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EAN : 979-10-210-2841-8
DE LA MALLE À L’ÉLECTRONIQUE
Avant que ne règne la malle de Douvres, exemple
judicieusement offert dans la dernière édition du
Dictionnaire de l’Académie afin d’illustrer ce « navire qui
assurait un courrier régulier », existait la malle-poste,
souvent abrégée en « malle », désignant cette voiture de
l’administration des postes qui transportait les dépêches et
pouvait accueillir quelques voyageurs. Et l’on devine
aisément que cette voiture à cheval tenait son nom du fait
qu’elle transportait de véritables malles, des coffres
propres à protéger le courrier. Ces malles sur roues,
explique encore en 1862 Victor Hugo dans Les Misérables,
« étaient des cabriolets à deux roues, tapissées de cuir
fauve au-dedans, suspendus sur des ressorts à pompe, et
n’ayant que deux places, l’une pour le courrier [et le
cocher], l’autre pour le voyageur ».
En fait, depuis 1850, le mot avait pris une dimension
commerciale internationale avec la célèbre Malle des
Indes, structure commerciale associant le chemin de fer et
les bateaux pour assurer le courrier des Indes, entendons
par ce pluriel divers territoires de l’Asie du Sud et du Sud-
Est. La malle était ainsi directement associée au courrier à
acheminer mais, dès 1923, par extension, elle fut
également appliquée au service maritime assuré entre
Douvres et Calais ou Boulogne-sur-Mer, véhiculant
notamment des passagers prenant le train dans la gare
maritime située sur le quai. Cette malle embarqua et
débarqua d’abord de simples passagers puis, en étant
aménagée, des voitures automobiles soigneusement
réparties dans une cale à deux étages. Ainsi, avant même
d’avoir pu monter à bord de l’une de ces malles, le mot
ayant localement résisté à l’érosion, je voyageais déjà blotti
dans le giron de ma grand-mère boulonnaise, en imaginant
la destination de toutes ces voitures volant à gauche,
parfois même surmontées d’une malle posée sur une
galerie…
Quel est alors le rapport à établir entre la malle et le
mail, autrement dit le courriel ? Tout simplement le
francique malha, qu’on retrouve en ancien haut allemand
pour désigner la sacoche, devenant le sac de voyage en
néerlandais avant de passer en français au IXe siècle, avec
le même sens, élargi à la notion de coffre. En 1200, ce mot,
désormais français, rejoignait alors l’Angleterre en
compagnie de bien d’autres termes déjà empruntés – une
affaire à suivre bientôt – se métamorphosant en mail au
passage. Puis, vers 1650, le voilà attesté dans la langue de
Shakespeare en tant que « sac de lettres », sans doute en
passant par l’abréviation de la formule mail of letters, la «
malle de lettres ». Enfin, au terme d’une nouvelle évolution
de sens, en 1680, le mail anglais devenait une lettre, en
oubliant la malle originelle. De là viendrait en 1690 la
notion de poste, avant l’électronique invasive et
révolutionnaire de la fin du XXe siècle. Aux XVIIIe et XIXe
siècles triomphait la malle-poste en France, au point
d’ailleurs que naquit le verbe « maller », encore synonyme
çà et là au Canada francophone de « mettre à la poste ».
On lit ainsi dans Neuf jours de haine de Jean-Jules Richard,
roman publié en 1948 et dont l’action se situe sur les
champs de bataille en Europe pendant la Seconde Guerre
mondiale, que le personnage principal « remercie bien de
la montre française » qu’on lui a « mallée ». De ce verbe
français « maller » aux anglicismes « mail » et « mailer »,
c’est sans hésitation que le rapport s’impose avec la «
malle » originelle. Et cela même s’il s’agit pour le « mail »,
emprunté en 1980 par les Français aux Anglais, d’une
abréviation d’« e-mail », e étant mis pour electronic.
Le mail, courrier électronique, fit souche assez
rapidement en français, au point d’agacer celles et ceux
bien informés qu’un bel homonyme français existait, le mail
désignant originellement et depuis 1080 un marteau, d’où
le maillet. Du coup, c’est le cas de le dire, « s’envoyer des
mails », si on le prononçait à la française avec le mail se
rattachant donc au maillet du carrier ou à la mailloche du
maréchal-ferrant, voilà qui devenait tout soudain à la fois
dangereux et belliqueux ! Sans oublier que ce mail qui rime
avec « bail », issu du latin malleus, marteau, désigna aussi
un maillet à manche flexible qu’on utilisait pour pousser
une boule de buis dans un jeu tout proche du croquet. C’est
ce mail qui donna, par analogie du lieu où on le pratiquait,
son nom à la promenade bordée d’arbres. Il vaut mieux
avoir lu Anatole France et savoir ce qu’est un mail ombragé
pour ne pas prononcer à l’anglaise, comme je l’ai entendu à
un examen, L’Orme du mail !
Aussi, nos amis québécois, qui ne passaient pas en
voiture sous la fenêtre de ma grand-mère, préférèrent-ils le
courriel, mot-valise né en 1990 au Québec et approuvé par
l’Académie française en juin 2003, associant, cela s’entend,
« courrier » et « électronique ». Tout comme « message
électronique » et « messagerie électronique » purent aussi
avoir les faveurs d’une communication plus longue mais
plus élégante que le « mail ». On proposa également « mel
», comme abréviation commode, à la manière de « tel »
pour « téléphone », mais ce fut sans trop de succès. Il faut
se méfier des sonorités trop proches du mot de Cambronne,
dirent certains.
Le débat n’est pas clos, mais tous nos dictionnaires
signalent qu’il s’agit d’un anglicisme et offrent sa définition
française : « courrier électronique ». Il semblerait bien que
« courriel » prenne depuis les années 2010 l’avantage. Tant
pis pour le verbe français « maller » qui aurait plu à ma
grand-mère, fervente de la malle !
Ce faisant, quel voyage pour un sac de courrier ! Un
voyage que j’aurais aimé expliquer à ma grand-mère, juste
avant sa lecture quotidienne de La Voix du Nord, au reste
riche de chroniques de langue qui y firent un bel écho,
l’historien de la langue Bruno Dewaele y veillant.
DE LA « MALLE » ET DU « PAQUET-BOT »
« Paquebouc[s], sont vaisseaux de passage qui trajectent
ordinairement de Calais à Douvres en Angleterre pour les
passants et messagers », lit-on dans l’Explication des
termes associée aux us et costumes de la mer, publié à
Rouen en 1647. Au début du siècle suivant, en 1718, dans
la deuxième édition du Dictionnaire de l’Académie
française, s’insère le « paquet-bot » et ce sera dans
l’édition de 1835 que figurera définitivement sous son
orthographe actuelle le « paquebot », attesté depuis 1665,
mais dans une graphie chancelante jusqu’au XIXe siècle.
Consulter le Dictionnaire critique de la langue française
de Jean-François Féraud, juste avant la Révolution en 1788,
est éloquent pour comprendre combien la malle et le
paquebot sont en vérité liés par le sens. En voici la
définition offerte, l’abbé Féraud partisan d’une orthographe
modernisée ayant choisi celle d’aujourd’hui. « Le mot
anglais est à la vérité packet-boat, mais Boyer [auteur d’un
dictionnaire bilingue français-anglais] le traduit par
paquebot. » Pas d’ambiguïté dans la définition : « Poste
maritime d’Angleterre en France et en Hollande. Bâtiment
qui passe et repasse pour porter les lettres. » Celle-ci est
suivie d’un exemple à double détente orthographique,
démarquant encore une hésitation : « Le paquebot ou le
paquet-bot est arrivé. » On sera surpris par ailleurs si on
relève la prononciation décrite par Féraud, excellent
témoin à cet égard de la fin du XVIIIe siècle. En présentant
une translittération « pak-bot », il précise que le t se
prononce bien, mais qu’en revanche « l’e [de paquebot] est
si muet, qu’il ne se fait pas sentir ». Disparaissait alors la
transparence étymologique initiale, laissant repérer le «
paquet ».
Avant la malle et ses courriers, accostaient en fait sur
les quais du port de Boulogne-sur-Mer les packet-boats
anglais, mot qui, comme le nom composé en témoignait,
définissait un navire aménagé pour le transport de paquets,
en l’occurrence à la façon des malles de lettres des paquets
de courrier qu’accompagnaient quelques passagers.
Flaubert peut encore écrire dans sa correspondance, le 23
février 1847, à propos du frère de l’une de ses amies
d’enfance, Louise Darcet, que « le même paquebot qui a
apporté la nouvelle de sa mort apportait deux lettres
joyeuses de lui à sa mère et à sa sœur ». N’imaginons pas
cependant que ces paquebots bénéficiaient des dimensions
impressionnantes de ceux du XXe siècle, à l’instar de celui
décrit en 1929 par Jules Romains dans Le Dieu des corps, «
beau paquebot de seize mille tonnes, d’une construction
alors toute récente, prévu à la fois pour l’émigration et
pour une clientèle de luxe ». Il suffit en effet de consulter
en 1876 le Dictionnaire classique universel de Théodore
Bénard, édité chez Belin, pour se rappeler qu’il s’agit
encore d’un « petit navire qui transporte les dépêches et
les voyageurs ». Quand les passagers prendraient
l’avantage sur le courrier, pendant que l’avion acheminerait
de plus en plus la correspondance, alors naîtraient de
majestueux paquebots, qu’on dénommerait aussi des «
transatlan tiques », qu’il s’agisse du Lusitania construit en
1907 ou du Titanic. Le naufrage de ce dernier dans l’océan
Atlantique nord en 1912 illustrerait dans l’horreur le
gigantisme d’autant plus remarqué de ces nouveaux
navires. Bien loin de la vénérable malle de Boulogne-sur-
Mer.
Collectionner les cartes postales anciennes consacrées à
l’une des villes aimées de son enfance n’est pas sans
surprendre quant aux témoignages qu’elles offrent, qui
dépassent le simple rappel photographique de ces « jours
anciens » chantés par Verlaine. Qu’à Boulogne-sur-Mer,
dont je collectionne les cartes postales, celles-ci aient été
souvent légendées en français et en anglais atteste certes
de la présence latente des deux peuples, mais aussi
indirectement des liens entre les langues. Qu’on en juge à
la légende de la carte postale numérotée 340, imprimée par
les Anciens établissements Nordein et Compagnie, vers
1900, carte représentant un bateau quittant le port : «
Boulogne-sur-Mer La Malle dans l’Avant-Port – The Mail in
the Outer Harbour ». Et en voici une autre, datée du 15
août 1903 : « Boulogne-sur-Mer. Quai d’embarquement des
Paquebots Anglais ». Le café de ma grand-mère n’en était
pas très éloigné. Si dans ce grand port de pêche, la « malle
» resterait le mot en usage pour la traversée de la Manche,
le terme « paquebot » serait progressivement réservé à
d’imposants bâtiments traversant l’Atlantique.
Cela étant, la prononciation du mot continue de
s’éroder. Ainsi, en 1863, Littré précise déjà que le t ne se
prononce plus, et il rappelle qu’« anciennement », il
s’agissait d’un « navire petit et rapide » portant « les
ordres, avis ou paquets des amiraux, des commandants des
ports », puis d’un « petit bâtiment de mer qui va et vient
d’un pays à un autre pour transporter des lettres et des
passagers », mais qu’« aujourd’hui », en 1863, on a affaire
à des « bâtiments fort grands, à voiles ou à vapeur, qui
portent les lettres, des passagers et des marchandises d’un
pays à un autre et font l’office de messagerie ». Les
transports aériens feront disparaître la vocation de
messagerie et le paquebot s’assimilerait définitivement au
grand navire affecté au transport des passagers, de plus en
plus luxueusement.
Quant au « paquet », c’est encore l’étonnant voyage des
mots qu’il met à l’honneur. À l’origine, il faut repérer le pak
néerlandais passé en anglais sous la forme du pack
désignant alors déjà un paquet. En serait issu le packet
anglais, diminutif de pack, sans doute dû à l’influence du
moyen français riche en diminutifs. Si en effet l’ancien
français pacque vient bien du même néerlandais pak, le
pacquet attesté en français en 1368 aurait ainsi nettement
influencé le packet anglais, et ce sera bien sous cette forme
anglaise qu’il nous reviendra par mer avec le packet-boat,
devenu difficilement reconnaissable dans le « paquebot ».
D’où vient alors ce « bot », trace indubitable de l’anglais
boat que l’on ne peut s’empêcher de rapprocher du
français « bateau » ? Là également les mots n’ont pas
manqué de naviguer d’une langue à l’autre. Traquons
d’abord le boat anglais, issu du vieil anglais bat, désignant
donc toute embarcation. Ce bat, en passant par l’anglo-
normand, est ensuite, de manière presque certaine, à
l’origine du « batel » français attesté au XIIe siècle,
devenant bientôt le « bateau », les diminutifs -el ou -eau
n’ayant en vérité pour seule fonction que l’ajout d’un peu
d’épaisseur au mot « bat » trop court… D’où serait issu
alors ce vieil anglais bat ? Probablement d’une racine
germanique bheid, désignant le fait de fendre du bois, avec
le souvenir du bateau initialement fabriqué dans un tronc
creusé à dessein ou à partir de planches fendues sur un
tronc. Qui dira que les langues ne sont pas en constants
échanges ? Ma grand-mère y aurait cependant perdu son
picard, au reste bien ébranlé par un nouveau venu :
l’hovercraft.
DE L’INDO-EUROPÉEN AU CELTE
On l’oublie généralement, mais Georges Clemenceau
aimait la langue anglaise et avait traduit en 1868 l’ouvrage
de John Stuart Mill intitulé Auguste Comte and Positivism.
Le futur tribun politique séjourna dans sa jeunesse en
Angleterre puis aux États-Unis où il occupa même un poste
d’enseignant dans le Connecticut. Le jeune enseignant
s’éprit alors de l’une de ses élèves, Mary Plummer, qu’il
épousa civilement le 20 juin 1869. Trois enfants naquirent
de cette union, mais le couple connut une relation
tumultueuse qui s’acheva par un divorce.
Les exégètes du grand homme n’ignorent en rien son
bilinguisme et son goût prononcé pour la littérature et la
philosophie anglo-saxonnes, situation assez rare chez les
hommes politiques du XIXe siècle. Ses remarques et ses
boutades sur la langue anglaise ne sont donc pas sans
quelque profondeur. Ainsi, au moment de la signature du
traité de Versailles, et notamment de sa traduction en
anglais, on lui prête cette remarque sur l’anglais qui ne
serait que du français mal prononcé. Sans doute était-ce
pour Clemenceau le souvenir d’une de ses lectures
puisqu’on en retrouve la formulation dès 1845 chez
Alexandre Dumas père dans Vingt ans après. Quoi qu’il en
soit, la remarque n’est dépourvue ni d’humour ni d’un
certain réalisme. Il suffit pour s’en convaincre de lire en
tentant d’avoir l’accent anglais les quelques mots français
qui suivent, passés tels quels dans la langue anglaise, sans
d’ailleurs que les insulaires eux-mêmes en sachent le plus
souvent l’origine française, à moins d’être linguistes. À
vous de tenter d’adopter un bel accent britannique pour les
termes suivants : abandon, abomination, admirable,
alternative, audible, avenue, bandit, barrage, barricade,
bustier, caprice, chaperon, chef-d’œuvre… Gageons que si
chacun de ces mots était parfaitement prononcé par un
Anglais fort de ses diphtongues – les voyelles qui changent
de timbre en cours d’émission – et de l’accent tonique
idoine, nous aurions peut-être, pour certains d’entre eux,
du mal à les reconnaître. Il nous serait facile alors de
plaisanter en soulignant à la manière de Clemenceau que
ces mots anglais résultent d’un français mal prononcé !
Pour percevoir l’évolution de la langue anglaise au cours
des siècles, il importe d’abord de rappeler rapidement les
étapes qui ont précédé la conquête de l’Angleterre en 1066
par Guillaume de Normandie. Signalons tout d’abord et de
nouveau que l’anglais et le français appartiennent à cette
même famille de langues, dite indo-européenne, constituée
de langues mortes comme le grec, le latin ou le sanskrit, ou
bien de langues vivantes comme l’italien, l’allemand,
l’espagnol, l’anglais, le français, mais aussi le breton, le
russe, le persan et l’hindi. Toutes sont donc issues, il y a
plusieurs millénaires, d’une population parlant une
première et même langue, située hypothétiquement en
Europe centrale, ou dans les steppes de Russie
méridionale, la localisation restant sans cesse en débat. Ce
que l’on sait, c’est que cet indo-européen se répandit
progressivement en Inde et en Europe, d’où son nom, en se
diversifiant dans le temps et en engendrant des sous-
familles. C’est justement dans cette diversification des
sous-familles qu’il faut percevoir une première grande
différence entre la langue française et la langue anglaise,
même en demeurant parentes indo-européennes.
Pour mieux saisir le fait que toutes ces langues sont de
même souche très lointaine, remontant à au moins deux
mille ans avant Jésus-Christ, il suffit de comparer des
centaines de mots se ressemblant et démarquant cette
même origine. Ainsi, en choisissant une réalité tangible
pour toutes les civilisations, la paternité, celle-ci se traduit
par le sanskrit pitar, le latin pater, le français père,
l’espagnol padre, l’allemand Vater, l’anglais father, le
persan pedar et l’hindi pita. La ressemblance est de fait
flagrante, et lorsque plusieurs centaines d’analogies
phonétiques peuvent ainsi être établies, la conclusion
s’impose : ces ressemblances ne peuvent en rien être
fortuites. Citons encore le latin tres, le français trois,
l’espagnol tres, l’allemand drei, l’anglais three, le breton et
le russe tri, l’hindi teen. C’est cette proximité des sons,
récurrente sur une grande partie du vocabulaire, qui incita
à la recherche d’une souche commune. Ce fut l’œuvre de la
linguistique historique tout au long du XIXe siècle.
Cela étant, si, du côté de l’Europe, l’anglais et le
français font assurément partie de la famille indo-
européenne, ces deux langues appartiennent sans conteste
chacune à une sous-famille distincte. Une première
branche regroupe les langues romanes, par exemple le
français, l’italien, l’espagnol, le portugais, directement liés
au latin, avec phonétiquement un air de famille patent. Une
deuxième sous-famille est celle rassemblant les langues
germaniques, l’anglais et l’allemand notamment, mais aussi
le suédois, le danois et le norvégien. En l’occurrence, dans
le cadre de ces deux sous-familles, latine ou germanique,
on ne peut que constater combien le modèle phonétique se
démarque par des caractéristiques qui ne sont pas sans
difficulté d’apprentissage, notamment pour le Français
apprenant l’anglais.
Ainsi, à James Boswell, écrivain et avocat écossais,
rencontrant en 1765 successivement Rousseau et Voltaire,
deux personnalités déjà presque inaccessibles, revient le
récit dans son Journal d’un propos plaisant de Voltaire,
traduisant la juste perception d’une différence phonétique
notable entre le français d’origine romane et l’anglais
d’origine germanique. À Boswell lui demandant en effet s’il
parlait anglais, Voltaire répondit : « Non, parce qu’en
anglais, il faut mettre la langue entre les dents… et je n’ai
plus de dents ! » Le facétieux Voltaire parlait en vérité très
correctement l’anglais, mais quel Français peut
effectivement se vanter de parfaitement prononcer les mots
déjà cités plus haut, father et three, témoignant pourtant
de notre indo-européanisme, mais si distincts de leur
équivalent français. En vérité, tout Français amoureux de
la langue anglaise et de ses sonorités perçoit qu’il s’agit là
d’un système phonétique différent avec des mécanismes
phonatoires à acquérir dès l’enfance. Et c’est bien pour
cela qu’on ne peut s’empêcher de sourire à la remarque
faussement naïve de Raymond Devos, déclarant sur scène
dans l’un de ses spectacles : « Je me suis remis à la
clarinette. C’est ce qui se rapproche le plus de l’anglais » !
En fait, sans que l’humoriste ait besoin de le souligner
auprès de son public français, de langue romane, tout le
monde a confusément perçu entre autres l’une des
caractéris tiques de l’anglais, sa diphtongaison. Citons en
l’occurrence « les quatorze sons anglais qui n’existent pas
en français », selon la formule des didacticiens, énonçant
utilement les consonnes et les voyelles qu’un Français ne
peut émettre naturellement. Qui, de langue romane, peut
en effet spontanément relever la différence phonétique
établie par les Anglais entre panther et feather ? Or, le th
ne s’y prononce pas pareillement. À y mieux réfléchir, nous
sommes tous, quel que soit l’état de notre dentition,
proches de Voltaire !
Une troisième sous-famille indo-européenne concerne à
la fois l’Angleterre et la France : celle des langues celtiques
qui s’y sont implantées au cours du premier millénaire
avant Jésus-Christ.
L’INFLUENCE CELTIQUE
Les langues celtiques sont, d’une part en Grande-
Bretagne, représentées avec l’irlandais et le gallois, sans
oublier le manxois, de l’île de Man, et le cornique en
Cornouailles – ne pas oublier le s même au singulier sinon
il s’agit d’une ancienne division de la Bretagne française –,
ces deux dernières langues étant considérées comme
éteintes au XIXe siècle. Et, d’autre part en France, par la
langue gauloise et le breton, celtiques par excellence. Le
gaulois sera absorbé par le latin au point de disparaître
complètement de l’usage à l’aube du IVe siècle, à la
différence du breton ayant résisté à la langue des Romains.
Si les langues celtiques ont laissé très peu de mots à
l’anglais, le gaulois en offrira davantage à la langue
française, un peu plus d’une centaine dans le vocabulaire
général, et plusieurs milliers s’agissant des noms de lieux.
Un socle germanique :
d’une cousine germaine,
de gueteskakiskof sur le Sébastopol
et de la traduction de la country…
« BARBARES » OU « FRANCS » ?
De son côté, la Gaule romanisée et latinisée subissait
également les invasions germaniques et on doit même le
nom de notre pays à un peuple germanique, les Francs. Ce
fut en 406 qu’un flux considérable de Germains déferla sur
la Gaule et plus largement en Europe. Quelques mots
témoignent d’ailleurs de la représentation sans
ménagement des barbares investissant ainsi l’Empire
romain.
« GUETESKAKISKOF » ?
Le second fils de ma grand-mère, donc mon oncle,
devenu directeur d’école, avait un talent extraordinaire
pour raconter des histoires. On pouvait envier ses élèves,
mais aussi son neveu, tout ouïe dès qu’il se lançait dans des
narrations où le patois boulonnais prenait le dessus. Et cela
avec une résonance dont je n’imaginais pas alors qu’elle
illustrerait l’un des aspects de notre langue dans ses
composantes, germanique.
Ainsi, je me souviens parfaitement de cette histoire qu’il
racontait avec l’accent idoine, et qui mettait en scène
Batisse et Zabelle, le couple symbolique particulièrement
cher au cœur de tous les Boulonnais au point de disposer
de leurs figurines géantes portées en procession depuis
1923. Batisse, c’est-à-dire Baptiste selon la prononciation
populaire à Boulogne-sur-Mer, incarnant le pêcheur
traditionnel dans son costume, casquette, vareuse et
foulard noué autour du cou, et Zabelle, comprenons
Isabelle, portant robe noire et châle blanc, se rendent à
Paris par le train pour un mariage. Certes, en sortant de la
gare du Nord, Batisse n’a pas sur l’épaule le traditionnel
filet de pêche et la blonde Zabelle n’arbore pas la coiffe
rayonnante de dentelle blanche des grandes occasions,
cependant ils ont belle allure. Les voilà descendant le
boulevard Sébastopol. On est le 7 octobre 1896 – bien des
histoires font fi d’une chronologie exacte, la légende de
Batisse et Zabelle n’étant pas, de fait, encore née… – et
Paris reçoit le tsar de Russie Nicolas II et la tsarine, pour
inaugurer le pont Alexandre-III. Leur popularité est
d’autant plus forte qu’un jour de congé scolaire a même été
décrété la veille. Tout Paris est admiratif de la Russie. Cela
ne touche pas vraiment Batisse et Zabelle qui se fraient un
chemin sur le large trottoir très fréquenté. Soudain Batisse,
homme simple et joyeux, aperçoit un chat se chauffant au
soleil derrière une vitrine. Il se tourne alors vers Zabelle,
un peu éloignée en arrière, noyée dans les nombreux
passants, et il lui dit d’une voix forte pour passer par-
dessus le bruit de la foule : « Guette c’ka qui s’cauffe »,
autrement dit : « Guette ce chat qui se chauffe », ce qui
donne phonétiquement aux oreilles des passants parisiens
Gueteskakiskof, immédiatement perçu comme un mot
russe… Des Russes ? Quelle chance ! Et toute la foule de
s’écrier vigoureusement en regardant admirativement
Batisse et Zabelle assimilés à de purs produits des steppes
: « Vive la Russie ! Vive la Russie ! » Ce qui laisse Batisse et
Zabelle dans la plus grande perplexité…
En quoi cette histoire illustre-t-elle l’influence
germanique sur la langue française ? Parce qu’elle repose
sur l’arrêt dans le nord de la France, ici en Picardie, de la
palatalisation propre à l’évolution de la langue française
pour certaines consonnes latines. La palatalisation consiste
en effet à reporter l’articulation d’un son dans la région
antérieure du palais ; de façon plus crue, avant 1890, date
de naissance du mot « palatalisation », on évoquait avec
plus de transparence le « mouillement » d’une consonne.
Ainsi, l’une des palatalisations marquantes est celle qui a
transformé les mots latins commençant par le son k pour
donner en français des mots commençant par le son ch,
comme le latin capellus, aboutissant à chapeau, ou cattus
donnant chat, ou encore calefare se métamorphosant en
chauffer. De fait, en phonétique historique, on rappelle que
devant la voyelle a, le son latin initial k a lentement évolué
vers ce phonème dont nous rendons compte en associant
deux lettres, en l’occurrence presque toujours ch. Cette
évolution peut paraître curieuse, sauf si on se souvient que
souvent k a donné le son ks, lequel a abouti presque
spontanément à ch, moins fatiguant à prononcer. Alors
pourquoi les Boulonnais Batisse et Zabelle sont-ils
concernés ? On le constate, la palatalisation n’est pas faite
ici pour nombre de mots. Contrairement au reste de la
France, le processus en a été vraisemblablement arrêté
sous l’influence germanique, épargnant donc le Nord et la
Normandie, avant la normalisation du français. C’est ainsi
que mon grand-père était fils de carron, le charron, qui
fabriquait des carrettes, et que c’est lui qui allait querre,
chercher, du carbon à la cave pour être grandmin cauffés.
Aux armes…
Du lard à la gadelle…
Gastronomiquement, le bilan se réduit tout d’abord sans
gloire à la flèche de lard et au rutabaga, mais plus
agréablement pour le dessert aux gadelles. La flèche, en
tant que pièce de viande levée sur le côté du porc, de
l’épaule jusqu’à la cuisse, se rattache au norrois flikki, de
même sens, qui donna aussi en ancien picard le flec. Quant
à la racine comestible de cette plante fourragère qu’est le
rutabaga, sa chair jaune dont se repaissent les animaux
n’est pas forcément de bon souvenir pour l’être humain qui
dut parfois s’en contenter pendant l’Occupation : il vient du
suédois dialectal rotabagge, sans assurance que le mot soit
passé par le normand.
En revanche, faisons place avec plaisir à la gelée de
gadelles, fruits du groseillier à maquereau, joli mot issu du
vieux norrois gaddr, piquant, épine, à la manière des
groseilliers à maquereau, bien que la gadelle ne soit point
épineuse… Il est courant au Québec de déguster quelques
gadelles saupoudrées de sucre, et le mot est encore çà et là
en usage en Normandie. Et pour rester dans le français
régional, évitons d’être graffigné, c’est-à-dire égratigné, un
verbe issu très probablement de l’ancien nordique krafsa,
gratter.
Péchés actuels…
Actual et actually font partie des exemples les plus
connus, signifiant « réel », « en réalité », et en rien le sens
que la personne française non avertie peut avoir envie de
donner en rattachant ces mots anglais au français «
actuellement ». En fait, il faut remonter à la source latine
actio, façon d’agir, et actualis, agissant, d’où, en ancien
français, l’adjectif actuel s’appliquant à une personne pour
la désigner d’abord comme active, efficace, avant d’avoir
un second sens, « en activité ». Ainsi, dans le domaine
religieux, Calvin évoquera-t-il encore les « péchés actuels
», comprenons les « péchés par action », en opposition aux
« péchés d’intention ». En anglais, cet actually a donc
gardé le sens premier du français.
De l’affluence à l’agonie
En 1393, dans une ordonnance, on regrette encore à
propos d’une affaire « l’affluence des causes », comprenons
leur multitude, leur trop grand nombre. Cette affluence,
synonyme d’abondance, serait bientôt restreinte en
français à celle des personnes, d’où les « heures
d’affluence ». En anglais cependant, l’emprunt fait au
français gardera son sens premier, ainsi peut perdurer
l’expression to live in affluence, vivre dans l’abondance. «
Fille de Babylone, tu es chétive et en agonie », lit-on dans
le Psautier d’Oxford en 1120, l’agonie désignant au XIIe
siècle l’angoisse, qui deviendra en français l’angoisse de
celui qui va mourir, puis au sens figuré la dernière lutte
précédant toute fin, l’agonie d’une dictature par exemple.
L’anglais a préservé le premier sens : to look on in agony
reste effectivement le fait de regarder avec angoisse
quelque chose.
Demandes compréhensives
L’adjectif comprehensive a conservé en anglais le
premier sens du français, compréhensif, qui prend
ensemble, qui enferme et contient. A comprehensive study
correspond toujours à une « étude d’ensemble » qui peut
être sans concession, en rien compréhensive. Évoquons
aussi le verbe to demand, demander, dans lequel il faut
retrouver le latin impérial demandare, exiger – où se
perçoit encore le rôle de la main, à travers mandare,
remettre en main un ordre à quelqu’un – a donc également
gardé en anglais le sens premier du français, sens fort.
Ainsi, the demands of labour sont à traduire par « les
revendications ouvrières » et il n’y a pas à « se demander »
quelle attitude prendre.
Disputons
Disputer, emprunté au latin disputare, au sens propre «
mettre au net après examen », de putare, examiner, poser
une chose pour établie, garde ce sens en ancien français où
la disputation ou dispute désigne la discussion. Le
chroniqueur Philippe de Commynes, dans son Prologue,
évoque encore le fait qu’« avant l’entreprise » d’un voyage,
« il eut maintes disputations, sçavoir s’il iroit ou non », et
plus tard Calvin d’évoquer encore qu’avant « la dispute des
mots », il commencerait à « traiter de la chose ». Ce n’est
que plus tard que la dispute sera associée à un échange
violent de paroles entre personnes opposées. To dispute en
anglais garde ce premier sens, celui de la discussion. Pas
question de se disputer, discutons !
Du surnom et de la phrase
Quelques mots nous rappellent l’histoire même des
patronymes, par exemple surname qui nous a tous surpris
lorsqu’on remplit pour la première fois un formulaire
anglais où nous est demandé ce que l’on croit être notre
surnom, alors qu’en fait la demande n’a rien d’indiscret. Le
surname ne désigne en anglais que notre patronyme. On
doit se souvenir qu’en effet il ne fut à l’origine qu’un
surnom, au moment où, aux XIIe et XIIIe siècles, le nom de
baptême ne suffisait plus pour distinguer les différents «
Martin » du village. D’où l’usage de sobriquets ou de noms
de métiers, de lieux, etc. : Martin Legrand, Martin Meunier,
Martin Dupont, Martin Langlois…
Quant aux linguistes, ils doivent savoir que l’anglais
phrase désigne une locution, une expression, comme c’était
le cas en ancien français conformément au latin phrasis,
diction, style, et non cet énoncé formant un sens complet,
sens français seulement attesté en 1732. Et inversement, le
mot anglais sentence, à l’origine synonyme comme en
français d’un jugement, d’une décision de justice ou d’une
maxime, a au XVe siècle pris un sens supplémentaire,
faisant de sentence un synonyme de notre phrase
grammaticale.
Du contentement, de la sympathie et de
l’évidence
On est toujours content de rencontrer quelqu’un de
sympathique, mais attention, être content, en anglais, ce
n’est pas être tout en joie, mais se satisfaire de quelque
chose, s’en accommoder, en relation avec l’ancienne
expression « avoir son content de quelque chose », du latin
continere, contenir. Would you be content to wait untill
tomorrow ? Vous satisferez-vous d’attendre jusqu’à demain
? L’accepterez-vous ? Quant à sympathetic, il s’agit
conformément à jadis du fait d’avoir de la compassion pour
la souffrance des autres, premier sens de la sympathie.
Malicious n’est pas par ailleurs le fait d’une nature
espiègle, mais assurément méchante, en anglais, tout
comme être rude, dans la langue de Shakespeare, c’est être
grossier, primitif, barbare, en rien le côté éventuellement
sympathique d’un rude gaillard. Toujours dans le domaine
des sentiments, être positif, en français, n’est pas une
formule récente. Dès 1365, c’est déjà ce qui est établi par
opposition à ce qui est naturel. Ainsi Oresme évoque-t-il les
« lois positives » propres à « causer toute vertu ». Et a
positive man est un homme catégorique. Est-ce positif ?
Quant à l’évidence qui en français n’a pas valeur
juridique, le même mot est en anglais synonyme de preuve.
Il reste la résignation, qui en ancien français désignait
l’action de se démettre d’une fonction, d’un mandat, avant
d’évoluer au XVIIe siècle en tant qu’acceptation de son sort.
Or, le mot anglais emprunté au français n’a pas perdu son
sens premier : to give one’s resignation, c’est bien donner
sa démission.
Et de quelques vêtements
De l’habitat et de son mobilier aux vêtements, il n’y a
que quelques pas à franchir du côté de la garde-robe –
wardrobe en anglais –, avec des confusions à éviter, à
commencer par habit, qui désigne l’habitude comme dans a
habit of mind, une tournure d’esprit. Il est vrai que les deux
mots sont issus du latin habitus, le maintien, et par
glissement le vêtement, avec pour dérivé habitudo, la
manière d’être. On ne confondra pas plus l’anglais blouse,
désignant le chemisier, et la blouse française qui protège. Il
serait désastreux d’imaginer qu’une lady s’offrant en
anglais quelque chiffon pour mettre autour du cou a de
drôles de goûts, on oublierait alors qu’en anglais, chiffon
désigne la « mousseline de soie ». Et de son côté, l’anglais
tissues fait référence aujourd’hui aux mouchoirs de papier.
Ne pas se tromper non plus avec le vocable anglais
confection, désignant les fruits confits et bonbons, sans
rapport avec l’industrie des vêtements. Quant au mot
fabric, il désigne certes un édifice, mais par ellipse de la
textile fabric, il peut aussi vouloir dire tout simplement «
tissu ».
De la route et des médicaments
Pour les voyageurs, prudence, the route représente
l’itinéraire, le conductor ne conduit pas, il s’agit du
contrôleur, et journey désigne le voyage. Le lien à établir
ici avec l’ancien français passe de fait par un verbe en
usage au Moyen Âge, journoyer, c’est-à-dire voyager toute
une journée durant. Si quelques provisions sont à prendre,
un rappel : les mots anglais grape et raisin définissent
respectivement le raisin, et le raisin sec. Quant à l’anglais
lard, il est à traduire par le saindoux, reste le bacon de
même sens qu’en français à condition qu’il soit fumé. Enfin,
en cas d’ennui de santé, on fera appel à la medicine, qui
n’est pas à confondre avec la médecine, mais correspond
aux médicaments, ce qui n’exclut pas les conseils du
physician, le médecin. Ce qui nous fait souvenir qu’en
ancien français, physiquer consistait à prendre des
remèdes.
La flore et la faune
On ne se doute guère que le lilas, lilac en anglais,
représentant très apprécié de la flore, aux fragrances
recherchées très répandu dans nos jardins, presque
synonyme du printemps s’épanouissant, vient de l’arabo-
persan. L’anglais jasmine, emprunté au moyen français
jessemin, bientôt le jasmin, se devine davantage dans son
origine arabe par analogie avec le prénom arabe Yasmina
relativement répandu.
Point de flore sans faune, et en commençant par
quelques maîtres de l’air, signalons l’albatross anglais et
l’albatros français cher à Baudelaire, ou encore le
marabout, moine, mais aussi l’aide immobile d’un garde à
la frontière dans le monde arabe puis par analogie l’oiseau
– pas moins de deux mètres d’envergure – comparé à un
saint homme.
Sur terre, le cheval dispose aussi de tout un registre de
mots d’origine arabe avec par exemple l’alezan et le
bardot, ce dernier issu du croisement de l’ânesse et du
cheval. Ajoutons-y la couleur zain, robe unicolore sans le
moindre poil blanc et voilà trois mots issus de l’arabe qui
n’ont pas franchi la Manche. Il n’en va pas de même de la
civette, proche de la martre mais dotée d’une poche avec la
matière odorante propice à créer des parfums, civet en
anglais. Attestés pour la première fois en 1298 dans le récit
de Marco Polo, Le Devisement du monde rédigé en ancien
français, gazel et girafe, de l’arabe ghazal et zarafah,
passeront ensuite en anglais via le français mais aussi par
l’italien pour l’animal au si long cou. En revanche, la si
petite gerboise, de l’arabe yarbu, d’emprunt tardif au XVIIIe
siècle, n’aura pas sa chance en Angleterre.
Brigitte Bardot est décidément cernée par les mots
arabes : la madrague, ce piège de filets dressé pour la
pêche sur le littoral méditerranéen, tient en effet son nom
d’un mot arabe, mazrabah, l’enceinte. À vrai dire, c’est
avec ce mot que l’actrice a illustré de manière si
séduisante, que se clôt la liste des mots français arabes
touchant aux poissons. Point de « madrague » en anglais,
sauf pour les cinéphiles anglais au fait de la Madrague en
tant que nom de sa propriété, ancienne maison d’un
pêcheur de Saint-Tropez, ignorant sans doute l’origine du
mot arabe parfaitement intégré en provençal.
Au marché
Nous voici au marché, où la flore et la faune s’offrent
sous leur forme consommable, pour notre plaisir
gastronomique au creux de nos assiettes. Du côté des
fruits, issus de la langue arabe ou ayant transité par la
langue arabe, voici les abricots, de l’arabe al-barquq en
partant du grec praekokhion, fruit précoce, les oranges,
narandj en arabe et, moins courants, les limes, de l’arabe
lima, correspondant au citron vert. Encore perceptible dans
notre limonade, lemonade en anglais, rappelons l’existence
de l’ancien français lemon, limon, s’éteignant au XVe siècle
au profit du « citron » repris du latin citrus. Cependant, y
ayant pénétré à la fin du XIVe siècle, lemon continuait de
s’imposer en Angleterre, avec une belle descendance, du
lemon tree au lemon tea en passant par le lemon squash, la
citronnade.
Autre agrume, l’orange, narandj en arabe, mot qui est
passé par l’italien melarancia, proprement pomme (mel)
d’arange (arancia), repris en français vers 1200 en tant que
pume [pomme] orenge. Ce fut ensuite sous l’influence de la
ville d’Orange pourtant sans rapport avec les agrumes que
fut retenue l’« orange », ainsi reprise par les Anglais à la
fin du XIVe siècle. On remarquera qu’en anglais, la
prononciation reste plus proche du mot arabe que ne l’est
le mot français contemporain, sans doute de prononciation
érodée. De ces fruits seront par ailleurs tirés les sirops et
sorbets, de l’arabe sarab, boisson pour le premier, et
surbat, également une boisson pour le second, ce dernier
repris en italien sous la forme sorbetto. Ces deux mots
français seront ensuite respectivement empruntés par les
Anglais au XIVe siècle et au XVIe siècle.
On peut être étonné que les artichauts, les épinards et
l’estragon, si bien implantés dans nos traditions culinaires,
aient une origine arabe. D’abord entré sous la forme
spinache en français, c’est ainsi que l’épinard passera en
anglais au e final près, vers 1400. Puis Popeye se chargera
de lui offrir une réputation internationale… L’artichaut, issu
de l’arabe al-husufa, en passant par l’italien articiocco,
deviendra en anglais l’artichoke. Les artichokes de
Bretagne… Quant à l’estragon, il s’agit de l’altération de
targon, en partant de l’arabe tar-hun, lui-même
déformation du grec dracontion, la serpentaire, parce que
ladite plante ressemble à un petit dragon. Elle restera le
tarragon en anglais. Un petit dragon dans nos assiettes !
C’est par le catalan que le mot d’origine arabe al-
badindjan donnerait tardivement au XVIIIe siècle
l’aubergine, immédiatement adopté tel quel en anglais, la
gastronomie française faisant autorité. Quant à la pastèque
d’origine indienne mais passant par l’arabe battihah, elle
n’atteindrait pas les côtes anglaises qui lui préférèrent au
XVIIe siècle le water melon, le mot « melon » étant
Un peu de luxe
Versons dans le luxe avec entre autres éléments
constituants du côté des parfums et bijoux, le musc,
l’ambre, le nacre, respectivement issus du persan musk
repris en arabe, du mot arabe anbar, ambre gris, et de
naqqarah, désignant en arabe un petit tambour, d’où la
désignation de petits coquillages par ressemblance de
forme. Comme des centaines d’autres, ces trois mots
français seront de fait empruntés par les Anglais,
aboutissant à musk et amber au XIVe siècle, et au même mot
que le français pour la nacre, au XVIe.
Mesurer
Dès lors qu’on exerce un métier où il faut procéder à des
mesures, des évaluations, on rencontre de chaque côté de
la Manche des mots qui ont leur source en langue arabe,
d’abord intégrés en français avant de rejoindre
l’Angleterre. On pense par exemple au calibre, caliber en
anglais, issu de l’arabe qalib, initialement le moule à
métaux, au carat, repris tel quel en anglais ou agrémenté
d’un k, karat, de l’arabe qirat, petit poids correspondant à
la graine du caroubier, en partant du grec keration, une
gousse, ou encore à la tare, mot repris à l’identique en
anglais, de l’arabe tarahah, déduction, décompte. Proche
de sonorité en français, retenons aussi le tarif, tariffe au
XVIe siècle, de l’italien tariffa issu de l’arabe ta’rif,
notification, passé en anglais sans e et en gardant les deux
f, à la fin du XVIe siècle.
Correspondant à une charge, relevons également le
fardeau, fardel dès le XIIIe siècle en anglais qui a conservé
la forme de l’ancien français. La farde, un ballot d’un poids
variable contenant des marchandises exotiques au départ,
venait de l’arabe farda, la demi-charge d’une bête de
somme, notamment le chameau. L’anglais quintal,
désignant un poids de cent livres, a été emprunté tel quel
vers 1400 au français quintal de même mesure. D’une
certaine manière, ce terme des plus usité naguère illustre
parfaitement le voyage des mots à travers diverses langues.
À l’origine, il y a en effet le bas latin centernarium, cent
livres, qui passe en grec byzantin, dentênarion, puis en
arabe sous la forme quintar, retransformé en quintal, et
n’ayant donc aucun rapport avec la racine latine quintus,
cinquième.
Du magasin et du magazine
Lieu d’échanges s’il en est, le magasin illustre, comme le
mot quintal, le voyage du lexique. Tout d’abord, existe le
mot arabe mahazin, un dépôt et donc un lieu de commerce,
puis à Marseille un entrepôt, appelé en latin médiéval
magazenum, d’où naît le terme désormais français
maguesin en 1389. Ce lieu sert alors aussi d’entrepôt de
matériel militaire et le mot entre en 1580 par le biais du
français en anglais. Puis en 1731 paraît en Angleterre le
Gentleman’s Magazine, ainsi appelé en fonction d’un usage
précédent dudit mot en tant que liste des fournitures
militaires. Et le succès de la revue, bientôt relayée par
d’autres titres qualifiés de magazines, fit qu’on emprunta
aux Anglais, en 1776, le magazine, assorti donc d’un z
gagné en Angleterre, le différenciant du magasin, petit ou
grand.
Du coton au maroquin
Vendus dans les magasins de vêtements, le caban et le
gilet issus de la langue arabe n’ont pas rejoint l’Angleterre
; en revanche, en matière de tissu, c’est le cas du coton,
avec deux t en anglais, attesté au XIIIe siècle, et de la gaze,
repérée en 1560, devenue gauze, à rattacher comme la
mousseline de Mossoul à une ville, sans doute Gaza,
aujourd’hui en Palestine. Il en est de même du damask
anglais, et du damas français, cette étoffe de prix, tissée
selon un motif particulier, en relation directe avec la ville
syrienne de Damas. La géographie est encore à l’honneur
avec le satin, attesté au XIVe siècle en français, issu de
l’arabe zaytuni, en fait désignation de la ville de Tsia-toung
en Chine, transformée en langue arabe en Zaytun. Le mot
devenu français était tout de suite repris tel quel en anglais
y faisant florès comme en témoignent satin paper, satin
flower, Denmark satin pour les souliers des dames, et toute
une génération se souvient de Nights in White Satin par les
Moody Blues, succès planétaire en 1967. Également
marqué par la géographie vient le morocco leather, mais
aussi le French morocco, le maroquin, bien entendu issu de
la tradition du cuir si bien travaillé au Maroc.
Du goudron et du mazout
Parmi les produits d’usage universel, ni le goudron, ni le
mazout ne franchiront le Channel. Il est vrai que pour le
mazout, né de l’arabe mahzulat, déchet, repris en russe
mazut, ne pénétrant en France qu’en 1899, le voyage avait
été assez long. Quant au goudron, il tient son origine de
l’arabe d’Égypte, qatram, pénétrant en français en 1381
sous la forme gotran avant d’être tardivement déformé en
goudron, au XVIIe siècle. L’équivalent anglais tar sera repris
du vieil anglais, désignant un liquide visqueux.
L’univers de la marine
Avec une puissante flotte commerciale s’imposant dans
tous les grands ports du bassin méditerranéen, la
civilisation arabe nous a laissé bon nombre de mots, à
commencer par l’arsenal, rayonnant en Italie à partir de
l’arzana de Venise, construit en 1104, de l’arabe dar as-
sina’ah. Et si le mot arsenal fit concurrence au dockyard en
Angleterre dès le XVIe siècle, il devint comme en français le
lieu privilégié du matériel entreposé pour la construction
des bateaux et leur armement. Enfin, quel amateur de
football ignore The London Football Club fondé en 1886,
vite baptisé l’Arsenal ? Ses premiers joueurs étaient en
effet principalement recrutés dans le Royal Arsenal de
Woolwich, en banlieue de Londres, un arsenal fondé en
1691 et situé comme il se doit au bord de la Tamise.
Le grade le plus élevé dans la marine, l’amiral, doit son
nom à un mot arabe, amir al bahr, que l’on a abrégé et qui
désigne ni plus ni moins que l’émir des mers. Au reste, en
ancien français, l’amiralt reste le chef de la flotte sarrasine,
avant de représenter dès le XIIIe siècle le commandant de la
force navale. C’est en partant du français, déjà présent
dans la Chanson de Roland, en 1080, que le mot passait en
anglais, métamorphosé en admiral vers 1200. Au XIIIe
siècle, une formule passait même en anglais en tant
qu’emprunt explicite au français avec l’amiral de la mer, à
prononcer à l’anglaise.
S’agissant de l’avarie, le dommage survenu à un navire,
le terme français transite par l’italien avaria qui l’avait
emprunté à la langue arabe. On le retrouve alors à la fin du
XVe siècle en anglais sous une forme différente, average,
Le flamboiement de la langue
italienne
LA LANGUE ITALIENNE :
PLUSIEURS SIÈCLES D’INFLUENCE AVANT
MÊME LA RENAISSANCE FRANÇAISE
Si, depuis la conquête de Guillaume le Conquérant, se
sont célébrés à profusion les mariages franco-anglais liant
monarques et haute aristocratie, mais aussi femmes et
hommes de plus modeste condition, c’est de part et d’autre
des Alpes qu’après la guerre de Cent Ans vont se forger de
nombreuses alliances entre l’Italie et la France, aboutissant
même à ce que parviennent à la tête du royaume français
des personnalités d’origine italienne, et l’on pense
forcément au XVIe siècle à Catherine de Médicis puis au
début du XVIIe à Marie de Médicis, mère de Louis XIII.
Si ce lien est particulièrement fort au XVIe siècle en
France, il résulte en réalité de relations culturelles se
nouant déjà aux siècles précédents, lorsque l’Italie sort
progressivement du Moyen Âge, au cours du Trecento,
c’est-à-dire au XIVe siècle. À cette période, appelée par la
suite la Pré-Renaissance, fit suite le Quattrocento, le XVe
siècle, qualifié a posteriori de Première Renaissance et
correspondant à une véritable rupture avec le goût
byzantin. Cette rupture dans l’art et la littérature s’exprima
tout d’abord et notamment à Florence, sous l’influence des
Médicis, puissante famille patricienne, riches banquiers et
grands mécènes.
La chute de Constantinople
S’agissant de « rupture », le 29 mai 1453 reste de fait la
date symboliquement forte de ce qu’il est convenu
d’appeler la « chute de Constantinople ». Cette ville,
Byzance lorsqu’elle était une cité grecque, puis
Constantinople en 330, était effectivement rapidement
devenue la capitale de l’Empire romain puis de l’Empire
romain d’Orient, et ce faisant, elle représentait
courageusement l’ultime vestige et le dépositaire oriental
de l’Antiquité classique. En tombant en 1453 aux mains du
sultan ottoman Mehmet II, qui la rebaptisa Istanbul,
s’effondrait de facto un rempart oriental de la chrétienté.
Or, il est de tradition, même si celle-ci est parfois discutée,
de considérer que la chute de cette cité, également appelée
la « Deuxième Rome », constitue une étape clé dans le
passage du Moyen Âge à une nouvelle époque baptisée
trois siècles plus tard, en 1825, la Renaissance.
En réalité, la chute de Constantinople eut indirectement
une conséquence heureuse pour l’Europe : elle précipita en
effet les érudits grecs en Italie, armés de précieux
manuscrits anciens, concourant ainsi à ce que le XVe siècle
italien devienne une époque culturellement florissante, «
renaissante », ce qui n’échappa pas aux lettrés de France.
C’est en vérité dès le XVe siècle que les Français furent
pleinement séduits par l’Italie ; ainsi Pierre Guiraud, dans
son premier « Que sais-je ? » sur Le Moyen Français,
signalait-il que, par exemple de 1402 à 1559, on comptait
pas moins de 269 Français reçus docteurs à l’université de
Ferrare, ce qui souligne combien était vive l’attraction
exercée par la botte italienne. Certes, la langue
internationale et culturelle restait le latin, mais avec Dante,
Pétrarque, Boccace, dont les œuvres seraient en 1612
suivies d’un dictionnaire en toscan, le Dictionnaire de la
Crusca, l’Italie allait dès le XIVe siècle donner l’exemple de
la richesse d’une langue vivante à valeur nationale. L’italien
pouvait en effet rivaliser sur tous les plans avec le latin et
même, à terme, le supplanter.
La grande réciprocité
À mieux y regarder, les liens d’estime entre les deux
pays, la France et l’Italie, n’étaient pas nouveaux, se
fondant assurément sur une belle récipro cité, les Italiens
lettrés manifestant également en effet sans hésiter leur
attachement à la langue française. Rappelons par exemple
que l’Italienne Christine de Pisan née en 1364 à Venise,
appelée ensuite à Paris par Charles V, écrivit en français et
qu’elle s’éteignit en France au monastère de Poissy vers
1430. On la considère à bon escient comme la première
femme de lettres ayant pu vivre en France de sa plume, en
composant force traités de politique et de philosophie mais
aussi divers recueils de poésie, offrant entre autres à la
ballade ses plus beaux fleurons.
On pourrait aussi remonter au XIIIe siècle avec l’Italien
Brunetto Latini, né à Florence en 1220, qui s’est
vraisemblablement exilé en France de 1260 à 1267,
donnant sans doute quelques conférences à la Sorbonne.
On retiendra ici surtout qu’en 1266, il écrivit en français,
mâtiné de picard, Li Livres dou Tresor [Le Livre du trésor]
qu’il signe d’ailleurs de son nom francisé, Brunet Latin.
Révélateur de la situation linguistique du XIIIe siècle en
Europe, voici un extrait où il justifie son choix linguistique,
ce qui nous permet au passage de percevoir ce à quoi
pouvait ressembler la langue française en cette seconde
moitié du XIIIe siècle. « Et se aucuns [et si quelques-uns]
demandoit por quoi cist livres [ce livre] est escriz en
romans, selonc le langage des François, puisque nos somes
Ytaliens, je dirois que ce est por. ij. [deux] raisons : l’une,
car nos somes en France et l’autre porce que la parleure
est plus delitable [délectable] et plus commune à toutes
gens » (livre I, partie I). Quel beau témoignage de la
vigueur et du rayonnement de la langue française !
Dans le même esprit mais dans un tout autre domaine,
l’explorateur vénitien Marco Polo écrivait dès 1298 son
célèbre Devisement du monde, déjà évoqué à propos de la
langue arabe, et dans ce Livre des merveilles, autre nom de
l’ouvrage, il offre en fait le premier récit de voyage rédigé
en français, On retiendra que Marco Polo le dicta à
Rustichello de Pise, écrivain italien certes mais de langue
française.
L’invité prestigieux
Quel plus prestigieux invité effectivement que Léonard
de Vinci incarnant si bien cet esprit universaliste de la
Renaissance ! En le rencontrant en 1515, le récent
vainqueur de la bataille de Marignan qu’est alors François
Ier lui proposa de s’installer en France, ce qu’il accepta. Et
l’on se souvient peut-être que c’est à dos de mulet que
l’Italien de génie traversera les Alpes, emportant quelques
toiles dont La Joconde, pour rejoindre le Clos-Lucé auprès
du château d’Amboise où il fut enterré en 1519. De langue
italienne, le dialecte toscan, sa langue natale, celle dans
laquelle il rédigeait ses notes, Léonard de Vinci maîtrisait
très mal, semble-t-il, le grec et le latin, ce qui lui valut au
reste quelques critiques de Michel-Ange. Cependant,
l’auteur de La Joconde représentait déjà ici un esprit
nouveau, incarnant le fait que la langue nationale, italienne
ou française, gagnait lentement mais sûrement sa place sur
le latin.
La double concurrence
Le XVIe siècle est en réalité confronté en termes
linguistiques à une double concurrence : d’un côté, celle de
la langue classique, issue de l’Antiquité, le latin, langue
morte mais devenue langue de l’Europe des savoirs, à la
fois langue écrite et orale dans le cadre de l’enseignement ;
et de l’autre côté, celle d’une langue vivante et
géographiquement proche, l’italien.
En ce qui concerne le latin, une célèbre ordonnance
signée en août 1539 à Villers-Cotterêts par François Ier
mais élaborée par le chancelier Guillaume Poyet, d’où
l’autre nom de ladite ordonnance, « l’ordonnance
Guillelmine », impliqua tout d’abord que les prêtres durent
tenir registre des baptêmes et sépultures, instituant ainsi
une sorte de tout premier état civil. Ensuite et surtout, la
totalité des documents officiels durent désormais être
rédigés en français et non en latin. François Ier devenait
ainsi le premier monarque à avoir pu imposer une unité
administrative linguistique à ses sujets, ce qu’avant lui
n’avaient réussi à mettre en œuvre ni Charles VII, qui le
désirait tout aussi ardemment au lendemain de la guerre
de Cent Ans, au moment d’un réveil national, ni Louis XI,
pas encore assez puissant pour contrarier les Parlements
de Toulouse et de Bordeaux.
À l’avantage de ses prédécesseurs, François Ier disposait
en réalité d’un modèle, l’Italie, qui depuis le XIVe siècle
n’hésitait pas à user de la langue parlée localement pour la
rédaction des textes officiels. En vérité, ce qu’on appelle
aussi l’édit de Villers-Cotterêts consacrait juridiquement la
langue de l’Île-de-France, à la fois langue d’oïl et langue du
roi, condamnant les autres langues de France au rang de
patois ou de dialectes.
En voilà la teneur précise, livrée à l’article 111 : « Nous
voulons que doresnavant avant tous arretz ensemble toutes
aultres procedeures, soient de nous cours souveraines ou
aultres subalternes et inferieures, soient de registres,
enquestes, contractz, commissions, sentences, testamens et
aultres quelzconques actes et exploicts de justice ou qui en
dependent soient pro noncez enregistrez et delivrez aux
parties en langage maternel francoys et non aultrement. »
Pareille décision, repoussant donc indirectement, pour
tout acte administratif et juridique, d’une part le latin
incompréhensible pour une immense majorité, et d’autre
part les langues locales échappant en somme au contrôle
royal, au profit du français royal, allait dans le sens de
l’histoire européenne de chaque pays, à la recherche d’une
unité nationale centralisée. Elle faisait par exemple écho à
une décision de même nature du roi d’Angleterre, Henri
VIII qui, trois ans plus tôt, en 1536, avait interdit au profit
de l’anglais royal l’usage du gallois, langue celtique
pourtant encore pratiquée.
De la guerre à la musique
Parmi les mots italiens parfaitement intégrés, relevons-
en quelques-uns en les présentant par thèmes, tout en
rappelant qu’ils se sont principalement introduits dans la
langue française du XIVe au XVIIe siècle.
Il n’est pas rare hélas que les guerres, ici les guerres
d’Italie, soient l’occasion d’enrichir le lexique par le biais
de pratiques, de formules et de désignations empruntées à
l’ennemi, par le simple fait du côtoiement guerrier au
moment où sa vie est en jeu, d’où la nécessité de
comprendre les mots de l’armée à laquelle on se confronte.
Signalons ainsi qu’une bonne armée commence, grâce aux
sentinelles – mot issu de sentire, entendre, du latin sentire,
sentir –, par savoir sonner l’alarme – de all’arme !, aux
armes ! – à la première alerte – de all’erta signifiant « sur
ses gardes », l’erta étant une hauteur –, pour disposer en
ordre les bataillons – de battaglione – et brigades – de
brigata, troupe, mot lui-même issu de briga, lutte –, de quoi
faire battre la chamade – de ciamata, l’appel militaire au
roulement de tambour – au cœur des soldats, de l’italien
soldato qui a remplacé le français soudard.
La guerre ne cessant de disposer d’armes nouvelles,
demeurent de fait quelques mots qui, sans avoir disparu,
font aujourd’hui figure d’archaïsmes. Citons la pertuisane,
de partigiana, une sorte de hallebarde, ou l’escopette, issue
de schioppetto diminutif de schioppo, une arme à feu, du
latin stloppus, le bruit que produit une claque sur une joue
gonflée… Dernière étape avant le fusil, vient aussi le
mousquet, fixé au sol sur une petite fourche, en usage au
XVIe siècle, emprunté à l’Italie, moschetto, reprise
anachronique de la moschetta, la flèche d’une arbalète du
XIVe siècle comparée à une petite mouche.
Peu fréquentables ?
Du Tartuffe à l’escroc, le pas est vite franchi, escroc
étant aussi un mot issu de l’italien scrocco, emprunté avec
une légère modification en 1634. Contrairement aux
apparences, l’anglais crook n’y est pas lié, il se réfère en
effet au crochet. De même essence, le malandrin, mot
français attesté à la fin du XIVe siècle, que les Anglais n’ont
pas repris, est emprunté à l’italien malandrino, faisant
référence à un voleur. Il a une origine inquiétante : le latin
malandria, une sorte de lèpre. En rien un malfaiteur, le
français poltron emprunté par les Anglais au début du XVIe
siècle, sous la forme poltroon, tient aussi son nom du mot
italien poltrone, de même sens, dérivé de poltro, le poulain
non dompté. C’est en 1528 que le forçat fait son entrée en
tant que mot en français, sans être repris en anglais, avec
son origine de galérien, forzato en italien, où l’on retrouve
tout simplement le verbe forzare, forcer. De l’italien gonzo,
un individu stupide, est apparu en 1628 en français le
conce, l’homme chargé de vider les ordures de l’hôpital,
puis en 1684 le gonze en tant que gueux. Le sens général
et argotique d’individu n’émerge qu’en 1753, hélas rejoint
par le féminin, gonzesse dès 1811. Point de reprise en
anglais.
Il y a des mots qu’on aimerait ne pas avoir à citer,
comme le ghetto, mot italien, vénitien, désignant une petite
île de Venise au XVIe siècle où étaient installées des
fonderies de bombardes, avec des rebuts, des débris, d’où
son nom, ghetto, de l’italien ghettare, jeter. Le fait que ce
quartier fut la résidence obligatoire des Juifs à partir de
1516 explique le sens pris par la suite, hélas
internationalement et tristement illustré pendant la
Seconde Guerre mondiale. Autres mots détestables, de
résonance internationale, cette redoutable et puissante
organisation criminelle secrète née en Sicile, la Maf(f)ia et
le maf(f)ioso, maffiosi au pluriel, mots siciliens d’origine
obscure, disent sans sourciller les étymologistes. Encore
que soit évoqué le sicilien mafia, vantardise et hardiesse. À
laisser dans l’obscurité.
Quelques mots quelque peu agressifs sont aussi à
relever, par exemple attesté en 1578, attaquer, de l’italien
attacare battaglia, commencer la bataille. En 1600, on
repèrera en anglais to attack, directement emprunté au
français. Très tôt, en 1464, se rencontre aussi le verbe
saccager, venu de l’italien saccheggiare, attesté dès le XIIIe
siècle. On y retrouve l’expression italienne metterre a
sacco, traduite en français par mettre à sac, dont l’origine
est transparente : piller en mettant tout dans un grand sac
! L’anglais to sack, piller, sera emprunté au français en
1540, donnant parallèlement sacking. Sans doute relevant
plus de l’italien bastonata qu’à l’espagnol bastonada, naîtra
en français la bastonnade attestée en 1482 et, à terme
témoignant encore du féminin, la baston. Dans le même
registre argotique, de l’italien mandolino, coup de pied, est
venue en 1849 la mandale, remontée jusqu’au visage,
puisqu’il s’agit d’une paire de claques. Il n’en faudrait pas
plus pour que naisse une vendetta, mot repéré en français
depuis 1878, de l’italien passé par la Corse, vendetta
signifiant vengeance, du latin vindicta.
À la banque …
En abordant le sujet sensible de l’argent, on se
contentera de signaler qu’à partir de l’italien banco, le
banc, sont issus la banque, le banc sur lequel se changeait
l’argent, la banqueroute, le banc rompu en cas de
malhonnêteté ou d’insolvabilité, la formule banco, adjectif
utilisé pour désigner les valeurs de banque, puis faire
banco aux jeux, c’est-à-dire tenir seul l’enjeu contre la
banque. Et super banco de résonner dans toutes les oreilles
des habitués du Jeu des 1 000 euros…
Ajoutons-y le cambiste, de l’italien cambio, le change,
les liquidations, de l’italien liquidazione, ces sommes
épurées rendues en quelque sorte mobiles comme le
liquide, et mercantile, de l’italien mercante, le marchand.
Enfin, signalons le florin, de l’italien fiorino, ancienne
monnaie de Florence, le ducat, du ducaton, monnaie d’un
duc, au départ des ducs de Venise, puis la piastre ancienne
monnaie d’argent, monnaie plate relevant encore à cet
égard de son lointain dérivé latin emplastrum, l’emplâtre.
La gazette eut de son côté un joli destin : avant de désigner
le périodique offrant quelques nouvelles, ce fut le prix qu’il
fallait le payer, gazeta désignant effectivement en italien la
petite monnaie.
La faune et la géographie
Du plus innocent au plus redoutable, on relève divers
représentants connus de la faune, qu’il s’agisse des
mammifères ou des insectes ou encore des poissons. Ainsi
le campagnol est-il l’adaptation par Buffon de l’adjectif
campagnoli, à la campagne. Ce « petit rat des champs »
bénéficie en définitive d’un nom bien ambitieux ! De
prononciation douce, la mouf(f)ette reste cependant
malodorante en cas de danger, tenant son nom de l’italien
mofetta, issu d’un mot longobard, muffa, la moisissure.
Quant au mouflon, il résulte de deux emprunts successifs,
d’abord au sarde, muvrone, puis au corse, mufrone. Animal
d’une autre latitude, et à ne pas approcher, signalons le
guépard, gapar en italien au XVIIe siècle, adaptation de
gatto-pardo, le chat-léopard, pardo étant issu du grec
pardos, léopard ou panthère.
« Mouches de feu », « graines d’étoiles » dit joliment
Maupassant dans ses Contes et nouvelles à propos des
lucioles, nées dès 1704 de l’italien lucciola, en lien direct
avec la lumière, luce. Tout aussi étonnant dans ses
caractéristiques, ici porteur sur la mâchoire supérieure
d’un éperon aigu et long comme une épée de même nom,
voici en 1646 l’espadon de l’italien spadone, grande épée.
Et dans le hors norme, il reste à évoquer l’hippogriffe, de
l’italien ippogrifo, un mot forgé par l’Arioste où l’on
reconnaît la racine grecque hippo, cheval, pour désigner
cet animal fabuleux moitié cheval moitié griffon. On atteste
de sa présence littéraire en 1556 chez Ronsard dans son
Second Livre des Hymnes.
Hôtes de la nature, les animaux peuvent pour certains
d’entre eux avoir pour cadre les collines, les régions
collinaires, ce dernier adjectif restant rare mais recensé
par Littré. C’est par l’intermédiaire du mot italien collina
que ledit relief est entré en langue française, attesté en
1555. Avec un relief moins doux vient la corniche sur une
paroi rocheuse, reprise d’un mot italien, cornice, également
terme d’architecture, et entré comme tel en français en
1524. Il prendra son sens géographique à la fin du XVIIIe
siècle. La nature géologique du sol est aussi illustrée au
début du XVIIe siècle par le granit, de l’italien granito issu
sans surprise de grano, le grain.
Souterraine ou maritime, déjà bien installée
lexicalement au XIIIe siècle, la grotte a aussi pour origine
l’italien grotta, attestée déjà chez Dante, et lointaine
déformation du latin crypta. Beaucoup plus tard, au XVIIIe
siècle et à propos de petites îles des Antilles, le lagon fait
son entrée, à partir de l’italien lagone, grand lac. Espace
plat et découvert sur un rivage, longtemps hantise des
marins ayant peur de s’y échouer avant d’être un lieu
estival d’excellence, la plage prend son nom de l’italien
piaggia, ayant d’abord le sens de pente douce, du grec
plagios, oblique. De l’italien cascare, tomber, est née la
cascata, mot que l’on emprunte en le métamorphosant en
cascade, dès 1640. Enfin, inquiétante en Italie, sont les
fumerol(l)es s’introduisant en langue française au début du
XIXe siècle, en tant que vapeurs s’échappant des crevasses
À la maison…
Rien de glorieux dans la bicoque, attestée en 1798, qui
n’est d’abord au XVIIe siècle qu’une petite ville dont la
défense est précaire, avant, de manière familière, de
désigner une petite maison de piètre apparence. On hésite
sur l’origine du mot, certes italienne, mais qui viendrait
soit de la commune de La Bicocca, dans la banlieue de
Milan où les Français furent défaits dans une bataille de
1522, soit de l’italien bicocca, désignant un petit fort.
Démarquant également une origine italienne, la loggia
représente tout d’abord dès le XIIIe siècle une galerie
ouverte à colonnes, construite sur un côté des palais
italiens, en tant que lieu de loisirs, sens repris en français
au XVIIIe siècle. Puis, dans les constructions modernes,
l’imposante galerie se métamorphosa en balcon abrité, de
dimension plus réduite.
D’entrée récente, vers 1830, dans la langue française, le
studio est un mot anglais. Anglais ? En vérité, c’est l’italien
studio qui en est la source anglaise, désignant l’étude,
reprise en tant que lieu d’étude, tout particulièrement pour
un peintre ou un sculpteur. En 1918, le studio devint le tout
petit appartement indépendant pendant que prenaient
corps les studios des photographes, puis de cinéma et de
télévision. « À vous les studios… » L’expression a fait
fortune ! Synonyme d’abord d’entresol, la mezzanine vient
de son côté de l’italien mezzanine, mot lui-même issu de
mezzo, moitié. D’où au-delà du sens premier, le petit étage
d’un théâtre entre l’orchestre et le premier balcon, ou la
plate-forme aménagée à quelque distance du sol d’un
logement, lorsque la hauteur de plafond le permet.
Les protections ne manquent pas, issues de mots italiens
: en témoignent la balustrade, la rambarde, le paravent, le
parapet. La balustrade est née de l’italien balaustrata,
terme lui-même forgé sur l’ancien italien balaustra,
désignant la fleur et le fruit du grenadier. C’est
effectivement l’analogie de forme entre la forme des piliers
et la fleur du grenadier qui est à l’origine du balustre, mot
attesté en 1529, en tant qu’élément constitutif de la
balustrade. La rambarde, de l’italien rembatta, dérivé du
verbe arembare, donner l’assaut à un navire, est quant à
elle à rattacher au départ à la proue du navire où elle fut
d’abord une plate-forme pour mieux combattre, puis elle
devint un garde-fou sur les gaillards et les dunettes, et
enfin en 1873 toute espèce de rampe servant de garde-fou.
En ce qui concerne le parapet, d’abord une levée de terre
servant de fortification, avant de se réduire à un muret, il
vient de l’italien parapetto, où l’on repère le verbe parare,
protéger, et petto, la poitrine. Voilà l’occasion de rappeler
l’expression in petto, en secret, passée en français au XVIIe
siècle ; il convient ici de se souvenir que la poitrine et le
cœur ont longtemps été considérés par les Anciens comme
le siège de la pensée. Jadis orthographié paravant,
constitué de plusieurs écrans destinés à protéger des
regards et des courants d’air, le paravent est directement
tiré du paravento italien. Courants d’air venus par exemple
du corridor, de l’ancien italien corridore, passage étroit,
proprement le lieu où l’on court…
À l’extérieur, on repérera la pergola, mot italien
désignant une sorte de treille, du latin pergula, une
construction en saillie mais aussi une tonnelle. Les
jalousies sont-elles bien fermées ? Il s’agit des contrevents,
les jalousies étant attestées en français en 1549, en se
présentant avec des lattes parallèles et mobiles permettant
de voir sans être vu, ce qui est le propre des jaloux. La
gelosia définissait initialement le treillis dissimulant les
dames en Orient.
Recouvrant partiellement les murs, la mosaïque et le
stuc sont aussi d’origine italienne. Parce que ce mode de
décoration a d’abord été dédié aux muses, le mot grec a
débouché sur le latin musaicum repris en italien, mosaico,
pour aboutir à une première attestation en français en
1498. Le stuc, cet enduit imitant le marbre, vient de
l’italien stucco, à base de gypse pulvérisé. Les pilastres, de
l’italien pilastro, font partie dès le milieu du XVIe siècle du
vocabulaire de l’architecture, en tant que colonne plate
engagée dans un mur et légère ment saillante. De la ville
de Faenza vient à partir de 1589, servie par diverses
orthographes successives, la faïence, poterie vernissée ou
émaillée, matière à bien des décorations sur les murs et les
étagères, celles de Delft étant réputées. Autre matière
noble, le bronze, attesté en tant que mot en 1511 pour
désigner l’alliage de cuivre et d’étain propre aux statues,
aux cloches et aux canons, vient de l’italien, à partir du mot
bronzo, peut-être originaire de Brindisi, cité célèbre pour la
fabrication de cet alliage.
Dans le corridor, il faudra épousseter le bronze sur son
piédestal, dit le majordome. La phrase sonne parfaitement
français, même si chaque substantif y est d’origine
italienne : le piédestal, attesté en français en 1526 pour
désigner le support d’une statue ou d’un vase, est en effet
lui aussi emprunté à l’italien, piedestallo, de même sens. Et
le majordome, de l’italien maggiordomo, calque du latin
major domus, chef des serviteurs, s’illustrait d’abord en
Italie dans les différentes cours et grandes maisons. Le
majordome du pape a ainsi traversé les siècles et reste
d’actualité.
Se déplacer…
Le char, en tant que mot, est d’origine gauloise. Il n’est
d’ailleurs pas synonyme de luxe en France. Cependant, en
passant par l’italien, il prend en se suffixant quelque galon,
et la carrozio – le mot est féminin en Italie – devint une
voiture suspendue, à quatre roues, d’abord une carroche en
français, puis en 1575 « une » ou « un » carrosse. Enfin,
véritable révolution dans le transport, voici venir au XIXe
siècle la voie ferrée, qui sera aussi au XXe siècle, en 1911,
qualifiée de ferroviaire, de l’italien ferrovia. Et souvent
associée au voyageur, sur le quai, il n’est pas rare que
celui-ci ait sa valise à la main, de l’italien valigia, petite
malle. C’est plus difficile de l’emporter avec soi sur une
vespa ; « scooter de cette marque », rappelle le Petit
Robert, le mot s’installant en 1950 sous le nom d’une
marque déposée, Vespa, correspondant au mot italien qui
signale la guêpe. Ce fut un tel succès que les dictionnaires
ont rapidement enregistré le quelque peu oublié vespiste,
la personne conduisant ce deux-roues si pratique.
S’illustrant dans les transports, mais auparavant sur les
instruments à clavier comme l’orgue, le piano, évoquons la
pédale, reprise telle quelle à l’italien en y ajoutant l’accent
aigu. Elle fit florès dès que le vélocipède fut muni de
pédales. De l’italien corriere, courir, est par ailleurs né en
1464 le courrier, à l’origine celui qui précédait les voitures
de poste pour préparer les relais. Et l’on sait le succès du
mot, jusqu’à son extension électronique avec le courriel.
Il est prudent de ne pas poursuivre le voyage lexical, on
s’essoufflerait en signalant encore force mots d’origine
italienne. De fait, lorsqu’une langue est si présente dans
une autre, il reste utopique d’offrir exhaustivement le
millier de mots chaleureux, tantôt précis tantôt très
quotidiens, qui la colorent et l’embellissent, et cela sans
que nous en ayons parfaitement conscience. Cependant,
avouons-le, rappeler ici le voyage transalpin de quelques-
uns, regroupés en grappes lexicales à picorer au gré de ses
intérêts, incite à mieux savourer notre langue ainsi
parfumée et le pays dont le charme méditerranéen est
délicieusement transcendant.
9
L’ANGLETERRE DU XVIIe : DE
SHAKESPEARE À UNE PREMIÈRE VOLONTÉ
NORMATIVE
Vaugelas le « remarqueur »
On doit à Vaugelas une véritable doctrine de l’usage de
la langue française qui a exercé une influence considérable
sur ses contemporains, doctrine exprimée à travers les
Remarques sur la langue française, utiles à ceux qui
veulent bien parler et bien écrire, ouvrage publié en 1647.
Dans la mesure où Vaugelas fut aux commandes du
Dictionnaire de l’Académie française, y consacrant ses
quinze dernières années, celui-ci en porte nécessairement
la trace, pertinente. Vaugelas, de belle autorité mais aussi
sensible à la discussion instaurée avec la Compagnie
chaque mercredi lorsqu’il apportait les résultats de son
travail lexicographique, a indéniablement contribué au
succès du Dictionnaire de l’Académie. En érudit maîtrisant
plusieurs langues, il sut offrir une réflexion à la fois
profonde et durable, concourant indubitablement à ce que
le dictionnaire de la Compagnie pût traverser les siècles
sans changer ses principes constitutifs essentiels.
Quelles sont ses « remarques » principales, lesquelles
forment en vérité une doctrine ? Bien que s’inscrivant dans
le sillage de Malherbe, prônant la « pureté » de la langue,
Vaugelas oriente délibérément la réflexion sur une langue
française devant se démarquer par le choix du « bon usage
». Il distingue en effet d’un côté le bon usage, c’est-à-dire «
la façon de parler de la plus saine partie de la cour » et le
mauvais usage qui est l’usage populaire, mais aussi celui
des pédants. « Nul n’a le droit de légiférer dans le domaine
des langues », ajoute-t-il, d’où le mode choisi, celui des «
remarques », où règne le sens de la mesure. Il donne ainsi
la priorité au langage des femmes, « qui ont le naturel plus
spontané » en n’étant notamment pas encombrées de
latinismes comme le sont les faux lettrés qui en abusent. La
langue se doit d’être exacte, la netteté de l’usage se
confondant le plus souvent avec la raison. Autant de
principes qui préparent l’avènement de la langue classique
et d’une nouvelle génération, celle des « grands classiques
».
Rappelons que ces derniers s’apprécieront à travers
deux types successifs correspondant à deux idéaux
distincts. Ce fut tout d’abord celui du « généreux », selon la
formule chère à Corneille et Descartes. Noble de cœur,
passionné, orgueilleux, courageux, le généreux – du latin
generosus, de bonne extraction – doit absolument se
distinguer du commun. Un autre idéal s’imposa ensuite,
celui de l’« honnête homme ». Le goût de l’ordre et de la
raison avec le respect d’autrui, le sens de la mesure sans
fadeur, la culture sans pédanterie, enfin le souci de ne pas
étaler le « moi haïssable », définissent alors l’honnête
homme, qu’il soit bourgeois ou grand seigneur. L’Académie
française bénéficierait au Grand Siècle de ces deux
générations.
Les sports
Un autre domaine se révèle riche en anglicismes, celui
des sports, le mot « sport » faisant d’ailleurs sa première
entrée dans la presse à travers le Journal des haras du 1er
mai 1828. D’emblée, il correspond bien à des activités
physiques sans but utilitaire mais avec quelques règles,
l’activité en question se prêtant à compétitions. En réalité,
le vocable ne fut vraiment popularisé que lorsque fut fondé
en 1853 le journal intitulé Le Sport au succès certain. Tout
le monde avait au demeurant oublié l’ancien français
desport, désignant l’amusement, en vérité le fait de se «
déporter » ailleurs, de se divertir, mot qui avait fait florès
en Angleterre, notamment pour le loisir de la chasse, avant
de couvrir les sports hippiques plus particulièrement. La
boxe, de l’anglais box, désignant un coup, entrait au tout
début du siècle, en 1804, à travers un ouvrage consacré à
Londres et les Anglais. De même entrée progressive est le
golf, au tout départ du néerlandais kolf, désignant un
gourdin, puis devenu un sport écossais, apparu sous la
forme de goff en français puis définitivement golf en 1889
dans un ouvrage consacré aux Exercices en plein air. Lié
aussi au golf, en 1896 entrait le mot putting green, abrégé
en green dès 1904, pour évoquer l’espace gazonné
entourant chaque trou d’un terrain de golf.
Les sports hippiques anglais furent aussi conquérants
avec par exemple le jockey, le turf, et des épreuves comme
le steeple-chase. Si le jockey, apparu en 1776 dans La
Quinzaine anglaise à Paris, définit d’abord les jeunes
palefreniers de petite taille conduisant une voiture en
postillon, suivant son maître à cheval, ce fut ensuite celui
qui put monter les chevaux de course. Au départ, Jock était
une déformation de Jack, désignant un valet s’occupant
notamment des chevaux. Quant au turf, en anglais la piste
gazonnée, il fut synonyme de champ de courses et
s’implanta en français en 1828 dans le vocabulaire des
sports d’équipe. Hélas au sens figuré, il s’assimila aussi aux
lieux de prostitution, en partant d’une métaphore, le turf de
la galanterie, déjà repérée dans les Scènes de la vie de
bohème d’Henry Murger, ouvrage publié en 1851. Le
steeple-chase ne peut masquer son origine anglaise…
Entrée dans l’usage à la fin des années 1820, cette course
hippique mêlant obstacles naturels et artificiels s’étendit
aussi à la course à pied. A-t-on encore à l’esprit que le mot
steeple désignant un clocher, cette course trouvait son
origine dans un jeu consistant à rejoindre à cheval le plus
rapidement possible le premier clocher rencontré à
l’horizon ?
Également issu des courses hippiques vient le starter,
terme anglais attesté en français en 1862, qui représente,
d’abord au turf, la personne chargée de donner le départ
d’une course de chevaux, en abaissant un drapeau, avant le
fameux coup de pistolet. Cet emprunt eut du succès ; issu
en effet de l’anglais to start, démarrer, il sera repris en
1931 pour le dispositif associé au carburateur d’un moteur
à explosion, dont on souhaite faciliter le démarrage. Il
désignera aussi au XXe siècle le mélange d’aliments
toniques pour les jeunes animaux. Ainsi un mot anglais
peut-il se retrouver avec des homonymes en langue
française.
Soulignons aussi qu’un nom propre anglais, celui de lord
Derby qui organisa un type de grande course de chevaux
en 1780, finit par devenir synonyme de ce type de course.
Le mot franchit la Manche en 1829 et prit vigueur en 1836
avec le Derby français couru sur l’hippodrome de Chantilly.
Par analogie, à la fin du XIXe siècle, on évoqua aussi un
derby pour la course cycliste Bordeaux-Paris. Quant au
hobby, d’abord apparu en français en 1815 sous sa forme
anglaise complète hobby-horse, désignant initialement en
anglais un petit cheval, puis devenu synonyme de jouet
d’enfant à la manière des chevaux d’un manège, il n’y avait
qu’un pas à franchir pour passer du jouet au délassement
privilégié.
Parmi les sports d’équipe, c’est tardivement que vint
d’Angleterre, en 1889, le hockey, alors que le football était
déjà repéré en 1698. Cela étant, ce n’est qu’en 1872 que le
football s’installa définitivement pour devenir non
seulement français mais très vite international. Un cortège
de mots s’attacha rapidement à ce sport très populaire : le
goal, d’abord un but en 1882, puis en 1924 le joueur
chargé de garder le but, aujourd’hui battu en brèche par le
gardien de but. Le penalty, attesté en 1898, de même
famille que la pénalité, reste bien en usage malgré son
substitut recommandé, le tir de réparation. Même aventure
pour le rugby déjà évoqué, inventé en 1823, dans l’école de
cette ville du comté de Warwick. Un an plus tard le tennis –
rappelez-vous, le « tenez » du jeu de paume déjà signalé –
faisait son entrée. Enfin, mot commun à bien des
compétitions, le match fit son apparition dans la décennie
1850-1860 en tant que compétition générale, même s’il
était déjà attesté en 1819 dans le domaine des courses
hippiques. À la course cycliste, on doit l’entrée du mot «
record », attesté en 1882 dans la revue Le Sport
vélocipédique du 4 mai. Et le parta geant avec la course à
pied, surgissait le mot sprint, attesté en 1895, issu de
l’anglais to sprint, s’élancer. Au terme d’un sprint toujours
plus rapide vient le record, un mot appelé à un avenir sans
fin, puisque le record est fait pour être battu ! Tout doit
cependant se finir bien, même pour les perdants, puisque
du monde du sport est né l’emprunt fair-play, équivalent de
jeu loyal ou de franc-jeu.
Abandon 48
Abbot 137
Abeille 76
Abri-Sous-Roche 89
A cap(p)ella 218
Accelerando 219
Achever 153
Achieve to 153
Acre 124
Actual(ly) 146-147, 153
Actuel 147
Acumen 61
Adagio 219
Admirable 48
Admiral 137, 190
Aéroglisseur 23-26, 37
Aéronaute 301
Aérostier 301
Affair 154
Affaire 327
Affluence 147
Agace 80
Again 108
Agonie 147
Agony 147
Agrès 117
Aigrette 80
Aimable 286
Alarme 216
Albatros(S) 181
Alcool 184-185
Alerte 216
Alezan 181
Algebra 179
Algèbre 179
Algorithme 179
Allegro 219-220
Aloft 109
Alouette 53
Amber 186
Ambre 186
Amendement 300
Americano 227-228
American way of life 320
Amitié 286
Amorous 154
Ancien 76
Anger 106
Angliche 47
Anglomane 301
Annus horribilis 61
Anonyme 270
Antimoine 185
Antimony 185
Apérol 227
Appartement 213
Aria 218
Arm 74
Arobase 179
Arpège 219
Arquebuse 78
Arrière-grand-mère 89
Arriver 102
Arsenal 190
Attire 142
Aubergine 183
Autocar 54
Avarie 190
Avenue 48
Average 190-191
Awe 107
Azimuth 179
Babine 81
Baby-foot 324
Back 74
Bacon 140, 158
Bag 103
Bagatelle 242-243
Balle 79
Ballerine 242
Ballet 242
Balustrade 253
Balustre 253
Bambin 251
Bambine 251
Bambino 251
Banc 79, 229, 239
Banco 229, 239-240
Bank 107
Barde 186
Bardot 181
Bargain to 145
Barguigner 145
Baron 79, 137
Barrage 48, 75
Barrette 250
Barricade 48
Basin 191
Basson 219
Baston 237
Bastonnade 237
Bataillon 238
Bateau 22-24, 27-28, 107
Bathroom 90
Bâtir 132
Baudrier 78
Bécarre 219
Bedeau 79
Bedroom 90
Bee 76
Bergamot 233
Bergamote 231
Berge 53
Berlingot 232-233
Best-seller 326
Bicoque 252
Bifteck 297
Birth 109
Biscotte 229
Bistouri 251-252
Bitte 118
Bizarre 244
Blackbird 91
Blanc 36, 81
Blanchet 144
Blanket 144
Blanquette 144
Bleu 81
Bluebird 91
Blue-jean 326
Blues 321
Boatswain 107
Bocal 233
Bœuf 76
Bolognaise 223
Bone 74
Bookshop 160
Booth 108
Botte 238
Bouc 53
Bouche 74
Boudin 33-34
Bougette 56-57
Bouleau 53
Boulingrin 327
Bourg 79
Boussole 221
Bowling 325
Bowling green 327
Box(e) 309
Brandon 78
Brant 78
Bras 74
Bravade 217
Bread 103
Brèche 81
Brème 80
Bridal 42
Brigade 216
Brigantin 220
Briller 243
Brin 53, 243
Brink 107
Brio 242
Brique 80
Brock 55
Bronze 255
Brouée 80
Brouet 79
Brun 81
Bruyère 53
Bûche 81
Business 327
Buste 250-251
Bustier 48
Butin 78, 138, 191
Butler 140
Caban 188
Cabbage 140
Caboche 140
Cadence 241
Café 184
Café au lait 184
Caillou 53
Caïque 222
Cake 103
Caleçon 249
Calendrier 299-300, 327
Calibre 187
Califat 178
Calife 178
Caliph 178
Calmar 230
Calque 245
Cambiste 240
Camée 250
Campagnol 247
Campari 227
Camphre 180
Candi 186
Candy 186
Canon 217
Canteen 233
Cantilène 218
Cantine 229-230
Canvas 139
Caporal 217
Caprice 48
Car 54
Carabin 238
Carabinier 238
Carafe 232-233
Carafon 232
Carat, Karat 186-187
Cardinal 137
Carène 222
Caréner 222
Caresse 213
Carnaval 241-242
Carne 241, 246
Cartouche 217
Cascade 248
Case 215
Casino 244
Cast 107
Castigate to 262
Casting 109
Catch to 139
Cattle 140
Cauliflower 234
Caution 157
Cave 157
Cédrat 231
Cellar 157
Centiare 300
Centilitre 300
Centimètre 300
Cétacé 119
Chacier 140
Chair 143
Challenge 144
Chamade 216
Chamber 145
Chance 153-154
Chancellor 137
Channel 15, 26, 189
Chaperon 48
Chaplain 137
Chapon 140
Chariot 54
Charme 287
Charrette 54
Charrue 54
Check 191
Chef-d’œuvre 48
Chess 191
Cheval 76
Chianti 227-228
Chieftain 137
Chiffon 10, 158
Chiffre 179
Chimie 177, 179
Choir 285
Chopine 79
Chouette 80
Ciron 80
Cithare 192
Citoyen 300
Clerk 137
Clubiste 301
Coca-Cola 324
Coiffe 81
Coissin 145
Coke 308
Collinaire 248
Colline 248
Colonel 217
Combe 53, 55
Comfort 314
Comité 296
Company 137
Compréhensif 148
Comprehensive 148
Conce 236
Concerned 155
Concerto 218
Conductor 158
Confcall 215
Confection 158
Confetti 241
Confidence 155
Confortable 314
Conservatoire 219
Content 155, 344
Contralto 218
Contrebasse 219
Contrée 96-97
Corbeau 76, 110
Corniche 248
Corridor 254-255
Corsaire 221
Cortège 242
Costume 249
Coton, cotton 188
Cotte 78
Council 137
Countess 137
Country 9, 93-94, 96-97
Courage 287
courtier 240
Courtine 144
Courtisan 240
Couscous 186
Cow 76
Cow-boy 323
CQFD 60
Crabe 80, 119
Crag 55
Cramoisi 246
Crampe 81
Crampon 78
Cream 56
Cresson 80
Crinoline 249
Crique 118
Croocked 109
Crook 235
Crooner 322
Croupe 80
Crown 138
Crumpet 54-55
Crustade 139
Cry to 148
Cuisse 74
Cul-de-basse-fosse 89
Curtain 144
Cushion 145
Custard 139
Custom 137
Dam 75
Damage 150
Damas 188-189
Damask 188
Dame 137
Dancing 321
Dandysme 313
Darse 191
Data 61
Day 76
D-Day 318, 320
Dealer 323
Déchirer 78
Décision 155
Decrescendo 219
Demands 148
Demand to 148
Denim 326
Dent 74
Département 301
Déplaisir 284, 286
Derrick 308
Deux 75
Die 106
Dike 107
Dilemme 14, 61
Diningroom 90
Dirty 103
Disciple 137
Discote 215
Disputation 149
Dispute 149
Disrupter 339
Dix 75
Dockyard 190
Doggy-bag 325
Doigt 11, 74
Dôme 213
Down 108
Doze 106
Drakkar 100, 107, 111
Drei 50
Drink 74
Drisse 221
Droop 107
Drown 107
Ducat 240
Duke 137
Duo 241
Dwelling 108
Dwindle to 262
Eager 141
Eat 74
Ebb 75
Écailles 80
Échanson 79
Échecs 191
Échevin 79
Échine 81
Échouer 117
Éclater 78
Écrevisse 80
Écu 139
Écume 79
Édredon 120
Egg 103
Eight 75
Eleven 75
Elfe 121
Élixir 180
E-mail 17
Embuscade 218
Émigré 301
Émir 178, 190
Émoi 81
Enchanté 287
Énerver 286
Enthousiasme 270
Entrechat 242
Entre-deux-guerres 78, 89
Épanouir 79
Épeiche 80
Épervier 80
Épier 78
Épieu 78
Épinard 183, 211
Épinette 219
Equicoaching 339
Équipe de direction 327
Érable 53
Escadron 238
Escalier 213
Escarcelle 57
Escarmouche 235
Escarol 233
Escarpin 249
Escopette 216
Escorner 141
Escorte 221, 238
Escouade 238
Escrime 238-239
Escroc 235
Espace ouvert 328
Espadon 247
Espus 138
Esquade 238
Esquarre 143
Esquif 221
Esquisse 245
Esquive 239
Esquiver 78
Estafette 217
Estafilade 251
Esteuf 79
Estoquer 78
Estropier 252
Esturgeon 80
Estuver 145
Étalon 80
Étambot 118
Été 76
Étoffe 81, 188, 222, 249
Étonner 286
Étrave 117-118
Eventually 153
Évidence 155-156
Explore to 344
Eye 74
Fabric 158
Façade 213
Facilities 157
Faïence 255
Faint 141
Fair-play 312
Falaise 79
Farde 187
Fardeau 187
Fardel 187
Fashion 313
Fashionable 313-314
Fashion addicts 338
Father 50-51
Fauteuil 79
Favori 240
Feather 52
Feint 141
Ferroviaire 256
Ferry 27-28, 37
Festonné 250
Feutre 81
Fiasco 232
Fiasque 232
Fief 79
Fier 286
Filet 71, 75, 119
Filigrane 245
Finger 74
First 75
Fish 76
Five 75
Flageolet 231
Flan 79
Flatter 81
Flèche 122
Flipper 324
Floréal 300
Florin 240
Flower 142
Foot 74
Football 109, 190, 311
Format 345
Formidable 286
Forte-piano 219
Fortunate 154
Fortune 286
Fouineur 334
Four 75
Fourniture 148
Fourreau 78
Franc-maçon 296
Frasque 242
Freemason 296
Frégate 220
French morocco 189
Freux 80
Frimaire 299
Frimas 80
Fructidor 300
Fugue 219
Fun 322
Gafa 334
Gag 323
Gagnant 328
Gagnant-gagnant 328
Gagner 78
Galet 53
Galoper 78
Gangster 323
Gant 81
Gape 106
Garbe 214-215
Gardien de but 311
Garenne 80
Gasp 106
Gâteau 79
Gaufre 79
Gaze 188
Gazelle 181
Gazette 240
Gazon 80
Geek 335
Gélatine 230
Genou 74
Gentil 138
Gentle 138
Gérance 345
Gerbe 80
Gerboise 181
Gerfaut 80
Germain 65
Germinal 300
Ghetto 236
Gibier 80
Gifle 81
Gift 103
Gigantesque 244
Gilet 188
Girafe 181
Giron 81
Give 107
Glamorous 327
Glen 55
Glisser 81
Globish 338-339
Goal 311
Goéland 55
Golf 309
Gondole 221
Gonze 236
Gonzesse 236
Goose 76
Gore 324
Gorgonzola 225, 228
Goudron 189
Goune 141
Goupillon 120-121
Gown 141
Graffigné 122
Grandiose 244
Grandiosité 244
Grandmother 347
Granit(e) 248
Grant 138
Gratin 298
Gratter 122
Gréement 117
Green 309
Green-eyed monster 262
Grès 79
Griffer 81
Grog 297
Groseille 79
Grotesque 244-245
Gruau 79
Guénel 31-33
Guépard 247
Guère 82
Guerre 78
Guess 103
Guest 103
Guetter 78
Guichet 121
Guide 306
Guile 141
Guimpe 81
Guinder 117
Guitare 192-193
Gull 55
Habeas corpus 61
Habit 157
Hache 78, 83
Hacker 334
Haie 79, 83
Hairdresser 36
Hallebarde 78, 216
Hamburger 324
Hameau 80
Hanap 79
Hanche 81
Hand 74
Hanneton 80
Hanter 121
Happening 109
Happy 103, 109
Harde 80
Hardi 81
Hard rock 322
Hareng 80
Harfang 120
Harnais 121
Harpe 79
Harpon 119
Hasard 153-154, 286
Haubert 78
Haume 83
Haut 218
Haveneau 119
Heart 74
Heaume 78, 85
Hectare 300
Héraut 79
Hermite 137
Héron 80
Hêtre 80, 83
Heurter 81
Highlife 313-314
Hippogriffe 247
Histoire 39, 327
Hobby 311
Hockey 311
Hold-up 323
Homard 119
Honey 76
Honour 138
Honte 81, 83
Hors-d’œuvre 298
Horse 76
Horse-race 91
Hostage 140
Hot-dog 324
Housse 81
Houx 80, 83
Hovercraft 23-24, 26, 37
Huche 79
Huit 75
Hune 117
Hurry to 262
Husband 103, 105, 109
Hyperflexibilité 335
Ice-cream 324
Id est 60
If 53
Ignorer 149
Ill 106
Imbécile 286
Impacter 328
Impotent 149-150
Impresario 243
Improbable 328
Incarnat 246
Incognito 244
Incontestable 270, 272
Industrie 286
Infante 238
Infanterie 238-239
Infantry 239
Inhabiter 157
Initier 328
Innovator 159
In petto 254
Inquiétude 286
Insécure 328
Jalousie 254
Jardin 79
Jarl 115
Jasmin(e) 181
Jazz 321
Jeep 319
Jet 319
Jet-lag 319
Jet-set 319
Jet-society 319
Jockey 309
Jogelour 139
Joker 139
Joli 123
Jour 76
Jour J 320
Journey 158
Juggler 139
Juke-box 324
Jury 295
Just 328
Juste 342
Justice 137
Keepsake 313-314
Keep to 314
Khôl 185
Kid 108
Kidnapping 323
Kilogramme 300
Kilomètre 300
Knee 74
Knife 103
Kohl 185
Lady 158
Lagon 248
Lamb 76
Lampion 242
Lard 158
Lasagne 223
Lècher 81
Legate 137
Leste 252
Leurre 80
Librairie 159
Library 159
Lift 107
Lilac 180
Lilas 180
Lime 182
Limon 182
Limonade 182
Lippe 81
Liquidation 240
Loan 105
Location 157
Loft 109
Loggia 252
Losange 223
Loto 244
Lover 42
Low 109
Luciole 247
Lustre 243
Lut 192
Luth 192, 241
Machiavélisme 234
Machiavellianism 234
Madrague 181-182
Madrigal 241
Maestria 219, 245
Maestro 219
Maf(f)ioso 236
Mafia 236
Mail 14-18
Mailé 340
Mailer 17
Maintenant 88
Majordome 255
Malandrin 235
Malicious 156
Maller 17-18
Management 332, 339, 345
Mandoline 241
Marabout 181
Marais 79
Marchiet 139
Mare 79
Maréchal 79
Margarine 31
Market 139
Marketing 332
Maroquin 189
Marron 231
Marsouin 80, 119
Mascarade 242
Masque 242
Massage 180
Masser 179-180
Master 137
Match 311
Maxime 152, 271
Maximer 302
Mazout 189
Méchant 286
Médaille 250
Medicine 158
Mélèze 53
Melon 184, 233
Mercantile 240
Mésange 80
Messidor 300
Mètre 300
Mettre à sac 237
Mezzanine 253
Mezzo 253
Miel 53, 76
Mijoter 79
Millenium 61
Minutage 327
Mire 238
Misaine 221-222
Mite 80
Moderato 219
Month 76
Morille 80
Motionner 302
Mouf(f)ette 247
Moufle 81
Mouflon 247
Moult 285
Mouse 76
Mousquet 216
Mousse 80
Mouth 74
Mouton 53, 76
Musc 186
Museum 61
Musk 186
Mustard 143
Mutton 76, 143
Nacre 186
Nadir 179
Nager 75
Navire-citerne 318
Net 75
Networking 340
Neuf 75
New 76
Night 76
Nine 75
Nivôse 300
Nord 79
Nose 74
Nouveau 76
Nouvelle 159
Novel 159
Novelist 159
Nuit 76
Numéro 244
Nuque 179-180
Obedience 138
Ocarina 241
Oie 76
Old 76
Oléoduc 308
Omen 61
Opéra 218
Opportunité 328
Opposition 296
Ordiphone 334
Orgueil 81
Ornière 306
Os 74
Ostrogoth 67
Oud 192
Ouest 79
Ouïr 285
Outlaw 107
Ox 76
Oyster 262
Packet-boat 19-20, 22
Padre 50
Palette 246
Pane 226
Panna cotta 226-227
Pantry 144
Paparazzi 243-244
Paquebot 19-22, 31, 40, 128, 297
Parapet 253
Paravent 253-254
Part-time 327
Past 214-215
Pastel 246
Pastèque 184
Pater 50
Patine 246
Pavois 222
Pay 138
Paye 142
Payer 138
Paysan 142
Pédale 256
Peer-to-peer 41, 340
Penalty 311
Pergola 254
Pertuisane 216
Pétrolier 318
Petticoat 144
Phrase 152
Physician 158
Physiquer 159
Piastre 240
Pied 74
Piédestal 255
Pilastre 254
Pilgrim 137
Pilote 213, 221
Pipe-line 308
Pitar 50
Pittoresque 244, 305
Place to be 339
Plage 248
Plateforme 335
Playlist 322
Playroom 90
Plouc 43
Pluviôse 300
Poche 81
Ponche 297
Poor 138
Pork 143
Porte-bonheur 89
Portrait 271
Portulan 221
Positif 156
Positiveman 156
Postiche 250
Pouletrie 144
Poultry 144
Pouzzolane 249
Poverty 138
Povre 138
Prairial 300
Préjudice 150
Premier 75
Presently 153
Presto 219
Prime time 322
Prince 137
Prior 137
Process 150-151
Promiscuity 154
Prophet 137
Proud 138
Prud 138
Pudding 30-34, 37-38, 41, 76
Puddlage 308
Puddler 308
Pumpkin 233
Punch 297
Punchinello 235
QED 60
Quai 56
Quartette 241
Quatre 75, 143
Quay 56
Quintal 187-188
Quintette 241
Race 107
Racket 323
Racquet 192
Radiance 262
Radis 230
Radish 233
Ragionnant 215
Rail 306
Railway 315
Raiponce 230
Raise 107
Raisin 143, 158
Rambarde 253
Ramper 81
Raout 315
Raquette 192
Ratiboiser 78
Raven 76
Ravioli 224
Raviolles 224
Ravissement 286
Read 74
Récit 327
Réconfort 314
Record 311-312
Redingote 31, 298, 343
Reindeer 108
Reître 78
Relief 145-146
Reporte(u)r 313
Résignation 156
Resume to 153
Revival 341
Rich 138
Riposte 239
Risée 119
Risotto 226
Ritournelle 241
Rive 75, 102, 107
Robber 138
Robe 138
Rober 138
Rock’n’roll 321
Roman 159, 271
Romance 159
Root 108
Rosbif 297
Roseau 80
Route 158, 215
Ruche 53
Rude 156
Rutabaga 122
Sabayon 211
Sack to 237
Saint 137
Salami 225, 228
Salle 79
Salsifis 231
Salsify 233
Same 103
Santé 158
Saper 213
Satin 189
Scarole 231
Scénarimage 323
Scenario 243
Schwimmen 75
Scooter 256, 319
Scoot to 320
Scopitone 324
Scorn 141
Scowl 106
Scream 107
See 75
Segmentation 335
Semaine 76
Semonce(r) 145
Semondre 145
Séné 180
Sénéchal 79
Sensibilité 155
Sensible 155
Sentence 152
Sentinelle 216-217
Sept 75
Service 137
Sésame 179
Seven 75
Sexy 326
Sheep 76
Shoppeur 339
Short story 159
Show 322
Shriek 107
Sillet 241
Sire 137
Sirop 183
Sister 103
Sit 74
Skull 106
Slaughter 107
Sleep 74
Slip 325
Slogan 56
Slough 56
Slow 321
Sly 107
Smartphone 334
Smile 103
Socle 213
Soft-skill 42, 339
Soin 81
Solace 141
Soldat 216-217, 238-239
Soliste 241
Solo 241
Sonate 218
Soprano 218
Sorbet 183
Souche 53
Soudard 216
Soulace 141
Soupe 79, 226
Souris 76
Spaceger 214-215
Spadassin 238
Speaker 312
Spiccato 219
Spicy 43
Spinach 183
Spindoctor 342
Sport 308-312
Spouse 138
Sprint 312
Spritz 227
Spritzer 229
Spus 138
Squadron 238
Squire 139
Staccato 219
Staff 327
Stand 74
Starter 310
Start to 310
Steak 103
Stew 145
Stiletto 237, 249
Stinking 55
Stock-option 332
Stocks-option 332
Story 7, 39, 46
Story-board 323
Storytelling 68, 327
Strade 214-215
Strand 75
Strapontin 242
Straque 215
Strette 215
String 325
Strive to 141
Stuc 254
Studio 252-253
Sturm 75
Style 237
Stylet 249
Succès 286
Sucre 186
Sud 79
Sugar 186
Sultan 178
Summer 76
Summer body 43, 340
Summit 262
Summon to 145
Supertanker 319
Supporter 312
Surname 151-152
Svelte 213
Swain 108
Swim 75
Swing 321
Sympathetic 156
Sympathique 155-156
Tagliatelles 223
Take 107
Talc 180
Tambour 186, 192
Tambourin 192
Tank 318
Tanker 318
Taper 78
Tar 189
Tare 187
Tarif(f) 187
Tarragon 183
Team building 339
Teen 50
Teenager 321
Teens 322, 324
Tel 18
Tempête 75
Tempo 219-220
Ten 75
Tender 306
Terrine 298
Their 108
Them 108
Théorbe 241
Thermidor 300
They 108
Think-tank 327
Though 109
Three 50-51, 75
Thriller 324
Thursday 103
Ticket 306-307
Tide 75
Till 109
Tillac 117
Tilt 324
Timing 327
Tique 80
Tiramisù 226
Tir de réparation 311
Tissues 158
Toast 140, 315
Tolet 118
Tongue 74
Tonnelle 306
Tooth 74
Top 10 338
Top down 339
Torse 250-251
Touffe 80
Tour 142
Tourbe 79
Touriste 313
Tower 142
Transatlantique 21
Transbordeur 29
Traust 107
Travelling 323
Traverser 286
Traversier 29-30
Travestir 241
Treasure 138
Trébucher 81
Trémolo 219
Tremplin 213
Trépigner 81
Tri 50
Trio 241
Troènes 80
Trois 75
Tromblon 216-217
Trombone 213, 217
Trop 82
Troupeau 80, 82, 127
Trousers 55
Truck 315, 319
Trust 107
Turf 309-310
Tutti frutti 211
Twelve 75
Twist 321
Two 75
Ugly 103
Unplugged 322
Upcycling 42
Up-to-date 342
Va-comme-je-te-pousse 89
Vague 118
Valise 213, 256
Varech 119
Vater 50
Veal 76
Vedette 243
Vendémiaire 299
Vendetta 237
Ventôse 300
Veray, ai 141
Vermicelle 229
Very 141
Vespa 256
Vespiste 256
Volte-face 239
Voltige 239
Voltiger 239
Voltigeur 239
Vote 295
Wagon 26, 306, 315
Walk 74
War 140
Wardrobe 157
Watermelon 184
Weak 106
Week 76
Weep to 149
Western 323
Window 108
Wing 108
Winner 327
Winter 76
Win-win 327
Workshop 340
Write 74
Zénith 179
Zéro 179
Zon 95
DU MÊME AUTEUR
Les Mots qui ont totalement changé de sens (en collab.), Paris, Le Figaro, coll.
« Mots & caetera », 2020.
Histoire de la langue française. Un vrai roman, Paris, Le Figaro, coll. « Mots &
caetera », 2020.
Les Secrets des mots, Paris, Vuibert, 2019.
Pleins feux sur nos dictionnaires. En 2 500 citations et 700 auteurs du XVIe au
XXIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2018.
Expressions et proverbes disparus de Pierre Larousse (en collab. avec B.
Cerquiglini), Paris, Larousse, 2018.
Nos ancêtres les Arabes. Ce que notre langue leur doit, Paris, J.-C. Lattès,
2017.
Mots, expressions et proverbes oubliés (en collab. avec M. Mettra), Paris,
Garnier/Le Monde, 2017.
Les Mots disparus de Pierre Larousse (en collab. avec B. Cerquiglini), Paris,
Larousse, 2017.
La Guitare, « profusions d’harmonie, contre mon ventre dans mes bras », Paris,
Honoré Champion, 2015.
La Bière (en collab.), Paris, Honoré Champion, 2015.
Le Dico des dictionnaires. Histoire et anecdotes, Paris, J.-C. Lattès, 2014.
Le Champagne, « une pluie d’étoiles à l’envers… », Paris, Honoré Champion,
2014.
À vélo ou à bicyclette, nom d’un tour, Paris, Honoré Champion, 2014.
Journal d’un amoureux des mots, Paris, Larousse, 2013.
Le Jardin « qui repose l’œil sans l’égarer », Paris, Honoré Champion, 2013.
Le Cirque, « féerie… qui me jette dans un état d’émotion étrange », Paris,
Honoré Champion, 2013.
Le Train « grâce auquel l’homme n’a plus rien à envier aux poissons et aux
oiseaux » (en collab.), Paris, Honoré Champion, 2012.
Le Fromage « qui doit tout son mérite aux outrages du temps… », Paris,
Honoré Champion, 2012.
Les Élections ou Comment « s’eslire quelque manière de vivre » ?, Paris,
Honoré Champion, 2012.
Le Chocolat « qui favorise la paresse et dispose à ces voluptés qu’inspire une
vie langoureuse… » ? (en collab.), Paris, Honoré Champion, 2011.
Le Chat, Paris, Honoré Champion, 2011.
Le Vin, Paris, Honoré Champion, 2010.
La Mère (en collab.), Paris, Honoré Champion, 2010.
Le Loup, Paris, Honoré Champion, 2010.
Dictionnaire de la Chine. La Chine des dictionnaires (dir.), Paris, Éd. des Silves,
2008.
Dictionnaire du Japon. Le Japon des dictionnaires (dir.), Paris, Éd. des Silves,
2007.
Dictionnaire de citations de la langue française, Paris, Bordas, 2007.
Les Dictionnaires français. Outils d’une langue et d’une culture, Paris, Ophrys,
2006, prix de l’Académie française.
La Dent de lion, la Semeuse et le Petit Larousse. Biographie du Petit Larousse,
Paris, Larousse, 2004.
Les Néologismes, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », no 3674, 2003.
Pierre Larousse. Du Grand Dictionnaire au Petit Larousse (dir.), Paris, Honoré
Champion, coll. « Lexica », 2002.
Les Dictionnaires de langue française, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », no
3622, 2002.
Les Dictionnaires de langue française (dir.), Paris, Honoré Champion, 2001.
Dictionnaires et nouvelles technologies, Paris, PUF, 2000, prix international
Logos.
À la maison (en collab. avec V. Bizot), Dicojeux, Paris, Hachette, 1987.
Cherchons notre chemin (en collab. avec V. Bizot), Dicojeux, Paris, Hachette,
1987.
Des jours et des saisons (en collab. avec V. Bizot), Dicojeux, Paris, Hachette,
1987.
Vive les sportifs (en collab. avec V. Bizot), Paris, Dicojeux, Hachette, 1987.
Bouquinons et bibliothéquons, Paris, Istra, 1986.
Lectures silencieuses XXe siècle, Paris, Bertrand Lacoste, 1985.
Cent gammes et cent dictées sténographiques inédites, Textes et dessins, Paris,
Bertrand-Lacoste, 1984.
Lectures silencieuses XVIIIe et XIXe siècle, Paris, Bertrand Lacoste, 1982.
Les Mots et moi, Paris, Casteilla, 1981.
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