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Chapitre I

Les soubassements théoriques


de la comptabilité nationale
La comptabilité nationale est une technique statistique donnant une vision synthétique et
macro-économique de l’économie nationale ; elle recueille des données sur l’activité
économique du pays à partir de sources statistiques plus ou moins identifiées ou fiables. Elle
résume en chiffres toute une multitude de transactions élémentaires effectuées entre les
acteurs micro-économiques en regroupant en grandes catégories, appelées secteurs
institutionnels ou branches, les acteurs et produits; en opérations, les transactions
élémentaires réalisées, d’où la vision synthétique et macro-économique de l’économie
nationale, que la comptabilité nationale est susceptible de refléter. Grâce à la comptabilité
nationale les ensembles économiques sont mieux décrits et leur prévision devient possible
donnant par la suite aux pouvoirs publics les instruments dont ils ont besoin pour décider et
orienter leur choix.

I/- Multiplicité des définitions de la comptabilité nationale :

En se référant aux définitions de la comptabilité nationale on se rend compte que l’objet de


cette dernière revêt une nature économique.

- Selon L’ONU : ‘’La comptabilité nationale se propose de saisir la structure d’un système
économique à travers les transactions’’.
- Pour BAUCHERT : ‘’ La comptabilité nationale fournit une représentation simplifiée de la
vie économique, elle classe et regroupe les agents économiques et les relations qui
s’établissent entre eux.’’.
- Pour MARCZEWSKI : ‘’ La comptabilité nationale est une branche de la science
économique, branche spécialisée dans l’étude quantitative des réseaux économiques
intégrés.’’.
- Pour ARKHIPOFF : Il privilégie l’expression de comptabilité économique à celle de
comptabilité nationale, ainsi : ’’ La comptabilité économique est un enregistrement
exhaustif dans un certain cadre comptable d’opérations économiques intéressant un
ensemble d’agents économiques et réalisée au cours d’une période de temps donnée. ‘’
- Pour MARSCHAL : ‘’ La comptabilité nationale peut être définie comme un ensemble de
comptes articulés les uns aux autres et traduisant sous forme numérique les flux de
nature économique, flux monétaires ou flux monétarisés qui relient entre eux des pôles
de décision à l’intérieur d’une communauté nationale ou qui unissent ces pôles à des
centres extérieurs.’’.

A partir de ces définitions, il est possible de distinguer quelques caractéristiques de la


comptabilité nationale :
1/- La comptabilité nationale vise essentiellement l’activité économique :
Comme il a été déjà souligné l’objet de la comptabilité nationale est de nature économique,
les autres aspects de l’activité humaine sont donc écartés de son champ d’analyse.

2/- La comptabilité nationale est une représentation chiffrée de la vie économique :


La comptabilité nationale cherche à donner de l’économie nationale une représentation
chiffrée , complète et suffisamment simplifiée. Elle s’intéresse à la quantification et à
l’élaboration des opérations effectuées par les agents économiques et par la suite le
rassemblement de ces évaluations dans un ensemble intégré à savoir les comptes de la
nation.

3/- La comptabilité nationale est une technique comptable :


La comptabilité nationale utilise la technique comptable et recourt au principe de la partie
double pour établir les comptes articulés et garantir les équilibres.

4/- La comptabilité nationale vise l’analyse du circuit économique :


La comptabilité nationale permet d’analyser les circuits économiques en situant les
relations entre les différentes grandeurs économiques, tels que :
-le comportement des ménages ;
-l’analyse de la production ;
-le comportement des entreprises
- le partage du marché intérieur,
-la place de l’Etat dans l’économie ;

II/- Intérêt de la comptabilité nationale :

La comptabilité nationale joue un rôle central pour les décideurs politiques du pays, quel que
soit son niveau de développement, dans la mesure où elle contribue à présenter des
informations et analyses sur l’état présent de l’économie et de ces tendances, nécessaires à
la prise de décisions macro-économiques (politiques économiques, budgets,
investissements, négociations syndicales ou patronales). La comptabilité nationale est aussi
un instrument important des analyses comparatives entre pays et des travaux de prévision à
court, moyen et long terme.
Son intérêt se fonde d’autant plus que les statistiques établies sur une base administrative
(déclarations fiscales, balance commerciale, budget de l’Etat, prix administrés,..) sont de
qualité très variable, présentées suivant des nomenclatures différentes, des formes diverses,
dans des publications dispersées.
La comptabilité nationale fournit des informations sur la marche de l’économie ; lorsque ces
analyses se renouvellent d’année en année, elles deviennent intéressantes et se
transforment en analyse dynamique : calcul du taux de croissance (ou de récession) de
l’économie dans son ensemble ou de certaines composantes ou appréciation des éventuels
changements de structure.

1/- Comptabilité nationale et budgets économiques


La comptabilité nationale joue un rôle fondamental dans l’élaboration du budget économique
de l’Etat ; en effet L’élaboration du budget prévisionnel pour l’année suivante (loi de
finances) amène le gouvernement à énoncer des hypothèses économiques et à tester leurs
conséquences sur l’économie. En partant des comptes des secteurs institutionnels et après
avoir établi des hypothèses générales (taux de croissance, taux d’inflation, environnement
international) et situé leurs conséquences sur les revenus ou sur les finances publiques par
exemple, on introduit dans le budget prévisionnel les objectifs chiffrés du gouvernement sous
forme de plusieurs variantes, facilitant la prise de décision.

2/- Comptabilité nationale et planification

La planification d’investissements à moyen ou long terme (5 à 10 ans) nécessite également


de voir dans quelle mesure elle peut influer à terme sur les équilibres globaux. pour ce faire,
il est procédé comme pour les budgets économiques, en deux phases : hypothèses
générales, puis évaluation chiffrée des différentes phases du projet. La première phase fait
apparaître les conséquences sur la production des autres branches, sur les importations, sur
l’emploi et les revenus, sur le financement, tandis que la deuxième phase s’appuie sur
l’exploitation du projet (en service) et ses implications en termes de production de la branche
concernée et utilisation du produit, demande de consommations intermédiaires, production
des autres branches, commerce extérieur, emploi, remboursement des emprunts. La
cohérence du cadre des comptes nationaux permet d’explorer les conséquences du projet,
notamment sur les budgets économiques.

3/- Les modèles macro- économiques

La comptabilité nationale est un instrument important pour élaborer divers modèles


économétriques du fonctionnement de l’économie nationale. A cet égard, les tableaux
d’entrées-sorties , de même que certaines autres parties des comptes, sont largement
utilisés pour construire des modèles destinés à simuler l’impact de l’implantation de diverses
politiques économiques ou sociales ou pour mesurer les retombées directes ou indirectes de
projets d’investissements ou de variations dans le niveau d’activité de certaines industries.
4/-Les comparaisons de pays à pays

La diversité, au niveau national, des systèmes de comptabilité nationale ne facilite pas les
comparaisons internationales. A L'heure de l'interdépendance des économies des différents
pays, largement imbriquées les unes dans les autres, il devient nécessaire que l'information
économique fournie soit lisible par tous les partenaires, nationaux et étrangers. L'adoption
d'un même système de comptabilité nationale facilite donc les échanges et permet de faire
des comparaisons entre les économies des différents pays…

III/- Historique de la comptabilité nationale :

Bien que l’on puisse trouver de nombreux précurseurs à la démarche de la comptabilité


nationale depuis le XVIII° siècle - de l’" Arithmétique politique " anglaise au Tableau
économique des physiocrates, ce n’est qu’à partir des années 1920 - et plus nettement
encore à partir de la crise de 1929 - que l’on assiste au développement des travaux de
quantification macro-économiques autour du Revenu national, de ses composants et de
l’investissement. Les travaux de Colin Clark en Grande-Bretagne, Corrado Gini en Italie,
Ragnar Frish en Norvège et surtout Simon Kuznets aux Etats-Unis témoignent de la
réémergence de la perspective macro-économique en économie politique, en même temps
que des progrès de la statistique économique et des nouvelles préoccupations des Etats en
matière économique. En effet , en 1665 W.PETTY fut le premier à introduire une estimation
du revenu national pour l’Angleterre . Par la suite, de nombreuses tentatives similaires furent
effectuées tant en Angleterre que dans d’autres pays. Les concepts de production , de
revenu et de dépense nationale se sont raffinés avec ces divers efforts et expériences que
nous pouvons classer selon deux périodes : une période pré-comptable ou les
préoccupations étaient surtout stratégiques et fiscales et une période comptable proprement
dite.

1/- La période pré-comptable :

L’élaboration de statistiques économiques est une pratique très ancienne ; dans ce sens E.
ARCHAMBAULT souligne : ‘’compter les hommes et compter les richesses sont deux
activités qui remontent à la plus haute antiquité et que l’on trouve chez les égyptiens, les
babyloniens, les juifs, les grecs, les romains. Les premiers recensements permettent de
savoir combien de soldat on peut lever , alors que les premières évaluations des richesses
disponibles servent à asseoir les impôts’’. Ce sont donc dès les origines des préoccupations
à la fois stratégiques et fiscales qui président à l’élaboration des statistiques économiques.
Il faut attendre le 16ème -17ème siècle avec l’avènement des thèses mercantilistes et
l’émergence des Etats-nations pour que l’on commence à dépasser le simple stade de
l’inventaire. W.PETTY fut le premier à introduire les premiers travaux d’arithmétique
politique ‘’ou l’art de raisonner à l’aide de chiffres sur les choses relatives au
gouvernement’’. G.KING, en utilisant des données fiscales et des statistiques du commerce
extérieur, se livre pour la Grande-Bretagne à des évaluations très détaillées du nombre de la
population et de la répartition du patrimoine et du revenu annuel ; tout cela permet à KING
de dresser un tableau récapitulatif dans lequel il montre pour les années 1688-1691 :
- Le revenu national ;
- La dépense nationale ;
- La diminution annuelle de la richesse nationale due à la guerre contre LouisIV.

En France, le premier essai de comptabilité nationale est celui de VAUBAN (la dixme royale
1707) qui fut inspiré par la préoccupation de connaître le revenu national afin d’améliorer le
rendement du système fiscal. Dans la même période, BOISGUILBERT présente dans deux
ouvrages (détail de la France 1697 et Factum de la France 1707) une première tentative
d’un tableau économique en introduisant la notion de flux dans l’analyse des choses
économiques.

Les physiocrates au 18ème siècle amorcent une approche qui s’écarte de l’analyse
quantitative de la réalité économique pour déboucher sur la recherche des principes
explicatifs et les lois de fonctionnement économique. Ainsi, l’analyse en terme de réseaux
économiques intégrés n’apparaît avec évidence que chez deux auteurs qui, à ce titre ,
méritent une place à part dans l’histoire de la comptabilité nationale : F.QUESNAY et
A.LAVOISIER.
Dans son tableau économique(1758), F.QUESNAY donnera la première approche du circuit
économique en montrant l’interdépendance des classes sociales à savoir : la classe des
propriétaires, la classe productive et la classe stérile. Dans ce sens et selon
J.MARCZEWSKI : ’’le célèbre tableau économique de F.QUESNAY n’est pas à proprement
parler un document de comptabilité nationale puisqu’il ne donne pas et ne prétend pas
donner une image statistique exacte et détaillée de la vie économique; Il est cependant
extrêmement important du point de vue conceptuel. Pour la première fois, une tentative est
faite pour représenter l’ensemble des échanges économiques à l’intérieur d’une nation sous
la forme d’un réseau intégré de flux mettant ainsi en évidence l’étroite indépendance de
diverses catégories d’agents’’.
Les classes sociales
Le zigzag et la formule arithmétique

Toujours au 18ème siècle, LAVOISIER publie en 1791 un ouvrage (de la richesse territoriale
du royaume de France) dans lequel il analyse les possibilités de remplacer les impôts de
l’ancien régime par une contribution territoriale proportionnelle au revenu des terres. Il
élabore par la suite un système de comptes annuels retraçant la situation de l’agriculture.

Après ces brillants débuts, la comptabilité nationale éprouve une éclipse presque totale au
cours du 19ème siècle. Ceci est dû essentiellement à l’orientation que prenne à partir de la fin
du 18ème siècle la pensée et les politiques économiques. En effet, pour l’école classique,
l’accent est surtout mis sur l’automatisme des ajustements économiques ; le rôle de l’Etat
dans la vie économique de la nation semble devoir être réduit à assurer la plus grande
liberté aux ajustements spontanés des mécanismes économiques. La loi de l’offre et de la
demande est le guide des agents économiques et fournit l’explication scientifique de leurs
comportements.
II/- La période comptable :

La naissance véritable de la comptabilité nationale a lieu dans les années 1930'-1940',


comme produit de la crise et de la révolution keynésienne :
     - de la crise : avec l'apparition de l'idée qu'on peut agir contre le chômage et la
dépression économique. Le cycle n'est plus considéré comme étant un phénomène naturel
inéluctable
     - de la diffusion de la pensée keynésienne : Keynes avait l'intuition de l'existence d'une
logique des quantités globales, les agrégats. Selon lui, on peut donc penser l'économie
comme un tout. Ainsi est apparue l'approche macro-économique qui cherche à déterminer
les relations entre les différents agrégats.
La comptabilité nationale découle de ces nouveaux modes de pensée en s'imposant comme
l'outil pour construire les données qui vont servir de "tableau de bord" de l'économie
nationale.
On date de 1941 la parution des premiers véritables comptes nationaux avec la publication
en Grande-Bretagne, annexé au budget et éclairant les conditions de réalisation de celui-ci,
d’un " livre blanc " contenant un " compte du revenu et de la dépense nationale " : son auteur
est Richard Stone, un économiste anglais qui jouera un rôle important dans le
développement de la comptabilité nationale jusque dans les années 1980. Anglais et
américains harmonisent rapidement leurs conceptions puis diffusent celles-ci au lendemain
de la guerre à travers les organisations internationales. En 1953, l’O.N.U. publie la première
version de son " Système de comptabilité nationale ", présenté comme un modèle pour les
pays souhaitant se doter de comptes nationaux selon les normes occidentales.

L’évolution ultérieure est celle d’une diffusion internationale rapide de la comptabilité


nationale, doublée d’un mouvement d’extension de celle-ci visant à couvrir des dimensions
jusqu’à là délaissées - calculs à prix constants, intégration de tableaux d’échanges
interindustriels, intégration de comptes financiers et patrimoniaux - et d’efforts continus pour
parvenir à une plus grande homogénéisation internationale à partir des travaux réalisés par
les experts dans le cadre des organismes internationaux (" Groupe de Cambridge " de
l’O.E.C.E., " Comité du revenu national " de l’ONU, Conférence des statisticiens européens
puis, à partir des années soixante, Office statistique des communautés européennes et
Eurostat). L’année 1970 voit la parution d’un nouveau système de l’ONU (SCN 70) et de la
première version du Système européen de comptes économiques intégrés (SEC 70).
L’effondrement de l’Union soviétique et la dissolution du camp socialiste amène la disparition
du système de Comptabilité du produit matériel (CPM) que les pays socialistes présentaient
comme une alternative au SCN mais qui ne se distinguait pas en fait vraiment de leur
statistique économique courante. Une importante révision du système de l’ONU interviendra
ensuite en 1993 (SCN 93) et sera suivie de la définition en 1995 d’un Système européen des
comptes nationaux et régionaux dans la communauté européenne ( en abrégé SEC 95)
cohérent avec le SCN 93 et qui, adopté comme Règlement par le Conseil de l’Union
européenne en 1996 est appliqué dans tous les pays de l’Union.

- 1950 : Système simplifié de comptabilité nationale publié par l’organisation européenne


de coopération économique.
- 1952 : Système normalisé de comptabilité nationale publié par l’organisation européenne
de coopération économique.
- 1953 : Système de comptabilité nationale et tableaux connexes publié par les nations
unies.
- 1968 : Système de comptabilité nationale(SCN) publié par les nations unies.
- 1970 : Système européen de comptes économiques intégrés publié par l’office statistique
des communautés européennes.
- 1993 : Système de comptabilité nationale(SCN) publié conjointement par cinq
organismes internationaux : commission des communautés européennes, Fond
monétaire international, organisation de coopération et de développement économiques,
les nations unies et la banque mondiale.
- 1995 : Système européen de comptes économiques intégrés publié par Eurostat ,
Bruxelles.

Au Maroc, l’introduction de la comptabilité nationale s’est faite sous le protectorat(1952) ; elle


fut calquée sur le système français avec quelques distinctions dues aux difficultés
statistiques locales.
En 1969, le Maroc adopte le système normalisé des nations unies appelé système élargi de
comptabilité nationale.
En 1998, le Maroc a décidé de mettre en place le SCN 93 des nations unies et de procéder à
une refonte approfondie de sa comptabilité nationale. L’année 1998 a été choisie comme la
nouvelle année de base des comptes nationaux. Pour ce faire la direction de la statistique a
entrepris la mise à niveau de son système d’informations statistiques en réalisant depuis
1998 de nouvelles opérations statistiques notamment des enquêtes structurelles auprès
des :

- Entreprises disposant de comptabilité ;


- Entreprises ne disposant pas de comptabilité et informelles ;
- Ménages (enquête sur le niveau de vie et enquête sur les dépenses de consommation) ;
- Entités administratives (investissements).
IV/- La comptabilité nationale et l’utilisation de la notion de circuit économique  :

Se basant essentiellement sur l’œuvre de KEYNES, la comptabilité nationale se réfère à la


notion du circuit pour se donner une représentation de la réalité économique. En effet , un
circuit économique part de la sphère productive qui se trouve au centre de l’activité
économique ; ainsi la production engendre des biens et services qui vont satisfaire la
demande exprimée sur le marché, de même la production donne naissance à des revenus
qui sont tout d’abord distribués sur les agents qui participent à la production(salaires, profit,
…) et par la suite on assiste à une redistribution des revenus sous forme de prestations

sociales, indemnités,… Les revenus renforcent donc la demande globale.

Production

Distribution des revenus


(Répartition primaire/Répartition secondaire)

Consommation Finale Epargne

Demande Finale Investissement

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