Conversations
Fanchon
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Préambule
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En « direct live »
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alors.
L’Un, taquin :
‒ Pourquoi, vous la connaissez, vous ?
L’Autre, excédé :
‒ Ben, non, hein, je n’suis pas sourd !
L’Un, hilare :
‒ Et alors, elle me servira à quoi ?…
Variante optionnelle :
L’Un :
‒ Bonjour.
L’Autre :
‒ …ou… a…é… i…or… u
L’Un, précautionneux :
‒ Pouvez-vous articuler, s’il vous plaît, je suis
malentendant…
L’Autre, ahuri :
‒ Hein ?
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Dans le vif du sujet
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décroché du cou vers l’avant…
En fonction de l’importance de l’atteinte, on
distingue grossièrement trois degrés de surdité. La
légère qui permet de se débrouiller ; chez le sujet
suffisamment jeune, le cerveau met en place lui-même
le processus de lecture labiale. Lorsque le second
stade est atteint, en surdité moyenne, c’est
généralement le moment où la nécessité de se faire
appareiller devient impérative pour l’intéressé. Enfin
le troisième stade de surdité profonde… remanie
profondément la vie relationnelle…
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En gros, ça se passe comment ?
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n’y connaît rien.
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c’est sûrement le meilleur refuge à condition de
disposer d’une connexion à la toile… et d’une fosse
septique en conformité à la norme AFNOR. Dans ce
but, vous contacterez, dans les meilleurs délais, le
tout nouveau SPANC (Service Public d’Assainissement
Non Collectif) de votre mairie. Prévoyez un budget
conséquent.
Mais sachez que vous allez décevoir. Ceux à qui
vous êtes cher : commerçants de proximité, conjoint,
enfants, amis. Ils trouveront votre attitude de la pire
ingratitude qui puisse exister. Eux qui s’adaptent à
vos lacunes, à votre distraction, à vos à-peu-près, à
votre lenteur.
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de faiblesse et il vaut mieux éviter de baigner dans
l’illusion. Le moment le plus difficile reste celui où
s’estompent les murmures des enfants (ou des petits-
enfants). Ces instants précieux, ces apartés de
confidences et de petits secrets de Polichinelle qui
tissent les liens de tendresse et de confiance. Lorsque
les chuchotis se font crachouillis il faut s’inventer des
codes pour ne pas laisser place aux larmes
impuissantes. S’isoler avec l’intéressé, si on le peut.
Différer sans casser l’ambiance. C’est l’apprentissage
le plus sensible de son impuissance et la révolte et la
colère n’y changeront rien. Tout doucement vient le
lâcher prise. Il faut un petit temps d’adaptation, car
les enfants, même et surtout les grands adolescents,
vivent dans l’urgence et l’exigence surtout
affectueuses… Avec de la patience, un surcroît de
tendresse viendra compenser la déficience à condition
qu’elle soit comprise de part et d’autre. Il faut du
temps pour admettre l’irrémédiable.
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un match de tennis. Sauf qu’en réunion familiale ou
professionnelle, les protagonistes se limitent rarement
à deux. Lui aussi fatigue. Souvent il sourira ou
approuvera à contretemps, il a cependant son utilité
pour passer les plats et ranger la salle.
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malentendants profonds, armez-vous de pugnacité.
Faites du bruit, criez, pleurez, tapez du poing sur la
table ou roulez-vous par terre. Enfin, manifestez
autant que vous le pourrez vos difficultés de
communication, car personne ne vous aidera à y faire
face, surtout pas vos collègues. N’oubliez pas que la
surdité est réputée risible en vertu de la cause à
laquelle la gent populaire l’attribue. Là encore ce
n’est pas mauvaise volonté mais ignorance. Votre
médecin traitant ne sera qu’un intermédiaire. Rares
sont ceux qui s’intéressent particulièrement aux
surdités. Il vous confiera au bon vouloir de l’ORL,
mais n’attendez pas qu’il cherche à comprendre les
tenants et les aboutissants de votre handicap. Pour
lui, comme pour le vulgum pecus, vous êtes sourd et,
comme vous êtes désormais appareillé, vous entendez.
Normalement. Du moins le croit-il pendant un certain
temps. Vos difficultés relationnelles au travail, qui
vont croître et embellir, il va les traiter, bien entendu,
à coups d’antidépresseurs. Et si vous n’en sortez pas,
le médecin conseil de la Sécu vous enjoindra une
reprise intempestive. Car vous allez répondre à la
convocation d’un psychiatre qui est là pour juger de
votre état dépressif. Mais n’allez surtout pas imaginer
qu’il puisse établir une relation entre votre dépression
et votre handicap auditif. Il n’est pas « autorisé » à
évaluer les conséquences de votre surdité, il n’est pas
ORL, lui. Il se contrefout de votre graphique
d’audition auquel il « n’entend rien ». Vous pourrez
bien lui expliquer, à haute et intelligible voix, qu’avant
d’être sourdingue vous n’étiez pas dépressif. Ce sera
pis, il sera persuadé que vous cherchez le filon pour
vous défiler.
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loin d’être gagné dès lors que votre profession
comporte un aspect relationnel. Reconnu tel, vous ne
manquerez pas de patrons intéressés à employer un
handicapé, pourvu qu’il lui fasse exactement le même
usage qu’un valide… Il faut se faire aider. C’est
possible, légalement depuis 2010.
http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/
Plan_en_faveur_des_personnes_sourdes_ou_malentend
antes_-_10_02_2010.pdf
Le plan est ambitieux, est-il budgété ? Renseignez-
vous et insistez. Car si personne ne peut vous
accompagner, faire des démarches prend vite un tour
cauchemardesque, surtout lorsqu’on vous propose le
téléphone comme intermédiaire ultérieur. Est-ce
comique ? C’est administratif. C’est tout de même un
paradoxe que les administrations renseignent sur des
sites informatisés et ne soient pas autorisées à
communiquer par voie de mails. « On vit une époque
moderne ».
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êtes à la l’AME ou la CMU… empruntez une ardoise et
demandez qu’on vous écrive les questions. Non, ce
n’est pas des bénéficiaires que je me moque.
Pour commencer, les plus coquets pourront se
satisfaire d’intras miniaturisés très discrets.
Souvenez-vous d’un président et des gorges chaudes
qui ont accompagné son incapacité… curieusement il
semble que la prise en compte de la surdité ait connu
un pic à cette époque. Qui sait, peut-être serez-vous
du contingent qui pourra se satisfaire de ces modèles.
Vient, pour d’autres, le moment où il faut passer aux
contours qui développent de plus grosses puissances
adaptées à leurs déficits… jusqu’à vérifier le bon vieux
principe de Peter… Chez les femmes, les ressources
de la coiffure sont là pour effacer des ans… pour les
chauves : il vous reste à assumer !
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ou la transpiration à l’été. Or, tout contact proche de
vos zinzins va déclencher les mêmes sifflements et
autre larsen déplaisants tels celui d’une épaule, d’une
autre tête, ou d’un quelconque coussin… Si vous êtes
un inconditionnel de la piscine et myope de surcroît,
prévoyez un accompagnateur ! Enfin sachez que
certains types d’appareils réagissent à tout ce qui,
dans notre environnement, est mû par un moteur
même discret : frigo, ventilateur, que sais-je ? mais
aussi aux diverses çonneries sonneries.
Un petit truc si vous êtes de ceux qui transpirent
beaucoup de la tête (oui, ça existe), vos appareils ne
supportant pas l’humidité, vous allez devoir les quitter
pour jardiner ou à l’occasion de tout autre effort ou
villégiature estivale. Vous pouvez alors vous munir de
bandes de papier absorbant de 2,5 cm de large. Vous
les enroulerez autour de vos appareils ce qui vous
permettra de les conserver en place sans dommage.
Mais pensez à les changer régulièrement avant
imprégnation complète. De retour au bercail, vous
aurez le loisir de passer vos appareils dans le
dispositif de séchage vendu par votre fournisseur. Les
coureurs de marathon devront impérativement les
quitter.
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Bon, tous ces « petits détails » s’intègrent avec un
peu de temps. Et il serait bien dommage de refuser
l’aide technique pour des raisons de coquetterie. Trop
de personnes démunies sont contraintes à vivre un
cauchemar de solitude, faute de moyens financiers.
Les maisons de retraite en sont remplies, abruties
sous des camisoles chimiques pour des troubles du
comportement qui ne sont pas toujours le fait de
démences séniles. Quand ce n’est pas la famille (les
futurs héritiers) qui limite l’équipement à une seule
oreille et au premier prix alors que l’aïeul aurait
besoin d’un équipement sérieux et bilatéral…
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Ce pourrait être un début…
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Appendicule
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Magique.
20 août 2012
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FIN