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Les limites de la vérité scientifique.

Elles sont liées à plusieurs facteurs : -_ à l'usage de l'induction dans les sciences physiques et plus
généralement dans les sciences de la nature. Le raisonnement inductif rend la vérité incertaine, car à
partir d'une série d'observations, toujours en nombre fini (limité) ,on ne peut pas conclure à une loi
strictement universelle.
Un ex classique : la couleur des corbeaux. Jusqu'au 19 s, on n'a observé que des corbeaux noirs,
avant de découvrir que certains corbeaux sont blancs, d'où cette fable animalière (sous forme
d'apologue) : la dinde de Noêl ou la dinde inductiviste. Cf manuel p 347.
Le raisonnement inductif est d'autant plus incertain que la science élabore des théories de plus en
plus complexes. En effet une théorie est différente d'une simple loi ou d'une proposition décrivant
des propriétés ou caractéristiques d'un objet. Une théorie est plus englobante et fournit un modèle
explicatif du réel à un niveau plus profond ; par ex la théorie de Newton qui unifie sous une même
hypothèse (celle de la gravitation universelle) les lois de Galilée sur la chute des corps et les lois de
Kepler sur la révolution des planètes ; ou encore la théorie de Darwin sur l'évolution des espèces.

- _au caractère provisoire de toute théorie scientifique.


La position aujourd'hui la plus répandue est celle de Karl Popper qui s'articule autour d'un certain
nombre d'idées.
La science progresse grâce aux grandes hypothèses audacieuses des chercheurs.
Mais la théorie, on ne peut jamais prouver qu'elle est vraie, donc la vérifier au sens
strict ; on peut seulement la « corrobore r » c'est à dire la confirmer.
La valeur d'une théorie se mesure à deux critères : son accord avec les données
observées et sa fécondité c'est à dire sa capacité à anticiper de nouveaux faits. Ainsi grâce au calcul
mathématique, à partir de la théorie de Newton, on a pu découvrir au 19 s , l'existence d'une
nouvelle planète du système solaire, plus tard confirmée par l'observation.
Mais une théorie n'est confirmée que jusqu'à preuve du contraire. En effet si un
fait , même un seul ne correspond pas à la prévision théorique, alors il faut revoir la théorie. On dit
dans ce cas que la théorie est réfutée ou falsifiée et on imagine alors une autre hypothèse.
Par conséquent, il faut faire confiance à la raison,mais à une « raison critique » qui selon
Popper, « doit s'exposer à l'épreuve du réel ».La raison doit être prête à se remettre en question.

Qu'est ce qui fait en définitive le caractère scientifique d'une théorie ? Paradoxalement,


ce n'est pas sa vérité, c'est sa réfutabilité,c'est à dire la possibilité de démontrer qu'elle est est fausse.
Et cela permet de tracer une ligne de démarcation entre la science et les « pseudo sciences ».C'est
le cas des théories qui servent à interpréter un domaine de réalité, mais qui ne sont pas réfutables
par ex l'interprétation des rêves par la psychanalyse, ou l'idée chez Marx que la lutte des classes
mène inévitablement à la société communiste.
« Le critère de la scientificité d'une théorie réside dans la possibilité de l'invalider, de la réfuter ou
encore de la tester »Popper.
-
Dans le domaine mathématique, il y a aussi des limites à la vérité.
Du fait de l'impossibilité, comme le dit Pascal, d' « une méthode démonstrative parfaite » où
idéalement on pourrait définir tous les termes et prouver toutes les propositions;or il y a des
propositions qu'il faut admettre ; ce sont les axiomes et les postulats. Ces propositions sont
intuitives.On sait naturellement, d'instinct qu'elles sont vraies.
Mais dans quelle mesure peut on se fier à la raison humaine ? La science est une
construction dont la valeur dépend des facultés humaines et l'homme n'est qu'une espèces parmi
d'autres. C'est ce que pensent Kant et Nietzsche.
Doit on en définitive douter de la science? On peut s'accorder sur son utilité.
Les limites de la science sont indiscutables. Ses vérités sont provisoires,et ses fondements sont
incomplets ; mais est ce une raison pour être sceptique au se ns de Pyrrhon et rejeter la science? La
science ne vaut elle pas par ce qu'elle nous apporte concrètement ? Par ses applications pratiques ?
Par une certaine forme de compréhension du monde ? Telle est la position du pragmatisme de
William James, pour qui « est vrai ce qui réussit », c'est à dire ce qui marche, « est vrai ce qui est
avantageux » pour nous. Est vrai, ce qui nous apporte plus d'efficacité dans nos actions,(la
médecine moderne par rapport à la médecine traditionnelle), est vrai, ce qui amène plus de clarté
dans nos jugements.

3 p:La vérité est elle toujours souhaitable ?

Est elle toujours bonne à rechercher (si elle est inconnue), à connaître (si elle a déjà été découverte
par d'autres),et à dire (à faire savoir) ?
Afin de mieux juger de la valeur existentielle et morale de la vérité, examinons ses contraires. Ces
contraires sont l 'ERREUR et le MENSONGE.
L'erreur est une inadéquation entre la pensée et le réel ; elle est involontaire.Le mensonge est une
inadéquation entre la parole et le réel ; elle est intentionnelle. « Le mensonge est une déclaration
volontairement fausse faite à un autre homme »Kant.Ainsi le mensonge présuppose de la part de
celui qui ment la connaissance de la vérité ou au moins la croyance d'avoir cette vérité.Ainsi le
mensonge est uniquement un acte de langage et plus précisément de communication ; il n'est pas
l'expression de la pensée mais il en constitue la dissimulation ou la falsification.

La question de l'erreur.
Est elle toujours de: l'ordre du négatif ? En d'autres termes, est elle toujours préjudiciable ? Et
question corrélative faut il l'éviter à tout prix (à celui peut-être de l'abstention du jugement ou à
celui de l'inaction) ? N'y a t-il pas un certain « droit à l'erreur », comme l'affirme une locution
courante ?
L'erreur apparaît comme négative
En effet l'erreur est un échec, par rapport à nôtre volonté de vérité ( volonté de la trouver) ;
elle est aussi un motif d'insatisfaction par rapport à un désir de vérité que nous sommes supposés
avoir.Selon Platon ce désir de vérité est présent en nous, même si nous n'en avons pas toujours
conscience car seule la vérité nous libère.
Il y a certes des erreurs sans conséquences mais il y a aussi des erreurs fatales (erreur médicale par
ex),Par conséquent, il semble bon de chercher à éviter l'erreur,étant entendu que « l'erreur est
humaine » c'est à dire inévitable,car l'homme est faillible. Cette prédisposition à l'erreur n'est pas
une excuse si nous sommes en possession d'un libre arbitre, d'une liberté de jugement qui nous
rend responsables de nos erreurs. Telle est la position de Descartes. Néanmoins, rappeler que
l'erreur est humaine est une explication. Il y a en effet des causes récurrentes à l'erreur et ces
causes, il faut être capables de les identifier pour qu'elles cessent d'agir sur nous.
C'est là encore la démarche suivie par Descartes, dans le Discours de la méthode.
D'où viennent nos erreurs ? Pourquoi nous trompons-nous ?.
L'erreur vient souvent de l'inattention (d'un défaut de concentration de notre esprit).
de la précipitation, de cette tendance de l'esprit à brûler les étapes du
raisonnement,à ne pas s'assurer qu'on a bien tous les éléments pour juger. La précipitation conduit à
des conclusions hâtives et souvent infondées.
Du préjugé (idée reçue, stéréotype),qui peut aussi être en lien avec la
précipitation.La force d'un préjugé, dont il est difficile de se défaire, vient de l'habitude et d'une
pseudo évidence qui nous induit en erreur.
Dès lors comment éviter l'erreur ?
La réponse de Descartes est qu'il faut se donner des règles, « des règles pour la direction de
l'esprit » et ces règles viennent de nôtre raison : règle de l'évidence non pas immédiate mais
rationnelle , réfléchie,qui fait suite à l'examen critique, c'est à dire au doute raisonnable;règle de
l'analyse, règle de l'ordre, et règle de vérification.Ainsi , bien que nous soyons sujets à l'erreur de
par notre constitution même (physique, mentale),, nous n'en sommes pas moins responsables de
nos erreurs. On peut dire que c'est nous qui nous trompons plus que nous sommes induits en erreur.
Par ex nos sens nous trompent certes, mais c'est aussi nous qui avec notre raison mal conduite, nous
trompons nous-mêmes, en faisant confiance à nos sens De même,les apparences sont souvent
trompeuses, mais c'est aussi moi qui ai mal jugé, en n'étant pas assez vigilant.
Ainsi l'erreur serait évitable à condition de prendre les précautions nécessaires.

Mais n'y a t-il pas une autre source d'erreur,à la fois plus difficile à éviter et à corriger que
les erreurs précédemment évoquées ?
Il y a l'erreur qui vient de l 'ILLUSION.

Pour Freud, l'illusion n'est pas tout à fait la même chose que l'erreur simple.L'illusion est « dérivée
des désirs humains » En effet, se faire des illusions provient d'une tendance à prendre ses désirs
pour des réalités et cela s'enracine dans le besoin (affectif, non rationnel) de se rassurer, de se
consoler ou encore de rêver.Ces désirs sont antagonistes du désir de vérité.Dans l'illusion , la
pensée ne peut pas être en adéquation avec le réel car ce que Freud appelle le principe de réalité va
à l'encontre du principe de plaisir (cette tendance que nous avons à rechercher .le plaisir et à éviter
le déplaisir).
Mais la vérité est elle toujours préférable à l'illusion ? Que gagnons nous à être lucide ?
Le danger de l'illusion est de perdre le contact avec la réalité ; l'illusion nous expose alors à la
déception.Mais n'y a t il pas des illusions qui ne seront jamais démenties? Par ex croire que Dieu
existe ; c'est du point de vue de athées une illusion mais c'est aussi pour certains, ce qui les aide à
vivre et comme le dit Freud, cette illusion ne peut pas être tenue pour une erreur car la vérité ou la
fausseté de l'affirmation : « Dieu existe » est indécidable, étant d'ordre métaphysique.

Dans quelle mesure l'erreur peut elle nous être bénéfique ?


Y a t il un « droit à l'erreur » ?
Il faut d'abord que l'erreur ne soit pas une faute (morale),gravement préjudiciable à autrui.
Mais ll y a des erreurs fécondes. En effet, on peut apprendre de ses erreurs, par l'expérience de la
vie. L'erreur est aussi un instrument de pédagogie ; c'est en laissant l'élève se tromper, et
comprendre ensuite ses erreurs qu'il comprendra mieux les raisons de ce qui est vrai.L'erreur peut
aussi faire progresser la science. C'est par le moyen de la réfutation, comme l'a montré Popper,que
les théories s'affinent. Une prévision est démentie ; c'est la preuve d'une erreur ; et cette erreur, on la
corrige, en émettant une nouvelle hypothèse, peut-être plus en accord avec le réel.
Ainsi « il n'y a pas de vérités premières,il n'y a que des erreurs premières » ( Bachelard.) ou encore
« la vérité n'est qu'une suite d'erreurs rectifiées ». Pour l'homme, autant dans la recherche
scientifique que dans sa vie pratique,l'erreur est souvent un passage obligé.

La question du mensonge.
Le mensonge est-il toujours blâmable ?
On assiste au 18 s à un dialogue philosophique entre Kant et Constant.

Pour Kant, le devoir de véracité est absolu et inconditionnel, alors que pour Constant, il
est parfois moralement bon de mentir.
Kant montre à partir d'un exemple, celui de la fausse promesse, que le mensonge est
inadmissible.En effet le mensonge intéressé ( dont le motif est l'intérêt égoïste et dont le but est
l'utilité personnelle)est contraire au principe moral issu de la conscience et de la raison. Ce
principe impose à chacun de se donner comme règle d'action, une règle dont il pourrait vouloir en
même temps qu'elle soit une loi universelle. Le test à faire pour juger de la moralité d'une action
est donc le test d'universalisation possible ou impossible dans chaque cas. Kant démontre ainsi
l'immoralité du mensonge à l'aide d'un raisonnement par l'absurde. Qu'adviendrait-il si chacun se
donnait le droit de mentir quand cela l'arrange?La conséquence d'une telle hypothèse est
inadmissible car « plus personne ne croirait ce qu'on lui promet » ; la confiance serait perdue et
cette confiance est au fondement de toute société.
Constant émet des objections à la thèse de Kant
Il part d'un autre exemple, celui du criminel qui poursuit mon ami réfugié dans ma maison. Il
semble évident dans ce cas que je ne dois pas lui dire la vérité. De cet exemple qui invalide la thèse
de Kant, il tire un autre principe. En effet le principe selon lequel il faudrait toujours dire la vérité,
« pris isolément est inapplicable ; il faut tenir compte du contexte, donc du cas particulier et des
conséquences potentielles de l'action.Le principe de dire la vérité est bon mais il n'a pas de valeur
absolu et universelle ; il n'a de valeur qu'en général et doit être relativisé. Ainsi Constant formule
le second principe qui doit conditionner l'application du premier. « Dire la vérité n'est un devoir
qu'envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n'a droit à la vérité qui nuit à
autrui. »Constant prend aussi un autre exemple qui confirme sa thèse, celui du mensonge « par
humanité. »,entendons par là le mensonge dont l'intention louable est d'épargner de la souffrance à
autrui.
A ces objections au devoir absolu de dire la vérité en toutes circonstances, Kant apporte des
contre-arguments.
Nul ne peut savoir à l'avance s'il va faire acte utile en mentant par bienveillance, ni s'il respecte le
souhait de la personne qui est peut-être celui de savoir. De plus, « le mensonge nuit toujours à
autrui, même si ce n'est pas à un autre homme, c'est à l'humanité en général. » car, ajoute Kant, « le
mensonge disqualifie la source du Droit », tous les engagements civils, les contrats, et pas
seulement les promesses verbales faites entre particuliers, reposant en dernière instance sur la
confiance.

A travers la question controversée du droit de mentir ou non, apparaissent deux approches


différentes de la morale, deux façons de juger du bien et du mal.
-une approche au cas par cas et conséquentialiste , qui consiste à faire un choix en
fonction des conséquences concrètes et réalistes et non pas en fonction d'un idéal absolu. Une action
est juste si elle a des conséquences souhaitables.
-une approche déontologique qui définit des « impératifs catégoriques » selon les termes de
Kant, c'est à dire des obligations strictes,auxquelles on ne peut pas déroger. Ainsi dire la vérité est
un devoir absolu, universel, qui ne tolère aucune exception à la règle « .C'est une question de
principe »,comme on dit parfois.
Ces deux approches de ce que doit être la morale sont antinomiques (il faut choisir une position).
Les dangers de la première sont le subjectivisme car le jugement dépend de chacun ; cela se
discute ; et le laxisme c'est à dire une tendance à tolérer toujours plus d'exceptions à la règle au
point de risquer de la faire disparaître .Peut-on encore parler de devoir ou n'y a t-il qu' un simple
calcul prudentiel ?
Le danger de la seconde approche est le dogmatisme ainsi qu'un excès de rigorisme qui ne prend
en compte ni les cas particuliers ni la complexité du réel .En effet l'intransigeance peut aussi
conduire à l'injustice,en nuisant à un innocent par ex.
N'est-on pas en présence, au terme de ce dialogue entre philosophes, d'un « désaccord
raisonnable »sur la valeur de la vérité ? On s'accorde sur un principe général mais les
interprétations ensuite divergent.

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