Le ço n n° 2
La d éfi niti o n d es o rg ani s atio n s i nte r n ati on al es
Ce Cours, parce qu’il est destiné à l’usage exclusif des étudiants inscrits en EAD à la Faculté
d’Économie de Grenoble, n’a pas vocation à être mis en ligne alleurs que sur le site de l’EAD.
Cours de « Droit des organisations internationales » Séverine NICOT, Maître de Conférences en Droit public
Le ço n n° 2
La d éfi niti o n d es o rg ani s atio n s i nte r n ati on al es
L’approche jurid ique des orga nis at ions i nter na tio nal es
L’approche juridique du phénomène (complexe) que sont les organisations internationales n’est
qu’une option méthodologique parmi d’autres. En effet, pour reprendre les propos de Michel VIRALLY,
« l’organisation internationale relève d’une analyse institutionnelle qui ne peut être
qu’interdisciplinaire ». L’analyse juridique, bien qu’indispensable, ne permet donc d’appréhender
qu’une partie du phénomène de l’organisation de la société internationale. Plus précisément, « elle
est incapable de renseigner les forces qui vont mettre ces mécanismes en mouvement, les orienter
dans un sens déterminé, les déformer, voire les briser et les remplacer par d’autres » …
L’expression « organisation internationale » évoque deux idées différentes : largo sensu, elle
peut désigner la manière dont la société internationale est organisée, c’est-à-dire l’agencement et la
structure de cette société et, stricto sensu, elle peut faire référence à une organisation internationale
déterminée, c’est-à-dire à une entité ou à une institution spécifique.
Or, même appréhendée strictement, cette expression est une notion générique qui recouvre
plusieurs réalités : les organisations internationales intergouvernementales (= OIG), les organisations
internationales non-gouvernementales (= ONG)1 ou, encore, les entreprises publiques internationales
(= EPI) 2.
Nb. : Dans le cadre du Cours de « Droit des organisations internationales », les propos seront axés sur l’étude des
OIG. En effet, lorsque l’on parle, sans davantage de précision, des « organisations internationales », on désigne,
de manière habituelle, les organisations internationales à caractère intergouvernemental.
Définir les organisations internationales fait surgir, d’emblée, une difficulté au motif que,
d’une part, il existe, entre elles, des différences considérables de composition, de structure, d’objectifs
et de compétences et que, d’autre part, elles sont un phénomène en constante évolution. Cela explique
que la doctrine préfère, en ce domaine, faire appel aux définitions générales se limitant à en énumérer
les caractéristiques essentielles et qui, de ce fait, sont susceptibles de s’adapter à la globalité et à
l’hétérogénéité des organisations internationales (I). C’est pourquoi, l’analyse des diverses approches
théoriques de l’organisation internationale, en permettant de mieux saisir le concept d’organisation
internationale, peut conduire à en préciser la définition (II).
1 Les ONG, qui sont, actuellement, en plein essor, sont difficiles à définir au motif qu’il n’existe pas de définition
générale. À vrai dire, on peut uniquement les définir par deux caractéristiques récurrentes : 1° elles se présentent
sous la forme d’organismes privés (= elles ne sont pas composées d’États) et 2° elles ont un but non-lucratif.
2 Les EPI sont des organisations au sein desquelles des États peuvent coopérer afin de gérer un site commun ou
une infrastructure commune (ex. : l’aéroport de Bâle-Mulhouse, le barrage d’Itaipu).
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Il n’existe pas, en droit positif, de définition qui rende compte, de manière satisfaisante, de ce
qu’est une organisation internationale. En effet, la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit
des traités et la Convention de Vienne du 14 mars 1975 sur la représentation des États dans leurs
relations avec les organisations internationales de caractère universel se cantonnent à préciser que
l’expression « organisation internationale » s’entend d’une organisation intergouvernementale. Plus
complète est la définition proposée lors du processus d’élaboration de ces deux textes, selon laquelle
une organisation internationale est « une association d’États constituée par traité, dotée d’une Constitution
et d’organes communs, et possédant une personnalité juridique distincte de celle des États membres ».
Cette définition, qui met en exergue sur les caractéristiques essentielles d’une organisation
internationale, rejoint la définition doctrinale qui a été proposée par Michel VIRALLY : une organisation
internationale peut être définie, selon cet auteur, « comme une association d’États, établie par accord entre
ses membres et dotée d’un appareil permanent d’organes, chargé de poursuivre la réalisation d’objectifs d’intérêt
commun par une coopération entre eux ». Par suite, les organisations internationales sont des associations
volontaires d’États (§ 1), constituées par un accord international (§ 2), dotées d’organes permanents,
propres et indépendants chargés de gérer des intérêts collectifs (§ 3) et ayant la capacité d’exprimer
une volonté juridiquement distincte de celle de leurs membres (§ 4).
§ 1 : Une c ompo sit ion e ssen t ielle men t inte rét atiq ue
Pour approfondir cette partie du Cours, cf. la Leçon n° 4 sur « La participation aux organisations internationales »
Pourtant, tous les membres des organisations internationales ne sont pas des États souverains.
De la sorte, des dominions britanniques ont été membres de la SDN, comme la Biélorussie et l’Ukraine
ont été membres de l’ONU alors qu’elles n’étaient que des Républiques fédérées de l’URSS. De même,
le Québec, comme d’autres entités fédérées canadiennes, est membre de l’Agence de la francophonie.
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Artic le 4
« 1. Peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres États pacifiques qui acceptent les obligations de la
présente Charte et, au jugement de l’Organisation, sont capables de les remplir et disposés à le faire. (…) »
Pour approfondir cette partie du Cours, cf. la Leçon n° 3 sur « Les actes constitutifs des organisations
internationales »
Les organisations internationales sont des sujets de droit dérivés (= secondaires), c’est-à-dire
qu’elles doivent leur existence à un acte juridique (= l’acte constitutif) qui leur est préalable et
extérieur. Plus précisément, les États membres d’une organisation internationale ont manifesté la
volonté d’en faire partie, par le biais d’un traité international multilatéral qui est l’acte constitutif de
l’organisation en question (ex. : l’Accord instituant l’OMC, le Statut du FMI). Formulé d’une autre
manière, l’acte constitutif reflète la volonté – tant politique que juridique – des États de coopérer dans
certains domaines (ex. : la défense, l’économie).
Le volontarisme, traduit par l’exigence d’un traité multilatéral, souffre, parfois, quelques
exceptions. Ainsi, c’est par la voie d’un acte pris lors d’une conférence internationale qu’ont été créées
certaines organisations internationales (ex. : l’OPEP, l’OSCE).
Pour approfondir cette partie du Cours, cf. la Leçon n° 5 sur « Les organes des organisations internationales »
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Pour approfondir cette partie du Cours, cf. la Leçon n° 6 sur « La personnalité juridique des organisations
internationales »
Dans la mesure où l’organisation internationale prend, par l’intermédiaire de ses organes, des
décisions qui ne se confondent pas avec les décisions individuelles de ses membres, elle exprime une
volonté propre, qui en fait un acteur distinct des États qui la composent. En d’autres termes,
l’organisation internationale est tenue de fonctionner de façon autonome par rapport à ses membres ;
or, pour ce faire, elle doit disposer de sa propre personnalité juridique3.
Nb. : Le critère de l’autonomie juridique est important parce qu’il permet de distinguer une organisation
internationale de simples formes de coopération entre États.
3 L’organisation internationale est titulaire de droits et d’obligations non seulement dans les relations qu’elle
entretient avec d’autres sujets de droit international (= la personnalité juridique internationale) mais aussi dans
l’exercice de ses fonctions sur le territoire de tout État (= la personnalité juridique interne).
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II – Les a ppro ch es th éori ques d e l ’or g a nisa tio n i nter na tio nal e
Pis te de r éflex io n
⇒ Qu’y a-t-il de commun entre un État et une organisation internationale ?
Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les auteurs se sont, fréquemment, appuyés sur la théorie
de l’État pour tenter d’expliquer le processus d’apparition et de développement des organisations
internationales. Il est vrai que les points de comparaison ne manquent pas, notamment sur le terrain
institutionnel. Néanmoins, l’organisation internationale n’est pas un succédané de l’État, dont elle ne
présente pas le caractère principal, à savoir la souveraineté. Qui plus est, il n’y a pas, au sein de la
société internationale, de peuple en quête d’une identité politique et soucieux d’établir des structures
qui pérenniseront son individualité. Au contraire, l’organisation mondiale prétend rassembler tous les
peuples, sans les confondre, afin de leur permettre de coopérer dans la poursuite de certains objectifs.
D’ailleurs, l’organisation internationale ne possède ni population ni territoire : elle est simplement une
structure organique superposée aux appareils gouvernementaux des États, et en relation avec eux.
§ 2 : L a théo r ie ré al is te
Le courant réaliste se fonde sur la conviction que l’État est le seul sujet de droit capable
d’incarner l’intérêt de la collectivité. Par suite, dans cette perspective, l’organisation internationale ne
jouit d’aucune autonomie par rapport à ses (États) membres, n’étant que le reflet de leurs intérêts
(convergents ou contradictoires). Acteurs secondaires des relations internationales, les organisations
internationales sont, en définitive, instrumentalisées au service des politiques (égoïstes) des États
dominants.
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des États. À vrai dire, on procède, en la matière, du postulat que la source principale des problèmes
internationaux et l’obstacle réel à une véritable coopération internationale est la division du monde en
États souverains, exclusifs et jaloux de leur indépendance, alors même que l’État n’est plus le cadre
idéal pour fournir certains services (ex. : techniques, économiques) aux communautés humaines qu’il
englobe. Partant, c’est en chargeant des institutions de remplir, sur le plan international, certaines
tâches que la démonstration sera faite que certains besoins peuvent être mieux satisfaits au niveau
international qu’au niveau national.
§ 4 : L a théo r ie de l’ Ét a t fé dér al
Les différents États qui constituent la société internationale ne se présentent pas toujours
comme isolés et distincts les uns des autres. Ils sont, quelquefois, groupés et possèdent en commun
des institutions. Or, ce phénomène d’association d’États s’est manifesté, au cours de l’histoire, sous
des formes diverses et variées (ex. : la confédération, la fédération). Or, les formes d’association qui
s’inspirent du fédéralisme revêtent un intérêt particulier pour aborder l’étude des institutions de la
société internationale et, plus précisément, celle des organisations internationales.
Nb. : L’hétérogénéité actuelle de la société internationale ne permet pas d’envisager la constitution volontaire
d’un État fédéral mondial comme une éventualité vraisemblable dans un avenir proche.
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d’organismes destinés à coordonner leurs politiques dans un certain nombre de domaines. Dès lors, la
confédération ne correspond pas à un État au regard du droit international ; il n’y a pas d’« État
confédéral ». Par suite, le statut de la confédération, qui résulte d’un traité international, ne peut être
modifié qu’avec l’accord de tous ses signataires et ses organes ne prennent des décisions qu’à
l’unanimité des représentants des États membres (= droit de veto), ceux-ci recevant des instructions
de leurs Gouvernements respectifs. Qui plus est, chaque État membre garde sa pleine capacité d’agir
sur la scène internationale et peut, à tout moment, quitter la confédération si bon lui semble (= droit
de sécession). Au final, il n’y a pas fondamentalement de différence de nature entre les organisations
internationales et les confédérations car, dans les deux cas, ce ne sont pas des États et leurs membres
ne perdent pas la qualité d’État. La seule différence semble être liée à des considérations historiques,
le phénomène de confédération étant historiquement situé alors que les organisations internationales
ont une origine plus récente. En outre, la formule de la confédération est instable : elle tend, le plus
souvent, à évoluer vers la fédération (ex. : la confédération des États-Unis, la confédération helvétique,
la confédération germanique).