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Première partie.

Des démocraties sans partis ?

1 L es liens entre la démocratie et les partis politiques demeurent étonnants. On ne connaît


pas de réelle démocratie sans partis. On reconnaît, à l'inverse, un régime autoritaire dissimulé
sous une apparence de démocratie au fait qu'il contrôle étroitement les partis, qu'il dissout ou
interdit certains d'entre eux, ou qu'il impose l'existence d'un parti unique, réduisant ainsi à
néant les prérogatives accordées à un éventuel parlement. Pourtant, si l'existence, la pluralité
et la liberté des partis semblent désormais constituer une condition sine qua non de la
démocratie, les Constitutions adoptées lors de la fondation des États démocratiques, en
Europe comme en Amérique, n'accordaient aucune place aux partis, plusieurs de leurs
dispositions montrant même qu'elles s'en défiaient. Les partis ont « longtemps erré dans une
sorte de no man's land juridique [1][1]La Constitution, Introduction et commentaires par
Guy… », encore accentué par le fait qu'ils ne relèvent généralement pas du droit des
associations, ou de manière seulement partielle, n'étant que rarement constitués sous cette
forme juridique qui permettrait trop aisément à l'État de s'immiscer dans leur fonctionnement.
2Les Constitutions actuelles des pays démocratiques reconnaissent davantage le rôle des
partis, mais ces derniers y occupent toujours la portion congrue voire une place indirecte. Ils
sont pratiquement cantonnés au rôle d'organisations qui concourent à la formation de la
volonté politique du peuple (Constitution allemande, art. 21) ou à l'expression du suffrage
(Constitution française, art. 4 ; Constitution italienne, art. 49), quand ils ne sont pas visés de
manière seulement indirecte, à travers une disposition établissant le mode de scrutin,
proportionnel ou majoritaire (Constitution belge, art. 62)  [2][2]Il en va de même dans la
Déclaration universelle des droits de…. Ils sont parfois étroitement encadrés, l'État pouvant
contrôler le respect de certaines obligations des partis et décider de dissoudre un parti dans
certaines conditions (Constitution allemande, art. 21)  [3][3]La Constitution de la RFA,
adoptée en 1949, est la première qui….
3Les Constitutions démocratiques, qui déterminent la manière dont les pouvoirs s'exercent,
laissent ainsi entendre que les partis ont conquis un pouvoir et une influence de fait qui
n'étaient pas concevables a priori et, peut-être, pas pleinement légitimes a posteriori. Si la
Constitution française reconnaît les partis en son article 4, elle a été élaborée par le général de
Gaulle pour sortir des errements de la IVe République dans laquelle il voyait le « régime
exclusif des partis  » ; l'élection du président de la République au suffrage universel (introduite
en 1962) était par ailleurs destinée, dans son esprit, à doter l'État d'un chef « placé au-dessus
des partis ». Aujourd'hui encore les partis ont mauvaise presse, et leur financement public est
à la fois récent et, le plus souvent, consécutif à des scandales judiciaires qui ont contraint le
monde politique à transformer ses pratiques, mais l'ont aussi amené à oser revendiquer le
financement collectif de leur contribution à la démocratie.

4Le principal motif de l'absence des partis dans la conception originelle de la démocratie est
d'ordre pratique, et doit être souligné d'emblée. Les premiers régimes démocratiques
modernes, fondés au 18e ou au 19e siècle, se caractérisent par les droits et les libertés
accordées aux parlements, mais n'accordent qu'un droit de vote et d'éligibilité extrêmement
restrictif, qui ne profite qu'à une petite minorité de citoyens. Dans ce contexte, la sélection des
candidats et les campagnes électorales sont d'une grande simplicité : sauf exception, les
candidats appartiennent aux couches sociales supérieures, s'imposent par leur prestige et
s'adressent sans difficulté à leurs électeurs, qui sont peu nombreux et appartiennent à peu de
choses près au même monde, y compris au plan géographique (les élections s'organisent dans
de très petites circonscriptions compte tenu des moyens de transport). Personne dès lors, à
cette époque, n'imagine que l'on puisse avoir besoin d'organisations telles que les partis pour
mettre les procédures électorales en œuvre, et notamment pour sélectionner des candidats,
animer les campagnes et mobiliser les électeurs.

5Mais cela ne suffit pas à expliquer pourquoi aucune place n'était réservée aux partis dans la
conception première de la démocratie, ni pourquoi une évidente défiance continue à entourer
leur action. Ce double phénomène tient au fait que les embryons de partis auxquels on pouvait
songer au départ étaient considérés, non comme des rouages de la démocratie, mais comme
une menace pour son bon fonctionnement, et ce pour deux grands types de raisons.

Le mythe de l'unité
6Il peut paraître étrange, aujourd'hui, que l'on ait pu concevoir une démocratie sans partis,
comme si une société pouvait ne pas connaître de divisions sociales et idéologiques assez
fortes pour conduire à la concurrence des idéaux et des intérêts collectifs au travers
d'organisations partisanes. Les conditions de naissance des démocraties contemporaines
éclairent ce paradoxe. Les démocraties sont nées de la lente transformation des assemblées
d'Ancien Régime, transformation sous-tendue par une volonté d'indépendance à l'égard du
pouvoir royal ou par une résistance, à l'époque des monarchies absolutistes, à l'arbitraire
royal. L'unité a ainsi constitué un mot d'ordre majeur pour les parlementaires dans leur lutte
contre les excès de pouvoir de la couronne sous l'Ancien Régime : si elle n'a jamais été
complète (certains ont choisi le camp du pouvoir royal au détriment des assemblées), l'unité a
constitué une valeur forte, incessamment opposée à tous les ferments de division.

7Lorsque la monarchie absolue, la division de la société en ordres et les privilèges accordés


au clergé et à l'aristocratie ont été contestés puis démantelés, c'est encore au nom de l'unité
que la lutte a été menée : unité, cette fois, de la nation conçue comme un ensemble de
citoyens libres et égaux, considérés indépendamment de leur naissance et de leur fonction,
soumis à une autorité politique à laquelle ils ont consenti et dont les droits sont garantis par
les lois votées par un parlement indépendant, constitué d'élus qui représentent la nation entière
et non tel ordre, telle caste, telle partie de la société. Dans ce cadre, les minorités organisées
que for maient les corporations de métiers, les ordres d'Ancien Régime ou les clubs et les
factions que l'on avait vus à l'œuvre sous la Révolution française suscitaient la méfiance : il
s'agissait forcément d'associations partielles défendant des intérêts ou des valeurs spécifiques.
Les partis étaient donc vus comme autant de ferments de division, le Contrat social de
Rousseau restant l'expression la plus fameuse de cette défiance.

Rousseau : de la volonté générale à la condamnation des partis


Le « contrat social » proposé par Rousseau met fin au caprice individuel, ainsi qu'aux
privilèges des nobles sous l'Ancien Régime : l'individu voit son rôle et son indépendance
réduits en démocratie, par comparaison avec l'autonomie des grands ou des aventuriers. Une
forme de liberté en remplace une autre :

« Ce que l'homme perd par le contrat social, c'est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce
qui le tente et qu'il peut atteindre ; ce qu'il gagne, c'est la liberté civile et la propriété de tout ce
qu'il possède. »
Par quelle procédure déterminer ce qui est utile ou pas à la société ? Seule la volonté générale
peut en décider :

« ... la volonté générale peut seule diriger les forces de l'État selon la fin de son institution, qui est
le bien commun ; car si l'opposition des intérêts particuliers a rendu nécessaire l'établissement des
sociétés, (...) c'est uniquement sur cet intérêt commun que la société doit être gouvernée. »
Cette première approche relève encore de la tradition chrétienne du bien commun. Mais il
existe aussi une définition plus fine de la volonté générale. Rousseau la définit et la met en
œuvre en partant des hommes comme ils sont, c'est-à-dire des volontés particulières qui
reflètent leurs intérêts particuliers ; c'est de l'anéantissement réciproque des volontés
particulières que se dégage, par soustraction, la volonté générale :

« Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale ; celle-ci ne
regarde qu'à l'intérêt commun, l'autre regarde à l'intérêt privé, et ce n'est qu'une somme de
volontés particulières : mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et les moins qui
s'entredétruisent, reste pour somme des différences la volonté générale. »
Rousseau en tire une conséquence qui constitue une condamnation abrupte des démocraties
contemporaines, c'est-à-dire de tout ce qui ressemble à des groupes de pression et à des
partis :

« ... quand il se fait des brigues, des associations partielles aux dépens de la grande, la volonté de
chacune de ces associations devient générale par rapport à ses membres, et particulière par rapport
à l'État : on peut dire alors qu'il n'y a plus autant de votants que d'hommes, mais seulement autant
que d'associations. Les différences deviennent moins nombreuses et donnent un résultat moins
général. Enfin quand une de ces associations est si grande qu'elle l'emporte sur toutes les autres,
vous n'avez plus pour résultat une somme de petites différences, mais une différence unique ;
alors il n'y a plus de volonté générale, et l'avis qui l'emporte n'est qu'un avis particulier.
Il importe donc pour avoir bien l'énoncé de la volonté générale qu'il n'y ait pas de société partielle
dans l'État, et que chaque Citoyen n'opine que d'après lui. »
Du Contrat social, livre I
8Comme l'a démontré Tocqueville dans L'Ancien Régime et la Révolution, la Révolution
française – mais cela vaut aussi pour la constitution des États-nations au 19e et
au 20e siècles – a prolongé la recherche d'unité qui avait dominé la politique des rois de
France depuis Louis XI. Sous la monarchie comme sous la république et l'empire, la montée
en puissance de l'État tend à faire triompher la loi sur les coutumes locales, la règle générale
sur les particularismes régionaux, la nation sur les baronnies. Sous la monarchie déjà, l'unité
était érigée en valeur politique dominante. Le roi la symbolisait par sa personne ; la foi
religieuse, unifiée par la figure papale ou par la figure royale selon les cas, devait être
commune à tout le royaume, fût-ce en combattant l'hérésie par la force ; la justice était rendue
au nom de Dieu, dont la volonté ne peut varier. Claude Lefort a montré, dans L'invention
démocratique, que la rupture provoquée par la démocratie n'est pas seulement d'avoir mis la
liberté à la place du despotisme, ou l'égalité à la place de la hiérarchie, bref, d'avoir aboli une
société d'ordres. La vraie rupture est d'avoir mis le multiple à la place de l'unité en vidant le
lieu du pouvoir, en abolissant le mythe de l'incarnation du pouvoir dans un homme, le roi,
dont l'unité individuelle était censée refléter l'unité organique de la société, la
complémentarité harmonieuse entre ceux qui travaillent, ceux qui prient et ceux qui se battent.
Mais ce remplacement de l'unité par la multiplicité, par le pluralisme et la différence, ne s'est
opéré que de manière lente et progressive, et a rencontré de très fortes résistances. À la
naissance des démocraties parlementaires l'unité restait un impératif fort, qui ne conférait ni
place ni légitimité à des partis au sens actuel du terme, qui représentent par définition
une diversité de valeurs, d'intérêts, de groupes, de conceptions de la société.

9Les deux plus anciens partis connus  [4][4]On ne peut qualifier les guelfes et les gibelins de
partis,…, à savoir le parti whig et le parti tory qui structureront la politique anglaise
jusqu'au 19e siècle, tirent d'ailleurs leur nom de deux injures : celle désignant les insurgés
catholiques irlandais pour les tories (partisans de la prérogative royale), celle désignant des
presbytériens du sud-ouest de l'Écosse pour les whigs (défenseurs des droits du parlement). Si
ces partis gagneront ensuite leurs lettres de noblesse, cette origine n'est pas due au hasard :
elle reflète une méfiance à l'égard de toute division profonde qui menacerait l'unité du
pays – division dont le terme même de parti (du latin pars, la partie, ou partes au pluriel,
c'est-à-dire les « factions », terme péjoratif synonyme de « partis » au 18e siècle) porte
témoignage et rappelle la menace.
10Les parlementaires agissent pour le bien de la nation, qui ne peut se monnayer en intérêts
particuliers : le mythe fondateur de la démocratie, autant que sur l'idée de liberté, vit sur l'idée
de bonheur collectif [5][5]« Le bonheur est une idée neuve en Europe », dira Saint-Just., sur la
conviction que l'autorité politique peut et doit gouverner en visant le plus grand bonheur du
plus grand nombre. À l'arbitraire royal, qui servait les intérêts du monarque et de sa famille, à
la société d'ordres de l'Ancien Régime, qui privilégiait certaines castes et flattait l'égoïsme et
l'esprit de rivalité, la démocratie doit substituer un pouvoir consenti et bienveillant (dépendant
des électeurs pour se maintenir, donc contraint à la bienveillance) qui vise le « bien
commun » (expression reprise à l'Antiquité et à la pensée chrétienne), la « volonté générale »
(Rousseau et la Révolution française  [6][6]Comme le rappelle P. Rosanvallon dans Le peuple
introuvable…) ou le « bien public » (notion issue de la doctrine juridique classique et du
calvinisme). Le peuple, dans cette conception, représente un ensemble indifférencié
d'individus appartenant à une même nation et donc supposés bénéficier également de ses
bienfaits et vouloir également sa prospérité : seuls les étrangers constituent une enclave, un
vecteur de division.

La peur du peuple
11Tout ce qui précède repose sur l'idée que l'unité nationale est une donnée de départ ou un
idéal accessible, que la pluralité interne à un État (pluralité religieuse, sociale, idéologique,
linguistique...) reste marginale et ne doit pas empêcher la recherche d'unité. La conception de
la démocratie a cependant connu une forte inflexion sur ce point à partir du moment où l'on a
jeté sur ce système politique, et surtout sur le peuple, un regard très différent, qui prend
davantage acte des fractures qui traversent la société, mais qui s'efforce encore de les réduire,
qui se refuse à les entériner et, plus que jamais, à admettre qu'elles puissent conduire à la
création de partis politiques reflétant les principales composantes du corps social. Ce nouveau
regard a suivi les chocs révolutionnaires du 18e et du 19e siècles, la naissance du prolétariat et
les premières grèves et manifestations de masse, c'est-à-dire des phénomènes ressentis par
beaucoup comme une violence organisée et proprement politique. Face à ces événements
vécus comme autant de traumatismes, tout un courant de pensée en a conclu qu'il fallait tenir
le peuple à l'écart du fonctionnement de la démocratie et se défier des partis : dans cette
optique, les divergences collectives sont actées mais elles ne sont pas reconnues, et encore
moins légitimées.

12Au 19e siècle, qui est le siècle par excellence de la démocratie parlementaire, la plupart des
auteurs voient d'un très mauvais œil l'intrusion du peuple dans la vie électorale et, a fortiori,
dans la vie parlementaire. Membres des élites lettrées, ils tiennent le peuple pour une masse
ignorante, incapable de coopérer à l'élaboration des lois et à la préparation des décisions,
prompte à se laisser emporter par la passion, l'allégeance irraisonnée à une cause ou à un
homme  [7][7]Le plébiscite en faveur de Louis-Napoléon Bonaparte,…, voire par la colère et la
révolte. Les violences qui ont terni la Révolution française, et dont les révolutions de 1830 et
de 1848 dans de nombreux pays européens font craindre le retour, perpétuent cette méfiance à
l'égard du peuple et conduisent à voir un danger dans la création d'organisations stables et
structurées qui prétendraient représenter les grandes sensibilités présentes dans la masse de la
population. Même dans les milieux qui partagent la vision libérale de l'organisation des
pouvoirs, c'est-à-dire la vision qui dote un parlement librement élu du pouvoir législatif et
d'une mission de contrôle du gouvernement, on se méfie de l'expression politique pleine et
directe du peuple : on continue à «  privilégier la logique libérale selon laquelle la voix du
peuple [doit] être à la fois endiguée et guidée  [8][8]N. Roussellier, « La contestation interne
de la démocratie… ».
13Alimentée également par le rationalisme, qui conduit à se méfier des passions et des
préjugés imputés aux masses peu instruites, la représentation que l'on se fait alors du peuple
exclut de la démocratie de larges parties de la population, au profit desquelles on prétend
gouverner, mais sans s'inquiéter de suivre leur volonté puisqu'elle n'est pas bien informée –
qu'il s'agisse des masses paysannes et ouvrières, pauvres et peu alphabétisées, des femmes,
des enfants, des vagabonds, des chômeurs ou des mendiants, exclus du droit de suffrage...
Seules les couches sociales susceptibles de former un corps politique actif étant concrètement
prises en compte, ce corps politique ne semble pas traversé d'oppositions irréductibles qui
devraient conduire à des coalitions fixes d'intérêts et de programme c'est-à-dire à des partis.
Des fractions de population font parfois l'objet d'une représentation spécifique dans les
démocraties parlementaires du 19e siècle, mais il s'agit, significativement, d'ordres, de
corporations ou de territoires consacrés sous l'Ancien Régime.

14Quant au problème de la légitimité du pouvoir démocratique dans un tel système de pensée


qui exclut, de fait et de droit, l'intervention des masses populaires dans les choix politiques, il
est souvent réglé par des considérations de psychologie sociale. Il est entendu, pour nombre
d'auteurs, que le peuple n'a jamais choisi ses maîtres, mais s'y est toujours accoutumé tant
qu'ils ne se comportaient pas en despotes, le consentement populaire étant d'abord une
obligation puis prenant la forme, au fil du temps, d'un attachement au régime et à ses chefs.

La critique conjointe de la démocratie et des partis


15Lorsque le régime démocratique – dont on voit qu'il est loin d'avoir réuni l'accord de tous
sur des principes aujourd'hui tenus pour évidents – entrera dans une crise profonde après la
Première Guerre mondiale, les partis politiques seront dans l'œil du cyclone. S'ils avaient
entre-temps imposé leur rôle dans la vie démocratique, la vaste critique des institutions qui
conduira, parmi d'autres facteurs, à l'instauration de régimes autoritaires ou fascistes en
Europe se focalisera sur les effets délétères des partis et conduira souvent à prôner leur
disparition. Les partis seront ainsi considérés comme inséparables de la démocratie, mais pour
être condamnés en même temps qu'elle et laisser la place à des régimes autoritaires.

16De 1918 à 1940 les partis sont accusés, comme les parlements, de ne pas représenter


fidèlement la nation, de la diviser en camps rivaux qui ne s'ancrent pas dans de réelles
divergences de vues ou d'intérêts, de se perdre dans des jeux d'opposition, de tactique,
d'alliance..., qui se déroulent en vase clos et ignorent la situation et la volonté du « peuple
réel », dont les parlementaires n'offrent qu'une image déformée et grimaçante sous la forme
d'un « peuple légal ». Dans tous les cas, c'est la restauration de l'unité nationale qui est à
l'ordre du jour, mais les tenants d'une solution autoritaire ne la confient pas à la démocratie :
l'unité doit être rétablie, soit sous la férule d'un monarque doté de pouvoirs très étendus, soit
par un chef non dynastique, soit par l'instauration ou la restauration d'un système corporatiste
 [9][9]Nous n'évoquerons pas ici la révolution d'octobre 1917 et la….
17Ce dernier s'inspire de la reconnaissance des ordres et des corporations de métiers sous
l'Ancien Régime, et propose que les grands groupes d'intérêts « réels », les métiers, les
syndicats, les « forces vives » (entreprises et classes moyennes) soient représentés comme
tels. Le système de l'élection parlementaire, qui réserve le droit de suffrage aux individus,
serait donc remplacé par des délégations des groupes mentionnés. L'unité nationale serait
ainsi restaurée car ces groupes découvriraient, en dialoguant directement entre eux, qu'ils
constituent les organes complémentaires et interdépendants d'une même nation et qu'ils
peuvent s'accorder sur des décisions rencontrant les intérêts de tous. Dans cette vision
organiciste comme dans les projets monarchistes ou autocratiques, les partis sont considérés
comme des fauteurs de troubles qui opposent artificiellement les groupes et les citoyens entre
eux dans le seul but de capter des portions de pouvoir. L'organicisme reconnaît des
composantes très distinctes au sein de la société, mais conclut que leur unité reste possible et
souhaitable pour autant qu'on sorte du cadre de la démocratie et du multipartisme.

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