urbaine
Olagnier Pierre-Jacques. La voirie, trame des paysages urbains. Le rôle des infrastructures routières dans le paysage des
villes. In: Les Annales de la recherche urbaine, N°85, 1999. Paysages en ville. pp. 162-170;
doi : https://doi.org/10.3406/aru.1999.2296
https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1999_num_85_1_2296
Resumen
Viario y paisaje urbano
Las vías de circulación dibujan el paisaje de las ciudades alineando los edificios y creando las
perspectivas. El urbanismo contemporáneo ha dejado de tomar en cuenta el viario únicamente por sus
calidades circulatorias o funcionales. La recalificación urbana de las calles, avenidas y ejes para
formar espacios públicos polivalentes confiere la identidad de una ciudad aunque a costa de un cierto
paseísmo.
Zusammenfassung
Straßenbau und Stadtlandschaft
Straßenzüge strukturieren Stadtlandschaften, indem sie Bauten aneinanderreihen und Perspektiven
freigeben. Die heutige Stadtplanung sieht den Straßenbau nicht mehr nur unter verkehrstechnischem
und funktionalem Aspekt. Die Aufwertung von Straßen, Avenuen und Achsen zu polyvalenten
öffentlichen Räumen markiert die Identität einer Stadt und läuft dabei Gefahr, einem gewissen
Traditionalismus zu huldigen.
Abstract
Streets in the urban landscape
Thoroughfares mark out the city skyline by aligning buildings and giving perspective. Contemporary
town planning no longer designs roads solely for their functional or practical functions. The
requalification of streets, avenues, and major routes into versatile public spaces stamps the character
of a city, albeit at the risk of appearing a little passe.
Pierre-Jacques Olagnier
LA VOIRIE, TRAME
« Les immeubles sont à côté les uns des autres. Ils sont ali¬ la collection d'objets superposés et accolés les uns aux
gnés. Il est prévu qu'ils soient alignés, c'est une faute grave autres. La confrontation des paysages urbains de trois
pour eux quand ils ne sont pas alignés : on dit alors qu'ils grandes agglomérations européennes que sont Paris,
sont frappés d'alignement, cela veut dire que l'on est en Londres et Barcelone, et la comparaison de leurs pra¬
droit
ment des
de les
autres.
démolir, afin de les reconstruire dans l'aligne¬ tiques en matière d'aménagement de leur voirie, ten¬
L'alignement parallèle de deux séries d'immeubles déter¬ dent à souligner
diverses formes d'interaction
que les différents
du réseau
types de
de voirie
voirie etavec
les
mine ce que l'on appelle une rue. » son environnement bâti sont créateurs d'espaces
..
Les faubourgs
La circulation routière se traduit par la présence de ce territoire ou qu'ils y soient extérieurs. Impliquant un
trafics de véhicules multiples et sur des distances variées individu observateur et un espace à observer20, le paysage
qui amènent à considérer les grands axes de circulation devient l'objet potentiel de jugements esthétiques,
intra-urbains comme des éléments participant à des conscients ou inconscients, ceux-ci étant véhiculés par les
logiques s' inscrivant à différentes échelles et joue sur le représentations de l'observateur et l'on identifie des pay¬
sages à qui l'on reconnaît des qualités, et d'autres au
versé.
rapportLaentre
route las'inscrit,
route, en
sa forme
eifet, à etla fois
l'espace
dans urbain
une trame
tra¬
contraire sans qualité. Le regard que nous portons sur les
viaire de quartier (une trame de proximité serait-on villes est donc façonné par les représentations.
tenté d'écrire), dans le réseau viaire d'une ville - Mon- C'est pourquoi il est courant de qualifier le paysage
trouge ou Bourg-la-Reine dans le cas de la Nationale des banlieues
fois son caractère
de manière
morne, monotone,
extrême, enmais
dénonçant
aussi chao¬
à la
20 — ou d'une agglomération — l'agglomération pari¬
sienne par exemple - et dans un réseau plus complexe et tique. Ces jugements procèdent directement du regard
d'une autre échelle que celle de la ville ou de l'agglomé¬ que l'on pose sur la réalité, et en particulier, de l'échelle
ration18 : il met en relation deux lieux éloignés ; aussi, la avec laquelle on la considère. Les présupposés, qui vont
traversée d'un espace urbain par un des grands axes du guider la manière d'observer, et l'éducation du regard
réseau routier engendre une tension du point de vue de expliquent pour une large part de tels constats, les ter¬
la vocation principale de l'axe, en concentrant différents ritoires de banlieue étant perçus à l'aune d'une cer¬
types de trafic (local, national, voire international) : doit- taine conception de la réalité urbaine, de la ville, celle-
il être avant tout une voie de proximité, utile dans l'es¬ ci étant par excellence celle de la ville traditionnelle et
pace urbain traversé ou un élément du réseau, niant plus précisément du centre ancien ou des quartiers de
ainsi son intégration avec l'espace urbain qui l'entoure ? type haussmanien du XIXe siècle.
plusDepuis
sont d'ordre
de politiques
moins
qualitatif,
d'une
urbaines,
etvingtaine
non enplusFrance
d'années,
uniquement
et à de
l'étranger,
plus
d'ordre
en
réseaux
18. Sur :cesthéories
problèmes
et méthodes,
d'échelleParis,
et deArmand
réseaux,Colin,
Dupuy1991G., L'urbanisme des
.
19. Lynch K., Appleyard D., Myer J.K., The view from the Road, Massachusetts
Institute of technology Press, 1964. Dans cet ouvrage, K. Lynch emploie les
visuelle19
contraire
les
paysage
alors
de
tionnelle
comment
évidence
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cohérence,
par
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anthropiques.
hommes
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Réalité
voirie,
routes,
les
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etcontinuité,
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par
vie
fonc¬
trou¬
du
au
en
les
de
la termes d' esthetics of highways, de potential beauty ou encore de visual poten¬
tial, de visual requirement. Selon lui, la route doit être le lieu qui, outre sa fonc¬
tion d'échanges, doit assurer à ses utilisateurs une perception de qualité du
paysage urbain qu'elle traverse, qualité qui est rarement le cas pour l'instant.
20. K. Lynch, par exemple, ne considère pas la ville comme une chose en soi,
mais comme un objet perçu par ses habitants. D'ailleurs, ses analyses des
grands axes routiers aux États-Unis le conduisent à penser la forme visuelle de
l'espace urbain non seulement comme un paysage statique existant en soi,
mais aussi comme une forme qui doit être perçue en mouvement, c'est-à-dire
par un observateur utilisant l'axe routier, par la perception que cet observateur
a de l'espace urbain qu'il traverse.
de commerces en rez-de-chaussée, la mixité des fonc¬ différentes échelles (vie locale, quartier, aggloméra¬
tions sont devenues les références urbaines pour réamé¬ tion. . .) dans lesquelles elle s'insère. Une attention par¬
nager les voies rapides, et ce malgré les différences de ticulière a ainsi été portée sur le mobilier urbain, sur la
tissus
de vie.urbains et les changements en matière de mode création « d'aires de nouvelles centralités » et sur la qua¬
lité paysagère de la grande voirie de circulation. Celle-
La prégnance du fait automobile a destitué, à partir ci s'entend de deux manières : en aménageant, pour les
des années cinquante, de nombreuses voies de circula¬ utilisateurs de la voie, de belles séquences panora¬
tion, notamment celles de grande capacité en banlieue, miques sur le paysage de la ville, dans le droit fil des
de leurs fonctions autres que circulatoires et a eu un principes de Lynch, d'une part, et en faisant de cette
voie de circulation un espace public, participant plei¬
nement — donc pas uniquement négativement — à la
vie des quartiers traversés d'autre part.
L'espace public et la
transformation du paysage urbain
Une deuxième référence en matière d'aménagement 25. Cf. Dupuy G., op. cit.
de voirie
réflexions
s'est etaujourd'hui
les réalisations
imposée
effectuées
à traversà Barcelone,
les travaux 26. Ministère de l'Équipement, du Logement, des Transports et de l'Espace,
Les 15 projets urbains qui valent le voyage, Paris, Direction de l'Architecture et
qui sont devenues, à leur tour des modèles réussis de l'Urbanisme, 1991 (chapitre «Barcelone, deuxième cinturón une auto¬
d'aménagements de voirie26, à partir des exemples de la route fait la ville »).
:
Via Julia et du Moll de la Fusta. Les projets urbains 27. Pour s'en rendre compte, on peut se référer au catalogue de l'exposition
intitulée «La reconquista de Europa, espacio públicio urbano 1980-1999» qui
menés sous
cesseur à la tête
la férule
des services
d'Oriol d'urbanisme
Bohigas, puisdedela son
munici¬
suc¬ s'est tenue au printemps dernier à Barcelone, sous l'égide du Centre de Cul¬
tura Contemporània de Barcelona.
palité barcelonaise, Joan Busquets, ont cherché à 28. Haussmann a ainsi, à son époque, remodelé le paysage urbain parisien en
remettre au centre des préoccupations urbanistiques la travaillant justement sur les espaces publics, sur le mobilier urbain, les profils
rue dans toutes ces dimensions, et à la replacer dans les en travers.
de cadre de vie et par l'image que les municipalités perceptible, le traitement des espaces entre les nouveaux
veulent donner de leur commune vis-à-vis de leurs immeubles de logements étant devenu une priorité32.
habitants et de l'extérieur.
De telles interventions sont, cependant, délicates à Conservation de la ville traditionnelle
mener, puisque les espaces publics sont des espaces mal et communication
définis juridiquement et socialement et mal délimités
d'un point de vue spatial. A la fois espace de prestige Les projets urbains (réaménagement de voirie ou d'un
(places, avenues, parc), espace banal et technique (la réseau de transport en commun, requalification de
voirie)
délaisséset immobiliers...),
espace résiduel la(lesmixité
délaissés
des de
fonctions
voirie, est
les grands ensembles, politique d'image, etc.) visant à pro¬
duire de l'espace public sont souvent créateurs de formes
donc la règle, si bien qu'aucun règlement juridique ou convenues d'espaces urbains, de réussites étrangères ou
urbanistique ne s'occupe a priori de l'aménagement de locales copiées, de modèles historiques ou actuels (pié-
cet espace creux du tissu urbain. tonisation des rues commerçantes, etc.) appliqués sans
Pourtant, comme le souligne Oriol Bohigas29, «les originalité, pastichant l'organisation de la ville ancienne.
monuments, ce sont paradoxalement les espaces vides. L'exemple du projet urbain «Lyon Confluence»,
C'est le vide qui définit la croissance d'une ville [...]» 30.
Aussi,
neutre,une
tantintervention
elle touche àsur
l'identité
l'espacemême
publicden'est
la ville.
jamais
porté
culièrement
nagement
de
disparition
fondateur
dans
depuis
turons
trois
lespar
l'ensemble
de1981,
axes
jardins
O.du
Barcelone.
d'un
d'une
significatif.
:Bohigas
projet.
l'idée
dans
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autoroute
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Ces
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T.Ce
parc
trois
unàMelot,
urbaine
de
ce
projet
plan
urbain,
principes
l'aménagement
qui en
est
s'est
porte
et
qui
damier
àintégrant
s'articule
cet
fait
constitue
correspondent
surégard
à etBarcelone
le des
enfin
réamé¬
autour
laparti¬
l'acte
ville
cin-
la
barcelonaise
L'antériorité de l'expérience
à la ville33, en produisant des types d'urbanité différen¬ social, un espace à partager, lieu de rencontre et
ciés. Horizontalité et dispersion, densité et verticalité, d'échange économique. Par conséquent, elle contribue
haussmannisation et diversité pourraient être les mots- à faire
ou de ladunon-urbanité
paysage urbain
des un
territoires
élément-clé
urbanisés.
de l'urbanité
clés définissant les paysages des agglomérations londo¬
nienne, barcelonaise et parisienne. Ils expriment, à leur
manière, les décalages
d'urbanisation, la variété
dansdesl'engagement
modalités de
desl'urbanisa¬
processus Pierre-Jacques Olagnier
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des
(département
un doctorat
cas des agglomérations
sous
de l'UMR
la direction
7543dedeCNRS)
Paris,
PierreetLondres
Merlin
moniteur
sur
et Barcelone.
àle l'Université
thème du rôle
Paris-I
des infrastructures
Panthéon-Sorbonne,
routières
prépare
en proche
actuellement
banlieue à partir
I Pierre-Jacques Olagnier, agrégé de géographie, allocataire de recherche au laboratoire Théorie des mutations urbaines