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I lll/rlIllH

i MM.- Mrlncr Verlag Sonderdruck aus:

I ).ivid Engels / Lioba Geis / Michael Kleu (Hg.)

/wischen Idéal
ii nd Wirklichkeit
I Irrrschaft auf Sizilien von der Antike
bis /um Spàtmittelalter
LA SICILE BY/ANTINE, ENTRE PAPES ET EMPEREURS

1. Introduction

II est traditionnel de présenter la Sicile byzantine comme une province volontiers


rebelle, rétive à l'autorité lointaine d'un empereur « étranger », quand bien même il
n'était pas « hérétique ». Cette assomption reflète davantage un parti pris historiogra-
phique ancré dans l'idéologie du Risorgituento ou dans la défense d'une « identité sici-
lienne » idéalisée, que le contenu des maigres sources littéraires disponibles. Ce qui
frappe tout au contraire, c'est l'extraordinaire fidélité clé l'île à la cause impériale, qui
détermina une évolution radicalement différente de celle que connurent les territoires
impériaux de la péninsule italienne." C'est à l'identification des fondements de cet
attachement à la cause impériale que je voudrais m'attacher ici. Il faut pour ce faire
bien distinguer les réalités administratives et socio-économiques. En effet, dans ce
dernier domaine, l'influence impériale se heurtait à celles des pontifes romains. Le
système politique instauré en Sicile au lendemain de la reconquête opérée par Béli-
saire, et qui ne subit que clé lentes adaptations jusqu'à la fin du T'w siècle, fonction-
nait en effet dans une large mesure au profit des papes. Ce chevauchement de deux
puissantes influences extérieures évolua peu à peu vers des formes conflictuelles
lorsque le poids des richesses de l'île dans les finances impériales et pontificales
s'accrut du fait des invasions menaçant les autres territoires alimentant ses caisses.
Cette rivalité déboucha au $'mc siècle sur le conflit bien connu entre empereurs isau-
riens et pontifes romains.' Un réexamen global de la politique impériale permet d'en
révéler la grande cohérence et la parfaite adaptation à la menace représentée par le
système de contrôle pontifical. C'est à l'ensemble de ces questions connexes : fon-
dements de l'autorité impériale en Sicile, nature de l'influence pontificale dans l'île et
modalités de la résolution du conflit croissant entre ces deux puissances que je vou-
drais m'intéresser ici. Au confluent de deux systèmes de pouvoir, la Sicile offre une
excellente occasion d'étudier les distorsions que les réalités socio-économiques loca-

D'un point de vue historiographique, cf., avec éléments de bibliographie, A. Nuf/V. Prigent, Per
una nuova storia del medioevo siciliano, dans : Stotica 35-36 (2006), p. 9-63.
V. Prigent, La Sicile byzantine (VIe~Xe siècle), thèse de doctorat, Paris—La Sorbonne, Juillet
2006, p. 1281-1371 et p. 1437-1451.
Étude classique d'O. Bettolini, Roma di fronte a Bisanxio e ai Longobnrdi (Storia di Roma 9),
Bologne 1941 ; T. F. X. Noble, The Republic of St. Peter. The Birth of Papal State, 680-825,
Philadelphie 1984.
les induisaient dan:. k-:> modalités officielles d'exercice d'une domination impériale à l'administration préfectorale qui prévalent partout ailleurs dans lYmpnv. ( A - som
vocation universelle. donc les conséquences de cette dérogation exorbitante que doit régler la novelle.
Quatre domaines sont pris en compte : le pouvoir militaire, la justice, la fiscalité, le
contrôle des institutions urbaines.
2. De la novelle de 537 aux stratèges, le lien privilégié à la personne du prince Le premier point est le plus aisé à régler, bien qu'il ne l'ait pas encore été, à mon
sens, de façon satisfaisante. La novelle mentionne en effet le problème d'un éventuel
2.1 l^es dispositions de 537 appel à la sentence d'un duc, ce qui a amené à postuler l'existence d'un duc de Sicile
agissant à côté du préteur connu tant par la novelle que par le registmm de Grégoire le
Un point fondamental distingue la Sicile des autres provinces de l'empire d'Orient : Grand.8 Or, un examen des sources ne permet pas de repérer une seule attestation
aux termes de la novelle de 537, l'île dispose d'une relation privilégiée à l'empereur. d'un titulaire de ce fameux duché.9 Une lettre de Grégoire de Grand, qui évoque la
Celle-ci s'exprima de plus en plus à travers le renforcement de l'influence du citbicn- menace imminente d'une invasion lombarde de l'île, souligne la nécessité de préparer
htm, une influence que même la fondation du thème de Sicile ne vint pas remettre en la résistance sans faire aucune référence à un tel chef militaire.111 Il est donc essentiel
cause. Ce sont les étapes de l'affirmation de ce rapport privilégié entre l'île et la de réaliser qu'une telle institution ne se justifiait pas. La création de l'office de pré-
Chambre impériale qu'il faut mettre en lumière, teur, identifié avec le gouverneur de l'île, doit en effet être interprétée dans le cadre
Le point de départ nous est fourni par les dispositions de la novelle qui édicta la plus général des nombreuses novelles que Justinien dédia à la même époque à la ré-
norme administrative prévalant en Sicile. Celle-ci, on le sait, constitue un doublet au forme des gouvernorats de province. Or, la charge de préteur est clairement définie
sein des collections canoniques de novelles, sous les numéros 75 ou 104.4 Fort brève, au moyen d'un excursus historique clans la novelle 24 instituant un préteur en Pisi-
elle ne peut être interprétée qu'une fois replacée dans le canevas plus vaste de la lon- die :
gue série de novelles par laquelle Justinien réforma les fonctions des gouverneurs de
Not/s croyons que les Romains d'autan n 'auraient jamais été capables d'établir ttn tel litat à partir d'origines sî
province'. L'élément sans doute le plus important de cette disposition est humbles et insignifiantes /.../ s'ils ne s'étaient pus, lorsqu'ils eiirqyaieti/ d'importants magistrats en prorince, pré-
l'affirmation du lien privilégié postulé comme ayant toujours existé entre l'île et le sentés comme font à fait dignes de respect et n'avaient pus ilote des magistrats du pouvoir militaire et judiciaire et
prince. Des formules comme setnper S ici/la quasi pecttl'um aliqiùd commodntu intpcmtoribns m les avaient choisis préparés cl capables dans l'une cl l'antre sphère. Ces magistrats, Us les désignaient du nom de
accessit ou Sicïlïam nosirnm qnoduwmodo pecnlinm renvoient à l'idée d'une sorte de pro- préteur, tirant cette dénomination du fait qit 'ils précèdent les antres et guident les troupes et leur donnèrent pour
priété éminente de l'empereur sur l'île, sur le modèle du contrôle personnel instructions tout à la fois d'organiser les choses de la gtteire et de rédiger les /ois.{]
d'Auguste sur l'Egypte. Il est toutefois clair que le scwpcr ne renvoie à aucune réalité
administrative antérieure et n'a d'autre finalité que de cautionner du poids d'une tra-
dition fictive l'affirmation des droits uniques de l'empereur. Essentiel dans cette af-
firmation est le recours à qmisi^ suivi de l'énoncé d'une proposition irréelle, qui per-
met, par la fictio Icgis bien étudiée par Yann Thomas, de jouer sur l'ambiguïté de la
métaphore pour éviter une atteinte trop flagrante aux normes juridiques classiques.6 I Présentation classique dans A. il. M.Jones, The Later Roman Empire : A Social, Economie and
Ce statut privilégié s'exprime à travers l'extranéité de la Sicile aux cadres de Administrative Survey (284-602), Oxford 1964, p. 448-462.
8 Pour cette interprétation dominante, Tamassia, De Praetore Siciliae, p. 305 et p. 310, D. Ricotti
Prinîi, Diritto di monetazione fra Siracusa e Catnnia, dans : Atti dell'VllI Congresso Interna/io-
nalc di Studi Bizantini. Rome 1951 (RSBN 8,2), Rome 1953, p. 386-390, p. 386, A. Guillou, Sicile-
4 Coi-pus iuris civilis, vol. 3 : Novellae, éd. II. Schoell, Hildesheim >M993, Novelle 75 et 104, p. 378 byzantine, p. 97 et L. Cracco Ruggini, Storia délia Sicilia, p. 22, qui précise même que ce chef mi-
et p. 500. Ce texte est à la base de toute les histoires classiques de la Sicile byzantine, notamment litaire devait dépendre du wagisfcr milittun per Orienlem, et place sous l'autorité de ce duc de Sicile
L. Cracco Ruggini, La Sicilîa fra Rorm e Bisanzio, dans : R. Romeo (éd.), Storia délia Sicilia, vol. des ducs subalternes et autres magistri mi/itnm locaux, sans qu'aucune source ne les mentionne à
3, Naples 1980, p. 1-96, qui demeure incontournable. Egalement, A. Guillou, La Sicile byzan- ma connaissance. De même, A. Guillou (p. 98) attribue à ce duc les sceaux locaux mentionnani
tine : état des recherches, dans : ByzForsch 5 (1977), p. 95-145. Toutefois, l'unique étude systé- ce titre, mais il s'agit de ducs de Calabre. Cette position est réaffirmée dans id., L'ispezione com-
matique de ce texte est celle de N. Tamassia, La novelln giustinianea « De Praetore Siciiiac ». Stu- piuta dalTex-console Leonzio nell'Italia bi/antina. Il controllo délie finan/e statali delFimpero bi
dio storko e giuridico, dans : Centenario délia nascita cli Michèle Amari, vol. 2, P-.ilerme 1910, p. zantino alla fine del secolo VI, dans : M. Bellomo (éd.), Scuole, diritto e società nel mezzogiorno
304-331 ; également Prigent, La Sicile byzantine, p. 1017-1038. Pour les novelles, P. N «ailles, médiévale d'Italia (Studi e Ricerche dei Quaderni Catanesi 8,2), Catane 1987, p. 39-85.
Les collections des novelles de l'empereur Justinien. La collection grecque des 168 novelles, Paris 9 De façon symptomatique, les rares militaires qui apparaissent en relation avec la Sicile dans la
1914. correspondance de Grégoire le Grand sont des propriétaires ou des agents recruteurs, mais n u l
5 Cf. sur ces novelles et les problèmes qu'elles soulèvent, les études réunies dans J.- lement des officiers en place. Pour une étude détaillée, Prigent, La Sicile by/antine, p. 1032 1()3(>.
M. Cnrrié/N. Duval (édd.), Les gouverneurs de province dans l'Antiquité tardive (AntTard 6), 10 Grégoire le Grand, Registrum Rpistularum sanctî Gregorii Magni, éd. D. Norberg (CCSI,
Paris 1998. 140/140A),Turnhout 1982, 11,31.
6 Y. Thomas, Hctio legis, dans : Droits 21 (1995), p, 17-63. II Novelle 24, intr., p. 189.
un nidgisinit déf&StUârs île celte iitttorîié, I -'institution d'un duc en Sicile était donc super- Le comte du patrimoine pour l'Italie intervient pour sa pari dan:; le domaine lis
flue dès lors que l'île n'était pas dotée de forces de grande envergure. La référence à cal, point essentiel : « En effet, une ancienne coutume a voulu que les pubtitâê fïmclio-
un duc dans la novelle peut donc s'entendre de deux façons. Tout d'abord, il est pos- ncs de cette même île soient sous la juridiction du vir exce/lcnfissiwKS comte du patri-
sible que l'empereur ait effectivement envisagé d'instituer un duc dans l'île, sans que moine sacré pour l'Italie, par l'autorité duquel procèdent aussi bien la perception
cette réalité ne se soit finalement enracinée, du fait des difficultés de la guerre gothi- (exetctio) que le versement (illaùo} de celles-ci ». Je ne m'attarderai pas ici sur la réfé-
que qui aspirait toutes les forces disponibles clans la péninsule. 13 Mais il faut égale- rence à l'ancienne coutume qui me semble de nouveau n'avoir d'autre fonction que
ment envisager que le législateur ait ici pensé aux appels opposés aux sentences de masquer une innovation.J) Le comte est donc responsable de l'ensemble des piibli-
éventuellement prononcées par les chefs d'unité transitant par la Sicile et impliquant cae fiuictioiies, qu'il faut comprendre comme les deux volets de la fiscalité protobyzan-
des habitants de l'île, par exemple victimes des abus de la soldatesque. ' tine, l'annone et les /////// hn-gitionales,"
Habilité à contrôler les maigres forces militaires de l'île, le préteur demeure avant Le processus fiscal s'articule en trois temps. Le préfet envoie une dckgatio qui fixe
tout un gouverneur civil. Il n'agit toutefois pas sous la houlette d'un préfet du pré- les exigences de l'administration, ainsi que les barèmes applicables, et donne ordre
toire, ce qui entraîne un certain nombre de particularités administratives. Les fonc- aux gouverneurs d'organiser la perception, puis de ventiler les prélèvements entre les
tions dévolues au préfet sont en effet en Sicile réparties entre le questeur du palais destinataires.™ C'est en ce sens que je comprends dans la novelle la double référence
sacré, le comte du patrimoine pour l'Italie et le préteur lui-même. à Y exactio et à MWatio. Mais deux problèmes se posent ici. La Sicile ne relevant pas
Le premier intervient dans les fonctions de juge d'appel aux décisions des tribu- d'une préfecture, qui émet la delegalio et où finit le produit de la fiscalité annonaire
naux locaux.1'1 Cette décision, de nouveau, s'inscrit dans le cadre d'une réforme plus normalement versée à Vamt du préfet du prétoire ? La dernière question est sans
large et le questeur intervient également en appel dans les affaires remontant de bien doute la plus simple. La novelle attribue au préteur la responsabilité des /w/ifores ex-
d'autres provinces."' Ce qui est particulier à la Sicile, c'est le caractère exclusif de cette penseicC* Or celles-ci sont financées au premier chef par la fiscalité annonaire, et la
juridiction, souligné par l'affirmation du fait que l'Ancienne Rome, c'est-à-dire le pré- solution la plus simple est d'admettre que les revenus de celle-ci aient été versés au
fet du prétoire d'Italie,17 n'a pas ici voix au chapitre.18 Parallèlement, le questeur du préteur habilité à en faire usage. En charge de commander les troupes, le préteur re-
palais sacré est l'autorité cautionnant la nomination des magistrats urbains. C'est en cevrait donc les richesses destinées à leur financement. Toutefois, cette lecture n'est
effet en ce sens qu'il faut comprendre, à la suite des commentateurs du 6tm" siècle, la pas pleinement satisfaisante car la conjonction d'une province riche et d'un dispositif
formule Si qmd alïud civile ordinatnr qnod confirmations îndigeat, id est pro defensoribm rel pa- militaire local faible produisait nécessairement un surplus important à disposition du
tribus rivitatem décrétât)!^ préteur. Il me semble donc nécessaire que la référence à la compétence du préteur en
matière de imlittn\>s exfiensac soit à interpréter comme une reconnaissance de son droit
12 Ibid. à se substituer à l'autorité préfectorale pour l'établissement des epis&tlaê delcgatoriae, ces
13 A la date de promulgation de la novelle (décembre 537), la campagne d'Italie en est encore à ses ordres de paiement par lesquels les unités en transit assuraient leur financement lors
débuts et les troubles continuent en Afrique. Bêlisairc, assiégé dans Rome et se voyant perdu,
supplie l'empereur de lui envoyer des renforts. Il pouvait donc sembler souhaitable d'organiser
un commandement dans cette riche base arrière.
14 F. Goria, Giudici civili e giudici militari nell'età giustinianea, dans : Studia et Documenta Histo- xcù rà TCÛV jazrégoav \lnflptfffuer& TT,^ aùryç vqpw ji&g'aùrtp ngârTeerSa.!. Cette décision
riae luris 61 (1995), p. 447-461. s'imposait dès lors que l'île ne relevait plus d'un préfet du prétoire.
15 Mais, parce qu'il est nécessaire que des litiges dans une si grande province surgissent, nous roulons que, si jamais 20 Sur cette fonction, R. Delmaire, Largesses sacrées et Res Privata. L'Aerarium impérial et son
on en appelait aaprétMtr, an duc on à an quelconque juge de cette même île, tans las appels soient renvoyés à ton administration du IVe au Vie siècle (Collection de l'Ecole française de Rome 121), Rome 1989,
éniînence et à Ion tribunal, p. 691-694, qui accepte l'idée d'une continuité avec la période gothique pour les responsabilités
16 La juridiction du questeur avait été précisée l'année précédente par la novelle 20. Celle-ci pré- fiscales du comte.
voyait son intervention dans les affaires remontées des provinces au tribunal du préfet du pré- 21 Cf. sur cette équivalence, pnblicae functhnes — nniversi ///////, le commentaire de J.-iM. Carrié à CTh
toire en raison d'un appel à la sentence d'un gouverneur specteibilis (Novelle 20, p. 140-144 ; Jo- 11,28,12 dansJ.-M. Carrié, L'incidence de la fiscalité sur les divisions territoriales de l'empire t a r -
nes, Later Roman Empire, p. 482—484). Par ailleurs, le questeur intervient dans les affaires rele- dif, dans : G. Crifô/S. Giglio {édd.}, Atri dell'Accademia Romanistica Costantiniana. XIII Cou
vant du qntjes/or cxera/tts pout les provinces micrasiatiques (Novelle 41, p. 262s.). gresso Internationale in memoria dî A. Chastagnol, Pérou.se 2001, p. 309-331, p. 322. On pourra
17 En 537, rien ne permet d'affirmer que la chute de Ravenne, destinée à accueillir cette institution, également se reporter aux chapitres dévolus aux caisses bénéficiaires dans Delmaire, Largesses
est imminente et Bélisaire a nommé à Rome Fidelis comme préfet du prétoire d'Italie ; Prosopo- sacrées.
graphie Chrétienne du Bas-Empire, vol. 2,1 : Italie, éd. Ch. Pietri/L. Pietri, Rome 1999, II, Fide- 22 De façon générale sur le processus fiscal, cf. Jones, Later Roman Empire, p. 449-462, et pour les
lis, p. 815-816 (dorénavant PCBE). modifications d'époque justinienne, C. Zuckerman, Du village à l'empire. Autour du registre
18 Ta position nous étant connue, île par notre autorité le litige est tranché et il ne remonte ni à l'ancienne \\ome, ni à fiscal d'Aphroditô (525/526) (Travaux et Mémoires du Centre de recherche d'histoire et de civili
an autre juge de cette même cité impériale, mais toi en personne, tu juges en lien et place an cognitor sacré ei ta ré- sation de Byxance. Monographies 16), Paris 2004, p. 117-1K8.
sons le litige. 23 Que la Sublimité sache, parce qit'éttiblit' comme membre de notre conseil et préposée iin.\ lu ,///, ï/.y/r,
19 D. Simons/S. Troianos, Das Novellensyntagma des Athanasius von Emesa (Forschungen /ur que nuits tirons établi tin préh-nr de la pntÙM d\' Stâk sur /• wodi/e même de jadis, afin tjite les ti//</ti\ prh\\-\ menées: à leu
byxantinischen Rechtsgeschichte 16), Francfort-sur-le-Main 1989, p. 236 : ôfiolwç Sa xaÀ rà rûv
de leur avancée vers le front. 21 La Sicile servant de base arrière pour la guerre en Ita- comte de la mprmiln, et lui assure une totale autonomie vis à vis des smictiitvs tir la
lie, il était en effet impératif de régler cette conséquence cruciale de l'absence préfecture, ce dernier demeure toutefois un fonctionnaire de l'administration pi-ovin
d'autorité préfectorale. ciale. Un point important est le rééquilibrage des pouvoirs du gouverneur. Béiu-li
Le premier point est plus difficile à régler. Il me semble toutefois que ciaire du produit de la fiscalité annonaire et ordonnateur des dépenses militaires, il n'a
l'affirmation du fait que la percepdon « procède » de l'autorité du comte du patri- en revanche plus de rôle dans la perception, un point crucial pour nous.
moine incite à admettre que ce fonctionnaire ait eu la responsabilité d'établir les ba-
rèmes fiscaux et les exigences annuelles de l'administration. Toutefois, je n'ai pas re-
péré d'usage en ce sens du verbe procéda dans les textes législatifs et l'on ne peut tenir 2.2 [^'apparition de la domus divina
ce point pour parfaitement acquis.
Cette responsabilité très large du comte en matière fiscale induit un autre pro- Ces dispositions vont connaître une modification clef au cours du 61''1"' siècle, avec
blème que le texte de la novelle ne règle pas de façon satisfaisante. On ignore en effet l'irruption dans l'île des agents de la don/m divina. Cette évolution est essentielle eut-
si VoffititiM du comte est effectivement en charge de la levée ou si les divers agents elle accentua nettement la polarisation constantinopolitaine de l'île, la chambre inipé
traditionnels de la perception, notamment les agents du gouverneurs, voire des ci- riale rivalisant dès lors avec le comte du patrimoine pour l'Italie. Aussi importante
tés, se maintiennent en tirant leur légitimité de son autorité. Il me semble que plu- qu'elle ait été, cette modification administrative est jusqu'à présent passée inaperçu^.
sieurs points plaident en faveur de la première hypothèse. Tout d'abord, à la diffé- Le registmnt de Grégoire le Grand mentionne en Sicile dans le domaine des biens ion
rence des autres novelles instituant les nouveaux gouverneurs imaginés par [ustinien, ciers l'activité de carfarii et de chart/i/arii, et c'est à tort qu'on assimile les deux titres."
notre texte ne fait aucune référence à d'éventuelles fonctions de percepdon de Le premier renvoie effectivement au service du patrimoine d'Italie, mais le second,
Vofficinni du gouverneur. Le fait que le préteur se retrouve bénéficiaire des levées an- dans un tel contexte, identifie a/?;•/<?/•/les titulaires aux agents de la dotum dîvinii.3'
nonaires va selon moi à l'encontre de l'hypothèse selon laquelle des fonctionnaires Un cas est particulièrement important. Dans une lettre adressée à Yaiignsta Cous
dépendant de lui pourraient être responsables de leur perception. Par ailleurs, une tantina, Grégoire le Grand dénonce les abus auxquels se livre Stephanus, un fonc-
lecture attentive de la correspondance de Grégoire le Grand indique que les curies tionnaire impérial titré cbt&iuiariw tuarinnmni qui impose sans cause des /////// de pro-
sont alors au mieux moribondes en Sicile, ce qui ne plaide pas en faveur du maintien priété.1" Le titre, un nnicnm, est des plus étranges et a donné lieu à diverses hypothè-
de leur rôle en matière de perception.2' linfin, on peut invoquer le parallèle cappado- ses, depuis un agent en charge des côtes ou des chartes maritimes, jusqu'au respon
cien. Dans cette province orientale, l'ampleur des biens impériaux provoqua sous le sable de l'impôt clé imniicatio attesté une soixantaine d'années plus tard.'1"1 Étant donné
même règne une réforme confiant également la percepdon à un fonctionnaire palatin, la nomenclature administrative en vigueur, je crois nécessaire d'admettre la position
normalement en charge de la gestion du patrimoine foncier de l'empereur." Or, il
m'apparaît ici que les agents propres du service palatin sont directement en charge de
30 Ainsi, V. Rccchia, commentant, Régistrum 2,26, identifie les chartiihirii et la airturii.
la perception.29
31 Sur le ctiiiaritts, agent du comte du patrimoine, Delmaire, Aerarium, p. 694 ; chex Grégoire le
La novelle de 537 postule donc une sorte de propriété éminente de l'empereur Grand, Régistrum 9,3 ; Registrum 2,26 ; pour le charlularins, agent de la tltimns ilmna, Dclmanv,
sur la Sicile qui s'exprime au premier chef par l'indépendance de l'île vis-à-vis de Largesses sacrées, p. 232 et p. 695, n. 36.
toute autorité préfectorale. Les fonctions cruciales des préfets sont ici ventilées entre 32 Registrum 5,38.
plusieurs acteurs, dont les plus importants sont un agent du pouvoir central, le ques- 33 Delmaire, Aerarium, p. 695, n. 36, qui cite pourtant la lettre de Grégoire le Grand à !'<///:;//>/,/
teur du palais sacré, et le comte du patrimoine pour l'Italie. Titulaire d'une comitiva qui Constantina, ne propose pas d'explication. Dans leurs traductions respectives du Regisirum,
V. Recchia propose « cartulario délie xone marittime » et ). 11. C. Martyn « an officiai in charge of'
le rapproche des grands fonctionnaires palatins, le comte des largesses sacrées et le
marine charters», ce qui est encore plus étrange. Le choix de Recchia m'apparaît dicté par uni 1
hypothèse de D. Ricotti Prina qui voyait dans ce charliilarins marinurum (sous-entendu, selon m
24 Joncs, Later Roman Empire, p. 459. auteur pnrlhtni) le représentant local du cornespntriinonii pcr Italiatu (Ricotti Prina, Diritto di mum-
25 Cf. le tour d'horizon offert par A. Laniado, Recherches sur les notables municipaux dans l'empire tazionc, p. 386 ; cf. le commentaire de V. Recchia à Registrum 2,26, n. 1 « è dénommaio n;,ushs,i
protobyxantin (Monographies du Centre d'histoire et de civilisation de Byxance 13), Paris 2002, nu» chtirtnhiritis, molto probabilmente perché la sua sede è in Sicilia »), une théorie égalemem
p. 109—115, des percepteurs intervenant au niveau municipal. adoptée par Cracco Ruggini, Storia délia Sicilia, p. 23 et devenue par la suite opinin t~<w;/>:;n;i\,
26 II est ainsi interdit aux agents du préfet du prétoire de participer à la perception de l'impôt : Jo- jusqu'à ce que W. Brandes relance le débat en proposant de mettre le titre en relation avec l;i /;,-/,-/
nes, The Later Roman Empire, p. 450. ricatio, entendue comme un impôt, attestée en Sicile sous Constant II (W. Brandes, l ' i n a n / v c r
27 Prigent, La Sicile byzantine, p. 91-97. \valtungin Kriscnxeiten. Untersuchungen xur byxantinischen Administra don im 6. 9. |:mrhuii
28 Novelle 30, traduction dans S. Mctivier, La Cappadoce (IVe-VIe siècle). Une histoire provinciale clert [Forschungen <cur byxantinischen Rechtsgeschichte 25], Francfort-sur-le-Main 2002, p. 31V,
de PUmpirc romain d'Orient (Byzantina Sorbonensia 22), Paris 2005, p. 429-438. n. 472). Sur ce dernier terme, V. Prigent, Le rôle des provinces d'Ocddrni \\-.\\\\t de C
29 Pour une analyse approfondie de la novelle, ibid., p. 150-153 ; cf. également M. Kaphin, Les pro-
priétés de la couronne et de l'Hglise dans l'empire by/antin (IVe-VIe siècles) (By/antina Sorbo- ques, dans: Mélanges de l'École française de Rome. Moyen Age 118,2 (2(106) p. 269 .Vf),
in-nsia 2), Paris 1976, p. 52 ; iraduclion de ce texte complexe en appendice. p. 294—298, avec les éléments de débats antérieurs.
île Rohnid I t r l i n . M i r q u i y v n i l t i n nj'yni de la dtMins (l/t'/f/i/, niais ce sa van I t u - | > i ' t > p < >:,(.• i i H l k ' n l d'identifier StephûflUS avec un cbartuletrÎM de la d&tttU (///'///</ dr M a r i n a , :,;in:,
pus d'explication au mystérieux qualificatif tuaiinurut/j, doute gérée au bénéfice île l'impératrice. ( )n perçoit dont* à t r a v e r s re prrsnniiaj'y
La solulion nie semble devoir être recherchée du côté d'une déformation du que le monopole de la comilirti du patrimoine d ' I t a l i e est b a t t u en brèche. Les ageiUs
nom Marina. L'une des principales (hftins divina avait en effet pour centre l'ancien pa- du cnbiciilttHi gèrent déjà une partie des biens impériaux en Sicile. Le lien entre l'île cl
lais de cette princesse de la dynastie théodosienne."' D'autres palais de ce type exis- Constantinople en fut donc naturellement renforcé.
taient qui donnèrent des toponymes constantinopolitains du type al FlAaHiiïiavai ou
al Âgxaiït&v&l, basés sur le prénom suivi d'un suffixe pluriel.'1""1 La même évolution
aurait amené à la désignation du palais de Marina comme al Maqivavai On en tirerait
aisément un génitif pluriel Maiinatiariiw. Or, la chute d'une voyelle redoublée n'est
évidemment pas impossible. Cette hypothèse peut évidemment sembler hardie mais Le 6""K' siècle connaît une seconde évolution importante, qui concerne la figure du
plusieurs éléments viennent la renforcer. Tout d'abord, on a découvert en Sardaigne préteur. A. priori, cette charge semble prendre de l'importance, les correspondances
le sceau d'un certain BSOÇUÀ&XTÛÇ (xouç&TWg r&v Magivyç).' ' Cette pièce prouve les pontificales permettant de repérer un accroissement de son rang, les titulaires passant
contacts effectifs entre les provinces occidentales et l'administration de cette domus du spectabilat sous Justinien au gloriosat sous Grégoire le Grand.*' Toutefois, cette
constantinopolitaine. Par ailleurs, la pièce a été trouvée sur le même site que le sceau évolution ne fait que refléter la dévaluation des titres tout au long du siècle et ne peut
de l'impératrice Anastasia.37 Or, la lettre de Grégoire le Grand qui nous fait connaître être tenue pour significative d'un accroissement du pouvoir du gouverneur de Sicile.'"
le chcnlnkmm marinarnm, mentionne également les abus de l'administration impériale Elle reflète également un autre phénomène : le repli dans l'île de l'aristocratie sénato-
en Sardaigne et est adressée à l'impératrice.3" L'ensemble de ces éléments formeraient riale italienne.45
un tout logique : le pape se plaint à l'impératrice des responsables des biens gérés à Kn effet, le point véritablement essentiel pour la question qui nous occupe ici est
son profit par le service de la dont m divina de Marina. En outre, il est possible de la promulgation en 569 d'une novelle réformant la désignation des gouverneurs.'16
comprendre l'origine de cette évolution. "En 565, les biens de Bélisaire furent versés à Justin II en confie l'élection aux élites locales, repoussant en retour par avance toute
la maison divine de Marina.19 Or, il n'est'pas difficile d'admettre que Bélisaire, devenu plainte sur la gestion des gouverneurs. Cette décision fait de ceux-ci l'émanation de
l'un des hommes les plus riches de l'empire du fait de ses conquêtes, ait été posses- l'aristocratie provinciale.4' Rien ne permet de douter que cette disposition générale ait
sionné, entre autres, dans la grande île qu'il avait conquise. On peut d'ailleurs avancer été appliquée en Sicile, et le registnttu de Grégoire le Grand confirme que les titulaires
un cas concret très probable. Bélisaire fonda à Rome un hospice dont la localisation de la charge peuvent bien être d'origine locale. Ses conséquences étaient d'ailleurs a
n'est pas assurée, mais que l'on a proposé d'identifier au xenodochiiim de \/ia Nova.40 priori moins néfastes ici qu'ailleurs puisque le préteur ne disposait pas de compéten-
Or, le Rao/stn/M indique que cette institution possédait effectivement des biens en
Sicile.'" On conclura sur ce point en rappelant le destin du phylarque ghassanide al-
dait des biens en Antiochénc, mais il n'apparaît pas qu'il ait arrêté al-Mundhir au nom de ses
Mundhir. Ce chef arabe vécut en exil en Sicile après son arrestation à Hawarir, en
fonctions officielles.
Syrie, par le propriétaire de la cité, Magnus. Or ce personnage fut curateur de la domus 43 La novelle de 537 appartient au groupe des décrets instituant les nouveaux gouverneurs spectabiUs
de Marina. Il est donc possible que le prince ghassanide ait résidé dans l'île sur les voulus par Justinien. On peut donc admettre que tel fut le rang officiel initial du gouverneur de
biens de la maison divine.42 Tous ces éléments forment un ensemble cohérent et per- Sicile. Toutefois, cette dignité tend à disparaître au cours du 6ùmt; siècle. Sous Pelage I, le préteur
Léon est déjà rir magnifiais (PCBR, II, Léo 15, p. 1275). A l'époque de Grégoire le Grand, Liberti-
nus n'est peut-être que magnifiais (comparer Registrum 9,6 et 11,4), mais les autres préteurs sont
0/orioti (PCBR, II, lustinus 5, p. 1216s., PCBE, II, Alexandre 11, p. 87 ; PCBR, II, Romanus 19,
34 Delmaire, Largesses sacrées, p. 226 et D. Feissel, Magnus, Mégas et les curateurs des « maisons p. 1907), comme Quertinus, qui exerça la charge peu avant l'élection de Grégoire le Grand (Re-
divines » de Justin II à Maurice, dans : TM 9 (1985), p. 465-476. gistrum 9,6). Lorsque le pontife fait référence de façon générale au préteur, sans référence à un
35 R. Janln, Constantinople byzantine. Développement- urbain et répertoire topographique (Archi- individu particulier, il lui attribue dès le début de son pontificat le gloriosat (Registrum, appendice
ves de l'Orient chrétien 4 A), Paris 21964, p. 135-136. 1,1.44).
36 P. G. Spanu/R. Zucca, Sigilli bî/andni délia Sagiïrjvia (Pubblica/ioni del centro dî studi 44 T. S. Brown, Gendemen and Officers : Impérial Administra don and Aristocratie Power in
interdisciplinari sulie province romane dcll'Università deglî studi di Sassari 20), Rome 2004, 5.4.6, Byzantine Italy A. D. 554-900, Rome 1984, p. 131 ; Laniado, Notables municipaux, p. 168.
p. 105-107. 45 Le rang du gouverneur reflète traditionnellement celui des élites de la province dont il a la charge,
37 Ibid., 5.4.1, p. 103. D. Vera, Arîstocrazia romana ed économie provincial! nell'Italia tartloantica: il caso siciliano,
38 Régistrum 5,38. dans : Quaderni catanesi di studi classici e medicvali 10 (1988), p. 115-172, p. 142. Il convient en
39 Théophane le Confesseur, Chronographie, éd. C. De Boor, vol. 1, Leipxig 1883, p. 240. outre qu'il puisse tenir son rang face à ses administrés.
40 Lexicon Topographicum Urbis Romac, éd. L. M. Steinby, 6 vols., Rome 1993-2000, p. 218. 46 Laniado, Notables municipaux, p. 225-252.
41 Registrum 1,42,1. 210-212. 47 Cf. l'étude des dispositions de cette novelle par ibid., p. 225-252.
42 Fcîssel, Magnus, p. 465-468. On postule généralement que Magnus, qui fut également curateur 48 Le patrimoine foncier du préteur Romanus était concentré en Italie méridionale (Registrum 9,89).
tles biens d'Hormisdas, exerçait ses fonctions au moment de l'arrestation car cette àonim possé- Libertinus résidait en Sicile après sa sortie de charge (Registrum 9,28).
ccs en matière clc perception.'1'1 Dans ce contexte, la promotion du statui du gouver- un i n d i v i d u susceptible d'exercer uni- OUClconciUC i n l l i n i i i r M I T Léontiut, K i e n ne
neur ne reflète plus une logique de résistance aux élites locales. Son rang reflète au saurait indiquer mieux, à mon sens, la décadent r de e e i i e i n s i i i u i i o n . Kn Sicile,
contraire celui de ses électeurs. l'évolution générale qui portait à l'effacemenl des j M i u v e r n e u r s l u t en oulre ccrlaine
On perçoit bien dans la correspondance de Grégoire le Grand les conséquences ment renforcée par le fait que le préteur ne participai! pas à l'activité primordiale de
de cette réforme. Tout d'abord, la charge semble pouvoir être revêtue par des indivi- l'administration : la perception clé l'impôt.
dus n'ayant pas d'expérience réelle de l'administration.3" Par ailleurs, on note L'évolution au cours du 6aw siècle peut donc être résumée en deux poinis :
l'apparente impunité avec laquelle les préteurs abusent de leurs fonctions pour rirruption des services financiers de la chambre dans l'administration clé l'île et
s'enrichir^ Ce genre d'abus n'était pas nouveau, mais la novelle 149 soulignait que l'effacement du préteur.
les électeurs, ayant choisi eux-mêmes leur gouverneur, n'auraient plus de droits légi-
times de s'en plaindre.'^ Ainsi, tant que demeurait intact le consensus social qui avait
déterminé son élection, le préteur pouvait agir impunément. Il semble d'ailleurs que
le candidat passait un accord écrit avec ses électeurs, car la caiitio du préteur à laquelle
fait allusion Grégoire le Grand ne semble pas s'identifier au document officiel exigé Cette évolution se renforce encore au cours du 7tmL' siècle. Il s'agit, comme p a r t o u t
du nouveau gouverneur par les dispositions de la novelle 149."' Il devait sans doute clans l'empire, de la période la plus avare en sources.56 En-dehors de trois rapide-,
concerner ce suffmgiiim^ véritable pot-de-vin, que le gouverneur de Sarclaigne peinait, à références à un gouverneur hâtivement qualifié clé praejectusy pairichis ou /w/c.v, la tol;i
la même époque, à rembourser.51 lité de la documentation exploitable est ici sigillographique.71 Or, celle-ci, clans sa p;m
Ces divers éléments révèlent une certaine désaffection des autorités impériales vreté, ne nous livre pour la strate supérieure de l'administration que des bulles de
vis-à-vis de la figure du gouverneur. Cette évolution apparaît clairement à la toute fin fonctionnaires liés au cnbic/ihtt», chartulaires ou sacellaîres.™ II semble donc que la
du siècle lors de la fameuse mission de l'ex-consul Léontius. Cet envoyé de Maurice disparition de la comitiva du patrimoine d'Italie ait eu pour corollaire la récupérant in
s'installe en Sicile pour examiner l'activité clés administrateurs italiens, provoquant un clé ses attributions par les agents du cttbiculnm, selon une évolution déjà proposée pour
vent de panique chez les fonctionnaires qui se réfugient dans les monastères et ten- les deux grands services de la res privata et des sacrae iwgitïoih'.C Ce poids accru de:,
tent de trouver des appuis."1" Cet épisode provoque une flambée de l'activité épisto- eunuques de la chambre impériale n'est d'ailleurs pas spécifique à la Sicile et le- iv
laire de Grégoire le Grand qui s'ingénie à trouver des protecteurs à ces malheureux. crutement des exarques italiens indique également que la péninsule fut le pré carré de
Or, jamais la figure du préteur n'est évoquée comme défenseur possible ou comme ces administrateurs/'" L'Afrique, enfin, malgré l'exiguïté des informations disponibles,
a pu connaître un sort similaire. Toutefois, le poids de la chambre devait être phn.
49 Sur cet aspect des conséquences de la nomination d'un gouverneur issu de sa province, cf. La- fort qu'ailleurs clans l'île, du fait même que la comitiva dont elle récupérait les a t t r i b u
niado, Notables municipaux, p. 245. dons avait joui de compétences financières particulièrement étendues. Un point nié
50 Cf. Registrum 1,2 et Rcgistrum 9,6, l. 11-14.
rite ici d'être souligné. L'île ne tarda pas à être le siège de l'atelier monétaire le plus
51 Le pontife adresse une mise en garde générale au préteur : util/a ras lucrti nà iniuslltiam pciirubtnit
(Registrum 1,2, 1. 15-16), puis Justin est accusé de corruption p;ir Grégoire le Grand (Registrum actif d'Occident/'1 Or, le contrôle clé ces institutions clé frappe relevait au siècle
3,37). Libertinus a fraude sur les biens publics, mais conserve l'appui de ses électeurs : de codent précédent des Largesses Sacrées.62 La disparition de cette comitiva permit le conirôlc
Ijhertïna tnta simul prtivincia gratins nfenbtit, écrit le pontife à Léontius qui le met en accusation (Re- de l'éparque sur l'atelier de Constantinople, mais cette solution était évidc-mmetil
gistrum 11,4,1. 11).
52 Ces abus ne sont pas nouveaux, ce qui change c'est la désaffection de l'autorité impériale, clés lors
qu'elle n'en subit plus les effets. Cf. ci-dessous, pour l'aspect fiscal. 56 De façon générale, cf. }. Haldon, Byzantium in thé Vll ril Century : The Transtortnalion <>f .1 ( !ul
53 Laniado, Notables municipaux, p. 226 : « sous réserve que celui qui aura été désigné donne une ture, Cambridge 1997.
caution au fisc ». 57 Lettre du pape Honorius, 10,585 (JNIansî) ; pour Dôrotheus, désigné comme putriciiis ( iHùii-,1 d n i r .
54 Cf. Registrum 11,4, 1. 2—8, à laquelle fait écho le contenu Registrum 5,38, relatif à l'endettement la Comntemoratio attribuée à Théodore Spoudaios, mais à identifier certainemenl avec un /w///i/',yi
du gouverneur de Sardaigne. Sur la question du siiffragnim, C. Collot, La pratique et l'institution du Siciiîae, cf. le matériel réuni clans : R.-J. Lilie/C. Ludwig/T. Pratsch/1. Rncho\ (étkl.), Pnc.npi»
suffragium au bas-empire, dans : Revue d'histoire du droit 43 (1965), p. 185-221. graphie der mittelbyzantinischen Zeit, Abt. 1 : 643-867, vol. 1, Bcrlin/Ne\ York PJ99, n. l . i ' ) / ;
55 P. Goubert, Notes prosopographiques sur la Sicile byzantine à l'époque de l'empereur Maurice et Liber Pomificalis, éd. L. Duchesne, 2 vols., Paris 1886-1892, 85,4, p. 369.
du pape saint Grégoire le Grand, dans: RSBN 7 (1953), p. 370-373 et P. Goubert, Byzance 58 Les pièces sont pour l'essentiel inédites, Prigent, La Sicile byxantine, p. 10KI- -IOS7.
avant l'Islam, t. 2 : Byxancc et l'Occident sous les successeurs de Justinien, vol. 2 : Rome, By- 59 N. Oîkonomidès, Les listes de préséance byzantines des IXe et Xe siècles (Le monde l l y / a n i m •(),
/ance- et Cartilage-, Paris 1965, p. 242-246 ; ]. Richards, Consul of God. The Life and Times of Paris 1972, p. 312.
Gregory thé Gréât, Londres 1980, p. 91-93 ; Guillou, L'ispex.ione compiuta, p. 39-85. Ces au- 60 Brown, Gentlemen and Officers, p. 64s.
teurs établissent la vulgate ; B. Saitta, La 'carcerazione preventiva' clal pretore Libertino e 61 Pour une présentation synthétique, C. Morrisson/V. Prigent, La monctazioûC in Sicilia ni'HYi.i
Pintcrvento dt papa Gregorîo Magno, dans : Quaderni Catanesi di cultura classica e médiévale 4— bixantina, dans : L. Travaini (éd.), Guida allé xc-cclic iialiane, suppléinc-m au Bolletttno tii numi 1 ,
5 (1992-1993), p. 109-130, la reprend dernièrement. Ces études expriment des positions que je malica (sous presse).
ne panagc- pas, cf. Prigent, La Sicile byxantine, p. 1054—1060. (}?. Ph. Giicrson, An. Mints, The Oxford Diclionary of By/antiuni 2 (1991), p. I.î76s.
inapplicable dans l'île, et il est plus probable que ce turent les agents du atbiatliitii qui qnr. Trois nuires le h n v i i l probablement m raison dei r l ; i | H " , , I M I U lemvs ou poste
y régirent l'atelier.' 11 Je rappellerai ici que la marque SCI, qui caractérise les émissions Heures de leur carrière, cl n o t a m m e n t Pacrès à Pcxarclul d'Italie, pré carre île:, r m i i i
monétaires siciliennes dans la seconde moitié du 7U11L' siècle apparut initialement ques de la Chambre. Ainsi, sept stratèges peuvent être considérés comme r u n u q u r s ,
comme contremarque sur de vieilles monnaies envoyées dans l'île depuis Constanti- tandis qu'un seul est à coup sûr un « barbu ». 11 s'agit là d'une claire spécificité sici
nople. Elle n'indiquait donc pas un lieu de frappe, mais l'autorité cautionnant la va- lienne, en rupture avec ce que l'on peut observer partout ailleurs dans l'empire. ( )r, il
leur de ces vieilles espèces. Or, dans ce cadre, le sigle SCL a toutes les chances de n'y a pas à clouter de l'origine de ce particularisme : malgré le bouleversement iidtni
renvoyer au sacellaire ou à la sacelle. nistratif majeur que représenta l'institution d'un thème en Sicile, l'île demeura fer-
Un second petit groupe de sceaux nous confirme que l'île continuait à jouir jus- mement sous le contrôle d'un même groupe, les eunuques du cnhïcnlnm,
que dans la seconde moitié du 7cim' siècle d'une administration fiscale particulière. Ce recrutement spécifique des stratèges ne constitue d'ailleurs pas l'unique héri-
Tandis que partout dans l'empire, on voit s'affirmer les fonctions des commerciaires, tage du 6tmt' siècle dans l'administration du thème médiéval. La présence dans l'île
seuls les sceaux siciliens mentionnent le kommerkion de façon autonome, par la lé- d'un représentant du service central de Y épi ton déèséôti ne peut en effet: se comprendre
gende kommerkion Sikelitis, Le processus fiscal désigné de ce terme est donc appliqué, que clans le cadre de la subordination initiale de ce service au questeur du palais sacré,
mais sa charge incombe à d'autres agents financiers.'0 Or, les seuls dont nous ayons en charge des procédures d'appel émanant de l'île. "
traces sont les chartulaires du culncnliim. L'examen de l'évolution des cadres administratifs en vigueur en Sicile révèle
11 me semble donc clair que l'île passe très largement sous le contrôle de la donc que l'étroite subordination de l'île à la personne du prince souhaitée par Justi-
Chambre impériale au cours du 7tim siècle et que cette évolution doive également être nien et orchestrée à travers les dispositions de la novelle de 537 ne fit que se renfor-
prise en compte pour saisir l'origine de la décision de Constant II de venir résider cer au fil des décennies au profit de la Chambre impériale. La base de ce lien était
dans l'île. Certes, il s'agissait de défendre deux provinces essentielles pour Constanti- toutefois essentiellement administrative et reposait dans une très large mesure sur la
nople, la Sicile et l'Afrique, mais l'influence de la Chambre, qui tenait fermement l'île, maîtrise de l'administration financière et fiscale. Face à ce pouvoir officiel s'exerçait
dans cette décision ne doit pas être sous-estimée. Évidemment, ce contrôle ne put toutefois une seconde influence, celle des pontifes romains, dont l'essence était tout
que se renforcer après les six années de résidence impériale à Syracuse. autre, puisqu'elle reposait principalement sur clés fondements socio-économiques.

3. Les fondements de l'influence pontificale en Sicile

Cette évolution nous est également confirmée par le profil très particulier du recru-
tement des gouverneurs militaires de Sicile, les stratèges, lorsque l'île fut érigée en
thème sous Justinien II. J'ai dédié, avec Mickaël Nichanian, une étude particulière à Le point essentiel à prendre en considération est le poids foncier des pontifes de-
cette question et je ne fais ici qu'en reprendre brièvement les conclusions, car celles- Rome clans l'île, CL chacun connaît l'importance des patrimoines pontificaux siciliens
ci viennent renforcer ce qui précède."' sur lesquels la correspondance clé Grégoire le Grand est si riche en détails ' et dont la
Le corps des stratèges de Sicile est en effet caractérisé, outre par l'importance saisie au cours du 8"mL' siècle entérina la rupture entre la papauté et l'empire.'"
extraordinairement élevée clés titulaires de la charge/" par la présence en son sein de L'ampleur de ces biens doit toutefois être relativisée et l'on ne saurait admettre
très nombreux eunuques issus de la Chambre impériale. Sur treize titulaires bien do- les ordres clé grandeur généralement retenus qui montent jusqu'à plus de 50% des
cumentés, quatre sont certainement des eunuques en raison de leur titulature spécifi- superficies effectivement mises en culture au début du 20L'mi; siècle.' Mes propres

63 Les gouverneurs n'avaient aucune responsabilité dans ce domaine, ne serait-ce que parce que les
ateliers étaient organisés en fonction de l'échelon diocésîen, M. Hendy, On thé Administrative 68 Prigent, La Sicile byzantine, p. 1256-1259.
Basis of thé Byzantine Coinage c. 400-900 and thé Rcforms of Heraclius, dans : University of 69 Ktude classique : V. Reechia, Gregorio iMugno e la società agricola (Verba scniorum n.s. 8), Rome
Birmingham Histoncal Jouvnal 12 (1970), p. 129-154, repris dans id., The Economy, Fiscal Ad- 1978.
ministration and Coinage of Byzantium (VR), Northampton 1989, VIII. 70 Cf., avec bibliographie, V. Prigent, Les empereurs isauriens et la confiscation des patrimoines
64 Sur ce phénomène monétaire, Prigent, Le rôle des provinces d'Occident, p. 273-289. pontificaux d'Italie du Sud, dans : Mélanges clé l'École française de Rome. Moyen Age 1 16,2
65 Sur cette question, ibid., p. 290-294 et id., La circulation monétaire en Sicile (Vie-Vile siècle), (2004), p. 557-594.
clans : E. Zanini (éd.) The Insular System in vhe Byzantine Medîterranean (Colloque Nicosie 71 Estimation classique : Cracco Ruggini, Storia délia Sicilîa, p. 13 : « si calcula che la sola Chies:i
2007), à paraître dans les BAR. Romana disponesse in Sicilia di circa 3.200.000 iugeri, cioè 800.000 ettari, suddivisi fra 400 grandi
66 M. Nichanian/V, Prigent, Les stratèges de Sicile. De la naissance du thème au règne de Léon V, affittuari c approssivamente 250 famiglie coloniche per ogni afflttuario », on soulignera en pas
dans : Revue des Études Byzantines 61 (2003), p. 107-114. sant que ce genre d'estimations amène à admettre près d'un demi million de dépendants ; plus ré-
67 91% de patrices contre 45% à l'échelle de l'empire. cemment, C. Zuckerman, Learning from thé Enemy and more : Studîes in "Dark Centuries" By
estimations m'amènent à envisager une superficie de l'ordre de 80 000 hectares, avec r;ii H t m du i > i h MI M ' M j'.i:. l i m i t é e aux biens dT'.glise. ( > i i apprend ainsi que le ,/</<//
deux noyaux principaux, centrés sur Païenne et Syracuse/" sur A i H i i n i i i i i ' . n.ni impliqué dans les affaires de Palalinus, Iréiv de Grégoire le
11 convient donc de redimensionner considérablement l'extension des biens tirand, et assm.iil la j>,:irde de ses capitaux.1''' On retrouve une intervention du même
pontificaux et de bien connaître la difficulté de toute estimation, notamment en rai- çcnrc en faveur de Rusticiana."0 Les liquidités à disposition du recteur é t a i e n t ei'ale
son de la structure concentrique des patrimoines. Rome possédait ainsi des monastè- ment mises, le cas échéant, à la disposition des grands posscsxtnvs par un système de
res, eux-mêmes propriétaires de leurs propres biens fonciers, parmi lesquels, poten- compensation. Le ghriosus Cethegus et sa femme Flora obtiennent le verseineni de
tiellement, des monastères, également propriétaires, dans un emboîtement vertigi- dix livres d'or au bénéfice de leurs agents en Sicile contre un versement équivalent a
neux. " Se pose également le cas des biens dont l'Eglise de Rome ne possède qu'une Rome.K1 Au-delà de ces cas concrets, la correspondance de Grégoire le Grand ni l i e
partie.74 Il est néanmoins évident que les papes étaient les plus importants possessores une indication de caractère plus général puisque le pape mentionne, pour réglementer
de l'île et que des biens leur appartenant, malgré une politique de concentration, de- leurs profits, les agents à&patrimonium pontifical qui, sur l'ordre du tvctur et donc- de
vaient se trouver dans chacun des ressorts civiques de l'île.7'"' façon officielle, s'impliquent dans des affaires ne concernant pas les biens de Rome. '
Cette ubiquité des biens pontificaux, alliée à leur poids global unique, amenait les II est donc clair que l'administration pontificale gérait en réalité bien plus de terres
agents du pape à assurer également la supervision, ou tout au moins la surveillance, que ce qui appartenait en propre aux pontifes. Sous sa forme la plus extrême, relie
des possessions de certains membres de l'aristocratie, et notamment des membres de recherche de la protection pontificale prenait d'ailleurs la forme d'une remise île:;
l'élite, coupés des éléments les plus excentrés de patrimoines souvent dispersés.7fl Le biens contre le versement d'une pension.s
recteur prend ainsi à sa charge la gestion des biens des Églises de Milan et de Canosa Parallèlement à la protection des patrimoines de ses clients, le poniile pouvait
et internent dans celle des domaines de Ravenne.77 Ces interventions se font égale- être une source de richesse essentielle pour l'aristocratie. Le ngistrnni mentionne ainsi
ment en faveur d'institutions pieuses, comme l'hospice romain de Via Nova.78 Mais les requêtes répétées des aristocrates soucieux d'obtenir concessions emphyléoli
quessl ou simples conduma^ voire même de véritables pensions ou cofltùstnti*. Gré
xantium, dans : Millenium 1 (20U6), p. 79-135, p. 124, propose un tiers de la surface cultivée de goire le Grand ne semble pas personnellement enclin à accueillir tavorablemeni ces
l'île. requêtes, mais l'évolution générale de la gestion des biens d'Eglise allai! en ce sens.
72 Prirent, La Sicile byzantine, p. 396-412. Ce qui est important pour nous, c'est que ce genre de concession semble s'cire don
73 Je me contente ici de quelques exemples. Les monastères fondés par Grégoire le Grand blé de plus en plus d'une dimension politique, le bénéficiaire se plaçant dans la su
appartiennent à cette catégorie, la Vie de Grégoire le Grand p;ir Jean Diacre mentionnant que ses
fondations furent dotées des praedia nécessaires (Vie clé Grégoire le Grand 1,5, p. 66). Elles
bordination étroite de son bienfaiteur.8
continuaient à accumuler normalement des biens après leur intégration au patrimoine de Rome Enfin, en parallèle à ces concessions directes, une source de profits i m p o r t a n t e
(Registrum 13,3)- Le monastère de Sainte-Lucie de Syracuse semble également avoir relevé du pouvait naître de l'implication dans les processus de perception, que ceux ri eoneer
palnmoniiiiii puisque le pape y exerce des prérogatives réservées au propriétaire. Il nomme ainsi un nent les droits du propriétaire ou ceux de l'Etat. Le IV«/S/MM fourmille en elle)
administrateur laïc et dispose des revenus du monastère (Registrum 1,67 ; sur la figure du camclia- d'informations relatives aux abus des intendants et des percepteurs intervenaiil sur le
rîns, R. Morosi, Cancellarii in Cassiodoro e in Giovanni Lido, dans : Romanobarbarica 3 [1978],
domaine de l'Église,88 Or, l'administration pontificale, et en dernière instance le pape,
p. 127-158). Par ailleurs, l'abbé a besoin de son autorisation pour ordonner l'un des frères pravpo-
si lux du monastère (Registrum 3,3). Les Institutions de charité relevant du painmoniitm possédaient
avait la haute main sur la désignation, non seulement des coixlnclorc^ mais également,
également des biens propres, comme en témoignent les reproches de Grégoire le Grand au dcfcii-
sor Romanus qui fait primer les intérêts matériels du xenadochium dont il a la charge sur les dépen-
ses de charité (Registrum 2,50). Registrum 1,42,1. 129-134.
74 Je cite ici le cas de la massa louais et Stitiumtcrui : une lettre pontificale nous apprend que ce grand Registrum 1,42,1. 198s.
domaine relevait à la fois de l'Église de Rome et de la riche dame Praeiecfa (Registrum 9,23). Registrum 9,73. La lettre est adressée à Jean de Syracuse qui occupe alors l'iniérin
75 En octobre 598, le pontife confie l'administration de la partie orientale du patrimoine sicilien de patrimoine oriental en l'attente de l'arrivée du dtjt'tmr Romanus.
Rome au defensor Romanus et décrit ainsi sa juridiction : patrimomttm samttw Rorannae [...] licckshic in Registrum 1,42,1.90-94.
partilms Syracusatiis, Catemnsibm, Agrigentinis vcl Mcssanensïhns constitutiuii (Registrum 9,29). Toutes les On peut citer le cas de la massa \ (Rcgisinini 1,42, I. 1 19 -124} : rf'.i'Jise t'a ; u i | i i i - . e p.H
grandes cités de l'est et du sud sont concernées à l'exception notable de Taormina. donation, mais a pris à sa charge le versement d'une renie du dmi/e .w//}//aimudv
76 Cf. par exemple, Registrum 9,89. Il s'agit d'une lettre unique sans précision de lieux, destinée à Registrum 1,70.
être copiée en quatre exemplaires par la chancellerie. Ce genre de document était sans cloute des- Cf. par exemple, les terres de Rome dont le puissant pairice syiMciisain Y r i K i n l i
tiné à intégrer rapidement les formulaires qui y étaient en usage. l'exploitation, Registrum 9,236.
77 Canosa : Registrum 1,42, 1. 147-150. Milan : C. Pasini, Chiesa di Milano e Sicilia : punti di con- P.ex. Pateria, lanle maternelle de Palalinus el Grégoire, et Vîllnstrh Palatin;) (Regi'.intm
tai to dal IV al VIII secolo, dans : S. Pricoco/F. Rinzo Nervo/T. Sardella (édd.), Sicilia e Italiu 'I'. S. Brown, L'arisincra/ia di Ravenna da Giusiiniano a Carlo Magno, d,m>, : l ; di\
suburbicaria ira IV e VIII secolo. A tri del convegno di studi. CatanJa 24-27 ottobre 1989, Soveria 132 (19K6), p. 91-98, p. 94 ; B. Andrenlli, 1.1- e n l i l e u s i e i livdli del "liivviariiiin", i l - u r . : A. V.i
Mannelli 1991, p. 367-380. Pour Ravenne, Registrum 9,9 ; de façon générale, G. l'asoli, Sul Pa- sina el alii (édd.), Ricerdu- e siudi Mil Hreviariuin l'',cdei>iac Ravriinaii-, (Codifi- ILiv-im) (Stmli
Irimonio délia Chiesa di Ravenna in Sicilia, dans : l'élis Ravenna, '1e sér. 117,1 (1979), p. 69-75. Sioiid 14K 149), R. nue l'ISS, p. U>.'> I V H , p. I 0 U-i p. 172.
7S RriMsirum 1,42,1.210 212. IA-, indlleur-. l'-suinpli". '.e h o n v e n t t l . u r . la Rcj'j'.initn I ,•!.*.
ce qui est moins connu, des aïeuls publics tic perception opérant sur ses lerres, selon l ) m \ i r i i t e poiiil, bien que nous ne Ir:. Connfti»Woni
un modèle également observable en Egypte.*9 Ce point me semble d'autant plus rr Ir ( i r a n d , les interventions tir ers jugrs nr -.(• l i
important qu'au début du 8L'"11' siècle on constate encore l'existence clans l'empire tirs laïcs à tirs gens d'Église. Troisièmr p o i n t , Ir:,
d'individus tout à la fois définis comme des personnes privées et agissant en tant que iprlt'-s cotyiilori's, ne constituent pas un corps dr l o i i c t i o n
percepteurs publics. En outre, le registntm révèle une tendance croissante de naires ou de magistrats. Ils interviennent pourtant dans des a f f a i r e s importântei
l'administration pontificale à s'interposer entre l'administration impériale et le nisll- ayant vu des lois impériales clairement enfreintes. Ils sont simplement élus pour
c/is. On comprend donc qu'à terme le patrimonintH pontifical ait été responsable de la l'occasion, les plaignants apparaissant comme leurs uniques «électeurs» 1 '" ri Ir
perception sur ses biens, ce dont témoignent la saisie des membres de la fan/Ula principal critère semblant être l'éminence sociale et: l'autorité morale." 1 Ces jugrs
comme gage pour les arriérés et surtout les exemptions d'unités d'assiette fiscale dont n'ont donc pas la faculté d'évoquer une affaire devant leur tribunal. Par ailleurs, 1rs
le liber pontijîca/is nous transmet le souvenir,92 Le cas des patrimoines de Ravenne est. deux parties ne semblent nullement obligées de se présenter devant les juges, t e n t a n t
encore plus net et peut-être plus précoce. Il est d'ailleurs important de s'interroger parfois de laisser pourrir l'affaire ayant provoqué la désignation des juges élus.
sur l'ampleur de ces responsabilités de l'administration pontificale en matière de dé- Quatrième point, la procédure doit être acceptée volontairement par les deux pur
signation des agents de perception. Celles-ci pouvaient-elles le cas échéant s'étendre des."1'1 Enfin, cinquième caractéristique, ces juges ne semblent disposer d'aucun pou
aux terres sur lesquelles elles exerçaient le patronage papal ? Quoi qu'il en soit de ce voir pour garantir l'application de leurs décisions. Celles-ci semblent disposer malgré
dernier point, il y a avait là pour les pontifes un moyen essentiel de développer leur tout d'une certaine valeur contraignante, puisque le pape s'en réclame pour légitimrr
influence, tant sur les contribuables susceptibles d'obtenir délais ou prêts, que sur les l'intervention de son recteur dans l'application des décisions de indices elcc/i.
individus soucieux de participer aux bénéfices générés par cette évolution. Ce point La correspondance de Grégoire le Grand nous livre donc le portrait de procédu-
me semble fondamental pour bien comprendre l'impact des mesures ultérieures de res judiciaires ordinaires, largement indépendantes des cours officielles des magistrats
Léon III. municipaux ou provinciaux, dans lesquelles prime le recours à l'arbitrage par des in-
dividus dépourvus d'autorité coercitive, choisis sur des critères sociaux et moraux,
pour régler des litiges strictement locaux. Ce constat permet de tracer un parallèle
avec la procédure de règlement des conflits en vigueur en Egypte à la même époque,
bien étudiée par T. Ganos et P. van Minnen. Celle-ci impliquait la reconnaissance
Ce rôle particulier des pontifes dans la gestion des patrimoines aristocratiques se préalable devant notaire par les deux parties de la force contraignante de la sentence
doublait d'interventions importantes en matière judiciaire. Il convient, pour s'en ren- finale, clont la valeur légale sera ultérieurement reconnue par les cours officielles.
dre compte, d'étudier la façon dont se réglaient réellement les litiges dans la Sicile de On retrouve donc bien tout à la fois la nature officieuse clé l'arbitrage et la valeur
la fin du 6tmi: siècle, en marge des dispositions officielles de la novelle de 537.93
L'organe de régulation essentiel ne semble pas en effet les tribunaux officiels, mais le
96 Cf. Registrum 9,92.
conseil des indices elecii 97 Cf. l'affaire de Tanuaiïa, Registrum 9,39.
La correspondance de Grégoire le Grand met en scène à plusieurs reprises ces 98 Je diverge sur ce point de L. Giordano, Giustixia e potere giudi/iario ecclesiastico nell'cpislolario
indices clccti et permet de mettre en valeur plusieurs points. Tout d'abord, le recours di Gregorio Magno (Quaderni di Vetera Christianorum 25), Bari 1997, p. H9, qui voit dans ces
aux indices ekcti fait suite à une simple tentative de conciliation par un tiers (dans le personnages les titulaires d'une magistrature mineure.
wgistmm^ le pape), requise par l'une ou l'autre des parties.9'1 Cette intervention procède 99 Cf. l'affaire de la spoliation des biens de la communauté juive de Païenne, Regislrum S,25 el 9,3S.
Sur les règles relatives aux biens des communautés juives alors en vigueur, novelle %.
d'une requête formelle, une petitio?* présentée à Rome et éventuellement accompa-
100 Ainsi, dans Fat faire de lanuaria, le pape demande que ces opposants tttdsas atn; m clnifinl.
101 On voit ainsi agir ensemble à Païenne le premier des aristocrates de Païenne (PCBI 1 ,, H, Venan
89 Prigent, La Sicile byzantine, p. 433-440. tius 7, p. 2257s.) et un vénérable homme d'Kglisc, ultérieurement envisagé comme candidat ;ï
90 Théophane le Confesseur, Chronographie, p. 385 ; Nikephoros Patriarch of ConstanrJnople. l'épiscopat (Registrum 9,12).
Short History, éd. C. iUango (CFHB 13), Dumbarton Oaks/Washington DC 1990, p. 50, 1. 20- Le pape demande au gluriosiK Félix de ne pas (iîjjlr,m' ml (tiitstt»; t>ci\'thiv une lois élus les juges ( R r
21. Cf. les remarques sur ce passage dans Laniado, Notables municipaux, p. 114. gistrum 9,41), mais, trois mois plus tard, le sénateur et Tévcque Jean s'accusenl m u l u c l l e m e i i i dr
91 Cf. le système de prêt censé mettre les rnstici de i'Kglise à l'abri de l'endettement auprès des retarder la procédure en ne se présentant pas devant les juges (Regisirum 9,92).
percepteurs eux-mêmes, mis au point par Grégoire le Gond et décrit dans Registrum 1,42. Ainsi, clans l'affaire opposant le magister miliium Maurenlius à IT.glise tic Païenne (RcgtttTUlTI
92 Liber pontificalis 84,2, p. 366 et 85,3, p. 369. Sur ce passage, Prigcnt, La Sicile byzantine, 9,121) Grégoire le Cirant! spécifie si j'tirtcs vobwùti, /.../ cli^nil <ww//r//vv, en lieu ci place de i r i r .
p. 1104-1112. qu'il propose personnellement. De même, le pape désire que \£ gloriosm I v l K nnlin ni fliipinioi
93 Sur la typologie îles méthodes de règlement de conflits, cf. T. Gagos/P. van Minnen, Settling a i;i(lh\'S dtffiatitattl intuwti!, afin d'accék'Tcr le règlement du c o n l l i l qui Ft>pp<i:,e ,ï riv'Jt-.e dt
Dispute. To\vards a Légal Anthropology of Late Antique l'-gypt, Ann Arbor 1994, p. 30-35. Syiiieuse (Rcgistrum 9,41)
9-f Cf. Registrum 9,39 ; Rcgistrum 9,146s. ExpUtitemeni en Regislnim 9,12(1 ri implieilemenl en R e g i M i u m ( >, l - U i .
9r> Le leniic csl explicitement mentionné dans Registrum 9,147, I. 2. ( i . i i ' / 1 - . / \i M i i i i u ' n , S e l l l i i i ; 1 , a l ) i ' . | i t i l e , |', >.'.
Opératoire de leur décision, cl la xtvdti coMpromisù tit iadicnti mentionnée dans le tr- mais k1 i v i M i r di | i i
yîstrnw renvoie probablement à ce type de document notarié.1116 Le développement de on louail en quekjui
ces procédures intervint dans le cadre d'une seconde évolution qui vit un recul des la capacilé du tl<j<ii\cf, i r p n ' . r i i i . i n i de l'autorité du poniite, à assurer IYI t i c a r i l c du
pétitions adressées aux autorités locales officielles. recours éventuel aux juridictions officielles.
Au sein de ce système clé règlement des conflits, le pontife n'intervient pas en 11 est essenliel de noler que les individus qui font appel aux pontifes dans ces ;il
tant que juge, mais en aval de la procédure, pour en superviser le lancement de faires ne sont pas tous « faibles» menacés par plus puissant qu'eux. On trouve aiir.i
l'arbitrage en faisant plus ou moins ouvertement pression sur les parues, et en amont, deuxgloriosï^ au sommet des honneurs sénatoriaux, ou un mcioisler militai}/. ' Mai;, i l
pour cautionner l'application des décisions des indices electi. Cette double intervention, semble que dans ce cas, ces puissants ne résident pas sur place. ' Ceci nous renvoie a
motivée par une pefiiio, reflète également une autre évolution caractéristique de la fin un second aspect des procédures étudiées par T. Ganos et P. van Minncn : la iliinrn
de l'Antiquité : « l'antique requête hypomnéma tique à la diplomatique très stable » est sion sociologique de l'arbitrage judiciaire. Les arbitres ont en premier lieu le souri de
peu à peu « remplacée par des formes hybrides, combinant le formulaire de la péti- maintenir intact le tissu social et ce souci est susceptible de primer sur la si ride appli
tion et celui de la lettre, ou même par la requête épistolaire pure et simple, la lettre cation du droit. ' Bien évidemment, ce facteur désavantage fortement les propriétai
mettant en œuvre les articulations et la topique traditionnelle de la pétition »."'H Le res absentéistes et Ton comprend mieux que de très hauts personnages semblenl
pontife intervient donc en raison d'un appel affectant des formes relativement offi- éprouver des difficultés à faire valoir leurs droits localement."7 Or, ce plu-nonu-nr
cielles, mais son action ne repose pas sur des bases juridiques précises. Nous sommes eut selon moi un impact essentiel sur le sort de l'aristocratie sénatoriale occidrnlalr.
clans le domaine de ses « pétitions privées », étudiées par J. Gascou, bien que l'appel La perpétuation de son statut nécessitait après la reconquête de faire carrière à
au pape ne relève pas directement de l'autorité du propriétaire mats plutôt du simple Constantinople. Mais ce transfert faisait courir un réel péril aux patrimoines qui
patronage."19 On est donc en droit de s'interroger sur la capacité du defcnsor à faire n'étaient plus directement protégés.
appliquer les sentences, en l'absence de juridiction sur les parties et d'autorité offi- Dans ce cadre, le recours au pape est parfaitement compréhensible puisque Ir
cielle des juges. La meilleure solution me semble d'envisager que le dejetisor ait ici agi pontife associait une puissante influence locale, notamment liée à la présence d i f ï u s e
en tant ap?exseattor. Ce personnage avait pour fonction de porter la citation judiciaire de ses biens propres et de ceux que son recteur supervisait pour d'autres, à une large
et d'assurer l'exhibition du défendeur devant le tribunal public, puis seulement de indépendance vis-à-vis des intérêts partisans. Le patronage pontifical devait donc
surveiller l'application clé la décision de ce dernier. ' En vertu des dispositions con- apparaître comme la clef d'une stratégie d'intégration à la véritable élite impériale,
traignantes contenues dans le eompromissum initial, le defmsor avait la capacité d'assurer n'hypothéquant pas les chances de maintenir intact le patrimoine foncier tradiliontu'l.
l'intervention rapide des cours officielles en faveur de la partie dont le bon droit avait Par ailleurs, l'évolution que l'on perçoit ici permet de relativiser les privilèges juri
été cautionné par les juges élus. LVxr«*/0r est normalement un fonctionnaire public

111 /uckerman, Limites de la pétition, p. 86-88, où l'on trouvera une description extraordinaire du
106 Rcgistrum 9,92.
marché qui se développe à Constantinople devant les bureaux de la préieclutv a u t o u r de
107 La présentation classique de cette thèse est celle d'A. A. Schiller, The Courts arc no more, dans : l'engagement iVexscaifores privés.
V. Giuffrè (éd.), Studi in onorc di Edoardo Volterra, vol. 1, Milan 1969, p. 469-502, contre la- 112 Cf. également, à propos d'une affaire se déroulant en Sardaigne, la formule de (irégoiiv le ( l r . i t n i ,
quelle s'est élevé D. Simon, Zur Zivilgcrichtsbarkcit im spa'tbyzantinischen Agypicn, dans : RedcmpiHM ikfemonm nostrtnapnmaniîtim illic portiloivw (il s'agit de la lettre en question) ilii\\i/,<::i<;, ;t!
RIDA 3,18 (1971), p. 623-657 ; le déclin des juridictions civiles est malgré tout généralement ac- vt partes in indicio obsenwi; compellut et cxfciilianis s;me iiishmiiti ut! rfltcfitm <jiitic /;/(/•//// tmlh'iifn fs'.til:t<,i!
cepté, cf. récemment C. Zuckerman, Les deux Dioscore d'Aphrodite ou les limites de la pétition, (Rcgistrum 8,35). Il est probable que ces interventions du pontife n'eut rainaient pas de rémnne
dans : D. Feïssel/J. Gascou (édd.), La pétition à Byzance (Monographies du Centre d'Histoire et ration, autre bonne raison de s'adresser à lui.
de Civilisation de Byxance 17), Paris 2004, p. 75-92, p. 90 ou J. Gascou, Les pétitions privées, Félix, Rcgistrum 9,41, 91s. ; Faustus, Rcgistrum 9,146s.
dans : ibid-, p. 93. Sur le contexte socio-culturel de cette évolution, GagoS/van Minncn, Settling a Maurcnlius, Regisirum 9,120.
Dispute, p. 35—46, ces auteurs écrivent à ce sujet (p. 43 n. 98) « there is no évidence for other PCBE, II, Faustus 9, p. 760—761, réside sans doute en Campanic ; M a u r e n t i u s exerce se1, t m i e
parts of thé Roman empire », mettant ainsi en relief l'importance de l'apport des lettres de Gré- tions clans la région de Naples, PCBE, II, Maurentius 2, p. 1433-1435 ; il CM impossible de 11,111
goire le Grand. Il est intéressant de noter qu'en parallèle se développe l'usage de la pétition di- cher pour Félix dont on sait juste qu'il est sicilien, Rcgistrum 9,91.
recte à l'empereur ; les cours locales et provinciales étaient donc soumises à deux; concurrences 116 Gagos/van Minnen, Settling a Dispute, p. 32 : « they should not only considcr llie objcrl <>| t |r,
bien différentes mais, malheureusement pour elles, complémentaires ; sur cet aspect de la justice pute and thé facts of thé case, but also thé relationship beuveen ihe p a r t i e s » ; également p, -H),
au 61'"1- siècle, Zuckerman, Limites de la pétition, p. 80-82. sur les rapports de force entre les deux parties en présence ei son influence sur le mode de té-.o
108 Gascou, Pétitions privées, p. 93.
lution du conflit choisi.
109 Définition de ce type de document, ibid., p. 94—97. 117 Bien que l'intervention de juges élus ne soit pas mentionnée dans leur cas, il n'eM p.i', inutile île
110 Sur cette charge, l'ekbibastès grec, L. Miglinrdi Zingale, L'ekbibastcs in età giustinanea tra norma- souligner que des personnages aussi éminents que la patricienne consl.intinopolii.iiiie U U - . I K i.in.i,
xione et prassi : rîflessioni in margine ad un papiro osstrinchka di récente pubblicazione, dans ; belle-mère de l ; l. Apion, et le propre cousin île l'empereur, Dometiano:, de Meilleur, t o n n . i i v . i ' i i i
S. Puli;itti/A. Sanguine! ti (éd.), Legîslazione, cultura giuridica, prassi dcU'impero d'orienté in età des difficultés pour défendre leurs droits en Sicile, ce dernier dev.ml un '.impie e l , n i - , M i n e , Ke
giustinianea tra passato e futuro, Milan 2000, p. 229-252.
diclionnels que la novclle de 537 accorde aux Siciliens. Ceiïes, leurs appuis sont, en canal d ' a c t i f ni q u i d< 1 1\i i le :
droir traités directement par le questeur de Constantinople, au nom du prince. Maïs revenait tir l a i i au t k i;'r cl ;i
dans la pratique, Péloignement de ce tribunal et son engorgement dont témoigne fonciers du pape lui p e r m e i i a i i d'intervenir en amont dans la désignation de l'évêque,
Procope ne pouvaient que renforcer la tendance à régler les choses à l'amiable in situ. et le patronage qu'il exerçait sur toute une frange de l'aristocratie assurait un souiirti
Or, dans ce cadre pratique, l'influence pontificale primait sur la relation privilégiée minimum à son candidat. 1 '' 1 lin outre, en cas d'incapacité des électeurs à parvenir à
théorique au prince.11" un consensus, il appartenait au pape, en tant que métropolite, de trancher. La nonii
Le pape apparaît donc, du fait de l'ubiquité de ses biens fonciers, comme le nation de visiteur permettait également d'imposer un fidèle à la tête d'une Eglise lo-
principal patron de l'aristocratie. Son recteur intervient non seulement dans la cale.12" On comprend donc avec quelle facilité Grégoire le Grand renouvela en
supervision, voire l'administration de leurs biens, mais également dans les affaires profondeur l'épiscopat sicilien en quelques années. Or, ce contrôle étroit sur les élec-
judiciaires les menaçant, assurant que leur absentéisme éventuel, condition nécessaire tions, qui naît de la double nature du pape, à la fois électeur et arbitre de l'élection,
;\e carrière à la capitale, ne vienne pas menacer leurs biens. En outre, le pontife offrait évidemment de nouveaux moyens d'action au pontife, de nouvelles opportu-
détient également par l'emphytéose les charges de gestion de ses propres biens et la nités d'étendre sa clientèle puisque le contrôle de l'institution épiscopale était l'une
désignation des agents de perception des sources d'enrichissement d'autant plus des voies d'enrichissement privilégiée des aristocraties locales. ~' II va sans dire que
cruciales pour l'aristocratie que celle-ci connaît aux 0(:mi-_7(:m'-' siècle un renouvellement Grégoire le Grand exerça ses prérogatives clans le sens d'une amélioration sensible du
profond, avec d'une part la disparition de l'aristocratie sénatoriale, et d'autre part corps épiscopal, mais tous ses successeurs n'atteignirent pas la sainteté. Le cas de
l'arrivée clé nouvelles élites ayant fuit les invasions en Orient, en Afrique et clans les l'élection de saint Zosîme au trône épiscopal de Syracuse me semble parlant : comme
Balkans. Il est certain que cette nouvelle aristocratie ne disposait pas de bases à l'époque de Grégoire le Grand, un désaccord entre diverses factions est tranchée
foncières aussi étendues que l'élite sénatoriale tardoantique.12" Bile était donc d'autant par le pape en faveur de l'abbé d'un monastère dépendant àupatrimoninm.'
plus susceptible de rechercher le patronage pontifical, et les nouvelles connotations On parvient à un même constat en étudiant les modalités de l'élection du pré-
de subordination que revêtait l'emphytéose renforçaient évidemment le poids de teur. Celui-ci, aux termes de la novelle 149, est élu par un collège regroupant
celui-ci. " Cette influence se double enfin d'un contrôle étroit sur l'élection des deux sessores de la province et les évêques.129 Or, à travers le patronage exercé sur
autres principales sources d'autorité locale, le préteur et les évêques. l'aristocratie et par le contrôle des élections épiscopales, le pontife romain tenait bien
évidemment ce corps électoral. En conséquence, le choix du préteur revenait dans la
pratique au pape et l'on comprend que les partisans d'un candidat écrivent directe-
ment au pape afin d'obtenir son appui.13" En outre, comme le souligne Grégoire le

1/influence pontificale en Sicile reposait également sur un important privilège juri-


mes, cf. la contribution clé Peter Van Nuffelen dans le présent volume. On trouvera également
dictionnel, la jouissance des droits métropolitains. Le pape est en effet métropolite
une étude complète des interventions de Grégoire le Grand en ce domaine dans J. Richards,
pour l'Italie suburbicaîre. Il disposait clone des moyens d'intervenir nettement plus Consul of God. The Life and Times of Grcgory thé Gréât, Londres 1980, p. 140-161.
directement qu'ailleurs dans le choix de l'évêque, puisqu'il confirmait en aval toute 124 Laniado, Notables municipaux, p. 225-252, les posscssores sont ici les ktètores.
élection. "' Mais, et le point est essentiel, ce privilège ne venait que renforcer un autre 125 Lors de la succession de Maximianus de Syracuse, la correspondance de Grégoire révèle qu'il re-
poussa successivement deux candidats locaux qui disposaient de nombreux appuis (Régistrum
5,20 ; Registmm 5,54). Il obtint également le désengagement de certains nabiies locaux (Régistrum
Ce sans ignorer évidemment que l'influence du pontife opère dans un cadre strictement légal. 5,54), imposant finalement un clerc étranger au diocèse, l'archidiacre de Catane Jean. Pour ce
L'élude classique est évidemment-, Broxvn, Gentlemen and officers. De façon plus générale, faire, il chargea son duftmor d'aplanir les difficultés canoniques que Léon de Catane aurait pu op-
). H'.iklon, The Fa te of thé I.ate Roman Sénatorial LIite ?, dans : id./L. I. Conrad (édd.), Llites poser à ce transfert (Régistrum 5,20).
old and new in thé By/antine and Early Islamic Near Hast (The Byxantine and Early Islamic 126 Régis! rum 2,15s. ; PCIÏR, II, Paulinus 22, p. 1667s.
Ne:ir Hast 6), Princeton 2(104, p. 179-234. 127 On peut citer, parmi d'autres, le cas de l'évêque FUeuthère. En février 559, le pape Pelage I écrit
CL à un niveau plus général sur la richesse de l'aristocratie des .siècles obscurs, ].-C. Cheynet, au patrice Cethegus qu'il a dû se résoudre à entériner l'élection de celui qu'il qualifie de dêtaon des
I,'aristocratie byxantinc (VlIIe-XIIIe siècles), dans : Journal des savants (juillet-décembre 2000), érûjitt'S ik Sicile, mais après avoir obtenu une description détaillée de sa fortune afin d'éviter tout
p. 2<S1 -322 et les remarques de Ch. Wickham, Framing thé Larly Middle Ages. Kurope and thé détournement des biens de son diocèse (Pelagius I, Rpîstolae, édd. P. M. Gasso/C. M. Battlc,
Mcditcrrancan, 400-800, Oxford 2005, p. 155-468 et p. 232-240. Montserrat 1956, n° 8 et 11).
< 11. ci- dessus. 128 Vie de /.osime de Syracuse, AASS Mari. 111, col. 838, 1 1--12. M. Re, La V i t a di s. X.osimo
|. M. Martin, Les Kglises latines en Italie méridionale (YlIc-XIe siècles), dans : [.-M. Mayeur/Ch. vescovo di Siracusa: qualche osserva/ione, dans : Rivista di Studi Bi/antini e Neoellenici n.s. 31
Pietri/L. Pielri/A. Vouchez/M. Vénard (dir.). Histoire du Christianisme des origines à nos jours, (2001), p. 29-42. Sur le monastère, halia Ponlificia. H): Calabria hisulae, éd. I). Girgcnsohn,
t. -1 : F.vêques, moines et empereurs (610-11(54), Paris 1993, p. 816. /urieh 1975, p. .x'.Os. et Prit-ynt, I .a Sicile by/anlinc, p. 386s.
I ,.i IcCtUK de K i ' i M S i r u m 1 , 1 8 est ifi i n s l r u c l i v c : le pape charge son rccieur de rechercher et {?,') I .ani.idu. Mutables municipaux, p. ^5 i'x>.
d V m o v e r à Konie le-; individu 1 » Mi\ceplihles d'accéder à IVpisc» ipai. Pour le 1 , élcriiori', rlle 1 . me I Ml Kei'.i'.lMiin '1,6.
Grand, lis lui:, n i < i m i , u v . n i l ;iu p o l l t i l e le ilroil c:l le devoir de1 rendre l o n i p U 1 ;i :'i blouucr le\ 1 , 1 mi i n , 1 1 M . n i . n i | H < H M dr ( J m s h m i i i H > p l e . ' ( >r, bien q'ir I' p< M I
l'empereur du rompoi U ' i u r n l des fonctionnaires, et le pape, électeur el censeur :i la t i t c ail r e r l ; i i i i e m i ni dr.pnM d ' i i n r « M ' . i i u l r latitude dans le mcCiinisnic* de l;i lever lu,
fois, disposait donc des moyens de contrôler l'action du gouverneur après son élec- cale sur les biens q u ' i l < i t n l K i l . n i eu Sicile, le l a i t que le gouverneur île l'île, donl t i n a
don.131 vu qu'il ne pouvait q u ' e l l e l'ei M ; i u a l it >n du pouvoir pontifical, n'ait pas eu de rompe
Les indications schématiques qui précèdent amènent donc au constat suivant. En tences en ce d m i u i n e , nu- semble l'une des clefs principales pour comprendre
Sicile, comme dans toutes les provinces de l'empire, le pouvoir se répartit entre trois l'évolution divergente entre la Sicile et le reste de l'Italie. Cette extranéité du j M u i v r r
corps (qui se recoupent d'ailleurs partiellement) : les agents de l'État, les évoques, les neur à la fiscalité se doublait en outre de la mainmise étroite sur celle-ci par un corps
grands possessores. Mais dans l'île, le pontife joue un rôle déterminant dans la constitu- fondamentalement étranger au système de pouvoir des pontifes, les eunuques du cnl>i
tion de chacun de ses groupes par l'interaction de l'exercice de ses droits juridiction- cuhtm. Je crois que c'est ici que se trouve la principale clef pour expliquer l'év< > l u t ion
nels, de ses droits de possessor à l'échelle de la province et des effets du patronage, historique divergente entre la Sicile et la péninsule italienne. Rien d'étonnant donc à
démultipliés par la structure des patrimoines et le souci des aristocraties de faire car- ce que ce soît sur le terrain particulier du contrôle de la fiscalité que la l u t t e e n t r e le
rière à Constantinople. Au cœur du système de pouvoir mis en place en Sicile, on pouvoir impérial et t'influence pontificale ait réellement éclaté dans l'île.
trouve donc le pontife romain, premier des possessores- électeur s, chef des évêques de
l'île et censeur des fonctionnaires locaux. Même Grégoire le Grand, pourtant si scru-
puleux en madère de procédures légales, se laisse aller en décembre 598 à régler un 4. L'élimination de l'influence pontificale
conflit en stipulant que sa décision annule toute possibilité de reprendre la querelle,
quelles que soient les dispositions légales invoquées.132 Les réflexions qui précèdent mettent en valeur que l'influence pontificale en Sicile
Ainsi, même s'il repose fondamentalement sur son patrimoine foncier d'ampleur reposait sur l'interaction clé trois éléments fondamentaux : la richesse foncière, les
unique, le pouvoir politique du pape en Sicile n'avait certainement aucune mesure droits métropolitains, le patronage extensif de l'aristocratie. Ces éléments consu-
avec son poids économique strict.1'" Ce constat permet de mieux comprendre maient la base d'une autorité de fait qui se faisait sentir en marge clés cadres officiels
l'ampleur clé la crise à laquelle une nomination controversée à la tête du patrimotnum de l'autorité impériale. Or, ce sont précisément ces bases que vinrent saper de façon
put donner naissance dans l'île à la fin du 7L'"'L' siècle. Il est significatif du rapport de systématique les réformes clés empereurs isauriens. Il faut toutefois souligner que le
force que le gouverneur n'ait pas osé trancher de lui-même et souhaitait déférer véritable point de départ de la remise en cause du pouvoir pontifical dans l'île nVsi
l'affaire à Constantinople.m pas le règne de Léon III, mais celui de Justinien II, puisque la fondation du ihème de
Le cas sicilien peut avantageusement être rapproché de celui de la Campanîe. On Sicile avait déjà soustrait au pape le choix du gouverneur. '' A contrario, celte réforme
retrouve ici conjugués l'autorité du métropolite, le poids du pairimonium et n'avait fait que renforcer l'influence du cnbicnluni au sein duquel furent recrnlês
l'effacement de l'aristocratie sénatoriale. Or, dans cette province, on voit le pape aller l'essentiel clés premiers stratèges.
jusqu'à nommer lui-même le magister mlititM, lui dicter ses instructions et passer au-
dessus des différentes juridictions pour régler d'autorité une cause impliquant un sol-
dat. ' " On comprend dès lors comment, au 8trm' siècle, Grégoire II put sans difficulté
déposer le duc Exhilaratus.'1'1
Toutefois, deux différences cruciales (n'apparaissent entre la Sicile et la Campa- Il est bien connu que l'empereur Léon III modifia les juridictions ecclésiastiques i n i
nie. Tout d'abord, il s'agit du niveau d'influence pontificale sur le processus fiscal. On ditionnelles, soustrayant l'Italie du Sud et l'Illyricum à l'autorité des p o n t i f e s ro
rappellera pour bien situer l'enjeu que, lors de la crise des années 720, le pape parvint mains.1''9 Cette décision est généralement mise en relation avec le conflit plus i-éncral
ayant opposé les Isauriens et Rome en raison de l'Iconoclasme.1'"1 Il me semble l o u t e

131 Registrum 3,37 et Régistrum 4,25. Cf. un cas concret avec Registrum 5,38. 137 Liber pontificalis 91,16, p. 403.
132 Registrum 9,83,1. 21-22 : tel ex temporis pracscriptiotie scti aliter opern ck kgc aut qiiocunique pnvlkgio. 138 N. Oikonomidès, Une liste arabe des stratèges byzantins du Vile siècle ul les origines du
133 Cf. en ce sens les remarques de ). H. W. G. Liebeschuetz, A Civic Finance in thé Byzantine Pe- de Sicile, dans : Rivista di Studi Bizantini e Ncoellenici n.s. 1 (1%4), p. 121-130 ; Piii'.ent,
riod : thé La\vs and Egypt, dans : BZ 89 (1996), p. 389-408, p. 405. cile byzantine, p. 1114-1122.
134 Liber pontificalis 85,4, p. 369. 139 Les deux études classiques demeurent M. V. Anastos, The Transter ot Illyriaun, C:il;ihi
135 J.-M. Martin, Guerre, accords et frontières en Italie méridionale pendant le haut Moyen Age. Sicily to thé Juridiction of thé Patriarchate of Constantinople in 732-733, dans : llivisia dt
Pacta de I.Jburnia, Divisio principatus Benevcntani et autres actes (Sources et documents Bixantine e Neoellenici 9 (1957), p. 14-31 et V. Grumel, L'annexion de r i l l y t ï f u m orirni.i
d'histoire du moyen âge 7), Rome 2005, p. 32 et id./K Cuoszo/S. Gasparri/M Villani, Regesti Sicile et de la Calabre au patriarcat de Constanlinople, dans : Recherdirs de :-neiKT'> n \\\0 (1951-1952), p
ck'i document! delTItalia méridionale 570-899 (Sources et documents d'histoire du moyen âge 5),
Romo 2002, n8 207s.
1 \(> Liber p o n i i l k - a l i s ^ l J S , p. 40.S.
rôti qur la chronologie de t v i i i M t i i i l i ' . t l t . I i •, K . I I I I i r i i : , scmblcnl MK-IHT une politique a r i i v r dr fonda
donne trop de crédil aux kl In lion:, rpi'.i o| > . i l < '. < M ! > h ilr ri en < Palabre. " Or, dans cclU' dernière région, les non
avau-ni tout inlérêt à identifier celle décision aux condamnables effets d'une héré- veaux rvèrlu 1 !. i . r i n h l r n l d'emblée dolés de prélats grecs, ce qui va à l'enconlre de
sie. 1 1 1 lin outre, dans le second cas, il convient de prendre en cause la dimension l'hypothèse d'une lu-llénisiilion tardive ayant résulté des mouvements démographi-
politique du schisme photien et surtout la rivalité pour le contrôle de la jeune Église ques induits par l'invasion musulmane clé la Sicile. ' 11 est donc possible que les
bulgare."'' empereurs aient plus simplement tenté clé rattacher l'ensemble des zones hclléno-
On dispose de deux témoignages contemporains importants pour remonter cette phones au chef naturel de l'Eglise de langue grecque. Le cas de FIllyricum irait dans
décision très haut dans le règne de Léon III. V. von Falkenhausen a attiré l'attention le même sens, car la mesure ne pouvait de fait concerner que les régions les plus mé-
sur un passage des Gesta Episcoporaw Neapolitanomm dans lequel l'auteur inclique que le ridionales de l'ancienne préfecture. Or, il me semble peu probable que les papes y
Grecorutn pontifex aurait proposé à l'évêque Sergius le titre d'archevêque. ' "' Cette initia- aient exercé une influence d'un quelconque poids, que les empereurs aient pu vouloir
tive n'a de sens que dans le cadre d'une modification des juridictions. " Le patriarche contenir.
n'exerçant pas de droits métropolitains, à la différence du pape, de telles promotions Créations d'évêchés nouveaux clans les zones hellénophones et rattachement de
étaient indispensables dans le cadre d'un transfert de l'Italie sous la houlette du pa- l'ensemble du territoire du thème de Sicile au patriarche de Constantinople me sem-
triarcat. Malheureusement, le long épîscopat de Sergius (720 à 748) ne permet pas de blent deux volets d'une même politique cohérente inidée dans les années 720. La
resserrer davantage la datation.1'1'"1 En revanche, F. Burgarella a versé au dossier une chronologie ne plaide pas en faveur d'une interprétation des événements faisant de la
donnée essentielle en attirant l'attention sur le récit du pèlerinage effectué par saint modification des juridictions une punition infligée aux pontifes rebelles. Je serais
Willibald clans les années 722—728, qui reconnaît à Naples le rang d'archevêché. I4fl Le même d'avis d'inverser la question : l'agitation à laquelle se livra le pape à la fin des
croisement de ces deux témoignages me semble indiquer que Sergius se serait un années 720 en bloquant le processus fiscal me semble pouvoir parfaitement
temps laissé séduire par les propositions du « pontife grec » et il faut, pour juger de la s'expliquer par cette atteinte violente à ses droits traditionnels en Italie du Sud. Le
pertinence de cette hypothèse, tenir présent à l'esprit que le duc Exhilaratus en poste simple refus d'un accroissement clé la pression fiscale ne me semble pas de nature à
dans les Campante partes tenta de s'opposer à Grégoire II lorsque le pontife se rebella provoquer une telle réaction et bénéficiait d'ailleurs dans une large mesure aux élites
contre Constanlinople vers 726—727. locales. lr>1
11 me semble donc que la décision de modifier les juridictions intervint très tôt
dans le règne de Léon III. Un second point m'apparaît également important. Cette 148 V. Prigent, Les évêchés byzantins de la Calabre septentrionale, dans : Mélanges de l'Ecole fran-
décision ne me semble pas nécessairement avoir été dictée par le souci de s'attaquer à çaise de Rome. Moyen Age 114,2 (2002), p. 931-953. En Sicile, les évêchés de Cefalù et de Tra-
pani sont probablement des fondations isauriennes, id., La Sicilîe byzantine, p. 35—37 et p. 38—41.
149 Ibicl., p. 195-213. Les sceaux des titulaires des nouveaux évêchés sont en grec, alors même que
viven/a, integrazione nel Méditerranée occidentale. Atti délie VU giornate di studio sulPetà ro- les sceaux d'évêques continuent dans le sud de l'Italie à utiliser le latin bien après que les sceaux
manobarbarica. Bénévent 31 mai-2 juin 1999, Naples 2001, p. 143-160 ; je suis opposé à cette laïcs aient adopté le grec dans leur écrasante majorité. Cette question est complexe car elle ren-
vision, comme je m'en suis expliqué dans Nef/Prigent, Per una nuova storia, et Prigent, La Sicile voie à celle, très controversée, de la situation linguistique en Sicile à la fin de l'antiquité. Person-
byzantine, p. 1293-1297 et Nichanian/Prigent, Les stratèges de Sicile, p. 111—113. nellement, je me prononcerai pour une domination nette du grec. Pour les mouvements migra-
Notamment Anastos, Transfer, p. 26. toires tardifs, J.-M. Martin, Une origine calabraise pour la Grecità salentine, dans : Rivista di Studi
V. Prigent, Les empereurs isauriens et la confiscadon des patrimoines pontificaux d'Italie du Sud, BiMntini e Neoellenici 22-23 (1985-1986), p. 51-63
dans : Mélanges de l'École française de Rome. Moyen Âge 116,2 (2004), p. 557-594, p. 562 ; 150 Contra hypothèse de Zuckerman, Learning from thé Rncmy, p. 124, qui rattache la révolte des
CS. Dagron, L'Eglise et l'État (milieu IXc-fin Xe siècle), dans : Mayeur/Pietri/Pietri/ Vau- Hi'lladik.oi à la tentative isaurienne d'élimination de l'influence pontificale dans les Balkans.
ehez/Vénard (dir.), Histoire du Christianisme, p. 167-240, p. 174—176. 151 Le produit de la fiscalité servait en effet en premier lieu à payer les soldes et traitements dont
Gesta Episcoporum Neapolitanorum, éd. G. Waitz (MGH SS rer. Langobaricarum et Ttalicarum dépendait cette nouvelle élite et pouvait permettre de rétablir la pureté de la monnaie d'or dont
1), Hanovre 1878, p. 402-436, p. 422, 1. 8s. ; V. von Falkcnhausen, Chiesa greca e cliiesa ladna in l'effondrement sapait leurs revenus, lin parallèle, la fiscalité assurait la sécurité de leurs biens et
Sicilia prima délia conquista arabe, dans : ASS n.s. 5 (1978-1979), p. 153-155 l'accroissement de leur autorité à travers le développement de l'instrument militaire. Rien
Bien entendu, c'est en dernière analyse l'empereur qui est à l'origine de l'initiative puisque la n'indique en effet que le produit fiscal de l'Italie ait été transféré en Orient. Il aurait d'ailleurs né-
modification de la géographie ecclésiastique est de son ressort. cessairement été refondu et refrappé, étant donné les différences de taux de fin de la monnaie
l ; :ilkenhausen, Chiesa greca c Cliiesa ladna propose de dater l'événement des années 730-740, cf. impériale entre l'Occident et l'Orient (C. Morrisson/J.-N. Barrandon/J. Poirier, Nouvelles re-
également les remarques importantes ibid., p. 154 n. 101. cherches sur l'histoire monétaire byxantme : évolution comparée de la monnaie d'or à Constanti-
]'. Burgarella, Bisan/io in Sicilia e nell'Italia méridionale : I riflessî polîtici, dans : Storia d'Italia, nople et dans les provinces d'Afrique et de Sicile, dans :Jahrbuch dcr Osierrcichischcn Byxanti-
vol. 3, Turin 1983, p. 200 n. 3 ; Idnera et descriptiones Terrae Sanctac, éd. T. Tobler/A. Molinier, nistik 33 |1983], p. 267-286 et \V. I lahn, Microchcmica! Analysis of ihe Mêlai Coulent of Sonic
vol. 1, Genève 1877-1890, p. 273. L'auteur, qui adopte la théorie d'un lien chronologique entre Hight-Century Coins of Rome ami Ravenna, dans : \V. ! lahn/O. M. Mftcalf |édd.[, Studics in
saisie' des paminoiiifs, déclenchement de Piconoclasme el modification des juridictions, ne tire linrly Byzantine Cïold Coinage [Nimmmaiic Siudirs 17], New Y < n h l'MH, p. Ml 133). Or, rien
tnâlhcureu sèment pas de ce passage les conclusions qui me .semblent s'imposer, n'indique un essor des Trappes à CoflMUïtillOple à l'époque ([•'. Ifir",, Cnipu-. of (lu- nomismala
147 I il>cr p(inlifi< ,i!K ( 'l,18, p. 40r). IVom Anaslasins II lu John I in ( !< iiiM.mlini >plr ',' I î ( >V(i ; S l u n n n r ui l l i r l'.-.ur-., OH pu 1 , ol < !<iin
• t . M I v n r . i l n i i i i p.i;. i v r l l r m r n l cahisl l'opliiqur, a la d i l l r r r n r r dr
u n ii !•., i m r d i / a i n r d'années plus lard. l'',n n-vum'lu-, dès lors qur
11 est quoi qu'il en soit intéressant de noter que l'opposition pontificale se manifesta à l'Elut tvsM'M.ul ',uti ( ( m i r o i r .MIT la perception elle-même, les l'upadlrs de patronage
travers le blocage du processus fiscal en Italie. Il faut toutefois sans doute tempérer de Romr ri son a ml rôle sur ses dépendants s'affaiblissaient considérablement.
l'ampleur du phénomène. Le rédacteur du LJber fyofitijîculis a tout intérêt à montrer
l'Italie unie derrière un pontife dont la volonté est universellement suivie. Il faut en-
visager, étant donné l'implication du pape dans le processus fiscal, que cette « grève
de l'impôt » n'ait directement concerné que ses biens propres et ceux contrôlés par
ses clients. Mais le cas de Naples révèle bien l'ampleur de l'emprise que sa clientèle C'est à ce dernier aspect du pouvoir de Rome, le patronage, qu'il faut enfin
pouvait localement assurer au pape sur les autorités impériales. En outre, ce premier s'intéresser, car certaines sources permettent de mettre en lumière des évolutions
soulèvement n'a rien d'une sécession et s'apparente davantage à une « prise de gage », dommageable pour l'autorité des pontifes. Le contexte général est celui d'un renou-
le pontife cherchant à faire pression sur l'empereur. Il n'en reste pas moins que la vellement profond des élites siciliennes, marquées par la disparition de l'ancienne
nature de la menace était claire. C'est dans ce contexte que je propose d'interpréter le classe sénatoriale et l'affirmation d'une nouvelle aristocratie en grande partie issue de
fameux passage de Théophane qui mentionne le transfert de prélèvements des caisses l'immigration, plus largement hellénophone et dans une plus large mesure tradition-
pontificales à celles de l'administration impériale. Ce texte célèbre est ouvert à deux nellement liée aux Eglises orientales.1 7 Mais, dans ce cadre général, il importe de
interprétations, une saisie effective des patrimoines fonciers ou une récupération des mettre en lumière les signes d'une véritable politique impériale visant à s'attacher
prérogatives impériales en matière de perception. Or, l'examen de divers indicateurs l'aristocratie sicilienne. Il convient tout d'abord de rappeler que les stratèges de Sicile
économiques et du contexte politique m'a amené à dater la saisie effective des biens furent l'un des corps les plus privilégiés et les plus hauts placés de l'empire. "" Or,
fonciers du pontificat clé Zacharie, au début des années 740, en lien avec l'appui du bien entendu, l'importance du gouverneur, sa proximité à la personne de l'empereur,
pape à l'usurpation d'Artavasde. En outre, la datation de la décision de Léon III assurait à l'aristocratie locale un contact aisé avec les hautes instances du pouvoir im-
intervient lors d'un changement de cycle indictionnel, base traditionnel du système périal. On rappellera en outre l'existence d'un épi ion diïséôn, spécialement en charge
fiscal, et parallèlement à la réforme supprimant les commerciaires d'apothèques.1 Je des pétitions adressées à l'empereur depuis la province, une spécificité du thème de
C" '1 159
crois que, derrière la présentation partiale de Théophane, hostile aux Isauriens, la Sicile.
lecture la plus directe du passage est encore la meilleure. Avant la réforme, les patri- Au-delà, le meilleur indice dont nous disposions est sans conteste les collations
moines versaient effectivement 25.000 sol/di « aux I églises », 71' mais, en revanche, rien de dignités auliques. Celles-ci en effet intégraient en droit le bénéficiaire à la taxis de
n'indique que celles-ci en étaient les bénéficiaires en fin de parcours, même si je crois la cour constantinopolitaine.ir'n En outre, les titres fthypntos et supérieurs, ne pou-
volontiers que les exemptions fiscales dont bénéficiait l'Église de Rome n'étaient pas vaient être obtenus qu'à Constantinople, ce qui impliquait de la part des aristocrates
reportées sur les dépendants de celle-ci et que l'Etat devait certainement concéder souhaitant être distingués de venir en personne à Constantinople, voyages qui renfor-
des rentes aux Eglises sur ces prélèvements.1"76 Dans ce cadre, la perte financière pour çaient évidemment considérablement les liens entre la province et la capitale orien-

Hnds, Contribution to thé Iconographie and Monetary History [Chissical Numismatic Group],
Lancastcr lPa.| 2007, p. 170, fig. 4).
Théophane le Confesseur, Chronogniphie, p. 410. en sa faveur selon le principe du logisiman classique, qui semble d'abord avoir bénéficié aux biens
Prirent, Les empereurs isauricns. d'Église, ibid, p. 179-186, et spéc. p. 180-181.
V. Grumel, La chronologie (Bibliothèque by/antine. Traité d'études byxantines 1), Paris 1959, 157 Brown, Gentlemen and Officcrs, p. 21-37 ; V. von l;alkenhausen, I rapport! dei ceti dirigent! ro-
p. 314. Pour le changement dans la légende des sceaux de commerciaires, Brandes, Hnanxver- mani con Costantinopoli délia fine dei V alla fine dei VI secolo, dans : G. G. Archi (éd.), Il
\v:iliung, p. 281-283 et sur le Loi/nmrkïnn comme impôt, ibid, p. 325. Devrait bientôt paraître mondo dei diritto nell'epoca giustinianea, caratteri e problematiche. Convegno interna/ionale di
Fimportant S. Cosennno, liconomia e fiscalità nei "secoli oscuri": in margine alla questione dei stutli di Ravenna 30 settembre-1 ottobre 1983 (Biblioteca di Félix Ravenna 2), Ravenne 1986,
kommerkiarioi, dont j':ii eu la chance de pouvoir lire le manuscrit grâce à la disponibilité jamais p. 79-115 ; Prigent, I,a Sicile byxantine, p. 219-345.
démentie de son auteur. Personnellement, je conserve un certain attachement à la vision du 158 Cf. ci-dessus.
commerciaire entrepreneur développée par N. Oikonomidès, et il ne me semble pas qu'il s'agisse 159 De façon générale, R. Morris, What clid thé épi ton deêseôn actually do ?, dans : Feissel/Gascou
iniiialemenl d'agents de perception ;iu sens strict, cf. Prigent, l.a circulation monétaire. (édd.), La pétition à Byxance, p. 125-140, avec bibliographie antérieure, Hn Sicile, la fonction
Ce pluriel renvoie peut-être à la structure concentrique du patrimoine pontifical, ainsi qu'à la n'est documentée que par les sources sigiilographiqucs, V. Prigent, Catalogue des sceaux byzan-
responsabilité des agents île Home dans la gestion des biens d'autres Hglises. tins conservés auprès du « Museo archeologico régionale Paolo ( )rsi » de Syracuse (Mémoire de
Liber p o n i i i ï c a l i s <S-IV'',, p. '<(<(> ri Liber ponlilïcalis 85,3, p. 369 ; Prigent, La Sicile byxantine, l'Kcole française de Rome présenté à l'Académie des inscriptions ei belles-lettres), Rome 21)07,
p. 1 1 0 1 1 1 1 2 . Le-, iwt;fii;,it'it/>f/it '.oui ceriainemenl des u n i t é s d'assielle liscale doni l'exemption p. 50-55.
ivvietn a un allégement ik-> \i '.cinriii', effectue» par le p.ipe, ce qui revient à instituer une renie 160 Cf. l'introduction à l'édilion classique, ( >ikonomidês, Les lisles.
talc. Or, au début du (S"'" siècle 1 , le sysiùnie hiérarchique byzantin connul de M ï i i K ' i i T du l i n mi . l< | MI MI u n il.nu 1 , est de 11,62 seuk-inenl, '' relui drs Iminiiarqiirs,
profondes modifications, certainement en grande: partie dues à Léon III, avec les subordonné) i l i i n i ' , du ^-milèi!^ dans le dispositif militaire, tic 10,S ; " q u a n t au
l'importance croissante de dignités renvoyant plus ou moins fictivement aux corps chariulaire, il sr (.-(niicnu- d ' u n 12,1. ' Seuls les ducs de Calabre et les dÎQCètCS - - qui
palatins au service direct de l'empereur.'6" Deux points nous intéressent ici. Tout jouissent dans Tîle d'un s t a t u t très nettement supérieur à ce qu'il est dans les autres
d'abord, comme l'a bien montré T. S. Brown, ces dignités nouvelles ne se diffusèrent provinces — jouissent d'un rang moyen légèrement supérieur.
quasiment pas en Italie péninsulaire.161 En revanche, les sources sigillographiques Il apparaît clone clairement que les aristocrates siciliens bénéficièrent d'une poli-
nous révèlent qu'elles étaient fort communes en Sicile et Calabre.16' Nous avons là le tique extrêmement favorable de la part du gouvernement impérial. Ils traitaient d'égal
signe incontestable d'une politique impériale délibérée en faveur de l'aristocratie lo- à égal avec les chefs des grands services administratifs. Au-delà, il faut d'ailleurs
cale. En effet, ces dignités apparaissent fréquemment sur les sceaux en dehors de prendre en considération que les dignités élevées ne devaient effectivement être ac-
toute fonction officielle. Ce constat va en soi à ['encontre de la théorie d'une exploi- cessibles qu'à travers le service de l'État.17"' En conséquence, il faut abandonner la
tation « coloniale » de la Sicile. vision d'une aristocratie locale soumise à l'autorité de petits potentats orientaux char-
Sur un échantillon restreint à 75 sceaux de simples dignitaires, afin de limiter au gés par le rapace pouvoir impérial de pressurer l'île.174 Les cadres de l'administration,
maximum les cas ambigus, on ne compte pas moins de 13% de sceaux de patiïces. à l'exception des stratèges, étaient certainement majoritairement de recrutement lo-
Or, cette dignité, en Italie, est l'apanage exclusif de l'exarque, avec quelques excep- cal. '' Le service de l'empereur devait jouer un rôle fondamental dans la fortune de
tions en faveur du duc de Rome. Si l'on prend en compte la frontière que le titre de cette élite qui, issue de l'immigration, ne disposait certainement pas des solides bases
protospatharat établit entre haute et moyenne aristocratie,166 la première catégorie foncières de l'ancienne élite sénatoriale proche des pontifes.176
regroupe un tiers de l'échantillon. Le corps des hypafoi, qui regroupe des individus Quoi qu'il en soit de cette dernière hypothèse, il apparaît clairement que les em-
ayant nécessairement fait le voyage à la cour de Constantinople, représente à lui seul pereurs isauriens assurèrent une place extrêmement privilégiée à l'aristocratie sici-
37% des bulles prises en compte. lienne. Privé de son influence sur la nomination du gouverneur comme des évèques,
La comparaison entre les rangs occupés par les membres de l'aristocratie dé- écarté du processus de la levée fiscale et des opportunités d'enrichissement qu'elle
pourvus de fonctions et ceux des titulaires des grands offices de l'administration du offrait, puis dépouillé de son patrimoine, le pape ne pouvait espérer maintenir intact
thème est extrêmement instructive.16' Il est possible, en attribuant une valeur chiffrée son patronage sur l'aristocratie insulaire, favorisée par le pouvoir impérial et dont les
aux différents titres auliques, de calculer une « valeur moyenne » des dignités déte- liens avec l'Italie et Rome étaient sans commune mesure avec ceux de l'ancienne
nues par les aristocrates et les hauts fonctionnaires thématiques.""1 Sans m'étendre aristocratie sénatoriale.
davantage ici sur la méthode, je fournirai quelques résultats. Le « rang moyen » des
simples dignitaires siciliens s'établit à 10,1. Or, le rang du premier fonctionnaire fi-
5. Conclusions
161 M. McCormick, The Impérial Rdge: Italo-Byxantine identity, Movement and Intégration, A. D.
650-950, dans : H. Ahrweiler/A. R. Laiou (étld.), Stuclies in thé Internai Diaspora of thé Byxan-
Les deux influences rivales, pontificales et impériales, qui se disputaient la préémi-
tine Empire, Washington (DC) 1998, p. 49-51. nence en Sicile reposaient donc sur des bases bien distinctes. L'autorité impériale
162 Oikonomidès, Les listes, p. 297 ; Haldon, Transformation, p. 387-402 ; Brown, Gentlemen and dépendait pour l'essentiel du lien privilégié établi entre le souverain et l'île par le biais
officers, p. 21—37. Pour une étude complète de cette transforma don, Al. Nîchanîan, Aristocratie de normes administratives particulières qui soustrayaient la province aux cadres de
et pouvoir impérial à lïyxance, Thèse de doctorat de Paris-La Sorbonnc, Paris 2004.
163 Brown, Gentlemen and Officcrs, p. 130-135. Cf. également l'étude spécifique des titres byzantins
dans le codice Bavaro, A. Carile, Terre militari, funxioni e titoli bizantini nel "Breviarium", dans : 169 Prigent, La Sicile byxantine, p. 1242-1246.
Vasina et alii (édcl.), Ricerche e studi, p. 81-94, et pour Naples, les remarques de Martin, Guerre, 170 Ibid., p. 1143s.
accords et frontières, p. 35-39 ; à Rome, en 731, l'élite militaire est formée des « nobles consuls », 171 Ibid., p. 1246.
Brown, Gentlemen and Officers, p. 62. 172 Ibid., p. 1131-1142 et p. 1247-1250.
164 Ce matériel est largement inédit. On en trouvera le descriptif clans les appendices de Prigent, La 173 Je mettrais toutefois à part le patriciat dont la collation me semble juste cautionner localement, en
Sieile byzantine, et dans Prigent, Catalogue. Les calculs qui suivent sont détaillés clans Prigent, La raison même du grand nombre de titulaires, une prééminence de type socio-économique.
Sicile by/amine, p. 309-317. 174 11 ne faut donc pas attribuer trop de valeur au cas ci'Hcliodore, l'aristocrate catanais poussé sur le
165 Cracco Ruggini, Sloria délia Sicilia, p. 48 : « u n mondo che vivcvii tutto in funzione chemin clé la magie noire par sa déception de n'avoir pas pu faire carrière (A. Acconcia Longo,
dcU'organismo slaiale di Oostantinopolî, i cui burocrati e ahi utficiali sfruttavano da parassiti La Vita di S. Leone vescovo di Catania e gli incantesimi del mago Rliodoro, dans : Rivista di
IVconomia e la sncictâ isolane ». Studi Bixantini e Neoellenici n.s. 26 |1989], p. 3-98, p. 83,1. 4-6)-
166 ].{.• linv (k1 prolospaihairc constitue la clef pour l'accès au sénat dans le système classique. 175 V. von l'alkenhausen, A Provincial Aristocracy : thé Ryxantine Provinces in Souiliern I t a l y (9th-
I f i V Détails des calculs avec référence îles bulles inédites, Prigcnt, La Sicile by/antine, aux pages 11 th century), dans : M. Angold (éd.), The By/anfine Aristocna-y I X in X I I I C e n l u r y (HAR In-
conucrécs au>, différentes fonction». ternational Séries 221), Oxford I W|, p. ?.] I 235, p. 2U i ' . I N .
I d'î Ani'.i, plus les dignité* détenue! '.mu rlrvtv., plus Li valeur moyenne c h i l l t é e est liasse. 176 Sur l'aristocratie des siècles obscurs rumine ,ni'.lui rttie de âcrvice, cf. n. I I V .
l'administration préfectorale. Cette pruxis administrative propre s'exprimait principa-
lement dans deux domaines, la justice et la fiscalité. Au sein de ce cadre idéal, une
série d'évolutions indépendantes concentra de plus en plus la réalité du pouvoir entre
les mains de la Chambre impériale. Dans le domaine de la justice, le système ren-
contra très tôt ses limites, liées aux difficultés clés communications engendrées par
l'éloignement physique entre Constant!nople et l'île. Croiser les témoignages de la
novelle de 537 et du l\egistni?H permet de mieux réaliser les distorsions que les condi-
tions techniques d'exercice du pouvoir induisaient dans la pratique quotidienne de
l'administration de la justice, loin des proclamations idéales et des voeux pieux clés
souverains et clé leur chancellerie.
La question clé la justice constitua en revanche une opportunité clé premier ordre
pour le développement clé l'influence pontificale et permet d'observer la façon dont
le centre de gravité du pouvoir réel put s'éloigner peu à peu de normes administrati-
ves plus programmatiques qu'effectives. Les interventions des représentants des
pontifes clans les procédures d'arbitrage qui constituaient la réalité quotidienne de la
justice en Sicile, loin du rattachement idéal au tribunal du questeur de Constantino-
ple, permirent de renforcer les liens de patronage traditionnels que le pontife, pre-
mier posscssor de l'île, exerçait sur l'aristocratie clé la province. Ce patronage à grande
échelle servit de caisse de résonance aux prérogatives métropolitaines que les papes
détenaient en Sicile., assurant à Rome le contrôle des élections épiscopales et préto-
riennes. En définitive, c'est bien dans le domaine du contrôle du processus fiscal que
la Chambre impériale sut maintenir intacte son autorité, un point qui distingua la Si-
cile du reste de l'Italie.
Ces éléments rendent bien compte des différentes étapes de la politique isau-
rienne qui élimina l'influence pontificale clans l'île, même si le mouvement fut lancé
par la fondation clu thème de Sicile, décidée par Justinien II. La modification des ju-
ridictions ecclésiastiques ôta aux pontifes leur rôle prépondérant clans les élections
épiscopales. Déjà privé du contrôle du choix du gouverneur, le pape vit ainsi reculer
de façon sensible son influence politique clans l'île. En parallèle, les bases clé son pa-
tronage furent systématiquement attaquées. La réforme fiscale décidée au lendemain
de la révolte de l'Italie fomentée par le pape ôta à celui-ci ses dernières prérogatives
dans le domaine, tandis que parallèlement une politique d'amples concessions de di-
gnités auliques permit de renforcer l'attachement des aristocraties locales à la per-
sonne de l'empereur. Dans le domaine judiciaire, l'apparition de la figure du stratège,
personnage de rang exceptionnel, dont le rôle de représentant direct de l'empereur
dans la province se renforçait d'un recrutement favorisant les eunuques clé la Cham-
bre, ne put que favoriser un recours plus systématique à la justice impériale, tandis
que l'institution de Y épi ton décséôti provincial assurait la pérennité du lien direct au
prince. Enfin, au début des années 740, la saisie des domaines fonciers réduisit à
néant l'influence pontificale en le privant clé son statut de premier des possessores sici-
liens, clef, en dernière analyse, de son autorité clans l'île.

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