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Objectifs
>démontrer l’évolution du mode de lecture de la fable
>comprendre de quelle manière s’exprime l’indépendance de La F.
5>Entrer dans l’œuvre
« Composons, monsieur de la Fontaine. Je promets, quant à moi, de vous lire avec choix, de vous aimer, de
m'instruire dans vos fables ; car j'espère ne pas me tromper sur leur objet ; mais, pour mon élève, permettez
que je ne lui en laisse pas étudier une seule jusqu'à ce que vous m'ayez prouvé qu'il est bon pour lui
d'apprendre des choses dont il ne comprendra pas le quart ; que, dans celles qu'il pourra comprendre, il ne
prendra jamais le change, et qu'au lieu de se corriger sur la dupe, il ne se formera pas sur le fripon. »
Dédicace n°1
MONSEIGNEUR,
15S’il y a quelque chose d’ingénieux dans la république des lettres, on peut dire que c’est la
manière dont Ésope a débité sa morale. Il serait véritablement à souhaiter que d’autres mains
que les miennes y eussent ajouté les ornements de la poésie, puisque le plus sage des anciens
a jugé qu’ils n’y étaient pas inutiles. J’ose, Monseigneur, vous en présenter quelques essais.
C’est un entretien convenable à vos premières années. Vous êtes en un âge où l’amusement et
20les jeux sont permis aux princes ; mais en même temps vous devez donner quelques-unes de
vos pensées à des réflexions sérieuses. Tout cela se rencontre aux fables que nous devons à
1
Ésope. L’apparence en est puérile, je le confesse ; mais ces puérilités servent d’enveloppes à
des vérités importantes.
Je ne doute point, Monseigneur, que vous ne regardiez favorablement des inventions si utiles
25et tout ensemble si agréables ; car que peut-on souhaiter davantage que ces deux points ? Ce
sont eux qui ont introduit les sciences parmi les hommes. Ésope a trouvé un art singulier de
les joindre l’un avec l’autre : la lecture de son ouvrage répand insensiblement dans une âme
les semences de la vertu, et lui apprend à se connaître sans qu’elle s’aperçoive de cette étude,
et tandis qu’elle croit faire tout autre chose. C’est une adresse dont s’est servi très
30heureusement celui sur lequel Sa Majesté a jeté les yeux pour vous donner des instructions. Il
fait en sorte que vous apprenez sans peine, ou, pour mieux parler, avec plaisir, tout ce qu’il est
nécessaire qu’un prince sache. Nous espérons beaucoup de cette conduite. Mais, à dire la
vérité, il y a des choses dont nous espérons infiniment davantage : ce sont, Monseigneur, les
qualités que notre invincible monarque vous a données avec la naissance ; c’est l’exemple que
35tous les jours il vous donne. Quand vous le voyez former de si grands desseins ; quand vous le
considérez qui regarde sans s’étonner l’agitation de l’Europe et les machines qu’elle remue
pour le détourner de son entreprise […] quand, non content de dompter les hommes, il veut
triompher aussi des éléments ; et quand, au retour de cette expédition où il a vaincu comme un
Alexandre, vous le voyez gouverner ses peuples comme un Auguste, avouez le vrai,
40Monseigneur, vous soupirez pour la gloire aussi bien que lui, malgré l’impuissance de vos
années ; vous attendez avec impatience le temps où vous pourrez vous déclarer son rival dans
l’amour de cette divine maîtresse. Vous ne l’attendez pas, Monseigneur ; vous le prévenez. Je
n’en veux pour témoignage que […] cette vivacité, cette ardeur, ces marques d’esprit, de
courage et de grandeur d’âme, que vous faites paraître à tous les moments. Certainement c’est
45une joie bien sensible à notre monarque ; mais c’est un spectacle bien agréable pour l’univers,
que de voir ainsi croître une jeune plante qui couvrira un jour de son ombre tant de peuples et
de nations.
Je devrais m’étendre sur ce sujet ; mais, comme le dessein que j’ai de vous divertir est plus
proportionné à mes forces que celui de vous louer, je me hâte de venir aux fables […]
55 À MONSEIGNEUR LE DAUPHIN
Pastiche du début de l’Enéide du poète latin Virgile (vers 70 avant J.-C. - vers 19 avant J.-C.) « Je chante les
1
combats et le héros... ».
52 Esope (VIIe - VIe siècle avant J.-C.) a beaucoup inspiré La Fontaine. Ce personnage demi légendaire aurait
écrit un ensemble de fables dans lesquelles il met en scène des animaux.
2
Sur qui le monde entier a maintenant les yeux,
Pause biographique
Et qui, faisant fléchir les plus superbes têtes,
65 Comptera désormais ses jours par des conquêtes,
Quelque autre te dira d’une plus forte voix MME DE
Les faits4 de tes aïeux et les vertus des rois : MONTESPAN
Je vais t’entretenir de moindres aventures, Ce deuxième recueil est
Te tracer en ces vers de légères peintures ; dédié à (maîtresse royale en
70 Et si de t’agréer5 je n’emporte le prix, titre depuis 1668, mais au
J’aurai du moins l’honneur de l’avoir entrepris. bord de son déclin, puisque
en 1680, elle sera remplacée
par , avant que celle-ci ne
cède la place à , née
1 : Qu’est-ce qu’une dédicace ? Une épître ? A qui Françoise D'Aubigné, veuve
s’adressent-elles et pourquoi ? du poète , préceptrice des
enfants du roi et de Mme de
752 : Dans quels buts écrit-il les fables ? Montespan, et qui deviendra
l'épouse morganatique de
3 : Comment veut-il faire passer le message ? Louis XIV. Madame de
Montespan a eu six enfants
4 : De qui suit-il l’exemple ? Pourquoi ? de Louis XIV.
5 : Selon vous, cette dédicace fit-elle l’éloge ou la Indépendamment de sa
beauté, elle a la réputation
critique du ROI ? méritée d’esprit, le célèbre
806 : En quoi cette dédicace ressemble-t-elle elle-même à esprit « Mortemart », et de
bon goût, protectrice
une fable ? éclairée des gens de lettres,
Dédicace n°2 des arts en général (Molière,
Lully).
Le roi menait l’Europe et se
laissait mener par elle.
Favorite influente, qui aime
le luxe et fait de son
appartement le centre de
l’esprit de la cour du roi.
Personnalité forte, crainte
des courtisans, spirituelle et
sarcastique, inquiétée dans
l’affaire des poisons.
À Madame de Montespan
3
Eriger en divinité
90Le sage par qui fut ce bel art inventé.
C'est proprement un charme: il rend l'âme attentive,
Ou plutôt il la tient captive,
Nous attachant à des récits
Qui mènent à son gré les coeurs et les esprits.
95O vous qui l'imitez, Olympe, si ma muse
A quelquefois pris place à la table des dieux,
Sur ses dons aujourd'hui, daignez porter les yeux;
Favorisez les jeux où mon esprit s'amuse.
Le temps qui détruit tout, respectant votre appui,
100Me laissera franchir les ans dans cet ouvrage:
Tout auteur qui voudra vivre encore après lui
Doit s'acquérir de votre suffrage.
C'est de vous que mes vers attendent tout leur prix:
Il n'est beauté dans nos écrits
105Dont vous ne connaissiez jusques aux moindres traces.
Eh! Qui connait que vous les beautés et les grâces?
Paroles et regards, tout est charme dans vous.
Ma muse, en un sujet si doux,
Voudrait s'étendre davantage;
110Mais il faut réserver à d'autres cet emploi;
Et d'un plus grand maître que moi
Votre louange est le partage.
Olympe, c'est assez qu'à mon dernier ouvrage
Votre nom serve un jour de rempart et d'abri.
115Protégez désormais le livre favori
Par qui j'ose espérer une seconde vie;
Sous vos seuls auspices ces vers
Seront jugés, malgré l'envie,
Dignes des yeux de l'univers.
120
Je ne mérite pas une faveur si grande.
La fable en son nom la demande:
Vous savez quel crédit ce mensonge a sur nous.
S'il procure à mes vers le bonheur de vous plaire,
125Je croirai lui devoir un temple pour salaire:
Mais je ne veux bâtir des temples que pour vous.
Texte n°3
Discours final à Mme de la Sablière : les deux dédicataires encadrent les 3 livres
130Iris, je vous louerais, il n'est que trop aisé ;
Mais vous avez cent fois notre encens refusé,
En cela peu semblable au reste des mortelles,
Qui veulent tous les jours des louanges nouvelles.
Pas une ne s'endort à ce bruit si flatteur.
15 4
135Je ne les blâme point, je souffre cette humeur ;
Elle est commune aux Dieux, aux Monarques, aux Belles.
Ce breuvage vanté par le peuple rimeur,
Le Nectar que l'on sert au maître du Tonnerre,
Et dont nous enivrons tous les Dieux de la terre, Marguerite Hessein, dame de la
140C'est la louange, Iris. Vous ne la goûtez point ; Sablière, baptisée le 18 mars 1640 et
D'autres propos chez vous récompensent ce point, morte le 6 janvier 1693, est une
Propos, agréables commerces, salonnière française.
Où le hasard fournit cent matières diverses :
Dame distinguée par son esprit et sa
Jusque-là qu'en votre entretien bienfaisance, Marguerite Hessein,
145La bagatelle a part : le monde n'en croit rien. dame de la Sablière fut une des gloires
Laissons le monde et sa croyance. du XVIIe siècle. Elle sait la physique,
La bagatelle, la science l’astronomie, les mathématiques, la
musique et possède plusieurs langues
dont le grec ancien. Elle écrit cent
Maximes chrétiennes qui sont publiées
QUESTIONNAIRE à titre posthume en 1705.
1501 : Quel est le champ lexical utilisé ?
Elle s’est immortalisée par la
2 : Quel est le pouvoir de la fable ? protection qu’elle accorda au voyageur
Bernier qui fait pour elle son Abrégé
3 : Quelles sont les attentes de La Fontaine par rapport à de Gassendi et par l’hospitalité qu’elle
Mme de M ? donne en 1672, à la mort de la
duchesse d'Orléans et jusqu'à sa propre
4 : Deux grandes dames encadrent ces trois recueils. Qui mort, à Jean de La Fontaine. Celui-ci
155est Mme de La Sablière pour le fabuliste ? Quelle influence lui voue une véritable adoration,
Mme de M et Mme de la Sablière ont-elles pu exercer sur
La Fontaine ?
COMPARAISON
Analyse la différence de destinataire entre les deux recueils.
160
165
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Quelques mots d’Esope
On peut considérer également que Marie de France a joué un rôle important dans la seconde
205moitié du XIIe siècle en proposant, sous le titre Ysopet, l'adaptation en vers rimés français de
103 fables d’Esope. Généralement, les ouvrages de référence proposent des traductions en
prose de Marie de France, ce qui ne permet pas de mesurer à quel point, dans la forme, elle a
sans doute influencé La Fontaine, en s'inspirant elle-même de Phèdre.
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