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Impact de l’émotion sur la performance managériale.
Etude de cas de management en France.
Impact of emotion on managerial performance.
Case study of management in France.
Elodie MORGUE
Etudiante en Master II à l’IPAG
4, bd Carabacel
06000 Nice
elodie.morgue@ipag.fr
Dorota LESZCZYNSKA
Ingénieur agronome
Docteur en sciences de gestion
Enseignant-chercheur à l’IPAG
4, bd Carabacel
06000 Nice
d.leszczynska@ipag.fr
Résumé
Les recherches apportent pour l’instant très peu d’éclairage concernant les méthodes de
management utilisant les émotions, visant à soutenir le capital humain considéré comme un
atout compétitif. L’objectif de cette étude est d’établir un lien entre l’impact des émotions sur
le comportement physique et psychique, et un mode de management émotionnellement
performant. Nous proposons un modèle conceptuel et une étude de cas réalisée auprès
d’entreprises françaises. Notre recherche souligne certaines conduites managériales
permettant de valoriser le capital humain et le bien-être en entreprise, qui assureront
durablement la performance des employés. L’objectif de cette communication est de
contribuer à la recherche de nouvelles voies de réflexion concernant la situation actuelle des
modes de management en entreprise en France.
Abstract
There is little evidence in the literature of research concerning management methods using
emotions, to support human capital considered as a competitive advantage. The objective of
this work is to establish a link between the impact of emotions on the physical and mental
behavior, and an emotional kind of management performance. A conceptual model derived
from previous tested research is proposed, was used to apply the results take from the actual
case study methodology. The research highlights certain managerial lines, which proposes to
assure sustainable employee performance.
Nous préciserons, dans une première partie, le lien prometteur qui pourrait exister entre
l’émotion et le management en entreprise, dans le but de souligner les éléments émotionnels
incombant au manager, ainsi que la place de l’émotion en entreprise. Dans une seconde partie,
nous proposerons un modèle conceptuel d’impact de l’émotion sur le management. Nous
confronterons nos apports théoriques à une étude de cas réalisée auprès de managers en
France. Cette recherche démontre l’influence de l’émotion en entreprise sur le management,
se répercutant sur la productivité des employés. Nous pourrons alors proposer une discussion,
et ainsi souligner qu’il pourrait exister un lien entre l’émotion, l’évolution d’un management
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CODIR : Comité de Direction
performant basé sur l’utilisation de connaissances émotionnelles, et l’évaluation associé à ce
management.
Le terme de « révolution affective » révélé il y a dix ans, évoque le fait que des
relations émotionnelles existent entre les acteurs de l’entreprise. (Barsade, Brief & Spataro,
2003). Ces interactions émotionnelles sont décrites par « le Modèle de Contagion
Emotionnelle (MCE) », expliquant la corrélation existante entre les émotions et la
communication au sein d’une entreprise. (Haag & Laroche, 2009 ; p. 90). Ce modèle s’appuie
sur plusieurs éléments : « la théorie des évènements affectifs (TEA) », « l’intelligence
émotionnelle », « la communication verbale-émotionnelle » et « la contagion émotionnelle ».
(Mayer & al, 2003 ; Cartwright et Panchal, 2001 ; Probs, 2003 ; Conger, 1991 ; Gardener &
Avolio, 1998 ; Willner, 1984).
Les émotions doivent être contrôlées avec précision pour que l’impact soit efficace.
Cela demande donc un travail de réflexion et des compétences spécifiques que l’on nomme
« intelligence émotionnelle ». (Haag & Laroche, 2009). Quatre axes d’analyses décomposent
cette intelligence émotionnelle et permettent de mener à bien le travail émotionnel : (1) la
capacité de percevoir et d’exprimer les émotions, (2) la capacité d’assimiler les émotions
dans la pensée, (3) la capacité de comprendre et raisonner avec les émotions, et (4) la
capacité de réguler ses propres émotions mais aussi celles des autres ». (Modèle de Mayer &
Salovey, 1997). Couplée au MCE, l’intelligence émotionnelle permet au manager d’obtenir
une homogénéisation des émotions perçues par les membres de l’équipe et donc, par
conséquent, une convergence dans l’interprétation de l’annonce faite par le manager.
L’utilisation de l’intelligence émotionnelle mise en œuvre dans le travail émotionnel permet
d’influencer la construction de sens, qui peut avoir un effet positif ou négatif (Zapf, 2002 ;
Arvey, Renz, & Watson, 1998 ; Begley, 1994; Booth-Kewley & Friedman, 1987; Hewlin,
2003).
Il est important de noter que les émotions se communiquent de manière verbale, que
l’on appelle la « communication verbale-émotionnelle ». (Haag & Laroche, 2009). C’est, en
effet, la voie la plus directe et facile pour faire passer les émotions, puisque les individus
interagissent de manière verbale les uns entre les autres. Plusieurs chercheurs ont identifié
l’importance d’une bonne communication verbale provenant du leader. (Conger, 1991 ;
Gardner & Avolio, 1998 ; Willner, 1984). Outre l’argumentation que le manager va
développer lors de son discours, des émotions vont se cacher derrière ses paroles. Ainsi,
lorsque survient un évènement affectif majeur (TEA), les discours prennent une tournure
émotionnelle. Cela se ressent dans la manière dont les paroles sont délivrées. (Bligh & ali,
2004).
Ces facteurs d’influences sont autant d’outils qui, utilisés à bon escient, permettent
d’augmenter la productivité d’une équipe de travail. Cependant, un phénomène inquiétant se
répand de plus en plus dans les entreprises et représente, suivant les pays, de 3 à 6% du
Produit Intérieur Brut (Dejours, 2008). Il s’agit de nouvelles pathologies de santé mentale
liées au travail : troubles musculo-squelettiques, pathologies post-traumatiques, harcèlement
moral, tentatives de suicides. Ces pathologies ont un lien direct avec les facteurs d’influence
décrit ci-dessus, puisque dans le cas où ces facteurs portent atteinte au comportement
physique ou psychologique de l’employé, ces nouvelles pathologies peuvent se déclarer.
Christophe Dejours (2008) souligne que ces nouvelles pathologies mentales liées au travail
proviennent des contraintes organisationnelles en entreprise et notamment de l’évaluation
individualisée des performances et la qualité totale.
2
EASI : Emotion As Social Information
physique à un autre être humain, au service de la réalisation de certaines tâches ». (Molinsky
et Margolis, 2005 : p. 246).
2. Illustration
Afin d’apprécier l’ensemble des éléments issus des courants théoriques sur les émotions en
entreprise permettant de déterminer un mode de management performant, nous proposons une
schématisation de l’impact des émotions sur le management. Le modèle proposé sera ensuite
illustré par une étude de cas afin d’envisager une discussion et présenter des possibilités de
recherches futures.
Dans le but d’utiliser notre modèle comme outils d’analyse, nos indicateurs de
référence abordant les dimensions conceptuelles, sont issus des travaux présentés
précédemment. Notre visualisation du concept de management se comprend à deux niveaux.
Il faut, premièrement, prendre en compte les conséquences d’un ensemble d’éléments
(caractéristiques émotionnelles, caractéristiques comportementales et caractéristiques du
leadership) sur les émotions (définition des niveaux d’impact des émotions – par la pathologie
et par les humeurs), et deuxièmement, les effets de ces émotions sur les indicateurs
d’évaluation pour un mode de management donné. L’évaluation du management repose sur la
performance dans la durée, c’est-à-dire sur la capacité à obtenir de meilleurs résultats de la
part des employés en adéquation avec les objectifs fixés par l’entreprise. Schématiquement, la
visualisation du problème est la suivante (cf. figure 1).
Caractéristiques comportementales
• Motivation épistémologique IMPACT
(Gerben & ali, 2009)
• Relation travail/famille (Ilies & ali,
2009 ; Blanc & Ettighoffer, 2002)
• Maux nécessaires (Molinsky &
Margolis, 2005)
Les recherches ont porté une attention croissante en France, concernant les problèmes
relatifs au management conduisant à des risques psychosociaux. Notre objet d’étude participe
aux efforts engagés par la France : enquêtes réalisées par le Ministère du Travail, l’INRS3,
l’OMS4 et l’INSEE5 (Nasse & Légéron, 2008 ; Dejours, 2008 ; Cohidon & ali, 2009 ;
Lachmann & ali, 2010). De par la nature de cet objet de recherche, nous avons privilégié une
étude qualitative de l’étude de cas. Cette méthode permet d’approfondir la compréhension de
l’impact des émotions et de l’importance de leur maîtrise à l’intérieur d’une culture donnée.
L’étude de cas suppose un contact privilégié avec le terrain. Ayant bénéficié du statut
« d’étudiant » lors de nos recherches, l’accès au terrain a été facilité nous permettant
d’échanger sur des savoirs propres au management qui apparaissent de manière implicite en
entreprise. Ainsi, nous avons obtenu le témoignage de 9 managers, occupant des postes de
cadres ou de directeurs en entreprise, via un questionnaire administré par écrit, le but étant
d’apporter des éléments pertinents pour notre objet de recherche, provenant d’acteurs sur le
terrain. La variété des secteurs d’activités et de la taille des entreprises sollicitées, ainsi que la
diversité des postes occupés par les personnes interrogées, nous a permis de garantir la qualité
de notre analyse par le croisement des réponses. Aussi, nous avons complété cette enquête
terrain par une recherche documentaire permettant de récolter des informations concernant les
nouvelles pathologies de santé mentale en entreprise énoncées par Christophe Dejours (2008),
mais également de comprendre leurs origines grâce aux recherches scientifiques évoquant
leurs conséquences sur l’organisme.
La perte de l’emploi et le manque d’avenir dans une entreprise pèsent sur les
travailleurs et les affaiblissent face aux difficultés rencontrées. De plus, une économie
toujours plus tournée vers le service ne fait qu’augmenter les attentes et exigences des clients.
Le développement des nouvelles technologies dans les entreprises a favorisé la mise en place
de relations virtuelles entre les employés et leur manager, conduisant à une plus forte isolation
de ceux-ci et pouvant nuire à l’équilibre travail/famille. Tous ces facteurs d’évolution
engendrent des remaniements en entreprise sur un plan organisationnel et managérial. Les
acteurs d’entreprises soulignent à ce propose qu’ :« il semble effectivement que le
management soit la clé de survie et de réussite des entreprises françaises dans les années à
venir ».
Le terme « mal-être » au travail est aujourd’hui évoqué quel que soit le secteur
d’activité. Le surmenage se renforce et l’on parle de maladies modernes. Ces problèmes ont
en fait toujours existé, mais étaient sous-estimés et plus faciles à détecter grâce au
collectivisme et au corps social présent en entreprisse de manière implicite. L’un des
phénomènes inquiétant en entreprise est le stress : « un état de stress survient lorsqu’il y a
déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son
environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. Bien que
le processus d’évaluation des contraintes et des ressources soit d’ordre psychologique, les
effets du stress ne sont pas, eux, uniquement de même nature. Ils affectent également la santé
physique, le bien-être et la productivité ». (Lachmann, Larose & ali, 2010). Près d’un tiers
des travailleurs européens estiment que leur santé est affectée par le stress sur le lieu de
travail. Dans le cas de la France, la première cause de consultation en 2007, pour pathologie
professionnelle concerne les risques psychosociaux, dont le stress fait partie et inquiète de
plus en plus, du fait que cette pathologie en entraine de plus graves. (Lachmann, Larose & ali,
2010). Le stress chronique - stress régulier, fréquent ou abusif - provoque trois étapes chez
l’homme régulées par la sécrétion de différentes hormones. Les deux premières étapes
correspondent à une phase d’alarme, suivi, d’une phase de résistance. Ces deux phases ont un
effet bénéfique sur la productivité de l’employé puisque le corps se prépare à réagir à la
période de stress et apporte l’énergie nécessaire. Cela passe par une augmentation de la
fréquence cardiaque, de la tension artérielle, de la vigilance, etc. Ces symptômes disparaissent
lorsque la période de stress est ponctuelle. Le cas échéant, l’organisme passe à la troisième
étape qui est une phase d’épuisement, correspondant à une absence de régulation des
hormones au niveau du système nerveux central. Des maladies cardio-vasculaires, des
troubles musculo-squelettiques (TMS), ainsi que des douleurs chroniques peuvent apparaître.
Une récente enquête réalisée par le Ministère du Travail (2010) révèle que le nombre de cas
de TMS indemnisés depuis 1995, augmente de 13% par an, et représente un coût qui varie de
18.400€ à 21.300€ par an et par employé selon son régime. Cette pathologie a également
entraîné la perte de 8,4 millions de journées de travail. Ces TMS, que les scientifiques
pensaient jusqu’ alors provenir uniquement de sollicitations purement mécaniques du corps et
de mouvements répétitifs, proviennent également des pressions psychologiques importantes et
récurrentes conduisant à un état de stress chronique.
Le stress chronique en entreprise peut être causé par plusieurs facteurs qui se
rapportent à des responsabilités susceptibles d’incomber au manager. Le paragraphe suivant
décrit ces facteurs d’apparition du stress avec plus de précision.
En listant les facteurs d’apparition du stress, nous observons que l’impact des
émotions en entreprise est omniprésent et est en cohérence avec nos apports théoriques. Ces
facteurs sont au nombre de vingt-deux et sont répartis en six dimensions (cf. tableau 1).
6
Source : INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité). (2008). « Dossier : Le stress au travail ». [En
ligne]. Disponible sur : http://www.inrs.fr/dossiers/stress.html. (Page consultée le 9 mars 2010).
• Manque de reconnaissance dans le travail
• Absence de soutien social
Contexte social au travail
• Mauvaise qualité des relations
interprofessionnelles
• Souffrance éthique
• Violence psychologique
Conflits de valeur
• Utilisation des maux nécessaires (Molinsky &
Margolis, 2005 : p. 246)
Discussion
Les employés ne sont pas les seuls concernés par le stress au travail. Ceux-ci payent
les conséquences physiques et mentales, alors que l’entreprise quant à elle, paye les dégâts au
sens financier du terme : diminution de la productivité de l’employé, nuisance à l’image
externe et interne de l’entreprise, absentéisme, etc. Les recherches présentées dans cette étude
soulèvent plusieurs points importants : le bien-être des employés au travail, leur motivation, et
les émotions présentes. Notre réflexion d’ensemble a démontré qu’il existerait un lien entre
émotion et management, de façon à pouvoir proposer une conduite managériale
émotionnellement performante. En effet, les émotions ont un impact néfaste ou au contraire
bénéfique sur le comportement des employés, qui peuvent être régulées en entreprise grâce au
management. Ce résultat est en accord avec la proposition du Modèle de Contagion
Emotionnelle proposé par Haag & Laroche (2009) qui évoque le fait qu’il est possible lors des
CODIR, d’instaurer un climat émotionnellement stable propice à la productivité en toute
situation. Notre recherche ne décrit en aucun cas un mode de management parfait, mais elle
met en évidence tous les éléments propices au débat concernant un mode de management
émotionnellement performant.
Cette recherche s’appuie essentiellement sur la pathologie du stress pour démontrer
que les émotions ont un lien direct avec les méthodes de management mises en place (cf.
tableau 2). Le stress étant un processus psychique – première dimension - se répercutant sur la
partie physique de l’organisme – seconde dimension -, cette pathologie permet de mettre en
évidence la liaison existante entre ces deux dimensions. Apparaît alors un point de discussion
concernant les indicateurs des émotions évoqués dans notre proposition de modèle, puisqu’ils
s’avèrent être complétés par la dimension psychique et la dimension physique qui
apparaissent liées et non indépendantes. Il en est de même concernant les attributs de
l’émotion proposés dans notre modèle. Un second point de discussion concernerait alors, le
parachèvement des attributs de l’émotion par certains facteurs déclencheurs du stress en
entreprise.
Conclusion
La prémisse de cette recherche est que les entreprises se sont de plus en plus installées
dans une culture de rendement, utilisant des outils managériaux inadaptés au bien-être des
employés et donc, à leur productivité. Les entreprises se doivent d’être toujours plus
compétitives et cela au détriment de leur capital humain. Les modèles théoriques existants ne
prennent pas en compte les sérieuses pathologies, que les émotions véhiculées en entreprise
de manière volontaire ou non, peuvent engendrer. Ainsi, l’ensemble des recherches engagées
et les témoignages des acteurs sur le terrain nous permettent de définir un mode management
émotionnellement performant. Par conséquent, notre premier objectif correspond à
l’élaboration d’un modèle permettant de mieux comprendre l’impact de l’émotion sur le
management. Le second objectif concerne la mise en place d’un test empirique afin de mettre
en évidence l’influence des émotions véhiculées au travers du management sur les
performances des employés.
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