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« Héroïnes tragiques » - Synthèse des cours de Sophie Marchand (Paris IV)

CUF de Moscou (02-10 février)

De Corneille à Racine

Chez Corneille la présence d’une femme est toujours un problème pour le héros.
(On trouvera chez Racine des vestiges de la conception cornélienne à travers le personnage
d’Hyppolyte).

Le dilemme entre amour et devoir filial, devoir héroïque dans le Cid en témoigne.
(Note L.A. : on remarquera que la conception « chevaleresque » pour Corneille n’a rien à voir
avec la conception chevaleresque médiéval où l’idéal était représenté comme une bonne
adéquation entre courtoisie, fin’amor d’une part et devoir guerrier d’autre part).

1640, Horace => Refus des larmes dureté extrême. Le vieux Horace, plus ferme encore que
ses fils, au moment des adieux dis aux Horaces de ne pas rester aux côtés des femmes,
dangers qui ramollissent les hommes.

Rime larmes/armes très fréquente dans le théâtre classique et mettant souvent en valeur les
différentes conceptions des auteurs. Chez Corneille, impuissance des larmes face aux vertus
de l’héroïsme.

Deux premiers actes : les femmes acceptent les valeurs masculines.

A partir de l’acte III, les femmes se rebellent :


Elles n’acceptent pas d’accueillir Horace en héros.
Remise en question de l’héroïsme romain, Sabine revendique pour les femmes un droit à
d’autres valeurs. Pris de rage, Horace tue sa sœur presque sur scène (très rare dans le théâtre
classique).

Dans la première époque du théâtre classique, l’idéal serait presque un théâtre sans femmes
(on voit des retour de ce théâtre par la suite : cf. Voltaire, La Mort de César => pas de
femmes; Révolution, période historique qui y est prédisposée : on laisse Racine et revient à
Corneille).

La deuxième époque est encore représentée dans le théâtre de Corneille :


La femme s’élève en imitant l’homme.

1634, Médée
Magicienne, femme de Jason.
Jason désigné comme calculateur et condamné en tant que tel :
« Je ne suis pas de ces amants vulgaires
J’accommode ma flamme au goût de mes affaires »
Identité autonome du personnage de Médée trouvé dans la vengeance.
Revendication par la négativité. Désignée comme « incomparable tigresse » (qu’on se
rappelle le terme tigres employé par les femmes pour désigner les Horace.

Les femmes de cette seconde époque ne deviennent des héroïnes qu’en devenant des
monstres.
Autre pièce du même ensemble : Rodogune (personnage de Cléopâtre // Médée)

Pour Corneille, à la différence de ses contemporains, le héros n’a pas besoin d’être un
modèle.
Trois discours sur le poème dramatique :
« Aristote prescrit aux mœurs des protagonistes d’être bons, semblables, convenables et
égaux » Corneille précise que le terme « bons » ne désigne pas une valeur morale mais une
adéquation à la situation.

La troisième époque du théâtre classique voit arriver l’invention de la tragédie galante.


L’importance de la place des femmes dans la vie littéraire et comme public théâtral est en
hausse exponentielle / émergence des salons; les femmes vont écrire et publier sous
leur noms

Romans précieux > Madeleine de Scudéry


Elle co-écrit avec son frère; sans doute également pour le théâtre mais sans signer. Elles
peuvent signer des romans mais pas encore du théâtre.

La France n’est plus en temps de guerre. Emergence du héros galant. Le type en est Sélédon
dans l’Astrée. Succès des précieuses.

Corneille du côté du grand et du terrible // Racine du côté du tendre, du touchant et de


l’émouvant.

Andromaque : première controverse sur le théâtre racinien.


La « chaine des passions » => Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque
qui ne l’aime pas.

Bérénice : Seconde controverse.


Problème : pas de mort à la fin : tragédie qui sort de son domaine habituel.
Racine explique qu’il a voulu mettre en valeur le pathétique plutôt que la terreur (cf. théorie
de la catharsis d’Aristote)
(Corneille va, de son côté, chercher à mettre en valeur une troisième catégorie : l’admiration).
On passe à un théâtre de l’intime - de l’action aux passions.

Iphigénie : fille d’Agamemnon, amoureuse d’Achille doit être sacrifiée, mais le roi des grecs
hésite. Cependant, elle part au sacrifie. Pour ne pas la sacrifier, Racine invente qu’il faut un
personnage du sang d’Hélène, il fera intervenir un autre personnage.
Idoménée => Mozart, Danchet, Camprat
Fausse image : croire que le genre de la tragédie périclite après Racine (c’est Hugo qui
développera cette idée).
Racine, PHEDRE

Phèdre ; fin de la carrière de Racine


Fait suite à Iphigénie.
Evolution du traitement de la femme, héroïne. On passe de la tragédie du tendre (pièces
précédentes) à la tragédie des passions extrêmes. Racine voulait revenir à la terreur plutôt
qu’à la pitié (élément de dramaturgie spectaculaire, type « effet spéciaux » - le monstre marin
qui vient tuer Hyppolyte).

Les machines (monstres chars qui volent…) très présent à l’Opéra.


Phèdre de Pradon, plus galante que celle de Racine, elle plus radicale.
Phèdre = pièce de transition entre l’exaltation de Bérénice et les pièces morales Athalie et
Esther.

René Picard / Roland Barthes : querelle sur Phèdre


!!! Ce sont des jésuites qui ont relu la pièce et aidé Racine à améliorer la pièce. D’où
nécessité de modérer la lecture janséniste de la pièce (cf. Lucien Goldman, Le Dieu caché)

Georges Forestier, (dernier très grand spécialiste de Racine), biographe de Racine, montre que
ce n’est pas une pièce idéologiquement janséniste.

Phèdre aurait été demandé par Mme de Champmêlé (grande actrice de son temps, maîtresse
de Racine).

Le personnage d’Hyppolyte :

Hyppolyte : angoisse de l’amour, cherche à) devenir héroïque en fuyant l’amour. Ecrasé par le
poids de l’hérédité paternelle (Thésée). Héritage maternel également lourd : sa mère était une
amazone. Il veut être dès le début tueur de monstre, et mourra tué par deux monstres (le marin
et Phèdre).
Double vie de Thésée : héroïque et galante - Hyppolyte refuse d’imiter son père sur la part
galante de Thésée. Fuir devant l’amour est un signe de faiblesse.
Héritier du système de valeur de sa mère => en refusant d’être naturel (Théramène cherche à
le déculpabiliser)

Aricie, ^même type de personnage, condamnée à ne pas se marier, à ne pas être « naturelle ».
Théramène, fin psychologue.
Phèdre, tragédie de l’aveu et de la parole.

Hyppollyte, paradoxalement, fuit l’amour - si c’est son monstre, il devrait le combattre et non
le fuir.
Aricie => elle aussi d’une lignée guerrière. Descendante de Trésène. Sera finalement
couronnée. Elle envisage l’amour comme une conquête. C’est un personnage féminin de type
cornélien : elle utilise des métaphores guerrières, militaires. C’est une discussion politique
qui introduit l’aveu
Acte II, sc. 2 => Hyppolyte dans l’aveu montre qu’il a fait du chemin en un acte. Il utilise
« monstre » dans le sens d’un être féminin.

Suave mari magno (Lucrèce)


La passion est ce qui aliène ce qui rend étranger à nous-mêmes.
Ironie tragique (annonce la fin) :
Hyppolyte : « Je ne me souviens plus de Neptune »
Pitié pour Hyppolyte mort
Terreur devant la vengeance des Dieux
« J’ai cru lui devoir donner quelques faiblesses »

[Question : Le manquement envers Thésée étant condamné, cela rapproche -t-il Racine de
Corneille? ]

Phèdre => Chez elle, la passion est décrite de manière pathologique.


Descende de la lignée du soleil.
Dérèglement de sa branche : elle devient ombre

Très peu de didascalies dans la tragédie classique.


Les actes existent pour changer les bougies. On joue la tragédie debout, visage face au public
et on ne bouge pas (parfois jusqu’à 200 personnes du public sont assis sur la scène, d’où
scène de jeu très réduite). Il s’agit avant tout de poème dramatique.

=> Le roi et la reine en temps que spectateur ne peuvent pas s’asseoir dans la représentation.
La didascalie Elle s’assied souligne un signe d’extrême faiblesse chez Phèdre : ce n’est plus
une reine.

Elle est très proche de mourir.


1er aspect de la passion chez Phèdre : pathologie physique, pathologie du langage
Phèdre dès son entrée en scène ne parle que d’elle et des symptômes physiques de sa passion.

2ème aspect : la présence à l’esprit de Phèdre de puissances absentes

Thésée, absent, est plus présent que les personnages présents.


Pièce hantée par Thésée, Vénus, Neptune et un certain nombre de fantômes (disc. de Phèdre :
sa sœur, sa mère…=> destinée tragique pour les femmes de cette lignée).

« O haine de Venus, o fatale colère »


Phèdre fille de Pasiphae

« j’ai concu pour mon crime une juste terreur »


On est dans une conception entièrement négative des passions.

Ces vers montrent que le tragique provient du fait qu’elle est parfaitement consciente et
qu’elle ne cautionne pas sa passion.

Quelle est l’éthique de cette mise en scène de la passion?


Phèdre : monstre et non-monstre / monstre malgré elle

Racine développe cette idée de la culpabilité. Dans la tragédie de Phèdre, il n’y a pas de
responsable.
« La faute tragique n’est pas la faute de l’individu »

=> Première revendication d’une héroïne humaine.


Tragédie => ce qui tombe sur l’individu de la part des Dieux.

!! La pièce célèbre et accepte l’humanité des personnages tout en peignant la noirceur des
passions.
Tragédie réellement cathartique :
=> Une tragédie qui montre les dangers des passions mais qui absout les individus.

Les acteurs : Il y en a très peu dans cette pièce. En revanche, la pièce est une véritable
« tragédie de la parole » (cf. Roland Barthes). C’est seulement la parole qui produit les
changements, évolutions…

Espace (cf. Sur Racine, de Roland Barthes):


Extérieur => lieu de mort (épique)
Intérieur => lieu de l’enfermement
De Racine à Voltaire

Campistron > succès de ses œuvres. Virginie, pièce d’histoire romaine (cf. Tite-Live)
La mère de Virginie, Clotie, est une création de l’auteur qui va s’opposer à Appius.
Elle va faire des larmes des armes - transformer sa douleur en fureur (colère) et va lever la
masse des femmes romaines contre Appius, (larmes comme arme efficace).

« Nous attendons beaucoup du secours de leurs armes


Mais n’espère pas moins […] de mes larmes »

Houdar de la Motte, partisan des modernes dans la querelle des anciens et des modernes
(l’opinion féminine pour les modernes, l’influença)

Inès de Castro (énorme succès) => Alphonse : soit il doit abandonner ses enfants, soit se
confronter à son père. Inès va amener sur la scène ses enfants et Alphonse va être attendri. Il
découvre qu’il a un cour et accepte ces valeurs féminines.

Remise en cause :
Dans la tragédie, il n’était pas possible de traiter du mariage d’amour. Le public va prendre le
parti des valeurs familiales contre les valeurs politiques. A partir de cette pièce, le modèle
racinien deviendra la norme. C’est la fin de l’héroïsme épique.

Transformation des valeurs : chez Racine, on avait une recherche d’une nouvelle forme
d’héroïsme. L’héroïsme laisse ensuite la place à la vertu.

Théâtre à cette époque : la vertu persécutée puis triomphante (cf. valeurs bibliques; ex / livre
de Job)

« Un prodige de malheur, de noblesse et de vertu »


Les héroïnes devront être exemplaires, modestes, décentes.

Marivaux sur Inès de Castro :

« C’est un caractère absolument neuf. Constance est comme une personne qui vivrait au
milieu de nous, qui nous serait supérieure » mais qu’on regarderait avec espérance.

Nouveau topos : la jeune fille « intéressante » (liée à la compassion)

Erotisme un peu particulier de ces pièces. Nouveau type de beauté. Dans une tragédie de
Voltaire (L’orphelin de la Chine)
A chaque fois qu’une tragédie avait du succès à la comédie française, les Italiens produisaient
une parodie dans les semaines suivantes.
Fonction de critique littéraire de la parodie (qui notait et reprenait les innovations, les
nouvelles modes : elle se moquait beaucoup des héroïnes pleureuses, les « jeunes filles
intéressantes »).
Oxtiern du Marquis de Sade, sa pièce majeure (jouée à la Comédie française pendant la
révolution

XVIIIème : s’émancipe de l’idée de Destin et de prédestination (à l’opposé du théâtre du


XVIIème)
=> Dans le théâtre de cette époque, les personnages peuvent choisir leurs actes.
Naissance d’un théâtre optimiste et combatif. Le drame va peu à peu prendre la place de la
tragédie - avec une multiplication des pièces où les larmes deviennent des armes qui
modifient la société).

Homo sum nihil humani a me alienum puto (Terentius)


Je suis un être humain et rien d’humain ne m’est étranger

Conversion du méchant et aussi du spectateur


=> le théâtre se voit alors comme outil de civilisation, de mouvement social, via les valeurs
de la féminité.

La féminisation des valeurs, naissantes chez Racine devient évidente au XVIIIème, avec
désormais une mission idéologique (alors encore poétique chez Racine)

Modèle cornélien => soit soumise soit monstrueuse, s’imposant par des valeurs masculines
Modèle racinien => Le modèle pathétique renonçant à une Médée ou une Cléopâtre ne donne
pas une femme purement passive. Par ses pleurs, la femme change l’homme. Ce sont ses
valeurs qui vont dominer la société.

De ces deux modèles, quel est le plus efficace scéniquement?


Le modèle pathétique n’est pas celui de la femme faible, malgré les apparences.
Conversion sentimentale, laïque
Evolution de la société et des valeurs mais aussi évolution des genres littéraires.

La hausse importante de la présence des femmes modifie l’évolution de la tragédie, lui fait
perdre son sens, créé des débats.
La comédie évolue également. Du ton franc de Molière on passe à la « comédie larmoyante »
inventée par Nivelle de la Chaussée sous la pression du point de vue féminin.

Milieu du XVIIIème siècle : naissance du drame qui a du mal, d’abord, à s’imposer. Sérieux,
difficultés propres à la tragédie, fin heureuse de la comédie.

Du théâtre, texte théorique fondamental de Mercier (1673), également auteur d’une trentaine
de pièces.
1er drame de Diderot : Le fils naturel
On reproche au théâtre du XVIIIème d’avoir émasculé le héros, de lui avoir fait perdre toute
virilité.

Tite et Bérénice de Corneille :


tragédie politique => se passe à la période de la séparation de Tite et Bérénice.
Longue tradition critique de comparaison entre Corneille et Racine commence ici.

Fontanelle (1693) - qui était peut-être de parti pris, car petit neveu de Corneille - écrit :
« Les caractères de Corneille sont vrais bien qu’ils ne soient pas communs. Ceux de Racine
sont vrais parce qu’ils sont communs »

Le héros déshabillé (Collé, vers 1760) => voir l’homme dans sa vie privée. Ex. peindre
Henri IV dans sa vie de tous les jours.

Valorisation de l’univers domestique, attention à l’intériorité


=> Le héros devient influencé par cela. L’homme n’est plus simplement représenté en héros
mais en père de famille, par exemple.

Les larmes deviennent communes : personnages masculins qui pleurent ou s’évanouissent.


Le public masculin également pleure au théâtre, sans que cela soit considéré comme une
atteinte à la virilité.

=> Le père Porée, jésuite plutôt favorable au théâtre. Il écrit que Racine rabaisse ses héros au
statut de femme.

Tiridade (de Campistron)


Prince mélancolique extrêmement féminisé. Cas clinique. Cette pièce n’eut pas beaucoup de
succès.

Romulus (la Motte) > trop loin du personnage mythique donnera lieu à une parodie des
Italiens où Romulus « n’a fait que pleurer à vos pieds comme un veau »

Perte de la séparation nette des sexes. Et des critères de définition.


Voltaire : a beaucoup évolué => premières pièces politiques, puis tragédies d’amour (Zaïre)
où il a abandonné l’arme idéologique (à la différence de Mahomet). Dans Zaïre, l’émotion
prime. Après cette pièce, il va déplorer le monopole des pièces touchantes.
En 1749 il écrit à Frédéric II de Prusse : « Le parterre et des loges ne sont point du tout
philosophes, pas même gens de lettres. Ils sont gens de sentiments et puis c’est tout. Vous
aimez Brutus, nos parisiennes aime Zaïre »

Nostalgie d’une vraie tragédsie - celle des grecs, par exemple.


=> émergence d’un théâtre néo-classique à la révolution (Brutus, La mort de César y sont
beaucoup rejoués)

La Comédie => elle aussi va vers la tendresse, se féminise. On s’écarte de la représentation


des femmes de Molière.
(cf. Discours tenu par les femmes dans Les femmes savantes : « Mariez-vous ma sœur à la
philosophie qui nous monte au-dessus du genre humain » (sous-entendu, ne vous mariez pas)

Chez Molière , la prétention des femmes à s’élever est ridicule. Les titres masculins sont
singuliers (L’avare, le malade imaginaire, le misanthrope…) tandis que les titres consacrés
aux femmes sont toujours au pluriel (L’école des femmes, les femmes savantes, les précieuses
ridicules).
Voltaire, ZAIRE

Zaïre => idéologie et conception différente, début de la carrière de Voltaire.


Il la fait jouer en 1719.

Découverte de Shakespeare par Voltaire.


Il parle du théâtre anglais dans ses lettre philosophiques.
Influence d’Othello sur Zaïre.
Trois premières représentations : il modofie le texte au fur et à mesure. Innovation : derrière
la figure du turc cruel (cf. Othello) introduit l’histoire nationale dans la tragédie française
(modèle des tragédies historiques shakespeariennes)

Lire Thomas Pavel, L’art de l’éloignement => notion classique dans le théâtre

Dans Zaïre, plusieurs déclarations patriotiques célébrations du roi Louis. Voltaire trouve
qu’on parle de l’amour d’une manière trop galante. Il veut que la passion soit un grand enjeu.

1. Zaïre tranche par sa position sociale : esclave, de naissance inconnue. Absence absolue
d’identité sociale. Elle n’est rien socialement, mais tout par ses vertus morales.
Zaïre annonce le type d’héroïne qu’aimera le drame.
Image de la faiblesse sociale élevée par la vertu.

2. C’est une victime : les récits (Acte 2, sc. 3) terribles de son enfance en témoignent. (La fin
de la tragédie également)
Cette étrangère va accéder au rang le plus haut en régnant sur Orosmane.
Idée d’une séduction inévitable de la vertu.

Au XVIIIème siècle, les points de suspensions désignent des moments d’émotion.


Nouvelle ponctuation. Naissance d’une ponctuation émotive, là où n’existait jusqu’ici qu’une
ponctuation grammaticale.

Première partie > tragédie philosophique.


Traits pathétiques typiques du XVIIIème > l’ignorance des origines.
Aussi bien dans la comédie que la tragédie ou le drame.
Ce n’était pas encore aussi habituel à l’époque de Zaïre. La mode suivra.

Scène de reconnaissance // Anagnorisis (poétique d’Aristote)


(cf. Œdipe > scène finale : reconnaissance sur sa propre identité
Oreste et Electre > scène de reconnaissance de fraternité)
p. 87-88 de Zaïre (ed. GF-Flammarion):
Lusignan > « daignez confier à mes tremblantes mains »
Zaïre > « De quel trouble nouveau tous mes sens sont atteints »

Au XVIIIème siècle > On croit à la reconnaissance naturelle, instinctive, la vérité des sens.
=> Tout est fait pour retarder le moment de la reconnaissance et développer l’émotion.

Dans les propos de Zaïre, voix de la nature; chez Lusignan, il y a toujours la mention de Dieu.

On appelle un « tableau », la scène de reconnaissance pathétique en tant que topos.


Question du dilemme // s’exprime dans un monologue de l’héroïne.

p. 99 sc. 5 de l’acte III

Au cœur du dilemme, il y a la question de l’identité :


Qui suis-je ? Celle de mon héritage familal? Celle de mon éducation ? Celle du choix de mon
cœur ? (l’amour d’Orosmane)

Le pathétique n’est pas gratuit : la mort injuste de Zaïre


=> Orosmane a uen révélation humaniste. Il aidera les chrétiens, matériellement.
Zaïre, toujours placée sous un multiple tutelle des hommes.

Orosmane, type du « turc généreux »


XVIIIème siècle = siècle de voyages, de découvertes des autres cultures (=> le théâtre de
Voltaire explore presque tous les continents)

Orosmane est aquis aux valeurs de l’humanité : p. 85


Zaïre présente aux français la vertu d’Orosmane

Autorité d’Orosmane n’est pas tyrannique, n’est même pas un ennemi acharné, et qui fait
passer les valeurs du cœur avant les valeurs politiques : p. 94, il fait son autoportrait
complexe. Nouveau type de héros masculin, à la fois politique et sensible.
Mais la figure change : il se transforme en Othello, en amant jaloux. Acte III, sc. 7 =>
moment où commence les doutes

« Je connais mes fureurs et je crains mes faiblesses


A des troubles honteux je tiens que je m’abaisse »

Perspective classique > faiblesse = amour


Perspective du texte > faiblesse = jalousie

L’autorité la plus intolérante n’est pas comme on l’attendrait celle du sultan, mais celle du
camp français => Lusignan et Nerestan

Dans Zaïre, il y a un discours polémique assez net, sensible dès la scène de reconnaissance.
Le Dieu chrétien apparaît comme un dieu vengeur (cf. 97)

Déisme de Voltaire sensible dans le texte : v. 103-112

Ce que dit la pièce, c’est que, si on avait pu concilier la foi chrétienne et l’amour
d’Orosmane, il n’y aurait pas eu de tragédie. Pièce dédiée à un anglais. A ce moment,
l’Angleterre => référence à une culture plus libre , une pensée plus libre où s’est réfugié
Voltaire.

La modernité du XVIIIème siècle chez Voltaire : débat idéologique et tragédie.


L’esthétique du tableau => vient de Diderot (il le définit dans Le fils naturel)
Tableau comble / Tableau stase (cf. ouvrage de Pierre Frantz déjà cité)

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Molière, L’ECOLE DES FEMMES

Les femmes chez Molière : trois pièces

L’école des femmes > pièce de la maturité de Molière, qu’il écrit l’année de son mariage.
C’est madame Béjart qui a fait venir Molière au théâtre. Longtemps ensemble mais se marie
avec sa sœur Armande (beaucoup plus jeune que Molière) : mariage malheureux. Elle le
trompe beaucoup.

Personnalité de Molière : hanté par le cocuage

Histoire typique : le barbon (homme déjà âgé)


[note de L.A. : à mettre en rapport avec le topos médiéval du castia gilos (« jaloux châtié »)]

Pièce de la précaution inutile.


Représentations de l’Ecole des femmes : la dernière Agnès a avoir marqué les esprits remonte
à Isabelle Adjani.
L’école des femmes :

Est-ce que la pièce est une école pour les femmes? Pour savoir le comportement à suivre?
Non (c’est-ce que voudrait Arnolphe)
Il s’agit d’un projet pédagogique d’Arnophe sorte d’expérience scientifique.

Acte 3 sc. 2 tirade d’Arnolphe :


1) Apostrophe à l’impératif. Ordre sur la position physique
2) Mise en valeur de la « chance » d’Agnès
3) Devoirs de la femme
4) Place de la femme (inférieur à tout serviteur pour son maître)

Dans les mises en scènes de cette longue scène, il y a 2 traditions :

- ceux qui la jouent comme un véritable farce (tendance qu’on voit de moins en moins) >
Arnophe y est ridicule, gesticule.

- ceux qui la mettent en scène sérieusement, avec un ton presque tragique (rend la scène
inquiétante) => Arnolphe immobile, habillé en noir, en instructeur (de type janséniste, par
exemple).

Scène répétée dans l’explication d’Alain à Georgette :

Discours qui dit la soumission des femmes et que toute l’attitude des hommes est basée sur le
désir. Femme, éternel mineur.

Arnolphe à la fois père symbolique, maître, mari, => il conjugue toutes les autorités.
Dans la gestion du dialogue : Agnès est toujours soumise.

Acte V, sc. 3 : on voit même une sorte de violence physique, lorsque Arnolphe la tire
violemment (quand elle lui est remise par Horace)

On pourrait penser que c’est une pièce qui veut corriger les gens comme Arnolphe et apporter
plus de liberté pour la femme dans la société. Mais un certain nombre d’éléments empêchent
cela :

Première lecture :
Etant une comédie de caractère (le barbon) > fonction didactique : le caractère est soit puni
soit réformé. Cela invite à ne pas traiter la femme comme Arnolphe.

Dans les pièces de Molière, généralement, un père autoritaire et ridicule s’oppose au fils,
lequel, par la comédie, triomphe. C’est le triomphe de l’ordre des fils sur celui des pères,
ordre sclérosé. On retourne un peu ce schéma dans l’école des femmes.
(Horace contre son père + Arnolphe ridicule)

Rien dans cette scène (Acte III, sc. 2) ne remet en cause Arnolphe.

Arnolphe est dans la pièce celui qui sait tout, rencontrant Horace à chaque fois qu’il en a
besoin. Pendant près de 4 actes et demi, Arnolphe n’est pas mis en échec. C’est une sorte de
deus ex machina qui résout la pièce. L’arrivée d’Oronte et Enrique (père d’Agnès)

Juste avant ce deux ex machina un peu artificiel, Arnolphe venait de récupérer Agnès.
Jusqu’au dernier moment, sans cela, Arnolphe était vainqueur.

Personnage d’Arnolphe ridicule mais aucunement stupide


(à la différence, par exemple, d’Harpagon)
Personnage d’Horace, jeune héros paré de toutes les vertus?
Plutôt stupide. Horace devrait être un libérateur, or il n’est qu’un libertin au début.

Acte I sc. 4; Il la remarque par son apparence, la désignant comme « une beauté » et se vante
de sa réussite. Il désigne aussi Agnès comme « un jeune objet »
Mais évolution du personnage : « L’aimable Agnès a su m’assujettir »
Cependant : « tous mes vœux les plus doux
Vont à m’en rendre maître en dépit du jaloux »

Il ne peut pas y avoir d’idéalisation de l’amour, si on l’achète. Dans cette pièce, ce n’est pas le
triomphe des femmes, ni des fils mais le triomphe des pères légitimes (Oronte, Enrique) sur le
père illégitime (Arnolphe).
Arnolphe montre qu’Agnès est parfaite parce qu’elle n’est rien, qu’elle est malléable.
Cette école des femmes d’Arnolphe a quand même réussi et Agnès lui dit qu’elle est
effectivement sotte : elle est consciente de sa bêtise (Acte V, sc. 3) => il s’agit d’ailleurs de
sa première opposition à Arnolphe.

Agnès commet de l’ironie pour la première fois (« Vous avez là-dedans bien opéré
vraiment »)

Le discours sur les femmes est globalement extrêmement misogyne :


Misogynie non seulement chez Arnolphe (Acte I, sc. 1) mais aussi chez un personnage plus
positif : Chrysalde (Acte IV, sc. 8) => Critique des précieuses et des femmes savantes dans
son discours.

Omniprésence, obsession de l’adultère. Pièce qui donne une vision assez noire des relations
amoureuses. Chrysalde correspond à l’image de l’honnête homme, de la position sage,
intermédiaire - type de personnage toujours présent chez Molière.

Défi pour les mises en scènes : représenter Agnès.


Type de l’ingénue, dite « innocente » => connotation morale
=> virginité
=> pas très éduquée

Arrive en scène la besogne à la main.


Lecture qui encourage aux interprétation sexuée
=> les puces l’ont gênée la nuit. (sous-entendu perçu par le lecteur)
=> le petit chat est mort

Acte IV sc. 4 => elle montre que son amour n’est pas choisi par elle, mais il y a un savoir
inné, instinctif, c’est celui du plaisir (« Le moyen de chasser ce qui fait du plaisir? »)

Acte II, sc. 2 => elle parle de l’émoi physique qu’elle ressent pour Horace (Impossible dans
les conventions de l’époque en terme de bienséance - accepté uniquement parce qu’elle est
niaise).

La véritable « école des femmes », c’est l’école de l’amour, elle se fait par le corps et sans
maître. L’amour, c’est l’art « d’aiguiser les esprits ». Idée d’une essence féminine.
(Par contraste, le genre dans la conception d’aujourd’hui est considéré comme une
construction culturelle).

La critique de l’école des femmes :


Pièce où Molière met en scène les points de vues de ceux qui ont haï et aimé la pièce (il y eut,
en effet, une controverse).
Une des femmes n’ayant pas aimé prétend que le poète « salit l’imagination ». Aucune
obscénité, en effet, n’est dite.

La critique s’ouvre sur une assemblée féminine qui critique la pièce :


Climène => prête à en vomir pendant 15 jours
Uranine et Elise => reviennent de la représentation « saines et ragaillardies »

La critique de l’école des femmes : le sujet de cette pièce est finalement « comment une
femme doit se comporter à la représentation de l’Ecole des femmes »

La revendication du naturel, du bon sens, de la franchise va de pair avec la conception de la


comédie de Molière.

Revendication d’une certaine comédie => on avait critiqué qu’elle ait fait beaucoup rire le
parterre. Molière considère qu’il faut le faire rire (pourquoi vouloir faire rire les savants qui
d’ailleurs ne rient jamais? ).

Ce n’est pas une pièce à thèse, mais une pièce qui fait jouer les idée entre elles.

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