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Philippe Lalitte

Centre Georges Chevrier (UMR 5605), Université de Bourgogne


Philippe.lalitte@u-bourgogne.fr

FONCTIONS TONALES ET ARTICULATIONS THEMATIQUES :


QUELLE CONTRIBUTION A LA PERCEPTION DE LA FORME ?

INTRODUCTION
La notion de forme musicale est souvent définie en opposition à celle de syntaxe.
La fonction de la syntaxe serait de régir les relations entre les sons à une échelle
temporelle locale (intervalles, accords), alors que celle de la rhétorique serait
d’organiser les structures à une plus grande échelle (phrases, sections, parties). Selon
Francès, qui assimile la notion de rhétorique à celle de forme, la rhétorique musicale
désigne les rapports « qui s’établissent entre les parties d’une œuvre musicale », alors
que la syntaxe musicale désigne ceux « qui régissent la composition de ces parties »1.
La perception de la syntaxe musicale a été largement étudiée en psychologie
depuis plus d’un demi-siècle2. On sait, par exemple, que les auditeurs sont capables de
percevoir, à un niveau local, les relations entre les notes et les accords d’une même
tonalité (fonctions tonales) ou entre différentes tonalités (modulations). Ces capacités
perceptives sont sous-tendues par un apprentissage implicite – une simple exposition au
système tonal - vécu par tout auditeur occidental, qu’il ait ou non suivi un enseignement
musical approfondi. Il n’en est pas de même avec la perception de la forme. Les
processus qui soutiennent sa perception n’ont pas encore été clairement établis par la
psychologie expérimentale. Les résultats des études passées semblent montrer que
percevoir des structures formelles n’est pas aussi évident que percevoir des relations
syntaxiques simples, même pour des auditeurs expérimentés. Certains auteurs, comme
Levinson (1997)3, vont même jusqu’à mettre en question la nécessité de percevoir les
structures formelles, l’écoute instant après instant suffisant au plaisir musical.
Nier la réalité perceptive de la forme est assez provocateur envers les
compositeurs et les musicologues qui lui accordent généralement une position majeure
dans le processus créateur et dans l’analyse des œuvres. Certes, l’écoute d’une œuvre ne
requiert pas nécessairement d’avoir conscience de l’organisation des idées musicales.

1
R. FRANCES, La perception de la musique (1958), 2e édition, Paris, Vrin, 1984, p. 152-153.
2
Cf. B. TILLMANN et B. POULIN-CHARRONNAT, dans ce volume.
3
J. LEVINSON, Music in the Moment, Ithaca and London, Cornell University Press, 1997.
68 – Musique et sciences cognitives

Pour la plupart des auditeurs « naïfs », le plaisir et l’émotion proviennent d’abord de la


perception des structures syntaxiques à un niveau local. Cependant, cela ne signifie pas
que la forme soit inutile à l’appréciation de la musique. La question se situe peut-être
moins au niveau de la réalité perceptive qu’au niveau des dimensions susceptibles
d’autoriser sa perception. S’agit-il de la mélodie, de l’harmonie, du rythme, de la
dynamique ?
Selon Dahlhaus, la forme, dans sa définition généralement acceptée en
musicologie, « c’est la représentation systématique des types de structures musicales, de
groupement des parties thématiques et non thématiques, et de disposition des
tonalités »4. Cette définition, valable dans le cadre de la pratique analytique, peut-elle
véritablement rendre compte de la forme perçue ? L’étude comportementale5 présentée
dans cet article se propose de donner un éclairage nouveau à cette question en se
focalisant plus particulièrement sur la contribution respective des hiérarchies tonales et
des articulations thématiques.

1 - APPROCHES THEORIQUES DE LA FORME


Dès la fin du XVIIIe siècle, les théoriciens de la musique ont codifié les formes de
la musique tonale. Il faut souligner que l’intérêt pour les structures formelles est né, en
grande partie, de la nécessité de décrire et d’analyser la musique instrumentale qui a pris
son indépendance au XVIIIe siècle. Privés du secours de la sémantique et du support du
texte, les théoriciens ont cherché le plus petit dénominateur commun aux structures
employées par les compositeurs. Ces structures formelles ont été réduites à des
archétypes tels que le rondo, le scherzo, la forme sonate, l’ouverture, etc. Cependant,
des divergences sont apparues dans le choix des dimensions musicales sous-tendant ces
archétypes. Les uns ont fondé leurs analyses formelles sur la structure métrique et la
phrase musicale (l’architectonisme), les autres se sont appuyés principalement sur les
hiérarchies tonales (l’organicisme). Le courant architectonique (Conyus, 1933 ; Czerny,
1849 ; Kirnberger, 1757 ; Koch, 1793 ; Riemann, 1882, Riepel, 1755)6 considère les
formes musicales comme une combinaison de motifs, de phrases et de périodes
organisées en fonction d’un cadre métrique. La forme est assimilée à un plan assorti de
caractéristiques spécifiques (ABA, par exemple). Dans cette optique, la forme est
déterminée principalement par l’organisation thématique que les fonctions tonales

4
C. DAHLHAUS, « Forme », in M. Honegger (dir.), Dictionnaire de la musique, Science de la musique,
Technique, formes, instruments, Paris, Bordas, 1975, p. 395.
5
Cette étude a été réalisée au Laboratoire d’Etude de l’Apprentissage et du Développement (LEAD-
CNRS, UMR 5022) en 2005.
6
G. CONYUS, Métrotectonique de la forme des organismes musicaux, Moscou, Editions musicales de
l’Etat, 1933. C. CZERNY, School of practical composition, 1849, rééd. London & New York, Da Capo
Press, 1979. J. P. KIRNBERGER, Der allezeitfertige Polonaisen und Menuettencomponist, Berlin, 1757.
H. C. KOCH, Versuch einer Anleitung zur Composition, 3 vols., Leipzig, A.F. Böhme, 1782-93, trad.
partielle N. K. Baker as Introductory essay on composition, New Haven, Yale University Press, 1983. H.
RIEMANN, Musik Lexicon, Leipzig, 1882, trad. fr. de G. Humbert, Dictionnaire de musique, Paris, 1897,
3e éd. reprise et augmentée sous la dir. d’A. SCHAEFFNER, Paris, Payot, 1931. J. RIEPEL,
Anfangsgründe zur musikalischen Setzkunst, Regensburg, Johann Leopold Montag, 1775.
Philippe Lalitte, Fonctions tonales et articulations thématiques : quelle contribution à la perception ? –
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viennent renforcer. Le courant organiciste (Marx, 1847 ; Momigny, 1806 ; Salzer,


1952 ; Schenker, 1935 ; Schering, 1911 ; Schlœzer, 1947)7 compare la forme à un
organisme vivant qui se développe à partir d’une matrice harmonique, celle-ci prenant
racine dans la cadence parfaite. La forme d’une œuvre musicale devient moins un moule
à remplir que la manifestation variée de structures harmoniques par diverses techniques
de prolongations. La thématique n’est ici qu’une émanation de l’harmonie.
Les approches plus récentes comme celles de Meyer (1956)8, puis de Lerdhal et
Jackendoff (1983)9, prenant en compte le facteur perceptif, ont tenté une synthèse des
aspects architectoniques et organiques. Les conceptions de Meyer, redevables
notamment de la Gestalttheorie, sont axées principalement sur les concepts
d’acculturation et d’attente. Selon Meyer, un événement musical n’a de signification
que parce qu’il est orienté vers un autre événement musical attendu. Ainsi, le retour au
ton principal infère chez l’auditeur un sentiment de satisfaction dû à la résolution tonale,
alors que la tension naît de l’attente retardée ou inhibée. Le même raisonnement est
appliqué à l’organisation thématique jouant sur les phénomènes de retour et de rappel en
mémoire. Pour capter ces attentes, l’auditeur doit avoir acquis les connaissances
musicales par acculturation. La perception des formes dépend, par conséquent,
essentiellement des connaissances acquises dans une culture donnée. Influencés par le
modèle de la grammaire générative de Chomsky, Lerdhal et Jackendoff ont élaboré une
grammaire formelle explicite (Théorie générative de la musique tonale, TGMT) qui
« modélise la connexion réalisée par l’auditeur entre la surface musicale d’une pièce
telle qu’elle se présente à lui et la structure qu’il applique à cette pièce »10. Les
structures musicales sont décrites en termes de hiérarchies impliquant quatre
dimensions (la structure de groupement, la structure métrique, la réduction des laps de
temps et la réduction des prolongations) contrôlées par plusieurs types de règles (règles
de bonne formation, règles préférentielles et règles transformationnelles). L’avènement
d’une forme musicale dans la conscience de l’auditeur dépend de la captation de toutes
ces hiérarchies. La TGMT a eu beaucoup de succès auprès des psychologues de la
musique car les structures hiérarchiques sont parcimonieuses en représentations
mentales et possèdent de nombreux avantages en termes de traitement et de stockage en
mémoire. Selon la TGMT, l’expérience perceptive des formes dépend en premier lieu
du traitement des informations à un niveau local et en second lieu de la qualité des

7
A. B. MARX, Die Lehre von der musikalischen Komposition, praktisch-theoretisch, Leipzig, Breitkopf
und Härtel, 1841-1847. J.-J. de MOMIGNY, Cours complet d’harmonie et de composition, d’après une
théorie neuve et générale de la musique, Paris, Momigny et Bailleul, 1806. F. SALZER, Structural
hearing: tonal coherence in music, New York, Dover Publications, 1952. H. SCHENKER, Der Freie
Satz, Vienna, Universal Edition, 1935, trad. fr. de N. Meeùs, L’écriture libre, Liège, Pierre Margada
Editeur, 1993. A. SCHERING, Musikalische Bildung und Erziehung zum musikalischen Hören, Leipzig,
Quelle und Meyer, 1911. B. de SCHLOEZER, Introduction à J. S. Bach, Paris, Gallimard, 1947.
8
L. B. MEYER, Emotion and Meaning in Music, Chicago and London, The University of Chicago Press,
1956.
9
F. LERDHAL et R. JACKENDOFF, A Generative Theory of Tonal Music, Cambridge (Mass.), The
MIT Press, 1983.
10
Id., p. 3.
70 – Musique et sciences cognitives

relations entre les unités locales pour que se forment des connexions à un niveau
supérieur. La Théorie générative de la musique tonale a servi de cadre de référence à
tout un ensemble d’études expérimentales sur la perception des formes dont nous allons
brièvement rendre compte maintenant.

2 - APPROCHES EXPERIMENTALES DE LA FORME


La question de la perception des structures à grande échelle a été abordée par les
psychologues à l’aide de différentes méthodes. On peut regrouper celles-ci dans deux
grands paradigmes expérimentaux. D’une part, une approche qui teste la perception des
formes à partir de tâches cognitives comme l’identification, la mémorisation ou la
localisation dans le temps d’éléments thématiques. D’autre part, une approche qui
étudie la sensibilité des auditeurs aux grands arcs de tension, particulièrement ceux
induits par les fonctions tonales, avec des jugements subjectifs de préférence ou de
cohérence, ainsi que des techniques de captation en continu des réactions émotionnelles.
Nous donnerons ici seulement quelques exemples11.
Plusieurs études (Clarke & Krumhansl, 1990 ; Deliège, 1989 ; Francès, 1958 ;
Imberty, 1981 ; Lalitte et al., 2004)12, employant un paradigme de segmentation13, ont
montré que les participants réussissaient à identifier et à mémoriser des idées musicales
avec des pièces tonales, comme avec des pièces atonales. Cependant, les résultats
semblent dépendre de plusieurs facteurs comme la complexité du matériau et de la
structure formelle, la familiarité des participants avec les pièces (nombre d’écoutes
préalables) et l’expertise musicale. Tillmann et Bigand (1998)14 ont testé l’effet de la
cohérence formelle sur la détection et la reconnaissance d’extraits-cibles. Les
participants devaient détecter un extrait-cible, entendu au préalable, dans un menuet
dans sa version originale ou dans une version dont la forme avait été manipulée. La
cohérence globale n’a affecté significativement l’identification des extraits que dans la
version la plus incohérente des menuets (découpage au niveau de la mesure).
Globalement, les musiciens ont eu plus de réponses correctes et ont eu des temps de
réponses plus courts que les non-musiciens, mais de façon marginalement significative.

11
Pour une revue plus complète de la littérature consulter : P. LALITTE, « La forme musicale au regard
des sciences cognitives », in P. Reynal (éd.), Structure et forme : du créateur au médiateur, Actes des 1res
Rencontres interartistiques, journée du 22 mars 2004, Publication de l’OMF, série « Conférences et
séminaires », n° 22, 2005, p. 67-82.
12
E. F. CLARKE et C. L. KRUMHANSL, « Perceiving Musical Time », Music Perception, vol. 7, 1990,
p. 213-253 ; I. DELIEGE, « A perceptual approach to contemporary musical forms », Contemporary
Music Review, n° 4, 1989, p. 213-230 ; R. FRANCES, La perception de la musique, Paris, Vrin, 1958, 2e
édition 1984 ; M. IMBERTY, Les écritures du temps, Sémantique psychologique de la musique, T. 2,
Paris, Dunod, 1981 ; P. LALITTE, E. BIGAND, B. POULIN-CHARRONNAT, C. DELBE, D. A.
D’ADAMO, « The perceptual structure of materials in The Angel of Death », Music Perception, Special
issue Creation and Perception of a Contemporary Musical Work : The Angel of Death Project, vol. 22,
2004, p. 265-296.
13
Dans ce type de paradigme expérimental, on demande au sujet d’indiquer, verbalement, graphiquement
ou en appuyant sur une touche d’ordinateur, les idées musicales, les différentes sections.
14
B. TILLMANN et E. BIGAND, « Influence of Global Structure on Musical Target Detection and
Recognition », International Journal of Psychology, vol. 33 n° 2, 1998, p. 107-122.
Philippe Lalitte, Fonctions tonales et articulations thématiques : quelle contribution à la perception ? –
71

Krumhansl (1996)15 a testé la perception de la forme musicale avec une tâche de


segmentation, mais aussi avec une tâche de pistage de la tension musicale en continu (à
l’aide d’un curseur). Les résultats ont montré que les variations locales de tension co-
varient avec les contours mélodiques et les dynamiques, tandis que les variations de
tension à grande échelle sont associées aux changements de tonalité ainsi qu’aux
variations de tempo.
D’autres études ont manipulé les hiérarchies tonales afin d’évaluer dans quelle
mesure les auditeurs sont sensibles à la cohérence tonale. Cook (1987)16 a montré que la
manipulation d’extraits musicaux, de sorte que la tonalité à la fin de l’extrait soit
différente de la tonalité principale, n’a que peu d’incidence sur les jugements des
participants en termes de cohérence, d’accomplissement, de plaisir et d’expressivité. De
surcroît, la manipulation de la clôture tonale n’a été ressentie que sur les extraits les plus
courts (30 sec.). Des données convergentes ont été rapportées par West-Marvin et
Brinkman (1999)17 avec des jugements explicites sur la manipulation de la cadence
finale. D’autres études (Bigand et Tillmann, 1996 ; Gotlieb et Konecni, 1985 ; Karno et
Konecni, 1992)18 ont exploité des extraits plus longs afin de mesurer l’effet des
manipulations structurelles sur les jugements de plaisir, d’intérêt, d’émotion et de
cohérence. Les résultats n’ont montré qu’un faible effet de ces manipulations sur les
jugements des participants. Bouleverser l’ordre des sections d’une pièce ne semble pas
affecter les jugements d’expressivité et de cohérence. Ces résultats mettent en cause le
rôle des formes dans la perception de pièces tonales. Qu’en est-il avec des pièces
atonales ?
Une étude de McAdams et al. (2004)19 a exploré la sensibilité aux aspects
structuraux et émotionnels d’une pièce atonale créée spécialement (The Angel of Death
de R. Reynolds). Les réponses des sujets ont été enregistrées en continu à l’aide de
joysticks reliés à un ordinateur. Un groupe de participants devait indiquer son sentiment
de familiarité (reconnaissance d’éléments déjà entendus dans la pièce). Un autre groupe
devait indiquer son ressenti en fonction de l’expressivité. Selon les résultats, les courbes
de réponses de familiarité ont correspondu assez précisément à la structure formelle de
la pièce et les moyennes des profils de familiarité ont été globalement plus élevées dans

15
C. KRUMHANSL, « A Perceptual Analysis of Mozart’s Piano Sonata K. 282 : Segmentation, Tension,
and Musical Ideas », Music Perception, vol. 13, n° 3, 1996, p. 401-432.
16
N. COOK, « The perception of large-scale tonal closure », Music Perception, Vol. 5, 1987, p. 197-205.
17
E. WEST MARVIN & A. BRINKMAN, « The effect of Modulation and Formal Manipulation on
Perception of Tonic Closure by Expert Listeners », Music Perception, vol. 16-4, 1999.
18
E. BIGAND et B. TILLMANN, « Does Formal Musical Structure Affect Perception of Musical
Expressiveness ? », Psychology of Music, n° 24, 1996, p. 3-17. H. GOTLIEB et V. J. KONECNI, « The
Effect of Instrumentation, Playing Style, and Structure in the Goldberg Variations by Johann Sebastian
Bach », Music Perception, vol. 3, 1985, p. 87-102. M. KARNO et V. KONECNI, « The effect of
structural interventions in the First Movement of Mozart’Symphony in G Minor K. 550, on æsthetic
preference », Music Perception, vol. 10, 1992, p. 63-72.
19
S. McADAMS, B. W. VINES, S. VIEILLARD, B. SMITHS et R. REYNOLDS, « Influences of Large-
Scale Form on Continuous Ratings in Response to a Contemporary Piece in a Live Concert Setting »,
Music Perception, vol. 22, 2004, p. 297-350.
72 – Musique et sciences cognitives

la deuxième moitié de la pièce montrant une mémorisation du matériau thématique. Les


résultats ont révélé également une dépendance à des variables externes telles que
l’interprétation et l’acoustique de la salle.
Malgré l’aspect assez contradictoire – il faut bien le reconnaître – des résultats, la
possibilité d’une perception des formes musicales n’est pas complètement anéantie. Les
études présentées ici révèlent une sensibilité, même faible, des auditeurs à l’organisation
musicale au-delà de la syntaxe. Nous avons donc tenté de capturer cette sensibilité à la
forme, dans ses aspects cognitifs et émotionnels, à l’aide d’une méthode originale qui
permette de mieux déterminer la dimension musicale susceptible de la porter.

3 - PRESENTATION DE L’ETUDE EXPERIMENTALE


Le matériel expérimental était constitué de deux expositions de premier
mouvement de sonates pour piano de Ludwig van Beethoven : la Sonate n° 21 op. 53 en
ut majeur (Waldstein, 1804) et la Sonate n° 17 op. 31/2 en ré mineur (La Tempête,
1802). Le choix de ces extraits a été dicté par le besoin de contraster le plus possible les
stimuli, aussi bien en termes de mode (majeur/mineur), que de tempo (stable/instable),
de structure formelle (franche/ambiguë) et d’expression (brillante/tourmentée), mais
aussi en fonction de leurs durées équivalentes (2,28 sec.). De surcroît, ces pièces sont
très connues des auditeurs musiciens ou mélomanes, ce qui a permis d’accentuer la
différence de familiarité entre participants experts et non-experts20. L’objectif a été
ensuite de manipuler les structures de hauteurs de ces deux extraits afin de produire
deux « doubles » atonals21 (que nous nommerons désormais, pour des raisons
d’intelligibilité, respectivement Stadwilen et Estempt). Cette opération a été effectuée à
partir des pièces originales enregistrées en MIDIFILE, ce format permettant de
manipuler facilement les structures de hauteurs, sans toucher aux autres paramètres
musicaux (rythme, tempo, articulation, dynamique)22. Les doubles ont été composés
dans un style atonal libre (sans recours à un quelconque système), chaque pièce
possédant sa propre cohérence harmonique. Le nombre et le positionnement des idées
musicales ont été conservés, ainsi que leurs fonctions rhétoriques (présentation ou
répétition variée d’un élément thématique, transition, développement, fonction
conclusive). La figure 1 présente la distribution des classes de hauteurs dans les pièces

20
Nous préférons le terme « expert » pour désigner les auditeurs pratiquant la musique
professionnellement et possédant des connaissances théoriques solides à celui de « musicien » plus flou et
trop connoté. Cinquante-deux personnes volontaires ont participé à l’étude. Trente-six étudiants de 1re
année de psychologie à l’Université de Dijon ont constitué le groupe des auditeurs non-experts (un
questionnaire a permis de vérifier qu’ils n’avaient pas suivi de formation musicale), seize étudiants
préparant le diplôme d’Etat de professeur de musique au CEFEDEM Bourgogne ont constitué le groupe
des auditeurs experts.
21
Nous entendons par ce terme une pièce évitant les hiérarchies et les fonctions tonales, les accords
classés et les cadences.
22
Les MIDIFILES manipulés ont été ensuite exportés en fichiers audio de façon à limiter au maximum la
différence acoustique entre les pièces originales et leurs jumeaux. La manipulation et l’exportation ont été
effectuées avec le logiciel Cubase SX2 (Steinberg), le lecteur d’échantillons Halion (Steinberg) et le
module de sons de piano The Grand (Steinberg).
Philippe Lalitte, Fonctions tonales et articulations thématiques : quelle contribution à la perception ? –
73

originales (Waldstein et Tempest) et leurs « doubles » atonals (Stadwilen et Estempt).


On peut observer que pour ces dernières, les hiérarchies sont quasiment inexistantes. Au
final, les « doubles » exhibent une apparence très éloignée des pièces originales, tout en
conservant une forte similarité de structure.

Figure 1. Distribution des classes de hauteurs de chaque extrait (en haut les pièces tonales, en
bas les « doubles » atonals)
Les participants ont dû écouter trois fois chaque extrait (pièces originales et
doubles). Il leur a été demandé d’accomplir trois tâches différentes pendant l’écoute. La
première consistait à indiquer le plus précisément possible les idées musicales23 (en
appuyant sur la barre espace de l’ordinateur). Pour chaque idée musicale détectée par le
participant, le programme créait un marqueur (un trait rouge) placé sur une ligne
horizontale représentant le déroulement temporel. Cette tâche était réalisée sans pouvoir
arrêter l’enregistrement (tâche online). La deuxième consistait à indiquer l’effet
stimulant ou relaxant de la musique en manipulant un curseur vertical affiché à l’écran.
Lorsque la musique était ressentie comme stimulante, les participants devaient mouvoir
vers le haut le curseur et inversement si la musique paraissait relaxante. Cette tâche était
également réalisée online. La troisième tâche était la même que la première, mais offline
(avec la possibilité d’arrêter l’enregistrement, de revenir en arrière, de réécouter un
passage, de modifier l’emplacement des marqueurs représentant le début des idées
musicales). Ces trois tâches correspondent à différents types de perception de la
musique. Les tâches 1 et 3 capturent une écoute analytique, faisant appel à des fonctions
cognitives (raisonnement et mémorisation), alors que la tâche 2 correspond à une écoute
expérientielle (sentiments et émotions). L’écoute analytique était d’autant plus renforcée

23
Un exemple de ce que signifie une “idée musicale” a été donné à partir d’une autre sonate de
Beethoven afin que les auditeurs non-experts aient bien compris la tâche. Aucune indication n’a été
donnée concernant le nombre et la durée des idées musicales, les auditeurs avaient donc une entière
liberté. Les participants n’avaient aucune indication ni sur le nom des pièces originales, ni sur le
compositeur. Les extraits étaient intitulés pièce n° 1, pièce n° 2, etc.
74 – Musique et sciences cognitives

dans la troisième tâche que les participants avaient l’opportunité de réécouter et de


placer précisément les marqueurs. Cette troisième tâche, étant une forme d’écoute
« réversible » proche d’une analyse musicale « hors-temps », était supposée favoriser
les auditeurs experts. Après avoir effectué ces trois tâches pour les quatre extraits, les
participants devaient indiquer leur degré de familiarité avec chaque extrait (peu familier
ou très familier) et juger de la similarité des extraits présentés par paires (très similaires
ou peu similaires).

4 - RESULTATS DE L’ETUDE EXPERIMENTALE24


Les résultats des jugements de familiarité étaient attendus, puisque les extraits ont
été jugés plus familiers par les auditeurs experts que par les auditeurs non-experts. Les
résultats des jugements de similarité (Tableau 1) ont révélé un effet puissant de la
manipulation des structures de hauteurs chez les auditeurs experts qui jugent comme
très similaires d’une part Waldstein et La Tempête, et d’autre part Stadwilen et Estempt.
Il apparaît clairement que leurs jugements ont été inférés par le contenu tonal ou atonal
des extraits qui a supplanté toute autre distinction stylistique. Les auditeurs non-experts
ont jugé toutes les paires comme étant globalement similaires, montrant qu’ils ont du
mal à établir un jugement. Ces résultats montrent que ni les experts, ni les non-experts
ne se sont rendu compte de la similarité temporelle et formelle entre l’original et son
double (ce qui a été confirmé lors des entretiens qui ont suivi la passation de
l’expérience).

Waldstein Stadwilen Tempête Estempt


Waldstein

Stadwilen Auditeurs experts 25


Auditeurs non-experts 40
Tempête Auditeurs experts 75 25
Auditeurs non-experts 47 27
Estempt Auditeurs experts 25 81 17
Auditeurs non-experts 9 50 44

Tableau 1. Jugements de similarité (en pourcentage) entre les pièces

On peut donc maintenant se demander quel a été l’effet de la manipulation des


structures de hauteurs sur les tâches de segmentation et de réponse continue à la
stimulation. L’analyse des réponses aux tâches de segmentation online et offline

24
Les données statistiques ne sont pas présentées ici de façon exhaustive. Le lecteur désirant avoir toutes
les informations est invité à consulter P. LALITTE, E. BIGAND, J. KANTOR-MARTYNUSKA & C.
DELBE, « On listening to atonal variants of two Piano Sonatas by Beethoven », Music Perception, vol.
26, n° 3, 2009, p. 223-234.
Philippe Lalitte, Fonctions tonales et articulations thématiques : quelle contribution à la perception ? –
75

(Tableau 2) a révélé, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, de très hautes


corrélations entre la pièce originale et son double atonal. Les participants ont donc
localisé les idées musicales globalement de façon identique sans que la manipulation
des structures de hauteurs ait eu un quelconque effet. Ce constat est d’autant plus
remarquable que les deux groupes (sujets experts et non experts) ont répondu
significativement de façon similaire (corrélations à .69 et .93 suivant les pièces et les
tâches). Une forte corrélation entre les tâches online et offline a été observée chez les
non-experts. Les experts ont réalisé les tâches online et offline de façon légèrement
différente. Comme attendu, leurs réponses ont été plus précises dans la tâche offline que
dans la tâche online. Ils ont mieux su tirer parti des possibilités offertes de réécoute, de
déplacement et de repositionnement des marqueurs.

Paires Waldstein/ Tempête/ Waldstein/ Stadwilen/ Waldstein/ Tempête/


d’extraits Stadwilen Estempt Tempête Estempt Estempt Stadwilen
Segmentation Non- .67* .64* ns ns ns ns
online experts
Experts .74* .71* ns ns ns ns
Segmentation Non- .74* .62* ns ns ns ns
offline experts
Experts .88* .82* ns ns ns ns

Tableau 2. Corrélations des segmentations entre les paires d’extraits ; * p < .0001, ns = non
significatif
Les figures 2 à 5 représentent les courbes de réponse à la stimulation auxquelles
sont superposées les localisations d’idées musicales perçues les plus partagées par les
participants. Un simple regard jeté sur ces diagrammes détecte immédiatement la
similarité entre la courbe de l’original et de son double atonal. L’analyse statistique
confirme ce constat intuitif avec des corrélations de .77 pour Waldstein/Stadwilen et de
.93 La Tempête/Estempt. Comme pour les tâches de segmentation, la manipulation des
structures de hauteurs n’a eu que très peu d’effet sur les réponses continues à la
stimulation. On peut constater d’emblée que les réponses des auditeurs sont en
adéquation avec le découpage formel théorique de la pièce. Le contour des courbes de
stimulation de Waldstein et de Stadwilen montre deux grandes bosses et un creux qui
correspondent aux trois groupes thématiques de l’exposition de sonate. Le changement
de dynamique (dolce e molto legato) et le léger ralentissement du tempo qui se produit à
l’apparition du 2e thème ont été ressentis comme « relaxants ». Les profils de courbes de
La Tempête et d’Estempt sont un peu plus complexes, mais reflètent également la
structure formelle des extraits. Les deux premiers pics de la courbe marquent les
changements de tempo (largo/allegro) de l’introduction, alors que le troisième
correspond à la présentation du thème principal à la dynamique forte. La courbe reste
ensuite assez élevée, reflétant le discours soutenu qui enchaîne plusieurs idées musicales
76 – Musique et sciences cognitives

jusqu’à la dernière idée (mes. 75) qui conduit à la reprise de l’exposition dans une
décroissance de la dynamique. En résumé, les réponses à la stimulation semblent plus
inférées par les facteurs dynamiques de la composition (rythmes, variations de tempo,
nuances) et l’organisation du discours (apport de nouvelles idées musicales) que les
aspects mélodiques et harmoniques.
Voyons maintenant comment les idées musicales ont été localisées. Nous n’avons
tenu compte que des idées musicales localisées par au moins 33% des participants
(uniquement dans la tâche de segmentation online). En ce qui concerne la sonate
Waldstein, les idées musicales les plus remarquées correspondent à la reprise variée du
thème 1 (b : 69% NE. et 75% E.)25 et au pont conduisant au Thème 2 (d : 75% et 69%).
Le thème 2 (e : 39% et 94%) et le thème 3 (h : 50% et 75 %) ont surtout été pointés par
les auditeurs experts. Les auditeurs non experts semblent plus sensibles aux idées
secondaires et aux contrastes de surface qu’aux idées principales comme en attestent les
segmentations suivantes : le changement de rythme, mesure 58 (f : 61%), le pont,
mesure 9 (a : 53%), le changement d’articulation, mesure 66 (g : 47%) et le début de la
transition, mesure 23 (c : 42%). Dans la sonate La Tempête, les deux groupes de
participants ont perçu massivement les trois premières idées musicales (a : 75% et 75%,
b : 56% et 69%, c : 69% et 63%) qui concordent avec les changements de tempi. La
présentation du thème principal, mesure 21 (d : 39% et 56%), a été un peu moins
remarquée, alors qu’elle correspond au plus haut pic de réponse à la stimulation. Les
deux groupes ont fortement indiqué la transition, mesure 41 (e : 58% et 50%).
L’ambiguïté formelle de la fin de l’exposition est reflétée par des réponses plus faibles.
Le 2e thème a été pointé par les deux groupes, mesure 55 (f : 33% et 38%), mais seuls
les experts ont localisé la coda, mesure 75 (g : 44%), alors que les non-experts ont été
sensibles à la répétition de la dominante qui précède la reprise de l’exposition, mesure
87 (h : 44%).
Les localisations d’idées musicales perçues dans les pièces atonales
(Stadwilen/Estempt) ont été globalement identiques à celles des pièces originales
(Waldstein/Tempest). Cependant, les réponses des participants ont eu tendance à être
plus dispersées (8 idées musicales dans Waldstein et Tempête, 10 dans Stadwilen et 11
dans Estempt). En ce qui concerne Stadwilen, les idées musicales les plus remarquées
correspondent à la présentation du thème 2 dans le registre grave (e : 78% et 88%) à la
reprise variée du thème 2 (f : 75% et 69%) et à la présentation du thème 3 (j : 64% et
50%). Il est à noter que dans la sonate Waldstein cette reprise n’a pas été perçue comme
une nouvelle idée musicale, alors que dans Stadwilen les participants ne semblent pas
avoir fait le lien entre le thème et sa reprise. À l’inverse, la reprise du thème 1,
fortement pointée dans la sonate Waldstein, n’a été que faiblement indiquée dans
Stadwilen (c : 42% et 38%). Les autres segmentations proviennent des idées
secondaires : le pont précédant le thème 2 (d : 61% et 44%), le pont préparant la reprise

25
NE. = auditeurs non-experts, E. = auditeurs experts ; les pourcentages de segmentations seront tous
présentés dans l’ordre NE./E ; les lettres correspondent aux labels des idées musicales les plus partagées.
Philippe Lalitte, Fonctions tonales et articulations thématiques : quelle contribution à la perception ? –
77

du thème 1 (b : 56% et 44%, a : 42% et 44%), la transition précédant le thème 3 (i : 39%


et 38%) ou par des changements de surface : changement de rythme (g : 39% et 38%),
changement de registre (h : 56% et 44%).

Figures 2 et 3. Courbes de réponses à la stimulation (0 = très relaxant, 9 = très stimulant) et


idées musicales (labellisées a, b, c, etc.) les plus partagées (au moins 33 % des participants) pour
la sonate Waldstein et son double atonal (Stadwilen), experts et non-experts confondus

Figures 4 et 5. Courbes de réponses à la stimulation (0 = très relaxant, 9 = très stimulant) et


idées musicales (labellisées a, b, c, etc.) les plus partagées (au moins 33 % des participants) pour
la sonate La Tempête et son double atonal (Estempt), experts et non-experts confondus
Dans Estempt, comme dans Tempest, les trois premières idées, accompagnées de
changements de tempi, ont été fortement pointées (a : 78% et 75%, c : 56% et 56%,
d : 72% et 69%). Les réponses pour la localisation du thème principal sont encore plus
78 – Musique et sciences cognitives

faibles que pour l’original (e : 25% et 13%). En revanche, la reprise de l’exposition


« oubliée » dans Tempest, a été identifiée comme une nouvelle idée musicale (k : 50%
et 50%). Le deuxième thème a été mieux perçu (h : 47% et 38%). Les autres
segmentations proviennent des idées secondaires : la transition suivant le thème
principal (g : 36% et 38%), les accords répétés avant la reprise de l’exposition (i : 50%
et 56%) ou par des éléments qui ne possèdent aucune fonction structurelle comme des
accords plaqués dans l’aigu forte (f : 47% et 44%), un simple motif dans le grave
(b : 36% et 38%) ou des accords plaqués dans l’aigu (j : 36% et 25%).

CONCLUSION
Les résultats de cette étude plaident en faveur d’une réalité cognitive de
perception de la forme. Les auditeurs n’ont pas localisé les idées musicales au hasard.
Au contraire, on peut même affirmer qu’ils en ont perçu assez finement l’organisation.
Ils ont répondu plus massivement à l’apparition des idées portant les fonctions
thématiques majeures (présentation ou répétition d’une idée), alors que les idées liées
aux fonctions secondaires (pont, transition) ont été moins marquées. La clarté ou au
contraire l’ambiguïté de la structure a eu des répercussions sur les segmentations
effectuées par les auditeurs. Les courbes de réponse à la stimulation ont reflété assez
fidèlement les changements formels. Elles ont notamment permis d’observer que les
auditeurs sont sensibles aux contrastes et aux continuités des idées musicales. Ces
constatations prennent d’autant plus d’importance qu’aucune différence marquante n’a
été observée entre auditeurs experts et non experts que ce soit dans la tâche de
segmentation ou de réponse à la stimulation. L’effet d’expertise a surtout été sensible
lors de la tâche offline dans laquelle les experts ont bénéficié de leur expérience et de
leurs connaissances.
La manipulation des structures de hauteurs, notamment la destruction des
hiérarchies tonales, a eu des conséquences inattendues. Les patterns de localisation
d’idées musicales et de réponse à la stimulation ont été globalement similaires entre
chaque pièce originale et son double atonal. S’il est certain que l’organisation tonale
joue un rôle majeur dans la structuration de la forme, les résultats de cette étude
suggèrent qu’il n’en est pas de même pour sa perception. Cette constatation confirme
d’ailleurs les résultats de la littérature. Alors que les auditeurs sont sensibles aux
hiérarchies tonales au niveau syntaxique, ils semblent moins l’être au niveau formel,
probablement pour des raisons de mémorisation. Bien qu’on ne puisse pas tirer de
conclusion définitive à partir d’une seule étude, la perception de la forme semble plus
inférée par les articulations formelles que par les structures harmoniques à grande
échelle. Il faudra donc confirmer ces résultats par d’autres études.
Une des pistes intéressantes serait d’étudier l’effet des fonctions formelles (dans
le sens d’une rhétorique formelle) sur l’auditeur. L’intérêt d’une telle hypothèse repose
sur le fait que celles-ci s’appuient, au moins en partie, sur des processus non spécifiques
à la musique que l’on retrouve dans de nombreuses formes d’expressions temporelles
(le discours verbal, le conte, la chorégraphie, le dessin animé, le film, etc.). Ces
Philippe Lalitte, Fonctions tonales et articulations thématiques : quelle contribution à la perception ? –
79

fonctions, d’ailleurs, étaient déjà décrites par la Dispositio (l’art d’ordonner les
arguments) de l’ancienne rhétorique (exordium, narratio, confirmatio, confutatio,
peroratio) et, même, appliquées par certains théoriciens de la période Baroque26. Ainsi,
la présentation d’un élément formel (une idée musicale), son intensification par
répétition, variation, prolifération, sa contradiction par l’apparition d’un nouvel élément
contrastant ou par transformation d’un élément préexistant... sont des fonctions
structurantes communes à ces différentes formes d’expression. Tous ces types
d’articulations formelles sont, pour reprendre l’idée de Meyer (1956)27, susceptibles de
créer des attentes et donc de mettre en œuvre des processus cognitifs et émotionnels. Ils
peuvent par conséquent faire l’objet d’études comportementales qui pourraient
permettre une meilleure connaissance de la façon dont l’auditeur perçoit l’organisation
musicale dans le temps.

26
Ainsi, Johann Mattheson analyse les différentes sections d’une aria à l’aide de la dispositio. Cf.
J. MATTHESON, Der vollkommene Capellmeister (1739), Hamburg, C. Herold ; facs. Kassel,
Bärenreiter, 1954, 1999.
27
L. B. MEYER, op. cit.
80 – Musique et sciences cognitives

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