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Cycle 

: Mythes des origines…


… et origine des mythes

Les mythes grecs de la création des Hommes

Les Hommes, création des dieux…

Pour répondre à cette question, nous nous placerons d’emblée… à la mort de l’homme ! Sa
mort programmée, voulue par les dieux, selon les mythologies : le Déluge. Car cette extermination
des hommes ne figure pas que dans la Bible avec Noé comme héros. En fait, on la retrouve partout,
dans chaque grande religion-culture. Dans la société sumérienne le même personnage de Noé
s’appelle Ziusudra, Utnaphistim chez les babyloniens, Manu en Inde, Yima dans l’épopée iranienne.
Et Deucalion en Grèce1.
On peut faire l’hypothèse qu’une telle occurrence dans chaque mémoire collective sous
forme de mythe, semble indiquer une catastrophe sans précédent : fonte glaciaire entraînant une
élévation rapide du niveau des océans, conjonction de longues pluies hivernales et d’étés
désastreux, permutation des pôles magnétiques, chute météoritique créant tsunami et hiver
« nucléaire », etc. L’évènement dût être tellement énorme par ses conséquences qu’il a fait l’objet
d’une transmission sous forme de mythe explicatif avec quelques dieux comme auteur obligatoire,
car il était impensable que la nature seule en fût la cause ; et de toutes façons, la nature elle-même
était une divinité.

…ou de la révolte contre les dieux ?

Mais il faut également « expliquer » la survie du genre humain après une telle catastrophe.
Le même schéma se retrouve : un couple humain prévenu à temps, construit un bateau – arche de
sauvegarde qui permet de préserver des souches animales pour repeupler la terre. Mais pour le
genre humain on est confronté au problème de sa re-création : plutôt que l’inceste biblique, la
mythologie grecque apporte une intéressante réponse à plusieurs niveaux. Elle se présente en forme
d’énigme, mais aussi d’étonnant recadrage par les personnages mis en présence. De plus, ce qui est
particulièrement intéressant, elle ne fait pas l’impasse sur ce qui vient de se passer, une
extermination du genre humain, par les dieux. Mais, au contraire, elle en tire en quelque sorte la
leçon, elle l’intègre de façon originale en inaugurant une optique nouvelle et même révolutionnaire.

Première résurrection des hommes


Il s’agit d’une re-création des hommes, par une métaphore riche de sens. Après le Déluge
(qui dure dans la mythologie grecque 9 j/nuits et qui est causé par Zeus), Deucalion et sa femme
recréent l’humanité mais avec une certaine désinvolture. Et celle-ci n’est pas un détail, surtout
1
Le déluge de Deucalion est censé être postérieur à un autre récit grec de déluge, plus mal connu, le déluge d'Ogygès, et
présente des similitudes avec un mythe mésopotamien décrit dans le Poème du Supersage datant du XVIIe siècle av. J.-
C., dans la légende de Ziusudra repris au XIIe siècle av. J.-C. dans la version assyro-babylonienne "standard" de
l'Epopée de Gilgamesh, ainsi qu'avec la légende biblique de l'arche de Noé dans la Genèse, cette partie de la Genèse se
fondant sur deux sources plus anciennes quasiment indépendantes l'une de l'autre, et n'ayant atteint sa forme définitive
que vers le Ve siècle av. J.-C.
Conférence J. Laffitte Libre Cours 26 04 09
concernant la récréation du genre humain. Cette désinvolture représente peut-être même la
caractéristique centrale de cette histoire. En effet, elle se décline en plusieurs niveaux de sens. Le
premier iconoclasme concerne la modalité : en effet, pour recréer des humains le couple survivant
doit « jeter derrière eux les os de leur mère ».
Cette injonction nécessaire pour recréer l’humanité représente un manque de respect
caractérisé à l’égard des parents et ancêtres, du culte dû aux morts et à la mort, au passé et aux
traditions, le tout constituant il ne faut pas l’oublier la religion. Cela fait beaucoup en un seul geste.
Une manière forte de faire du passé table rase et de repartir sur des bases neuves. Là réside le sens
principal, car en faisant table rase du référent premier (respect des traditions, des cultes, du respect
des morts) c’est en fait des dieux que l’on se débarrasse, de l’ancienne conception des dieux. De
ceux qui ont amené, envoyé le Déluge. Il y a donc de la révolte dans l’air à l’égard des dieux, et de
la religion. Mais comme on ne peut quand même pas tout détruire d’un coup, on traduit cette révolte
contre les dieux en irrespect à l’égard du sacré, du divin.

Deucalion l’iconoclaste
En faisant preuve d’intelligence aussi, car après un Déluge il n’est pas possible d’aller
retrouver la tombe de sa mère. Une voie est donc indiquée là sur la manière dont il faut comprendre
les mythes ou énigmes. Non pas en les prenant au pied de la lettre (comme les religions le font de
leurs textes sacrés) mais en interprétant, et de façon assez habile l’injonction sacrée. On retrouve ce
même genre d’intelligence dans les Contes des Mille et une Nuits où telle tâche surhumaine devient
réalisable en l’interprétant différemment.
Deucalion entendit l’énigme proposée et comprit la métaphore « terre comme mère
universelle » ce qui induit également un rapport quelque peu impersonnel et inaffectif tant par
rapport à la génitrice ou famille, qu’à la terre elle-même. Il ramassa des cailloux et les jeta par-
dessus son épaule, donnant ainsi naissance aux hommes. Sa femme Pyrrha2 faisant de même fit
naître les femmes. Iconoclasme donc dans la désinvolture avec laquelle est traité ce problème de
création-recréation de la race humaine, là où on se serait attendu à force incantations, sacrifices,
promesse de ne pas recommencer, alliance, cultes, etc. De là vient probablement l’expression
« traiter un problème par-dessus l’épaule ».
Attitude iconoclaste dont il faut souligner qu’elle est recommandée, suscitée… par les
dieux ! En effet, l’injonction « Jette les os de ta mère par-dessus l’épaule » vient selon les versions
de Thémis, d’Hermès ou de Zeus lui-même. Or c’était Zeus qui avait décidé le Déluge : on peut
donc y voir, à la fois, une façon de regretter sa décision et de se racheter, mais aussi une distance
voulue et affirmée comme telle à l’égard du culte des ancêtres, et des formes religieuses.
Cette dimension d’irrespect nettement affirmée à l’égard des traditions, ancêtres, dieux, est
soulignée par le fait que Deucalion est le fils de… Prométhée. Et a donc une certaine hérédité en
termes… d’irrespect ! Qu’on en juge.

L’ «  homme  » révolté

Le Rebelle
Prométhée est le premier révolté, en lutte contre l’arbitraire et les oukases des divinités. Il
est une sorte de dieu, mais d’ancien dieu, en fait c’est un dieu déclassé. En effet Prométhée est le
fils d’un Titan. Ceux-ci, issus de l’union de Gaïa (la terre) et Ouranos (la voûte céleste), étaient la
première génération des dieux dont le plus connu est Cronos. C’est Cronos qui séparera Gaïa et
Ouranos, et prendra le pouvoir. De peur d’être détrôné à son tour, il dévore ses enfants ; quand vient
le tour de Zeus d’être dévoré, sa mère, Rhéa, lui substitut une pierre, et Zeus évincera à son tour son
père et prendra le pouvoir. Mais les autres dieux, les Titans se révolteront et il s’ensuivra une guerre
gigantesque, tellurique, qui frappa tellement les mémoires que l’expression en est resté « guerre de
titans ». Vaincus, ces derniers sont enchaînés sous terre, dans le Tartare, donnant lieu notamment à
l’Atlas.
2
Pyrrha, fille elle-même d’Épiméthée, et de Pandora la première femme.
2
Prométhée est le fils d’un des rares titans, Japet, qui se soit rallié à Zeus. Mais Prométhée
aurait été tenté de soutenir et de conseiller les Titans. Ceux-ci l’auraient repoussé non sans mépris et
Prométhée se serait rallié à Zeus. Mais celui-ci lui aurait gardé rancune de son premier mouvement.
Ainsi Prométhée condense-t-il sur sa personne et son histoire, des liens ambivalents pour ne pas dire
conflictuels vis-à-vis de Zeus.
Au point de carrément abuser les dieux : lors de l’établissement de ce qui revenait aux dieux
et aux hommes dans les sacrifices d’animaux, il fait deux tas, le premier de belle apparence ne
contient que les os et la graisse, alors que l’autre comprend la viande et la peau, le tout caché dans
la panse du boeuf ; séduit par le bel amas graisseux Zeus abandonne ainsi la meilleure part aux
hommes.

La question des Sacrifices

Cette question des « sacrifices », de leurs parts et surtout de leurs modalités n’est pas un
détail pittoresque. Il faut bien voir que cela représentait un problème important à plusieurs niveaux :

1) Il s’agissait de réguler le fait de tuer un être vivant, dont on ne savait pas bien déterminer
s’il pensait ou non, (et on ne sait toujours pas jusqu’à quel point), s’il était une divinité
ou non, s’il avait conscience de lui-même, puisqu’on le voyait avoir une mémoire, être
capable d’apprentissage, de domestication, avoir des comportements familiaux, etc.,
comme les hommes. Dans encadrer le fait de tuer des animaux, c’est tuer qui pose
problème, car l’homme est bien connu pour être capable de cela à l’égard des autres
hommes aussi. Il fallait donc décréter un monopole, des rites, etc.

2) Il fallait le faire devant l’assemblée des hommes. Pourquoi ? Parce que visible, cela
devenait le fait de chacun : tuer était un acte commis, assumé par tous. Et l’avantage
escompté était réparti équitablement ou selon des règles acceptées. Ce « vu de tous »
était l’équivalent d’un « pratiqué ensemble » fait par le clergé « à la place de ». C’est là
que se créait le premier droit, dans ce collectif : droit fort, constitué et couvert par le
sacré, le religieux. Mais c’était aussi un droit facilement manipulable car toute foule est
influençable, il suffit de quelques grandes gueules bien placées, quelques petits groupes
et vous obtenez ce que vous voulez. En cela on voit se croiser les dimensions
métaphysique (tuer ou ne pas tuer), sociale (apport de viande), droit (répartition, mais
aussi dîme pour le clergé), légitimité (accord de la foule), légalité (monopole clergé-
pouvoir), auxquelles s’ajoutent enfin les prémisses d’hygiène publique (en un seul lieu,
le temple, par des « professionnels »).

3) Le « sacrifice » devenait par là ferment de cohésion sociale avec le bénéfice du bienfait


stomacal de l’ingestion de protéines (souvent rares en ces temps-là,) et qui ancrait dans
une sensation corporelle agréable ces « plis » que l’on donnait à l’humanité. N’oublions
pas qu’en ces époques-là il n’y avait pas comme de nos jours pléthore de sociétés et
d’administrations : il n’y avait que deux « organisations » qui méritent ce nom : l’armée
qui ne faisait qu’un avec le pouvoir-état, et dans une certaine mesure, mais moindre (et
voulue moindre par l’armée-pouvoir) l’appareil religieux (car pouvant concurrencer le
pouvoir guerrier.

Pour toutes ces raisons, la question des sacrifices était importante et délimitait visiblement,
sur la place publique et avec répartition, la place de chacun. C’est pourquoi l’attitude de Prométhée,
apparaît plus qu’une simple facétie, une véritable prise de position à l’égard des hommes dans ce
geste fondateur de la socialité antique. C’est pour cela que Zeus est réputé avoir été furieux de s’être
fait duper, et que pour les punir, il prive les hommes du feu vital.

3
Du feu de dieux
Mais que croyez-vous qu’il arriva ? Prométhée va-t-il se résigner et laisser « ses » hommes
sans fourrure ni protection ? Non, il va aller dérober le feu aux dieux, le rapporter sur terre, caché
dans une tige de fenouil et le donner aux hommes bien démunis sans cela. Là aussi, c’est un don
symbolique à plusieurs significations. En effet le feu était l’apanage de… Zeus ! C’était lui qui
détenait la foudre, les éclairs, le tonnerre ; la foudre était l’instrument du feu spontané enflammant
tout seul les pinèdes, etc. Donner le feu aux hommes, n’était donc pas anodin, c’était leur donner
l’équivalent de la puissance des dieux. Et pour bien souligner cela, c’est dans la grotte d’Héphaïstos
(plus connu sous le nom de Vulcain) où celui-ci forge les armes des dieux, que Prométhée va aller
voler ce feu. Il s’agit là encore, non seulement d’une entorse au monopole divin, mais bien d’une
rébellion à l’égard des dieux, d’un iconoclasme majeur vis-à-vis de la séparation entre le religieux
et le profane.
C’est vraisemblablement l’irruption du profane, son dégagement du religieux qui est mis en
scène également dans cette série d’épisodes prométhéens. Ce qui est corroboré par le fait que, non
content de leur faire ce cadeau du feu, Prométhée leur transmet aussi les techniques et savoir-faire
artisanaux, notamment la métallurgie. Il leur a enseigné à se construire des habitations, à observer
les astres, à distinguer les saisons, à associer les animaux sous le joug, à atteler les coursiers, à
exploiter les mines. Il a inventé l'écriture, la science des nombres, la médecine, l'art nautique, la
divination. Il dote ainsi les hommes de l’équivalent, sinon de la toute-puissance, du moins d’un
pouvoir et d’une emprise forte sur la matière et le réel.
Rébellion latente, insoumission, on la retrouve a contrario dans l’épisode suivant,
intensément dramatique, puisqu’il nous est dit précisément que, Zeus, irrité contre le comportement
« vicieux des hommes de l’âge de bronze » décide de les exterminer. Par un déluge. Le Déluge.

Hommes, création directe des dieux ?

L’’humanité en quatre âges


Selon une autre version grecque des choses « Il fut jadis un temps où les dieux existaient,
mais non les espèces mortelles. Quand le temps que le destin avait assigné à leur création fut venu,
les dieux les façonnèrent dans les entrailles de la terre d’un mélange de terre et de feu.
Selon un des plus anciens mythes grecs, l'humanité est enfantée par la déesse mère Gaia.
Cette première génération est la race d'or. Ils sont proches des dieux et bénéficient de leurs faveurs.
Ils ne connaissent ni la vieillesse, ni la peine. Ils sont en accord avec la nature environnante et ne se
nourrissent pas d'êtres vivants. Après une vie de joie, ils s'éteignent sans douleur et deviennent de
purs esprits qui apportent le bonheur. Ces hommes incarnent l'idéal Grec.
Zeus crée une deuxième génération d'homme pour remplacer l'or. Après l'or, les dieux
essayèrent l'argent. La race qui en découla était bien inférieure à la première. Ses représentants
s'injuriaient les uns les autres. Ils mouraient également mais leur âme ne survivait pas. Le maître de
l'Olympe constatant leur impiété croissante les balaie de la surface terrestre. Certains les nomment
les "bienheureux des enfers".
Une troisième race fait son apparition: c'est la race d'Airain (ou de Bronze). Dans la
continuité de la déchéance humaine, ils se nourrissent d'animaux tués mais ils sont surtout obsédés
par la Guerre. Ils se rapprochent de plus en plus d'une civilisation humaine. Ils finissent par
s'entretuer jusqu'au dernier.
Vint ensuite la quatrième génération constituée de héros, qui prirent part à des guerres
glorieuses et dont les exploits furent longtemps chantés. Ces héros se sont ensuite retirés dans des
îles paisibles, où ils vivent dans une félicité parfaite.
La dernière race est la nôtre, la race de fer. Ils constituent à ce jour le plus bas échelon sur
les idéaux de l'homme en Grèce. Cette humanité subit des jours pénibles et ne connaît aucun répit

4
dans le travail et la souffrance que leurs ancêtres ne connaissaient pas. Mais le mythe Grec est
cyclique, et théoriquement d'autres prendront la place des hommes du fer3.

Maintenant l’eau….
Zeus était indigné par la conduite impie des hommes qu'il avait pu vérifier chez Lycaon :
déguisé en paysan, il s’était invité chez ce roi qui pratiquait les sacrifices humains et lui servit un de
ses fils pour voir si, étant un dieu, il devinerait ce qu’il lui faisait manger. Zeus réunit les dieux pour
leur faire part de sa volonté de détruire l'humanité. Différentes versions s’opposent sur le point de
savoir si la décision était d’exterminer l’engeance humaine, ou bien si le but était de produire « une
race d'hommes meilleure que la première ». Toujours est-il que la race humaine du moment est en
danger de mort, totale, irréversible puisque décrétée par le roi des dieux, Zeus, lui-même. Bientôt
les nuages s’amoncellent, roulant leurs terribles masses, virant au noir. Allons-nous assister
impuissants à ce funeste malheur, sans le moindre secours ? Non, heureusement, Prométhée est là
et va, une nouvelle fois, sauver l’humanité. Comment ? En trahissant les dieux ! En effet, il avertit
l’homme Deucalion et sa femme Pyrrha de ce qui va arriver : il leur conseille de construire une
arche et leur indique comment faire.
Cependant, du haut de l’Olympe, aidé de Notos, d'Iris et de Poséidon qui commande aux
dieux fleuves, Zeus recouvre la terre sous les eaux, seul restant émergé le sommet du Parnasse.
Deucalion et sa femme y parviennent grâce à l’arche qu’avait construite Deucalion sur les conseils
et selon les spécifications de Prométhée…son père ! On comprend que la désinvolture ou une
certaine indépendance à l’égard des dieux y est un trait de famille. Allié à l’intelligence et même à
la prescience puisque sa mère, Pronoia signifie « prévision, prescience, pressentiment, acte
réfléchi ».

…ou façonnés par Prométhée ?

Ne serait-ce que pour de telles prouesses, Prométhée aurait bien mérité de la reconnaissance
des hommes. Mais il s’y ajoute encore une raison et non des moindres : c’est lui, Prométhée qui est
leur créateur. Comment est-ce arrivé ?

D'après la Théogonie d'Hésiode, c'est Prométhée qui créa


les hommes à partir d'une motte d'argile fournie par Panopée.
Quand les statues d'argile façonnées par le Titan étaient
terminées, Athéna leur donnait la vie en posant sur leur tête un
papillon, symbole de l'âme. Prométhée présentait alors ses
figurines à Zeus qui les approuvait. Un jour, il oublia de montrer à
Zeus un humain particulièrement réussi, Phaénôn « le brillant ».
Zeus le transforma en planète sous le nom de Saturne. Ce fut le
premier conflit réel entre Prométhée, créateur et protecteur des
hommes, et Zeus, le plus puissant des dieux.

Epiméthée, l’insouciant
Quand le moment de les amener à la lumière approcha, les dieux chargèrent Prométhée et
Epiméthée de les pourvoir et d’attribuer à chacun des qualités appropriées. Mais Epiméthée
demanda à Prométhée de lui laisser faire seul le partage. « Quand je l’aurai fini, dit-il, tu viendras
l’examiner ». Sa demande accordée il fit le partage, et, en le faisant, il attribua aux uns la force sans
la vitesse, aux autres, la vitesse sans la force. Il donna des armes à ceux ci, les refusant à ceux-là,
mais il imagina pour eux d’autres moyens de conservation ; car à ceux d’entre eux qu’il logeait dans
3
Le mythe de l’âge d’or – état de nature, connût à nouveau une fortune particulière à la Renaissance avec les lettres et
les découvreurs comme Christophe Colomb.
5
un corps de petite taille, il donna des ailes pour fuir ou un refuge souterrain ; pour ceux qui avaient
l’avantage d’une grande taille, leur grandeur suffit à les conserver, et il appliqua ce procédé de
compensation à tous les animaux. Ces mesures de précaution étaient destinées à prévenir la
disparition des races. Mais quand il leur eut fourni les moyens d’échapper à une destruction
mutuelle, il voulu les aider à supporter les saisons de Zeus ; il imagina pour cela de les revêtir de
poils épais et de peaux serrées, suffisantes pour les garantir du froid, capables aussi de les protéger
contre la chaleur et destinées enfin à servir, pour le temps du sommeil, de couvertures naturelles,
propres à chacun d’eux ; il leur donna en outre comme chaussures, soit des sabots de cornes, soit
des peaux calleuses et dépourvues de sang, ensuite il leur fournit des aliments variés suivant les
espèces, aux uns l’herbe du sol, aux autres les fruits des arbres, aux autres des racines. A quelques
uns mêmes il donna d’autres animaux à manger ; mais il limita leur fécondité et multiplia celle de
leurs victimes pour assurer le salut de la race.

Prométhée, l’intelligent
Cependant Epiméthée, qui n’était pas très réfléchi avait sans y prendre garde dépensé pour
les animaux toutes les facultés dont il disposait. Il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne
savait que faire. Dans cet embarras, Prométhée vient pour examiner le partage ; il voit les animaux
bien pourvus, mais l’homme nu, sans chaussures, ni couvertures ni armes, et le jour fixé approchait
où il fallait l’amener du sein de la terre à la lumière. Alors Prométhée, ne sachant qu’imaginer pour
donner à l’homme le moyen de se conserver, vole à Héphaïstos le feu et à Athéna la connaissance
des arts. Car, sans le feu, la connaissance des arts était impossible et inutile. Et il en fit présent à
l’homme. L’homme eut ainsi la science propre à conserver sa vie.
Quand l’homme fut en possession de son lot divin, d’abord à cause de son affinité avec les
dieux, il crut à leur existence, privilège qu’il a seul de tous les animaux, et il se mit à leur dresser
des autels et des statues.

Et création de la cité (Protagoras de Platon)


« Mais les hommes ne possédaient pas encore la science politique dont l’art militaire fait
partie. En conséquence ils cherchaient à se rassembler et à se mettre en sûreté en fondant des villes.
Mais quand ils s’étaient rassemblés, ils se faisaient du tort les uns aux autres, parce que la science
politique leur manquait, en sorte qu’ils se séparaient de nouveau et périssaient.
Alors Zeus, craignant que notre race ne périsse, envoya Hermès porter aux hommes le
respect et la justice pour servir de règles aux cités et unir les hommes par les liens de l’amitié.
Hermès demanda à Zeus de quelle manière il devait donner aux hommes la justice et le respect.
« Dois-je les partager comme on a partagé les arts ? Or les arts ont été partagés de manière qu’un
seul homme, expert en l’art médical, suffît pour un grand nombre de profanes, et les autres artisans
de même. Dois-je répartir ainsi la justice et le respect parmi les hommes ou les partager entre tous »
« Entre tous répondit Zeus. Que tous y aient part, car les villes ne sauraient exister, si ces vertus
étaient comme les arts, le partage exclusif de quelques uns4. »

Lettres de noblesse de l’iconoclasme

Rebelle aux dieux, favorisant les hommes, grand pourvoyeur de bienfaits, tout à fait réels (le
feu, les arts et techniques dont la métallurgie) et surtout créateur des hommes puisque c’est lui qui
les a créés à partir d’argile, il n’est pourtant pas l’objet de cultes grandioses. C’est en quelque sorte
par le biais de sa collaboratrice Athéna (qui avait participé à la création du genre humain) qu’il est
un minimum célébré à Athènes. Il avait, selon Pausanias, un simple autel dans l'Académie et une
fête annuelle lui était consacrée ; de nombreux tableaux rappelaient le supplice qu'il avait enduré sur
4
PLATON. Protagoras.320.321c

6
le Caucase. Il reste cependant étonnant qu’il n’ait pas été plus révéré. Or, il ne peut s’agir d’un
oubli, surtout en matière religieuse, et avec autant de caractéristiques majeures (création des
hommes, attribution des qualités, etc.). C’est en fait l’irrévérence à l’égard de la religion qui est
affirmée là et qui a droit de cité, au point que les Athéniens donnaient non sans une certaine malice
ou ironie le nom de « prométhées » aux sculpteurs, aux potiers, à tous les gens qui pétrissaient
l'argile. Pourtant l'impiété (lorsqu'un homme ne souscrit pas aux pratiques courantes du culte, ou
qu'il les tourne en dérision) était punissable, Socrate en fut accusé.
Plus même qu’une attitude de modestie de sa part, c’est une dimension laïque qu’on voit
émerger là, et qui est même affirmée comme athée et rebelle à travers sa figure à l’égard de la
religion. Et qui l’est complètement : le culte « mineur » qui lui est consacré n’est pas une
négligence, il devient cohérent. En effet, un culte aurait été en discordance avec son attitude, aurait
même constitué une trahison de sa position éthique en quelque sorte : il serait « passé à l’ennemi »
s’il avait accepté d’être adoré. Il est, sinon le premier athée, du moins une première sorte
d’« agnostique » inaugurant ainsi la condition d’« homme » libre, se détachant de l’emprise des
dieux, et des malheurs qu’ils envoient aux hommes, tels que le Déluge, mais aussi Pandore... !

L’Homme : un ancien dieu déchu  ?

Homme révolté ?
Rebelle, il l’est doublement : par son attitude favorable aux hommes, mais aussi par son
origine puisqu’il est un ancien Titan ou plus exactement fils du Titan Japet. Contre les dieux, contre
leur arbitraire, leurs châtiments, etc., il donne à la rébellion ses lettres de noblesse en même temps
qu’il en symbolise l’origine chez l’homme. En effet, les humains sont sa création, ils entretiennent
avec lui une filiation figurative qui correspond bien à leur envie de se sentir un peu plus que des
animaux intelligents. Les hommes ont toujours rêvé d’avoir un statut mixte, une semi condition
divine. Celle-ci est symbolisée par le « déclassement » de Prométhée père des hommes. C’est peut-
être surtout cela que leur apporte le mythe de Prométhée en plus des outils et techniques qui
représentent l’autre façon humaine d’être ou de se croire (tout) puissants !
Rebelle et iconoclaste, ce sont ces qualités d’âme qui sont magnifiées par sa nature même
puisqu’il n’est pas un homme mais un dieu…déclassé puisque fils d’un Titan. Or, les Titans étaient
les dieux de la première génération, avant les Olympiens (Zeus, etc.), issus comme ces derniers de
l’union de Gaïa (La terre) et d’Ouranos (le Ciel). Prométhée est donc cousin de Zeus.

Ou premier sage ?
On peut penser que c’est donc pour cette propension à la liberté et au non-respect des dieux
et des religions qu’il est condamné à un châtiment indéfini : enchaîné sur un mont du Caucase,
l’aigle de Zeus lui dévore le foie qui se reconstitue chaque nuit, signifiant non seulement la
perpétuité de sa peine mais aussi la tendance-tentation équivalente et continue qui est celle des
hommes, leur rapport ambivalent et contradictoire à l’égard de la religion elle-même, et leur
infidélité à l’égard des dieux.
Il sera délivré par Héraclès qui tue le rapace. Prométhée devient immortel ou plus
exactement il accepte de devenir immortel à la place d’un centaure Chiron qui blessé, souhaitait
mourir. Ainsi cette immortalité après laquelle courent tant les hommes et les demi-dieux, lui,
Prométhée, ne court pas après ; il « l’accepte » par compassion, pour aider quelqu’un qui n’en veut
plus. Dernier iconoclasme de Prométhée, dernier enseignement-mise en garde contre ce « cadeau-
espoir » aussi funeste que celui du « Tous dons » (Pan-dora) : l’espérance que chérissent tant les
hommes qui est de devenir immortel ou dieu !

7
Annexes

Origines du monde :
LA CRÉATION DU MONDE SELON LA MYTHOLOGIE GRECQUE

Il ne faut surtout pas chercher de cohérence dans les mythes grecs. On trouve des versions
contradictoires de la même histoire, ce qui ne semblait pas gêner les grecs.
La création du monde ne fait pas exception à la règle. Comme au cinéma, nous disposons de la
version courte et de la version longue. En fait, l’origine des mythes de la Grèce antique est
impossible à déterminer. En effet, chaque cité a créé ses propres mythes.
Le panthéon des dieux et des héros s’est transmis oralement pendant des générations. Le panthéon
grec était donc déjà bien établi quand les premiers écrits ont fait leur apparition vers 750 avant notre
ère. Nos sources principales proviennent de l’Iliade et l’Odyssée, poèmes épiques d’Homère ainsi
que les textes du poète Hésiode. La version la plus complète sur la création de la Terre apparaît
dans le texte d’Hésiode, intitulé « La Théogonie » c’est-à-dire la « naissance des dieux ».
Du Chaos naissent les dieux
Au début, c’est le Chaos qui règne. Le Chaos est une matière sans forme. La Terre n’existe pas. De
ce Chaos surgit la Terre (Gaïa), Eros (l’Amour), Tartare (les Enfers), Erèbe (les ténèbres qui
recouvrent les Enfers) et la Nuit (l’Obscurité). Comment naissent-ils ? Nul ne le sait.
Toujours est-il que de l’union de la Nuit et d’Erèbe, naissent le Jour, la Lumière, la Ruine, la Mort,
la Souffrance, la Tromperie et la Discorde. De la Discorde naissent le Meurtre, le Carnage, le Crime
et le Combat.

Fresque de la Salle des Géants qui


représente les dieux de l'Olympe

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Gaïa soutient Ouranos (le ciel) au-dessus d’elle. Les premiers dieux naissent de l’union de Gaïa et
d’Ouranos :
 3 Cyclopes (créature avec un seul œil)
 12 titans (géants à forme humaine)
 3 Hécatonchires (monstres à 50 têtes et 100 bras)

Les Cyclopes
Le mot « cyclope » signifie « à l’œil rond ». Ce sont des géants avec un seul œil au milieu du front.
Aussi grands que des montagnes, ils possèdent une force fabuleuse. Les 3 premiers cyclopes sont :
Brontês (le tonnerre) / Stéropês (la foudre) / Argês (l’éclair). Ce sont eux qui fabriqueront plus tard
les éclairs dont Zeus se servira pour punir les hommes.

Les Titans
Ce sont la deuxième génération de dieux. Il y a 6 garçons et 6 filles (les Titanides). Parmi les Titans,
Cronos est le plus rusé.
Ouranos est très déçu de sa progéniture et on le comprend. En principe, on dit tel père, tel fils mais
dans ce cas, Ouranos ne se reconnaît pas dans tous ces monstres. A chaque naissance, il envoie le
chérubin dans le Tartare (les Enfers). Gaia, en bonne mère, est folle de rage et veut se venger de son
mari. Elle demande l’aide à ses enfants.
Cronos accepte de lui prêter main forte. Rappelons que tous ses enfants sont en elle puisqu’elle
représente la Terre mère. Gaia fabrique une faucille en silex que Cronos doit utiliser pour émasculer
son père. Au moment où Ouranos revient vers Gaia pour remplir ses obligations d’époux, Cronos
castre son géniteur et envoie ses parties génitales dans la mer. Du flot de sang versé dans la mer,
naissent d’autres monstres : les Géants et les Furies. De l’écume de la mer, naît également la déesse
Aphrodite (futur déesse de l’Amour).

La naissance des dieux de l’Olympe


Après avoir éliminé son père, Cronos se proclame roi du Ciel. Il épouse sa sœur, Rhéa, une titanide
et font beaucoup d’enfants. Mais, Cronos sait, par une prédiction, que l’un d’entre eux finira par le
tuer. Pour se protéger, il avale chaque nouveau-né dès sa naissance.
Rhéa demande conseil à ses parents, Gaia et Ouranos, qui entre temps se sont réconciliés et
ensemble, ils mettent au point un plan machiavélique.
Quand Rhéa accouche de son sixième enfant, Zeus, elle le cache sur l’île de Crête. A sa place, elle
donne à Cronos une grosse pierre enveloppée dans un linge. Cronos avale la pierre et Zeus peut
tranquillement grandir sous la protection des nymphes.

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Zeus

Devenu adulte, Zeus s’allie à sa grand-mère, Gaia pour se venger de son père. A eux deux, ils font
vomir Cronos qui rejette ses enfants. Les cinq bébés, qui ont grandi en lui, naissent adultes et
deviennent, avec Zeus, les premiers dieux de l’Olympe :
Héra : déesse du mariage et de la famille / Poséidon : dieu de la Mer / Hadès : dieu des Enfers /
Hestia : déesse du Foyer / Déméter : déesse du Blé et de la Moisson

Hestia. Motif d'une poterie

Après avoir castré son père, Cronos, Zeus engage un terrible combat contre les Titans dont il sort
victorieux. Il les jette dans le Tartare (les Enfers).

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