encore de tous les services gratuits assurés par l'État à l'ensemble de la population
(médecine, scolarité, bourses, cantines scolaires, livres et trousseaux...) sans rien apporter au pays.
Il s'agit certes de concilier la liberté individuelle, l'intérêt de la collectivité nationale et la
justice sociale.
Notre système admet que toute personne demeure libre de choisir son travail, l'essentiel étant
que ce travail soit d'un apport positif à l'économie du pays, au moyen d'une contribution à la
formation du Revenu National, et que les charges soient équitablement réparties entre toutes les
personnes qui constituent la collectivité nationale.
La lutte contre la parasitisme, l'oisiveté et les maux sociaux est un impératif réaffirmé par la
Charte Nationale : "La société socialiste est fondée sur le travail. Elle abolit radicalement le
parasitisme, l'oisiveté, elle condamne la paresse, le laisser-aller et le fatalisme". (Charte Nationale,
page 32) et par la Constitution : "La société socialiste est fondée sur le travail. Elle abolit
radicalement le parasitisme. Elle est régie selon le principe socialiste : de chacun selon ses
capacités, â chacun selon son travail". Article 24).
Cette action est, par ailleurs, cohérente avec la nécessité du contrôle des grosses fortunes
privées comme cela a été exposé dans le Rapport sur le projet de création d'une Inspection Générale
des Finances. Elle rejoint également la lutte à mener contre la reconstitution d'un secteur capitaliste
national capable d'agir sur les centres du pouvoir.

224
Des mesures à prévoir par des textes à édicter dans le cadre de la lutte contre les
enrichissements illicites, devraient pouvoir, de leur côté, procurer à l'Etat des ressources non
négligeables, si l'on doit considérer le volume des revenus qui échappent encore à l'impôt et au
contrôle de l'État, comme l'avouent sans trop s'y attarder les services des Finances.

225
TITRE VII. - PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS POUR
LE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS.
Chapitre 15. - Examen des propositions contenues dans la note du
Ministère des Finances du 21 octobre 1978.
La note du Ministère des Finances souligne la nécessité tant de la prise en charge par l'État de
certains coûts d'investissement que d'un aménagement des conditions financières des crédits internes.
15.1. - Allègement des charges d'investissement ou mise en place d'un "étrangleur"?
Il y a lieu d'abord de se féliciter que le principe d'un allègement de certaines charges des
entreprises socialistes soit enfin admis. Encore qu'il soit nécessaire de rappeler et de souligner qu'il
ne s'agit pas là de conditions de faveur qui seraient accordées aux entreprises socialistes algériennes
de façon exceptionnelle pour "leur permettre d'atteindre un bon niveau de rentabilité", ni d'amener
ainsi l'État à corriger des déficiences qui seraient propres à ces entreprises. Il s'agit, au contraire, de
corriger la situation grave et anormale où ces entreprises algériennes ont été placées, puisqu'elles
figurent parmi les rares au monde à supporter des charges dues à la fois à l'environnement et au sous-
développement sans aucune compensation de la part des institutions de l'État. Il s'agit de commencer,
enfin, à se diriger vers une situation proche de ce qui peut être considéré comme normal ; en effet, et
comme l'illustrent les nombreux exemples cités en annexe n° 2, nombre de pays développés et en
voie de développement accordent, à l'investissement, de multiples avantages sous forme d'incitations,
d'exonérations, de bonifications, etc.
Ce principe étant posé, il y a lieu d'analyser les conditions de sa mise en oeuvre dans le cadre
de notre économie.
Sur le plan de l'affectation des ressources, et selon la position déjà exprimée dans la lettre du
8 novembre 1978 du Ministère des Industries Légères adressée au Secrétaire Général du
Gouvernement à propos du budget d'équipement 1979, la mise en oeuvre de ce principe ne doit pas
conduire à réduire les fonds à consacrer aux secteurs qui ne peuvent pas faire appel au crédit
(secteurs sociaux, infrastructure etc.) ; il y a donc lieu de donner une certaine priorité à ces secteurs
et de ne faire appel à ce type de prise en charge de certains coûts de l'investissement industriel que
lorsque les ressources disponibles au niveau du budget de l'État peuvent permettre d'y faire face, sans
gêner le secteur socio-culturel et l'infrastructure.
La prise en charge de certains coûts par le budget de l'État renvoie donc à la question de
l'affectation des ressources disponibles, ce qui pose de nouveau le problème de la nécessité de
l'élargissement de ces fonds par la création d'autres ressources ; on retrouve donc aussi, dans cette
perspective, le besoin de mesures telles que celles proposées dans ce rapport et d'autres documents
qui l'ont précédé et concernant la valorisation du patrimoine immobilier, les cotisations sociales,
l'imposition de ceux qui ne travaillent pas ou refusent un emploi, l'institution d'un versement sur le
droit d'exploitation de certaines terres, la mobilisation des ressources du secteur privé, etc.
S'agissant des modalités de prise en charge, par le budget de l'État, de certaines dépenses
relatives aux investissements productifs, se pose le grave problème du mode de versement des crédits

226
budgétaires. Les contraintes dans l'utilisation de ces crédits ont déjà été expérimentées, sont bien
connues et se traduisent par des retards en matière de paiement et de passation des contrats.
Il apparaît donc à l'expérience que les procédures relatives à ces crédits seront plus
contraignantes et auront pour effet de ralentir encore davantage le rythme de réalisation des
investissements, alors qu'on prétend oeuvrer à l'amélioration de ce rythme pour éviter les retards. En
effet, même si une telle procédure ne concerne qu'une partie de l'investissement, il est clair que
l'investissement forme un tout et qu'il suffit qu'une partie en soit bloquée pour que le retard
correspondant se propage sur tout le reste.
Alors, il est curieux de constater que, bien que les inconvénients d'une telle procédure soient
connus, la note du Ministère des Finances n'en souffle pas mot. Tout se passe comme si, derrière
l'objectif avoué d'aider à améliorer la rentabilité des entreprises et d'améliorer le rythme de réa-
lisation des investissements, on mettait en fait en place "un étrangleur", c'est-à-dire, à l'exemple de
certains mécanismes bien connus en mécanique, un dispositif qui rendrait possible et aisé, à tout
moment, tout blocage ou frein qui serait souhaité pour les investissements.
En d'autres termes, de telles propositions, si elles ne sont pas accompagnées de mesures
appropriées, aboutiraient, en fait, à la limitation des investissements industriels, c'est-à-dire qu'on
reviendrait à la situation d'il y a dix ans.
Ainsi, même lorsqu'ils font mine d'innover, les Finances ne changent pas d'objectif : il s'agit
de limiter le développement de l'industrie socialiste ; au profit de quelle politique ?
En ce qui concerne la mesure proposée d'exonération de l'impôt pendant les cinq premières
années d'activité des unités de productions nouvelles, il y a lieu de remarquer d'abord qu'une telle
mesure ne se situe même pas au niveau de ce que l'on retient généralement dans les conditions
d'investissement d'un grand nombre de pays, ainsi qu'il ressort de l'annexe n° 2.
De plus, en Algérie, dans la plupart des cas, cette mesure n'aura d'effet qu'en théorie, car la
pratique montre qu'il n'y a généralement pas de bénéfice durant les premières années ; il est, par
conséquent, nécessaire afin de donner à cette mesure un effet réel, d'allonger la durée d'exonération,
ou bien d'en différencier la période selon la nature du projet ; dans le cadre de cette évaluation, il
parait opportun de souligner que ce n'est pas l'année d'apparition des bénéfices qui devra servir de
référence, mais celle qui correspond à l'absorption de l'ensemble des pertes antérieurement accu-
mulées, du fait des difficultés normales de démarrage et de montée en cadence.
S'agissant du taux réduit de 3 % de droits de douanes sur les biens d'équipement prévu par la
loi des Finances 1978, on ne peut que s'interroger sur les raisons qui poussent à maintenir un tel taux
bien qu'il ait été réduit. En effet, un tel maintien apparaît comme une mesure purement bureaucra-
tique, puisque alors que la réalisation de recettes est maintenant substantiellement minorée, la même
comptabilité, les mêmes effectifs administratifs, les mêmes durées demeureront nécessaires pour la
réalisation des opérations y afférentes, et cela tant au niveau des entreprises, que des services des
Finances.

227
15.2. - Aménagement des conditions, de crédit.
15.2.1.- Le recours à l'emprunt extérieur.
En ce qui concerne le crédit extérieur, le Ministère des Industries Légères avait enjoint à de
nombreuses reprises, et notamment par circulaire n° 1/CAB dont copie a été adressée au Ministère
des Finances par lettre n° 37/ILG/SG du 8 janvier 1978, d'avoir à "rechercher au maximum le
financement en devises, les financements à rechercher concernant tant l'investissement que
l'exploitation, ainsi que le remboursement de la dette" ; cette même circulaire précisait que "pour les
projets nouveaux à lancer, il fallait rechercher le financement total tant de la partie devises directes
que de la partie devises indirectes", et soulignait, par ailleurs, que "s'il est impérieux de poursuivre
l'élan de développement entrepris, il est non moins impérieux de continuer à veiller au maintien
d'une situation favorable en ce qui concerne la balance des paiements de l'Algérie, afin de ne pas
compromettre l'indépendance financière de la nation".
Ainsi, l'objectif souligné dans la note du Ministère des Finances pour les années à venir a déjà
été pris en charge au niveau des directives données aux entreprises sous tutelle du Ministère des
Industries Légères.
Bien plus, de la sorte, les entreprises se voyaient invitées à inscrire leur action dans le cadre
d'une politique établie non pas en fonction de leurs intérêts propres, mais en vue de l'intérêt général
de l'économie, puisque au lieu de conclure leurs paiements sur la base d'un paiement "cash" elles se
voient conduites à devoir payer les intérêts qui accompagnent tout crédit et tout paiement différé.
Les conditions qui se trouvent à la base de ces directives sont par ailleurs développées dans la
lettre n° 511/CAB adressée à Monsieur le Ministre des Finances et ayant pour objet "les emprunts
extérieurs". Dans le cadre de cette lettre, il est souligné, en effet : "Il convient de rappeler que cette
politique systématique de recours à l'emprunt extérieur repose sur le fait que, si le pays ne dispose
pas aujourd'hui de liquidités suffisantes, il attend, pour l'avenir, des ressources importantes, tant du
fait du développement de nos réserves en hydrocarbures, que de ce qu'il est possible d'espérer d'une
amélioration de la production agricole et industrielle".
On peut encore relever dans le texte de la lettre citée ci-dessus : "Il reste entendu que cette
politique d'investissement doit être menée de façon telle qu'en aucun cas ne soient dépassées les
possibilités de remboursement du pays dans l'avenir. Car c'est compte tenu de cet équilibre
dynamique situé dans une perspective d'avenir qu'il convient de situer les actions envisagées,
aujourd'hui, pour assurer le financement en devises des opérations nécessaires au fonctionnement de
l'économie nationale et à la sauvegarde de son rythme de développement".
La note du Ministère des Finances souligne que : "Cet impératif (de financement externe) ne
doit pas exclure la recherche d'une amélioration de crédit tant en ce qui concerne la durée et son
différé que son coût".
Afin d'orienter les entreprises dans la recherche de cette amélioration du crédit, le Ministère
des Industries Légères leur avait indiqué de façon précise, dans le cadre de la circulaire 05/ILG/CAB
du 22 janvier 1978 sur "les financements extérieurs", les paramètres à prendre en considération, et
selon quelle priorité. Ces mêmes orientations sont reprises dans la lettre adressée au Ministère des
Finances ayant pour objet les emprunts extérieurs et déjà citée plus haut : "De notre côté, ainsi qu'il
ressort des orientations adressées aux entreprises et rappelées ci-dessus, nous estimons que, dans les
228
conditions actuelles de notre développement, et dans la perspective des recettes attendues de
l'exportation des hydrocarbures, exportation estimée sur la base de réserves sûres et prouvées, et
dans la limite des possibilités permises par ces recettes, un emprunt extérieur doit d'abord être tel
que sa période de remboursement s'étale sur la durée la plus longue possible, de manière à réduire
le montant des annuités de remboursement qui vont peser sur nos paiements en devises dans les
années à venir. La recherche de la durée de remboursement la plus longue va de pair avec l'objectif
de faire jouer, au maximum, en notre faveur, l'effet de l'inflation extérieure, car les annuités étant
fixes, leur valeur réelle décroît d'année en année, compte tenu de l'inflation. En outre, et en
deuxième position, les opérateurs doivent viser à obtenir le différé de remboursement le plus large
possible, de manière à alléger la charge qui pèse sur les immédiates prochaines années, en matière
de paiements extérieurs".
"En effet, les années qui viennent se caractérisent par l'arrivée à échéance de nombreux
emprunts, contractés précédemment, par le fait que les recettes découlant de l'exportation
d'importantes quantités de pétrole et de gaz n'auront pas encore atteint leur niveau de croisière,
niveau attendu pour les années 1982-19848 ; il y a lieu d'ajouter également le poids de nombreux
investissements qui arrivent à maturité dans ces prochaines années et qui sont nécessaires au
maintien et à la cohérence de notre effort de développement. La recherche du différé le plus long
apparaît donc comme un moyen en vue d'atténuer l'ampleur de la charge des paiements extérieurs
au cours des prochaines années, et de rejeter ces effets vers une période ou nos recettes
d'exploitations seront devenues très significatives. Ainsi, aura été jetée, au-dessus de la période des
prochaines années difficiles pour notre Balance des Paiements, une passerelle qui permette de la
franchir sans que soit remise en cause l'acquis que constitue, pour notre économie, le rythme atteint
par le développement".
"Après cela et en troisième lieu, vient le taux d'intérêt de l'emprunt qui devra, aussi,
constituer pour les opérateurs un objectif important dans la négociation du financement, ces
opérateurs devant viser à obtenir le taux d'intérêt qui soit le plus réduit possible. Il convient
également de souligner que le taux d'intérêt qui s'attache à un crédit financier est étroitement
fonction de la monnaie dans laquelle est libellé ce crédit. Ainsi, à un crédit financier libellé en
Dollars U.S., s'attachera un taux d'intérêt différent de celui qui s'appliquera à un crédit libellé en D.
M. (DEUTCH MARK) . L'intérêt étant considéré dans une certaine mesure comme une compensation
à l'érosion monétaire, une monnaie qui se dévalue donne lieu généralement à un intérêt d'un taux
supérieur à celui appliqué quand il s'agit d'une monnaie relativement stable ou qui se réévalue".
"Comme dernier élément d'appréciation de la qualité d'un crédit financier, il y a bien sûr,
aussi, les commissions d'engagement, de gestion, etc. qui accompagnent tout crédit financier et qui
doivent être analysées et négociées de façon les rendre les moins onéreuses possibles".
"Il reste que l'on ne peut généralement obtenir, en même temps et pour tous les crédits, la
meilleure durée, le différé le plus long, le taux d'intérêt le plus bas et les commissions les plus
faibles. Nous pouvons obtenir quelques crédits présentant dans une situation donnée, l'ensemble de
ces caractéristiques, mais, en règle générale, un arbitrage est à faire entre la qualité des différents

8
Il est évident que cela ne demeure vrai que dans la mesure où les projets retenus dans le programme VALHYD ne
sont ni annulés ni retardés, comme il semble qu'on envisage de le faire en ce moment.

229
paramètres (durée, différé, taux et commissions). En ce qui nous concerne et compte tenu de ce qui a
été exposé ci-dessus, lorsqu'un choix était à faire, nous avons toujours privilégié la durée et le
différé et accepté de payer un taux de 1/8 de point en plus, si cela devait permettre une amélioration
conséquente de la durée et du différé".
De plus, cette recherche d'une amélioration des conditions de crédit extérieur ne peut être
définie en soi ; elle doit tenir compte :
- de la conjoncture internationale, c'est-à-dire de la situation et des perspectives offertes par le
marché financier international.
- de l'opération industrielle support du crédit.
Ces deux éléments sont successivement repris dans la lettre déjà citée :
"Une politique qui consiste à accepter certains sacrifices en matière de taux d'intérêt pour
bénéficier de conditions meilleures en matière de durée et de différé du crédit, devrait même être
recherchée systématiquement. Car, dans la situation actuelle du système économique capitaliste, il
semble qu'il existe d'importantes disponibilités financières à la recherche de placements
intéressants. Nous devrions essayer de tirer le meilleur profit de cette conjoncture, car rien ne dit
que cette situation favorable persistera longtemps. En effet, d'une part, la relance de l'économie des
pays capitalistes, qui finira par être opérée, nécessitera probablement d'importants capitaux et
risquera d'assécher le marché financier et, d'autre part, l'arrivée sur le marché financier de
nouveaux emprunteurs, pays socialistes essentiellement, Chine et Vietnam en particulier, ne
manquera pas d'accroître la concurrence et d'offrir aux détenteurs de capitaux un choix plus large
de placements".
"En ce qui nous concerne, donc, nous devrions profiter de cette conjoncture, même si cela
devait nous coûter 1/8 ou 2/8 de point en plus, en matière de taux d'intérêt".
"Par ailleurs il importe de ne pas perdre de vue que les crédits financiers mobilisés par les
entreprises industrielles du secteur socialiste, ne doivent pas être considérés in abstraco, c'est-à-
dire, en dehors de l'opération industrielle dont ils constituent seulement un élément. En effet, ces
crédits sont demandés par les entreprises à leurs partenaires et leur montage constitue une condition
préalable à la mise en vigueur d'un contrat. Aussi, s'il est possible qu'un allongement de la
négociation peut permettre, dans certains cas, d'obtenir un rabais de 1/8 de point sur le taux
d'intérêt qui s'attache au crédit financier9 lequel, il ne faut pas l'oublier, ne représente généralement
que 15 % du coût en devises du contrat industriel, il ne faut pas oublier que cet allongement de la
négociation entraîne généralement un dépassement des délais contractuels de mise en vigueur et
ouvre la porte à la renégociation du prix du contrat, renégociation qui, si elle ne se traduisait que
par une augmentation de 1 % du cet en devises du contrat, signifierait un désavantage, les
proportions étant respectées, de 20 ou 30 fois supérieur à l'avantage du 1/8 de point recherché en
matière de taux d'intérêt".

9
Le crédit financier est entendu ici comme le crédit obtenu des banques étrangères sans affectation liée à un projet
déterminé. Il se distingue du crédit fournisseur en ce sens que celui-ci est affecté au paiement de fournitures explici-
tement définies, tandis que le crédit financier, même lorsqu'il est obtenu à l'occasion d'une ou de plusieurs opérations
d'investissement, est utilisé librement par l'emprunteur.

230
"Pour illustrer ce type de situation, il est intéressant d'analyser le cas d'un contrat conclu le
23 février 1977 par la SONITEX avec un consortium d'entreprises italiennes (SNAM-PROGETTI-
ITE00), pour la réalisation d'une unité de filature de laine cardée à Merouana, dans les Aurès".
"Le contrat, dont le coût est d'environ 65 Millions de DA pour la partie dépenses locales, a
bénéficié d'un financement de 85 % de la partie devises dans le cadre d'un crédit fournisseur. Il a été
demandé à SONITEX, afin que le contrat puisse être mis en vigueur, de compléter le financement de
la partie devises au moyen d'un crédit financier. Les négociations débutent en novembre 1977. Les
partenaires étrangers de SONITEX proposent un crédit de 9 Millions de Dollars US à un taux
d'intérêt de 1,5 % au-dessus du LIBOR ; la Banque Nationale d'Algérie (B. N. A.) refuse ces
conditions et fait une contre-proposition 1,25 % au-dessus du LIBOR. La SONITEX, dans le souci de
laisser le crédit BNA à d'autres opérations non susceptibles de bénéficier d'un crédit financier et
pour faire pleinement jouer le lien entre l'opération industrielle et le crédit financier, demande à ses
partenaires de nouvelles propositions similaires à celles que lui offre la B. N. A. Elle finit par traiter
le 13 septembre 1978 sur la base d'un crédit de 12 Millions de Dollars US à un taux de 1,3/8 % au-
dessus du LIBOR. Cependant, entre-temps, en mai 1978, les partenaires de la SONITEX ont réclamé
une augmentation des prix de 16,82 Millions de Dollars US pour la partie devises (soit 26 % de la
partie devises du contrat) et de 13,81 Millions de DA (soit 20 % de la partie DA du contrat) pour la
partie Dinars. La SONITEX a, naturellement, rejeté ces propositions et n'envisage pas d'y donner
suite ; mais cet exemple donne une idée de la nature des problèmes que peut induire la recherche du
perfectionnisme en matière de taux d'intérêt".

15.2.2. - Le Crédit interne doit être totalement remanié.


Il est à noter, tout d'abord, que cette question du crédit interne a été traitée dans le volume
premier du rapport sur les problèmes financiers de l'industrie socialiste intitulé "financement et
structures financières de l'industrie socialiste".
Par ailleurs, les propositions précises faites par le Ministère des Finances, en matière de crédit
interne, dans le cadre de cette note, sont analysées dans le chapitre suivant (Chapitre16) qui indique
la position adoptée à propos de chacune de ces propositions.
Il convient simplement de rappeler ici deux éléments importants :
- le financement interne d'un projet doit être étudié selon la nature des activités qui détermine
la durée de maturité du projet.
- le crédit à long terme doit être analysé de façon à remplacer dans la structure du
financement de l'entreprise socialiste, ce qui pour l'entreprise capitaliste est le fait des capitaux
propres.

15.2.3. - Période de montée en cadence et crédits-relais.


La note du Ministère des Finances souligne la nécessité d'un crédit-relais interne "pour faire
face aux échéances de remboursement du crédit extérieur". Le crédit-relais est certes nécessaire
puisque, comme l'indique la note du Ministère des Finances "Le remboursement du crédit extérieur
peut intervenir pendant la phase de démarrage et même, dans certains cas, au cours de la période de
réalisation".

231
Il reste à s'assurer que le crédit-relais ne se fasse pas à des conditions, ou selon des modalités,
qui auraient pour conséquence d'obérer davantage les résultats des entreprises.
En effet, il y a lieu d'identifier et de séparer les deux fonctions de l'entreprise dans sa
recherche d'un financement extérieur, celle d'agent de l'état dans une action de support de la balance
des paiements, et celle d'opérateur dans sa propre action d'investissement.
En d'autres termes, l'entreprise ne doit pas être pénalisée au niveau du financement de
l'investissement, du fait qu'elle a dû assumer, parallèlement à son rôle habituel, un rôle de pour-
voyeur en devises des caisses de l'État. Cette situation doit être prise en charge dans le cadre de la
définition des conditions d'établissement du crédit-relais.
La note du Ministère des Finances conclut en indiquant que "En définitive, le système de
financement sur prêts destinés aux investissements s'articule autour de la notion de capacité de
remboursement des projets".
Ainsi posé, un tel principe est acceptable ; cependant, il est indispensable de préciser cette
"notion de capacité de remboursement" et de s'entendre de façon détaillée sur son contenu.
A titre d'exemple, comment devra-t-on traiter du cas d'un projet pour lequel la conception de
départ doit évoluer en fonction de difficultés imprévues, ou simplement d'éléments d'appréciation
nouveaux, qui ne pouvaient exister ou être prévus au départ. Les modalités pratiques devront donc
être établies selon un schéma qui ne doit pas être a priori figé et qui a fait l'objet d'une esquisse dans
le Volume I du Rapport sur les problèmes financiers de l'industrie socialiste.
De plus et surtout, il y a lieu de prendre garde aux déviations souvent constatées entre les
principes de base retenus, et leur traduction en modalités d'application.

15.3. - Quand une vision unidimensionnelle conduit au "rejet pur et simple de


l'investissement" :
La note du Ministère des Finances pose le cas des projets pour lesquels "les conditions de
financement développées ci-dessus se révèlent en tout état de cause inadaptées" ; alors, le
Gouvernement aura la faculté de statuer :
- "soit sur l'octroi d'un financement sur concours définitifs couvrant une partie ou la totalité
du coût de l'investissement,
- "soit sur le rejet pur et simple de l'investissement, s'il ne le juge pas éligible à un
financement partiel à fonds perdus".
Il est nécessaire de rappeler à ce sujet, une fois de plus, que si des projets ont pu paraître
présenter une telle situation, cela est dû aux structures rigides de financement qui leur ont été fixées
par les Finances. Dans leur souci de lancer le développement malgré la multiplication de ces entraves
artificiellement suscitées, qui se surajoutaient en les aggravant aux handicaps du sous-
développement, les opérateurs industriels ont préféré lancer leurs projets en prenant l'argent dans les
conditions où il était disponible, laissant à plus tard la solution des problèmes posés par
l'inadéquation du financement.
La solution passe donc, là aussi, par le réaménagement des conditions de remboursement, et
non par le recours au budget de l'État ; des propositions dans ce sens ont été formulées dans le cadre
232
du "Rapport sur les problèmes financiers de l'industrie socialiste", le présent document en reprend
des éléments dans le cadre du chapitre16.
Quant à l'alternative présentée par le Ministère des Finances du "rejet pur et simple de
l'investissement", elle procède de la vision étriquée qui réduit l'analyse d'un investissement à la seule
dimension découlant des responsabilités du caissier, l'amputant ainsi de l'ensemble des dimensions
qui le situent dans l'ensemble économique du pays ; c'est ainsi qu'on ignore les besoins de l'économie
tels que ceux qui, par exemple, dans l'industrie rendent indispensables un projet "lubrifiants" ou
"camions", ou bien dans l'agriculture découlent d'un objectif d'autosuffisance alimentaire ; c'est ainsi
qu'on ne fait aucune place à l'analyse des effets induits et de l'effet multiplicateur.
La note des Finances poursuit : "Il convient en effet de s'interroger si le critère de rentabilité
financière... ne mérite pas d'être pris en considération dans la méthodologie d'évaluation des
projets", passant sous silence que, dans les faits, seul ce critère de rentabilité financière conditionne
actuellement la mise en place des fonds et ignorant ainsi la rentabilité économique qui seule, comme
cela a été développé plus haut, peut avoir un sens dans une économie socialiste et en voie de
développement, parce que seule elle prend en charge les contraintes que le projet industriel subit du
fait de l'environnement sous- développé et que seule, aussi, elle prend en charge les effets qui, à
travers le projet industriel, sont recherchés par l'État socialiste.
En d'autres termes, ignorer comme le fait le Ministère des Finances, dans la prise en charge
au niveau des structures financières, ce qui constitue l'essence d'un projet industriel dans la voie que
notre pays a choisie pour son développement, ou encore comme le font les services du Plan en
prétendant rester "neutres" dans un débat qui les concerne au premier chef, et persister dans cette
ignorance après adoption de la Charte Nationale qui souligne notamment que "la Révolution Indus-
trielle ne se limite pas à l'industrialisation", c'est au mieux se situer "à côté" de la marche de notre
Révolution, et en réalité tourner le dos à sa doctrine écrite et entraver sa pratique.
On ne peut alors que s'étonner de voir la note des Finances ajouter : "Les aspects valorisation
de la production, accumulation et couverture des charges de gestion de l'investissement dans sa
phase de fonctionnement ont souvent été relégués au second plan, voire éludés, au niveau de l'étude
initiale qui détermine le choix de l'investissement et fixe des données techniques et économiques", car
une telle assertion est tout simplement fausse, pour peu que l'on se penche concrètement sur la réalité
de l'analyse des projets industriels dans les entreprises socialistes.
Il reste, si on se limite aux dossiers remplis par les entreprises et remis aux services des
Finances, qu'il s'agit de dossiers conçus par ces mêmes services des Finances, de même qu'il est
nécessaire de souligner que les concepts utilisés dans l'établissement de ces dossiers sont encore des
concepts définis par ces mêmes services des Finances.
De la même façon, il est faux de prétendre que les projections financières ont été ignorées par
les opérateurs industriels.
Mais, en réalité, le débat ne se situe pas au niveau des techniques à mettre en oeuvre ou des
éléments d'analyse à intégrer ; il se situe au niveau de la vision d'ensemble dans laquelle se placera
cette technique ou s'intègrera cette analyse ; et cette vision ne pourrait être reléguée à la seule
dimension financière qui favorise les activités rapides, mais qui ne correspond pas aux impératifs du
développement ; et en fin de compte, à travers les difficultés créées à l'industrie socialiste, une telle
233
vision purement financière ne manquera pas d'aboutir à ouvrir la voie au secteur privé national, en
attendant d'en permettre l'accès aux intérêts étrangers.
Gageons qu'alors, si l'on considère les cas, traités par ailleurs, de l'Inde, de l'Égypte et de la
Tunisie, l'imagination qui semble faire défaut aujourd'hui fleurira, que les entraves, qui freinent
actuellement - à défaut de le bloquer - le développement socialiste, seront levées pour le secteur
privé, et que des textes sauront quels avantages accorder pour "attirer" le capital étranger et gagner
"sa confiance".
Quant à "la pratique devenue systématique de réévaluation des projets en cours de
réalisation" dénoncée par la note des Finances, sa solution ne saurait se limiter à la méthode Coué de
"la plus grande rigueur possible" à laquelle invite, en guise de conclusion, la note des Finances.
Il convient d'en rechercher les causes, et sans compter les éléments inconnus qui deviennent
de plus en plus prépondérants en raison de l'inflation qui prévaut dans le monde et qui semble
prendre une allure structurelle, il y a lieu de souligner les jeux et délices de la bureaucratie qui
conduisent, dans le souci de respecter les enveloppes fixées, à minorer arbitrairement les prévisions
initiales pour pouvoir commencer à travailler, puis à demander ensuite la réévaluation.
Autrement dit, du fait d'une pratique devenue courante par suite de la démarche adoptée par la
planification financière, la réévaluation ne résulte pas toujours et dans toute son ampleur d'une
insuffisance de prévisions initiales des auteurs des projets à réaliser ; elle constitue une donnée
retenue d'emblée, c'est-à-dire au moment où le financement est accordé, comme une rallonge à
accorder plus tard, mais que l'on écarte au démarrage du projet, non parce qu'on ignore le coût réel de
ce dernier, mais tout simplement parce que l'on s'oblige à rester dans les limites d'une enveloppe
financière préalablement fixée.

Chapitre 16. - Le financement des investissements.


Analyse des Propositions et recommandations.
Les propositions contenues dans la note du Ministère des Finances s'articulent, nous l'avons
vu, autour de deux types d'actions :
- la prise en charge par l'Etat, de certains coûts de l'investissement,
- l'aménagement des conditions financières des crédits (internes).
Ces deux actions visent donc à améliorer :
- les coûts de l'investissement en Algérie, le Ministère des Finances reconnaissant par là
même que les investissements subissent des surcoûts qui se répercutent sur le fonctionnement
des entreprises socialistes et pèsent lourdement sur la vie de ces entreprises,
- les conditions de financement de l'investissement, le Ministère des Finances reconnaissant,
là également, que les conditions actuelles de financement de l'investissement obèrent la
rentabilité des entreprises socialistes, rentabilité qu'il présente, par ailleurs, comme une
préoccupation majeure et comme un objectif fondamental.
C'est donc à partir de ces deux aspects que nous allons réexaminer les propositions du
Ministère des Finances. Il est incontestable, comme il a été indiqué au début de ce rapport, que ces
234
propositions témoignent d'une approche nouvelle, plus constructive, des problèmes financiers de
l'économie nationale.
Les propositions contenues dans la note du Ministère des Finances soulèvent des problèmes
qui ont été déjà largement traités dans le Volume I et la première partie du Volume II du "Rapport
sur les problèmes financiers de l'industrie socialiste", rapport dans lequel des propositions précises
de solutions ont été formulées. On se bornera essentiellement, dans le cadre de ce chapitre, à
reprendre et à reproduire souvent intégralement les commentaires et les propositions figurant déjà
dans les deux volumes cités ci-dessus.
Les difficultés financières dans lesquelles se débattent les banques primaires et les
entreprises, ne sont plus rattachées à quelque chose d'imprécis ou d'indéfini ; les remèdes ne sont
plus renvoyés aux calendes grecques, l'analyse de la situation n'est plus perçue à travers les seules
manifestations extérieures des phénomènes financiers ; elle se fait plus profonde, même si elle
demeure tendancieuse dans nombre de ses appréciations et, ne s'arrêtant plus à la constatation, elle
s'accompagne de propositions de solutions. Toutefois, les propositions avancées recèlent
d'importantes limites nées d'une connaissance très insuffisante ou d'une méconnaissance volontaire
des conditions du développement dans un pays en voie de développement, comme l'Algérie, ayant
choisi de manière irréversible la construction d'une société socialiste.
C'est essentiellement à travers ces conditions de développement et à l'aide de l'expérience
acquise dans certains pays socialistes en matière d'investissement, que seront examinées, dans le
présent chapitre, les propositions du Ministère des Finances.
Il convient toutefois de noter qu'en 1966, lorsque de grands espoirs avaient été placés dans le
secteur privé dont certains voulaient faire le moteur du développement de certains secteurs d'activité,
différents avantages avaient été listés et accordés au secteur privé pour l'inciter à investir dans ces
secteurs.
L'attribution de ces avantages découlait d'une reconnaissance de l'existence de certains
handicaps internes à notre pays. Or, ces handicaps, qui existent réellement, gênent aussi le
développement du secteur socialiste qui, par ailleurs, assure d'autres prestations que le privé ne prend
pas en charge. Mais, à la différence du secteur privé, rien n'a été prévu pour aider le secteur
socialiste. Bien au contraire.

16.1. - La prise en charge du coût de l'investissement.


16.1.1. - Le coût de l'investissement en Algérie.
Pour appréhender les conditions particulières de l'investissement en Algérie et leur
répercussion sur le coût de cet investissement, nous nous baserons sur un certain nombre d'études
présentées dans le "Rapport sur les problèmes financiers de l'industrie socialiste" (Volume 1) diffusé
sous le timbre du Ministère des Industries Légères.
Les études citées dans ce rapport montrent qu'un investissement en Algérie, supporte des
désavantages ou des surcoûts par rapport au même investissement réalisé dans un pays industrialisé.
Globalement, il est noté que l'investissement en Algérie coûte :

235
- 125 % du coût de l'investissement hors taxe (à l'exclusion des terrains, stocks et fonds de
roulement) pour les auteurs du "Plan de Constantine", en leur temps et dans les conditions
politiques et économiques d'alors (absence de droits de douane du fait de l'unité douanière
avec la France etc.).
- 168 % du coût de l'investissement (y compris les charges financières) pour M.
JANIZEWSKI, Consultant à l’ONUDI.
A ceci, s'ajoutent, pour nos entreprises industrielles nationales dans les conditions actuelles,
un certain nombre de désavantages difficilement quantifiables et constitués par :
- des dépenses d'infrastructures environnantes et sociales, prises en charge par l'entreprise sur
concours remboursables,
- des dépenses de formation, prises en charge dans le coût de l'investissement en Algérie et
payées par l'entreprise.
Par ailleurs, toutes ces appréciations ne tiennent pas compte du surcoût dû aux délais
imputables aux circuits et procédures institués par notre bureaucratie. Ce surcoût peut être estimé à
30 % du coût de l'investissement, dans beaucoup de cas.
La conclusion est qu'un investissement qui se réalise "normalement" en Algérie, atteint un
coût de l'ordre de 200 % de ce qu'il aurait coûté dans un pays industrialisé.
En d'autres termes, cela veut dire que l'industrie socialiste en Algérie subit de lourds
handicaps. Ces handicaps doivent être cernés avec précision, afin de voir ceux sur lesquels l’Etat est
en mesure d'agir en vue de les alléger. Jusqu'à maintenant, la tendance a plutôt été d'aggraver ces
handicaps. Nous y reviendrons.
Continuer dans ce sens risque de compromettre l'ensemble du développement économique et
social du pays et, partant, la construction d'une économie socialiste telle qu'elle est spécifiée dans la
Charte Nationale.

16.1.2. - Les handicaps que supporte l'investissement en Algérie.


Parmi les handicaps les plus importants qui se traduisent par des surcoûts sur les
investissements en Algérie et qui ont déjà fait l'objet de développements dans ce document, nous
rappellerons notamment :

 l'inflation internationale qui accroît régulièrement les prix des moyens de production,

 le coût élevé du transport pour acheminer les équipements jusqu'en Algérie et à travers le
territoire national,

 les circuits et procédures administratives d'importation des équipements et de conclusion


des contrats qui allongent les délais de réalisation et contribuent à renchérir les coûts,

 les délais de réalisation eux-mêmes, plus longs en Algérie que dans un pays développé, du
fait des conditions particulières bien connues existant dans notre pays,

 les montées en cadence des usines réalisées, moins rapides en Algérie que dans les pays
développés, notamment du fait de l'inexpérience dans l'industrie et de la nécessaire période
d'apprentissage qui s'ensuit,
236
 l'inclusion dans le coût de l'investissement des intérêts capitalisés et autres charges fiscales
(T.U.G.P., droite de douane etc.)

 la prise en charge par l'investissement de certaines dépenses d'infrastructures économiques


et sociales.

16.1.3. - La reconnaissance de ces handicaps r la note du Ministère des Finances.


La réalité de ces facteurs adverses qui compliquent, alourdissent ou aggravent la création et
l'exploitation industrielles est reconnue par la note du Ministère des Finances, traduisant ainsi une
remarquable évolution sur ce problème, même si cette évolution s'accompagne d'une volonté bien
perceptible, à travers le texte de cette note, d'éluder la part qui revient aux Finances dans les
phénomènes qui engendrent ces facteurs adverses ; cette note indique notamment les facteurs
suivants :
- surcoûts imputables à l'organisation interne de notre économie, à ses circuits et à ses
procédures, ce qui revient par antiphrase à évoquer des symptômes de complications
extérieures à l'entreprise et s'imposant à elle ;
- modalités, circuits et procédures de financement ;
- absence fréquente de critère des gestions et de sanctions ;
- prise en charge par l'investissement de certaines dépenses d'infrastructure économique et
sociale pourtant nécessaires
- organisation pas toujours rationnelle des opérateurs et manque de coordination entre les
différents secteurs et administrations ;
- réalisation des projets réclamant, souvent, de 5 à 6 ans au lieu de 2 ou 3 ans normalement ;
- modalités d'amortissement des prêts ne tenant pas compte des aléas et retards de réalisation ;
- alourdissement des charges financières par l'allongement de la période de remboursement ;
- structure financière déséquilibrée impliquant des charges financières relativement lourdes ;
- déficits chroniques des entreprises couverts par un endettement supplémentaire dont les
conséquences se répercutent sur la monnaie, d'une part, et sur les charges financières des
entreprises, d'autre part ;
- gestion relativement "dispendieuse" des entreprises avant, pendant et après la réalisation des
projets d'investissements et inexpérience des cadres ;
- faible rendement du travailleur national comparé à celui des pays industrialisés ;
- impossibilité, en face d'un compte d'exploitation général déséquilibré, d'une analyse de
situation permettant de distinguer ce qui est imputable à la prise en charge indue de certaines
dépenses ou investissements d'infrastructure, de ce qui est imputable à une structure
financière déséquilibrée, et de ce qui relève de la mauvaise gestion pure et simple de
l'entreprise.

237
16.1.4. - Quelques exemples de modalités d'allègement de ces surcoûts.
Face à ces éléments de surcoûts, la démarche logique, qui viserait en priorité le
développement économique du pays, eut été d'en alléger un certain nombre.
De ce point de vue, il peut être rappelé que des mesures d'allègement, pour compenser les
handicaps que connaît l'industrialisation en Algérie, avaient déjà été envisagées par le groupe de
travail français qui a élaboré les "Perspectives Décennales du Développement Economique de
l'Algérie (1957)", même d'un point de vue capitaliste et alors qu'il ne s'agissait que de quelques
ateliers de montage ; plus récemment, cette démarche a été reprise par la Banque Mondiale.
Nous retiendrons notamment que :
a) le groupe de travail français estimait que les aides à consentir aux industries nouvelles en
Algérie, seraient les suivantes :
- 6,9 % du cet de l'investissement, traduisant l'effet financier annuel pendant 10 ans d'une
prime d'équipement, de la détaxation des investissements et de la bonification d'intérêt sur les
emprunts pour les investissements,
- 7 % du chiffre d'affaires annuel pendant 5 ans, au titre de la ristourne de la taxe sur le chiffre
d'affaires,
- Exonération des B. I. C.
A ces aides, il y aurait lieu d'ajouter une exonération des droits de douane, qui existent de nos
jours, et qui n'existaient pas à cette époque où l'Algérie était considérée comme "partie intégrante"
du territoire français.
b) Le plan de Constantine, de son côté, prônait pour améliorer le coût de l'investissement :
- une prime d'équipement (de 9 à 37,5 %) du coût de l'investissement,
- l'exonération de la taxe à la production sur les biens d'équipement
- une prime d'emploi (de 7,5 à 31,25 % des salaires de fabrication) pendant 5 ans,
- exonération des B. I. C. pendant une période pouvant aller jusqu'à 10 ans.
c) La Banque Mondiale, dans son rapport sur la cimenterie de Saïda (1976), après avoir
procédé à une étude détaillée des coûts de l'investissement, des coûts de production, des
besoins de financement et de leur évolution, montre que les pertes de démarrage et les pertes
de trésorerie dues aux déficits d'exploitation jusqu'à 1986, représentent plus de 50 % du coût
de l'investissement.
La Banque Mondiale, pour ce projet de nature courante et sans problème de
commercialisation, a posé comme préalable au financement de cet investissement que ces pertes
soient prises en charge par l'Etat Algérien. Autrement dit, l'État doit octroyer à cette cimenterie des
ressources gratuites pour plus de 50 % du montant de l'investissement et assumer les pertes de son
démarrage. En vérité, cela signifie tout simplement que si ce projet avait été financé suivant les
normes en application dans l'économie capitaliste, ce financement aurait dû comporter un apport en
capitaux propres, c'est- à-dire en dotation, à concurrence de 50 % du montant de l'investissement.
Cette proportion pourrait même être réduite, car un financement par apport de capitaux propres

238
allège les charges financières qui entrent pour une large part, dans les pertes enregistrées par la
SNMC dans la Cimenterie de Saïda.
Par ailleurs, la Banque Mondiale montre, dans le même rapport, que 50 à 70 % du coût de
production sont représentés par des charges financières et les amortissements. Cela explique que
malgré le niveau des subventions préconisées par la Banque Mondiale, il faille attendre 8 années
pour que l'investissement soit bénéficiaire.
De plus, la Banque Mondiale a recommandé que :
- les prix de vente du ciment10 soient fixés pour couvrir le prix de revient, plus les montants à
payer sur la dette, plus une marge de 10 %,
- les actifs circulants soient deux fois et demi les passifs à court terme.
La démarche de la Banque Mondiale, de ce point de vue, est intéressante et permet de
conclure que :
- des mesures d'allègement des charges sont nécessaires pour qu'une industrie naissante
réussisse, alors que jusqu'à présent, cette industrie s'est vue surtout appliquer des mesures
d'aggravation de ses handicaps ;
- la rentabilité financière n'est atteinte qu'après de nombreuses années (8 ans pour la
cimenterie de Saïda), quelquefois jamais, si l'on charge l'entreprise de frais financiers
excessifs qui, par le mécanisme des intérêts composés, peuvent donner à l'endettement un
caractère chronique et insupportable.
En plus des éléments cités à partir des conditions définies par le Plan de Constantine et en se
référant au rapport de la Banque Mondiale sur la cimenterie de Saïda, il convient de se rapporter à
l'annexe n° 2 qui présente un tableau éloquent des avantages divers accordés à l'investissement, tant
dans des pays développés que dans des pays en voie de développement.
16.1.5. - Les améliorations du coût de l'investissement prévues par la note du Ministère des
Finances .
Les propositions du Ministère des Finances en vue d'améliorer le coût de l'investissement,
bien qu'elles dénotent un progrès par rapport aux positions antérieures de ce Ministère, ne tiennent
pas compte de la réalité.
Certes, il y a lieu de se féliciter que le Ministère des Finances se dispose à mettre en oeuvre
des financements plus adéquats en ce qui concerne la couverture des charges en matière de terrains11,
d'infrastructure et de formation, encore qu'il s'agisse là de mesures qui, sous une forme ou une autre,
ne devraient pas conduire à remettre en cause la politique de développement suivie par le régime,
tant sur le plan économique que dans le domaine social et culturel.
Cependant, quand on se réfère ensuite aux exonérations dont la note fait état, "on peut se
demander si la conversion des esprits au sein du Ministère des Finances est à l'unisson de

10
Ceci est très important, car la SMMC comme beaucoup d'entreprises socialistes s'est vue obligée d'appliquer des
prix de vente non rémunérateurs et impliquant des pertes.
11
La décision du Ministère des Finances n° 975 du 3/2/1979, ne mentionne plus la couverture des charges en mati e
de terrains.
239
l'impulsion supérieure qui l'a sans doute suscitée", comme cela est indiqué dans le Volume II du
"Rapport sur les problèmes financiers de l'industrie socialiste", rapport où on relève les observations
suivantes :
- l'exonération de la T.U.G.P. sur les biens d'équipement importée, contrairement à ce qui est
affirmé dans la note en question, ne couvre nullement tous les biens d'équipement et elle est
conditionnée en outre par la soumission, à la T.U.G.P., des produite fabriqués, de sorte que,
en dernière analyse, l'État ne renonce à rien, sauf à un financement intercalaire à la charge des
entreprises et à une prescription quadriennale qui, tous deux, avaient un caractère abusif ; les
droits de douane sur biens d'équipement ne se justifient pas davantage au taux de 3 % qu'à un
autre taux quelconque, qu'il soit de 20 % ou de 2 % ; ce qui est justifié, c'est l'exemption
totale en raison tant des nécessités de la politique de développement national que de l'impact
de cette mesure par le biais de son effet inflationniste sur le plan de l'économie nationale ;
- l'exonération de l'impôt sur les B.I.C. pendant les cinq premières années d'activité des unités
de production nouvelles sera une mesure pour rien dans la plupart des cas ; pour qu'elle ait
une portée, il faudrait sans doute que la période d'exonération soit plus longue ou commence
plus tardivement, encore que cela ne puisse en aucun cas se substituer à la décision, d'une
logique rigoureuse, de ne taxer l'entreprise que sur son résultat global, sans quoi les
entreprises paient des impôts sur les bénéfices, alors qu'elles sont en perte et elles recourent
pour ce paiement au crédit bancaire, c'est-à-dire à la monnaie.
Encore faut-il déduire de la note du Ministère des Finances que celui-ci prévoit d'allonger à
cinq ans la période d'exonération, laquelle en effet n'a été fixée qu'à trois ans par l'article 42 de la loi
des Finances pour 1978.

16.2. - L'aménagement des conditions de financement de l'investissement.


Nous l'avons montré précédemment, les investissements en Algérie supportent des handicaps
et des charges financières très lourdes, qui, s'il n'en est pas suffisamment tenu compte, comme c'est le
cas dans les propositions du Ministère des Finances, affectent gravement l'économicité de la
réalisation et de l'exploitation des projets.
Ceci étant, il s'agit maintenant d'examiner les modalités et conditions de financement de
l'investissement.

16.2.1. - Rentabilité financière et rentabilité économique.

16.2.1.1. - Insuffisance de la seule dimension financière.


- Tout d'abord, rappelons que l'objectif visé par le système financier autant que sa base
d'interprétation de l'activité des entreprises socialistes sont constitués par la rentabilité financière.
En effet, on constate que, de façon expresse (p.13 de la note du Ministère des Finances), la
tendance est bien de considérer la rentabilité financière comme l'élément synthétique d'appréciation
d'un investissement et on ne cite en rien la rentabilité économique ; cela confirme bien que les
observations émises à ce propos, dans le Volume I du "Rapport sur les Problèmes Financiers de
l'Industrie Socialiste", n'étaient pas basées sur une simple hypothèse à propos de la position du
Ministère des Finances sur ce point précis ; c'est évidemment avec regret que l'on note que les

240
conceptions à ce sujet n'ont pas encore évolué au sein du Ministère des Finances et que, même sous
l'angle de la rentabilité financière, on en reste à l'idée simpliste et très partielle que l'on exprime en
disant "Il nous paraît de la plus haute importance que l'étude technico-économique d'évaluation des
projets intègre les projections financières dont la prise en considération doit permettre d'adapter le
financement de l'investissement" ;
Si l'objectif ainsi mentionné est hautement méritoire, le moyen préconisé n'assure pourtant
pas l'introduction, dans la méthodologie d'évaluation des projets, de la systématique prise en
considération de l'intérêt économique des facteurs que l'on étudie ; il n'y a même pas essai de prise en
considération indirecte de ce facteur sous forme d'un calcul d'actualisation à un taux qui serait le taux
d'actualisation du Plan, encore qu'on n'ait pas connaissance qu'un tel taux ait été estimé et appliqué
dans la planification algérienne, à défaut de critères explicites des choix économiques.
De toute façon, ce fût une instruction conjointe du Ministère des Finances et du Secrétariat
d'État au Plan qui a déterminé le mode de présentation des projets, en prévoyant quelles projections
financières il convenait d'y intégrer ; en termes encore plus clairs, si le Ministère des Finances, selon
ce que semble indiquer la note visée dans ce rapport, considère que les projets qui lui sont soumis par
les entreprises ne sont pas accompagnés de toutes les données nécessaires à leur évaluation, il lui
faudra bien convenir en tout cas qu'il a obtenu toutes les données qu'il a réclamées et qu'il a lui-
même définies, dans le cadre de l'instruction susvisée, comme étant celles qui lui sont indispensables
et suffisantes pour que les projets fassent l'objet d'une évaluation correcte intégrant "les projections
financières dont la prise en considération doit permettre d'adapter le financement de l'inves-
tissement", pour reprendre les termes mêmes de la note du Ministère des Finances.
Si l'instruction, par laquelle le Ministère des Finances et le Secrétariat d'État au Plan avaient,
dans le passé, fixé conjointement les conditions à remplir dans les dossiers de présentation des
projets, se révèle aujourd'hui insuffisante aux auteurs de la note par laquelle le Ministère des
Finances fait le reproche aux entreprises de ne pas l'éclairer suffisamment sur les critères de
rentabilité et les projections financières des projets, ce reproche se retourne en fait contre le
Ministère des Finances lui-même.
Si ce dernier s'avise aujourd'hui de se corriger, c'est une bonne chose en soi, mais il n'y a
aucune raison pour qu'il attribue à d'autres des insuffisances qui lui sont imputables.

16.2.1.2. - Les études technico-économiques : paradoxes et réalités :


Quant aux études technico-économiques que les services des Finances considèrent comme
inexistantes ou bien comme étant peu sérieuses, parce qu'elles donneraient des chiffres qui sont, par
la suite et presque toujours, largement démentis par la réalité, il convient de noter les observations
suivantes que nos experts ne devraient pas ignorer, pour peu que leur qualification dépasse les
notions livresques et scolaires dans l'approche des problèmes économiques et des questions relatives
à la promotion des projets nouveaux au sein d'une entreprise quelle qu'elle soit :
- les études technico-économiques ne sont jamais considérées, dans un système économique,
comme donnant une évaluation définitive d'un projet envisagé dans le futur ; elles ne sont rien
d'autre qu'une estimation approximative des données d'un projet et des paramètres qui
déterminent son évolution. La valeur de cette estimation est d'autant plus relative que l'étude
technico-économique procède généralement en supposant que les conditions de réalisation, de
241
production et de commercialisation sont identiques ou équivalentes entre un projet réalisé et
connu et un projet à l'état virtuel et conduisent aux mêmes résultats ;
- la similitude des situations qui constitue, ainsi, le fondement des études technico-
économiques se vérifie rarement dans la réalité, qui évolue dans le temps, se transforme dans
le contexte d'un même pays ou d'une même localité et change, parfois radicalement, d'un pays
à un autre. En sorte que les prévisions données par une étude technico-économique ne sont
assurées d'une certaine fiabilité par leurs auteurs, quand ils se hasardent à le faire, que
moyennant le non-changement d'une foule de données et de paramètres qui ont servi de base
à l'étude.
De ce fait, elles n'ont qu'une valeur indicative qui sert à orienter la démarche de l'investisseur
et c'est pour une telle raison que le risque demeure l'essence même de l'investissement
industriel, en même temps qu'il constitue le ressort sur lequel se fonde le dynamisme de
l'investisseur.
- En outre, dans le contexte d'une conjoncture instable et le plus souvent sujette à des
transformations profondes, la modification de paramètres aussi déterminants que le sont le
coût des équipements à acheter, les tarifs de transport, le prix des matières premières ou le
prix de vente des produits à fabriquer, peut bouleverser radicalement l'équilibre d'un projet,
soit dans le sens d'une meilleure rentabilisation, soit dans le sens d'un affaiblissement ou de la
disparition de la rentabilité initialement prévue, quand elle ne conduit pas purement et
simplement à l'apparition d'une rentabilité négative, temporaire ou permanente.
Ainsi, nos usines de liquéfaction lancées sur la base d'une rentabilité déterminée à partir d'un
prix de vente du gaz faible, en raison de la situation existant au sein du marché de l'énergie au
moment où furent prises les décisions d'investissement les concernant, vont connaître une
amélioration considérable de leur rentabilité en raison de la hausse intervenue entre-temps dans les
prix des hydrocarbures. il en est de même pour les raffineries, dans lesquelles certains ont cru voir un
investissement inutile ou non rentable, à un moment où la situation de l'industrie du raffinage dans le
monde traversait une période difficile et qui sont en mesure aujourd'hui, dans la conjoncture qui
prévaut en ce moment (printemps 1979), de rapporter, uniquement par leurs gains nets en une seule
année, c'est-à-dire, en plus de la couverture de tous leurs frais, amortissements compris, l'équivalent
du cet total de leur édification.
A l'inverse, un renversement, en cours de réalisation ou d'exploitation, de la conjoncture
allant dans le sens de la baisse du prix de vente du produit à fabriquer par rapport au prix retenu au
moment de l'établissement de l'étude technico-économique, comme ce fut le cas pour l'usine de
traitement de mercure de Azzaba, ou bien entraînant un renchérissement dans le cet de certains
équipements ou de certaines matières premières, ainsi que cela s'est produit chez nous dans la
situation de quelques unités, peut conduire à des déceptions dans les espérances placées initialement
dans ce projet. Néanmoins, comme l'Agriculture, l'Industrie cornait également ses périodes de
sécheresse, de gel ou de récoltes fabuleuses ; et, en définitive, sa rentabilité financière puisque c'est
de cela qu'il s'agit à travers toutes ces considérations, ne peut s'apprécier sur un exercice ou sur les
résultats de quelques années d'exploitation parmi lesquelles il faut compter, du moment que nous
sommes en Algérie, c'est-à-dire dans les conditions d'un pays où l'industrialisation est encore à ses
débuts, les années de démarrage et de montée en cadence.
242
- Enfin, pour en finir avec cette fausse querelle que soulève la note du Ministère des Finances,
il y a lieu d'ajouter qu'en Algérie, à toutes les causes évoquées ci-dessus et pouvant affecter
fondamentalement les prévisions établies par une étude technico-économique, s'ajoutent les
aléas que crée notre bureaucratie et que suscite singulièrement, et fréquemment de manière
imprévisible, le Ministère des Finances. Il suffit de la parution, qui surgit toujours
brusquement, d'un nouvel avis de change régissant tel aspect des activités touchant aux
échanges extérieurs pour que le planning d'un projet soit bouleversé, allongé démesurément et
entraîne, dans l'investissement ou dans l'exploitation, des surcoûts qui précipiteraient dans
une ruine certaine les entreprises les plus solides et qui auraient pu effectuer les études
technico-économiques les plus fiables et les plus sérieuses.
A titre d'exemple, les avis du Ministère des Finances réglementant la gestion des A.G.I., en
particulier de celles relatives aux "objectifs planifiés", ont connu, en l'espace de trois années, cinq
changements successifs : de l'avis 94 modifié par l'avis 100, on est passé à l'avis 101 qui a
rapidement cédé la place à l'avis 105, lequel devait être abrogé et remplacé par l'avis 01.
Aucun expert n'a pu, jusqu'à présent, prédire à l'avance les retombées à attendre des mesures
pouvant survenir des sphères du Ministère des Finances, sauf que les fournisseurs et entrepreneurs
étrangers ont résolu d'y parer par le gonflement systématique du prix de leurs offres, attitude qui
constitue entre eux un dénominateur commun, malgré l'âpreté que peut revêtir la concurrence qui les
oppose les uns aux autres.
On voit, ainsi, la valeur réelle de l'efficacité qu'il convient d'attendre d'une étude technico-
économique dont la note du Ministère des Finances semble faire une pièce maîtresse dans
l'évaluation des projets et l'on peut mesurer, de la sorte, le genre de divagations oh l'on risque de se
perdre inutilement, quand on aborde les problèmes du développement avec des idées préconçues et
livresques et non avec l'éclairage que donne la réalité et avec les enseignements que dégage
l'expérience vécue, très souvent amèrement.
Signalons, aussi, puisque le problème des études technico-économiques est posé, que la
valeur et la fiabilité de ces études sont fonction de l'approfondissement des analyses qu'elles doivent
effectuer et du degré de précision des résultats qui leur sont demandés. Pour obtenir des indications
et des résultats qui soient aussi rapprochés que possible de la réalité, les travaux nécessaires pour y
parvenir sont plus complexes, plus longs, plus étendus dans la recherche de précisions et, donc, en
définitive, plus coûteux.
Or, le Ministère des Finances considère comme des dépenses inutiles les études technico-
économiques qui coûtent cher, mais qui permettent de cerner avec plus de fiabilité les données d'un
projet. C'est la position qu'il vient d'affirmer en rejetant une étude destinée à préparer le lancement du
complexe sidérurgique de l'Ouest qui sera l'un des plus grands ensembles industriels jamais réalisés
en Algérie.

16.2.1.3. - Les délais de la rentabilité.


Par ailleurs, et par-delà toutes les considérations développées ci-dessus, il faut bien observer
ici que le mode de présentation, prescrit conjointement par le Ministère des Finances et par les
services du Plan, n'est pas satisfaisant parce qu'il oublie de prendre en compte, dans l'évaluation d'un
projet industriel, les aspects économiques qui peuvent revêtir, souvent, un relief très particulier.
243
Or, nous l'avons déjà dit, le temps nécessaire pour qu'un projet industriel soit financièrement
rentable est mal apprécié par le système financier algérien. En effet, au risque de nous répéter,
rappelons que le délai nécessaire à la rentabilité d'un projet est plus long que dans un pays
industrialisé. La Banque Mondiale, comme nous l'avons vu, indique 8 ans pour la cimenterie de
Saïda, malgré le soutien des subventions et autres allègements mentionnés.
Pour un autre projet, la briqueterie d'El Milia, l'étude faite par une équipe B.A.D./B.I.R.D.
mentionne que cette rentabilité n'est atteinte qu'au bout de 6 années de production, soit 9 années
après le début de réalisation du projet. De plus, à partir de ce moment-là, il faudra 3 années pour
couvrir les pertes accumulées.
Ce dernier exemple est très significatif puisqu'il porte sur :
- un projet qui atteint une utilisation maximale de ses capacités de production dès la deuxième
année,
- un projet financé à 100 % par du crédit.
Ce qui démontre clairement que malgré sa très haute productivité, le projet n'est rentable
financièrement que très tardivement, du fait des conditions de financement qui lui sont appliquées.
Pour des projets plus complexes, les délais sont encore allongés par la montée en cadence qui
est plus lente, encore que celle-ci n'a pas toujours lieu au rythme escompté.
Ainsi, par exemple, pour un projet dont la montée en cadence se fait sur 5 ans, et qui atteint
les 100 % de sa capacité dès la sixième année, la rentabilité financière n'est obtenue qu'à partir de la
douzième année de production.
Les délais précédemment indiqués naissent et se développent en raison des charges
financières importantes que doit supporter un projet dès les premières années de l'existence de la
production. En effet, c'est au moment où la production s'organise et où les équipements commencent
à être maîtrisés, que tombent les échéances les plus importantes des crédits qui ont servi à financer
l'investissement.
Dès lors, la rentabilité financière, qui s'apprécie en comparant les charges aux résultats, se
trouve être décalée dans le temps non en raison d'une maîtrise insuffisante des installations, mais
souvent en raison des conditions de financement des investissements.
A ceci s'ajoute un élément très souvent perdu de vue, c'est le délai d'apprentissage nécessaire
pour acquérir l'expérience industrielle. Tout cela se répercute à l'évidence sur la rentabilité financière
et tout d'abord sur le délai d'entrée en rentabilité.

16.2.1.4. - Rentabilité et valeur ajoutée.


Mais, au-delà de cette rentabilité financière, il y a lieu de se demander si les comptes
d'exploitation des entreprises et les pertes qu'ils expriment, souvent de manière cumulative, reflètent
une perte de valeur non seulement pour l'entreprise mais également pour l'économie nationale dans
son ensemble, ou au contraire, si le voile financier et comptable ne travestit pas la réalité économique
dans une mesure telle que la rentabilité financière négative cache une rentabilité économique
positive.

244
En effet, pour le projet de cimenterie de Saïda, la Banque Mondiale a calculé le taux de
rentabilité économique ; il est de 10,25 % et l'étude de sensitivité qui s'y rapporte ne le fait jamais
descendre au-dessous de 6,06 %, cas extrême où les recettes n'atteindraient que les 3/4 des
prévisions. Pour la briqueterie d'El Milia, le taux de rentabilité économique est de 17 %.
Ceci montre bien que les rentabilités financières telles qu'elles résultent des comptes
d'exploitation, où se reflètent en termes monétaires les handicaps, contraintes et charges financières
additionnelles, ne peuvent servir d'indicateurs de l'effet réel des activités du secteur industriel
socialiste sur l'économie nationale. Bien plus, l'analyse en termes de rentabilité financière fausse
l'approche réellement économique des projets.
Si donc la rentabilité économique est positive, c'est que les charges financières, les charges
sociales, les impôts et droits de douane ne constituent, sous l'aspect économique, qu'un transfert de
valeur des secteurs productifs vers les autres secteurs et l'Etat. Ces transferts n'apparaissent pas dans
le résultat financier final de l'entreprise comme transferts mais comme des charges. Seule la
rentabilité économique fournit le moyen de juger de l'existence de cette valeur transférée et des effets
économiques qu'elle engendre par son transfert.
Toutefois, le taux de rentabilité économique ne donne qu'une vue en termes relatifs ; aussi,
est-il nécessaire, pour juger les projets, de se référer à l'importance de la valeur ajoutée que ces
projets dégageraient.
A ce sujet, il convient de rappeler qu'en luttant pour réaliser des projets à haute valeur
ajoutée, l'Algérie s'oppose à toute insertion dans une division internationale capitaliste du travail qui
laisse, aux pays du Tiers Monde, les seules activités à faible valeur ajoutée, utilisatrices de moyens
de production peu coûteux et archaïques et fortement utilisatrices de main-d’œuvre à bon marché. Il
se peut que les projets de montage ou ceux qui dégagent une faible valeur ajoutée, surtout lorsqu'ils
sont réalisés, comme c'est le cas, dans certains pays voisins avec des allègements financiers et
fiscaux importants, permettent d'avoir des produits coûtant moins chers que ceux qui résultent d'une
fabrication intégrée. Mais, on oublie de dire que ces projets, beaucoup plus commerciaux
qu'industriels, créent des rapports de dépendance directe entre l'usine autochtone et l'exportateur
étranger, rapports de dépendance dont il ne faut jamais perdre de vue le coût à la fois économique et
politique.
Or, mettre en place des projets à forte valeur ajoutée, c'est assurer une création interne de
ressources pour assurer la pérennité du développement, donner la possibilité d'action au
multiplicateur de revenu, assurer la création permanente d'emplois, en particulier d'emplois
accompagnés d'une formation technique, et être réellement indépendant sur le plan économique.

16.2.2. - Le crédit comme seule source, de financement.


Dans les premières années qui ont suivi l'indépendance, l'économie de l'Algérie était
caractérisée par une insuffisance de ressources financières susceptibles d'être dégagées pour réaliser
les investissements nécessaires à la mise en place d'une économie nationale indépendante. Pour que
cette absence de ressources ne retarde pas l'action d'industrialisation du pays, il a été décidé de
recourir à 100 % au crédit pour financer l'investissement industriel.
Un tel recours au crédit :

245
- se basait sur le fait que, par la seule action des investissements ainsi financés, se dégagerait
une épargne différée,
- tenait compte également que des ressources fiscales étaient induites grâce à l'investissement,
pans lequel ces ressources fiscales n'existeraient pas.
Toutefois, au niveau de l'entreprise, le processus de réalisation de l'investissement ne dégage
aucune épargne et sa mise en exploitation n'en créera que dans la mesure du total algébrique des
résultats nets d'exploitation et des amortissements, ce qui signifie pour l'entreprise que le
financement de l'investissement à 100 % serait un financement pur et simple dont le remboursement
ne peut venir qu'à long terme, du dégagement, d'année en année, par l'activité résultant de
l'investissement, d'un cash-flow suffisant.
Au niveau du Ministère des Finances, la circulaire 1536 du 28 juillet 1971, en essayant
d'expliquer, selon un raisonnement manifestement tendancieux, les raisons qui justifieraient le
recours au seul crédit pour financer l'investissement, exprime la volonté d'établir une confusion entre
"fonds perdus" et "capitaux propres". Une telle confusion n'existe nullement, du reste, chez
l'entrepreneur privé qui attend, de ses capitaux propres, un rendement qui rémunèrera son capital et
remboursera l'avance consentie à la Société sous forme d'actions.
La contradiction qui apparaît dans le raisonnement développé par la circulaire mentionnée ci-
dessus procède de ce que, comme cela a été analysé dans le Volume I du "Rapport sur les problèmes
financiers de l'industrie socialiste", la notion de capital social propre serait vue à travers les seules
entreprises libérales et serait considérée comme étrangère à l'organisation économique socialiste.
En vérité, pas plus que l'entreprise privée ne confond les apports en capital de ses
propriétaires avec des fonds perdus, il ne peut être question de considérer les dotations en capital du
Budget de l'État aux entreprises socialistes comme des ressources à jamais perdues pour la
collectivité ; tout comme l'investisseur privé, l'État doit consacrer et valoriser les investissements
qu'il engage pour faire fructifier son propre patrimoine.

16.2.3. - L'expérience eu pays socialistes en la matière.


Il est intéressant, pour avoir un éclairage élargi sur ces questions, de se référer à l'expérience
des pays socialistes en la matière :
- dans les pays socialistes, le crédit ne prend nullement le rôle majeur. Ainsi en URSS, jusqu'à
1965, tous les investissements planifiés centralement des entreprises étaient entièrement supportés
par le budget de l'État, y compris le montant minimum du fonds de roulement nécessaire. En outre,
les nouveaux équipements installés bénéficiaient de primes spéciales ayant un caractère de
subvention.
Depuis, des modifications ont été apportées et la distinction est faite, aujourd'hui, entre :
- les investissements centralisés qui restent financés, pour l'essentiel, par le budget de l'État,
l'amortissement et les profits des entreprises, et subsidiairement par le crédit bancaire.
- les investissements non centralisés, financés à l'aide des ressources propres de l'entreprise,
constituées par le fonds de développement et de perfectionnement de la production doté à
l'aide d'une partie des amortissements de l'entreprise et d'une partie des bénéfices.

246
Pour ces derniers investissements, le crédit intervenait pour 21,4 % en 1974 et pour 18,9 % en
1975. De même, le fonds de roulement n'est financé que pour moitié par le crédit bancaire.
Dans les autres pays socialistes d'Europe, le crédit intervient pour 6 % à 33 % du financement
des investissements.
Il faut, par ailleurs, noter que les intérêts des emprunts bancaires s'imputent sur les bénéfices,
ce qui évite, par là-même, de grever les coûts de production et d'alourdir l'exploitation de l'entreprise,
et que l'intérêt est considéré non comme un loyer de l'argent (comme c'est le cas en Algérie) mais
comme une rémunération des services de la banque qui monte un crédit, ce qui explique le niveau
dérisoire du taux annuel d'intérêt qui est de 0,50 % ; lorsque les échéances ne sont pas respectées, un
taux pénalisant de 1,5 % est appliqué.
Tous ces fonds dont on a parlé sont comptabilisés dans l'entreprise sous forme de "fonds
statut" avec distinction entre "fonds fixes" et "fonds circulants" et de "roulement", ce qui est
d'ailleurs, il convient de le noter, très proche de l'exigence de distinction contenue dans l'article 75 du
code de la G.S.E. en Algérie.
Il est alors clair que rien dans l'optique du socialisme ne laisse présager d'une prépondérance
du crédit sur les dotations. Au contraire.
Par ailleurs, au plan de la conception socialiste de la gestion, il y a lieu de rappeler que le
principe de la propriété socialiste des moyens de production et la loi de l'accumulation socialiste,
concrétisée dans le cadre d'une exclusion de dotation en fonds affectés à l'entreprise socialiste,
signifierait que la propriété économique serait détenue par les banques qui prélèveraient, sur le
surplus des entreprises, les intérêts et autres créances bancaires, et que les entreprises créeraient donc
une valeur, sur la redistribution de laquelle elles n'interviendraient pas et qui serait transférée, pour
partie et automatiquement, aux banques sous la forme d'une véritable rente de situation.
Ceci serait alors contraire à la Charte de la G.S.E. qui reconnaît à l'Entreprise socialiste un
patrimoine, et qui requiert que la nouvelle organisation socialiste des entreprises établisse "de façon
précise les différents fonds et dotations de l'entreprise dans le cadre d'une conception générale
homogène (fonds de roulement, fonds d'amortissement, fonds social, fonds d'investissements,
participation des travailleurs aux résultats)".
De même, le code de la G.S.E. prévoit (article 71) que la structure financière de chaque
entreprise soit déterminée par la nature de son activité.
Enfin, du point de vue de la gestion, le principe de la gestion équilibrée ne signifie
aucunement besoin du recours au crédit pour mesurer la capacité industrielle ou financière de
l'entreprise.

16.2.4.- la nécessité de doter les entreprises socialistes de fonds qui leur soient affectés
en propre.
Au plan historique, nous l'avons vu, la réalité des pays socialistes est qu'une grande place est
accordée, dans le financement des investissements, aux différents fonds affectés en propre à
l'entreprise, le financement par le crédit bancaire étant appendiculaire.
Au plan de la réalité algérienne et de son option pour le socialisme, les textes fondamentaux
(Charte Nationale et Code de la G.S.E.) établissent clairement l'exigence d'une organisation
247
financière appropriée des entreprises socialistes. Ne pas doter les entreprises socialistes de fonds
propres signifierait, d'une part, un manquement, voire une opposition grave à ces textes, et
signifierait également que l'ensemble des moyens de production de l'entreprise se matérialisent
totalement en un endettement, cet endettement étant par ailleurs accompagné de conditions lourdes,
le crédit n'étant pas gratuit en Algérie.
On peut admettre, afin de laisser en priorité les ressources définitives du budget de l'État aux
secteurs sociaux, que l'investissement économique continue à être financé par du crédit, mais à ce
moment-là, le crédit doit tenir compte des conditions propres de réalisation de l'investissement en
Algérie, au point de vue de sa durée et de son différé, et que par ailleurs, le taux d'intérêt qui
s'applique à ce crédit soit entièrement revu.
En URSS le problème ne se pose pas, car nous l'avons montré, même pour la partie des
investissements financés par le crédit, le taux d'intérêt est très faible. De plus, cet intérêt n'entre pas
dans les coûts, ni par conséquent dans les prix de revient. Il s'impute directement sur les bénéfices.
En ce sens B. MINC, économiste polonais, écrit dans son ouvrage "Économie Politique du
socialisme" que "l'adjonction d'un intérêt au prix de revient augmenterait ces coûts d'un montant
fictif" qui passerait ensuite dans les coûts et prix des autres produits pour finalement aboutir à un
intérêt plusieurs fois multiplié faussant par là-même tous les prix des produits. C'est ce qui se
pratique dans la réalité algérienne à un double niveau :
- celui de la formation du coût des investissements planifiés, financés à 100 % par du crédit,
dont les charges d'intérêts sont intégrées au coût de l'investissement, et qui sont ensuite
répercutées sur le coût de production à travers l'amortissement (amortissement déjà gonflé par
un amortissement financier plus rapide que l'amortissement économique).
- celui de la formation du coût de production lui-même, et comme par ailleurs l'entreprise
socialiste ne peut pas - comment pourrait-elle le faire ? - régler les intérêts, ceux-ci sont
portés par la Banque sur les intérêts non payés, en un processus cumulatif de prélèvement
d'intérêts composés.
Comment alors, dans ces conditions, comparer nos entreprises à d'autres entreprises
homologues d'autres pays ?

16.2.5. - Financement de l'investissement par le crédit et effet de l'amortissement.


Les surcoûts de l'investissement, nous l'avons vu, gonflent artificiellement le poste
amortissement des moyens de production. En effet, pour un investissement de 100 en Europe,
amortissable sur 10 ans, l'amortissement de la première année est de 10. Par contre et compte tenu
des surcoûts, un même investissement en Algérie coûte 200 et implique un amortissement lors de la
première année de 20.
Par ailleurs, le financement des investissements à 100 % par du crédit, dans les conditions
actuelles, fait que l'amortissement de l'investissement alimentera, à travers le cash-flow, les
remboursements à effectuer sur le crédit. Par contre, si l'investissement initial avait été couvert par
des fonds affectés en propre, et dans la mesure où l'amortissement financier est plus rapide que
l'amortissement économique (ce qui se traduit par un remplacement "financier" du capital, alors que
physiquement celui-ci n'est pas à remplacer), le montant de l'amortissement dégagé peut être utilisé
248
pour réaliser de nouveaux investissements sans recourir à de nouveaux financements. Par ce
mécanisme, l'amortissement est un vigoureux facteur de reproduction élargie de la capacité
industrielle de l'entreprise.
Ce mécanisme est d'autant plus intéressant que les entreprises socialistes en Algérie sont des
entreprises sectorielles :
- qui ont vocation à couvrir toutes les branches,
- et doivent le faire rapidement en accélérant les investissements nécessaires ; ce mécanisme
est également très intéressant dans la mesure où il se traduit chaque année par une
augmentation du montant de l'amortissement, favorisant ainsi l'avènement du moment où le
remplacement des équipements devient un processus continu alimenté par l'amortissement.
Face à l'inflation mondiale, ce mécanisme permet également de renouveler rapidement des
équipements sans attendre la fin de leur vie, période à laquelle les équipements auraient coûté 4 ou 5
fois plus.
Or, il y a lieu de constater qu'actuellement, du fait du financement à 100 % par du crédit, les
entreprises socialistes se voient frustrées de ce mécanisme générateur d'expansion, les banques et le
système financier prélevant l'essentiel de la substance financière engendrée par l'activité du secteur
économique.
Bien plus, des actifs non amortissables (terrains stock-outil) sont financés sur la base du
crédit à 100 %, sont soumis à intérêts débiteurs, alors même que de tels postes ne comportent pas de
mécanismes d'approvisionnement du cash-flow.

16.2.8. - Limites des mesures proposées par le Ministère des Finances.


En définitive, les propositions du Ministère des Finances relatives aux conditions de
financement de l'investissement restent bien en-deçà de la situation réelle, au plan global, de
l'économie nationale.
L'aménagement des conditions de financement de l'investissement proposé par le Ministère
des Finances se limite à des mesures d'aménagement très restreintes.
Ces mesures peuvent être résumées ainsi :
- pour ce qui est des crédits extérieurs, obligation est faite aux entreprises socialistes de
couvrir les coûts en devises des projets par le financement externe, tout en recherchant à
améliorer les conditions de durée, de différé et de coût du crédit extérieur.
- pour ce qui est des crédits internes, le Ministère des Finances envisage :

 un financement unique à long terme sur les ressources du Trésor, au taux de 2,5 % l'an,
adapté à la capacité de remboursement, pour les projets industriels, touristiques et
d'infrastructures économiques.La durée de ce crédit est fonction du cash-flow, le différé est
fonction du délai de réalisation et de la période nécessaire au démarrage, le délai de grâce
étant alors calculé sur la base de ces deux données.

249
 un financement à moyen terme bancaire d'une durée maximum de 5 ans, d'un différé
maximum de 2 ans, au taux de 5,5 % pour les projets d'acquisition de matériels et engins de
transport, de traction, de levage, de manutention et de travaux de génie civil.

 un financement à long terme aux taux de 2 % pour le secteur agricole, à l'exclusion des
matériels qui sont financés, en raison de la durée d'amortissement, sur un crédit bancaire à
moyen terme au taux de 3,5 %.

 la suppression des intérêts intercalaires sur crédits à long terme pendant la période de
réalisation et de démarrage.

 un financement à long terme de 2,5 % pour le fonds de roulement de l'investissement, qui


sera prévu dans le coût global du projet, et qui comprend les fonds nécessaires à la couverture
des frais de gestion de l'unité de production, et qui sera mobilisé pendant la phase du
démarrage. Dès la pleine utilisation des capacités, l'unité devra auto-financer ses besoins en
fonds de roulement.

 la mise en place de crédits-relais internes pour faire face aux échéances de remboursement
de crédits extérieurs, et qui devront figurer dans le plan de financement du projet.
Ces mesures demeurent très limitées dans la mesure où elles n'envisagent la poursuite du
développement qu'à travers la rentabilité financière qui est censée se dégager de ces mesures,
puisqu'il est prévu que le projet auquel s'appliqueraient ces mesures et qui ne serait pas
financièrement rentable, ne serait pas accepté par le Ministère des Finances qui le soumettrait au
Gouvernement.
Il va de soi que le Gouvernement peut avoir à connaître dans le détail des grands projets
initiés dans les différents domaines de l'activité économique, sociale et culturelle de la Nation.
Cependant, il importe que l'information du Gouvernement soit complète et que la présentation des
projets qui lui est faite ne s'arrête pas aux seuls paramètres financiers de ces projets ; au demeurant,
l'analyse qui doit être faite des différents projets, qu'ils soient ou non soumis au Gouvernement, doit
englober l'ensemble des aspects politiques, économiques et sociaux qui caractérisent ces projets, et
ne pas s'arrêter, comme semble le faire le Ministère des Finances, à l'appréhension de leurs seuls
éléments financiers.
Par ailleurs, le financement sur concours définitifs de tout ou partie des dépenses induites par
la réalisation des projets signifie l'introduction de règles de comptabilité publique et de contrôle
systématique a priori. Ce système de comptabilité publique, qui freine déjà considérablement la
réalisation des ouvrages d'infrastructure, appliqué aux projets industriels, ne manquera pas d'en
allonger la durée de réalisation et d'en alourdir les coûts.
Il aurait été sûrement plus efficace de songer à un allégement des procédures de la
comptabilité publique qui puissent la rendre plus adaptée aux conditions de réalisation des ouvrages
économiques et, par ailleurs, de parvenir à l'élaboration d'un modèle permettant de juger la rentabilité
économique des investissements.
Ce système, tel qu'il est envisagé par le Ministère des Finances et qui privilégie la rentabilité
financière, recèle un piège dangereux, car il risque de conduire à terme à donner la priorité aux
investissements ayant une "meilleure rentabilité financière", c'est-à-dire, ceux qui, pour l'industrie,
250
se limiteraient au montage et aux opérations de dernière transformation, autrement dit, ceux qui
s'inscrivent dans la division internationale du travail prônée par les pays capitalistes, et qui
annihileront à tout jamais tout effort d'industrialisation digne de ce nom et toute indépendance
économique dans notre pays.
Lorsque l'on entend çà et là, des propos présentant la forme d'industrialisation adoptée dans
un pays voisin comme étant exemplaire, au prétexte que ce pays voisin "produit des téléviseurs, des
ampoules électriques etc., à meilleur marché que nous", et lorsque l'on sait la nature réelle de cette
forme d'industrialisation, ainsi que les liens de dépendance qui la rattachent au capitalisme
international, on mesure l'ampleur du danger qui guette le développement de notre pays et son indé-
pendance.
Par ailleurs, en demandant aux entreprises de rechercher les crédits extérieurs en vue de
couvrir le coût en devises des projets, on vise à ménager les réserves de change du pays et à une
démultiplication de nos possibilités d'emprunt. Ce qui est tout à fait légitime. Mais, si l'on impose
également aux entreprises socialistes des conditions draconiennes pour la conclusion de ces
financements, il s'ensuit que les entreprises sont devant le dilemme suivant :
- ou bien elles renoncent au projet, sacrifiant ainsi une réalisation industrielle, ralentissant par
là-même l'intensification de l'intégration de l'économie nationale ;
- ou bien elles concluent tout de même le financement extérieur et il se posera, alors, à elle
tout à la fois des problèmes bureaucratiques pour l'acceptation de ce crédit et le problème des
charges financières élevées qu'elle doit prendre à son compte.
La mise en place de crédits-relais internes pour faire face à la chèreté des crédits financiers
externes est positive. Toutefois, il convient de ne pas y ajouter des conditions d'intérêts qui
alourdiraient encore le poids de la dette de l'entreprise.

Par ailleurs, envisager de faire figurer le montant de ces crédits-relais dans le coût du projet
va encore accroître ce coût et gonfler le montant de l'amortissement qui s'en suivra, ainsi que les
coûts de production, et limitera la part de l'enveloppe annuelle réservée aux projets nouveaux.
En effet, on est singulièrement étonné de lire, à la page 12 de la note en question que, par une
règle absolue et générale, le Ministère des Finances précise que :
"Tout en n'ayant pas d'impact sur le coût global de l'investissement, le crédit-relais nécessite
cependant l'apport de ressources nouvelles sur le plan interne. En conséquence, les fonds
nécessaires au titre du crédit-relais doivent, le cas échéant, figurer dans le plan de financement du
projet arrêtant sa structure financière, et les crédits correspondants doivent être dégagés dans les
autorisations de financement annuelles des investissements planifiés des entreprises".
Cela signifie donc bien que l'on conçoit le mécanisme au niveau des entreprises seulement et
qu'on réduira, par conséquent, à due concurrence l'enveloppe de financement interne qui leur est
applicable. Ne faudrait-il pas, pourtant, se demander aussi si le secteur financier ne devrait pas être à
même de réaliser des refinancements extérieurs, de manière à éviter de telles amputations en masses
globales. On renverra ici à ce qui a été dit ailleurs au sujet du recours au crédit extérieur et des
attributions du secteur financier : il y a ici un exemple où il ne peut incomber qu'au secteur financier
251
d'intervenir, dans la mesure où les conditions des marchés financiers étrangers le permettront, ce qu'il
sera possible d'apprécier.
Si l'on peut saluer la suppression des intérêts intercalaires sur les crédits internes à long terme
pendant la période de réalisation et de démarrage, la réduction à 2,50 %, pour la période subséquente,
du taux d'intérêt du crédit à long terme et un souci d'adaptation des échéances, on peut simplement
faire observer que :
- les modalités en question ne comportent aucun caractère qui les relie à l'option socialiste de
l'Algérie et qui en traduise la spécificité dans le domaine des finances d'entreprise ;
- aucune mesure n'est prévue non plus en ce qui concerne l'adaptation des échéanciers des
prêts et crédits en cours couvrant autre chose que les frais d'infrastructure et de formation et la
TUGP, ainsi que la mise en place des crédits- relais concernant les anciens crédits ;
- l'auto-financement du fonds de roulement par l'unité, une fois que celle-ci a atteint sa pleine
capacité de production et tel que cet auto-financement est requis dans la note à laquelle on se
réfère ici, paraît regrettablement nous ramener à la conception (diffuse parce qu'exprimée
seulement dans les mesures qu'elle induit) selon laquelle on peut commander en tout la réalité
économique par des règles administratives ; la règle d'auto-financement du fonds de
roulement par l'unité arrivée à sa pleine capacité de production, néglige, derrière une espèce
d'écran de termes spécialisés, qu'en vue et au moment de l'atteinte de la pleine capacité de
production, il faut commencer par s'approvisionner davantage en matières, les mettre en
oeuvre avec davantage de moyens, maintenir un stock suffisant et coûteux (même calculé au
plus juste) de produits fabriqués et vendre, pour pouvoir ensuite seulement encaisser le
produit des ventes et se constituer des liquidités. Comment l'unité pourrait-elle auto-financer
ce hiatus dans ses besoins financiers, alors que les modalités de financement commentées ici
ne prévoient pas l'attribution d'office d'un volant de ressources assurant un équilibre des
structures financières, eu égard à l'activité à exercer, comme cela a été rappelé plus haut ?
La seule conséquence d'une exigence de ce type serait que les entreprises tenteraient de se
financer sur leurs fournisseurs, ce qui, entre entreprises socialistes, conduirait à une prolifération
d'impayés, les impayés des uns suscitant les impayés des autres, en un effet en spirale ; est-ce
vraiment cela qu'on envisage ?
- le taux d'intérêt du crédit à long terme est purement arbitraire (pourquoi 2,50 % et non 1 %
ou 3 % ?) et ne répond non plus à aucun principe tenant à l'économie de l'entreprise ou à notre
option socialiste ;
- le crédit à moyen terme bancaire semble devoir devenir bien faible relativement aux masses
globales, puisqu'on en limite l'application, pour le secteur industriel, aux projets d'acquisition
de matériels et engins de transport, de traction, de levage, de manutention et de travaux de
génie civil (exception faite pour ceux dont la durée d'amortissement technique exige la mise
en place de crédits à long terme).
- le mécanisme de prise en charge des dépenses d'infrastructure et de formation antérieure et
les paiements antérieurs de T.U.G.P. parait difficilement applicable parce que les montants
qui y correspondent ne sont pas individualisés par des prêts spécifiques ; ce qu'on retiendra

252
seulement, de ce qui est indiqué au bas de la page 8 de la note du Ministère des Finances,
c'est que celui-ci prévoit :

 de couvrir les entreprises des dépenses anciennes d'infrastructure et de formation,

 d'appliquer rétroactivement l'exemption de la TUGP.


- si l'on prévoit une application rétroactive des mesures venant d'être mentionnées que
propose le Ministère des Finances, il faudrait surtout ne pas oublier de faire de même en ce
qui concerne les intérêts sur prêts du Trésor déjà acquis ; il y a là un point que la note
susvisée a omis d'évoquer ;
- on éprouve d'ailleurs, dans un ordre d'idées analogue, un malaise à lire que les montants des
dépenses anciennes devant faire l'objet d'une prise en charge budgétaire, seront imputés au
budget d'équipement à concurrence des échéances de remboursement applicables aux prêts
qui ont été conclus pour les financer ; on risque en cela, d'assécher le budget d'équipement
(qui doit assurer l'exécution de nouvelles opérations ou l'achèvement d'opérations antérieures
dans certains cas déterminés) par des imputations rétroactives d'échéances relatives à des
prêts précédemment octroyés et concernant des opérations engagées dans le secteur
économique.
La définition du volume des disponibilités que le budget de l'État réserve à la prise en charge
de ces échéances rend, de toutes façons, incertaine l'imputation effective de ces mêmes échéances au
budget d'équipement.
Si les Finances de l'Algérie sont gérées dans la prévision, on ne peut, par une règle générale et
absolue, dire a priori si les montants en question devront être imputés au budget d'équipement ; les
circonstances évoluent et des calculs sont à faire. De plus, il faut, en matière financière, agir avec
beaucoup de mesure dans tous les cas où on pourrait toucher après coup à la cohérence intra-
sectorielle ou inter-sectorielle, en termes réels, de la planification des investissements ; l'effet final
pourrait être d'introduire davantage d'inflation et non moins.
On doit enfin évoquer la mise au ban des investissements des réévaluations de projets,
lorsqu'elles n'affectent que les coûts et ne résultent pas de l'accroissement des capacités de
production. Ne serait-ce pas encore là une volonté de régir la réalité économique par des règles
administratives, qui, pourtant, quoi qu'on fasse, ne pourront prévaloir autrement qu'en bloquant
purement et simplement les opérations, c'est-à-dire en empêchant ou en entravant la réalisation des
projets. Tout le monde sait que, même dans la construction d'une simple maison d'habitation uni-
familiale, on n'arrive jamais à respecter l'estimation initiale, si serrée ait-elle été. Que dire quand il
s'agit d'une usine, d'autant qu'on se trouve au cœur d'une inflation mondiale, où l'Europe et les Etats-
Unis considèrent qu'une hausse du niveau général des prix de 1/2 % par mois, constitue une
remarquable performance et que, en Algérie, les apparences pourraient faire croire à certains, par la
jonction ou la séquence de retards administratifs et autres sous divers aspects d'un même projet,
qu'une espèce de conjuration viserait à en compromettre la réalisation. Le coût des projets dont
l'exécution se répartit sur plusieurs années, ne peut que changer au cours de la période d'érection et
ce n'est que si le prix contractuel conclu avec le fournisseur est fixe, définitif et non révisable que
l'on diminue la possibilité de réévaluation, pour le simple motif que le fournisseur aura probablement
et par anticipation, grâce à des provisions incluses à cet effet dans ses prix, procédé à cette dernière.
253
Tout ce qu'on peut dire à ce sujet c'est que les administrations et institutions financières doivent,
autant que les entreprises, tenir compte, dans leur prévisions, de l'évolution prévisionnelle du niveau
des prix. On aurait par conséquent mieux compris que la note du Ministère des Finances, qui porte
tant d'intérêt aux projections financières des projets, comme cela a été relevé ci-dessus, ait plutôt
attiré l'attention sur la nécessité d'y inclure l'effet des variations prévisionnelles de prix, au lieu de
proscrire, à un autre endroit, les réévaluations.
Ce qu'il faudrait surtout dire, c'est que la planification devrait également tenir compte de
l'évolution de la valeur de la monnaie et c'est vrai de la planification financière comme de la
planification générale.

16.2.7. - Recommandations complémentaires.


Ceci dit, le financement unique à long terme sur les ressources du Trésor ainsi que le
financement bancaire, à moyen terme pourraient être envisagés. Il faudrait toutefois distinguer dans
ces financements :
- une partie qui serait constituée par des "fonds d'affectation patrimoniale"12, correspondant à
un financement remboursable mais sans intérêt et sans échéances fixes et impératives, dont le
niveau serait adapté à la nature des activités de l'entreprise, à son stade de développement, de
manière que celle- ci ait des structures financières équilibrées. Ces fonds pouvant être revus
périodiquement. Les "fonds d'affectation patrimoniale" seraient composés du fonds
patrimonial initial, des concours du Trésor et, à titre complémentaire, d'un concours financier
de la banque primaire.
Dans la mesure du dégagement par l'entreprise d'un surplus qui ne serait pas nécessaire pour
le maintien de l'équilibre de ses structures financières, ce serait ainsi la partie bancaire des
"fonds d'affectation patrimonial" qui ferait l'objet en priorité d'un remboursement de manière
à exercer une action déflatoire, puisque cette partie du financement aurait une origine plus
directement monétaire.
- La partie du financement en excédent des "fonds d'affectation patrimoniale" constituerait
l'endettement bancaire normal et se décomposerait en crédits d'investissement et crédits de
fonds de roulement (dans chacune de ces catégories nous pourrions bien entendu faire figurer
la part crédits extérieurs). Pour la partie crédit interne, cet endettement serait rémunéré de
manière à assurer aux banques nationales la couverture de leurs dépenses d'exploitation et un
surplus raisonnable ; un surplus de 20 % est considéré comme normal dans les économies
socialistes. Le calcul de cette rémunération ne devrait pas avoir lieu sous la forme d'un
intérêt. Toutefois, si cette forme était maintenue, l'intérêt ne devrait pas faire l'objet d'une
capitalisation.
En ce qui concerne les crédits internes d'investissement complétant les "fonds d'affectation
patrimoniale", les échéances de remboursements seraient fixes mais arrêtées en fonction du plan
global de financement de toute l'entreprise selon les priorités suivantes :

12
Pour financer le fonds patrimonial initial, requis par le code de la G.S.E. (article 6) et par l'ordonnance portant
statut type des entreprises socialistes à caractère économique (article 12).

254
 les échéances de crédits extérieurs en premier lieu,

 les échéances de crédits-relais pour ces crédits extérieurs,

 les échéances de crédits directs d'investissements des banques nationales seraient alors
déterminées dans le prolongement des deux premières échéances,

 les échéances de crédits du Trésor.


Cependant, ces échéances fixes pourraient être revues annuellement en fonction de
l'avancement des projets (délais de réalisation, de démarrage, autres surcoûts...) et réaménagées en
conséquence, avec éventuellement une réadaptation du crédit relais, les échéances de crédits
extérieurs n'étant qu'exceptionnellement révisables. C'est ainsi qu'il faut concevoir l'adaptation du
financement à la capacité de remboursement du projet, celle-ci étant soumise aux nombreux
obstacles dont nous avons parlé plus haut.
Dans ce cadre, les conditions de financement envisagées pour les secteurs de l'habitat collectif
et de l'agriculture paraissent raisonnables.
Par contre, les crédits de fonds de roulement devraient être sans échéances fixes autres que les
échéances de révision basées sur la remise des budgets trimestriels de trésorerie. Ces crédits
devraient être régulièrement confirmés aux entreprises.
Enfin, il convient d'ajouter que les non-remboursements des échéances de crédits
d'investissement ne pourraient jamais se traduire par un débit d'office par la banque dans le compte
relatif au fonds de roulement. Les montants en cause seraient portés en compte spécial "échéances en
souffrance" dans la rubrique des crédits d'investissement. Après analyse des motifs de non-paiement
et si celui-ci est dû à une gestion défectueuse de la part de l'entreprise, le crédit de régularisation
comporterait une pénalisation pour l'entreprise.
A ce stade de l'examen de la note du Ministère des Finances, il convient de remarquer que
celle-ci envisage des solutions pour l'avenir et ne prévoit rien pour les difficultés auxquelles se sont
heurtées et se heurtent aujourd'hui les entreprises socialistes. Il n'est pas inutile de rappeler que la
situation financière des entreprises socialistes se traduit par un passif net, comme il n'est pas inutile
de rappeler que cette situation trouve son origine dans des règles et mesures financières prises à leur
égard, alors même que les coûts des investissements en Algérie subissent par ailleurs de lourds
handicaps.
Actuellement, cela veut dire que les entreprises "fonctionnent" avec un patrimoine négatif, et
qu'elles supportent les intérêts débiteurs sur le montant de ces pertes. Par le jeu des intérêts
composés, il s'est mis en place un mécanisme de prélèvements d'intérêts sur intérêts auto-entretenu
qui dévore les entreprises. Il serait souhaitable de pouvoir isoler tous ces intérêts et d'en arrêter la
capitalisation, et de les transférer à un compte "intérêts" en attendant de mettre en place les mesures
de liquidation progressive au prorata des remboursements, tant il est vrai qu'on ne répare pas en une
seule fois, huit années d'effets pervers d'un système de financement.
Il serait également possible de supprimer rétroactivement l'intérêt en ce qui concerne les
montants qui resteraient à régler sur les prêts du Trésor et qui feraient partie du "fonds d'affectation
patrimoniale". A terme, l'État ne perdrait rien du fait de l'application de ces mesures, puisque, étant
propriétaire des entreprises socialistes, les inconvénients qu'il subit en raison de l'inadéquation du
255
système de financement actuel, et les déficits qui s'ensuivent au niveau des entreprises, constituent,
pour lui, la source réelle des pertes qu'il supporte.
Les mesures proposées dans le présent document, et dans les autres rapports établis sur ce
thème et diffusés, en leur temps, sous le timbre du Ministère des Industries Légères, de par la
clarification qu'ils introduisent dans la vie économique du pays, et de par le souci d'équité duquel
elles procèdent, représentent la meilleure garantie pour que l'État puisse, d'une part, situer
effectivement les responsabilités dans la gestion de l'économie nationale et, d'autre part, évaluer à sa
juste mesure, l'action de chacun.

256
TITRE VIII. - CONCLUSION
Chapitre 17 – Conclusion.
17.1. - La conception du Ministère des Finances et ses conséquences sur les
options socialistes du pays : un malentendu lourd conséquences.
Ainsi, la manière dont le Ministère des Finances envisage de faire assumer à l'entreprise
socialiste l'obligation impérative de rembourser, dans les conditions décrites précédemment, les
crédits (capital et intérêts) qui lui ont été consentis en vue de la réalisation de ses objectifs, de
rentabiliser ses ressources financières, de créer l'accumulation, sous peine de se voir taxée
implicitement d'instrument de désinvestissement et d'appauvrissement de l'économie, conduirait à
une conception en matière d'investissement qui reviendrait à ignorer les exigences de notre
développement et à satisfaire des finalités de type capitaliste plutôt que socialiste. Or, c'est bien de
l'investissement dans des conditions d'une économie en voie de développement de type socialiste
qu'il s'agit ; mieux encore, d'une économie confrontée à un accroissement démographique rapide.
Le malentendu, qu'il soit intentionnel ou non, noua paraît lourd de conséquences.
Aussi, est-il nécessaire de revenir, de nouveau, dans cette conclusion, sur certaines
affirmations contenues dans la note du Ministère des Finances et au moyen desquelles il a été énoncé
les prétendus impératifs de gestion auxquels l'entreprise socialiste doit être soumise désormais.

17.1.1. - Comment rembourser l'investissement ?


En ce qui concerne le remboursement de l'investissement financé sur crédit, la note se plaît à
souligner que "la totalité de nos investissements productifs étant financés sur prêts intérieurs et
extérieurs, il importe absolument d'en assurer la remboursabilité"13; ailleurs, il est souligné que "la
totalité de nos investissements planifiés sont financés par crédits dont il importe absolument
d'assurer le remboursement"14.
Cette notion de remboursabilité, sur laquelle la note insiste lourdement en la liant à la notion
de reconstitution du capital, mérite d'être replacée dans son contexte réel., en effet, tandis que dans
une économie de marché (économie qui admet aussi bien la faillite, c'est-à-dire la désintégration de
l'investissement, que le superprofit, c'est-à-dire l'aliénation, au profit d'un individu ou d'une petite
couche sociale, du résultat enregistré par l'effort collectif), cette notion ne met en cause que
l'emprunteur et non le bailleur de fonds; elle ne peut être comprise de la même manière dans une
économie comme la notre où l'essentiel des moyens de production, propriété de la collectivité
nationale, sont mis en oeuvre pour le développement de cette même collectivité.
En posant le problème dans les termes cités ci-dessus et extraits de la note qu'il a édictée sur
le financement des investissements planifiés, le Ministère des Finances veut placer d'emblée les
sociétés nationales dans la position d'entreprises défaillantes, pour ne pas dire en état de faillite, et
tend de cette manière à mettre en cause la gestion de ces entreprises, puisque le lecteur non averti des
thèses contenues dans la note en question, en arrive facilement à conclure que les gestionnaires des

13
Cf. Note page 2
14
Cf. Note page 5
257
sociétés nationales se sont confortablement installés dans la situation facile de celui qui oublie de
rembourser ses dettes ou prétend ne pas être tenu de satisfaire à l'obligation de le faire.
C'est dire que la notion de remboursabilité liée à la régénération du capital ne doit pas être
interprétée au sens capitaliste du terme. Dans une économie de marché, l'emprunteur, personne
physique ou morale, est tenu de rembourser le prêt qui lui a été consenti en fonction de sa seule
solvabilité, c'est-à-dire en fonction de sa capacité à restituer le capital et à régler les frais financiers
qui en découlent ; la régénération du capital s'accomplit lorsque le même capital, augmenté de frais
financiers, est restitué au bailleur de fonds. En d'autres termes, le bailleur de fonds n'impose d'autre
exigence à son client que celle de lui restituer le prêt augmenté des intérêts ; le client n'a d'autre
obligation à remplir que celle de se libérer de cette exigence ; la transaction prend fin dès que les
exigences financières qui la justifient sont satisfaites.
Différente est la situation dans une économie comme la notre où le crédit consenti pour le
financement des investissements industriels, s'il n'est pas remboursé en l'état, est incontestablement
restitué, de par les conditions mêmes dont est assorti ce crédit et de parles conditions qui sont, en
outre, imposées aux investissements pour lesquels il est utilisé, à d'autres secteurs de l'économie
nationale sous forme de valeur ajoutée ; c'est là qu'il convient non seulement d'en identifier la
restitution, mais encore et surtout d'en analyser les effets induits.
Est-il besoin de rappeler que le financement de l'investissement industriel dans l'acception
socialiste du terme est décidé, non seulement en fonction des effets qu'il doit produire sur le secteur
d'activité auquel il se rapporte, mais encore en fonction de son effet d'entraînement sur les autres
secteurs de l'économie, à savoir : des effets de création d'emplois, de valeur ajoutée aux différents
stades du processus industriel, d'apport de devises, etc. ; autant de résultats constituant en eux-mêmes
des facteurs générateurs de rentes financières pour l'Etat.
Toute la casuistique, toute l'ambiguïté et tout l'échafaudage sur lesquels s'appuie le
raisonnement des services des Finances tendant à donner de nos sociétés nationales industrielles
l'image d'entreprises en état de faillite et, par conséquent, mal gérées ou servant de support à une
politique mal conçue et, par là-même, vouée à l'échec, reposent précisément sur le fait, d'une part, de
soutenir que les crédits consentis pour le financement des investissements industriels doivent être
remboursés et qu'ils ne le sont pas de par la faute de la gestion des entreprises et, d'autre part, de nier
ou de passer sous silence que, par suite des conditions fixées aux crédits consentis aux entreprises et
des multiples charges imposées aux activités de ces entreprises, l'État s'empare de la substance qui
aurait pu servir au remboursement de ces crédits, de sorte qu'en définitive, pour l'observateur non
averti, n'apparaît et ne s'impose à l'esprit que l'idée de sociétés nationales encaissant par milliards les
crédits de l'Etat et ne rendant rien à ce dernier, ce qui tend à faire conclure, en dernier ressort, à la
nécessité de changer la politique à laquelle l'on impute, ainsi, la responsabilité d'une situation
financière présentée comme aberrante dans sa conception et catastrophique dans ses résultats.
Sur un plan plus général et dans le cadre de la stratégie que suit notre politique de
développement, on attend de l'investissement industriel qu'il apporte sa contribution à la réalisation
- d'un "haut degré d'intégration au sein de l'économie nationale en faveur des fabrications les
plus élaborées",

258
- de la "densification du tissu industriel du pays qui fait pénétrer l'activité industrielle dans
les contrées les moins développées du territoire",
- de "liaisons plus étroites les différents branches de production de façon, renforcer les
échanges industriels"15.
Un tel programme assigné à l'investissement doit par ailleurs permettre au pays de réaliser des
objectifs politiques fondamentaux, tels le renforcement de l'indépendance nationale et l'équilibre
régional en matière de développement socio-économique.

17.1.2. - Une médecine financière peut-elle suffire ?


Il est bien établi maintenant que le mode de financement de nos investissements industriels ne
prend pas en compte des contraintes de tous ordres, inhérentes au milieu socio-économique et à
l'environnement naturel, entraînant ainsi toute une série de conséquences sévères sur la production,
l'emploi et naturellement sur les finances de l'entreprise. Ces contraintes sont fort connues ; elles ont
d'ailleurs été rappelées pour partie dans le présent document ; nous en évoquons, cependant, quelques
- unes, qui nous paraissent significatives des conditions précaires dans lesquelles s'engage l'action
économique de l'entreprise socialiste et qui obèrent ses résultats financiers. Ce sont, par exemple :
- des surcoûts qu'impose un environnement à créer du fait de la défaillance d'autres
organismes chargés de fournir le terrain d'assiette, l'eau, les équipements d'infrastructure
routière et ferroviaire, les logements, etc.
- des surcoûts nécessités par la formation des hommes et l'insuffisance, voire l'absence de
stocks outils ou de fonds de roulement16,
- l'exigence des banques à se faire rembourser des crédits, principal et intérêts, souvent avant
même que l'investissement ne soit achevé ou en mesure de régénérer le capital initial.
Par ailleurs, au niveau de l'exploitation, l'entreprise socialiste est soumise à des conditions
défavorables, en ce sens que le milieu économique dans lequel elle opère lui est hostile et la pénalise
; on songe tout particulièrement au poids du fisc, à la réglementation sur le commerce extérieur17, à
l'imposition de prix barêmisés18, etc. Pour toutes ces raisons, la force de travail disponible engagée
dans l'entreprise ou dans le cadre d'un projet de réalisation voit son rendement réduit, lorsqu'il n'est
pas tout simplement annihilé. Dans de telles conditions, l'entreprise socialiste se trouve affligée de
handicaps qui la rendent incapable d'atteindre, sur le plan financier, les objectifs qui lui étaient
initialement assignés.
Cependant, en dépit des affirmations de déficit qui se fondent sur des résultats financiers
consolidés, il y a lieu de faire remarquer qu'une analyse par structure au sein de nombreuses
entreprises socialistes permettrait de s'apercevoir que des progrès sensibles ont été réalisés depuis
quelques années dans la maîtrise de l'outil de production, que des effets socio-économiques non

15
Cf. Charte Nationale, titre septième - Les grands objectifs du développement - L'industrialisation - p. 166.
16
Il est à signaler que dans un pays comme la Bulgarie, l'État, avant la réforme de 1965, fournissait, à titre gratuit, les
fonds de roulement tant au moment de la constitution de l'entreprise qu'au moment où s'avèrerait indispensable un
accroissement de ces fonds. Cependant, l'État reprenait à l'entreprise sans contrepartie, les fonds de roulement en
excédent pour les transférer à d'autres entreprises. (Cf. "facteurs économiques et organisation de l'entreprise industrielle"
p. 381 - SOFIA PRESSE.)
17
Cf. Rapport du Ministère des Industries Légères "La mise en oeuvre d'une politique salariale..." - p. 123.
18
Id. p. 126 - 127 et 128
259
quantifiables ont été enregistrés, et que même des résultats financiers positifs ont été acquis, malgré
tout.
En ce qui concerne l'accumulation, l'on adresse à l'entreprise socialiste le reproche de ne pas
l'avoir réalisée, reproche nullement fondé lorsque l'on sait la situation anormale dans laquelle cette
entreprise fonctionne. En outre, la notion d'accumulation est délibérément appréhendée en termes
financiers, pour mieux déconsidérer ceux qui en assument la responsabilité. Or, l'accumulation dans
les conditions actuelles du développement du pays doit être appréciée en termes d'effets induits sur
l'emploi, la valeur ajoutée à nos richesses naturelles, la mise en place des bases de développement, la
promotion de l'homme, les ressources procurées à l'Etat et aux branches de l'économie par l'effet de
la création et de l'extension des activités industrielles.
C'est dire que, dans un pays comme le notre qui a opté pour un schéma axé sur l'homme en
tant que finalité, les notions de rentabilité et d'accumulation liées à l'investissement ne doivent pas
s'inspirer du lexique capitaliste. La mise en place des conditions du décollage économique, qui est
l'impératif premier, nécessite des investissements beaucoup plus mobilisateurs de ressources que
régénérateurs immédiats de capital financier.
D'autre part, l'on tente d'accréditer l'explication selon laquelle le compte d'exploitation
général déséquilibré de l'entreprise socialiste serait imputable aux facteurs suivants :
- "une structure financière déséquilibrée"
- "des difficultés de maîtrise de technologie"
- "une mauvaise gestion pure et simple de l'entreprise"19.
Ce type d'explication est tout simplement tendancieux, puisqu'il ramène implicitement le
déficit financier de l'entreprise socialiste à deux causes :
a) une structure financière déséquilibrée dont on reconnaît, enfin, la responsabilité dans la
formation des déficits et que l'on se propose de corriger partiellement,
b) des insuffisances qu'on impute au promoteur de l'investissement, à savoir un mauvais
choix technologique ou une gestion déficiente.
Dans cette optique, l'on donne à penser qu'il suffirait de doter, au départ, l'entreprise socialiste
d'une structure financière équilibrée pour que l'on s'arroge le droit de considérer par la suite que tout
déséquilibre financier qui surgirait ne saurait être imputable qu'à la gestion et au contrôle défaillant
de l'entreprise. Aussi, est-il proposé "d'admettre, sur le plan financier, la prise en charge, à fonde
perdus, par le budget d'équipement de l'Etat, de certains coûts, et d'autre part, d'agir en baisse sur
les conditions financières de crédits internes"20.
De tels propos font songer à l'arbre avec lequel on voudrait cacher la forêt. De toute évidence,
cette approche passe sous silence l'impact considérable qu'exercent, sur l'exploitation de l'entreprise
socialiste, un certain nombre de facteurs tels que les politiques en matière fiscale, salariale, en

19
Cf. Note page 5.
20
Cf. - Note page 7.

260
matière de fixation des prix, d'équilibre régional, d'emplois ainsi que les réglementations dans les
domaines bancaires et du commerce extérieur, pour ne citer que ceux là.
Une telle position repose, en fait, sur une analyse volontairement partielle du problème,
puisqu'elle tend à accréditer l'idée qu'il s'agit essentiellement d'un "mal financier" dont la gravité
menacerait l'économie du pays et qui requiert, par conséquent, une "médecine purement financière".
Or, ce dont il s'agit, c'est beaucoup moins une médecine financière à appliquer qu'une
thérapeutique d'ensemble tenant compte à la fois de l'impératif d'intensification du développement du
pays que des conditions socio-économiques de sa mise en oeuvre pour atteindre, à terme, les grands
objectifs du développement, tels qu'ils sont prescrits dans la Charte Nationale21.
En définitive, le raisonnement utilisé tout au long de la note apparaît spécieux et même
inquiétant, puisque en privilégiant le seul aspect financier de l'investissement, il risque de remettre en
cause les orientations fondamentales qui sont à l'origine de la conception actuelle de l'entreprise
socialiste.
Plus grave encore, un tel raisonnement risque de faire bon marché de la politique globale et
hardie de développement accéléré, telle qu'elle a été mise en route, tout particulièrement dans le
domaine industriel et telle que l'exige la continuité du développement socialiste de l'économie.
En effet, une fois cette approche retenue, rien n'empoche de l'étendre à d'autres domaines du
développement national ce qui reviendrait, en d'autres termes, à remettre en cause, à plus ou moins
brève échéance, les acquis du pays dans les domaines de l'agriculture, de l'éducation, de la médecine
gratuite, acquis qui ont été obtenus, ne le perdons pas de vue, non pas seulement au nom de
l'orthodoxie financière, mais encore et surtout au nom d'une politique socialiste d'intensification du
développement.
Au total, à suivre la ligne générale du raisonnement tout au long de la note, on est en droit de
s'interroger si, en agitant inconsidérément des épouvantails tels que le déficit financier des
entreprises socialistes, l'érosion du pouvoir d'achat des travailleurs, l'inflation, et en préconisant
comme unique panacée à ces maux une "médecine financière", on ne cherche pas à condamner
implicitement toute une politique économique et sociale dont la concrétisation n'en est qu'à ses
débuts.

17.1.3. - Quelle est la situation de l'économie algérienne ?


Au demeurant, à lire la note du Ministère des Finances, on a l'impression que l'économie
algérienne est en ruine ou se trouve au bord de l'effondrement. Pourtant, il y a au moins cinq faits
majeurs qui sont à retenir et qui attestent que cette économie n'est pas aussi malade qu'on veut bien
l'insinuer :
1 - Notre pays a pu faire face à tous les besoins sur tous les plans de notre défense devant la
menace marocaine et l'agression maroco-mauritanienne contre le peuple Sahraoui, sans
compter que les moyens disponibles dans l'économie, en particulier dans l'industrie, ont été
mobilisés au service de cette défense dans les moments de tension ; non seulement un tel

21
Cf, Charte Nationale, titre septième & I, II, III, IV, V et VI.

261
effort a pu être fourni, mais il l'a été sans pour autant empêcher les investissements de se
poursuivre et de s'intensifier.
2 - Malgré la baisse de la production agricole, due sans doute à des problèmes internes
d'organisation, mais consécutive aussi à des sécheresses successives et sévères, notre
économie a pu faire face à l'approvisionnement régulier du pays en produits de première
nécessité par une intensification des importations, sans que cela ait gêné notablement la
poursuite de notre effort de développement.
3 - Notre pays a pu amorcer une politique d'harmonisation des salaires, qui s'est traduite
notamment par une augmentation substantielle des bas salaires, et cela aussi a pu être fait sans
qu'il ait été nécessaire de diminuer l'effort de développement du pays.
4 - Comment ne pas voir, par ailleurs, parmi les signes de vitalité de notre économie, le fait
que les tentatives de son encerclement par la France aient échoué. Car, dans le monde
occidental, où la voix d'une puissance coloniale est appelée à passer bien avant celle de son
ancienne colonie, il aura fallu que l'Algérie jouisse d'un crédit particulier, et que son
économie soit considérée comme particulièrement solide, pour qu'elle ait pu franchir tous les
obstacles que les Français ont créés sur son chemin.
5 - Enfin, et malgré toutes ces difficultés qui viennent d'être soulignées, on constate que le
crédit de l'Algérie à l'extérieur reste grand ; les emprunts contractés sont d'un volume
beaucoup plus élevé que les années passées, malgré les campagnes visant à décourager les
prêteurs en présentant l'endettement extérieur de notre pays comme excessif.
En définitive, ces faits sont parlants par eux-mêmes et, à eux seuls, montrent que ce qui est
malade, c'est moins l'économie que les mécanismes dans lesquels on l'a enclavée. Si l'économie
socialiste est malade, elle l'est du corset financier dans lequel on l'a enserrée.
Et du reste, ce sont les problèmes financiers qui apparaissent au premier plan, comme le
démontrent les analyses, notamment celles du prix du ciment présentées en annexe n° 1.
Il n'est, cependant, pas dans notre intention de nier les problèmes que connaît notre économie
tout comme il serait déraisonnable de supposer qu'un effort de développement aussi soutenu que
celui qu'a connu notre pays, avec les conditions spécifiques qui l'ont entouré, pouvait se dérouler
sans problèmes.
Les problèmes existent donc, mais on ne peut passer sous silence qu'au moins en partie, ils
sont la rançon et donc le révélateur d'un progrès et du développement.
Les problèmes existent donc, et le secteur industriel contribue à leur solution, tant par les
analyses contenues dans les nombreux rapports qu'il a diffusés que par les actions qu'il lance, quand
ces actions ne sont pas elles-mêmes entravées comme le sont, par exemple, ainsi qu'il a été
développé ci-dessus, celles visant à assurer une meilleure organisation des entreprises, et à
promouvoir une meilleure distribution des produits.
Les problèmes existent donc, mais de là à crier à la catastrophe, il y a une distance telle que le
fait qu'elle soit franchie amène à se poser quelques questions.
En conclusion, ces attitudes, quand on les examine, quand en en pénètre les mécanismes,
quand on les a comprises, on ne peut pas ne pas voir qu'elles ne sont que la partie visible d'une
262
politique qui ne veut pas s'exprimer ; on ne peut pas ne pas dire, qu'il se cache derrière elles une
stratégie qui ne veut pas dire son nom.

17.2. - La remise en cause des options vue à la lumière de l'expérience de trois


pays.
N'est-on pas en présence de prémisses de tout un processus de déviation dont l'aboutissement
serait de dessaisir l'Etat de l'action directe de développement pour l'abandonner entre les mains du
secteur privé et peut-être plus encore entre les mains du capital étranger ?
Ne serait-ce pas là une machination habilement voilée par une argumentation dont la logique
apparente est capable d'induire en erreur des gens non avertis, machination dont on voit déjà les
effets néfastes dans certains pays arabes tels l'Égypte et la Tunisie, et dans d'autres pays du Tiers
Monde comme l'Inde, pour ne citer que ceux là ?
Ces trois pays, il en existe d'autres, tels que le Chili et le Pérou, ont, à des degrés divers, remis
en cause le secteur économique diktat, et ont eu recours pratiquement à la même argumentation, à
savoir que le secteur productif national est déficitaire et qu'il convient de lui substituer le secteur
privé, seul capable, à leurs yeux, de résoudre le problème du chômage, du sous-emploi, du
déséquilibre de la balance des paiements, etc.
En Tunisie, à partir de 1969, et en Egypte, à partir de 1973, le processus de remise en cause
du secteur économique national a pris la forme de "restructuration de l'économie" à l'effet d'obtenir
la rentabilisation financière des investissements et de sortir l'économie du déficit conçu en termes
financiers.
En Egypte comme en Tunisie, le scénario a été pratiquement le même. Dans un premier
temps, on mobilise les mass media pour accuser l'entreprise nationale d'être le principal responsable
de l'hémorragie des finances internes et externes de l'État. Dans un second temps, on met en marche
le processus de la privatisation progressive des moyens de production détenus antérieurement par
l'État. Une telle orientation est présentée comme la panacée capable de rétablir la situation dans
l'économie du pays, situation qu'aurait compromise le secteur d'État.
Dans le cas de l'Algérie actuellement, on retrouve le même type de raisonnement, sauf qu'à la
différence de ce qui se passait ,peut-être, en Tunisie et en Egypte, notre pays ne se trouve nullement
au bord de la catastrophe, son crédit à l'extérieur n'a jamais été aussi grand, ses exportations en
hydrocarbures, principale richesse minière du pays, s'accroissent selon un rythme grandissant, tandis
que les revenus de ces exportations connaissent l'effet heureux des augmentations des prix de
l'énergie et que, par ailleurs, des dizaines d'unités entrent en production, au moment où les
entreprises enregistrent une amélioration nette de leurs résultats et remportent des succès dans la
maîtrise de la gestion et de la commercialisation de leurs produits.

17.2.1. - cas de la Tunisie.


Dans le cas de la Tunisie, il y a lieu de rappeler que jusqu'en 1969, la politique en matière de
développement consistait à confier à l'État des responsabilités de plus en plus importantes en vue
d'accélérer l'émancipation socio-économique du pays. Une telle orientation s'est heurtée à une vive
opposition de la part de la bourgeoisie et de la féodalité foncière qui ont vu, en cette orientation, une
atteinte à leurs intérêts et la fin de leurs privilèges. Pour justifier le coup d'arrêt porté à la politique de
263
socialisation, l'on a eu recours à des arguments éculés, puisque l'on a qualifié la période des réformes
antérieurs de "phase idéologique" qui, comme telle, n'avait pas de prise sur la réalité et compromet-
tait, par conséquence, l'avenir du pays.
Dans son discours prononcé devant le 8ème Congrès du Parti Socialiste Destourien, le 11
octobre 1971, le Président de la République Tunisienne a pu dire, de l'orientation antérieure, que
"l'épreuve a été terrible... la précipitation et la contrainte ont failli compromettre nos acquis en
exposant le peuple à la misère et à la famine... Si l'action de l'Etat a été marquée par une déviation,
l'histoire retiendra que celle-ci n'a été que de coutre durée". De telles déclarations sont en fait une
mise en condition de l'opinion tunisienne pour mieux lui faire accepter la remise en cause des
réformes d'inspiration socialiste qui ont marqué la période précédente.
Tenant le secteur productif d'Etat pour responsable de la gabegie et du désordre financier dans
le pays, M. Hedi NOUIRA déclare, dans le rapport général de la Commission Supérieure du Parti,
présenté le 11 novembre 1971 devant le 8ème Congrès du P.S.D. à Monastir : "L'on ne peut plus
faire admettre les sacrifices importants consentis par la Nation pour le financement et la réalisation
des investissements s'ils se traduisent, à nouveau, par des résultats quantitatifs aussi faibles ou peu
satisfaisants que ceux de la dernière décennie" (1962-1971). Dans cet ordre d'idées, le même
congrès, dans ses résolutions économiques, "se prononce pour l'avenir en faveur d'investissements à
rentabilité certaine".
Pour que soit réalisée une telle rentabilité, il a été décidé que, désormais, le rôle de l'État sera
limité à garantir "la sécurité économique de la nation" pour reprendre les termes mêmes du Premier
Ministre, M. Hedi NOUIRA, dans son discours devant l'Assemblée Nationale Tunisienne le 27 juillet
1973.
Il est même précisé que l'État se doit, à l'avenir, d'assurer "en matière de développement,
l'arbitrage et la sauvegarde des intérêts supérieure et exercera, toutes les fois qu'il sera nécessaire, son
pouvoir d'arbitrage. C'est cela notre socialisme"22. Il est affirmé par ailleurs qua "la fonction
essentielle de l'État est d'orienter, conseiller et "encourager"23. Dans cette optique, l'État s’est dès lors
amputé des prérogatives qui lui étaient antérieurement reconnues, prérogatives qui faisaient de lui le
promoteur direct du développement.
C'est ainsi qu'un coup d'arrêt a été donné à la politique de socialisation et qu'a été prôné
ouvertement le retour au libéralisme, à "l'insertion de l'industrie tunisienne dans les marchés
internationauxla reconnaissance du droit la propriété privée des terres agricoles... La renonciation
de l'État à la poursuite de l'exploitation directe ou indirecte des terres domaniales..." etc24.
Dans l'industrie, les mesures de libéralisation introduites ont été préparées par tout un arsenal
de dispositions juridiques consentant à l'investisseur privé national et étranger des avantages
considérables, voire exorbitants sur le plan fiscal et sur celui du transfert de la rente.
La loi no 69-35 du 20 juillet 1969 portant code des investissements stipule, au titre 3 relatif
aux avantages conventionnels, que le Gouvernement peut accorder à tout investisseur des avantages
particuliers et notamment : la déduction de la taxe à la production sur les achats et importations de

22
Citation tirée des documents du 8ème Congrès du P.S.D. - Monastir - 1971.
23
Id.
24
Citation tirée des documents du 8ème Congrès du PSD - Monastir - 1971.
264
biens d'équipements, l'adoption d'un mode d'amortissement favorable, un régime suspensif douanier,
la cession à titre gratuit ou onéreux de terrains, la prise en charge par l'État des travaux
d'infrastructure, l'octroi de monopole d'exploitation et de commercialisation, la prohibition totale ou
partielle des importations des produits concurrentiels, la bonification d'intérêts des emprunts
contractés par l'entreprise...
Il est clair que de tels avantages consentis au secteur privé national et étranger étaient
destinés, dans l'esprit du législateur, à sonner le glas du secteur d'Etat et à condamner d'avance toute
nouvelle tentative de socialisation qui viendrait à se manifester au sein de l'économie du paye.
Par ailleurs, dans le domaine de l'agriculture, le "coup de barre" que le même 8ème Congrès
du P.S.D. se félicite d'avoir porté aux réformes antérieures, s'est traduit par la destruction du système
coopératif et la concentration des terres entre les mains d'une féodalité foncière de gros propriétaires,
au détriment des petits paysans ruinés par les spéculations consécutives à la nouvelle
"restructuration des terres".
Naturellement, ces incitations à l'investissement privé national et étranger, ainsi que les
mesures de privatisation et de capitalisation de la terre, ont été présentées à l'opinion, par les
adversaires du socialisme, comme étant des mesures nécessaires en vue de rendre à l'économie
tunisienne l'efficacité qu'elle a, un moment, perdue.
L'objectif recherché à travers cette vaste remise en cause des réformes antérieures à caractère
socialiste consistait, selon les tenants de la restauration du libéralisme, à créer un environnement dont
les aspects essentiels sont la paix sociale engendrée par une amélioration permanente de la condition
des salariés et de la situation de l'emploi, un regain de confiance chez les investisseurs privés
tunisiens et étrangers, des campagnes agricoles relativement satisfaisantes en raison de l'amélioration
des méthodes de culture et de l'extension des périmètres irrigués, une balance des paiements
excédentaires25.
A en croire les auteurs de la nouvelle orientation, les objectifs énoncés ci-dessus auraient été,
en totalité, réalisés.
Ce processus de libéralisation a pu aboutir, il est vrai, ici et là, à quelques améliorations, tout
particulièrement à conforter quelque peu les finances de l'État. Cependant, on s'est interrogé sur le
prix consenti pour parvenir à des résultats, au demeurant, fort limités dans le temps et l'espace.
Dans le domaine de l'industrie, où "produire pour exporter est devenu un programme", les
investissements se sont implantés dans les secteurs d'activité faciles, à rentes financières rapides et
faiblement créateurs de valeur ajoutée sur le plan national.
Les technologies mises en oeuvre par le secteur privé se recrutent parmi les technologies les
moins avancées parce qu'elles permettent la mobilisation d'une main-d’œuvre abondante, faiblement
qualifiée et à bon marché.
Il est clair que de tels investissements, orientés essentiellement vers le profit immédiat et en
grande partie exportable, n'ont cure d'assurer la formation technique des hommes, formation qui
engendrerait pourtant une capitalisation technologique nationale.

25
Extrait du rapport annuel de la B.D.B.T. (1974).
265
Dans le domaine de l'agriculture, il a été constaté, comme certains observateurs l'on fait
remarquer, une "destruction du milieu rural, un exode et la croissance d'une certaine prolétarisation
agricole"26, de même qu'il a été constaté la régression de la condition du petit paysan qui a été amené
à vendre ses terres aux gros propriétaires fonciers, ainsi qu'une "privatisation des terres domaniales".
Comme on le voit, la nouvelle politique économique n'a pas tardé à engendrer, dans
l'industrie, des phénomènes de dépendance à l'égard de l'étranger, un recul dans l'agriculture, et d'une
façon générale l'aggravation des inégalités sociales avec des risques de tensions et de troubles dans le
pays. Les émeutes qui ont ensanglanté Tunis au début de l'année 1978 en sont la révélation tragique.
Au total, en prenant au départ l'argument financier comme cheval de bataille contre le secteur
économique d'État, on a abouti, au moyen de raisonnements tendancieux et d'une mise en condition
psychologique de l'opinion, au résultat fatal, à savoir : la mise à l'écart de l'Etat de l'action directe de
développement et la prise en charge, par les intérêts privés, d'un soi-disant développement plus
efficace.
Dès lors, le secteur privé a eu les coudées franches pour imposer à l'État ses exigences de
classe, démasquant ainsi son véritable dessein, celui de détruire, à sa naissance, une orientation
socialiste de l'économie tunisienne, pourtant prometteuse d'avenir, et de lui substituer une politique
réactionnaire axée sur l'enrichissement du secteur privé et des compagnies multinationales.

17.2.2 - Le cas de l'Égypte.


Dans le cas de l'Égypte, la remise en cause du secteur d'Etat mis en place sous l'impulsion du
Président Abdel Nasser a suivi un processus plus lent et plus sinueux qu'en Tunisie, en raison sans
doute de l'importance de ce secteur dans la vie économique du pays ; mais ce processus n'en a pas été
moins inexorable, puisqu'il a abouti à faire renaître de ses cendres le secteur privé et à lui conférer
des privilèges de plus en plus accrus.
Sans entrer dans les méandres de la nouvelle politique économique de l'Égypte, inaugurée par
le Président Sadate dès 1973, il nous suffit de rappeler qu'elle a été précédée d'une campagne de
presse insidieuse, qui soulignait la nécessité de faire sortir l'économie de la stagnation en l'ouvrant
toute grande à l'initiative privée nationale, arabe et étrangère.
Le secteur économique d'État était tenu, de la sorte, pour responsable de cette stagnation ; il
était accusé de n'avoir pas su rentabiliser les investissements qui lui avaient été consentis et d'avoir
été, pour le pays, un facteur de déficit financier. Il était dès lors évident que sa position allait subir
toutes sortes d'atteintes graves, voire mortelles, à terme, et ce, au nom d'un soi-disant assainissement
de l'économie et d'une prétendue relance de celle-ci par la libre entreprise et par la libre circulation
des capitaux privés, à l'effet de résorber le déficit financier général du pays.
Le revirement politique en matière de développement économique s'est traduit par la
promulgation d'une série de dispositions législatives et réglementaires en faveur du secteur privé,
tout particulièrement des investissements étrangers.
C'est ainsi qu'aux termes d'une loi promulguée en 1974, un certain nombre de mesures ont
été prises en vue de favoriser l'établissement de banques étrangères et de faciliter les opérations de

26
Cf. Problèmes économiques n° 1504 du 5/1/1977, page 18 économiques n° 1504 du 5 janv. 1977, p. 18.
266
paiements extérieurs. Des zones de libre-échange ont été mises en place ; certaines entreprises d'État
ont été dénationalisées ; le transfert des bénéfices vers l'étranger a été confirmé et des garanties ont
été données contre les nationalisations, en vertu de la même loi.
Cette politique, connue sous le terme de "Politique d'ouverture" ou "Infitah", vise, de toute
évidence, à privilégier le secteur privé au détriment du secteur d'État.
Celui-ci, sous les effets conjugués de politiques contraignantes que ne connaît pas le secteur
privé, tout particulièrement en ce qui concerne le financement discriminatoire et restrictif des projets,
le plein emploi, les salaires, les impositions à caractère fiscal, voit dépérir peu à peu ses capacités
économiques au profit d'une bourgeoisie d'affaires, avide de surper-profits et au bénéfice des sociétés
multinationales.
Comme cela a été relevé par certains observateurs, l'installation de banques étrangères en
Égypte n'a stimulé que des investissements non productifs et n'a guère profité à l'économie du pays27.
Cette politique de "l'infitah" n'a fait, en fin de compte, qu'inféoder un peu plus l'économie
Egyptienne au capitalisme international. Les exigences de ce dernier se font de plus en plus
pressantes pour obtenir du législateur plus d'incitations financières et plus d'avantages de tous ordres.
C'est là le triste résultat de "l'infitah".
Comme on le voit, la remise en cause des réformes socialistes instaurées dans le pays par le
Président Abdel Nasser a eu pour base de départ l'accusation, injustifiée, que ces réformes n'avaient
pas tenu leurs promesses. L'imposant secteur économique national, qui en était pourtant l'expression
vivante, était tenu, par les nouveaux dirigeants, pour largement responsable de la stagnation de
l'économie et du déficit financier de l'État.
La ressemblance des argumentations dans le cas de la Tunisie comme dans celui de l'Égypte
est frappante. Elle rappelle singulièrement celle qui se profile en filigrane dans la note du Ministère
des Finances du mois d'octobre 1978 et que nous avons soulignée plus haut ; elle se profile encore
plus nettement maintenant à travers les thèmes que développe le Ministère des Finances à l'encontre
du secteur industriel et dans certaines thèses qui commençaient, depuis quelques temps, à apparaître
chez nous et qui semblent s'affirmer avec une plus grande intensité après la disparition de notre
regretté Houari BOUMEDIENE.

17.2.3. - Le Cas de l'Inde.


Dans le cas de l'Inde, la politique de développement industriel, où les investissements publics
jouaient un rôle grandissant, a été remise en cause par les dirigeants actuels du pays qui invoquaient
également l'argument financier. Bien que celui-ci n'ait pas été présenté aussi explicitement que dans
les pays dont nous venons d'évoquer le retour au libéralisme, il n'en a pas moins constitué l'élément
décisif qui a amené les responsables à adopter une nouvelle stratégie en matière de développement,
stratégie dont les fondements reposent sur l'utilisation massive des technologies dites
"appropriées"28.

27
Cf. Problèmes économiques - p. 24 du 23 novembre 1978 – N°1 548.
28
Le vocable "appropriées" est le plus récent qui soit utilisé pour qualifier ce type de technologie. Auparavant, l'on a
usé de vocables tels que "technologies intermédiaires, mixtes, adaptées, progressives, aisées, soft", autant de vocables
que d'explications de la notion de la technologie dite intermédiaire.
267
Dans son discours inaugural prononcé à la Nouvelle Delhi le 20 novembre 1978 devant le
Symposium International sur les Technologies Industrielles appropriées, le Ministre Indien de
l'Industrie déclare sans ambages que l'Inde doit "réorienter" sa stratégie de développement. Selon lui,
le Gouvernement Indien a été "conduit à reconsidérer activement les stratégies en matière de
développement tel que ce développement a été précisé dans la nouvelle politique industrielle, et par
conséquent à revoir les différentes technologies...".
Cette nouvelle politique industrielle se veut différente de celle qui a prévalu antérieurement,
voire même diamétralement opposée. Cette politique antérieure "d'industrialisation rapide, qui
mettant l'accent sur le développement des Industries Lourdes"29 a provoqué, selon le Ministre Indien
de l'Industrie, "une augmentation du chômage, une aggravation des disparités entre la ville et la
campagne et une répartition géographique déséquilibrée des industries"30.
De plus, les investissements industriels qui ont été réalisés antérieurement dans le cadre du
secteur d'État ont été jugés inadaptés aux conditions d'emplois dans le pays, du fait de leur caractère
fortement capitalistique et, comme tels, n'auraient produit qu'un faible impact sur le niveau de
l'emploi et le pouvoir d'achat des masses.
Aussi, les gouvernants actuels de l'Inde se proposent-ils d'assurer "la promotion rapide et
équilibrée du développement économique, la répartition des revenus et l'auto-suffisance en matière
de technologie"31.
La mise en oeuvre de ce programme doit faire appel, selon la thèse officielle, non pas aux
technologies à haute intensité de capital et qui concernent naturellement le secteur de l'Industrie de
base, mais aux technologies dites "appropriées" qui se situent, comme on le sait, à mi-chemin entre
les procédés traditionnels et les techniques modernes, c'est-à-dire des technologies qui, du fait de leur
faible niveau technique et, par conséquent, de leur faible coût d'acquisition et de maintenance, sont
susceptibles d'être mises en oeuvre dans le secteur des petites et moyennes industries.
Or, un tel secteur d'activité, s'il requiert peu de capitaux et s'il augmente les possibilités
d'emplois, est, en revanche, de par sa première caractéristique, aisément accessible à l'investissement
privé, pour ne pas dire qu'il est tout simplement taillé à sa mesure.
Prônant les bienfaits de la technologie appropriée, le Ministre Indien de l'Industrie
recommande aux pays en voie de développement "de rechercher des filières technologiques capables
d'assurer une meilleure répartition géographique, une plus grande décentralisation, ainsi qu'un
redéploiement plus judicieux de l'activité de production, de même qu'elles doivent âtre capables
d'assurer la promotion du travail manuel et de restituer l'homme à sa place véritable, une place qui
doit être au cœur de toute préoccupation"32. Pour le Ministre Indien, l'adoption des technologies
appropriées permettrait, aux pays en voie de développement, d'atteindre de tels objectifs.
De son côté, M, Muradj DESSAI, Premier ministre de l'Inde, plaide également en faveur de
l'adoption des technologies intermédiaires. Inaugurant la Session Ministérielle du Symposium en

29
Cf. Discours inaugural de X. George FERNANDES, Ministre de l'Industrie devant le symposium international sur
les technologies industrielles appropriées - Nouvelle Delhi (20 novembre 1978).
30
Id.
31
Cf. Voir citation plus haut.
32
International Forum On Appropriate Industriel Technology Anand (INDIA) - 28 - 30 novembre 1978 - Report of
the ministérial level meeting & 4 p. 1 UNIDO.
268
question à AMAND, dans l'État de GUDJARAT, pays natal du Mahatma Gandhi, il confère à la
technologie intermédiaire des vertus morales et y voit le prolongement de la pensée et de
l'enseignement de Gandhi. C'est ainsi qu'il considère que "la technologie devrait procurer à chaque
homme l'occasion de se donner une occupation, en vue d'en tirer une satisfaction personnelle, et ce,
sans avoir à dépendre des autres. La technologie ne doit pas avoir pour seule finalité de rechercher
sans cesse des performances techniques, mais bien d'apporter à l'homme le bonheur. De plus, la
technologie devrait être, pour l'homme, un outil et non pas son maître. Même si les machines sont
nécessaires dans certaines circonstances, la capacité de l'homme à se servir de ses mains doit être
préservée. L'homme ne doit pas devenir un robot..."33.
Pour appuyer la nouvelle orientation de sa politique industrielle, le Premier Ministre n'a pas
manqué de dresser en termes généraux un bilan négatif des choix technologiques de ses
prédécesseurs au pouvoir. Il estime que la technologie, qui a eu pour résultat la formation
d'importantes concentrations urbaines, est celle-là même qui a engendré de graves problèmes sociaux
et d'autres problèmes dans le domaine de l'énergie, obligeant la communauté à rechercher des
sources d'énergie de substitution34.
Ces propos que nous avons rapportés à dessein en grand nombre mettent en lumière la
véritable intention des responsables Indiens de faire passer, au premier plan des préoccupations du
pays, une politique visant à substituer, au développement des bases stratégiques de l'économie, la
promotion d'activités industrielles mineures que l'initiative privée peut prendre en charge.
En l'absence d'une industrie de base et d'équipement suffisante et c'est bien le cas de l'Inde35,
recourir aux technologies dites appropriées reviendrait à privilégier l'essor de la petite industrie du
secteur privé, au détriment des grandes industries de développement que seul l'investissement public
peut financer.
Ce faisant, c'est accepter, en fait, de s'insérer dans la division internationale du travail telle
qu'elle est soutenue par les tenants de l'ordre économique international actuel, car les technologies
appropriées, quoiqu'on puisse dire sur la notion qu'elles recouvrent, sont par excellence, le support de
l'hégémonie capitaliste, dès lors qu'elles constituent la priorité des priorités dans le schéma du
développement national. Tout semble indiquer que le nouveau régime indien s'oriente dans ce sens,
c'est-à-dire dans le sens d'une économie dominée par le secteur privé et dépendant du capitalisme
international.

17.3. - La stratégie, du capitalisme international et la chance de l'Algérie.


17.3.1. - La stratégie du capitalisme international.

17.3.1.1. - Les efforts d'adaptation du capitalisme international.


L'histoire et l'expérience de nombreux pays du Tiers Monde montrent que le capitalisme
international s'efforce de se reconvertir et de s'adapter à toute nouvelle situation. Cependant, si ses
méthodes changent d'un pays à l'autre selon les circonstances du moment, ses objectifs restent

33
Cf & 7 p.4 – dans source déjà citée.
34
Id. & p. 4.
35
Bien que ce pays ait fait des percées technologiques remarquées dans les domaines des industries nucléaire et de
l'aéronautique.
269
immuables. Sa raison d'être et sa survie demeurent étroitement liées à l'exploitation des autres :
l'appropriation de la plus-value du travail des classes laborieuses au sein des pays occidentaux ou de
certains pays du Tiers Monde qui sont tombés sous sa coupe directe et le pillage des ressources
naturelles des pays sous-développés. Après l'exploitation directe qui a connu son apogée pendant la
période coloniale, a succédé une phase de néo-colonialisme économique qui, sous une forme moins
choquante, dans la mesure où les pays colonisés se sont vus reconnaître les attributs formels de la
souveraineté, n'a pas pour autant cessé, dans beaucoup de pays, à masquer un transfert massif de
ressources du Tiers Monde vers les pays les plus riches. Mais, comme le reconnaît la Charte
Nationale (titre septième, II, 5b page 171) "au fur et à mesure que les pays du Tiers Monde avancent
dans la conquête de leur émancipation économique, il se forme, au sein des pays développés, des
tendances vers des modes nouveaux de domination, et c'est ainsi que maintenant, à l'ère du
néo-colonialisme succède l'apparition d'un véritable colonialisme technologique qu'il faut combattre
par la maîtrise de la technologie".
Depuis, principalement, la tenue de la 6ème session extraordinaire de l'Assemblée Générale
des Nations Unies en avril 1974, à l'initiative de l'Algérie, et l'adoption de la déclaration sur la
nécessité d'instaurer un "Nouvel Ordre Économique International", on assiste à l'éclosion de théories,
au sein des pays développés, sur une "nouvelle division internationale du travail".
Ces théories, connues particulièrement en France sous les termes de "redéploiement" ou
encore "délocalisation" industrielle, consistent à maintenir dans les pays développés les activités à
haute technicité et à productivité élevée, et à laisser au Tiers Monde les entreprises consommant
beaucoup de matières premières, d'énergie et de main-d’œuvre et à faible valeur ajoutée. L'objectif
étant, tout en contribuant à la naissance et au développement de certaines activités industrielles dans
le Tiers Monde, de préserver coûte que coûte, pour les pays développés, ce que certains responsables
français appellent "un pouvoir de négociation mondial, notamment dans les domaines de la
technologie avancée ... dans lesquels l'industrie a acquis des avantages comparatifs qui la rendent
compétitive".
Il s'agit, en somme, comme le déclare un professeur américain, de "planifier l'obsolescence
technologique", de manière à disposer en permanence d'une technique en avance sur celle qui vient
d'être vendue.
Pour faire admettre cette nouvelle division internationale du travail, qui cantonne les pays du
Tiers Monde dans les activités industrielles secondaires les plus simples et les moins rémunératrices,
tout en les maintenant dans une situation de dépendance permanente vis-à-vis du monde
industrialisé, tous les moyens sont bons. Les arguments dont on bombarde les responsables du Tiers
Monde ne manquent, en apparence, ni de la rigueur, ni de la séduction nécessaires. Nous avons eu
l'occasion de les évoquer : "la technologie élevée coûte cher, elle est difficile à maîtriser ; elle ne
crée pas suffisamment d'emplois ; elle a besoin de grands marchés pour devenir économique ... ; elle
est donc inconciliable avec les intérêts bien compris du Tiers Monde ; il serait plus sage et plus
profitable au Tiers Monde d'acheter ces produits à haute technologie aux pays industrialisés ; ils lui
reviendraient bien moins cher que s'il cherchait à les fabriquer lui-même, ou tout au moins devrait-il
en laisser la fabrication aux firmes multinationales qui viendraient s'implanter chez lui, à condition
d'offrir, n'est-ce pas, des conditions attrayantes aux investissements étrangers".

270
Nous avons souvent entendu ce genre d'arguments chez nous et certains n'hésitent pas, parfois
de bonne foi, à les répéter et à se demander : "Mais enfin pourquoi ne pas laisser Renault, (par
exemple), s'installer en Algérie et fabriquer ses voitures en investissant ses propres capitaux et en
utilisant ses propres ingénieurs... Cela nous reviendrait moins cher et les Algériens pourraient
disposer de véhicules plus facilement" ? Et l'on cite, à l'appui, le cas du Brésil ou de l'Iran qui ont
réussi à fabriquer des voitures, de cette façon, et, semble-t-il, à moins de frais.
Sans doute, depuis la révolution iranienne, on ne cite plus comme exemple le cas de l'Iran où
l'explosion populaire a eu pour origine des raisons autant politiques qu'économiques et où les
nouveaux dirigeants révolutionnaires songent, en ce qui concerne la fabrication des véhicules par
exemple; à se débarrasser des multiples usines de montage qui se sont établies dans le pays, sous le
régime du Chah et sous différentes marques, pour les remplacer, selon l'exemple de l'Algérie, par une
usine unique qui serait nationale et pratiquerait, dans ses fabrications, un taux élevé d'intégration
locale.

17.3.1.2. Le cas du Brésil.


Mais le cas du Brésil mérite quelque attention. Les entreprises étrangères y détiennent plus de
60% du total du capital dans les secteurs des industries du tabac, du matériel de transport, de la
construction électrique et du caoutchouc, où tous les groupes mondiaux de l'industrie chimique ont
réalisé des investissements... c'est une nouvelle forme de colonisation qui s'installe avec la
domination des sociétés multinationales... la pénétration massive du capital étranger dans l'économie
brésilienne a donné de brillants résultats... dont la bourgeoisie et les classes moyennes ont profité...
mais on ne dira jamais assez que le coût social de ce développement spectaculaire est sans précédent.
"La surexploitation de la classe ouvrière et la prolétarisation de nombreux paysans ainsi que
le blocage absolu de toute initiative politique est la rançon qu'il a fallu payer pour rentabiliser les
investissements étrangers, le note justement un spécialiste de la question (T. Nallet, Le Brésil,
paradis des multinationales, in croissance des Jeunes Nations", n° 171, pp. 17 et 18).
Si c'est bien cela que l'on veut pour l'Algérie, il faut alors avoir le courage de le dire
clairement. Ce genre de situation, qui est parfaitement en contradiction avec l'esprit et la lettre de la
Charte Nationale, n'a cessé d'être dénoncée par l'Algérie depuis une quinzaine d'années, notamment,
par la voix la plus autorisée, celle du défunt Président Boumédiène, en toutes occasions et tout
particulièrement lors de la 6ème session extraordinaire de l'Assemblée Générale des Nations Unies à
New York, du IVème Sommet des Pays non Alignés ou de celui des Pays membres de l'OPEC à
Alger.
Il est pour le moins stupéfiant que des responsables algériens en arrivent, aujourd'hui, à
prétendre prononcer la condamnation de la performance des entreprises industrielles algériennes en
les comparant aux industries installées au Brésil qui ne sont, dans leur immense majorité, que
l'implantation des grandes firmes multinationales américaines, allemandes et même japonaises qui
ont choisi de faire du Brésil leur base fondamentale pour imposer leur emprise sur tout le marché
Latino-américain. Dans un article consacré à l'exploitation de l'Amérique Latine par les États-Unis,
"Le Monde Diplomatique" du mois d'août 1979 note que 93 % des produits manufacturés fabriqués
par les filiales des firmes américaines sont vendus sur le marché Latino-américain.

271
Cet exemple, à lui seul, illustre toute la supercherie par laquelle on tente de nous persuader
que l'industrie brésilienne qui, il ne faut pas l'oublier, détient sur l'industrie algérienne une avance de
quelques décennies, aurait atteint des performances qui devraient faire rougir les gestionnaires des
entreprises algériennes, puisqu'elles permettent au Brésil d'exporter des produits manufacturés sur le
marché international. Outre que les exportations du Brésil demeurent dominés par les produits
agricoles et miniers comme pour toue les pays sous-développés, la part qu'y tiennent les produits
manufacturés est généralement le fait d'industries détenues par des intérêts étrangers qui se servent
de ce pays pour dominer les marchés d'autres pays Latino-américains plus faibles, sans compter que
les bénéfices provenant de ces exportations, au même titre d'ailleurs que ceux tirés des ventes sur le
marché local, donnent lieu à des transferts de capitaux vers les pays d'origine des groupes auxquels
appartiennent ces usines.
Comme tous les pays sous-développés qui se laissent prendre au mirage créé par la pseudo-
prospérité qu'apportent le libéralisme et l'implantation du capital étranger, le Brésil connaît, en plus
des affres d'une inégalité sociale intensifiée, l'inexorable perte de substance qu'entraîne, à travers le
transfert des bénéfices et la libre circulation des capitaux, le pompage interne. Quelles que soient les
pertes, quand elles existent réellement, que l'on reproche à nos entreprises nationales industrielles de
causer à l'économie algérienne, elles sont sans commune mesure avec les dégâts que subit une
économie extravertie, soumise aux impératifs du capital privé et à la domination des intérêts
étrangers. Autrement dit, une industrialisation nationale indépendante, fondée sur la recherche de la
croissance de l'économie du pays prise dans sa globalité et sur la promotion de l'ensemble de la
collectivité nationale et s'édifiant, de ce fait, sur des bases socialistes, est toujours préférable, et de
loin, à une industrialisation qui obéit aux impératifs du capital privé et se laisse orienter selon les
thèses qu'inspirent les centres de décision du néo-colonialisme et de l'impérialisme.

17.3.1.3. - Un choix qui n'ose pas s'affirmer ouvertement.


Aussi, mettre en parallèle le cas des entreprises brésiliennes avec celui des entreprises
socialistes en Algérie, en oubliant du reste tous les handicaps que l'histoire, la nature et l'hostilité de
certains services imposent à ces dernières, c'est faire preuve d'une cécité politique caractérisée,
manquer de discernement dans l'appréciation des réalités économiques, ignorer délibérément les
analyses et les orientations énoncées dans notre Charte Nationale et, c'est peut-être aussi, formuler un
choix qui n'ose pas s'affirmer ouvertement.
L'Algérie, qui a toujours su faire preuve de réalisme et de pragmatisme dans sa politique
d'industrialisation, n’en a pas moins percé à jour les arrières pensées qui inspirent les stratégies du
capitalisme international dans son comportement à l'égard du Tiers Monde. C'est probablement parce
qu'elle a su emprunter une voie différente de celle qu'on souhaitait lui voir prendre et qu'elle arrive au
bout du gué, qu'on ne lui pardonne pas sa réussite. On lui pardonne d'autant moins que "son
expérience de développement a souvent pris valeur de test pour le Tiers Monde", comme l'écrit un
journal parisien, (Le Monde Diplomatique - février 1979), et l'exemple de l'Algérie risque d'être
communicatif, si elle arrive à parachever son succès. Or, comme le reconnaissent beaucoup
d'observateurs, l'Algérie est en train de réussir et ce, contre toute attente et au grand désarroi des
adversaires intérieurs de l'option socialiste et des tenants du capitalisme mondial. De plus en plus
nombreux sont ceux qui partagent le point de vue selon lequel "en moins de vingt ans (l'Algérie) a
pris rang parmi les puissances économiques dont il faut tenir compte en Méditerranée" (P. Judet in
272
le Monde Diplomatique février 1979). Ce point de vue se trouve exprimé sous une autre forme par la
Revue de Politique Étrangère (n° 1 - 1979) qui, dans le cadre d'un article sur les relations entre les
pays arabes et l'Afrique, parle de l'Algérie comme du "pays le plus développé d'Afrique, après
l'Afrique du Sud".
Aussi, n'est-il pas surprenant si l'Algérie, future puissance industrielle, est devenue ces
dernières années la cible de certains stratèges occidentaux dont ceux de Paris ne sont pas les moins
actifs, pour tenter de freiner son action, de la détourner de la voie socialiste ou encore, pourquoi pas,
de la briser. Toutes sortes de manœuvres ont été utilisées à cette fin. Ainsi, le soutien actif de Paris à
la politique expansionniste du monarque marocain dans l'affaire du Sahara Occidental n'avait-il
d'autre but que d'amener l'Algérie, au mieux, à consacrer plus de ressources à sa défense au détriment
de ses actions de développement ou, au pire, à s'emballer dans une guerre (fraticide et ruineuse dont
les deux pays, du reste, sortiraient diminués.
Il en est également de même des menaces périodiques d'expulsion de la communauté
algérienne travaillant en France sous le prétexte de la crise économique qui sévit dans ce pays. Il en
est de même, aussi, de la politique des pays occidentaux tendant à économiser l'énergie, qui, bien que
louable en soi, n'en a pas moins pour objectif de diminuer les importations de pétrole et de peser
ainsi sur les prix du pétrole dont on sait que l'Algérie, comme les autres pays exportateurs, tire
l'essentiel de ses ressources financières.
Tout en agissant de la sorte, on a tout fait également pour susciter, à l'intérieur même du pays,
un courant de pensée hostile à l'option socialiste, dans l'espoir de voir ce courant prendre une
ampleur suffisante pour permettre une entreprise de "récupération" de l'Algérie et la ramener sous
l'influence du capital international, en général, et des intérêts français, en particulier.
Dans de telles conditions, le gestionnaire de l'entreprise industrielle socialiste fait des fiches
et s'épuise à tenir et répéter des raisonnements et il n'obtient même pas qu'il y ait débat, car le
problème n'est pas un problème de technique financière, c'est un problème politique.
L'Administration de tutelle s'évertue à faire et à refaire des dossiers, son argumentation n'est
même pas discutée ; et quand un texte tel que la note du Ministère des Finances examinée dans ce
document sort en croyant régler les problèmes, on s'aperçoit que les dossiers successifs adressés aux
services concernés n'ont servi à rien, et en fin de compte, ne pouvaient qu'être inutiles.

17.3.1.4. - L'enjeu est ailleurs.


En vérité, il y a derrière toutes ces attitudes, quelque chose qui en forme à la fois le contour et
le moule et qui ne s'exprime pas directement ; alors tout s'éclaire et on comprend pourquoi les
meilleurs raisonnements ne donnent rien : c'est parce que l'enjeu est ailleurs.
"Dès lors, tout redevient clair", ainsi que cela est développé dans le document intitulé
"Commentaires et observations du Ministère des Industries Légères sur le projet de texte présenté
par le Ministère des Finances et relatif à la création d'une Inspection Générale des Finances" établi
en novembre 1978 à l'intention du regretté Président Boumédiène et dont il parait opportun de citer le
passage suivant :
"On comprend ainsi pourquoi les arguments les plus incontestables ne produisent aucun
effet, pourquoi les démonstrations les plus nettes pour convaincre de l'absurdité de certaines

273
attitudes, de l'inutilité de certaines procédures, de la nocivité de certains actes ou du mal qui découle
de certains refus obstinés demeurent vains et n'arrivent pas à provoquer le moindre infléchissement
dans les positions affirmées. Car la traie motivation de beaucoup de faits suscités au nom du
contrôle et du gâchis qui les accompagne, réside dans quelque chose qu'on prend soin de ne pas
expliciter, mais qui se fait sentir nettement et s'apparente bien avec ce que peuvent représenter des
conflits où sont en cause des enjeux fondamentaux".
On retrouve alors, ainsi que cela est mentionné dans le même document plus haut la "série de
faits significatifs que relie entre eux un fil conducteur très caractéristique d’une certaine ligne
politique, laquelle ligne ne cesse d’enkyster le régime et vise inlassablement à l'avènement en
Algérie de ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui la "sadatisation".
Car, à quoi conduisent toute la série de textes, attitudes, pratiques qui ont pour conséquence
de multiplier les entraves au développement des entreprises socialistes sinon à l'émergence dans les
esprits, dans l'idée, puis dans les faits, de "l'alternative" ?
Il s'agit, en fait, d'une tendance qui est née au lendemain des nationalisations ; certains jeux
étaient non perceptibles avant, mais à partir de 1971-72, tout cela devenait de plus en plus clair.
En effet, ainsi que cela est encore indiqué dans le rapport mentionné ci-dessus :
"Ceux qui, aujourd'hui, appellent de tous leurs vœux une catastrophe économique dans le
pays et n'hésitent pas à se réjouir du moindre incident survenu sur le plan du fonctionnement de nos
activités économiques, tout particulièrement quand il s'agit des industries et des secteurs en contact
avec la population, sont les mêmes qui avaient tant espéré que la récupération de nos richesses
nationales et des grands moyens de production conduiraient l'État à la ruine, que la nationalisation
des hydrocarbures serait un échec et donnerait à la "Grande France" l'occasion d'infliger à la
Révolution Socialiste en Algérie une sévère correction, la France étant considérée par ses créatures
en Algérie comme une puissance encore capable de mobiliser à son service le reste du monde ; ce
sont encore les mêmes qui tentent ou rêvent de mettre au service de leurs intrigues personnelles ou
de leurs intérêts particuliers, les grandes opérations industrielles, commerciales ou financières
lancées par l'Algérie, dans le cadre de son développement, ne craignant même pas, à l'occasion,
d'entrer ou de se laisser prendre dans certains jeux de l'étranger".
Les attaques externes mobilisent et multiplient les énergies, fouettent et revigorent le
sentiment national, et font vibrer la fibre patriotique ; au contraire, les attaques qui viennent de
l'intérieur du pays et même de l'intérieur du système, créent un malaise au sein des populations,
visent à décourager les forces sociales de la Révolution, et en fin de compte, en arrivent à gangrener
le corps sain de la Nation.
La conclusion, nous l'emprunterons de nouveau au rapport déjà cité, tant il est vrai que, les
problèmes traités ici et là étant liés entre eux par le fil conducteur très caractéristique d'une certaine
ligne politique, ils se rejoignent au niveau de leurs conséquences.
"Les conséquences de cette série d'actions nocives ne tardent pas à se faire sentir très
fâcheusement dans la mesure où elles tendent à rendre plus complexes les problèmes rencontrés
dans la conduite du développement et à aggraver les difficultés que vit l'économie du pays, soit en en
élargissant les lacunes ou en accentuant les défaillances imputables à la gestion, soit en suscitant
des entraves supplémentaires délibérément provoquées".
274
"Ce sont, alors, les pénuries consécutives à la marche défectueuse de la production, au
mauvais fonctionnement des services et aux perturbations de la distribution ou des opérations de
commerce extérieur, ce sont aussi le ralentissement des chantiers qui gonfle les coûts et aboutit au
relèvement des prix de revient, lesquels à leur tour alimentent l'inflation qui érode le pouvoir d'achat
des couches les plus déshéritées et provoque le mécontentement populaire, qui se greffe, de son côté,
sur l'agacement engendré par les pénuries, l'inconfort du logement, les insuffisances des transports
ou les défaillances des services sociaux, sanitaires ou culturels etc.
"Ces conséquences, se suivant en cascade ou s'amplifiant en boule de neige, trouvent une
cause d'aggravation dans le découragement et l'attentisme qui s'emparent des cadres, poussés à fuir
les responsabilités, à refuser les postes qui engagent dans la gestion, à avoir la hantise de se faire
prendre en faute et, pour cela, deviennent soucieux de se faire couvrir, en recherchant le "parapluie"
de l'autorité supérieure, vers laquelle remontent, alors, presque toutes les décisions avec, "comme
résultat, l'engorgement des circuits de tous les appareils de gestion et le grippage continu de la
machine administrative et économique".
"En outre, préoccupés toujours de dégager leurs responsabilités en cas de contrôle, les
cadres se tiennent à l'affût de tout ce qui peut les justifier, les disculper et, au besoin, charger le
voisin en cas de contrôle dont ils redoutent les retombées, faute de protection et de recours contre
les abus. Tout cela finit par exacerber les conflits entre services et par affaiblir durablement la
marche de tous les appareils de l'État, tout particulièrement dans le secteur économique. Pendant ce
temps, ceux dont les agissements sont à l'origine de tous ces faits, mais qui réussissent à se
camoufler derrière les écrans de fumée dont ils ont le secret, lâchent et diffusent les idées qu'ils
veulent accréditer comme l'explication de la situation qu'ils ont contribué à créer : l'inefficacité
économique du socialisme, les mauvais choix découlant des options erronées du régime, en un mot,
l'échec de la politique poursuivie par le Pouvoir".
"A l'abri de l'obscurantisme découlant d'une situation ainsi sciemment créée et entretenue, se
réalise et s'étend une forme de déstabilisation insidieuse et rampante, menée de l'intérieur même du
système en place, avec le dessein, de plus en plus avoué, de faire apparaître le recours à la libre
entreprise comme la seule issue possible, pour le redressement de l'économie et pour l'élimination
des difficultés qui compliquent la quotidienneté des citoyens".
"Après avoir tout fait pour associer, dans l'esprit du public, l'idée du socialisme au spectre de
l'anarchie, de la pénurie et de la corruption, en prêchant le laisser-aller, en incitant à la
malversation et en multipliant, en vue d'accélérer le pourrissement, les exemples révoltants qui
poussent les autres à faire la même chose, la réaction vise à donner à son éventuelle installation au
Pouvoir le sens d'un retour à l'ordre, à l'honnêteté et à la fin des difficultés".
"C'est ainsi que ceux qui gémissent sur les difficultés de notre production agricole, espèrent
en réalité trouver l'argument qui attesterait de l'échec de la Révolution Agraire et créerait, en
conséquence, le prétexte qui justifierait, un jour, la restitution des terres à leurs anciens propriétaires ;
de la même manière que les défaillances, qui ne sont pas toujours spontanées ni imputables à la seule
faute du gestionnaire, rencontrées par la distribution, sont utilisées par certains pour plaider en faveur
de la levée des monopoles par lequel l'État a pris le contrôle du commerce de gros et du commerce
extérieur et pour préconiser, ainsi, de rendre au secteur privé, présenté comme ayant, de par sa nature

275
même, l'exclusivité du dynamisme et de l'efficacité, un rôle dominant dans la distribution et dans les
échanges avec l'étranger".

17.3.1.5. - En définitive, c'est du régime qu'il s'agit.


En définitive, c'est du régime qu'il s'agit ; c'est le régime, en tant qu'option, qui est en
question. Faute de l'abattre de l'extérieur, on essaye de le condamner de l'intérieur à l'en-
gourdissement et à la paralysie pour préparer ainsi la voie à la "libre entreprise".
Beaucoup, à l'intérieur et à l'étranger, avaient cru et espéré que la disparition du Président
Boumédiène allait effectivement changer les choses et que la tendance libérale allait finalement
prendre le dessus. Tout le monde était mime convaincu que la politique du pays, en dépit de la
volonté affirmée par le Parti du F.L.N., à travers les résolutions de son IVe Congrès, de continuer
dans la voie tracée par le défunt Président et dans le respect des orientations de la Charte Nationale,
allait progressivement virer de bord et s'éloigner de cette voie. Chacun guettait le moindre signe et
essayait de l'interpréter selon sa conviction propre.
Or, n'en déplaise à tous ceux qui avaient fondé quelques espoirs sur un affaiblissement ou un
virage de l'Algérie Socialiste, force est de constater que les évènements intervenus ces derniers mois
leur ont donné tort et ont dissipé ces espoirs.
En effet, non seulement l'orientation politique du pays continue bien de s'affirmer dans la voie
tracée, mais encore elle le fait avec d'autant plus de résolution qu'elle s'est trouvée forte de l'adhésion
totale des masses populaires, telle que celles-ci l'ont montré spontanément lors des funérailles
nationales du Président Boumédiène, et de l'appui massif et déterminant de l'Armée Nationale
Populaire.

17.3.2. – La chance de l'Algérie.


Sur le plan international, beaucoup de faits récents démentent aussi les spéculations et les
calculs des faux prophètes et montrent que la position de l'Algérie plutôt que de s'affaiblir, ne fait que
se renforcer :
- le prix du pétrole se remet à monter et les recettes d'exportation des pays producteurs, dont
l'Algérie, connaîtront une certaine révalorisation, même si celle-ci n'éponge pas encore toutes
les pertes subies par suite de l'inflation mondiale que les pays industrialisés ont été incapables
de juguler ;
- dans l'affaire du Sahara Occidental, les Sahraouis gagnent du terrain et une solution
politique, telle que la souhaitait l'Algérie, n'est plus bien loin maintenant ;
- les espoirs du capitalisme international et particulièrement français, qui a misé à fond sur
son implantation dans certains pays pétroliers conservateurs au Moyen-Orient, sont balayés
par la Révolution en Iran et par ses chances d'extension dans certains autres pays limitrophes ;
- la politique de sévère récession menée en Europe et notamment en France pour diminuer les
importations de pétrole et juguler l'inflation est en train d'échouer ; le niveau de chômage
atteint déjà un seuil intolérable sans que l'inflation en soit freinée notablement pour autant ;
- le cycle de la récession s'achève, une reprise s'impose de plus en plus comme la seule
solution possible, sous peine d'explosions sociales aux conséquences imprévisibles pour la
276
stabilité des sociétés occidentales ; cette reprise, qui va se traduire par une politique
d'investissements et de réveil plus soutenu de la croissance, ne va pas manquer d'induire des
besoins nouveaux en énergie qui limitent la portée des mesures de restriction en achats de
pétrole par lesquelles les Occidentaux tentent d'infléchir l'attitude des pays membres de
l'OPEC.
- le fait que la reprise en Occident va coïncider avec des prix élevés du pétrole redonne toute
sa chance, faute d'autre alternative qu'une confrontation ou une guerre économique
généralisée qui finirait en un désastre pour tout le monde, à une politique de rapprochement et
de coopération véritable et enfin à l'établissement d' un Nouvel Ordre Économique
International.

L'Algérie a, de la sorte, la chance unique de réaliser son développement dans les conditions
que connaît l'économie mondiale actuellement. Les handicaps du sous-développement que lui a
légués le colonialisme français peuvent être surmontés plus efficacement et à un coût qui pourrait
être réduit, si l'on sait s'y prendre à temps pour faire jouer en notre faveur certains effets de l'inflation
mondiale. De ce fait, non seulement, tout investissement qui sera différé à plus tard nous reviendra
beaucoup plus cher, mais encore et surtout il nous privera de l'avantage à tirer de tout ce qui peut être
réalisé maintenant grâce à un financement obtenu aux conditions d'aujourd'hui et qui sera remboursé
avec les monnaies peut-être dévalorisées de demain.
Ceci, sans oublier aussi, sur le plan interne, l'avantage appréciable constitué par le fait que les
investissements de maintenant donneront naissance à des produits qui seront vendus à des prix plus
élevés et donc à un volume de chiffres d'affaires plus important, ce qui facilitera d'autant le
remboursement des emprunts contractés aujourd'hui.
Toute politique de restriction des investissements, telle qu'elle apparaît dans la note du
Ministère des Finances et à travers des décisions prises pour bloquer certains projets, serait de nature
à faire perdre cette chance historique à l'Algérie. Il convient de tout faire pour saisir cette chance qui
ne se renouvellera pas toujours et profiter de la situation mondiale, car la phase de transition actuelle
ne va pas s'éterniser et pourrait même déboucher sur une crise aux conséquences imprévisibles.
L'Algérie a donc tout intérêt à accélérer son processus d'industrialisation et de
développement, avant que la conjoncture mondiale ne se modifie à notre détriment, de manière à
s'assurer une place au soleil, avant que les choses ne se stabilisent et que les places ne soient prises.

277
ANNEXE N° 1 : LE PRIX DU CIMENT.

278
Un rapport a été élaboré par le Ministère des Industries Légères en avril 1978, en vue de
l'établissement du nouveau prix du ciment. Bien que ce dossier traite du cas particulier d'un produit
et que, par ailleurs, il ait été basé, pour ce qui concerne l'année 1978, sur des données
prévisionnelles, il est utile de reprendre certains éléments de ce rapport qui, au-delà de son objectif
de détermination du prix de ciment, a permis de mettre l'accent sur certains problèmes que
connaissent de façon générale les entreprises socialistes.
En effet, il est possible de relever, parmi les conclusions de ce rapport, les éléments suivants :

1. - LE COUT DE PRODUCTION DU CIMENT NATIONAL :


1.1. - Le potentiel de production de la SNMC.
Les objectifs de développement assignés par l'État à la SNMC, en matière de ciment, ont
conduit l'entreprise à mettre en production trois (3) cimenteries en 1975 et 1977 et à programmer en
1978 la mise en production de quatre (4) autres ; au total, sept (7) unités nouvelles sont venues
s'ajouter aux deux (2) unités anciennes héritées de l'époque coloniale.
Le potentiel36 de la SNMC a été ainsi multiplié par 10 en l'espace de quatre (4) années, entre
1975 et 1978, passant de 700 000 tonnes à 7 200 000 tonnes. Ce saut remarquable va se traduire par
la prépondérance des unités nouvelles, conférant au potentiel de production de ciment un caractère de
jeunesse, et va changer l'image de l'outil de production qui prévalait au lendemain de l'indépendance.
En effet, 10 % de ce potentiel est constitué par des unités anciennes, contre 90 % par des
unités nouvelles, parmi lesquelles les unités entrées en production en 1978, et en grande partie à la
fin de l'année 1978, représentent 49 %.

1.2. - Le poids important des charges fixes.


La naissance et le développement rapide de cette branche industrielle subit nécessairement les
inconvénients que connaît toute industrie nouvelle, quelle qu'elle soit et quel que soit le pays ou elle
est implantée.
Ces inconvénients se traduisent généralement par un poids important d'amortissements et de
frais financiers, dans le coût de production, ce poids étant fonction de la part, dans le potentiel global
de production, du potentiel naissant.
Dans le cas de la SNMC, ce handicap se trouve amplifié dans la mesure où le potentiel de
production global trouve appui sur un potentiel de production ancien très faible. En outre, ces
handicaps, que connaissent généralement les potentiels de production jeunes, s'accompagnent de
contraintes spécifiques et particulières à certaines branches industrielles dont le ciment, telle que la
nécessité d'une période de montée en cadence relativement longue.

36
Il s'agit ici des capacités de production installées et non des capacités disponibles ou possibles de production, et a
fortiori d'une production attendue dès 1978.

279
En effet, il est difficilement concevable que la pleine capacité de production37 soit atteinte dès
la première année de mise en production.
Aussi, faut-il être très prudent lorsqu'il s'agit d'effectuer un diagnostic des performances d'une
industrie nouvelle ou de les juger sur la base des seuls chiffres de production, dans la mesure où les
insuffisances de production par rapport aux capacités installées, durant les premières années, revêtent
un caractère normal, car elles sont dues à la montée en cadence dont la période correspond au délai
nécessaire pour le rodage et le réglage des équipements, ainsi que pour l'apprentissage du personnel
chargé de l'exploitation des installations industrielles.
C'est ainsi que la Banque Mondiale, dans son rapport n° 874 de novembre 1975 sur
"l'évaluation du projet d'expansion de la SNMC", indique que l'utilisation des capacités de
production disponibles, dans les cimenteries est généralement soumise au processus suivant de
montée en cadence38 :
. 40 % pour la 1ère année,
. 60 % pour la 2ème année,
. 85 % pour la 3ème année,
. 90 % et plus à partir de la 4ème année.
Nos cimenteries étant pour la plupart en première phase de production, un tel schéma entraîne
que la période actuelle est caractérisée par une production qui démarre et partant, par un coût de
production plus élevé que celui enregistré pendant la période où l'on atteint la vitesse de croisière. A
contrario, le processus de montée en cadence se déroulant, la production se rapproche des capacités
de production installées, entraînant une baisse du coût unitaire de production.
Il en résulte alors que le poids des charges fixes, déjà élevé dans toute industrie nouvelle et
jeune, du fait de l'amortissement et des frais financiers, va se trouver, accru pendant la période de
montée en cadence de l'outil de production, pour la simple raison que ces charges fixes vont se
répartir sur une production moindre. A l'inverse, au fur et à mesure que se déroule le processus de
montée en cadence, le poids de charges fixes va diminuer du fait de l'augmentation de la production.
A titre d'illustration, il convient de relever les comparaisons suivantes :
- le poids des charges fixes enregistrées en 1976 à la Cimenterie de Raïs-Hamidou qui est une
unité héritée de l'époque coloniale, représente 12 % du coût de production, alors que celui
enregistré à Hadjar-Soud qui, cette année-là, se trouve être à sa deuxième année de
production, représente 68 % du coût de production.

37
La notion de capacité ne peut être saisie dans l'abstrait. Elle renvoie à une performance de production qui tient
compte de conditions concrètes et spécifiques telles que le rythme de marche, la qualification du personnel, l'en-
vironnement économique... C'est dire qu'une capacité de production même contractuelle ne constitue qu'une indication,
qui, pour ne pas courir le risque d'être minorée ou majorée, doit être précisée par la prise en compte des conditions
concrètes de la production.
38
Le schéma retenu par la BIRD est sans doute proche des standars internationaux, en tout cas des standards préva-
lant dans les pays en développement, mais il n'est pas exclu de penser qu'elle a tenu compte de contraintes propres à
l'Algérie.

280
- le poids des charges fixes prévues en 1978 à l'unité d'El-Asnam durant sa première année de
mise en production représente 71 % du coût de production, alors que celui prévu à Hadjar-
Soud, qui sera à sa quatrième année de production, représente 53 %.
- le poids des charges fixes dans le coût global de la SNMC est passé de 55 % en 1976 à 60 %
en 1977, et sera de 61 % en 1978.
En d'autres termes, pour une unité ancienne, les charges fixes interviennent pour un peu plus
du dixième dans le coût, alors que pour une unité en début de montée en cadence, elles interviennent
pour un peu moins des trois quarts. Au plan global, ces charges sont en hausse du fait de l'entrée en
production d'un plus grand nombre d'unités nouvelles. Il faut noter que ces différences de poids de
charges fixes entraînent des écarts entre les coûts de production des différentes unités, selon que ces
unités sont en début ou en fin de montée de cadence, ou selon qu'elles sont beaucoup plus anciennes.
En effet, pour des coûts opératoires assez voisins, le prix de revient prévu en 1978 à Raïs-
Hamidou est inférieur de 64 % à celui prévu à Hadjar-Soud, qui lui même est inférieur de 77 % à
celui prévu à El-Asnam.
Ainsi, les différences entre les poids des charges fixes supportés par les différentes unités de
production permettent d'expliquer les écarts entre les prix de revient puisque les coûts opératoires
sont à peu près les mêmes.

1.3. – Les conditions de financement de l'investissement.


De manière générale, l'industrialisation, en Algérie, est confrontée à des handicaps inhérents à
sa situation de pays sous-développé, ainsi que cela a été décrit dans le cadre de ce rapport.
De ce fait, toute opération industrielle de développement, pour être exécutée normalement,
doit prendre en compte ces contraintes, la résorption de ces contraintes se traduisant par un coût
financier plus important que celui qui peut être exécuté dans un pays où existent des traditions
industrielles, des structures de formation et une infrastructure suffisante.
L'entreprise socialiste se trouve obligée, malgré les efforts qui sont faits, par ailleurs, pour
réaliser ou faire réaliser un certain nombre de prestations telles que la formation du personnel et la
construction des voies ferrées et des routes, de prendre à sa charge des prestations supplémentaires
dont sont dispensées les entreprises similaires dans les pays industrialisés.
Le coût de ces prestations, auquel s'ajoutent, d'une part, les surcoûts liés à l'inflation à travers
l'importation de biens et services nécessaires à l'opération industrielle et, d'autre part, la fiscalité
applicable à l'investissement des entreprises socialistes, amplifient le coût de l'investissement global.
A titre indicatif, il faut relever que le coût à la tonne installée de l'investissement à Hadjar-
Soud est de 533 DA, dont 45 % au titre des équipements, 31 % au titre du génie-civil et 21 % au titre
des impôts, taxes et intérêts intercalaires.
Cette amplification du coût de l'investissement a, pour effet, d'accroître les charges
d'amortissements qui, réparties sur une production qui démarre et donc relativement réduite par
rapport aux potentialités existantes, grèvent le coût de production unitaire.
C'est ainsi que les charges d'amortissements prévues en 1978 à El-Asnam s'élèvent à 110,20
DA/T et représentent 38 % du coût total, celles prévues à Hadjar-Soud s'élèvent à 45,20 DA/T et
281
représentent 28 % du coût total, alors que celles prévues à Raïs-Hamidou s'élèvent à 5,20 DA/T et
représentent 5 % du coût total.
En d'autres termes, les charges unitaires d'amortissements supportées par une unité ancienne
sont inférieures de 760 % à celles supportées par une unité en fin de montée de cadence, qui sont
elles mêmes inférieures de 144 % à celles supportes par une unité en début de montée de cadence.
A toutes ces difficultés, s'ajoutent celles qui sont liées au mode de financement des
investissements et de remboursement des emprunts auquel est soumise l'entreprise socialiste en
Algérie.
Au lieu de bénéficier de conditions financières appropriées auxquelles peut prétendre
normalement toute entreprise en phase de décollage, l'entreprise socialiste se voit imposer des
conditions financières qui non seulement ne sont pas adaptées à la réalité du secteur dont elle a la
charge, ce secteur étant généralement caractérisé par un potentiel de production qui est jeune dans sa
quasi-totalité et qui subit la montée en cadence, mais, bien plus, sont de nature à créer des difficultés
mie à des entreprises aguerries et bénéficiant d'un environnement industriel développé.
En effet, le financement des investissements est assuré totalement par le crédit, et le
remboursement est exigible après une période de différé qui parfois ne couvre même pas la période
de réalisation, l'entreprise se trouvant appelée à rembourser avant même que l'unité n'existe et ne
produise.
Par ailleurs, les annuités de remboursement étant déterminées généralement par la simple
division de l'emprunt par le nombre d'années accordées, sont constantes et indépendantes du volume
de production ; ce qui a pour conséquence que pendant les premières années au moins, qui
correspondent à la montée en cadence, l'entreprise ne peut être en mesure de rembourser ce qui lui a
été prêté.
Il en résulte alors un alourdissement des charges financières, car, à celles liées à l'emprunt
proprement dit, viennent s'ajouter celles du découvert bancaire sur lequel sont puisés les
remboursements, ce qui entraîne une hausse vertigineuse des charges fixes du coût de production, et
par suite, des déficits d'exploitation cumulatifs financés eux-mêmes par le découvert sur lequel sont
payées d'autres charges financières.
Le système de financement débouche, par effet de boule de neige, sur un cycle qui appauvrit
de plus en plus l'entreprise socialiste, tout en gonflant la rente de situation des organismes bancaires,
alimentant ainsi le transfert du surplus créé par le secteur productif vers ces organismes.
A titre illustratif, on peut noter qu'en 1978 les coûts opératoires peur l'ensemble des
cimenteries varient en moyenne autour de 80 DA la Tonne, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas plus élevés
dans les unités nouvelles que dans les unités anciennes ; les charges financières, par contre, varient
selon les unités, en fonction de leur âge et du stade de montée en production, entre 2,50 DA par
tonne et 240 DA par tonne.
C'est la raison pour laquelle le poids des charges financières en 1978 représente au plan
global 30 % du coût de production du ciment produit en Algérie, et que leurs seuls montants
atteignent, pour l'unité d'El-Asnam, 96,40 DA par tonne, soit plus de la moitié du prix de vente fixé
en 1976, à 190 DA la tonne de ciment en vrac.

282
Si on ajoute à ces charges financières les charges d'amortissement qui sont élevées du fait de
la prépondérance des unités nouvelles, on constate qu'en 1978 les charges fixes représentent plus de
60 % du coût de production du ciment national, alors que la part des frais du personnel producteur ne
représente que 15 %.
A titre indicatif et afin de montrer l'impact des conditions de financement sur le coût de
production par le biais des charges d'amortissements et des frais financiers qu'elles entraînent, la
comparaison entre la situation de la SNMC et celle d'une entreprise française de production de
ciment LAFARGE France mérite d'être relevée.

2. - LA COMPARAISON SNMC - LAFARGE France.


La comparaison faite, dans le cadre du rapport sur le prix du ciment, entre la SNMC et
LAFARGE FRANCE, pour l'année 1978, a montré que ces deux entreprises, si elles étaient placées
dans les mêmes conditions de financement et de coût en énergie, auraient des coûts de production à
peu près identiques, soit :
- 209,40 DA, la tonne pour la SNMC et 204,14 DA la tonne pour Lafarge, si Lafarge subit les
conditions de financement de la SNMC.
- 127,12 DA la tonne pour la SNMC et 121,86 DA la tonne pour Lafarge, si la SNMC
bénéficie des conditions de financement de Lafarge.
En d'autres termes, le coût de production SNMC ne serait pas plus élevé que le coût de
production LAFARGE FRANCE, si le poids des charges financières imputées à la SNMC était celui
que subit LAFARGE ; ou bien encore, il reviendra à LAFARGE, pour produire une tonne de ciment,
le même coût que pour la SNMC, si l'entreprise française avait à subir les mêmes charges financières
que notre entreprise nationale et ce malgré les difficultés propres à la SNMC du fait de la jeunesse du
secteur, des efforts qu'elle doit fournir en matière de maîtrise de la technologie et de tous les frais
supplémentaires qu'elle doit subir à cause de l'environnement économique du pays.

3. - LE COUT DE L'IMPORTATION DU CIMENT.


3.1. - Le coût du ciment importé.
Malgré le poids très lourd des charges fixes, dû, ainsi que cela vient d'être examiné, aux
conditions inadaptées du financement des investissements, le coût de production du ciment national
reste inférieur au prix de revient du ciment importé.
En effet, en 1976 le coût de production du ciment national a été de 192,20 DA par tonne, le
prix de revient du ciment importé a été de 222,80 DA par tonne ; en 1977, le coût de production du
ciment national a été de 196,50 DA par tonne, le prix de revient du ciment importé a été de 236,46
DA par tonne ; en 1978, le coût de production a été estimé à 209,40 DA par tonne, le prix de revient
du ciment importé à 280,50 DA par tonne.
Ainsi, non seulement la tonne de ciment de production nationale revient moins cher que la
tonne de ciment importé, mais, de plus, la différence tend de plus en plus à s'élargir, cette différence
étant de 30,60 DA par tonne en 1976, 39,96 DA par tonne en 1977 et de 71,10 DA par tonne en
1978.
283
Par ailleurs, cette comparaison entre la production nationale et l'importation prend toute sa
dimension lorsqu'on s'intéresse aux coûts en devises, ainsi que le montre le graphique présenté dans
cette annexe, la part devises du coût de production d'une tonne de ciment national est de 59,24 DA,
alors qu'elle est de 199 DA pour le ciment importé.

3.2. - Le coût du Monopole.


Le monopole d'importation de ciment, au lieu d'apporter à l'entreprise des ressources
financières pour lancer le développement, et alors que certains considèrent généralement qu'il est une
source de profit facile et juteuse, constitue en fait pour la SNMC une cause importante de déficit et
de déséquilibre financier.
En effet, alors que le prix de vente de la SNMC se trouve fixé depuis 1976 à un niveau qui
était déjà inférieur au prix de revient du ciment importé, le prix international du ciment importé n'a
cessé de s'accroître, puisqu'il a augmenté en 1978 de 17 % par rapport à 1977 et de 19 % par rapport
à 1976. Bien plus, le coût des prestations nationales en matière de manutention, de déchargement, de
stockage et de transit et des prélèvements bancaires s'est accru de 19 % par rapport à 1977 et de 27 %
par rapport à 1976.

4. - LES PRIX RETENUS (voir graphes).


Les calculs faits ont montré que le prix de revient péréqué du ciment, compte tenu des
charges liées à son transport et à sa distribution dans tout le territoire national est estimé ainsi en
1978 :
- Usines et Ports :
229,49 DA la tonne de ciment en vrac 255,49 DA la tonne de ciment en sac
- Centres de distribution :
235,39 DA la tonne de ciment en vrac 321,39 DA la tonne de ciment en sac
- Dépôts de vente :
322,29 DA la tonne de ciment en sac.
Ces prix de revient sont largement supérieurs aux prix de vente fixés en 1976 à 190 DA la
tonne de ciment en vrac et à 200 DA la tonne de ciment en sac. Il faut remarquer à ce titre que même
si le personnel producteur dont les frais ont été estimés à 32 DA la tonne offrait ses services
gratuitement, les prix de revient resteraient supérieurs et de loin à ces prix de vente.
Les prix de vente hors taxes retenus par le Gouvernement en juillet 1978 ont été les suivants :
- Usines et Ports :
203,40 DA la tonne de ciment en vrac 225,00 DA la tonne de ciment en sac
- Centres de distribution :
232,20 DA la tonne de ciment en vrac 252,00 DA la tonne de ciment en sac
- Dépôt de vente :

284
252,00 DA la tonne de ciment en sac.
Ainsi, malgré l'augmentation intervenue, le prix continue d'être inférieur au prix de revient et
n'a de chance de devenir quelque peu rémunérateur que lorsque les charges auraient été abaissées
grâce à la montée en cadence des unités nouvelles et à l'aménagement des conditions du financement
de l'investissement.

285
286
ANNEXE N° 2 : LES AVANTAGES ACCORDES A
L'INVESTISSEMMENT DANS QUELQUES PAYS.

287
SOMMAIRE
I. - REGIME DES INVESTISSEMENTS DANS CERTAINS PAYS ETRANGERS
1) Formes d'aides et techniques utilisées pour l'incitation à l'investissement dans les pays de la
C.E.E.
2) Les mesures d'incitation à l'investissement dans les pays Méditerranéens :
a - GRECE
b - YOUGOSLAVIE
c - MAROC et TUNISIE
d - EGYPTE
3) L'incitation à l'investissement en Côte d'Ivoire et au Brésil et le régime des investissements
au Mexique.
a - COTE D'IVOIRE
b - BRÉSIL
c - MEXIQUE
II. - LE RÉGIME DES INVESTISSEMENTS EN ALGÉRIE COMPARE A CEUX DES
PAYS ETRANGERS
1) Le cadre et les limites de la comparaison :
a - le cadre de référence et la signification des mesures d'aides à l'investissement dans
les pays capitalistes.
b - le contexte algérien et l'appréciation de la notion de mesure d'incitation à
l'investissement du secteur socialiste.
2) La comparaison de l'Algérie avec les pays étrangers en matière d'incitation d'ordre fiscal à
l'investissement.
a - Remarque préalable sur la finalité de la fiscalité et les modifications fiscales
intervenues en Algérie.
b - Les allégements en matière d'impôt sur les bénéfices.
b 1 - En Algérie
b 2 - Dans les pays étrangers.
c - Le régime fiscal applicable aux biens d'équipement acquis dans le cadre de la réalisation
d'investissements :
c 1 - En Algérie,
c 2 - A l'étranger.
III. - CONCLUSION
Nécessité de tendre à l'exonération totale de tout impôt, droit et taxe sur les investissements
du secteur socialiste.
288
I. – REGIME DES INVESTISSEMENTS DANS CERTAINS PAYS
ETRANGERS.
Les mesures d'incitation au développement économique varient suivant les pays et les
régimes politiques.
1) Formes d'aides et techniques utilisées pour l'incitation à l'investissement dans les pays de la
C.E.E. :
Dans les pays développés à régime économique libéral, notamment au sein de la
Communauté Économique Européenne (C.E.E.), deux grandes formes d'aides d'État sont rencontrées
: les aides au démarrage et les aides permanentes de fonctionnement.
La première forme d'aide est la plus importante, car elle est accordée au moment de la
réalisation des investissements. Trois techniques sont utilisées dans ce but : les allègements fiscaux,
les primes et les prêts bonifiés. Chacune de ces techniques comporte des avantages et des
inconvénients ; en effet, les mesures fiscales consistant en une exonération de l'impôt sur les
bénéfices pendant un certain nombre d'années ne profitent qu'aux entreprises rentables. Il est difficile
d'évaluer cette aide. Les entreprises ne pouvant savoir à l'avance le montant exact de leurs bénéfices.
En outre, le gros inconvénient est que cette aide est différée dans le temps. Or, c'est
précisément au cours de la période de réalisation des investissements et au démarrage que l'entreprise
a besoin d'une aide substantielle, car c'est au moment du lancement d'une unité de production que
l'entreprise peut rencontrer des difficultés notamment, lorsque l'investissement est réalisé dans des
zones non industrialisées.
Les subventions, autre technique utilisée pour inciter à l'investissement, présentent l'avantage
d'agir au moment opportun. Toutefois, leur efficacité dépend de la gestion et de la rentabilité de
l'investissement envisagé. Le risque est que les primes pourraient profiter à des investissements non
rentables compromettant l'avenir de l'entreprise.
Enfin, les prêts bonifiés constituent une technique intermédiaire : l'avantage tiré est
indépendant des bénéfices futurs ; par contre, la bonification est étalée dans le temps.
La plupart des pays de la C.E.E. utilisent cumulativement ces trois techniques, tout en
marquant depuis quelques années une préférence aux subventions.
Les aides permanentes de fonctionnement sont moins fréquentes. Cette deuxième forme
d'aide d'Etat était surtout pratiquée en Italie et en Grande Bretagne (réduction de charges sociales ou
prime à l'emploi par personne employée). Les aides des collectivités locales consistent surtout en la
réalisation d'infrastructures et en la réduction des prix d'acquisition des terrains par les entreprises et
l'exonération pendant une période de temps limitée des impôts locaux.

Les aides au développement accordées dans les pays de la C.E.E. se situent essentiellement
dans le cadre de l'expansion économique régionale et/ou de la lutte contre le chômage découlant
d'une politique dite de "redéploiement industriel" consécutive à l'évolution économique de ces pays.
2) Les mesures d'incitation à l'investissement dans les pue méditerranéens :

289
a) La GRECE accorde, par rapport au droit fiscal commun, des avantages non
négligeables aux investissements destinés au développement des régions. Des
possibilités d'assistance financière de l'État sont offertes notamment pour couvrir une
partie des intérêts d'emprunt. Le montant de cette assistance financière peut s'élever
pour certaines régions à 25 % des frais d'érection des bâtiments industriels et des
autres constructions.
b) En YOUGOSLAVIE, depuis quelques années, les investisseurs étrangers agréés
peuvent bénéficier de réductions d'impôts sur les bénéfices proportionnellement aux
bénéfices réinvestis. Les crédits et prêts étrangers ne sont pas imposables. Les
étrangers employés par une entreprise à participation mixte payent l'impôt sur le
Revenu Général sur 70 % de leurs gains perçus en YOUGOSLAVIE.
c) Les pays en voie de développement privilégient les mesures d'allégements fiscaux
pour attirer les investissements privés. Ils complètent ces mesures d'incitation au
développement économique en accordant aux investisseurs étrangers un certain
nombre de garanties en matière de transfert de bénéfices.
- Le MAROC et la TUNISIE distinguent deux régimes dans l'octroi d'avantages aux
investisseurs privés : d'une part, pour les entreprises dont la production est destinée à l'exportation et,
d'autre part, pour celles produisant pour le marché local. Les exportations sont beaucoup plus
encouragées que la production écoulée localement. Cette mesure d'incitation à l'investissement vise à
procurer à ces pays des devises et à donner du travail à une main-d’œuvre abondante et bon marché.
Il y a lieu de signaler qu'au MAROC, l'ampleur et le nombre des avantages consentis aux
investisseurs étrangers dépend de l'importance de la participation des personnes physiques ou
morales marocaines au capital de l'entreprise concernée. Cette mesure s'inscrit dans le cadre de la
politique de marocanisation et de promotion de la bourgeoisie locale adoptée par le Gouvernement
de ce pays.
d) L'ÉGYPTE exonère d'impôts, notamment, les bénéfices tirés des projets
d'investissements étrangers réalisés dans le pays. La durée de cette exonération peut
être portée à 8 ans, selon les cas.
3) L'incitation à l'investissement en Côte d'Ivoire et au Brésil et le régime des investissements
au Mexique :
a) En Côte d'Ivoire, outre le régime normal consistant en l'exonération de certains
impôts tel que l'impôt sur les B.I.C. pendant un certain temps, il est institué un régime
préférentiel pour les entreprises classées prioritaires et en faveur desquelles des
avantages supplémentaires sont accordés.

b) Au Brésil, les mesures fiscales d'incitation au développement industriel du pays et à


l'exportation de produits brésiliens sont nombreuses. Les régions du Nord
(AMAZONIE) et du Nord-Est font l'objet d'un régime fiscal largement favorable aux
investisseurs.

290
c) Enfin, indépendamment des avantages fiscaux de droit commun qu'ils accordent,
certains pays tels que l'Espagne et le Mexique orientent les investissements étrangers
vers des secteurs et/ou des zones géographiques préalablement définis par des textes à
caractère législatif.
Cette orientation des investissements étrangers a, en général, comme objectif pour ces pays
de protéger leurs intérêts économiques nationaux et d'éviter, dans une certaine mesure, une
dépendance vis-à-vis des centres de décision économique multinationaux. Ainsi, une loi promulguée
sous le mandat du Président Mexicain ECHEVERRIA précise les activités économiques réservées
exclusivement à l'Etat (hydrocarbures, pétrochimie, mines, électricité etc.) et celles autorisées pour
les sociétés ou particuliers mexicains à l'exclusion des étrangers (radio, télévision, transports,
exploitation des forêts, distribution de gaz etc.). Pour les autres domaines non réservés à l'État ou aux
nationaux, la règle générale est que les investissements étrangers ne doivent pas excéder 49 % du
capital des entreprises. Cette loi, pour des raisons de souveraineté et sans doute de sécurité, interdit
aux étrangers ainsi qu'aux sociétés mexicaines n'ayant pas de clause d'exclusion des étrangers,
l'acquisition de la propriété directe de terres et des eaux sur une bande de 100 km le long des
frontières et de 50 km le long des côtes.

II. - LE REGIME DES INVESTISSEMENTS EN ALGÉRIE, COMPARE A


CEUX DES PAYS ÉTRANGERS.
1) Le cadre et les limites de la comparaison :
a) Le cadre de référence et la signification des mesures d'aides à l'investissement dans
les pays capitalistes :
La comparaison de l'Algérie avec le reste du monde est difficile à établir et à évaluer, en
raison des différences d'options politiques, économiques et sociales en général. Les mesures
d'incitation à l'investissement dans les pays capitalistes sont à situer dans leur véritable contexte :
elles constituent des exceptions aux régimes fiscaux et financiers en particulier, normalement en
vigueur dans ces pays. Le principe est que les agents économiques, essentiellement les opérateurs
économiques du secteur privé, sont placés, dans une certaine mesure, sur le même pied d'égalité,
dans le cadre d'un système dont la logique répond aux options de ces pays.
L'Etat, en général, remplit une fonction d'orientation des investissements, ne décidant pas lui-
même de l'implantation de ces investissements ou de l'opportunité d'investir dans le ou les secteurs
de son choix. Aussi, l'octroi d'avantages fiscaux, financiers et autres, en faveur des investisseurs,
constitue, pour les régimes capitalistes, un moyen de donner un contenu concret à la politique
d'orientation des investissements qu'ils poursuivent.
L'octroi de ces avantages répond à des nécessités d'ordre conjoncturel ou structurel liées à la
situation du marché ou à l'existence de handicaps industriels relativement faibles par rapport à ceux
rencontrés par les pays en voie de développement.
b) Le contexte algérien et l'appréciation de la notion de mesures d'incitation à
l'investissement du secteur socialiste.

291
En Algérie, la question est de savoir si le système fiscal et financier, et l'environnement
réglementaire en général dans lequel évolue le secteur socialiste, sont logiques avec les options du
pays.
Cette observation est fondamentale, car il y a lieu d'abord de concevoir un système logique
avant d'envisager les aides à consentir aux secteurs et aux entreprises socialistes qui connaissent des
situations particulières.
Il est à remarquer, que dans le coût global de l'investissement réalisé par une entreprise
socialiste, une bonne partie des éléments constitutifs de ce coût est inhérente aux conditions
algériennes, à savoir celles dans lesquelles se débat un pays en voie de développement qui doit faire
face à de lourds handicaps industriels. Bien plus, il est fait obligation à l'entreprise socialiste de
prendre en charge la totalité des dépenses entraînées par la réalisation du projet d'investissement, y
compris celles relatives aux infrastructures environnantes, à la formation etc. Outre que les
investissements du secteur socialiste supportent des handicaps et certains surcoûts imposés par la
situation algérienne, les conditions de financement et le régime fiscal applicable à l'investissement
ont, par ailleurs, aggravé la situation des entreprises socialistes.
En Algérie, le problème qui se pose n'est pas tellement celui de prendre, en faveur du secteur
socialiste, des mesures d'incitation à l'investissement, car de toutes les façons les investissements des
entreprises socialistes sont décidés (et non pas incités) par l'État, et ce, quelles que soient les
contraintes rencontrées par ces entreprises dans la réalisation des projets d'investissement. Il s'agit
d'abord de définir et de mettre en place un système fiscal, financier et réglementaire en général, qui
réponde à la logique d'une économie socialiste en voie d'édification, avant de prendre des mesures
d'aide à l'investissement en faveur des secteurs ou des entreprises socialistes évoluant dans des
situations particulières. Les avantages accordés seraient alors appréciés à leur juste valeur.
En vérité, l'octroi d'avantages et d'aides à l'investissement en Algérie se justifie dans la
mesure où l'on veut imposer aux entreprises nationales d'obtenir des prix de revient et des résultats
dans des normes comparables à celles que connaissent les entreprises privées dans d'autres pays et
notamment dans les pays qui pratiquent l'aide à l'investissement.
La comparaison, si elle devait se faire, ne peut avoir de sens qu'à des conditions équivalentes
dans tous les domaines, et en particulier dans celui qui fait peser sur les entreprises socialistes
algériennes des contraintes qui ne sont connues dans aucun autre pays.
Ces remarques fondamentales étant faites, il y a lieu, toutefois de signaler que dans la relative
comparaison de l'Algérie avec les pays étrangers, un certain nombre d'enseignements peuvent être
tirés, à titre indicatif :
2) La comparaison de l'Algérie avec les pays étrangers en matière d'incitation d'ordre fiscal à
l'investissement :
a) Remarque préalable sur la finalité de la fiscalité et les modifications fiscales
intervenues en Algérie :
Une remarque préalable s'impose : la finalité de la fiscalité n'est pas de mettre en oeuvre des
techniques fiscales disparates et sans lien direct avec les options politiques du pays. Les techniques

292
fiscales doivent être au service d'une politique fiscale claire, cohérente et visant un objectif bien
défini. la politique fiscale doit épouser l'évolution économique du pays et s'y adapter.
L'Algérie a hérité en 1962 du système fiscal français qu'elle a continué à appliquer en
procédant à des modifications que l'on peut considérer comme mineures, conjoncturelles et portant
sur des éléments des techniques fiscales en vigueur avant l'indépendance. Alors que l'Algérie s'est
développée à un rythme rapide, en optant pour le socialisme et en mettant ainsi en place un nouvel
ordre économique dans lequel il est fait essentiellement, voire exclusivement, appel aux
investissements publics, aucune réforme fondamentale n'a été entamée. Les quelques modifications
fiscales intervenues sous la pression des évènements ne sont, en fin de compte, que des
manipulations d'éléments de techniques fiscales, sans portée réelle susceptible de résoudre les
problèmes rencontrés.
Dans ces conditions, l'application d'un régime fiscal de type capitaliste à une économie
socialiste ne peut qu'engendrer des difficultés.
b) Les allègements en matière d'impôt sur les bénéfices :
b 1 : En Algérie :
Les allégements fiscaux consistant, pendant une période de temps limitée, en une exonération
d'impôt, notamment l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, se situent dans les pays à
régime économique libéral, dans un environnement favorable aux entreprises et dans lequel sont
absents les handicaps industriels rencontrés en Algérie, qui se traduisent par ailleurs par de lourdes
charges financières.
Les conditions de démarrage et de fonctionnement des nouvelles unités de production des
entreprises socialistes algériennes sont différentes de celles qui prévalent en Europe.
Dans ces conditions, est sans effet la mesure d'exonération de l'impôt sur les B.I.C. décidée
dans le cadre de la loi de finances pour 1978 en faveur des nouvelles unités de production du secteur
socialiste pour une période de trois années à compter du début de leur fonctionnement.
Il s'agit là d'une action psychologique visant à donner l'apparence que le secteur socialiste
productif bénéficie d'un avantage fiscal, alors que la réalité est autre.
Du reste, il est à noter que la mesure d'exonération de l'impôt sur les B.I.C. prise en faveur du
secteur socialiste est intervenue douze années après celle retenue par le Code des Investissements
privés qui prévoit, pour le secteur privé, la possibilité d'une exonération totale, partielle ou
dégressive de l'impôt sur les B.I.C. pendant une période ne pouvant excéder 5 ans.
b 2 : Dans les pays étrangers :
Il y a lieu de signaler qu'en Algérie, la durée même de cette exonération de l'impôt sur les
bénéfices des sociétés est différente de celles accordées par certains pays où l'octroi d'allégements
fiscaux a une portée concrète. Ainsi, cette durée d'exonération est de :
- 10 ans au MAROC, pour les entreprises exportatrices
- 10 ans, en TUNISIE, pour les entreprises exportatrices et imposition au taux réduit de 10 %
pour les 10 années suivantes.
- 10 ans, au maximum, en ITALIE
293
- 5 à 8 ans en ÉGYPTE
- 5 ans, en COTE D'IVOIRE, avec possibilité de déduire du bénéfice net de 4 années
successives au plus, 50 % du montant réinvesti dans la limite de 50 % du bénéfice net.
c) Régime fiscal applicable aux biens d'équipement acquis dans le cadre de la réalisation
d'investissements :
c1 : En Algérie, la mesure d'exemption de la T.U.G.P., décidée en faveur des
entreprises socialistes par la loi de finances pour 1978, reste incomplète (problème des
précomptes en cours, champ d'application de cette taxe à certains investissements
immobiliers et mobiliers etc.).
Est également insuffisante, la mesure prise en 1978 ramenant à 3 % le taux des droits de
douane.
c 2 : A l'étranger :
En TUNISIE, les biens d'équipement relevant notamment du régime institué en faveur des
entreprises exportatrices, sont exonérés pendant 20 ans des droits de douane ou de taxes sur les
chiffres d'affaires selon qu'ils sont importés ou fabriqués dans le pays et acquis auprès des
producteurs locaux. S'ils sont achetés localement auprès des "non producteurs", la taxe est
remboursée.
Au MAROC, les biens d'équipement, matériels et outillages sont exonérés des droits de
douane. Tout l'équipement de l'entreprise importé ou acheté localement est exonéré de la taxe sur les
produits.
En COTE D'IVOIRE, les importations en franchise des matériels destinées à la création des
entreprises classées prioritaires peuvent être autorisées.
En GRÈCE, les machines, accessoires et pièces de rechange importés en vue du premier
établissement ou de l'extension ou remplacement du matériel des entreprises industrielles ou
artisanales de province (aide au développement régional) sont exemptés de tout droit de douane,
impôt et autre contribution. L'impôt sur le chiffre d'affaires est réduit de 25 à 50 % selon les régions.

III. – CONCLUSION.
Il y a lieu de signaler qu'en Algérie les organismes bancaires de l'État financent les charges
fiscales directes ou indirectes relatives aux investissements planifiés des entreprises socialistes et se
font rembourser par ces dernières suivant un certain échéancier. Le résultat est que l'opération fiscale
engendre un flux tripolaire (entreprise socialiste, organisme bancaire de rebat, Trésor Public) qui
parait inflationniste mais qui, de surcroît, a la particularité d'être déséquilibré, puisqu'il défavorise
l'entreprise socialiste, celle-ci étant obligée de payer les frais de gestion de l'opération fiscale qui lui
sont occasionnés, ainsi que la charge des intérêts de la partie de l'emprunt couvrant les impôts, droits
et taxes.
Ce flux inflationniste et déséquilibré entraîne, par ailleurs, dans son sillage, des conséquences
préjudiciables aux intérêts économiques nationaux, dans la mesure où les contentieux fiscaux se

294
traduisent par une perturbation, voire un blocage du déroulement de la réalisation des projets d'inves-
tissement.
Les contentieux nés de l'imposition et de la taxation des investissements planifiés publics
peuvent avoir pour origine la rigueur et la complexité des règles fiscales et, par conséquent, la
méconnaissance par les assujettis des mécanismes fiscaux, ou les divergences d'interprétation des
textes à caractère fiscal.
L'exonération de tout impôt, droit et taxe, des investissements des entreprises socialistes
permettrait de supprimer le flux financier décrit ci-dessus et ses conséquences, d'accroître l'efficacité
de la gestion des investissements et, enfin, de négocier avec les partenaires étrangers des contrats sur
la base de données claires excluant tout aléa susceptible de rendre difficile pour les parties en
présence la recherche de l'équilibre des intérêts au cours de la négociation. Ces partenaires étrangers,
craignant des complications avec le fisc algérien, pendant la durée de leur intervention en Algérie,
majorent les prix qu'ils demandent aux entreprises socialistes, d'une provision destinée à couvrir le
risque qu'elles estiment encourir du fait que notre législation fiscale laisse subsister certains aléas
dans le régime des impôts et des taxes s'appliquant à l'investissement.

SOURCES D'INFORMATION UTILISÉES POUR L'ELABORATION DES TABLEAUX


JOINTS EN ANNEXE :

ALGERIE :
- Ministère des Industries Légères : rapport sur les problèmes financiers de l'entreprise
socialiste - Volume premier : financement et structures financières de l'entreprise socialiste.
- Ordonnance no 66-284 du 15 septembre 1966 portant Code des Investissements privés

BRÉSIL :
- "Le Guide de l'investissement au Brésil", brochure publiée par l'Ambassade du Brésil, à
Paris en décembre 1974.

C.E.E. :
- "Notes et Etudes documentaires" n° 3917 du 11 septembre 1972 portant sur les aides à
l'expansion industrielle régionale dans les pays du Marché Commun.

COTE D'IVOIRE :
- Brochure publiée en décembre 1972 par la Commission des Communautés Européennes et
portant sur les conditions d'installation d'entreprises industrielles.

295
EGYPTE :
- Loi n° 43 du 19 juin 1974 relative à l'investissement des capitaux arabes et étrangers et les
zones franches.

GRECE :
- Brochure publiée en mars 1975 par la Banque Hellenique pour le Développement Industriel
S.A.

MAROC :
- Dahir portant loi n° 1-73-413 du 13 Redjeb 1393
(13 août 1973) instituant des mesures d'encouragement aux investissements industriels.
- Dahir portant loi n° 1-73-408 du 13 Redjeb 1393 (13 août 1973) instituant des mesures
d'encouragement aux entreprises industrielles ou artisanales exportatrices.

MEXIQUE : Loi sur la promotion de l'investissement Mexicain et la réglementation de


l'investissement étranger (loi promulguée sous le mandat du Président ECHEVERRIA).

TUNISIE :
- Brochure publiée en 1976 par l'agence de promotion des investissements et portant sur
l'investissement industriel en Tunisie.
- Loi n° 72-38 du 27 avril 1972 portant régime particulier en faveur des industries
exportatrices.
- Loi n° 74-74 du 3 août 1974 relative aux investissements dans les industries
manufacturières.

YOUGOSLAVIE :
Brochure publiée en 1974 par l'O.C.D.E. et consacrée aux investissements étrangers en
Yougoslavie.

296
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299
300
301
302
ANNEXE N° 3 : LA VALEUR AJOUTÉE CRÉÉE PAR LES
ENTREPRISES ET SA DISTRIBUTION DANS L'ÉCONOMIE
NATIONALE

303
L'appréciation de l'efficacité économique du secteur industriel socialiste, pour ce qui est de sa
participation à l'accumulation nationale, se doit, pour prendre sa signification véritable, de dépasser
l'approche qui consiste à dire que les entreprises de ce secteur reçoivent de l'Etat et des Institutions
Financières les sommes qui leur sont nécessaires sous forme éventuellement de prêts et
accessoirement de fonds propres alors que l'apport à la Nation de ces entreprises serait nul ou quasi
nul, du fait de la faiblesse des montants des remboursements d'emprunts.
Il s'agit alors de s'interroger, comme cela a été fait dans le corps du document, sur les diverses
formes que peut prendre l'apport des entreprises socialistes à l'économie nationale.
En d'autres termes, il y a lieu d'examiner les échanges financiers globaux entre l'État et les
Institutions Financières d'une part, et les entreprises socialistes d'autre part.
Cet examen ne peut se faire sans une analyse de la valeur ajoutée des entreprises et son
affectation dans l'économie nationale. Ce qui renvoie à la nécessité d'un retour aux concepts de base
de valeur ajoutée et d'accumulation, d'un rappel de quelques définitions économiques notamment la
production intérieure brute et revenu national, et à leur signification dans un contexte économique
donné (économie socialiste ou économie capitaliste).
L'objet de cette annexe est précisément, à partir de ces concepts, d'examiner, à titre
d'exemple, ces échanges financiers pour quatre entreprises :
- S. N. I. C.
- SOGEDIA
- SONIPEC
- S. N. T. A.

1.1. - DEFINITION
1.1.1. - La valeur ajoutée brute (V.A.) d'une unité de production, entreprise,
branche secteur ou nation pendant une période donnée est égale à l'excédent de biens et
services produits, sur ceux qui ont été consommés pendant cette période.
La valeur ajoutée brute est la différence outre la valeur de la production et les consommations
intermédiaires matérielles et services nécessaires à l'obtention de cette production.

V A = P - CI P : Production
C I : Consommations intermédiaires

On obtient la V. A. (valeur ajoutée) nette en déduisant, de la valeur ajoutée brute ainsi


définie, les amortissements qui expriment la mesure de l'usure du capital fixe détruit au cours de la
période de production.

304
1.1.2. - Ce concept est une mesure de la production.
Il traduit l'acte de production qui consiste à créer des produits à partir de la transformation et
de la destruction d'autres produits, moyens de production ou objet et moyens de travail, à partir de
l'action de la force de travail. Il traduit également l'interdépendance qui apparaît entre tous les
processus de travail au sein d'un secteur, d'une branche, de la nation ; la déduction des
consommations intermédiaires, par exemple, est nécessaire dans le calcul de la valeur ajoutée globale
pour éviter de comptabiliser plusieurs fois une production, qui est "produit" d'un processus de travail
et "input" d'un autre processus de travail.

1.1.3. - Ce concept est une mesure de la répartition.


La valeur ajoutée, constituant le quantum de valeur à répartir, son affectation entre les
différents agents économiques correspond à la distribution des revenus de ces différents agents.
En d'autres termes, la valeur ajoutée est en même temps une production nouvelle et une
répartition de revenus produits.

1.2. - LIMITES DU CONCEPT LIÉES AUX MÉTHODES DE VALORISATION.


Le calcul de la valeur ajoutée suppose l'existence d'un système de prix. Tant du point de vue
de la valorisation de la production, que du point de vue de la valorisation des consommations, le
calcul de la valeur ajoutée suppose un système de coûts et de prix qui reflètent la valeur réelle des
produits. Dans le cas de l'Algérie, par exemple, l'existence de prix figés fausse le calcul à son niveau
réel de la valeur ajoutée, qui est, dans ces conditions, fortement sous-évaluée.

1.2. 1. - Dans les économies planifiées.


Le problème du système de prix, théoriquement résolu dans le cadre de la valeur travail, n'est
en fait pas réglé sur le plan de la réalité économique et représente une difficulté majeure sur le plan
de la politique économique dans les pays à économie planifiée.
Néanmoins, il existe dans ces pays une grande sensibilité au problème de la signification
économique des systèmes de prix et de nombreuses expériences sont en cours.

1.2. 2. - Dans les économies libérales.


Si le calcul de la valeur ajoutée est effectué au prix du marché, le niveau de la valeur ajoutée
est faussé puisque la prise en compte, dans la détermination des prix, des impôts indirects et des
subventions décidée du simple fait du prince, fausse la valeur des produits.
C'est pourquoi, il est utile d'effectuer les calculs aux cotte des facteurs (prix du marché -
impôts indirects + subventions) éliminant ainsi les éléments, qui entraînent un accroissement ou une
diminution artificielle des prix, que sont les impôts indirecte et les subventions. Cependant, si ce
procédé permet d'obtenir des résultats satisfaisants dans des économies capitalistes où les prix et
coûts présentent une cohérence sur les plans théorique et économique avec le système, il n'en serait
pas de même en Algérie.

305
1.2. 3. - En Algérie.
L'ensemble des surcoûts de l'investissement, l'ensemble des charges financières et fiscales
supportées par l'exploitation et l'ensemble des surcoûts liés, soit au sureffectif ou à la consommation,
soit à la faiblesse d'utilisation des capacités de production, se traduisent par des coûts supérieurs aux
celte normalement nécessaires à la production. En outre, le gel des prix de certains produits et
l'inadéquation quasi générale des prix et des coûts se traduisent par des prix qui ne rendent pas
compte de la valeur de la production.

1.3. – IMPLICATIONS.
1.3.1. - La portée universelle du concept de valeur ajoutée.
La double réalité dont rend compte le concept de valeur ajoutée nette, c'est-à-dire, mesure de
la production nouvelle et répartition de revenus produits, traduit un fait évident que l'on ne répartit
que ce que l'on produit. Cela signifie, d'une part, que la source des revenus est l'activité de
production. En d'autres termes, l'activité de production, en plus de la récupération de ses coûts, est à
l'origine de l'ensemble des revenus distribués dans la nation, revenus qui sont utilisés soit dans la
consommation, soit dans l'accumulation.
En effet, le processus de production est non seulement un acte de transformation de produits
sous l'action de la force de travail, mais aussi un acte de création d'une valeur supérieure aux coûts
nécessaires. Si cette logique ne se vérifie pas, le processus de production serait un processus de
reproduction simple, qui ne comporte pas de possibilité de reproduction élargie ; il serait alors un
processus sans accumulation et donc sans développement.
Cet excédent de production sur les coûts de production au plan social est le surplus dont les
formes d'appropriation dépendent du système économique et social dominant et notamment de la
nature de la propriété des moyens de production ; plus value dans le mode de production capitaliste,
production nette dans le mode de production socialiste.
Cet excédent de production constitue en partie le fonds d'accumulation nationale et, en partie,
le fonds de consommation de la population qui n'intervient pas dans le processus de production.
Du point de vue de l'entreprise, la valeur ajoutée nette mesure la production nouvelle créée
par le collectif de l'entreprise et son affectation donne lieu à des revenus, salaires, revenus de l'Etat,
des Institutions financières et de l'Entreprise.
Le processus de production de l'entreprise rend également compte de la création d'un surplus
sur les coûts supportés par l'entreprise ; ce surplus, qui prend la forme d'une plus-value dans les
entreprises capitalistes et dont la création représente le but et la logique du système, est détruit en
partie dans la consommation des propriétaires de capitaux et en partie accumulé en vue d'une
extension de l'entreprise. Dans les économies socialistes, ce surplus par l'intermédiaire de
mécanismes de redistribution budgétaire et de la planification, est utilisé soit dans la consommation
individuelle ou collective soit dans l'accumulation.

306
Cette conception de la valeur ajoutée nette en tant que source de l'accumulation est
universellement admise, car elle rend compte de la réalité économique et politique de n'importe quel
système.
Cependant, il n'y a pas une seule analyse ou exposé de cette conception.
Deux façons d'approcher le problème peuvent être mises en relief :
- La conception capitaliste de la valeur ajoutée
- La conception socialiste de la valeur ajoutée

1.3.2. - La conception capitaliste de la valeur ajoutée.


Dans cette conception, l'analyse de l'affectation de la valeur ajoutée contient implicitement
l'idée que ses composantes ou revenus sont associés à la contribution de services rendus pendant
l'acte de production.
la valeur ajoutée devient la mesure de la production et son affectation, la rémunération des
facteurs de production ou services producteurs. On considère les revenus non pas comme la
rémunération de groupes sociaux, mais comme celle des choses qui, au même titre les unes que les
autres, contribuent au processus de production. De ce fait, la taille des revenus correspond à la valeur
du service rendu et se confond avec le coût de chacun des éléments qui intervient dans la production.
C'est ainsi, que la comptabilité d'entreprise considère que la valeur ajoutée mesure les
capacités d'une entreprise à faire face à ses charges d'exploitation et à dégager des résultats
d'exploitation positifs.
En d'autres termes, la valeur ajoutée est égale à la somme des coûts de production (revenus
salariaux, frais financiers et impôts) et aux revenus de l'entreprise qui constituent le fonds
d'accumulation potentielle de l'entreprise, ou sa contribution à l'accumulation et au développement à
l'échelle nationale.

1.3.3. - La conception socialiste de la valeur ajoutée.


Dans cette conception, les éléments qui se répartissent la valeur ajoutée nette ont un statut
différent, selon qu'ils soient un coût de production ou selon qu'ils soient un revenu.
Cette conception distingue, dans la distribution, les éléments qui concourent à la production
de la valeur de ceux qui sont une ponction sur la valeur créée par le collectif producteur.
Le processus de production étant un acte de transformation de produits sous l'impulsion de
l'action de la force de travail, ses coûts de production sont alors ceux de l'usure de l'équipement
mesurés par l'amortissement, ceux des matières consommées et ceux de la force de travail utilisée. Il
en résulte que dans la valeur ajoutée nette, seuls les coûts de la force de travail constituent un coût de
production, l'excédent étant alors le surplus qui constitue le fonds de consommation de la population
non liée directement à la production matérielle et le fonds d'accumulation. C'est ainsi que, du point
de vue de l'entreprise, la valeur ajoutée nette est composée des coûts salariaux et d'un surplus sous
forme d'impôts, de frais financiers et de revenus d'entreprise ; surplus ou source d'accumulation
potentielle ou sa contribution au développement économique et social.

307
1.3.4. - Comparaison des deux approches : voir graphe ci- joint .
a) Valeur ajoutée et production :
Valeur ajoutée et production sont considérées de la même façon dans les deux approches.
b) Coûts de production : Dans l'approche capitaliste, toute charge est un coût.
Pour l'approche socialiste, la valeur des seuls éléments qui interviennent dans la production
constitue un coût de production,
c) Accumulation potentielle : surplus :
c 1. - Niveau entreprise :
Pour l'approche capitaliste, cette accumulation est constituée par le revenu de
l'entreprise.
Pour l'approche socialiste, elle est constituée par l'ensemble des revenus servis à l'Etat
et les revenus de l'entreprise.
c. 2. - Niveau National :
L'accumulation potentielle est constituée pour les deux approches, par les mêmes éléments,
c'est-à-dire, les revenue versés à l'État et les revenus de l'entreprise. Ce surplus pouvant être
utilisé soit à des fins de consommation, soit à des fins d'accumulation.
Il est normal que sur le plan de l'économie nationale, ce qui est disponible pour
l'accumulation soit équivalent pour les deux approches, même si l'affectation de ce surplus prend des
significations différentes, puisque dans l'approche socialiste, les revenus du système financier, fiscal
et productif sont les revenus de l'Etat, contrairement à ce qui se passe dans l'approche capitaliste.

1.4. - APPLICATION EN ALGÉRIE.


L'analyse de la valeur ajoutée qui est faite en Algérie procède de l'approche capitaliste, du
moins dans les conceptions en usage dans les documents émanant du Ministère des Finances.
Il y a donc, au même titre que pour l'entreprise capitaliste, une rupture dans l'analyse de
l'accumulation entre le niveau national et le niveau entreprise.
En effet, on dira d'une entreprise socialiste en Algérie présentant un résultat d'exploitation nul
ou négatif qu'elle ne participe pas à l'accumulation nationale car une entreprise présentant un tel
résultat dans un pays capitaliste ne peut accumuler pour elle-même.
Ce faisant, on ignore le transfert de valeur créée par l'entreprise socialiste :
- Vers le système financier et fiscal à travers les frais financiers et les impôts,
- Vers d'autres entreprises du secteur socialiste à travers le système de prix (y compris les
tarifs des services)
- Vers le secteur privé qui, de surcroît, tire des superprofits de certains créneaux de pénuries.

308
Il convient alors de noter que cette optique peut se comprendre dans le cadre du système
capitaliste où le détenteur des capitaux physiques et le détenteur du capital financier, qu'il s'agit de
rémunérer par la valeur ajoutée créée, sont deux entités différentes et que, de ce fait, l'accumulation
de l'entreprise se mesure à son résultat d'exploitation et que l'accumulation nationale a pour origine
ces résultats, ainsi que les revenus du système financier et fiscal.
En Algérie, la situation est différente dans la mesure où l'Etat est détenteur du capital
physique et du capital financier et est lui-même le percepteur d'impôts.
Il s'ensuit, que la participation de l'entreprise à l'accumulation nationale se confond avec ses
résultats propres et les revenus qu'elle verse à l’Etat.
Aussi, un simple coup d’œil sur le graphe ci-joint permet de comprendre les raisons pour
lesquelles, en économie capitaliste, l'investisseur privé, avant d'investir et de s'engager dans un
processus de production, demande à connaître et parfois à limiter les charges financières (problème
du mode de financement) qu'il doit supporter, ainsi que les impôts auxquels il est assujetti, aussi bien
au titre de l'investissement que de l'exploitation.
C'est pour les mêmes raisons, également, que les capitalistes s'orientent vers les pays qui
aident l'investissement et pratiquent le système fiscal le moins onéreux (mesures d'encouragement à
l'investissement).
En Algérie, si les entreprises socialistes avaient suivi l'approche de l'investisseur privé
mentionné ci-dessus, elles n'auraient pratiquement accepté d'entreprendre aucun des investissements
qu'elles ont réalisés, du fait que les charges financières et fiscales imposées par le système financier
ne leur laissent quasiment pas de possibilité d'accumuler, quand elles ne les condamnent pas à la
ruine, sauf, pour ces entreprises, à pratiquer des prix exorbitants, encore que cela n'est pas toujours
possible en raison du système des prix figés qui couvre un large spectre de l'activité nationale.
En particulier, une société pétrolière étrangère, comme cela s'est d'ailleurs effectivement
produit en Algérie ainsi que cela est mentionné dans le rapport, condamnerait à la fermeture et à la
stérilité les gisements et les puits pétroliers qui lui occasionneraient des pertes, lui rapporteraient un
bénéfice insuffisant ou nul, même si ces gisements et ces puits produisaient des impôts pour l'État.
Ou alors, pour les maintenir en activité, une société pétrolière étrangère aurait exigé de l'État un
allègement de la fiscalité, au contraire de la SONATRACH, entreprise nationale, qui impute sur les
bénéfices qu'elle réalise, par ailleurs, les pertes qu'elle enregistre sur les exploitations déficitaires
qu'elle maintient en activité en raison de leur rendement fiscal et de leur apport sur le plan des
rentrées de devises.
Mais, en même temps, on peut se rendre compte aussi, par l'examen de ce graphe, que si,
nonobstant les charges aberrantes qui leur sont imposées, les entreprises industrielles ont néanmoins
accepté d'assumer la responsabilité de multiples et considérables investissements, elles ont
pleinement conscience que ces charges mêmes, qui obèrent leur gestion et les exposent à des
critiques dont les moins acerbes ne sont pas celles émises par les propres auteurs de l'institution de
telles charges, constituent une part intégrante de leur contribution à l'accumulation nationale, c'est-à-
dire à l'enrichissement et au développement de la Nation.

309
II. - RAPPEL DE QUELQUES DEFINITIONS

L'utilisation de certains concepts économiques dans ce rapport et le risque de confusion qui


peut exister dans l'utilisation de certains termes, rendent nécessaire le rappel de quelques définitions
économiques, notamment celles de la production intérieure brute et du revenu national.

2.1. - DÉFINITION DE CERTAINS TERMES EN ÉCONOMIE SOCIALISTE :


2.1.1.- Produit social brut = somme des productions brutes des secteurs.
2.1.2.- Produit social net = produit social brut - consommations intermédiaires - amortis-
sements.
2.1.3. -Revenu national = produit social net = revenus primaires des travailleurs + revenus des
entreprises (du secteurs de la production nationale).

2.2.- DEFINITION DES TERMES GENERAUX :

2.2.2 - Produit intérieur : Ensemble de biens et services produits par l'économie nationale sur
le territoire national, quelle que soit la nationalité des producteurs.
2.2.3. - Produit national : Ensemble des biens et services produits par l'économie nationale,
que ce soit le fait de nationaux résidents ou non résidents.
Entrent dans ce concept les revenus provenant des nationaux se trouvant à l'extérieur du pays
ou bien des investissements et des activités effectués à l'étranger. Dans le cas de l'Algérie, on
compte dans le Produit National, le montant des revenus rapatriés par les émigrés.
2.2.4. - Production intérieure : Produit intérieur, à l'exclusion des services des administrations
publiques nationales.
2.2.5. - Production nationale : Produit national, à l'exclusion des services des administrations
publiques nationales.
2.2.6. - Revenu national : Agrégat représentatif du flux des ressources en biens et services
créés au cours d'une période donnée.

2.3.-,DÉFINITION DE LA PRODUCTION INTÉRIEURE BRUTE :


2.3.1. - Du point de vue de la production : PIB = somme des valeurs ajoutées brutes + droits
et taxes sur importations.

310
II. - RAPPEL DE QUELQUES DÉFINITIONS
L'utilisation de certains concepts économiques dans ce rapport et le risque de confusion qui
peut exister dans l'utilisation de certains termes, rendent nécessaire le rappel de quelques définitions
économiques, notamment celles de la production intérieure brute et du revenu national.

2.1. - DÉFINITION DE CERTAINS TERMES EN ECONOMIE SOCIALISTE :


2.1.1. - Produit social brut = somme des productions brutes des secteurs.

2.1.2.- Produit social net = produit social brut - consommations intermédiaires -


amortissements.
24.3.- Revenu national = produit social net
= revenus primaires des travailleurs + revenus des
entreprises (du secteur de la production nationale).

2.2.-DEFINITION DES TERMES GÉNÉRAUX :


2.2.2. - Produit intérieur :
Ensemble de biens et services produits par l'économie nationale sur le territoire national,
quelle que soit la nationalité des producteurs.

2.2.3.- Produit national :


Ensemble des biens et services produits par l'économie nationale, que ce soit le fait de
nationaux résidents ou non résidents. Entrent dans ce concept les revenus provenant des nationaux se
trouvant à l'extérieur du pays ou bien des investissements et des activités effectués à l'étranger. Dans
le cas de l'Algérie, on compte dans le Produit National, le montant des revenus rapatriés par les
émigrés.

2.2.4. - Production intérieure :


Produit intérieur, à l'exclusion des services des administrations publiques nationales.

2.2.5.- Production nationale :


Produit national, à l'exclusion des services des administrations publiques nationales.

2.2.6 -Revenu national :


Agrégat représentatif du flux des ressources en biens et services créés au cours d'une période
donnée.

2.3.- DÉFINITION DE LA PRODUCTION INTÉRIEURE BRUTE :


2.3.1.- Du point de vue de la production :
PIB = somme des valeurs ajoutées brutes + droits et taxes sur importations.

311
2.3.2. - Du point de vue de l'utilisation : PIB = consommation + formation brute de
capital + exportations - importations.

2.3.3. - Du point de vue de l'affectation : PIB = rémunération des salariés productifs +


amortissements + revenu brut des entreprises + épargne des sociétés + impôts indirects - subventions
+ droits et taxes sur importations.

2.4.- DEFINITION DU REVENU NATIONAL :


RN = rémunération du travail = revenus de la propriété et de l'entreprise + impôts indirects
nets de subventions.

2.5. - RELATION ENTRE LE PIB ET LE RN.


RN = PIB - Amortissements + revenus nets de facteurs reçus du reste du monde + services
des administrations.
Le revenu national peut s'apprécier :
- Selon l'optique de la production des biens et services : c'est le produit national,
- Selon l'optique des revenus touchés par les agents économiques : c'est le revenu national,
- Selon l'optique des emplois faits de ce revenu : c'est la dépense nationale.

3. - LES ÉCHANGES FINANCIERS DE QUATRE ENTREPRISES


SOCIALISTES AVEC L'ÉTAT ET LES INSTITUTIONS
FINANCIERES :
Comme cela a été vu plus haut, la participation des entreprises socialistes au fonds
d'accumulation nationale doit intégrer non seulement les montants versés par les entreprises au titre
de remboursement des emprunts, mais aussi l'ensemble des apports financiers affectés à l'État et aux
Institutions Financières sous des formes diverses.
L'affectation de la valeur ajoutée des entreprises, donne lieu aux versements de revenus à
l'Etat par le biais de la fiscalité et de la parafiscalité, et aux institutions financières par le biais des
intérêts et autres commissions.
Pour juger de la contribution des entreprises à l'accumulation économique nationale, il y a
lieu d'examiner les échanges financiers globaux entre, d'une part, les entreprises socialistes et, d'autre
part, l'État et les Institutions Financières. A titre d'exemple, il est proposé ci-dessous l'examen de ces
échanges pour quatre entreprises :
- la S.N.I.C.
- la SOGEDIA
- la SONIPEC
- la S.N.T.A.

312
3.1.- la S.N.I.C. :
Ainsi que cela est illustré par des graphes, et présenté sous forme de tableaux, l'examen des
échanges financiers, depuis 1968 à fin 1977, entre d'une part la S.N.I.C. et d'autre part l'Etat et les
Institutions Financières, montre que :
- L'entreprise a reçu 1 925,7 Millions de DA, dont 93,5 Millions de DA en fonds propres et
1 832,2 Millions de DA, en prêts remboursables et à intérêts.
- L'entreprise a versé 1 094 Millions de DA, dont 109 Millions de DA sous forme de
remboursements et 985 Millions de DA au titre de son activité sous forme d'impôts, intérêts, et autres
charges sociales.
Il y a lieu de noter que si les remboursements que l'entreprise a effectués représentent 6 % du
montant des emprunts contractés, les sommes qu'elle a transférées à l'Etat et qui résultent de la
ponction de sa valeur ajoutée sur 10 ans, représentent 10 fois l'équivalent des fonds qui lui ont été
octroyés à titre définitif.
Il faut remarquer, en outre, que les emprunts de la seule année 1977, qui s'élèvent à 1 091
Millions de Dl, représentent 60 % des emprunts totaux.
Cela signifie,
- d'une part, que la faiblesse des remboursements d'emprunts est due en partie au fait que les
remboursements ne sont pas arrivés à échéance,
- D'autre part, que étant donné que 60 % des ressources octroyées à fin 1977 l'ont été au titre
de l'année 1977, et ne se sont, par conséquent, pas encore traduites par des capacités productives, les
versements effectués par l'entreprise ont été générés par la mise en production d'une partie seulement
des ressources octroyées à l'entreprise sous forme de prêts, cette partie étant, ainsi qu'on le verra plus
bas, largement inférieure à 40 %.
En faisant abstraction des échanges financiers de l'année 1977, la situation de ces échanges à
fin 1976 se présente ainsi :

Fonds propres 93 513 Remboursements 85 775


Emprunts 741 225 Sommes transférées 756 001
Total 834 738 841 776

Cette comparaison met en relief le fait que la SNIC a versé à l'Etat et aux Institutions
Financières un montant de 841,8 Millions de DA donc supérieur aux 834,7 Millions de DA que
l'entreprise a reçu de l'Etat, tout en conservant encore une dette équivalente à 88 % des emprunts
reçus.
En outre si, afin de présenter une situation nette des remboursements d'emprunts, l'on exclut
les remboursement effectués à fin 1977, aussi bien des sommes versées que des emprunts, on note
que les sommes versées à fin 1977, qui s'élèvent à 985 Millions de DA représentent 57 % des
emprunts qui restent à rembourser. En d'autres termes, la ponction de la valeur ajoutée nette de la
313
SNIC aura permis de financer plus de la moitié des investissements pour lesquels il lui a été accordé
de prêts à intérêts remboursables.
En vérité, on peut ajouter, compte tenu d'une part, des délais de réalisation des unités de
production qui peuvent être selon leur nature, ou les difficultés rencontrées, de 2, 3 années ou plus,
et, d'autre part, de certaines contraintes de financement des projets telles que les régularisations de
préfinancements sur exploitation, le financement de queue de projets ou de certaines prestations pour
des projets déjà en exploitation…, que le montant des emprunts n'ayant pas subi la transformation en
capital productif, à fin 1977, ne se limite pas aux seuls montants d'emprunts reçus en 1977.
C'est en fait à un niveau équivalent, aux emprunts accordés au cours des années 1976 et 1977
que l'on peut raisonnablement évaluer la part des ressources reçues par l'entreprise et non encore à fin
1977 transformées en unités en production.
Ces ressources non encore transformées en capital productif sont donc évaluées à 1 393
Millions de DA, soit 76 % du montant total des emprunts.
Compte tenu de ce qui précède, il ressort que les versements effectués par la SNIC à fin 1977
ont résulté de la mise en production de 24 % des ressources octroyées à l'entreprise sous forme de
prêts.
En d'autres termes, la SNIC a versé, à fin 1977, à l'État, compte non tenu des remboursements
effectués, 985 Millions de DA à partir de la valorisation de 439,2 Millions de DA d'emprunts, soit
plus du double.
Cette analyse indique qu'au moment où la SMIC est encore redevable pour un montant
équivalent à 84 % de ses emprunts, son activité, à fin 1977, a permis la reconstitution du double des
fonds qu'elle a reçus et déjà en production.

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3.2. - La SOGEDIA
L'examen des échanges financiers depuis 1968 à fin 1977 entre, d'une part, la SOGEDIA et,
d'autre part, l'État et les Institutions financières montre que :
- La SOGÉDIA a reçu 894,147 Millions de DA dont 58,587 Millions de DA en fonds propres
et 835,500 Millions de DA en prêts remboursables et à intérêts.
- L'entreprise a versé 827,277 Millions de DA dont 71,451 Millions de DA au titre des
remboursements d'emprunts et 755,826 Millions de DA au titre de son activité sous forme
d'impôts, intérêts et autres charges sociales.
Il y a lieu de noter que si les remboursements que l'entreprise a effectués représentent 8,5 %
du montant total des emprunts accordés, les sommes qu'elle a versées et résultant de la ponction de sa
valeur ajoutée sur 10 ans, représentent près de 13 fois l'équivalent des fonds qui lui ont été octroyés à
titre définitif.
Il faut en outre préciser que, si la part des remboursements est faible, cela est dû en partie au
fait que les échéances de remboursement d'emprunt ne sont pas toutes arrivées à terme, puisque 86 %
des emprunts totaux, soit 721,380 Millions de DA sur un montant total de 835,500 Millions de DA,
représentent les emprunts accordés entre 1973 et 1977.
Cela signifie, aussi, que, étant donné que 86 % des emprunts sont relativement récents et par
conséquent que l'ensemble des emprunts ne sont pas encore traduits à fin 1977, par des capacités
productives, les sommes versées par l'entreprise ont été générées par la mise en production d'une
partie des ressources octroyées à l'entreprise sous forme de prêts, cette partie correspondant, comme
on le verra plus bas, à 35 % des emprunts totaux.
Si l'on déduit les remboursements effectuée aussi bien des sommes versées que des sommes
reçues, il apparaît que le montant des emprunts qui restent à rembourser est de 764,049 Millions de
DA et que celui des sommes versées est de 755,826 Millions de DA, soit 99 % du montant total des
dettes.
Ainsi, la ponction de la V.A. (valeur ajoutée) nette de la SOGEDIA sous forme de revenus
versés à l'Etat et aux Institutions Financières, correspond à la quasi totalité du financement des
investissements pour lesquels il lui a été accordé du crédit remboursable et à intérêts.
En vérité, il faut ajouter que, compte tenu d'une part, des délais de réalisation des unités de
production, délais qui peuvent être selon les cas ou les difficultés rencontrées de 2, 3 années ou plus,
et, d'autre part, de certaines contraintes de financement des projets telles que les régularisations de
préfinancements sur exploitation, le financement de queue de projets ou de certaines prestations pour
des projets déjà en exploitation, l'on peut évaluer raisonnablement le montant des emprunts n'ayant
pas subi à fin 1977, la transformation en capital productif à un niveau équivalent aux emprunts
accordés au cours des années 1976 et 1977. Ces ressources, non encore transformées en capacités
productives, sont donc de l'ordre de 290,679 Millions de DA, soit 35 % du montant total des
emprunts.
Il ressort alors que les versements effectués par la SOGÉDIA à fin 1977, ont résulté de la
mise en production de 65 % des ressources octroyées sous forme de prêts à l'entreprise. En d'autres

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termes, la SOGEDIA a versé à fin 1977 à l'Etat et aux Institutions Financières, compte non tenu des
remboursements effectués, 755,826 Millions de DA à partir de la valorisation de 544,821 Millions de
DA d'emprunts, soit près d'une fois et demi. Ceci est d'autant plus remarquable que la SOGEDIA
subit le gel des prix, depuis près de 10 ans, pour le sucre et l'huile, produits qui représentent 90 % en
moyenne de son chiffre d'affaires ; politique des prix qui se traduit évidemment par une réduction
voulue de sa valeur ajoutée et de son cash-flow. Cette précision, ne signifie en aucune manière, que
la politique des prix appliquée pour les produits de la SOGEDIA est rendue responsable de son
"incapacité" de satisfaire totalement ses obligations de remboursement. Par contre, cela montre, avec
force, la rupture qui s'opère entre l'objectif socialiste de satisfaire les besoins de la population dans
les meilleures conditions de prix et l'analyse, d'essence libérale, de la rentabilité financière de
l'entreprise.
En effet, on ne peut exiger de l'entreprise le gel des prix en vue de sauvegarder le pouvoir
d'achat de la population et le dégagement d'un cash-flow suffisant pour le remboursement de ses
emprunts dans les conditions de financement des investissements qui lui sont imposées.
En d'autres termes, si la nécessité de rembourser les emprunts venait à l'emporter sur la
volonté de stabiliser les prix des produits de première nécessité que sont le sucre et l'huile, il est
évident que sa V.A. en augmentant, la SOGEDIA serait à même, en plus des sommes qu'elle verse
déjà et qui représentent, comme nous l'avons vu plus haut, la quasi totalité des fonds qui lui ont été
donnés ou prêtés, de financer ses dettes d'emprunts.
Cette analyse indique, bien donc, qu'au moment où la SOGEDIA est encore redevable pour
un montant équivalent à 91,5 % de ses emprunts, et tout en satisfaisant l'objectif politique supérieur
de sauvegarde de pouvoir d'achat de la population, la V.A. qu'elle a dégagée a permis la recons-
titution de 139 % des fonds qui lui ont été prêtés et déjà en production.

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3.3. - La SONIPEC.
L'examen des échanges financiers depuis 1967 à fin 1977 entre, d'une part, la SONIPEC et,
d'autre part, l'État et les Institutions Financières montre que :
- L'entreprise a reçu 515,5 Millions de DA constitués uniquement de prêts remboursables et à
intérêts.
- L'entreprise a versé 383,3 Millions de DA, dont 26,0 Millions de DA sous forme de
remboursement et 357,3 au titre de son activité sous forme d'impôts, intérêts et autres charges
sociales.
Il y a lieu de noter que si la SONIPEC n'a procédé qu'à 5 % du remboursement de ces
emprunts, elle a déjà versé, l'équivalent de 74 % des sommes qu'elle a reçues.
Si l'on déduit les remboursements effectués par SONIPEC aussi bien des ressources octroyées
que des sommes versées, il apparaît que SONIPEC a permis le financement de 73 % des inves-
tissements pour lesquels elle a bénéficié de crédits remboursables et à intérêts ; ces sommes étant de
357,3 Millions de DA, alors que les emprunts à rembourser s'élèvent à 489,3 Millions de DA.
Il faut remarquer que la SONIPEC est une société en développement. 54 % de ses emprunts,
soit 280 millions de DA datent des années 1975, 1976 et 1977. Il en résulte que si la part des
remboursements est faible, cela est dû en partie au fait que les remboursements ne sont pas tous
arrivés à échéance, et que les sommes versées, soit 357,3 Millions de DA ont été générées par la mise
en production d'une partie des ressources octroyées à l'entreprise sous forme de prêt, cette partie
n'excédant pas 70 % du montant total des emprunts.
En effet, compte tenu d'une part, des délais de réalisation des unités de production qui
peuvent être selon les cas et les difficultés rencontrées de 2, 3 années ou plus, et, d'autre part, de
certaines contraintes de financement des projets telles que les régularisations des préfinancements sur
exploitation, le financement de queue de projets ou de certaines prestations pour des projets déjà en
exploitation, on peut évaluer raisonnablement le montant des emprunts n'ayant pas encore subi la
transformation en capital productif à fin 1977, à un niveau équivalent aux emprunts accordés au
cours des années 1976 et 1977. Ces ressources non encore transformées en capacités productives sont
donc de l'ordre de 156,359 Millions de DA, soit 30 % du montant total des emprunts.
Il ressort alors, que les versements effectués par la SONIPEC à fin 1977, ont résulté de la
mise en production de 70 % des ressources octroyées à l'entreprise.
En d'autres termes, la SONIPEC a versé à fin 1977 à l'État, compte non tenu des
remboursements effectués, 357,3 Millions de DA à partir de la valorisation de 359,124 Millions de
DA d'emprunts.
Cette analyse indique qu'au moment où la SONIPEC est encore redevable pour un montant
équivalent à 95 % de ses emprunts, son activité a permis la reconstitution de 99 % des fonds qui lui
ont été prêtés et déjà en production.

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3.4 - La S. N. T. A. :
L'examen des échanges financiers à fin 1977, entre d'une part l'État et les institutions
financières, et d'autre part la S.N.T.A, montre que :
- La S. N. T. A. a reçu 166,1 Millions de DA, dont 127,3 Millions de DA sous forme de prêts,
et 38,7 Millions de DA composant son actif net.
- La S.N.T.A. a versé 6 297,8 Millions de DA, dont 1 Million de DA au titre du
remboursement des emprunts, et 6 296,8 Millions de DA, au titre de son activité sous forme
d'impôts, intérêts et autres charges sociales.
Ces échanges montrent que si la part du remboursement est faible (moins de 1 %) la S.N.T.A.
a, par son activité, procuré à l'État plus de 49 fois l'équivalent des ressources qui lui ont été prêtées,
ou encore, plus de 162 fois l'équivalent des ressources octroyées à titre définitif, ou bien encore, plus
de 38 fois l'équivalent des ressources totales octroyées.
Il y a lieu de relever, que son existence et son activité de production et de distribution ont
permis le drainage d'un volume important de l'épargne privée dans les caisses de l'État, sous forme
d'impôts indirects, qui s'élèvent à 5,545 Millions de DA, soit 88 % des sommes versées, permettant
ainsi à l'État de mener la politique de soutien des prix des produits de première nécessité. En d'autres
termes, si la S.N.T.A. n'existait pas, l'État n'aurait pu disposer de ces ressources constituées par les
droits intérieurs de consommation qui, comme on le sait, ne touchent que les produits tabagiques et
les alcools.
En outre, même si on devait faire abstraction de ces ressources, la S.N.T.A. a eu à verser à
l'État 752,8 Millions de DA, soit 19 fois l'équivalent des ressources octroyées à titre définitif, ou
encore plus de 5 fois l'équivalent des ressources prêtées.
En d'autres termes, l'activité de la S.N.T.A. a procuré à l'Etat de quoi créer, plus de 38
entreprises équivalentes en comptant les impôts indirects, et plus de 4 entreprises équivalentes en
déduisant ces impôts indirects.
En vérité, il faut ajouter que, compte tenu d'une part, des délais de réalisation des unités de
production qui peuvent être selon les cas et les difficultés rencontrées de 2,3 années ou plus, et,
d'autre part, de certaines contraintes de financement des projets telles que les régularisations des pré-
financements sur exploitation, le financement de queue de projet ou de certaines prestations pour des
projets déjà en exploitation, l'on peut raisonnablement évaluer le montant des emprunts n'ayant pas
encore subi la transformation en capital productif à fin 1977, à un niveau équivalent aux emprunts
accordés au cours des années 1976 et 1977. Ces ressources non encore transformées en capacités
productives sont donc de l'ordre de 71,609 Millions de DA, soit 56 % du montant total des emprunts.
Il ressort alors que les versements effectués à fin 1977 ont résulté de la mise en production de
57 des ressources octroyées à l'entreprise.
En d'autres termes, la SNTA a versé à fin 1977 à l'État et aux Institutions Financières, compte
non tenu des remboursements, 6 296,849 Millions de DA à partir de la valorisation de 94,503

330
Millions de DA d'emprunts et de fonds propres en comptant les impôts indirects et 751,544 Millions
de DA en déduisant les impôts indirects.
Cette analyse indique qu'au moment où la S.N.T.A. est encore redevable pour un montant
équivalent à 99 % de ses emprunts, son activité a permis, compte tenu des impôts indirects, la
multiplication par 66 des fonds qui lui ont été cédés et déjà en production, et la multiplication par 8
de ces fonds compte non tenu des impôts indirects.

331
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ANNEXE N° 4 : TBLEAUX D'ÉCHANGES INTÉRINDUSTRIELS

338
TABLEAUX D'ÉCHANGES INTERINDUSTRIELS

L'analyse développée dans le chapitre 13 de ce document renvoie à l'analyse des tableaux


d'échanges interindustriels (TEI).
Les TEI pour les années 1969 et 1979, qui ont été publiés par l'ancien Secrétariat d'État au
Plan sont joints, à titre de support, dans cette annexe.

339
340
341
342
ANNEXE N° 5 : L’APPORT DE SONATRACH À L'ÉTAT, PAR LE
MAINTIEN EN PRODUCTION DES GISEMENTS ABANDONNÉS
PAR L'ERAP AINSI QUE DES GISEMENTS DE RENTABILITÉ
ÉQUIVALENTE

343
L'APPORT DB SONATRACH A L'ÉTAT, PAR LE MAINTIEN EN PRODUCTION DES
GISEMENTS ABANDONNÉS PAR L'ERAP AINSI QUE DES GISEMENTS DE RENTABILITÉ
ÉQUIVALENTE
Comme indiqué en page 176 de ce document, la présente annexe évalue l'apport de
SONATRACH à l'État par le maintien en production des gisements abandonnés par la Société ERAP
qui jugeait leur rentabilité insuffisante du fait de la fiscalité pétrolière algérienne.
Par extension, cette évaluation inclut des gisements dont la rentabilité est analogue à celle des
gisements abandonnés par l'ERAP - Il s'agira alors non pas de gisements abandonnés par l'ERAP
mais de gisements dans lesquels ERAP avait une part dans l'exploitation et qui ont été nationalisés en
1971.
On trouvera dans cette annexe deux tableaux :
- Le tableau n° 1 donne la liste des champs pétroliers où ERAP avait des intérêts, et qui ont
été pris en compte dans l'évaluation qui a été faite année par année pour la période 1971-
1978, puis cumulée pour la période.
- Le tableau n° 2 fournit les principaux résultats de l'apport de SONATRACH à l'État. Ainsi,
sans la récupération par SONATRACH de ces gisements, l'Algérie aurait enregistré sur la
période 1971-1978 :
- dans sa production pétrolière, un déficit de plus de 700 Millions de barils, ou encore
d'environ 100 Millions de tonnes.
- dans ses rentrées en devises un manque à gagner de 6 235 Millions de dollars (en
appliquant aux 7 250 Millions de dollars de chiffre d'affaires, le taux de 86 % pour la
production SONATRACH qui est exportée), soit environ 23,7 Milliards de DA.

Tableau n° 1 : liste des champs comportant des gisements pris en compte dans l'évaluation.

Hassi Messaoud Nord


Hassi Messaoud Sud
Nezla
Haoud Berkaoui
Guellala
El Borma
Keskessa
Mesdar Ouest
TFT
Tamandjelt
Amassac
344
Stah
Hassi Mazoula "S"
Timedratine Est
Djoua Ouest
El Adeb Larache
El-Agrab El Gassi
Tiguentourine
La Reculée
Edjeleh
Zarzaïtine
Ohanet
Tan Emellal
Tin Fouyé Nord
Hassi Mazoula Nord
Hassi Mazoula Sud
Rhourde El Baguel
Dome a Collenias
Ouan Taredert
Rhourde Nouss
Asse Kalfaf
As Karene
Tamandjanet
Edeyen
AchebH
Hassi Chergui
Djebel Onk
Oued Gueterini

345
346
ANNEXE N° 6 : NOTE SUR LE "FINANCEMENT DES
INVESTISSEMENTS PLANIFIES DES ENTREPRISES" DIFFUSÉE
PAR LE MINISTERE DES FINANCES LE 21 OCTOBRE 1978

347
FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS PLANIFIES DES ENTREPRISES
Analyse de la situation :
L'examen du bilan financier du deuxième Plan Quadriennal permet de constater un véritable
bond en matière de dépenses consacrées à la réalisation des investissements planifiés des entreprises.
En effet, en atteignant 83,5 Milliards de Dinars, les crédits accordés aux entreprises ont
presque quadruplé par rapport à ceux enregistrés au cours du premier plan quadriennal (22 Milliards
de Dinars).
Cette progression particulièrement remarquable des dépenses recouvre plusieurs
significations qu'il conviendra d'analyser succinctement.
Elle trouve son origine en premier lieu dans les importantes décisions prises par le
Gouvernement tendant à accroître l'effort d'investissement du pays et qui se sont concrétisés par le
lancement, durant la période, d'un nombre toujours plus grand de projets dont la dimension aussi est
allée souvent en grandissant.
Cependant, à côté de ces raisons en quelque sorte normales d'augmentation des crédits, il est
permis d'en relever d'autres qui le sont moins, et dont certaines sont plutôt imputables à l'organisation
interne de notre économie, de ses circuits et procédures et auxquelles il nous appartiendra d'apporter,
dans toute la mesure du possible, des solutions.
Ces facteurs ont été aggravés par les effets de l'inflation internationale et le renchérissement
exagéré des prix d'importation afférents aux divers équipements, aux études et services, l'assistance
technique étrangère et celui des crédits extérieurs.
Ainsi, si les prix de vente du pétrole et de certaines matières premières ont quadruplé depuis
la "crise de l'énergie" en 1973, ceux des biens d'équipement et de certains services ont évolué aussi
dans la même proportion, consacrant une détérioration certaine des termes de l'échange au détriment
des pays sous-développés exportateurs de pétrole et matières premières, détérioration largement
démontrée dans les différentes enceintes internationales avec force d'études, de statistiques et calculs,
par les experts de l'OPEC et les représentants du Tiers Monde, et sur laquelle il ne sera pas néces-
saire de revenir.
Cependant, à ces facteurs anormaux externes, s'ajoutent d'autres facteurs de surcoûts, tout
aussi anormaux mais de nature interne engendrés par l'organisation même de notre économie, les
modalités, circuits et procédures de financement et d'exploitation des investissements, l'absence
fréquente de critère de gestion39 et de sanctions, le tout aboutissant souvent à un déséquilibre de
l'exploitation des entreprises publiques qui, s'il devait se prolonger, risquerait de dégénérer.
Or, la totalité de nos investissements productifs étant financés sur prêts intérieurs et
extérieurs, il importe absolument d'en assurer la remboursabilité.

39
En effet, aucun ratio ou seuil de charges de personnel ni d'investissements par rapport au chiffre d'affaires n'est
observé, ni de bénéfice par rapport au chiffre d'affaires, ni de production par agent, ni de taux de rendement fiscal, ni de
rythme d'accroissement des frais généraux par rapport au chiffre d'affaires. En outre, les entreprises socialistes optent
pour la solution de fiscalité en ajoutant au prix de revient obtenu, la marge bénéficiaire. En situation de monopole cette
méthode paradoxalement ne fait qu'encourager à la limite les entreprises à avoir les prix de revient les plus élevés pour
avoir les plus forts bénéfices, sans considération de la valeur réelle du bien ni du pouvoir d'achat du salarié.
348
Quelle est en effet la situation qu'on peut observer ?
Les entreprises nationales ployant déjà sous le poids du renchérissement énorme du coût des
investissements, des études et des dépenses d'assistance technique, se trouvent en outre confrontées à
d'autres difficultés, la plupart génératrices de surcoûts et parmi lesquelles on relève :
1) La prise en charge par l'investissement lui-même de certaines dépenses d'infrastructure
économique et sociale pourtant nécessaires (telles que logement, formation, aménagement de
l'environnement, travaux de viabilisation...) qui auraient dû être financées par d'autres voies que les
concours temporaires et mêmes prises en charge par d'autres institutions.
2) Les retards dans la réalisation dus à l'insuffisance de programmation, de maîtrise des
circuits et procédures, au manque de personnel qualifié, à des difficultés d'approvisionnement en
matériaux de réalisation, à une organisation pas toujours rationnelle des opérateurs, au manque de
coordination entre les différents secteurs et administrations... Ces retards qui se caractérisent par
l'achèvement de certains projets en 5 et 6 ans au lieu de 2 ou 3 ans et par l'image devenue familière
du stationnement en permanence au large du Port d'Alger d'une trentaine de bateaux, se traduisent
tous par des frais supplémentaires anormalement élevés se répercutant défavorablement sur le coût
final des projets, hypothéquant ainsi leur gestion future et pénalisant par la même occasion les
ressources intérieures et extérieures de l'État et le pouvoir d'achat de la population déjà fortement
sollicités par ailleurs.
3) Parmi les autres facteurs de surcoûts et par conséquent de déséquilibre de gestion, on peut
relever aussi le fait que souvent les modalités d'amortissement des prêts ne tiennent pas suffisamment
compte des aléas et retards dans la réalisation. Par suite de prévisions optimistes, il est ainsi arrivé de
nombreuses fois où le remboursement des crédits à terme octroyés a été réclamé par les banques
avant que l'investissement n'entre en production et parfois même avant que sa réalisation ne soit
achevée.
Il s'ensuit que c'est sur des découverts supplémentaires (plus onéreux pour l'entreprise) que
les dites tranches de prêts sont amorties, alourdissant ainsi les frais financiers imputés au projet et
diminuant donc la rentabilité de l'investissement et de l'entreprise toute entière40.
Il convient de préciser par ailleurs que pour les banques primaires, ces découverts ne sont pas
seulement productifs d'intérêts créditeurs, mais aussi générateurs de charges financières dans la
mesure où cette situation les amène à être elles- mêmes débitrices vis-à-vis de la Banque Centrale et
à supporter par conséquent des taux d'intérêt assez lourds.
4) Malgré la baisse intervenue en 1971 lors de la réforme de la réglementation des taux
d'intérêts, les taux d'intérêts des crédits internes (et externes) finançant les investissements sont jugés
encore trop élevés par les opérateurs, alors qu'ils sont parmi les plus faibles du monde.
5) Enfin, parmi les éléments ayant affecté anormalement le coût des investissements, figure la
structure financière déséquilibrée dès la création de l'entreprise, lors ou après la mise en exploitation
de l'investissement et qui résulte soit de dotations initiales en capital insuffisantes ou inexistantes

40
A titre purement indicatif, signalons que le volume des découverts des sociétés nationales (dont une partie impor-
tante peut être considérée comme "impayés" et représentative de déséquilibre de gestion) à la fin de l'été, a évolué entre 7
et 8 milliards de dinars chez la Banque Extérieure d'Algérie seulement.

349
soit, lorsque cette condition a été satisfaite, des répercussions d'une gestion déficitaire qui a entamé
les fonds de base.
Cette situation s'est traduite par des charges financières relativement lourdes qui ont gonflé
artificiellement et inutilement les coûts finaux des projets et les prix de revient des produits
fabriqués.
Il n'est pas surprenant dans ces conditions que tous ces facteurs se soient projetés de manière
négative sur les équilibres internes des entreprises, entraînant pour la plupart d'entre elles :
- un très fort endettement
- une incapacité durable de rembourser les capitaux empruntés
- un déficit chronique de gestion.
Très schématiquement, dans une telle conjonction de phénomènes :
- Les finances publiques et extérieures de l'Etat sont gênées par la quasi-absence
d'accumulation que devraient engendrer les investissements publics ou par l'économie de
devises qu'aurait pu réaliser une plus haute productivité de l'entreprise.
- L'entreprise nationale de l'Etat se voit frustrée d'une rentabilité à laquelle elle aurait pu et dû
prétendre.
- La population voit, impuissante, son pouvoir d'achat érodé par ces phénomènes.
- Le secteur bancaire et financier de l'Etat, du fait de la non récupération des crédits octroyés
et concrétisés par le gonflement du portefeuille d'impayés est en droit de s'inquiéter des
capacités futures de financement et de gestion de l'économie si les ressources injectées ne se
reconstituent pas.
Ces trends sont encore amplifiés par le fait que les échéances des entreprises se trouvant en
déficits chroniques, sont généralement réglées par découverts bancaires de plus en plus importants,
ce qui constitue en réalité une subvention d'équilibre déguisée mais qui a la double particularité de
constituer de la monnaie sans contrepartie productive émise durablement dans l'économie d'une part
et, d'autre part, d'alourdir encore les charges financières des entreprises en déficit dans la mesure où
elle porte intérêt.
Ajoutons à cela, la gestion relativement dispendieuse des entreprises avant, pendant et après
la réalisation des projets d'investissements, le faible rendement du travailleur national comparé à
celui des pays industrialisés, l'inexpérience des cadres, et l'on comprendra mieux la situation
financière des entreprises.
Le résultat pratique de l'ensemble de ces facteurs est que la presque totalité des entreprises du
secteur public ne remboursent pas leurs crédits et que, lorsqu'elles honorent leurs échéances externes,
elles le font par augmentation de leur découvert bancaire.
Ceci étant, le scénario se poursuit schématiquement de la façon suivante : ce qui n'est pas
accordé à l'entreprise par le plan de financement de tel investissement, lui est ensuite consenti sous
forme de crédits supplémentaires dans le cadre de la restructuration ou de l'assainissement financier
de l'entreprise sans que pour autant la société soit finalement en mesure de rembourser tous ses
crédits.
350
L'entreprise n'étant, en l'état actuel des choses, tenue par aucune limite en matière de
fonctionnement, continuera à ne pas rembourser ses crédits et à présenter un compte d'exploitation
générale déséquilibré sans que l'analyse de la situation permette de distinguer ce qui est imputable à
la prise en charge indue de certaines dépenses ou investissements d'infrastructure, de ce qui est
imputable à une structure financière déséquilibrée, ce qui relève de difficultés de maîtrise de la
technologie ou enfin de ce qui relève de la mauvaise gestion pure et simple de l'entreprise.
Dans cet ordre d'idée, les mesures qui vont suivre, en éliminant les charges indues des
entreprises, et en mettant au point une procédure plus réaliste du financement des investissements,
permettront de mieux situer les problèmes.
En effet, il convient de rappeler que la totalité de nos investissements planifiés sont financés
par crédits dont il importe absolument d'assurer le remboursement.
Il importe à ce sujet de remarquer que les crédits internes sont rarement remboursés, tandis
que les crédits externes sont, de plus en plus remboursés par aggravation des découverts par ailleurs,
d'attirer l'attention sur les dangers qu'il y aurait à laisser se prolonger une pareille tendance.
Comment en effet, peut-on assurer, dans des conditions saines, la continuation de l'effort
d'accumulation et la reproduction du capital dans un système qui n'est pas bouclé par le
remboursement normal du crédit (donc par l'épongeage de l'émission monétaire) et qui n'est pas
alimenté par une productivité suffisante des investissements ? En d'autres termes, comment est-il
possible de poursuivre une action prolongée de développement si l'effort d'accumulation obtenu
grâce à mille sacrifices et souvent au détriment du bien-être de la population, est continuellement
rongé par la gestion déséquilibrée des entreprises ?
Si l'on met d'ailleurs de côté l'influence exercée par l'ouverture importante de notre économie
sur le développement de notre masse monétaire, les éléments qui précédent expliquent amplement
pourquoi celle-ci s'est accrue volontiers ces dernières années, selon un taux annuel assez rapide, ce
qui, sans entrer dans une analyse monétaire complexe, devrait nous inciter à nous poser quelques
questions.
C'est pourquoi, il est fondamental de ne considérer comme remboursables que les crédits qui
peuvent être effectivement remboursés et d'inscrire comme dépenses définitives de l'État des
financements qui, au départ, ont été analysés comme ne pouvant pas être remboursés.
Aussi, en vue d'assurer le respect du principe de remboursabilité des crédits d'équipement, en
vue de discipliner les mécanismes générateurs de l'émission monétaire et leurs effets pervers d'une
part et, d'autre part, de préparer d'ores et déjà les conditions d'action sur les prix à la production
future, il devient indispensable de prendre un certain nombre de mesures techniques dans deux
directions principales :
- réaménager les conditions de financement des investissements planifiés en vue de les alléger
et par conséquent d'améliorer la rentabilité financière des entreprises nationales.
- rendre plus efficient le contrôle de la gestion des entreprises publiques.
En effet, des mesures d'allégement ne peuvent porter leurs fruits que si elles sont
accompagnées d'autres dispositions tendant à discipliner et rationaliser la gestion des entreprises
publiques.
351
Enfin, à ces deux actions à caractère assez technique, devrait s'ajouter une troisième ayant
trait au choix de nos investissements productifs qui, à l'avenir devraient absolument répondre à
certains critères de rentabilité, de dimension et d'emploi dont il n'a pas été assez tenu compte jusqu'à
présent.

C'est pourquoi, en considération des observations qui précédent et de la nécessité qu'il y aura
d'agir sur les prix à la production future, il est apparu indispensable de réaménager les conditions de
financement interne des investissements.
L'objectif est de bien sérier les différents aspects du financement et de la gestion des
entreprises et consistera à doter chaque projet d'une structure financière arrêtée en fonction de la
capacité de remboursement que dégagera le cash-flow de l'investissement.
A cette fin, il est proposé des mesures touchant aussi bien à la nature des ressources qu'aux
conditions de financement de l'investissement et du fonds de roulement. Pour atténuer les charges de
remboursement et améliorer la rentabilité de nos entreprises socialistes, il nous paraît nécessaire :
- d'admettre, sur le plan financier, la prise en charge à fonds perdus par le budget
d'équipement de l'Etat, de certains coûts
- et d'autre part d'agir en baisse sur les conditions financières de crédits internes.
Propositions :
1) Coûts de l'investissement à la charge de l'Etat
A) Leur définition :
Afin d'alléger les charges des entreprises socialistes et leur permettre d'atteindre un bon
niveau de rentabilité, le budget de l'État supportera désormais certaines dépenses pesant sur les
investissements et, cela soit en assurant leur financement en concours définitifs (terrains,
infrastructure, formation), soit en renonçant à certaines ressources qu'il percevait auparavant
(exonération de la TUGP sur les biens d'équipement importés, taux réduit des droits de douane,
exonération des impôts pendant les cinq premières années de leur activité pour les nouvelles unités).
Il s'agit :
1) de l'infrastructure environnante :
Cette rubrique comprend les travaux d'infrastructure engagés en dehors du site qui est destiné
à servir d'assiette au projet : amenées de fluide, voies de communication.
2) du coût des terrains et des travaux de terrassement pour le nivellement du site. Outre
l'impact sur le coût à la charge de l'entreprise, la finalité consiste à préserver les terrains agricoles
dans le choix des sites destinés aux projets industriels.
3) du coût de la formation professionnelle spécialisée qu'exige le fonctionnement de
l'investissement.
En outre, les frais de gestion des instituts de technologie et des écoles spécialisées doivent
être pris en charge par le budget de fonctionnement de l'État. Ces établissements doivent être dotés
de statuts et leur gestion financière obéir aux règles régissant les dépenses budgétaires.
352
4) de l'exonération de la TUGP sur les biens d'équipement importés, mesure déjà concrétisée
par la loi de finances pour 1978.
5) du taux réduit de 3 % de droit de douane sur les biens d'équipement, prévu par la loi de
finances pour 1978.
6) de l'exonération à compter du ler janvier 1978 de l'impôt pendant les cinq premières années
d'activités des unités de production nouvelles.
B) Les modalités de prise en charge :
La mise en oeuvre du nouveau mode de financement doit distinguer entre les dépenses déjà
exécutées au titre des rubriques de l'investissement qui doivent être régularisées par une prise en
charge du budget de l'État et celles qui interviendraient à l'avenir.
Les dépenses déjà réalisées, à l'exception de celles ayant servi au paiement de la TUGP, sont
imputées au budget d'équipement à concurrence des échéances de remboursement qui leur sont
appliquées. Les prêts Trésor ayant servi au paiement de la TUGP récupérable sont admis en non
valeur.
A l'avenir, les crédits de paiements nécessaires à. la couverture de ces coûts sont inscrits au
budget d'équipement de l'année. Les prévisions des entreprises en besoin de crédits de paiements
annuels doivent distinguer entre les dépenses sur dotations budgétaires au titre de ces coûts et celles
couvertes par les prêts. L'allègement de l'endettement à la charge de l'entreprise avec comme
contrepartie le support des coûts par les ressources fiscales et budgétaires, devra avoir pour
conséquence de rendre aux prêts leur principale signification, à savoir leur remboursabilité.
2) Les conditions du crédit :
A la prise en charge par le budget de l'État d'une partie des coûts de l'investissement, s'ajoute
l'aménagement des conditions liées à l'octroi des prêts.
A) Le mode de financement : Le crédit extérieur.
L'équilibre de nos échanges avec l'extérieur impose, dans les années à venir, l'obligation de
couvrir les coûts en devises des projets industriels par le financement externe. Les importations
d'équipement, les importations de biens et services, notamment dans le cadre des contrats "produits
en mains" et "clés en mains" doivent mobiliser les crédits extérieurs nécessaires à leur paiement.
Cet impératif, en vue de maintenir nos réserves en devises à un certain niveau, compatible
avec le volume de nos activités, ne doit pas exclure la recherche d'une amélioration des conditions de
crédit tant en ce qui concerne la durée et son différé que son coût.
Le crédit interne :
Les projets industriels, ceux des secteurs touristiques et infrastructure économique,
bénéficient d'un financement unique à long terme sur les ressources du Trésor, adapté à la capacité,
de remboursement et prenant en considération les conditions obtenues en matière de financement
externe.
Le crédit à moyen terme bancaire, d'une durée maximum de 5 ans et un différé maximum de
2 ans s'appliquera aux projets d'acquisition de matériels et engins de transport, de traction, de levage,
de manutention et de travaux de génie civil, exception faite pour ceux dont la durée d'amortissement
353
technique exige la mise en place de crédits à long terme. Le taux d'intérêt du crédit à moyen terme lié
aux charges bancaires est de 5,5 %.

Les conditions liées au crédit long terme adaptent la durée du prêt, son différé ainsi que le
taux d'intérêt à la capacité du projet.
a) la durée est fonction du niveau du cash-flow disponible, qui sert de base à la fixation de
l'échéancier de remboursement.
b) le différé de remboursement tient compte à la fois :
- du délai de réalisation et de la période nécessaire au démarrage de l'investissement,
- de la période contractuelle du remboursement des crédits extérieurs.
Le délai de grâce est calculé sur la base de ces deux données, le remboursement du crédit
interne pouvant ainsi intervenir en fonction du cash-flow, après remboursement partiel ou total des
crédits extérieurs. Il ne peut, en tout état de cause, être inférieur à deux ans après la mise en
exploitation de l'unité.
c) le taux d'intérêt du crédit à long terme est fixé à 2,5 % pour les projets industriels,
touristiques et d'infrastructure économique.
Le taux d'intérêt des crédits destinés au secteur de l'habitat collectif est fixé à 1 % sur une
durée de 40 ans à compter de la réception provisoire, la quote-part CNEP équivalente antérieurement
au quart du financement et à un taux d'intérêt de 4,75 % étant supprimée.
Le taux du crédit long terme au secteur agricole est ramené à 2 % quelles que soient la durée
et la nature de l'investissement (plantations, bâtiments...) à l'exclusion des matériels qui sont
financés, en raison de la durée d'amortissement, sur le crédit bancaire à moyen terme au taux
préférentiel de 3,5 %.
d) les intérêts intercalaires sur crédit à long terme sont supprimés pendant les périodes de
réalisation et de démarrage.
Les intérêts intercalaires des emprunts extérieurs seront prélevés sur les crédits internes
réservés à l'investissement de l'unité.
La charge de l'intérêt du prêt à long terme est décomptée deux années après la date de mise en
production.
Financement du fonds de roulement :
Les crédits nécessaires au fonds de roulement de l'investissement doivent être prévus dans le
coût global du projet et mobilisés pendant la phase de démarrage.
Cette rubrique, qui doit figurer dans la décision d'individualisation, comprend les fonds
nécessaires à la couverture des frais de gestion de l'unité, compte tenu des caractéristiques de sa
production, de sa commercialisation et de ses réserves financières.
Le taux préférentiel de 2,5 % pour l'emprunt à long terme contracté par l'unité pour couvrir
ses besoins en fonds de roulement doit demeurer limité à la phase initiale.

354
Dès l'atteinte de la pleine capacité d'utilisation des moyens de production, l'unité devra
assurer l'auto-financement de ses besoins en fonds de roulement.
Avec une structure financière de l'ensemble de l'investissement adaptée au cash-flow, un
allègement sensible de son endettement pour la formation du capital, l'unité socialiste sera à même
d'assurer le financement d'une partie de ses actifs circulants. L'auto-financement du fonds de
roulement implique une gestion rigoureuse des approvisionnements et des stocks d'une façon
générale, une programmation de la production en fonction du cycle technico-commercial et un
recouvrement du produit de ses ventes dans des délais normaux.
Période de montée en cadence et crédits-relais :
Le remboursement du crédit extérieur peut intervenir, compte tenu des conditions liées à ce
crédit, pendant la phase de démarrage et mime dans certains cas, au cours de la période de
réalisation. Un crédit-relais interne est nécessaire pour faire face aux échéances de remboursements
du crédit extérieur.
Tout en n'ayant pas d'impact sur le coût global de l'investissement, le crédit-relais nécessite
cependant l'apport de ressources nouvelles sur le plan interne. En conséquence, les fonds nécessaires
au titre du crédit-relais doivent le cas échéant, figurer dans le plan de financement du projet arrêtant
sa structure financière, et les crédits correspondants doivent être dégagés dans les autorisations de
financement annuelles des investissements planifiés des entreprises.
En définitive, le système de financement sur prêts destinés aux investissements s'articule
autour de la notion de capacité de remboursement des projets. Après délimitation et prise en charge
d'une partie des coûts par le budget de l'Etat, le cash-flow servira à déterminer la durée du différé et à
fixer l'échéancier du prêt qui inclut éventuellement un crédit-relais pour le paiement des annuités de
l'emprunt externe.
Cependant, trois aspects de la politique de financement des investissements méritent d'être
clarifiés.
En premier lieu, les investissements des entreprises, pour lesquelles les conditions de
financement développées ci-dessus se révèlent en tout état de cause inadaptées, en raison de
l'insuffisance de la capacité de remboursement, doivent pouvoir bénéficier, si l'opportunité de leur
réalisation s'avère de toute façon indispensable, d'un financement spécifique.
En effet, il est inutile de doter au départ un investissement d'une structure financière basée sur
des crédits remboursables alors que sa rentabilité, quelles que soient les raisons avancées d'hostilité
de l'environnement ou de difficultés de gestion, nécessite un financement au moins partiel sur
ressources budgétaires.
Ainsi, lorsqu'à l'avenir l'étude d'un projet d'investissement révélera une gestion prévisionnelle
déséquilibrée, le Gouvernement aura la faculté de statuer :
- soit sur l'octroi d'un financement sur concours définitif couvrant une partie ou la totalité du
coût de l'investissement,
- soit sur le rejet pur et simple de l'investissement, s'il ne le juge pas éligible, d'un
financement partiel à fonds perdus.

355
Dans le même ordre d'idée, et après l'expérience du plan triennal et des deux plans
quadriennaux, il convient en effet de s'interroger si le critère de rentabilité financière, entendu dans le
sens de la capacité pour l'investissement productif de régénérer son renouvellement et de permettre le
recyclage des ressources qui ont servi à son financement, ne mérite pas d'être pris sérieusement en
considération dans la méthodologie d'évaluation des projets. D'une façon générale, en effet, et hormis
certains cas, les aspects valorisation de la production, accumulation et couverture des charges de
gestion de l'investissement dans sa phase de fonctionnement sont souvent relégués au second plan,
voire éludés, au niveau de l'étude initiale qui détermine le choix de l'investissement et fixe les
données techniques et économiques.
Aussi, à l'avenir, il nous paraît de la plus haute importance que l'étude technico-économique
d'évaluation des projets intègre les projections financières dont la prise en considération doit
permettre d'adapter le financement et d'assurer l'équilibre de la structure financière de
l'investissement.
Dans ce cadre, il doit également être fait mention spéciale de la pratique devenue
systématique de réévaluation des projets en cours de réalisation. Hormis le cas où la réévaluation du
coût initial est la résultante de l'accroissement des capacités de production du projet, celle n'affectant
que les coûts fausse la structure initiale du financement et rend la remboursabilité des prêts accordés
aléatoire. Aussi, l'évaluation des coûts des projets doit-elle être effectuée dès le départ avec la plus
grande rigueur possible de façon à les doter d'une structure financière équilibrée et, partant de là, à
adapter la planification de nos ressources et de leurs emplois à la capacité réelle d'accumulation du
secteur productif.

356
ANNEXE N° 7 : Extrait d'une note remise au regretté Président
BOUMEDIÉNE le 22 mai 1978 à la suite des débats du Conseil des
Ministres sur les perspectives financières de l'Algérie, débats au cours
desquels l'évolution du prix du pétrole a été évoquée. Une copie de cette
note a été communiquée au Président Chadli BENDJEDID, au
lendemain de son élection à la Présidence de la République.

357
RÉPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE

MINISTERE DES INDUSTRIES LÉGÈRES

LE MINISTRE Alger, le 22 mai 1978

NOTE D'INFORMATION

2°) Des éléments recueillis auprès des milieux de… (il s'agit d'une banque américaine ayant
une activité à l'échelle internationale) permettent de noter que la (Banque...), sans qu'elle le montre
officiellement, notamment à travers les documents qu'elle fait circuler, a révisé en hausse, dans ses
calculs économiques, le prix du pétrole pour les prochaines années. Les experts de (la Banque...)
considèreraient que les prix du pétrole doubleraient, en valeur constante, d'ici 1985 et que le
mouvement vers la hausse, de ces prix, débuterait en 1979, sans qu'il soit précisé s'il s'agit du début
ou de la fin de cette année. Cette hausse s'effectuerait par paliers pour atteindre donc, en 1985, le
doublement des prix actuels en valeur constante, ce qui supposerait, ainsi, un chiffre avoisinant les
30 dollars US par baril.
Une telle approche, visant à parvenir par paliers progressifs et successifs, à une aussi forte
augmentation, rejoint la proposition avancée par l'Algérie, lors du Sommet de l'OPEC d'Alger en
mars 1975 et reprise, depuis lors, à différentes réunions de cette organisation.
Par ailleurs, le fait que les experts de la (Banque...) retiennent, comme hypothèse de travail, le
doublement des prix du pétrole d'ici 1985 et le redémarrage du mouvement vers la hausse de ces prix
dès l'année 1979, montre qu'il s'agit d'une évolution entrant parfaitement bien dans la logique ainsi
que dans la perspective des intérêts américains et de la stratégie que les Etats-Unis comptent mettre
en oeuvre, pour la définition et la conduite de leur politique énergétique.
II. - On sait, en effet, que les Etats-Unis ont toujours eu pour préoccupation majeure, au cours
de leur histoire, et tout au moins depuis que le pétrole a commencé à jouer un rôle déterminant dans
la vie économique, tout particulièrement celle des pays industrialisés, de veiller à l'indépendance de
leur approvisionnement, c'est-à-dire de faire en sorte que cet approvisionnement soit assuré, pour
l'essentiel, à partir de ressources internes ou, à défaut, de ressources relevant de la souveraineté amé-
ricaine, comme les gisements se trouvant dans les eaux territoriales des Etats-Unis ou dans les limites
de leur zone économique d'intéressement dans les océans qui leur sont riverains. Cette préoccupation
majeure de la politique américaine ressurgit aujourd'hui, avec plus de relief, comme le pivot de la
nouvelle politique énergétique que les Américains entendent suivre, quelle que soit, du reste,
l'administration au pouvoir à Washington, ainsi que cela s'affirme à travers les changements
intervenus récemment dans la direction politique des Etats-Unis. Les dirigeants américains et tous
ceux qui contribuent à former la pensée politique, économique et militaire des Etats-Unis visent, à
358
travers leur stratégie, à mettre constamment hors d'atteinte, les facteurs sur lesquels se fonde la
puissance de leur pays dans le monde.
A ce titre, ils ne peuvent admettre que leur approvisionnement en pétrole ait pour source
principale des gisements se trouvant à des milliers de kilomètres des frontières américaines et se
situant à quelques heures d'avion des frontières de l'URSS et que cet approvisionnement soit
acheminé à travers des routes transocéaniques infestées de sous-marins soviétiques à propulsion
nucléaire.
Ainsi, s'explique l'option des Américains en faveur du développement de l'utilisation du
charbon, de la mise en valeur, même aux prix d'investissements considérables et parfois risqués, des
gisements d'hydrocarbures de l'Alaska et des zones polaires et, enfin, de l'intensification des efforts
de prospection, tant sur le continent qu'en mer, y compris les zones maritimes profondes ou
recouvertes par les glaces.
Une telle option, dictée par des considérations tant politiques et stratégiques qu'économiques,
en raison de l'impact des importations de pétrole sur les échanges commerciaux des Etats-Unis avec
l'extérieur et la balance des paiements américaine, conduit, assurément, les Américains en
conviennent sans aucune difficulté, à une énergie chère. Bien plus, le relèvement du prix de l'énergie
constitue le principal levier sur lequel s'appuie le programme énergétique présenté au Congrès par la
Maison Blanche, aussi bien en ce qui concerne les économies de consommation à réaliser en vue de
parvenir à la limitation des importations que pour ce qui est des incitations à promouvoir pour impul-
ser et favoriser la production nationale des hydrocarbures.
Il tombe, dès lors, sous le sens, que les États-Unis, qui ont choisi d'imposer à leur économie
une énergie à coût élevé, ne peuvent se résigner à laisser, aux autres pays industrialisés et notamment
à leurs grands concurrents que sont l'Europe des neuf et le Japon, la possibilité de bénéficier d'un
approvisionnement énergétique à bon marché, ou tout au moins, à un coût moins onéreux que celui
que supporte l'économie américaine, encore que les Américains ne seraient nullement dérangés de
voir l'Europe et le Japon payer, pour leur énergie, un prix plus cher que celui appliqué aux Etats-
Unis. La fameuse thèse, avancée naguère par le Dr Kissinger, d'un prix plancher à fixer pour le
pétrole importé, notamment en provenance des pays membres de l'OPEC, s'étant révélée irréaliste et
constituant, par ailleurs, pour les pays industrialisés dont l'approvisionnement en hydrocarbures sera
fondé principalement sur l'importation, une source de revenus fiscaux considérables qui pourrait
donner, aux gouvernements de ces pays, des moyens d'offrir à leurs entreprises des compensations
destinées à atténuer le poids du prix de l'énergie dans leur coût et à. renforcer, ainsi, leur
compétitivité sur les marchés internationaux, par rapport aux entreprises américaines, il ne reste
d'autre voie, pour les Etats-Unis, s'ils veulent maintenir l'équilibre, du point de vue des conditions de
l'approvisionnement en énergie, entre leur économie et celle des autres grands pays industrialisés,
que la hausse du prix mondial du pétrole.
On comprend, ainsi, les raisons et les présomptions sur lesquelles se fondent les experts de la
(Banque...) pour l'évaluation du prix du pétrole dans l'avenir. Il s'agit bien d'une évaluation qui se fait
dans le sens de l'évolution souhaitée par les intérêts américains.

359
III. - Les informations ainsi recueillies auprès des milieux de la (Banque...) appellent un
certain nombre d'observations, qui pourraient concerner l'action de l'Algérie, tant dans le domaine du
développement que sur le plan diplomatique.

1°) Le relèvement éventuel du prix du pétrole ne manquera pas d'entraîner, donc, celui des
produits vendus par les pays industrialisés, et en particulier, des équipements et de tout ce qui touche
à la technologie. Aussi, avons-nous intérêt, dans toute la mesure où le permettent nos possibilités, à
ne retarder aucun de nos projets et à accélérer le lancement et la réalisation de nos investissements
dans tous les domaines. Tout retard nous conduira inéluctablement à des renchérissements
grandissants dans l'avenir, ce qui nous fera perdre ou diminuer les avantages à retirer de l'éventuelle
augmentation du prix du pétrole.
2°) La relative aisance avec laquelle l'Algérie trouve les emprunts nécessaires à la réalisation
de ses projets, alors qu'on la présente partout comme un pays dont la dette extérieure a atteint ou
dépassé les limites de ce qui est tolérable, peut s'expliquer, sans doute, en plus des raisons qui
tiennent à la concurrence que se livrent en ce moment les pays industrialisés pour conquérir les
marchés des pays en voie de développement, par le fait que les sphères financières américaines, ...
évaluent nos ressources futures, non pas sur la base des prix actuels que la prudence nous commande
de retenir comme seuls valables dans l'établissement dé nos calculs, mais sur la prise en compte des
prix que les Américains, assez bien placés au sein des centres de décisions qui agissent sur le marché
pétrolier, considèrent comme les prix représentatifs de l'avenir. Vue dans cette optique, la situation
financière future de l'Algérie apparaît sous un angle doublement favorable des revenus en nette
augmentation et une dette extérieure qui aura été substantiellement entamée par l'inflation au
moment de ses échéances de remboursement.
3°) La perspective d'une amélioration des revenus tirés de la vente de nos hydrocarbures ne
doit, en aucun cas, nous conduire à renoncer aux règles de prudence raisonnée et au réalisme qui ont
toujours guidé notre politique de développement, notamment en ce qui concerne ses implications en
matière d'emprunts extérieurs. Nous devons continuer à maintenir nos engagements sur l'avenir dans
la limite, et avec les réserves de sécurité nécessaires, de ce que seront nos ressources financières
futures, en tablant sur les seuls résultats à attendre de la valorisation de nos richesses naturelles telles
que nous les connaissons actuellement et sur la base des prix établis contractuellement. La limite qui
détermine, ainsi, la mesure de nos engagements peut se modifier et s'élargir, si les présomptions sur
l'augmentation des prix du pétrole venaient à se confirmer concrètement.
Par contre, tant pour l'accroissement de nos ressources futures telles qu'elles découlent de nos
estimations actuelles qu'en vue de maximiser davantage les résultats à tirer d'une éventuelle
augmentation des prix du pétrole, il convient de ne négliger aucun effort pour relever le niveau de
nos réserves et celui de notre production en hydrocarbures.
Pour cela, il importe, en plus des investissements intensifs en cours pour le développement de
la production, de donner une vigoureuse impulsion à la prospection, notamment dans la région de
Rhourde Nouss, qui n'a pas encore révélé tous ses secrets en gaz, en condensat et en huile, dans l'Erg
Oriental dont les potentialités s'annoncent prometteuses, tout particulièrement dans la zone d'El-
Borma, alors qu'il demeure encore pratiquement inexploré, dans les périmètres de Ouargla et de

360
Hassi-Messaoud où les possibilités de nouvelles découvertes d'huile existent, autour de Hassi-
Messaoud dont on ne connaît pas tous les prolongements et, enfin, dans la partie centrale et
occidentale du Sahara, spécialement la région de l'Erg Occidental dont la prospection sismique ouvre
d'assez bonnes perspectives, non seulement en gaz mais aussi en huile.
4°) Des études, publiées aux Etats-Unis par des organismes jouissant d'une certaine notoriété
dans les milieux économiques et scientifiques, laissent percer une évolution de l'attitude américaine
envers l'OPEC.
Les auteurs de ces études, partant du fait que le problème majeur, en ce qui concerne le
pétrole dès
le début de la prochaine décennie, demeure celui de sa disponibilité, considèrent que les pays
membres de l'OPEC sont appelés à jouer un rôle essentiel dans la solution de ce problème et qu'à ce
titre, ils représentent, pour les pays industrialisés, non plus un facteur de confrontation, mais des
partenaires avec lesquels il faudra rechercher les bases d'un rapprochement durable et d'une
coopération à long terme.
Ce sera donc l'occasion, pour l'OPEC, de mettre en jeu le poids de son apport à la solution du
problème énergétique mondial en vue d'influer sur l'évolution des rapports existants entre le Tiers
Monde et le Monde développé et, en premier lieu, ceux de ses pays membres avec les pays
industrialisés. Ces derniers traversent, comme on le sait, une crise profonde, marquée par
l'inutilisation de capacités productives immenses que sont les millions de travailleurs en chômage et
les usines fermées ou tournant à un rythme réduit.
Ils peuvent trouver, dans les besoins en croissance des pays producteurs d'hydrocarbures et,
en général, dans ceux du Tiers Monde, la locomotive qu'ils recherchent pour la reprise de leur propre
croissance, sans encourir le risque d'une relance intensive de l'inflation. Les idées avancées dans ce
sens par l'Algérie, il y a quelques années, pourraient être reprises et actualisées pour redonner, au
dialogue Nord-Sud, une nouvelle impulsion...

361
ANNEXE N° 8 : Extrait d'une note remise au Président Houari
BOUMÉDIENE le 29 octobre 1977 sur le financement des
investissements et l'endettement extérieur

362
RÉPUBLIQUE ALGÉRIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE

MINISTÈRE DES INDUSTRIES LEGERES

LE MINISTRE

NOTE COMPLÉMENTAIRE A LA NOTE DE


PRÉSENTATION DES PROPOSITIONS DU MINISTÈRE DES INDUSTRIES LÉGÈRES
CONCERNANT LE PROGRAMME D'INVESTISSEMENT 1978

Il ressort des différents contacts établis actuellement avec les milieux industriels et financiers
des grands pays industrialisés occidentaux, et même avec les responsables, à l'échelon
gouvernemental, de l'économie de ces pays, que l'Algérie ne rencontrera pas beaucoup de difficultés
à obtenir les crédits nécessaires à la réalisation de ses projets de développement industriel, tout
particulièrement pour ce qui est des grands projets des secteurs des hydrocarbures, de la pétrochimie,
de la mécanique et de la métallurgie.
Aussi, le problème qui se pose en ce moment à l'Algérie au sujet du financement nécessaire à
la poursuite de son développement, se pose-t-il, moins au plan de l'obtention des crédits qu'à celui du
niveau qu'atteint son endettement extérieur et de la croissance encore accrue que va connaître cet
endettement, dans le proche avenir, comme conséquence du lancement de tous les projets arrivés
actuellement à maturité.
Le volume, l'évolution et les caractéristiques de cet endettement n'échappent certainement pas
à l'attention des milieux économiques occidentaux, qui continuent, pourtant, à manifester leurs
bonnes dispositions à l'égard de l'Algérie en matière de financement. Au point que l'on peut même
dire que la crédibilité et la solvabilité de l'Algérie semblent n'avoir jamais été aussi fortes que depuis
que l'on parle de ce que certains milieux appellent l'aggravation de la dette extérieure de l'Algérie.
N'est-il pas significatif de signaler qu'une délégation algérienne, qui s'est rendue récemment en
Guinée pour discuter des projets relatifs à la coopération avec ce pays dans l'exploitation du fer et de
la bauxite, s'est entendue dire, tant par des officiels guinéens que par des représentants de la Banque
Mondiale, qu'elle a rencontrés à Conakry, que la participation algérienne aux projets guinéens était
considérée, par les partenaires occidentaux, comme vitale pour ces projets, en raison de la garantie
que leur apporteraient la crédibilité et la solvabilité de notre pays, crédibilité et solvabilité qui ne
faisaient aucun doute pour les milieux industriels financiers internationaux, selon les propos
recueillis par notre délégation auprès de ses interlocuteurs cités plus haut.
On serait tenté de penser qu'il existe une certaine dose de machiavélisme dans les bonnes
dispositions que manifestent, ainsi, ces milieux à l'égard de l'Algérie. Ce machiavélisme consisterait
à encourager l'Algérie à se laisser entraîner dans un endettement tel qu'elle se trouverait un jour

363
acculée, pour sortir de l'impasse dans laquelle elle se serait engagée, à se plier aux conditions non
seulement économiques mais aussi politiques que lui dicteraient alors ses créanciers.
En réalité, il existe de bonnes raisons d'estimer que la réalité ne laisse pas présager des
perspectives aussi sombres et que, dans l'éventualité d'une situation difficile pour assurer le service
de sa dette extérieure, l'Algérie ne se trouvera pas dépourvue d'atouts importants et déterminants.
En effet, l'endettement de l'Algérie n'a rien de comparable et de similaire à celui des pays, tels
que le Chili, le Pérou, le Brésil, l'Égypte, le Zaïre ou même l'Inde, connue, en ce moment, pour les
problèmes dans lesquels ils se débattent, sur le plan de leurs relations économiques extérieures et
même de leur position diplomatique internationale, par suite de leurs difficultés ou de leur incapacité
à tenir leurs engagements envers leurs créanciers.
La vérité est que la situation difficile de ces pays procède moins du volume de leur
endettement et de leur défaillance à faire face aux échéances arrivées à terme que du fait qu'ils ne
disposent d'aucune possibilité susceptible de rétablir leur solvabilité dans l'avenir, soit qu'ils se
trouvent dépourvus de ressources ou de capacités de production en cours de maturation aptes à leur
procurer des revenus (cas de l'Égypte ou de l'Inde), soit que les ressources dont ils disposent
demeurent suspendues à une conjoncture incertaine (cas du Zaïre, du Pérou et du Chili).
Le cas de l'Algérie se distingue fondamentalement de celui de ces pays et le caractère de son
endettement ne s'apparente nullement à celui d'une banqueroute. Pour notre pays, il s'agit simplement
de trouver le moyen de surmonter l'obstacle d'une période s'étendant sur les trois ou quatre
prochaines années où il doit réaliser les investissements nécessaires à la mise en mouvement de flux
financiers en devises dont la certitude ne soulève plus aucun doute. Le problème consiste donc, pour
l'Algérie, à trouver les moyens et les concours requis pour jeter la passerelle qui établira le relais
avec la période où ces flux attendus en devises commenceront à couler.
Le problème majeur, qui demeure alors, revient simplement à faire en sorte que nos différents
engagements à contracter, pendant les toutes prochaines années, se cumulant à ceux déjà pris dans le
passé, soient maintenus à un niveau compatible avec les ressources dont nous disposerons, lorsque
nous aurons atteint la pleine valorisation de nos potentialités en hydrocarbures et de nos capacités de
production industrielles et agricoles. Un travail de projection permanente, sur le moyen et le long
terme, de nos engagements et de nos ressources nous permettra d'assurer la conduite de notre
politique de développement et de gestion de notre économie, dans les meilleures conditions possibles
pour la sauvegarde de nos équilibres extérieurs dans l'avenir.
Pour l'immédiat, il convient de mettre en valeur les facteurs sur lesquels doit se fonder notre
action pour créer ou obtenir les moyens destinés à nous permettre de traverser les années difficiles
qui s'annoncent sans avoir à bloquer ou à gêner notre développement et sans condamner notre
population à des restrictions intolérables. En d'autres termes, il suffit de parvenir, au cours du
prochain plan quadriennal, à l'étalement de certaines échéances de notre dette extérieure ou
d'acquérir les concours nécessaires pour relayer ces échéances jusqu'à la période qui suivra l'achè-
vement de ce plan.

364
Les facteurs qui seraient, ainsi, à mettre en valeur, seraient les suivants :
1°) Les réserves en hydrocarbures renfermées dans notre sous-sol et dont la réalité est
maintenant établie sur des bases non récusables, non seulement en ce qui concerne leur existence,
mais aussi pour ce qui est de l'extraction de la partie qui en est récupérable et de sa valorisation.
Cette réalité repose :
- d'une part, sur les études techniques qui ont déjà été effectuées, à cet effet, par les
organismes les plus qualifiés jouissant d'une autorité largement reconnue dans les milieux
internationaux et qui ont été menées sur la base des résultats provenant de travaux
approfondis exécutés sur le terrain et,
- d'autre part, sur le fait que de grandes sociétés internationales et, par delà ces sociétés, de
grands pays industrialisés ont conclu avec l'Algérie, tant pour le gaz naturel que pour le
condensat, des contrats fermes d'achat, qu'on ne saurait continuer à considérer, maintenant,
comme de simples hypothèses de travail, puisqu'ils s'intègrent, désormais, comme des
composantes essentielles dans les plans d'approvisionnement en énergie de ces pays.

2°) La réalisation des installations industrielles, des ouvrages de transport et d'infrastructure,


ainsi que tous les travaux nécessaires à l'extraction, à la production et à l'expédition des produits
renfermés dans les gisements composant les réserves algériennes, sont largement engagés :
- L'ensemble des installations nécessaires à la mise en production complète du gisement de
Hassi R’Mel, principale source de gaz naturel et de condensat, sont en cours de construction
- tandis que celles relatives aux autres gisements sont déjà lancées ou sont en voie de l’être.
- la presque totalité du réseau de canalisations destinées, tant au transport du brut qu'à celui
du condensat, des GPL et du GN sont, soit en chantier, soit à l'étape de l'appel d'offres ou de
la négociation des contrats de réalisation ou de fourniture, l'engineering étant achevé, soit,
enfin, au stade d'un engineering entamé, sinon bien avancé.
- Les usines de liquéfaction destinées à la production du GNL sont en chantier, bien au-delà
des besoins des contrats déjà formellement approuvés, sans compter que les contrats de
construction d'autres usines sont près d'être conclus et font l'objet d'une compétition qui
témoigne des possibilités que peut mobiliser l'Algérie pour assurer son développement.
- L'infrastructure portuaire de l'Algérie, en voie d'achèvement, en ce qui concerne les
hydrocarbures, est dotée d'une capacité d'accueil et d'expédition, à la mesure des engagements
pris par l'Algérie.
Ces facteurs, mis ensemble, font que les revenus sur lesquels table l'Algérie, pour s'endetter et
poursuivre son effort de développement, ne sont pas des mythes ou des mirages, mais représentent
bien des réalités qui se dessinent nettement et clairement à l'horizon. De plus, ce sont des réalités
dont tous les éléments de mesure sont connus et que l'on peut, donc, quantifier de manière précise.
Par ailleurs, s'ajoutant aux facteurs liés aux hydrocarbures, l'Algérie dispose d'autres facteurs
dont la mise en jeu aura, dans l'avenir, des effets de plus en plus sensibles sur l'amélioration de sa
balance commerciale et sur le redressement de l'équilibre de ses échanges extérieurs, tant par la

365
substitution aux importations que par l'amorce et le développement d'exportations substantielles et
variées ; ce sont essentiellement la métallurgie, les produits miniers, l'industrie des engrais, les
cimenteries, les textiles, les conserveries alimentaires et tout ce que pourra donner l'amélioration de
la production agricole. Il s'agit, là encore, de réalisations dont l'existence s'affirme sur le terrain et
dont les résultats sont quantifiables et reposent sur des données qui sont à la portée de tous.
Ainsi, les ressources qu'offre l'Algérie, en gage de sa solvabilité, au même titre, du reste, que
les acquis et les réalisations déjà achevées qu'elle est en mesure également de citer, maintenant,
comme des répondants de la crédibilité de ce qu'elle entreprend, ne font plus l'ombre d'un doute et
constituent, entre les mains de nos négociateurs, des atouts d'un poids déterminant.
Dès lors et à partir de ces données, la question qui se pose est de savoir comment agir, pour
créer les conditions qui permettraient à l'Algérie de passer le cap des trois ou quatre prochaines
années et d'assurer le maintien de l'équilibre de ses échanges extérieurs.
1°) Dans une première phase, essayer d'obtenir :
- la plus grande quotité possible de crédits libres, de la part aussi bien des acheteurs du gaz
que des groupes intéressés aux fournitures destinées aux projets relatifs aux hydrocarbures ;
- une durée plus longue et un différé plus large, couplé avec une capitalisation ou un
refinancement des intérêts intercalaires, pour les crédits liés.
Le planning de l'approvisionnement en énergie des pays destinataires du GNL algérien
devenant de plus en plus serré et l'Algérie étant, dans la conjoncture actuelle, le seul pays au monde à
promouvoir un vaste programme de construction d'usines de liquéfaction, il sera difficile à nos
partenaires, pour des raisons touchant simplement aux aménagements que demanderait l'Algérie en
ce qui concerne les problèmes de financement, de laisser échapper les occasions que leur offre notre
pays pour leur approvisionnement en énergie et pour assurer les plans de charge de leurs industries,
particulièrement celles ayant une haute valeur ajoutée et utilisant une technologie avancée ne
s'adressant qu'à une clientèle limitée.
De plus et pour faciliter les arrangements nécessaires, l'Algérie pourrait éventuellement
consentir, en compensation des facilités de financement qui lui seraient accordées, des réductions
relativement mineures sur le prix du gaz à fournir, comme cela s'est effectué avec la Belgique. Dans
le même ordre d'idées, l'Espagne a consenti à l'Algérie, à des conditions très avantageuses, un crédit
libre de 150 Millions de dollars et un crédit lié encore plus important, en vue d'obtenir la priorité
d'accès aux livraisons de GNL, provenant des lignes 5 et 6 de l'usine de Skikda, ces lignes présentant,
pour ce pays, l'avantage de raccourcir les délais nécessaires pour recevoir de nouvelles fournitures de
gaz. Le même argument a joué avec la Belgique qui s'est située, grâce aux conditions de ses crédits,
en priorité sur GNL 2 et avec l'Italie, pour laquelle l'Algérie se présente, en ce moment, comme la
source la plus rapprochée, dans le temps et dans l'espace, pour la couverture de ses besoins
supplémentaires en gaz, qui s'expriment avec une urgence accrue.
2°) Dans une seconde phase, quand tous les contrats de vente de gaz auront été approuvés et
pris en compte, par les pays destinataires de ce gaz, dans leurs plans d'approvisionnement à moyen et
à long terme et lorsque la plupart ou la totalité des grands projets, aussi bien pétroliers qu'industriels,
auront été engagés, l'Algérie pourra, sans que sa crédibilité en ait à pâtir, faire état de ses difficultés à
régler certaines échéances et demander, en conséquence, que ces échéances soient reportées jusqu'au
366
moment où elle commencera à exporter de nouvelles quantités de GNL et de condensat. Encore une
fois, il y a lieu de noter que la crédibilité de l'Algérie ne se trouverait vraiment affectée que dans le
cas où les revenus attendus de la mise en marche des installations, alors en cours de réalisations,
s'avèreraient insuffisants pour faire face à ses engagements financiers et à la couverture des besoins
de son économie. Par contre, des pays comme les U.S.A., la R.F.A. et la France ne disposent
pratiquement pas, dans les conditions actuelles, d'une source alternative à l'Algérie, en ce qui
concerne leurs approvisionnements en gaz naturel, tout au moins avant la deuxième moitié de la
prochaine décennie. Les U.S.A. pourraient encore spéculer sur les ressources de l'Arctique ou bien
sur ce que l'on appelle les sources alternatives au pétrole, mais tout semble indiquer que de telles
possibilités, si elles devaient jamais s'avérer comme crédibles, n'arriveraient pas à maturité avant
1985, dans une hypothèse optimiste. Or, l'enjeu porte précisément sur la première moitié des années
80. C'est bien maintenant le moment pour l'Algérie d'exploiter à son avantage l'urgence à laquelle
sont confrontés les pays industrialisés pour ces années-là, en vue de tirer le plus large profit de
l'avance qu'elle a acquise par les efforts qu'elle a consacrés, dans le passé, à gagner une position
d'avant-garde sur le marché du GNL et du condensat.
Là aussi et en cas de besoin, afin de faciliter les arrangements recherchés, l'Algérie pourrait
offrir quelques aménagements à négocier sur le prix de vente du gaz, comme l'on pourrait concevoir
également des accords sous forme de paiements anticipés, par nos partenaires, sur les livraisons
d'hydrocarbures qui leur sont destinées.
Du reste, des approches similaires ont été déjà tentées, dans le passé, en ce qui concerne les
ventes à long terme de brut.
Faut-il ajouter que l'Algérie est appelée, suivant des plans maintenant établis et dont le
sérieux est reconnu par les pays intéressés, à devenir un fournisseur non négligeable d'uranium.
Les quantités en cause ainsi que leur valeur peuvent sembler peu importantes, mais il s'agit
d'un domaine où l'aspect qualitatif l'emporte de beaucoup sur le poids et la valeur des fournitures,
puisque nous nous trouvons à une période où le problème le plus urgent qui se pose, aux producteurs
d'énergie, est celui de l'accès aux sources potentielles et certaines du combustible nucléaire. C'est là
un atout qui pourrait, tout au moins dans certains cas, aider l'Algérie à convaincre ceux de ses
partenaires dont l'accord serait nécessaire pour surmonter les difficultés éventuelles qui naîtraient du
poids de notre dette extérieure.
Cette méthode, pour tout dire, "du fait accompli" en vue de forcer la main de nos partenaires
en ce qui concerne l'aménagement de notre dette extérieure dans les immédiates prochaines années,
est à utiliser particulièrement avec le Japon, avec lequel nous avons un déficit commercial de plus en
plus accru, argument auquel ce pays est sensible et même, en quelque sorte, familier. Elle est à
utiliser surtout et avec une certaine vigueur avec la France, pays qui se refuse encore à accorder, au
problème de l'équilibre de ses échanges avec l'Algérie, l'attention qu'il mérite, mais qui n'hésite pas à
prendre des positions avant-gardistes, mêmes agressives, quand il s'agit de rééquilibrer ses échanges
avec les autres, comme cela se passe avec le Japon et avec les Pays du Tiers-Monde exportateurs
d'excédents en produits textiles.
En ce qui concerne la France, on pourrait, ainsi, faire état des éléments suivants :

367
- la faible participation de la France aux emprunts financiers que l'Algérie a contractés jusqu'à
présent sur les places financières internationales, bien que la France soit le pays qui tire
avantage depuis longtemps de nos importations et qu'il lui eût suffi, à la différence de ce que
nous avons obtenu d'autres, de nous consentir des crédits dans sa propre monnaie. La France
a préféré renoncer au GNL des lignes 5 et 6 de Skikda, plutôt que d'accorder, à l'Algérie et en
Francs Français, le crédit libre que ne lui a pas refusé l'Espagne en dollars.
- les avantages dont profite la France sur le plan des services, grâce au volume de ses
échanges, et tout particulièrement de ses exportations, sur l'Algérie, avantages encore accrus
par le fait des bi-pôles établis avec ce pays, en ce qui concerne les transports maritime et
aérien, qui se caractérisent par la pratique de tarifs élevés par rapport à ceux qui sont en
usage, au niveau mondial, à un moment où sévit une crise dans les frets maritimes aussi bien
qu'aériens.
- Les gains considérables en devises dont bénéficie la France par le fait de la compensation
privée qui se déroule et s'amplifie entre la France et l'Algérie. Le jeu des compensations prive
l'Algérie d'une rentrée substantielle de devises et équivaut à un transfert de capitaux en faveur
de la France et au détriment de l'Algérie dont la balance de paiements, déjà lourdement
affectée par le déficit de ses échanges commerciaux avec la France et par l'insuffisance de la
participation de ce pays à nos emprunts financiers, se trouve ainsi touchée par une nouvelle
cause de détérioration. Alors que la plupart des pays industrialisés, qui accueillent une main-
d’œuvre immigrée, versent, en contrepartie de l'apport de cette main-d’œuvre, des montants
importants en devises aux pays d'origine des travailleurs qu'ils utilisent, la France est le seul
pays à tirer profit à la fois du labeur des immigrés algériens et du maintien chez elle d'une
part considérable des capitaux provenant des économies de ces immigrés. Certes, la France
peut prétendre que son Gouvernement n'assume aucune responsabilité dans les jeux de la
compensation qui se déroulent entre personnes privées ; il n'en demeure pas moins qu'elle tire
profit de la situation créée par l'existence de cette compensation. Le volume atteint par cette
compensation, qui peut être évalué par une étude d'experts, en fait une affaire qu'il est de plus
en plus difficile d'ignorer au niveau des Gouvernements. La réalité et l'ampleur de l'avantage
dont bénéficie ainsi la France devraient donner lieu, de la part de cette dernière, à une
contrepartie, qui pourrait, pour le moins, s'exprimer à travers un aménagement des conditions
de la dette de l'Algérie à l'égard de la France.
Une telle politique implique, naturellement, que nos revenus futurs soient d'une certitude
quasi absolue et ne soient obérés par aucun aléa. En dehors des aléas, que tout semble écarter
maintenant, pour ce qui est de la sûreté des contrats de vente et de la viabilité des réalisations
industrielles, certains seraient encore tentés, peut-être, d'émettre une incertitude quant au maintien,
dans l'avenir, du niveau actuel des prix du pétrole. Dans l'état actuel des choses, seule l'éventualité
d'une mainmise de l'armée américaine sur les gisements de pétrole saoudien, agitée par les milieux
israéliens, paraît constituer la chance que caressent certains pays occidentaux d'assister un jour à une
chute brutale des prix du pétrole. Or, même dans cette éventualité, il semble peu vraisemblable de
voir les Américains aller au-delà d'un certain gel des prix aux alentours de leur niveau actuel,
désireux qu'ils sont, à la fois, de développer leurs sources énergétiques internes qui requièrent des
prix élevés et de ne pas retourner à une situation qui avantagerait surtout les pays industrialisés qui

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sont leurs concurrents, les U.S.A., de par les conditions qui leur sont propres, étant condamnés à
maintenir une politique énergétique chère. A cela, s'ajoute le fait non négligeable que la Grande-
Bretagne, qui occupe une position prédominante parmi les producteurs de la Mer du Nord, ne laissera
certainement pas facilement lui échapper des mains l'avantage que la Mer du Nord lui assure sur ses
partenaires et concurrents continentaux, sur lesquels elle a un retard notable à rattraper pour assurer
sa survie en tant que puissance industrielle.
Avec le lancement de son troisième plan pluriannuel de développement, l'Algérie aborde une
phase cruciale de son édification sociale et économique. Cette phase pose des problèmes qui sont
d'une nature différente par rapport à ceux que notre pays a surmontés auparavant. Ces problèmes
nouveaux appellent, aussi, des décisions d'une qualité nouvelle, qui demandent beaucoup de
réflexion et d'imagination, choses également pour lesquelles l'Algérie n'est nullement dépourvue de
ressources.
Une telle façon d'agir, ... est de nature, peut-être, à amener certains de nos partenaires à nous
proposer de leur propre initiative et à nous consentir, dès le départ ... les moyens que nous
recherchons en vue de prévenir les difficultés auxquelles nous exposerait l'accroissement de notre
dette extérieure. Nous pourrions, ainsi, passer le cap des prochaines années sans secousse et en
évitant le risque de heurts, ... (de manière à sauvegarder) l'image de marque que l'Algérie a réussi à
donner d'elle-même, grâce au sérieux dont elle a toujours fait preuve jusqu'à ce jour dans ses
relations avec ses partenaires économiques étrangers.

Alger, le 29 octobre 1977


Belaïd ABDESSELAM

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ANNEXE N° 9 : APPORT DU SECTEUR DES HYDROCARBURES
A L'ÉCONOMIE NATIONALE

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APPORT DU SECTEUR DES HYDROCARBURES A L'ÉCONOMIE NATIONALE.
Cette annexe se propose de présenter à travers quelques tableaux l'évolution des résultats du
secteur des hydrocarbures ainsi que son apport à l'économie nationale.
1) Tableau n° 1 : Évolution des résultats bruts avant impôts du secteur des hydrocarbures.
Ce tableau présente, année par année, de 1974 à 1978, l'évolution du chiffre d'affaires, des
charges hors impôts, ainsi que du résultat brut du secteur.
Dans ce tableau, il apparaît que le chiffre d'affaires a connu une croissance moyenne de 8,0 %
durant la période 1974-78, passant de 25,9 Milliards de dinars à 35,3 Milliards de dinars.
Parallèlement, le résultat brut a enregistré une croissance moyenne de 9,0 % passant de 15,2 à 21,5
Milliards de dinars. Ceci s'explique par une meilleure valorisation de la production du secteur des
hydrocarbures qui est aussi perceptible au niveau du ratio résultat brut/chiffre d'affaires puisque
celui-ci est passé de 58,6 % en 1974 à 60,9 % en 1978.
2) Tableau n° 2 : Bilan entrées-sorties, hors impôts, du secteur des hydrocarbures.
Ce tableau présente, année par année, de 1974 à 1978, le chiffre d'affaires et les emprunts
pour investissements ainsi que les charges d'exploitation et les dépenses d'investissement, ce qui
permet ensuite de dégager le solde.
Ce tableau fait apparaître une augmentation du solde qui passe de 14 Milliards de dinars à
19,6 Milliards de dinars. Ce solde qui correspond au surplus global dégagé, a subi une croissance
moyenne de 8,1 % sur la période 1974-78. Aussi est-il nécessaire de relever que malgré un effort
d'investissement intense, 5,2 Milliards en 1974 à 17,6 Milliards de dinars en 1978 avec un taux
moyen de croissance de l'ordre de 36 %, le solde croit plus vite que le chiffre d'affaires.
3) Tableau n° 3 : Flux financiers entre le secteur des hydrocarbures et le Trésor (entendu au
sens large du terme).
Ce tableau donne, année par année, de 1974 à 1978, les flux financiers du Trésor vers le
secteur des hydrocarbures, du secteur des hydrocarbures vers le Trésor ainsi que le solde.
Il apparaît qu'au cours de la période 1974-1978, les flux financiers ont été :
. de 23,8 Milliards de DA du Trésor vers le secteur des hydrocarbures
. de 97,2 Milliards de DA du secteur des hydrocarbures vers le Trésor.
Ainsi, les flux financiers du secteur des hydrocarbures vers le Trésor ont été plus de 4 fois
supérieurs à ceux allant du Trésor vers le secteur des hydrocarbures.
Ces flux se sont donc soldés par un montant net en faveur du Trésor égal à 73.4 Milliards DA.
4) Tableau n° 4 : Impact des activités du secteur des hydrocarbures sur les moyens de
paiements extérieurs.
Ce tableau fournit, année par année, de 1974 à 1978, les sorties en devises au titre de
l'investissement, de l'exploitation et du remboursement de la dette extérieure, ainsi que les rentrées en
devises au titre des recettes pétrolières et des apports en financements extérieurs.

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Ce bilan montre que sur la période 1974-1978, l'activité du secteur des hydrocarbures a
engendré des sorties en devises (directes et indirectes) de 50,5 Milliards de DA et des rentrées de
128,7 Milliards de DA, soit un apport net de 78,2 Milliards de DA.
Ainsi, ce tableau montre que, sur le plan des moyens de paiements externes, malgré des
dépenses d'investissements en devises très importantes enregistrées durant la période 1974-78, soit
33,3 Milliards de dinars, l'apport net en devises du secteur hydrocarbures, a été supérieur de 55 %
aux sorties en devises (50,5 Milliards de dinars), dégageant ainsi un surplus en devises appréciable
pour le financement des autres secteurs de l'économie nationale (78,2 Milliards de dinars).

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