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Les Rois africains de l'Antiquité

Nos ancêtres
les Rois numides

ou

les Aguellids des Imazighen

(du 3eme siècle avant J.-C. au 1er siècle après J.-C.)


Mahfoud Ferroukhi

En hommage à Monsieur Sid Ahmed BAGHLI


(juillet 1933-février 2009)

Photo de SA

« II n 'a dansé qu 'un seul été »

Sid Ahmed,
A mon frère beau,
Je m'amuse avec les mots.
Comme tu te jouais de la vie et de ses maux !

A la veille de ce printemps, 1 Algérie a perdu l'Un de ses Fils ; Un être


engagé, de grande Culture. Un Hot/ibre, un Fidèle. Pas un hominien de
pouvoir, juste un Homme d'Etat ; Naturellement, le spectre de la
Sagesse !

Ce mois de Février 2009, pour Hiba, Oua hiba, Nadia : volatilisé. Tu


t'en vas, à petits pas discrets ; pour te faire oublier. Mais nous finirons
tous, comme toi, de remémorer : Qu 'il n 'a dansé qu 'un seul été...

Au Maître des Muses, de l'Amuse et de l'Art Maghrébin, Je te requiers :


« kumblitude », solitude, est-ce toujours Sain ? A mon cher Sid Ahmed,
l'Algérien, Mon ami ou Rien.

Mahfoud Ferroukhi

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SOMMAIRE

Préface de Madame Khalida Toumi, Ministre de ia Culture

Introduction
I. LES ROIS AFRICAINS : ENTRE LE GLAIVE ET LA PLUME
Royaumes et territoires
Les premiers Aguellids et les guerres d'indépendance (3^/2™" siècle av. J.-C.) Gaia et
Syphax Massinissa Micipsa
Iugurthen ou Jugui tha La seconde dynastie des
Rois (1er siècle av. J.-C.)
er
De Gauda à Juba 1
Hiempsal (H) -
Juba 1er
L'interrègne des territoires africains
Iouba dit « le roi savant »
Le portrait de Volubilis : le vrai visage du roi
Le dernier des Ptolémée, l'héritier du trône
Le portrait du prince Reines et princesses des royaumes (3 é™ siècle av. av. J.-
C/l™ siècle ap. J.-C.)
Sophonisbe, une reine Africaine d'exception
Cléopâtre Séléné, la reine des reines
Glaphyra de Cappadoce
Urania, reine de Maurétanie
Les princesses de Caesaiea : Drasilla et Cléopâtre EX

H. INFLUENCES ET CROYANCES
L'influence gréco-orientale
Des Grecs chez les Numides Le culte
royal
Type iconographique divin adopté pour les portraits des rois Le roi Jugurtna en
prêtre numide (?) Princes ou divinités en Marmor numidicum Le sanctuaire
royal de Iol-Cassarea
Des statues provenant du sanctuaire
La nouvelle staUie du roi Iouba
Le torse jumeau de la statue
La statue colossale d'Héraclès
L'Héraclès de Cherchell
Une reine en Coré
Séléné : l'Aitérnis de Cherchell Le mystère des
tombeaux royaux africains Le Medracen (Madghassen)
Le tombeau royal près de Iol-Cfesarea Le mausolée de la
Soumâa du Khroub Le mausolée de Beni-Rhenane (Siga)

Conclusion

Sources et bibliographie choisies

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Préface
Madame Khalida Tomni, Minisu'e de la Culture

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Introduction

Le thème des rois numides et de leurs guerres contre Cartilage et Rome est connu depuis l'Antiquité.
Depuis plus d'un siècle, différents auteurs ont produit quelques connaissances sur les Numides,
quoique parfois obsolètes aujourd'hui. Mais s'attarder sur certains points remarquables de l'histoire qui
méritent des éclaircissements, nous conduit à nous interroger sur l'authenticité de certaines hypothèses
historiques. C'est aussi en identifiant scientifiquement les trésors légués par les ancêtres de l'Algérie et
du Maghreb que nous pourrions entrevoir les racines d'un peuple qui se reconnaîtra davantage dans
son histoire séculaire de l'Afrique et de la Méditerranée.

L'héritage légué depuis l'Antiquité par le peuple numide* (les Imazigheh) et ses rois, partie intégrante
de l'identité algérienne et maghrébine, reste pauvre car mal exploité ou pas exploité du tout. Bien sûr,
on a souvent préféré Timgad ou Djemila à Cirta ou Madame, Tipasa à Iol-Cassarea-Cherchell ou
encore Portus Magnus (Betthioua) à Siga. Alors, si l'importance patrimoniale est certainement égale,
par rapport à Tipasa, Cherchell fait partie intégrante de l'identité algérienne, historiquement, de
l'origine même de l'Algérie et de son peuple.

Cependant, le travail de la reconsidération historique demeure une entreprise fastidieuse et le risque de


prises de positions subjectives existe comme, parfois, les considérations politiques peuvent entrer
enjeu ainsi que nous le révèle souvent l'histoire. C'est ce que nous éviterons ! Le passé peut expliquer
une situation, un processus ; il peut, naturellement, favoriser une prise de conscience nationale ou
ethnique, mais il ne justifie ni le présent ni encore moins l'avenir. Or, nous retrouvons souvent, dans
des argumentations présentant des données archéologiques, une tendance à s'appuyer sur des
revendications territoriales, ethniques et même raciales.

Après la chute des grands empires coloniaux au 20^ siècle, de nombreuses revendications nationales et
ethniques ont vu le jour. L'archéologie se trouve alors impliquée dans ces revendications. Le cas est
relativement perceptible au Canada ou aux Etats-Unis, avec des réalités culturelles contemporaines,
tels les mouvements ethnicistes amérindiens. D'où l'importance de cette science complexe qui étudie
l'Homme.

L'intérêt pour le passé correspond aussi à la maturation politique d'un peuple, il semble fondamental
de maîtriser son identité. Il arrive que le patrimoine archéologique d'un territoire appartienne, selon
certains, à la nation qui se l'est approprié, et non à ceux qui l'ont peuplé. Citons l'exemple de la Sibérie
Orientale où l'on décide que la civilisation serait venue de l'Ouest, cela pour justifier, par l'archéologie,
l'emprise msse sur ce territoire durant la dure période du conflit sino-soviétique.

Le cas de l'Algérie illustre aussi ce phénomène ; les archéologues français ont tenté de justifier la
colonisation à ftavers l'histoire. Dans cette situation, comme bien d'autres, nous
Tous les Berbères sont des Numides, mais ces derniers ne sout pas que des Berbères.

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voyons bien que la tentation idéologique l'emporte sur la rationalité scientifique. Maintenant les
Algériens, à l'opposé et à juste titre, veulent ancrer leur nation dans un passé préhistorique et
historique. Cependant, beaucoup continuent à regarder Massinissa comme un traître ; et même Iouba*,
leur ancêtre le Numide, est souvent considéré à la solde d'un peuple étranger et d'une civilisation
colonisatrice. En est-il vraiment ainsi ?

Il nous faut reconnaître que depuis quelques années, le monde scientifique accorde volontiers certains
signes inconditionnels aux rois numides et se s'interroge timidement sur le degré de leur culture.
Évidemment, si nous devons tenir compte des sources écrites qui sont arrivées jusqu'à nous et qui
proviennent exclusivement d'auteurs latins et de quelques Grecs !

L'absence de sources puniques et numides rend l'histoire de l'Afrique du Nord fragmentaire, soumise à
une vision uniquement romaine qui n'est pas toujours dénuée de partialité. Remarquons également que
les auteurs latins consacrent des chapitres ou des livres entiers aux royaumes de Numidie et à ses
princes uniquement durant les guerres qui les ont souvent opposés à Rome et à Cartilage. Autrement,
la littérature ancienne concernant les rois numides est plutôt faible.

D'autre part, certains faits historiques relatés par les historiens modernes sont avérés alors que d'autres
sont totalement inconnus et ne doivent être considérés que comme des hypothèses, parfois sans
fondement objectif. Pour cela, les données archéologiques se révèlent parfois d'une importance
capitale et décisive. Il ne reste que l'archéologie pour mettre en lumière toutes les zones d'ombre
enfouies sous terre, et rendre lentement aux cités royales leur puissance d'antan.

Ainsi, en compulsant la littérature concernant les Numides et leurs Aguellids* comparée à l'étude des
monuments, de la sculpture et des milliers d'objets archéologiques de cette période, la relecture à
travers les traces de cette civilisation facilite, évidemment, la remise en ordre. Les récentes recherches
sur une partie des trésors des rois numides révèlent également la méthodologie déficiente sinon
aporétique de certaines études anciennes référentielles qui concernent les Numides et leurs royaumes ;
une méthode traditioimelle, trop romano-centriste, qui se fonde essentiellement sur des analyses
stéréotypées.

Ce type d'approche est totalement inadapté dans le cas qui nous intéresse. Le nouveau regard que nous
porterons sur la famille royale numide et surtout sur l'art de la cour de Massinissa à Iouba nous indique
que la liberté de pensée de leur peuple et leur indépendance prévalait avant tout, même au prix de leur
propre vie.

Iouba ou loba est le vrai nom du roi dit « Juba JJ ». Dans le texte, vous trouverez dorénavant Iouba pour Juba U et
son père : Juba 1er. Aguellid : Chef suprême ou le grand César, en fait c'est le roi chez les Africains.

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Certains éléments de l'histoire se distillant aujourd'hui, et, de jour en jour, à travers la relecture des
textes et des documents archéologiques, ceux que l'on a longtemps considérés comme des rebelles et
des barbares apparaissent en réalité connue appartenant à une véritable et grande culture africaine.

Braves, téméraires, cidtivés, les monarques numides disposaient d'une fertilité intellectuelle qui les
protégera davantage de l'emprise des empereurs romains, alors maîtres du monde. La littérature et l'art
les nourrissent et rendent féconde l'expression d'ime civilisation propre à l'Afrique du Nord : celle des
rois Numides.

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« Grandes régions voisines du monde, Que le Nil, prenant sa source à partir
de l'Ethiopie des Noirs, partage, Vous avez créé des rois communs aux deux
à travers le mariage,
Faisant ainsi des Egyptiens et des Libyens une seule race. Laissez les
enfants des rois à leur tour, héritages de leurs pères, Mener un règne
solide sur les deux territoires. »

Crinagoras, poète grec du 1er siècle avant J.-C.


Originaire de Mytilène, île de Lesbos

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I. LES ROIS AFRICAINS :

ENTRE LE GLAIVE ET LA PLUME

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Royaumes et territoires

Des lointains horizons de l'histoire antique de l'Afrique du Nord {Africa), l'Algérie a vécu l'une des
plus belles et longues pages de son existence, celle des rois numides, période qui s'étend du 4 eme siècle
av. J.-C. jusqu'en 40 de notre ère. Même si leurs souvenus lointains sont peu rapportés ou méconnus, il
n'empêche que Syphax et Massinissa, Micipsa puis Jugurtha et tous les dynastes Africains jusqu'à Juba
1er et son fils se sont distingués par leur bravoure et leur culture. Ils ont marqués à tout jamais leur nom
dans l'histoire de la civilisation méditerranéenne.

Mais qui sont ces rois qui régnèrent en Afrique durant plusieurs siècles ? Coimnent, malgré la
domination romaine sur le reste du monde, et même après la destruction de Caithage, résistèrent-ils
jusqu'au sacrifice de leur vie ? Avant l'arrivée des envahisseurs romains en Algérie et au Maghreb,
c'est-à-dire au 3™ s. av. J.-C, les habitants étaient libres et divisés en plusieurs tribus qui se
partageaient l'ensemble des territoires. Ces tribus s'unifiaient puis se séparaient jusqu'à parfois s'allier à
l'ennemi, dans le but de revendiquer la suprématie de l'un ou de l'autre des Chefs sur ses rivaux.

Pour les Anciens, les territoires qui correspondent au Maghreb actuel s'appelaient la Libye comme
l'indiquent les sources grecques qui parlent de conttées occupées par les Libyens ou Lubiens. Hérodote,
au 5™* av. J.-C, nous a livré un aperçu sur le cadre de vie et sur les habitudes des habitants de
l'Afrique du Nord : "A l'Est du fleuve Triton, vivent les Maxyès, peuple de laboureurs sédentaires
possédant des maisons. Selon la tradition, une moitié de leur tête est rasée, l'autre moitié arbore une
longue chevelure ; ils se teignent le corps au henné. Ils prétendent descendre des Troyens. La région
où ils vivent, montagneuse, plus boisée que le territoire des Nomades, plat et sablonneux, comme
d'ailleurs le reste de la Lybie vers le Couchant, abonde en fauves et animaux sauvages de grande taille
: lions, éléphants, ours, ânes cornés, cynocéphales, serpents . . . "

C'est dans l'Enéide, les récits de Virgile, que nous trouvons trace, semble-t-il, du premier persomiage
historique du territoire occupé par l'Algérie actuelle, Hiarbas ou Iarbas, roi de Gétulie, ancienne
contrée de l'Afrique en bordure de l'Atlas saharien. Selon Virgile, Hiarbas, fils de Jupiter Amon et
d'une nymphe, demanda à la princesse carthaginoise Elissa Didon de l'épouser, vers le début du 8 ème s.
av. J.-C. (?). Ayant rapidement essuyé un refus, Hiarbas déclara la guerre à Carthage. D'autres diront
de ce roi qu'il fut celui d'une peuplade dite des Maxitani ou des Mazyes, nom que se domiaient
certaines populations nord-africaines.

Autrement, l'épisode est présenté ainsi par une ancienne Œuvre grecque : « Des envoyés de Hiarbas,
chef de la tribu (Maxyés) arrivèrent à Carthage pour demander la main de Didon au nom de leur
maître . . . Mais ils n'osèrent pas brusquer les choses et cherchèrent un détour. Ils feignirent d'être en
quête d'un prince qui consentît à enseigner à Hiarbas et à ses sujets les moyens de vivre d'une
manière moins barbare . . . ».

Plus tard, d'après Polybe, historien grec, né vers la fin du 3e™ s. av. J.-C. et connaisseur de l'Afrique
pour y avoir séjourné, le premier roi des Massyles fut Navarase, beau-frère d'Hannibal (247-183 av.
J.-C.) grand général et homme d'Etat carthaginois. Après la première guerre punique (264-241 av. J.-
C.) Carthage dut faire face à la guerre de mercenaires, et fut aidée, selon la même source, par les
cavaliers numides du prince Navarase. Cela paraît un peu mythique !

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Vers l'an 40 av. J.-C, l'hoinnie politique et historien romain Salluste (86-35 av. J.-C.) confirme dans
son œuvre les guerres de Jugurfha (Bellm/i Iugurthinum) que les premiers habitants de l'Afrique du
Nord étaient appelés les Libyens, devenus par la suite les Numides.

En fait, ce n'est que depuis la seconde guérie punique (218-201 av. J.-C), ce conflit entre Rome et
Carthage, que les sources anciennes mentionnent réellement des royaumes organisés en Afrique du
Nord. Dès lors, nous pouvons parler de la Numidie et des Aguellids qui étaient les rois Africains des
Imazighen (singulier Amazigh) ou "hommes libres". L'histoire de l'Algérie avant l'ère chrétienne, et
par là même celle de la Méditerranée, a été marquée pendant près de trois siècles par l'hégémonie sur
YAfrica de ces rois autochtones du peuple numide.

Les territoires des royaumes, fluctuants parfois, occupaient presque toute l'Afrique du Nord. Si nous
excluons l'enclave carthaginoise à l'extrême Est et les Marnes* qui régnaient sur la façade atlantique
de l'Afrique du Nord, la majeure partie du Maghreb central correspondait aux territoires numides. Le
royaume de Maurétanie se cantonnait à l'ouest, depuis le fleuve de la Moulouya jusqu'à l'océan
atlantique. Le Sud quant à lui était occupé par une peuplade peu connue qu'on appelait les Gétules et
qui s'est intégrée progressivement aux numides. Ainsi, la région immense comprise entre Tabarka
(Tunisie) et la Moulouya (Maroc), soit un peu plus que le territoire de l'Algérie d'aujourd'hui, formait
la Numidie.

Malheureusement, ce n'est qu'à travers le regard des Romains que nous apprenons certains faits sur les
rois du Maghreb antique. En suivant les récits, nous comprenons comment les guerres civiles,
allumées par les rivalités entre les empereurs et chefs romains (Marius et Sylla, César et Pompée,
Auguste et Marc-Antoine), profitèrent aux rois mais vinrent à leur tour diviser l'Afrique. Ces ancêtres
de l'Algérie et de l'Afrique ont toujours tenté de maintenir indépendantes leurs terres jusqu'en 42 ap.
J.-C, date de l'annexion par Rome des ultimes territoires souverains d'Afrique du Nord, après
l'assassinat par l'empereur Caligula du dernier des rois Numides (40 ap. J.-C.) : Ptolémée, fils de
Iouba.

Maure : du mot grec MA VPOS qui signifie « le noir » ; pour le royaume maure, voir la carte des royaumes.

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Nous ne connaissons que peu l'apparence physique de ces rois, car l'unique source iconographique qui
montre leur visage est celle des pièces de monnaies, trouvées en Afrique du Nord et en Méditerranée.
En général, elles portent le profil d'un visage avec le nom gravé et parfois l'année du règne.

Un premier regard sur les profds des rois nous permet de constater que, dès l'apparition des premières
frappes monétaires numides de Syphax ou de Massinissa au 3^ siècle av. J.-C, la numismatique des
royaumes favorise le profil gauche sur les effigies des souverains. Cette préférence se retrouve de la
même manière sur les profds des monnaies grecques depuis le roi Philippe II de Macédoine, père
d'Alexandre le Grand. Chez les rois numides, c'est beaucoup plus tard, particulièrement avec Juba 1er
(60-46 av. J.-C), que le profil préféré sera le droit. Plus tard, toutes les effigies monétaires des rois
vont garder ce profil, le gauche étant très rarement représenté.

La seconde remarque concerne le diadème ou le bandeau royal (en grec : tainia), en général un tissu
en lame avec des extrémités tissées ou brodées. Ce signe de royauté apparaît dans le monnayage
numide vers la fin du 3e s. av. J.-C. Syphax est le premier à le porter alors que les effigies de
Massinissa sont encore plutôt lamées. Ce n'est que dans la seconde moitié du second siècle avant notre
ère que Micipsa puis Jugurtna exhibent de nouveau le bandeau au royaume des Massyles de l'Est.

Dans le même temps, en Maurétanie, petit territoire à l'ouest de l'Afrique du Nord, la dynastie des
Bocchus (118 à 33 av. J.-C.) ne présente aucune effigie diadèmée, ni laurée, d'après les documents
connus. Le diadème réapparaît de nouveau sur les productions monétaires royales d'Afrique du Nord,
seulement à partir de 25 av. J.-C, avec le plus savant des rois : Iouba.

Vers la fin du 1er s. av. J.-C, l'hégémonie militaire et culturelle de Rome est quasiment totale sur les
états du pourtour méditerranéen. A ce moment, l'un des rares sinon l'unique territoire qui demeurera
encore indépendant est le royaume Africain

C'est à travers ce que nous révèlent les documents archéologiques que nous arrivons à mieux découvrit
la personnalité de ces rois et les ambitions socio-culturelles qu'Us véhiculaient. Les monuments et
objets archéologiques qui ont traversé le temps jusqu'à nous montrent le haut degré de civilisation
atteint par les Numides dont il est aujourd'hui établi que vers 220 av. J.-C, les territoires qu'ils
occupaient étaient partagés en deux royaumes :

- à l'Est, la Numidie des Massyles qui avait pour roi Gaia mort en 206 av. J.-C. ;
- à l'ouest, la Numidie des Massaesyles où régnait Syphax jusqu'en 203 av. J.-C.

Ne pas confondre avec Mauritanie car dans l'Antiquité, ce royaume se trouvait à l'exUême Nord-Ouest de l'Afrique
du Nord.

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CARTE des 2 territoires numides
Les premiers Aguellids et les guerres d'indépendance

Ni la manière dont le pouvoir royal s'est transmis ni les origines de ces dynastes de l'Afrique ne sont
clairement établies avec certitude. L'arbre généalogique ne peut être composé avec probité que depuis
le père du roi Gaia le nommé Zililsan ou Zelelsen. Ce Chef numide né, peut-être, vers 300 av. J.-C, est
simplement qualifié de magistrat suprême selon une inscription trouvée à Dougga, en Tunisie.

Durant cette longue période, il y eut deux catégories de rois en Algérie : d'une part, ceux qui furent
obligés de lever éternellement le glaive de la liberté et d'autre part, les érudits qui se remarquèrent par
leurs écrits, leur culture et leurs comiaissances exceptionnelles. Malheureusement leur histoire
demeure encore assez confuse à cause de l'inexistence de sources écrites puniques ou numides. Tout a
quasiment disparu.

Le père de Jugurtha, Mastanabal, versé dans les lettres grecques, noimissait un véritable goût littéraire
selon le témoignage du célèbre historien Tite-Live. Plus tard, Hiempsal puis Iouba furent parmi les
plus grands écrivains de leur temps. Bien sûr, Pline l'Ancien (23 à 79 ap. J.-C), écrivain et naturaliste
romain réputé, et bien d'autres encore, ont certainement plagié les innombrables œuvres des rois
numides. D'autres rois de Nuniidie s'inscriront dans les grandes guerres qui ont secouées, des siècles
durant, tous le bassin méditerranéen.

Gaia et Syphax (fin du Sème siècle av. J.-C.)

L'im des fils de Zililsan nommé Gaia prit la relève et régna sur la Numidie des Massyles vers 220 à
206 av. J.-C. Le royaume africain commencera alors à se développer et entretiendra de très bomies
relations avec la Grèce et l'Orient. De sa capitale Cirta, l'actuelle Constantine, Gaïa dominait l'est
algérien et l'ouest tunisien. Du côté occidental de l'Afrique du Nord, Syphax dirigeait jusqu'en 203 av.
J.-C. le royaume des Massaesyles, un immense territoire qui s'étendait du fleuve Ampsaga (oued El
Kebir), près de Constantine, jusqu'au fleuve de la Moulouya, non loin de Fès, au Maroc.

Syphax avait installé sa capitale à Siga, dans l'Ouest algérien à côté de Beni-Saf, un ancien comptoir
punique établi en amont et près de l'embouchure du fleuve de la Tafha, accessible alors à des navires
venant de la mer. C'est de cette région que se lançaient les puissantes années massaesyles pour
conquérir un territoire de plus en plus vaste, car Syphax souhaitait l'hégémonie sur la Numidie toute
entière et même plus loin encore, vers Carthage. Tite-Live, célèbre historien romain, le décrivait
comme étant « le roi le plus riche de cette terre d'Afrique ».

En 213 av. J.-C. déjà, à en croire Tite-Live, les intentions de Rome et de Scipion (235-183 av. J.-C.)
sont précises et importantes envers le roi Syphax :

« Les Scipion lui envoyèrent trois ambassadeurs pour conclure avec lui un traité d'amitié et d'alliance
et lui promettre, s'il maintient son hostilité à Carthage, la gratitude du Sénat et du peuple romain ;
eux-mêmes s'efforceraient de se reconnaître généreusement à son égard quand l'occasion s'en
présenterait. »

1?
En face de lui, Gaia qui dirigeait la Nmnidie de l'Est ne cessa de conter les attaques persistantes que
son cousin ennemi menait contre lui. Il défendit intelligemment ses terres, demeura fidèle à Cartilage
en lui offrant des troupes qui furent conduites en Espagne. Massinissa, leur chef, y séjourna de l'an
212 ou 211 jusqu'à l'automne 206.

Les textes nous relatent l'antagonisme qui prévalait entre les dynastes Syphax et Gaia puis Massinissa
car ils apparaissent dans l'histoire liés aux guerres puniques. Indirectement impliqués dans cette lutte
de pouvoir qui faisait rage en Méditerranée, mais surtout qui allait inévitablement toucher à leur
territoire, ils ne pouvaient rester indéfiniment désintéressés. Tout au long de cet affrontement ente
Carthaginois et Romains, chacun des belligérants chercha à gagner la confiance des Numides et à les
entraîner dans son parti. Les monarques Gaia et Syphax, cousins de sang, se sont longtemps combattus
pour asseoir leur suprématie sur l'ensemble des territoires de la Numidie.

Cette fois-ci, l'occasion leur était donnée de se confronter de nouveau, mais à une autre échelle.
Profitant de la simation politique qui prévalait pour servir d'abord d'intermédiaire entre Rome et
Carthage, Syphax finit par se mettre aux côtés de cette dernière puissance. Entre-temps, Gaia mourut
en Espagne vers -206 laissant à ses successeurs le soin de lancer la reconquête du royaume et de
rétablir les frontières. Mais Syphax en profitera pour conquérir de nombreuses légions appartenant aux
Massyles, puis occupera en 205 av. J.-C, leur capitale Cirta.

Alors que le déchu du royaume de l'Est n'était qu'éphémère, le royaume Massaesyle de Syphax
commencera à s'effondrer avec l'arrivée du fils de Gaïa : Massinissa qui avait pour seul objectif
l'unification des deux royaumes numides. A la mort de Syphax survenue en -203/202, son fils du nom
de Vermina lui succédera jusqu'en 190 av. J.-C. environ.

En revanche, les territoires du roi Vermina seront annexés par Massinissa bien avant la fin de son
règne. Et nous voyons ainsi s'éteindre, peu à peu, la descendance de Syphax contrairement à la lignée
du roi Gaia qui subsistera encore plus de deux siècles, jusqu'à l'assassinat du dernier roi numide :
Ptolémée de Maurétanie, fils de Iouba.

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Massinissa (203-148 av. J.-C.)

Plus d'un demi-siècle durant, l'Algérie d'aujourd'hui vécut sous le règne de Massinissa, roi suprême
des Nmnides. Il accédera au trône en 203 et mourra en 148 av. J.-C. Ce long règne lui permettra
d'entreprendre la construction d'un état monarchique riche et puissant. Mais de quelle manière est-il
arrivé à s'imposer ?

A la suite des luttes pour la succession du royaume Massyle, Massinissa finira par s'imposer pour êfte
reconnu roi des Massyles et, ainsi, recouvrer les terres ancestrales et le royaume de son père Gaia. Dès
le début de son règne, à 36 ans, il entrevit la conquête de nouvelles terres, peut-être même jusqu'en
Egypte. Il songea à fonder un Etat plus puissant que celui de Rome, réclamant aussi la terre de ses
ancêtres : de Cartilage à l'Océan atlantique, c'est-à-dire toute l'Afrique du Nord.

Pour atteindre ses objectifs de conquête, il lui fallait d'abord contrarier les plans de Syphax qui avait
auparavant annexé la quasi-totalité des territoires de Gaia, dominant de la sorte les deux royaumes.
Massinissa en avait les moyens. Déjà à l'âge de vingt ans, il combattait héroïquement auprès de son
père, cité par les écrivains latins lors de l'antagonisme entre Gaia et Syphax. Jeune prince, vaillant
stratège, il se trouvait également sur les champs de bataille en Espagne à la tête d'une puissante armée
numide. Très vite, son pouvoir militaire devint considérable : il entretenait mie puissante année et une
flotte de plus en plus importante.

La seconde complication à laquelle s'est trouvé confronté le roi fut Carthage, même si le conflit qu'elle
menait contre les Romains l'avait affaiblie. Inopinément, l'occasion sera donnée à Massinissa d'exhiber
sa force et son judicieux esprit de conquête. L'imminence d'une nouvelle guerre en Afrique se
précisant, les deux monarques numides furent contraints de prendre position.

Plus tard, le général carthaginois Hasdmbal réussit à convaincre Syphax de se ranger à ses côtés et le
maria même à sa fille, l'éblouissante Sophonisbe. Massinissa, pour sa part, s'allia d'abord à Carthage.
Cependant, très vite, certainement à cause des négociations stériles et par souci stratégique, afin de
pouvoir récupérer le royaume de son père réduit par Syphax, il se rangea aux côtés du dirigeant
romain Scipion dit l'Africain.

Massinissa s'attaquera alors au roi des Massaesyles, le fit prisonnier, et finit même par épouser sa
fenune Sophonisbe. Les redoutables troupes numides, rallié aux Romains, contribuèrent ainsi à la
défaite de Carthage, obligée alors de reconnaître Massinissa coimne le seul roi de toute la Numidie.
C'est alors la fin de la deuxième guerre punique avec la bataille de Zama (-202). Devenu ainsi
l'Aguellid incontesté d'un royaume fort, Massinissa voyait que son projet politique le plus cher, celui
de l'unification de l'Afrique du Nord et de nouvelles conquêtes, devenait envisageable.

« Le peuple romain l'en récompensa après la défaite des Carthaginois et la capture de Syphax,
souverain d'un vaste et puissant empire africain, en lui faisant don de toutes les villes et de toutes les
terres qu'il avait conquises. Aussi Massinissa nous garda-t-il toujours une amitié fidèle et
indéfectible. » SALLUSTE, Bellum Jugurthinum, V.

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Octogénaire, cavalier infatigable, il conduisait encore lui-même ses troupes sur les champs de bataille.
Dans son œuvre d'unification, il s'avança vers l'Est en empiétant sur le domaine de Cartilage qui lui
déclara la guerre, mais le roi numide en sortira vite vainqueur. En revanche, sa puissance grandissante
en Afrique inquiéta Rome, au point qu'en déclarant la guerre à Cartilage en 149 av. J.-C. (troisième
guerre punique), les romains visaient aussi Massinissa. Une aimée plus tard, le roi meurt léguant toute
une région riche, structurée et régentée par les numides.

La succession de Massinissa, héroïque fondateur d'un état, a dû être très difficile étant domié le
nombre importants d'héritiers. Massinissa aurait eu quarante-quatre fils, cinquante-quatre selon
Valerius Maxim us, historien et moraliste romain du 1er s. ap. J.-C. Massinissa adorait les enfants et U
garda durant plusieurs amiées auprès de lui certains de ses petits-enfants. A des marchands grecs,
venus acheter des singes chez les Numides, pour distraire des riches oisifs, il aurait dit: « Les femmes
de votre pays, ne vous donnent-elles donc pas d'enfants ? » Mais, c'est finalement l'aîné, Micipsa, qui
aura le privilège d'accéder sur le trône.

Au cours du règne de Massinissa, le plus célèbre roi des Imazighen de l'Antiquité, la Numidie devint
un royaume très prospère et occupera une place prépondérante dans l'économie de la Méditerranée.
L'Aguellid avait entamé ime politique de sédentarisation des populations numides pour transformer les
pasteurs nomades en agriculteurs. C'est lui qui introduisit l'agriculture dans son royaume et développa
le commerce avec le monde civilisé grec comme Athènes, l'île de Délos et d'autres grandes cités avec
lesquelles il entretiendra longtemps des relations étroites. Les rapports commerciaux des numides se
sont développés non seulement avec la Grèce hellénistique mais également jusqu'en Orient, ce qui leur
permit de se détacher de l'influence romaine grandissante en Afrique.

Massinissa regardait avec intérêt l'Orient adoptant cette forme de civilisation qui avait fortement
influencé des siècles auparavant Carthage, puis les élites numides. Le Grand Aguellid voulait
certainement que son peuple vive et se développe selon les règles hellénistiques. Il fut probablement le
premier à introduire auprès des paysans le culte hellénistique de Déméter et de Coré. Pour mieux
asseoir sa puissance, il s'attela à diviniser la monarchie en établissant im culte royal numide. Ses
descendants et son peuple ne manqueront pas d'ériger un temple en son honneur à Dougga (Tunisie).

18
...Massinissa arrache aux Carthaginois la Petite Sirte et les Emporta, Rome lui donne raison contre
ses victimes...

En Afrique, Massinissa, voyant les nombreuses villes établies, sur les rives de la Petite Syrie, ainsi
que l'opulence de la contrée appelée les Emporia, convoitait depuis longtemps les importants
revenus que procuraient ces pays. Il avait entrepris, peu avant l'époque qui nous occupe ici, de les
enlever aux Carthaginois. Il se fut bientôt rendu maître du plat pays, car, en rase campagne, il était
le plus fort, du fait que les Carthaginois, qui avaient toujours répugné à faire la guerre sur terre,
étaient alors complètement amollis par de longues années de paix. Mais il ne parvint pas à
s'emparer des villes, qui étaient bien gardées. Les deux parties portèrent leur querelle devant le
Sénat, auquel ils envoyèrent à plusieurs reprises des ambassadeurs. Chaque fois, les Carthaginois
voyaient leur thèse rejetée par les Romains, non pas qu'ils fussent dans leur tort, mais parce que
leurs juges étaient persuadés qu'il était de leur intérêt de se prononcer contre eux. Pourtant
Massinissa lui même, quand, peu d'années avant, il poursuivait avec des troupes le rebelle Aphther,
avait demandé aux Carthaginois l'autorisation de traverser le pays en question, mais ceux ci,
estimant qu'il n'en avait aucunement le droit, la lui avaient refusée. Néanmoins, à l'époque où nous
en somme arrivés, les Carthaginois ne purent plus faire autrement que de s'incliner devant les
sentences rendues à Rome. Ils durent non seulement abandonner le pays et les villes qui s'y
trouvaient mais encore verser une somme de cinq cents talents, correspondant aux revenus qu 'ils
en avaient tirés depuis le début du conflit...

POLYBE, Histoire, XXXI, 21.

19
Micipsa (148-118 av. J.-C.)

Au milieu du premier siècle avant Jésus-Christ, Salluste, dans sou œuvre « Les guerres de Jugurtha »,
nous donne quelques indications, après la mort de Massinissa : « ... son règne finit avec sa vie. Son fils
Micipsa fut seul à lui succéder, la maladie ayant emporté ses frères Mastanabal et Gidussa. Micipsa
fut père d'Adherbal et de Hiempsal. Il recueillit dans son palais le fils de son frère Mastanabal,
Jugurtha, laissé par Massinissa dans une condition inférieure parce qu'il était né d'une concubine, et
lui donna la même éducation qu'il ses propres enfants. » SALLUSTE, Bellum Jugurthinum^ V.

Micipsa, fils de Massinissa, lui succédera pour régner sur la Numidie jusqu'en 118 av. J.-C. Homme
aimant l'art et les lettres, il continua l'œuvre de civilisation engagée par son père. Sous Micipsa, Cirta,
la capitale, s'enrichit de splendides édifices de marbre blanc. Une magnifique cité qui pouvait
certainement mettre sur pied dix mille cavaliers et plus du double en nombre de fantassins. L'art et la
littérature de la Grèce et de l'Italie trouvèrent d'habiles interprètes auprès de la cour royale numide.
Les sources indiquent qu'une colonie importante composée surtout d'émigrants grecs vint s'y établir, et
peu à peu ses habitants se famdiarisèrent avec les arts.

Après la troisième guerre punique qui se termine en 146 av. J.-C. et dmant les règnes de Massinissa et
de Micipsa, la Numidie semble atteindre im haut niveau de prospérité. L'agriculture a connu un
développement extraordinaire, renforçant les relations commerciales avec les peuples méditerranéens.
Les trente années de règne de Micipsa furent très favorables au développement culturel du royaume de
Numidie qui semble avoir connu une des périodes les plus fastes. Le royaume avait atteint un degré de
développement exceptiomiel sur les plans économique, social et culturel.

Le paradigme est domié par la construction du mausolée royal du Khroub ou la Soumâa du Khroub., à
quelques kilomètres de la capitale numide Cirta : à l'origine, un chef-d'œuvre de l'art numido-grec.
Pom l'instant, aucune indication historique ou archéologique ne certifie irréfutablement à qui
appartient ce tombeau. Cependant, les objets découverts par les archéologues fiançais au début du 20^
siècle sont totalement imprégnés de l'art et du rituel grec. Il faut situer provisoirement la construction
de ce monument funéraire royal dmant les règnes de Massinissa et de ses enfants c'est-à-dire
antérieurement à 203 avant J.-C. Bien sûr, nous l'avons dit, rien ne l'atteste encore, mais il est souvent
attribué à Micipsa même si d'autres l'accordent plutôt à Massinissa11.

Avant sa mort en 118 av. J.-C, Micipsa avait partagé son royaume entre deux de ses fds légitimes,
Hiempsal (1er) et Adherbal, mais également avec son neveu Jugurtha qu'il avait adopté et appelé au
partage de sa succession. Pourtant, dès les premières années du règne des héritiers, des luttes
acharnées et sanguinaires, s'élevèrent immédiatement dans sa famille pour le partage des vastes
territoires du royaume numides. Trois princes numides vont donc se disputer le royaume ancestral :
Hiempsal, Adherbal et Jugurtha.

Iugurthen ou Jugurtha (118-104 av. J.-C.)

Voir en fin de volmne. le dernier chapitre sur le mystère des tombeaux royaux africains.

20
«Dés sa première jeunesse, Jugurtha s'était fait remarquer par sa vigueur, par sa belle prestance
et surtout, par son intelligence. Il ne se laissait pas corrompre par le luxe et par l'oisiveté, mais
comme c'est l'usage dans son pays, le jeune prince montait à cheval, lançait le javelot, disputait le
prix de la course aux garçons de son âge et, tout en se montrant supérieur à tous, se faisait aimer de
tous.

Il consacrait, en outre, une grande partie de son temps à la chasse et était toujours le premier, ou
parmi les premiers, à s'attaquer à des lions et autres bêtes féroces. Nu! n 'agissait plus que lui et nul
ne parlait moins de ses propres actions. »
Salluste, Bellvrn Iugurthimtm, VI.

Mastanabal, fils de Massinissa et frère de Micipsa, ne régna pas sur les royaumes et mourut assez
jeune, vers 140 av. J.-C. Son fils Jugurtha (de son vrai nom Iugurthen) hérita partiellement de la
Numidie, dès 118 avant notre ère. Ce prince, encore tout jeune faisait l'admiration de tous car dès son
enfance, il afficha une ambition sans crainte ni scrupule. La force physique inhabituelle et l'adresse du
jeune prince numide, son courage indomptable avec un esprit vif et son charisme en firent une idole
chez les Numides qui voyaient revivre en lui Massinissa, le Grand Aguellid.

Lors du partage des territoires avec ses cousins vers 114 av. J.-C, il manifesta immédiatement ses
intentions, selon les sources romaines. D'abord, il fit assassiner Hiempsal (1 er) afin de conquérir
l'Ouest de la Numidie jusqu'à la Moulouya, vers le Maroc actuel. Son autre cousin Adherbal devait se
consoler avec l'Est des territoires.

Seulement, Jugurtha ne se contentera pas de si peu, car il s'élancera immédiatement à la conquête de la


capitale du royaume : Cirta la Belle. Une lutte sans merci s'engagea alors contre son cousin Adherbal,
qu'il captura dans la ville même, après lui avoir décimé sa garde rapprochée. Les armées de Jugurtha
massacrèrent également des milliers de Romains qui s'y trouvaient. Ces événements furent le prétexte
que trouva Rome pour décider d'intervenir en Afrique du Nord centrale, chez ces bouillonnants
Numides.

Vers la fin du second siècle avant l'ère chrétienne, l'Aguellid africain réussissait encore à calmer les
ardeurs colonisatrices romaines en soudoyant les plus grands dirigeants ennemis. Un jour, en
s'éloignant de Rome et après de rudes négociations avec le Sénat romain, Jugurtha tourna plusieurs
fois les yeux vers la cité, et s'écria :

O ville à vendre ! Que tu périras vite, le jour où il se présentera un homme assez riche pour
t'acheter !

Le Sénat lui avait ordonné de quitter l'Italie et la guerre lui était de nouveau déclarée : l'ordre fut
donné d'attaquer les Numides. Dès lors, de grandes années commandées par les généraux les plus
habiles furent successivement envoyées en Afrique. Seulement, le consul romain et ses principaux
officiers chargés de combattre Jugurtha se laissèrent vite conompre par l'astucieux roi, comme
l'avaient été d'abord les sénateurs puis les commissaires à Rome. Selon les sources latines, Jugurtha
obtint d'eux un traité qui, moyennant un faible tribut, le laissa en paix, maître de tout le royaume
numide.

21
Des années plus lard, la guerre contre Jugurtha reprit et durera cette fois ci sept années, sans
inteiTuptiou. Le génie opiniâtre du roi Aniazigh tirait parti de tout : des saisons, du temps, des lieux...
Finalement. Rome désigna le général Metellus, puis Marius qui prit le commandement de l'année
romaine et se confronta pendant trois longues années au vaillant chef Africain. Ixis Romains eurent
tant de peine à le vaincre, qu'ils le regardaient comme un antre llannibal. Usant de véritables
stratagèmes, Jugurtha et sa puissante année de Numides tiendront tôle et finiront par remporter de
nombreuses batailles.

* Dès que Jugurtha voit Varrière-garde de Metelhis dépasser le front des Numides, il envoie environ
deux mille fantassins occuper la montagne d'où les Romains venaient de descendre, afin que, s'ils
étaient battus, ils ne pussent s'y retirer ni s'y retrancher. Alors il donne tout à coup le signal et fond
sur les ennemis. Une partie des Numides taille en pièces les dernières lignes ; d'autres attaquent à la
fois l'aile droite et l'aile gauche ; pleins d'acharnement, ils pressent, harcèlent, mettent partout le
désordre dans les rangs. Ceux mêmes des Romains qui, montrant le plus de résolution, avaient été au-
devant des Numides, déconcertés par leurs mouvements incertains, sont blessés de loin, et ne peuvent
ni joindre ni frapper leurs adversaires. Instruits d'avance par Jugurtha, les cavaliers numides, dès
qu'un escadron romain se détache pour les charger, se retirent, non pas en masse, ni du même côté,
mens en rompant leurs rangs. Si les Romains persistent à les poursuivre, les Numides, profitant de
l'avantage du nombre, viennent prendre en queue ou en franc leurs escadrons épars. D'autres fois, la
colline les favorise encore mieux que la plaine ; car les chevaux numides, habitués à cette manœuvre,
s'échappent facilement à travers les broussailles, tandis que les inégalités d'un terrain qu'ils ne
connaissent point arrêtent les nôtres à chaque pas. » Salluste, Bellum Iugurthinum, XLLX

Toutefois, alors que Tannée romaine se renouvelait et se renforçait au fil du temps, Jugurtha était privé
de toutes ressources dans son royaume. Il en trouva de nouvelles à l'extrême Ouest de son royaume,
dans celui de son beau-père : lîocchus, roi de Maurétanie qui unira ses forces aux siennes. Les années
passèrent et les choses changèrent car Route s'empressa de trouver une solution à la stratégie militaire
de ce diable de Jugurtha.

Le conflit ne prendra fin qu'après que Bocchus ne tendit un véritable piège à Jugurtha. son propre
beau-fils, Un jour, lîocchus invita le roi numide en lui suggérant de venir seul, sans son année.
Confiant, Jugurtha se rendit au rendez-vous avec sa garde rapprochée. Mais l'embuscade était préparée
astucieusement et l'armée romaine l'attendait avec fantassins et cavalerie. Pris au piège. Jugurtna jeta
les aimes et fut livré au général romain Sylla en 106 av. J.-C. Rome pouvait jubiler : son armée avait
réussi enfin à capturer le sorcier de la guerre Juguilha et à se débarrasser ainsi de son plus dangereux
adversaire en Afrique. Il fut emprisonné et après avoir subi un traitement indigne, il se mit en grève de
la faim.

Sur ordre de l'autre puissant général romain Marius, il frit étranglé au début de l'année 104 av. J.-C,
selon le biographe grec Plutarque qui nous rapporte quelques détails sur son exécution. C'est en plein
centre de Rome, dans le Tullianum dite «prison Manrmertme », que le plus grand guenier numide,
subira ces ultimes toitures. Ses deux fils furent envoyés et incarcérés à Venusia, dans les régions
montagneuses italiennes de la Basilicate.

Ainsi périt,à l'âge de 51 ans, l'un des plus glorieux rois africains. Grâce à son courage, son génie et sa
ruse. Jugurtha déjoua, des amiées dmant, les attaques des plus prestigieux chefs

22
que Rome diligenta pour le supprimer. Quant à Bocchus, il reçut en récompense de sa trahison une
partie des terres nuniides à 1 1 -si de son royaume de Maurélanie.

Ce nouveau partage des territoires est une aubaine pour Rome qui annexera quelques régions à l'Est
des territoires nnmides? limitrophes de Carthage, c'est-à-dire la province proconsulaire qu'elle occupai!
déjà. I,e reste du royaume de Jugurtha, encore très vaste, revint à un autre membre de la famille
royale, Gauda (104 à 88 av. J.-C.l demi-hère de Jugurtha, que Micipsa avait également désigné
comme héritier après ses enfants.

Photo Rome, prison Mamertine, là où fut assassiné le roi Jugurtha en 104 av. J.-C.

H Revenu d'Afrique avec son armée, il (Marins) célébra en même temps son triomphe et offrit aux
Romains un spectacle incroyable : Jugurtha prisonnier ! Jamais aucun ennemi de ce prince
n'aurait jadis espéré le prendre vivant, tant il était fertile en ressources pour ruser avec le malheur
et tant de scélératesse se mêlait à courage !... Après le triomphe, il fut jeté en prison. Parmi ses
gardiens, les uns déchirèrent violemment sa chemise, les autres, pressés de lui ôter brutalement ses
boucles d'oreilles d'or, lui arrachèrent en même temps les deux lobes des oreilles. Quand il fut tout
nu, on le poussa et on le fit tomber dans le cachot souterrain... Il lutta pendant six jours contre la
faim et, suspendu jusqu'à sa dernière heure au désir de vivre... » Plutarque, Vie de Marius.

23
LA SECONDE DYNASTIE DES ROIS

De G au da à Juba l a (1ers. av. J.-C.)

IA: roi Cauria, demi-frère de Jugurtha, était cohéritier des territoires numides depuis 10-1 av. J.-C. H
est peu cité par les sources anciennes mais semble avoir été très ami avec les romains. Un fait
marquant du règne de ce roi : les territoires numides sont de nouveau partagés. Effectivement, nous
apprenons qu'après sa mort, en 88 av. J.-C, les territoires vont être distribues entre des membres de la
même famille royale Massyle en deux parties : la Numidie occidentale et la Numidie orientale.

Gauda laissa demi: fils qui profitèrent quelques années durant des richesses léguées par Massinissa et
ses successeurs- La partie occidentale où se trouvait Cirta reviendra au prince Masteabar auquel
succédera plus tard son fils un autre Massinissa (ED jusqu'en 46 av. J.-C. L'autre région ouest de la
Numidie représentant moins que les anciennes terres massaesyles de Syphax devient le royaume du
second fils légitime de Gauda : Hiempsal (II), reconnu par les Romains comme un '< roi ami » (rex
arnicas:).

Hiejmp_sal _(ni
Hiempsal (II). roi numide très cultivé et instruit était le neveu de Jugurtha. Il n'est cité dans la
documentation ancienne, le plus souvent, qu'en raison de sou penchant pour les lettres et les œuvres
grecques et puniques. Tout comme ses ancêtres, il noua des relations très particulières et privilégiées
avec la Grèce et ses iles. (elle de Rhodes particulièrement l'honorera sut une inscription trouvée dans
cette île. Lui-même a écrit, dans cette langue grecque, des livres sur
la linguistique punique, les origines des peuples .................... de l'Afrique septentrionale el leur
civilisation.

Libri Puni ci ou les Livres Puniques, cette œuvre perdue aujourd'hui, a été mi document de référence
pour les auteurs latins. Salluste rapporte lui-même qu'il s'était fait traduire les livres écrits en punique
du roi nmnide pour s'en servir lorsqu'il rédigea son œuvre Les guerres de Jugurtha, l.a date de la fin de
son règne reste imprécise comme l'est d'ailleurs celle du début du règne de son successeur. Pour
Hiempsal, on suggère éventuellement les dates entre 88 et 60 av. J-C

Il est avéré qu'en 88 av. J.-C, après le triomphe de Sylla, quand le général romain Marius et son fils
durent s'enfuir de Rome pour l'Afrique, Hiempsal les reçut avec beaucoup d'égards alors que sa réelle
intention était de leur tendre un piège et de les faire prisonniers. Marius, ayant découvert le projet,
arrivera à s'échapper à temps.

Hiempsal fut chassé du trône par une partie de l'armée romaine dirigée par les partisans de Marius en
Afrique. Mais, en 81 av. J.-C, les Romains se disputèrent de nouveau : Sylla envoya Pompée pour
combattre le parti de Marius et il restaura Hiempsal, dont le territoire fut étendu par un traité.
Hiempsal régnera jusqu'à sa mort située vers les années 60 avant notre ère.

24
L'histoire situe vers les aimées 60/50 av. J.-C. le moment où le fameux Juba 1er succéda à son père
Hiempsal (II). Son règne fut relativement court mais tumultueux cai il le passa à combattre les aimées
romaines. Les sources littéraires confirment bien le vif esprit d'indépendance du nouveau roi des
Numides vis-à-vis du pouvoir Romain qu'il contrariera jusqu'à sa mort. Dès qu'il monte sur le trône,
Juba 1er est d'abord amené à prendre les armes poiu rétablir l'ordre dans les régions au Sud de son
royaume après les insurrections des populations.

Des le début des amiées 50 av. J.-C, Rome songeait à annexer la Numidie orientale ; mais la réaction
du roi africain fut prompte et judicieuse : il rejoint le camp du général romain Pompée déclaré hostile
à l'empereur Jules César. Le Numide profita de cet élan guerrier et fit des incursions à l'Est vers les
anciens territoires carthaginois, à l'intérieur même des terres que Rome avait annexées. Le projet
ancestral, tellement cher à Massinissa et Jugurtha, renaissait chez Juba 1 er qui prendra le contrôle de la
ville d'Utique (Nord de la Tunisie). Il ha plus loin encore puisqu'il étendra sa conquête sur la côte, vers
l'Est et à l'intérieur des terres.

Face à ses événements, le Sénat romain décide d'intervenir et réclame une réaction immédiate de
César. Celui-ci, parti avec son armée vaincre les Gaulois et capturer leur chef : Vercingétorix. Après
avoir conquis la Gaule puis franchi le Rubicon pour pénétrer en Itahe, Jules César se décide enfin à
affronter ce monarque africain zélé. Rome avait subi les pires défaites de ce premier siècle : coup sur
coup, toutes les armées romaines dépêchées d'Italie sont décimées.

En 47 av. J.-C, le dictateur César se rend donc en Afrique à la tête de plusieurs légions pour affronter
les fidèles de ses ennemis, Pompée et le général romain Scipion qui s'y trouvaient. Devant la puissante
force de happe de l'armée commandée par le dictateur romain, ces derniers ne tardèrent pas à solliciter
le secours de l'Aguellid Juba 1er. Quand l'armée numide et ses robustes guerriers se rendaient sur les
champs de bataille appuyés par des centaines d'éléphants, leurs adversaires pouvaient s'attendre à de
rudes moments.

La guerre se poursuivra près d'une année entre d'un côté Jules César et de l'autre Pompée et Scipion,
renforcé par Juba 1er à la tête de son armée. Seulement, sans soutien des Pompéens déroutés par
l'armée romaine de César, la résistance numide est abattue, non sans mal. C'est finalement à la bataille
de Thapsus (Tunisie) sur le sol Carthaginois que César sortira vainqueur du roi numide en l'an 46 av.
J.-C.

Après cette défaite, Juba 1er revint vers sa capitale Zama qui était simée au sud-est de la grande cité de
Cirta, mais les habitants lui interdirent d'entrer dans la ville. Ils se rappelèrent qu'avant de partir au
combat, le roi leur avait demandé de lui fermer les portes de sa capitale s'il perdait la guérie contre le
Romain. Juba 1er, aux pieds des remparts de sa ville, réclama en vain à ses sujets de lui rendre ses
femmes et ses enfants.

Afin de ne pas tomber entre les mains de Jules César, il fuht par choisir le même sort que son ami et
allié romain Caton d'Utique : le suicide. Par son indocilité légendaire et son combat pour le royaume
qu'd désirait libre et prospère, le roi numide Juba 1er a marqué l'histoire de la Méditerranée, tels ses
ancêtres Massinissa et Jugurtha.

25
L'interrègne des territoires africains (33-25 av. J.-C.)

En 46 av. J.-C, après la mort du roi Juba 1 er, ennemi juré de Rome, les royaumes africains entrent dans
une phase de "flottements". César procédera à un changement de son administration en restrucmrant la
province romaine d'Afrique du Nord qui ne comprenait jusqu'alors que la partie orientale. Au territoire
de Carthage (Africa uetus) que Rome gouvernait déjà, il ajouta le domaine Est du royaume de Juba 1 er
(l'extrême Est de l'Algérie actuelle et le Constantinois).

La nouvelle province romaine, Y Africa nova, occupait une bonne partie des territoires numides de
l'Est. Elle reçut un statut privilégié lui permettant de conserver son territoire, ses traditions et son
organisation politique. Cela donnait le glas des royaumes numides. Cependant, Rome n'avait pas
encore la main mise sur toute l'Afrique du Nord.

Les territoires se trouvant à l'ouest de l'Afrique du Nord, ceux de Maurétanie, demeureront


hidépendants quand en 44 av. J.-C, le roi Maure Bocchus II étend son royaume vers l'Est. Il occupera
petit à petit toutes les vastes et riches terres septentrionales qui appartenaient aux numides. Bocchus
(II) meurt vers 33 av. J.-C, et durant les huit années qui suivirent, nous comiaissons encore moins de
choses sur la manière avec laquelle a été gouverné ce royaume de Maurétanie devenu immense : c'est
ce qu'on a appelé : l'interrègne (46-25 av J.-C).

Nous savons qu'avec les événements qui se précipitent dès 31 av. J.-C, après la célèbre bataille
d'Acrium, l'empereur romain Auguste changea de nouveau les règles de la situation politique en
Afrique du Nord : les anciens territoires de la Punie et de la Nmnidie orientale deviennent des
provinces africahies proconsulaires. Durant plusieurs années, la situation politique restera incertaine et
les relations avec le pouvoir romain plus qu'ambiguës. Par contre, une bonne partie des territoires
occidentaux restera certainement encore indépendante.

La situation deviendra plus claire dans l'histoire à partir la date du retour en Afrique du fils de Juba 1 er
: Iouba. En effet, c'est le prince numide Iouba qui recouvrera les terres de ses ancêtres en 25 av. J.-C.
et régnera sur l'Afrique du Nord près d'un demi-siècle. Il installera sa capitale à loi, l'actuelle
Cherchell, en Algérie. En fait, Auguste continua le travail de César en rayant de la carte la Nmnidie.
Ami de l'empereur romain, Iouba hérite d'un territoire auquel on va donner le nom de Maurétanie. Ce
territoire qui s'étend de la région de Sétif à l'Océan atlantique englobait les territoires de la Maurétanie
de Bogud auquel il faut rajouter les territoires numides de l'Ouest.

La bataille d'Actium a eu lieu en mer près de la Grèce. Elle opposa les généraux romains Marc Antoine à Octave qui
devint l'empereur Auguste.

26
Iouba dit Iouba « le roi savant »

Iouba « l'Africain », « le Libyen » comme le citent de nombreux auteurs latins et grecs, est fils de Juba
1er, roi des Numides. Rome ne voulait plus entendre parler de la Numidie et domia au nouveau
royaume de Iouba le nom de : Maurétanie. Son territoire allait de l'Océan atlantique à l'Ouest jusqu'au-
delà de la région de Sétif en Algérie. Il englobait alors l'ancien royaume marne de Bocchus et mie
partie de l'ancienne Numidie.

Iouba est le roi numide sur lequel nous connaissons le plus de choses. Les trésors archéologiques qu'il
nous a légués à travers sa capitale et les villes royales sont d'une richesse inestimable. Il est né vers 50
av. J.-C, probablement dans la ville de Zama, capitale de son père, située à l'est de la ville royale de
Cirta. D'après les sources, le prince encore enfant amait été le seul que Jules César ait recueilli ou fait
prisonnier. Etait-il l'unique héritier de Juba 1er ? Ou était-ce le dernier survivant de la famille royale
sans doute décimée par les forces romaines afin d'éliminer toutes revendications ?

Après la défaite de Juba 1er, Iouba, âgé de cinq ans, amait figuré -nous dit-on -au triomphe de César à
Rome, en 46 av. J.-C. Mais cette hypothèse n'est attestée nulle part. Quoiqu'il en soit, il est pris en
charge par l'entourage du vainqueur et il aurait reçu en Italie mie éducation exemplaire au point de
devenir un véritable érudit.

Le grec Plutarque nous affirme que Iouba était très apprécié par Auguste. Le prince numide était
imprégné d'une culture gréco-romaine -plus grecque que romaine- et formé à l'ait de la guerre comme
à l'administration. Cela ressort aussi des textes anciens qui louent les abondantes qualités de ce roi. De
nombreux auteurs anciens l'appellent le plus gentil des rois, alors que l'écrivain Pline précise qu'il frit
encore plus célèbre par ses doctes travaux que par son règne.

Iouba fut notamment historien et critique d'art. Nous savons qu'il écrivit au moins Inùt livres sur la
peinture et des peintres grecs célèbres. D'ailleurs, la première référence de Pline pour ses écrits a été
Iouba car ce dernier est très souvent cité par l'auteur latin dans son Histoire Naturelle : il a été la
source d'au moins huit de ses livres. Quant à Plutarque, il range le roi numide parmi les écrivains
grecs.

Lorsque la Maurétanie (Numidie et Maurétanie) lui est restituée, Iouba installe sa capitale dans cet
ancien comptoir punique et résidence royale numide loi qu'il rebaptise Cœsarea, peut-être en l'honneur
de Jules César, son père adoptif. Dans sa cité, qu'il décide de rendre resplendissante, Iouba crée son
propre palais et sa bibliothèque comme à Alexandrie puis des temples et des monuments publics, tous
en marbre blanc de qualité.

Fallait-il encore avoir les moyens de sa politique et assurer la pérennité d'un tel projet de décoration ;
il est fort probable que le roi africain était en mesure de relever un tel défi et il le fit. Dès son arrivée
sur les terres de ses ancêtres, il fera appel à de grands sculpteurs venus de Grèce. Ses relations très
privilégiées avec les Hellènes, et ses moyens, lui permettront ainsi de recruter les meilleurs sculpteurs
du moment, sur place, à Athènes, à Délos ou dans d'autres centres renommés de la Méditerranée.

27
Dans l'arrière-pays de son royaume, le roi de Maurétanie découvrit Veuphorbea, une plante médicinale
et lui donna le nom de son médecin personnel : Euphorbits, frère du médecin de l'empereur Auguste.
Le roi numide a eut même ce privilège ? Les bienfaits du suc de cette plante étaient réputés notamment
pour l'acuité visuelle qu'elle confère et pour son action contre les serpents et les venins.

Entretenant des relations avec les grandes métropoles de la Méditerranée, le roi numide était amené à
voyager. Il a probablement connu les cités grecques, ce qui lui a valu d'obtenir le titre de citoyen
d'Athènes. Pour l'honorer dans la capitale grecque, une statue le représentant fut élevée dans le
gymnase, comprenant également une bibliothèque du roi d'Egypte, Ptolémée, successeur d'Alexandre
le Grand.

Par ailleurs, le monarque Iouba va développer une importante source de revenus pour son royaume qui
prospérera au moins jusqu'à sa mort. Il fonde sur ses terres d'importantes fabriques, authentique
industrie de pourpre dans les îles qui composent l'archipel de Mogador, au sud de la côte atlantique
marocaine, près d'Essaouira. Iouba leur donna le nom d'Imitlae Purpurariae. La valeur et la rareté de
la pourpre durant l'Antiquité sont loué par tous les écrivains de l'époque. Elle coîitait nés cher et se
revêtait, disait-on, aussi pour apaiser la colère des dieux. Ce fut une des sources de revenus les plus
importantes pour le royaume.

Le nouveau roi d'Afrique épousa successivement deux princesses Grecques. Vers l'an 20 av. J.-C, il
s'unit à la princesse d'Egypte Cléopâtre Séléné, fille de Cléopâtre VII reine d'Egypte et de Marc
Antoine. Séléné moirnit jemie. La seconde reine de Iouba fut Glaphyra, fille du roi de Cappadoce,
d'Asie mineure. Il est normal que la capitale Cassarea ait attiré une foule d'écrivains et d'artistes
hellènes, des acteurs notamment.

Étant donné l'origine du couple princier, son éducation aristocratique et les ambitions qui en résultent,
la capitale Cassarea devient très vite l'une des villes les plus florissantes et brillantes de la
Méditerranée occidentale, une petite Athènes. Des constructions en matériau noble et de qualité
abriteront des sculptures dignes des plus beaux chefs-d'œuvre grecs. Le règne de Iouba durera près de
cinquante ans. Veuf, il meut à plus de 72 ans, vers 24 ap. J.-C.

La Grèce a été la source des activités érudites et artistiques que Iouba a menées tout au long de sa vie.
Tout ce qu'il entreprenait avait comme référence le monde grec. Qu'on entende bien que les choix
artistiques de la capitale sont mis en exergue, sans chercher, par principe ou pour le besoin du
moment, à minimiser le rôle et l'attrait de la politique de l'Empire. L'influence traditionnelle de la
sculpture grecque des grands maîtres classiques et hellénistiques est identifiable sur de nombreuses
sculptures de l'époque de Iouba, d'abord sur ses propres portraits puis sur les autres sculptures.

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Des siècles qui out précédé l'avènement de Iouba, il est certain qu'à ce jour nous ne connaissons aucun
portrait sculpté en ronde bosse figurant un des rois numides. Les visages de Massinissa, Micipsa,
Jugurtha et leurs successeurs ne nous sont connus qu'à travers le profil discernable sur quelques unes
de leurs monnaies. Heureusement, pom les deux derniers de la dynastie, Iouba et Ptolémée, la belle
série de marbre et de bronze de Cherchell et des musées du monde vient combler cette lacune.

Ces rares témoignages de l'art du portrait et du rôle de l'image vouée au culte de cette dynastie
africaine sont des messages extrêmement précieux selon la lecture qu'on leur accorde. La première
question qui vient à l'esprit est d'abord celle de savoir s'il s'agit vraiment de ce roi et non pas d'un
autre.

Le portrait de Volubilis : le vrai visage du roi

Dans une autre cité de Iouba, à l'Ouest du royaume, les archéologues mettent au jour tout un ensemble
d'habitations dans le quartier Nord-Est de la ville de Volubilis (Moulay Idriss Ezerhoun), au Maroc. Le
8 février 1944, en fouillant la maison dite des rois, en face de la maison à la mosaïque de Vénus où
furent trouvés, en même temps, un buste de Caton et la petite statue d'un vieux pêcheur en bronze, les
archéologues découvrent un magnifique buste, également en bronze, dans un très bon état de
conservation.

Ce chef-d'œuvre haut de 47 cm, représente une jeune figure masculine, imberbe, portant un
bandeau royal. La tête est tournée de trois-quarts vers la droite, et légèrement inclinée sur l'épaule
droite. L'harmonie du volume de la chevelure bouclée est parfaitement intense sur ce buste tendant
vers le style hellénistique dans toute son originalité. Peu ordonnées et toujours en rangées avec des
courbes coiffées aussi de rythme contraire, les mèches sont bien serrées par l'étoffe royale et
apparaissent plus rebelles vers l'avant.

La chevelure au-devant du bandeau est un peu plus frisée, moins bien structurée avec un toupet
frontal coiffé vers la droite et constitué de plusieurs boucles finement striées d'incisions courbes. De
part et d'autre de la grosse mèche centrale, de petites boucles tournées vers le centre du visage
laissent entrevoir un front plutôt dégarni et haut.

Remarquons autour des oreilles un jeu de boucles gracieuses et capricieuses remontant souvent sur
le diadème exactement comme les rois et princes grecs et hellénistiques. Le visage déforme presque
ovale du jeune roi a une expression dédaigneuse et hautaine avec un menton bien mis en évidence.
Les traits du personnage représentés de cette manière lui donnent un air quelque peu soucieux ou
mécontent.

Hormis la beauté du personnage, ce qui frappe le plus sur cette splendide oeuvre c 'est le jeu de
mèches bouclées, d'un ravissant modelé, fin dans le détail, jnis particulièrement en valeur autour de
l'étoffe royale sur ce portrait en bronze de Volubilis. Nous ne pouvons pas contester le fait que ce
portrait, c'est évident, est d'un style hellénistique pur. Du reste, c'est probablement pour cela que
beaucoup de chercheurs français et allemands ont fini par confondre ce portrait du roi de Caesarea
avec des répliques de l'effigie des princes hellénistiques. L'identification à Iouba le Numide est
quasnttent certaine.

29
Ce portrait représentant le roi jeune semble être une oeuvre posthume à cause de sa ressemblance
évidente avec un autre portrait de Cherchell dit du " vieux Juba " qui se trouve au musée du
Louvre. Alors, aurions-nous le dernier, l'ultime portrait du roi idéalisé ?

Même s'il n'a pas été découvert dans sa capitale Iol-Cassarea, la présence de ce splendide portrait de
Iouba à Volubilis, son lieu de découverte, atteste de l'adoration du peuple du royaume de Maurétanie
pour son souverain. Ce portrait exhibe le visage et l'allure du roi d'une manière assez réaliste. Les traits
du visage avec des paupières bien visibles et notamment la forme de la bouche et des lèvres se
retrouvent sur certaines effigies monétaires et sur d'autres portraits en marbre de Iouba. Il faut
admettre que cette effigie, comme d'ailleurs toutes les autres du roi, est un type assez singulier et bien
différent du portrait de son soi-disant Maître, l'empereur Auguste, que le Numide était censé copier.

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Le dernier des Ptolémée, l'héritier du trône

De rimion de Iouba et de Cléopâtre Séléué naquit vers l'an 15 av. J.-C, certainement à Iol-Cassarea, un
garçon qui portera le nom légendaire de Ptolémée, en souvenir des princes hellénistiques d'Egypte
dont Iouba réclamait aussi la descendance. En choisissant de donner ce nom au premier héritier du
royaume, Iouba, mais surtout la reine, montraient leur ambition de voir se pérenniser la dynastie
hellénistique. Cléopâtre Séléné marquait, une fois de plus, son attachement inconditionnel à ses
origines en faisant porter à l'héritier le nom de ses ancêtres.

La succession patrilinéaire permit au fils de Iouba d'accéder au trône du royaume de Maurétanie en 25


de l'ère chrétienne. Ptolémée, selon les latins, s'adonnait plus au plaisir de la vie et n'avait guère hérité
du savoir ni de la passion de son père. Le nouveau roi demeurera à Cesarea, bien sûr, mais il semble
avoir été moins habile que son père. Il se trouva confronté à des problèmes de rebellions dans son
royaume dès son ascension sur le trône. On rapporte que des sujets de Ptolémée se seraient alliés à un
Chef numide Tacfarinas. Jeune roi, Ptolémée fut peut-être négligent et caractériel, mais plutôt aguerri
aux stratégies militaires puisqu'il finit par vaincre Tacfarinas, et les romains le considérèrent comme
un roi allié et ami de Rome.

(Tacfarinas) "... était appuyé par les Maures qui, enhardis par la négligence du jeune Ptolémée, fils
de Juba, avaient préféré la guerre au despotisme que leur faisaient subir les affranchis du roi"
(Tacite,Annales, IV, 23)

Dès son jeune âge, Ptolémée fit de nombreux voyages en Orient, étudia pendant quelques années à
Athènes. A l'instar de son père, il poursuivra la politique de mécénat avec les cités grecques que leur
ancêtre Massinissa, deux siècles plus tôt, avait déjà entamée. Deux inscriptions trouvées dans les
fouilles de la ville d'Athènes évoquant Iouba et une troisième dédiée à son fils Ptolémée nous assurent
de la recomiaissance de la cité d'Athènes envers nos deux rois africains. De même, deux autres
inscriptions trotivées dans d'autres villes et îles grecques en Lycie, à Soura et Xantlios, honorent
Ptolémée de Maurétanie.

Alors que Iouba régna près d'un demi-siècle, Ptolémée ne commandera que quinze années le royaume.
Riche et renommé, en 40 le roi Ptolémée de Maurétanie fut invité par l'empereur Caligula à se rendre
en visite officielle à Rome. Pour des raisons restées obscures, il fut arrêté, nous dit-on, accusé de
trahison, puis exécuté sur ordre de Caligula. Les auteurs latins invoquent comme raison la jalousie de
l'empereur romain lorsqu'il voit le splendide manteau pourpre que portait Ptolémée, alors que d'autres
parlent de la richesse du roi africain dont Caligula aurait été envieux.

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Ces auteurs mentionnent le meurtre de Ptolémée sans trop de détails ; on raconte qu'on envoya le roi
en exU avec l'ordre de le tuer. Ce meurtre amena un important soulèvement des Numides dirigés par
Aedêmon, un affranchi de Ptolémée. Alors, est-ce par jalousie ou par avidité que l'empereur se
débarrassa de ce cousin encombrant ? La vraie raison serait plutôt les prétentions de Ptolémée sur
l'empire de Rome. Avait-il préparé un complot contre Caligula ?

Il faut se rappeler que l'empereur Caligula avait été choisi en l'an 37 pour succéder à Tibère, étant
domié qu'il était l'arrière-petit-fils de Marc Antoine. Ptolémée en était le petit-fils ! Ce n'est donc ni
par jalousie ni par cupidité que l'empereur se débarrassera du roi berbère : Ptolémée, l'Africain,
pouvait naturellement et légalement prétendre à l'héritage de l'empire romain avant Caligula. Le fds du
roi numide Iouba et de la renie égyptienne Cléopâtre Séléné, Ptolémée, empereur de Rome ? Le
monde aurait-il été différent ?

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Le portrait du prince Ptolémée de Maurétanie

La première identification du visage d'un membre de la famille royale numide sur une sculpture a
d'abord été possible pour Ptolémée de Maurétanie. Avant même que nous connaissions le moindre
détail de sa physionomie, elle nous est dévoilée sur une médaille trouvée en 1830 aux environs de
Rome. Une inscription antique en latin identifiait le personnage REX PTOLEMAEUS REGIS IUBAE F(ILIUS) : «
Le roi Ptolémée, fils du roi Iouba ». Dessus, on y voit également le beau portrait d'un jeune garçon.

A la fin du 19ème siècle à Hannnam-Righa, un petit buste en marbre blanc d'une hauteur totale de 28
cm a été retrouvé chez un ouvrier espagnol qui revenait d'un chantier de construction de Cherchell.
Dans un très bon état de conservation, sa surface a pris une patine ocre mais très foncée comme si
le marbre avait été brûlé. L'œuvre a ensuite été envoyée en 1895 au musée du Louvre. Ce buste
d'adolescent provient vraisemblablement d'une petite statue-portrait sur laquelle il devait
s'encastrer.

Le personnage porte un bandeau royal autour de la tête légèrement inclinée sur l'épaule et tournée
vers la gauche. Le cou est long et l'on peut suivre le trajet des extrémités du bandeau (lemnisques)
qui caressent latéralement la nuque et viennent se poser sur les épaules vers l'avant. Le visage est
quadrangulaire, le. crâne rond est enveloppé d'une chevelure raide, fine et bien ordonnée. Le
portrait nous présente, un visage marqué par des sourcils arqués et bien tracés ; les yeux sont petits
et sensiblement bridés. Le nez est épais, aplati à sa racine puis il devient large à la base des
narines. La bouche du jeune adolescent est petite et légèrement entrouverte, le menton volontaire.

La coiffure avec le bandeau et les traits du visage de cette tête sculptée sont semblables à ceux de la
médaille de Rome qui portent les mêmes caractéristiques. C'est donc bien Ptolémée, le prince de
Maurétanie qui est représenté sur le buste de Hammam-Righa avec cet aspect juvénile.

Il faut dire que son père l'associa très jeune au trône et cette sculpture est l'une des premières
représentations du prince, peut-être à l'âge de 11/12 ans. Les monnaies avec le nom de Ptolémée
montrent son portrait encore enfant, puis jeune avec son père lorsqu 'il est encore prince.

Plus tard, avec des traits d'adulte, il apparaît comme le roi. Malgré la qualité moyenne de la frappe
monétaire, l'aspect physique du fils de Iouba change peu. Ce qui prête à équivoque sur le petit
portrait en marbre, c 'est cette coiffure de Ptolémée « à la romaine » que donnèrent Iouba et Séléné
à leur unique héritier. Bien sûr, Ptolémée avait eu un grand-père romain, Marc Antoine. Il est sûr
que la monarchie numido-maurétanienne tenait absolument à l'afficher aux yeux du monde et de
Rome. Par contre, plus tard, le prince changera de coiffure pour porter celle de ses ancêtres et de
son père avec des mèches bouclées aussi élégantes et caractéristiques que celles portées pas les plus
grands monarques orientaux.

Portrait du Louvre provenant de Hammam-Righa (Algérie), vers 5 av. J.-C.


Portrait chevelure de Ptolémée jeune de Cherchell

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Reines et princesses des royaumes

Les écrits anciens citent les hommes de la monarchie, parfois sans précision et les femmes encore
moins. Ces mêmes sources disent que les Numides s'miissaient ou épousaient plusieurs femmes
parfois jusqu'à dix, et les rois encore bien davantage. Dans ce cas, il n'est pas aisé de connaître toutes
les feimnes de la cour royale.

Néanmoins, les villes des royaumes numides ou maurétaniens et les documents archéologiques qui y
ont été trouvés (monnaies, inscriptions, scidptures...) nous livrent des renseignements qui enrichissent
considérablement nos connaissances sur la famille royale africaine. Les auteurs anciens ne
mentionnent que les plus réputées des reines et princesses.

Deux reines citées par des auteurs de l'Antiquité sont assez bien connues mais pour d'autres -la mère
de Iouba par exemple- il n'y a pas la moindre hidication. Le nombre de princes et princesses reste
encore méconnu. Néanmoins, nous sommes sûr pour la plupart des princes, mais il y a moins de
certitudes pour les princesses qui sont plus rarement, sinon jamais, citées : Drusitta et Cléopâtre (IX).

Sophonisbe, une reine africaine d'exception (235-203 av. J.-C.)

Saphanis bal ou Sophonisbe, princesse dont le seul nom évoque la fidélité conjugale et l'amour de la
patrie, est la fille du général Carthaginois Hasdrubal. Née à Carthage en 235 av. J.-C, elle fut élevée
dans la haine des Romains. Vers 205 av. J.-C, son père lui fit épouser Syphax, roi des Massœsyles de
Numidie occidentale, afin d'entraîner ce peuple dans l'alliance carthaginoise.

Massinissa et Sophonisbe se sont connus adolescents ; ils se sont aimés et ont failli s'unir par les liens
du mariage, selon le désir de leurs parents, Gaïa, le roi de la Nmnidie massyle et Hasdrubal, fils de
Giscon, redoutable chef de guerre carthaginois. Hélas, la deuxième guerre punique (218-202 av. J.-C.)
bouleverse le destin des jeunes amants. C'est ainsi qu'ils se retrouvent dans les camps adverses, ceux
de Cartilage et de Rome. Sophonisbe épouse Syphax, roi de Numidie, l'ennemi juré de Massinissa. Le
mariage de Sophonisbe avec Syphax lui a été dicté par la raison d'Etat.

La guerre éclate entre les belligérants. Par dépit, Masinissa, roi des Berbères Massyles de Numidie
orientale, épris de Sophonisbe et à qui elle avait été initialement promise, s'allia alors au général
romain Scipion dit l'Africain. Pom déjouer les pians de Syphax dont le rêve était de prendre Cirta, il
renforça considérablement l'armée romaine.

Ainsi, Rome vint à bout des généraux de Carthage et attisa les querelles entre les deux rois numides
qui faisaient trembler l'Empire. D'un côté, les Carthaginois d'Hasdrubal et les Numides de Syphax et,
en face, l'armée romaine que dirigeait Scipion, le vainqueur d'Hannibal, soutenu par Massinissa et ses
uoupes aguerries.

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Après la défaite filiale des Carthaginois et de leurs alliés vers 203 av. J.-C, Syphax est fait prisonnier
puis transféré à Rome. Massinissa prit alors Sophonisbe et, toujours amoureux, l'épousa le jour même.
Mais Scipion, craignant l'influence de Sophonisbe et pour les conséquences politiques de la passion du
roi numide, exigea de Massinissa qu'il lui remette en trophée de guerre la ravissante Sophonisbe.
Préférant la mort au déshonneur de la captivité, Sophonisbe avait supplié son époux de ne pas la
remettre vivante.

Le roi munide, de connivence avec sa nouvelle fenune, préféra lui proposer alors le suicide. La
princesse carthaginoise accepta courageusement son sort. Massinissa lui tendit alors une coupe de
poison, qu'elle but sans hésiter. La belle reine meurt sur son lit nuptial et par ce geste hautement
symbolique, priva les Romains de l'extrême plaisir de la voir enchaînée et traînée dans les mes de
Rome.

Tour à tour, épouse de Syphax et Massinissa, deux rois numides des plus puissants et des plus connus
à cause justement de leur implication dans la deuxième guerre punique, Sophonisbe, fut longtemps
louée pour sa beauté et son héroïsme. L'honneur, l'amour de la patrie -en l'occurrence Cartilage et
toute la Numidie- ainsi que la fidélité méritaient selon cette fenune valeureuse et audacieuse, tous les
sacrifices, y compris celui de sa personne.

Depuis l'Antiquité, sa beauté exceptionnelle, son excellente instruction dans différents domaines
artistiques et l'histoire de sa vie furent dépeintes par de nombreux écrivains et artistes. L'historien latin
Tite-Live a été un des premiers à la citer. Plus près de nous, à partir du 15èDae siècle, l'Italien Gian
Giorgio Trissino, puis Jean Mairet et Pierre Corneille, poète dramatique français, mais aussi Voltaire
nous livrèrent de belles tragédies qui reprennent l'histoire de cette reine africaine d'exception.

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Dessin : Sophonisbe vue par un artiste algérien

Dans son Histoire romaine, l'auteur latin Tite-Live rapporte en ces termes le discours de Sophonisbe
lorsqu'elle rencontre Massinissa : comme il pénétrait sous le vestibule, il rencontra sur le seuil même
Sophonisbe. Quand elle aperçut, au milieu de l'escorte Massinissa, qu'il était facile de reconnaître,
soit ci son armure, soit à l'ensemble de son extérieur, présumant avec raison que c'était le roi, elle se
jeta à ses genoux :

« Nous sommes, lui dit-elle, entièrement à votre discrétion ; les Dieux, votre valeur et votre
heureuse fortune en ont ainsi décidé. Mais s'il est permis à une captive d'élever une voix suppliante
devant celui qui peut lui donner la vie ou la mort, s'il lui est permis d'embrasser ses genoux et de
toucher sa main victorieuse, je vous prie et vous conjure au nom de cette majesté royale qui naguère
nous entourait aussi, au nom de ce titre de Numide que vous partagez avec Syphax, au nom des
dieux de ce palais, dont je souhaite que la protection ne vous manque pas en y entrant comme elle a
manqué à Syphax lorsqu'il s'en est éloigné ; accordez à mes supplications la grâce de décider vous-
même du sort de votre captive, selon les inspirations de votre âme, et de m'épargner les superbes et
cruels dédains d'un maître romain.

Quand je ne serais que la femme de Syphax, c'en serait assez pour que j'aimasse mieux
m'abandonner à la discrétion d'un Numide, d'un prince africain comme moi, qu'à celle d'un
étranger et d'un inconnu. Mais que ne doit pas craindre d'un Romain une femme carthaginoise, la
fille d'Hasdrubal ? Vous le savez. Si vous n'avez pas en votre pouvoir d'autre moyen que la-mort
pour me soustraire à la dépendance des Romains, tuez-moi, je vous en supplie et vous en conjure. »
(Discours de Sophonisbe tiré de Tite-Live, Histoire romaine)

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Cléopâtre Séléné, la reine des reines

La première épouse du roi Iouba était une princesse africaine, la huitième des Cléopâtres, fille de
Cléopâtre VII, reine d'Egypte. De la liaison que cette grande reine avait eue avec le général romain
Marc Antoine, naquirent, vers 40 av. J.-C, des jumeaux : un garçon, Alexandre qui reçut aussi le nom
d'Hélios (soleil), et une fille qui portera le nom de sa mère Cléopâtre auquel s'ajouta celui de la
déesse Séléné (Lune).

Agée de six années à peine, Séléné fut désignée par son père, Marc Antoine, reine de Cyrénaïque.
Mais la guerre de pouvoir fratricide qui allait suivre entre les généraux romains Octave, qui deviendra
Pempereur Auguste et Marc Antoine, tourna au profit du premier. Seulement, les parents de Séléné
meurent, la laissant aux mains du vainqueur. Le 15 août de l'an 29 av. J.-C. selon plusieurs
témoignages, elle a dix ans à peine lorsqu'elle figure au triomphe de l'armée que célèbre Octave à
Rome.

La princesse fut recueillie à la cour impériale avec les autres princes et captifs des conquêtes
romaines. C'est Octavie, sa marâtre, la première épouse de Marc Antoine, qui s'occupera de son
éducation. Iouba avait alors environ 18 ou 19 ans lorsque la jeune princesse d'Egypte arriva à la cour
impériale. Fut-elle la promise du prince numide depuis leur tendre jeunesse en Italie ? Nous pouvons
accepter le fait qu'ils se soient connus bien avant leur mariage.

Les noces de Iouba et Cléopâtre Séléné n'eurent lieu réellement que vers 20 ou 19 av. J.-C. Séléné est
qualifiée de BACCIAICCA KEOIIATPA (reine Cléopâtre), marqué exclusivement en grec, sur la
plupart des monnaies portant son effigie, ce qui ne se faisait nullement pour les reines qui n'exerçaient
pas de pouvoir politique. C'est donc une véritable souveraine qui allait diriger le royaume auprès de
son mari. Son portrait sculpté sur du beau marbre blanc découvert dans sa capitale nous la révèle l'air
digne mais sévère, coiffée à l'égyptienne.

(Monnaie revers. Photo )

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Une femme mythique que cette Cléopâtre de Maurétanie, de la même essence que sa mère la reine
d'Egypte et de Sophonisbe, la célèbre épouse des rois Syphax et Massinissa. Séléné influença
considérablement le roi en éveillant une vive passion pour leurs traditions ancestrales. Elle jouera un
rôle prépondérant dans la construction du royaume et de la capitale en participant aux grandes
orientations politiques de la vie religieuse, économique et sociale. La reine fut associée officiellement
au trône d'après le témoignage des monnaies de Cassarea. D'ailleurs, la seule connaissance de la
physionomie de la reine nous est offerte par l'effigie monétaire.

Que cela soit sur les émissions monétaires ou dans l'art, les symboles de l'Egypte sont toujours
présents en Maurétanie. Séléné mourut trop jeune pour Iouba, à l'âge de trente-cinq ans. Sa mort nous
est rappelée par des vers rédigés en son honneur dans lesquels un poète vante la beauté et la grâce de
Séléné et dont la mort coïncida avec une éclipse lunaire au début de la soirée du 22 mars de l'année 5
avant l'ère chrétienne.

La lune elle-même en se levant un soir s'est obscurcie,


Elle a voilé des ténèbres de la nuit sa douleur et son deuil,
Lorsqu 'elle vit la gracieuse Séléné, du même nom qu 'elle,
Descendre sans vie dans la sombre demeure de Pluton.
De même qu 'elle lui avait communiqué l'éclat de sa belle lumière,
Elle voulut aussi unir ses ténèbres à son trépas.

Crinagoras de Mytilène (70 av. J.-C. à 18 ap. J.-C.)

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L'image de Séléné

Vers 1850, au centre de Cherchell et à proximité de la porte d'Alger, les fouilleurs français
découvrent de nombreuses statues qui se trouvaient dans les environs du "palais" de Iouba. Dans ce
même endroit, la tête en marbre d'une femme portant un diadème est exhumée.

L'œuvre, d'un bon style, représente une dame d'un âge assez mûr, la tête inclinée vers sa gauche et
légèrement relevée vers le haut. Haute de il cm, elle porte un large bandeau qui imite le métal. Le
portrait de Cherchell porte une coiffure soignée. Cette coiffure raffinée, qui évoque celle des
premières reines de la dynastie des Lagides comme Bérénice ou Arsinoé, a été remise à l'honneur
par Cléopâtre VII.

Marqué de rides sur le front, le visage est plein. Le front est dominé par une frisure formée d'une
série de bouclettes identiques, soigneusement alignées et retournées sur elles-mêmes, forées de trous
symétriques. Plus haut, une autre rangée de mèches disposée en ondes s'étale de part et d'autre de la
raie médiane. Le reste de la chevelure est retenu par le diadème.

Les érudits hésitent à y reconnaître Cléopâtre Séléné rendant ce portrait énigmatique. Difficilement
accepté comme un visage de la reine de Cœsarea à cause du mythe de la beauté de sa mère, ce
portrait féminin de Cherchell est d'abord considéré comme "la tête d'un prince indigène" puis pour
le portrait "... plein de qualité d'une dame ou d'une souveraine romaine".... Par contre, on évitera
de l'identifier avec certitude : "Serait-ce Cléopâtre Séléné, femme de Juba ? "

Il est vrai qu 'à l'époque augustéenne, le port du diadème par les impératrices ou les reines sur les
effigies, qu 'elles soient sculptées ou monétaires, est extrêmement rare, à l'exception de Livie,
l'épouse de l'empereur Auguste. De plus, tout au début de la colonisation française, période durant
laquelle ce portrait fut trouvé à Cherchell, il était bien difficile d'admettre qu'une femme, Africaine
et épouse d'Africain, ait pu se faire représenter avec une couronne et, qu'elle ait, de surcroît,
partagé la royauté tout en ayant une autorité souveraine.

Pourtant il en est ainsi pour Cléopâtre Séléné, reine des reines, parée de son diadème sur toutes ses
effigies monétaires. Bien que son profil sur les monnaies ne soit pas régulièrement fidèle, les traits
de Séléné sont assez ressemblants sur les pièces en or ou en argent : nous retrouvons parfois un
visage proche de son portrait en marbre.

Redonnons à Séléné, ce qui lui appartient : son visage. Il faut reconnaître le réalisme et la haute
qualité d'exécution de cette représentation de Séléné à un âge avancé. " Egyptisant " certes, meus
cela ne nous empêche pas de remarquer aussi une certaine influence des ateliers hellénistiques dans
des détails comme l'exécution des mèches traitées avec souplesse au-devant du bandeau. Ceci est
vrai également dans la conception de l'œuvre avec cette harmonie mouvementée de la tête et de la
chevelure. Le style et cette individualisation des traits du visage, l'âge aussi de Cléopâtre Séléné sur
ce portrait, nous conduisent à le classer dans la dernière décade du 1er siècle avant J.-C.

Une monnaie d'argent présente un profil de Séléné tout à fait identique à celui du portrait de
Cherchell. La forme du visage et le nez font que ce polirait s'apparente à l'effigie de la

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« Grande Cléopâtre ». Mais noirs pouvons tout de même accorder une ressemblance familiale
entre mie mère et sa fille !
(profil monétaire, musée des antiquités)

Glaphyra de Cappadoce

Quelques années après le décès prématuré de Séléné, une autre princesse fit une apparition furtive
dans la vie de l'émdit Iouba, une femme, dit-on, d'une irrésistible beauté : Glaphyra. Elle était la fille
d'Archélaos I, roi de Cappadoce qui régnait sur des territoires d'Asie mineure au début de l'ère
chrétienne. La mère de Glaphyra, Pythodoris de Tralles, n'était autre qu'une des petites filles d'Antoine
et donc parente de Cléopâtre Séléné.

Longtemps, cette union ne fut que peu relatée sinon occultée, mais il n'est plus permis aujourd'hui de
douter de l'authenticité de cet événement de grande importance : le roi Africain a bel et bien épousé
une autre princesse venue d'Orient, encore une grecque liée à Marc Antoine, l'ennemi juré d'Auguste
pendant des aimées.

Nous ne connaissons pas encore le visage de cette princesse dont l'attirance et la beauté sont louées par
les écrivains anciens. L'historien Flavius Josèphe qui vivait au 1 er siècle rapporte que Glaphyra, veuve
d'Alexandre, le fils d'Hérode et de Marianne, se lia en secondes noces à Iouba le "Libyen". « ...Après
la mort à Alexandre, Glaphyra se remaria avec le roi de Libye, Juba et, après la mort de ce dernier,
elle rentra dans son pays et vécut le veuvage chez son père... »

Cette affirmation à propos du second mariage de l'Aguellid est confirmée par mie inscription grecque
trouvée à Athènes sur laquelle on peut lue : ... Reine Glaphyra, fille du roi Archélaos, femme du roi
Iouba ... Le roi de Maurétanie fêtera cette union sacrée près de six années après la disparition
énigmatique de sa bien-aimée Séléné. Le mariage avec Glaphyra n'a pu avoir lieu qu'au début du 1er
siècle, entre l'an 1 et 5, lors de la campagne d'Orient du prince romain Caius César, campagne durant
laquelle Iouba avait seivi de conseiller au prince romain.

Les textes anciens nous révèlent encore qu'en l'an 6 la reine Glaphyra se séparera de Iouba pom se
marier une troisième fois avec un certain Archélaos, frère de son premier mari. A propos de ce
troisième mariage de Glaphyra, l'écrivain Josèphe rapporte que "Archélaos, en la voyant, répudia sur
l'heure, sa femme Marianne, et l'épousa". Puis il évoque le rêve que fit Glaphyra en revenant dans son
pays : "...Peu de temps après son arrivée en Judée, Glaphyra eut l'impression qu'Alexandre lui disait :
Le mariage africain (libyen dans le texte) aurait dû te suffire ; mais tu ne t'en es pas contentée et de
nouveau tu retournes à mon foyer et tu as pris un troisième mari et qui pis est, impudente, mon propre
frère !... je te reprendrai, fut-ce malgré toi".

En ce qui concerne Iouba, Josèphe se trompe probablement sur les dates et il faut comprendre plutôt
un départ, puisqu'il ne mourut qu'en 23/24 ap. J.-C. La princesse était apparemment dotée d'une
personnalité quelque peu particulière d'après les sources mais en fait nous ne connaissons que très peu
de choses à son sujet. N'oublions pas qu'elle eut ce privilège, peut-être à cause de son irrésistible
beauté, d'épouser deux princes d'Orient et un grand roi numide.

Les causes de la séparation du couple restent encore inconnues. Etait-ce juste im mariage de
circonstance ? Glaphyra avait-t-elle vécu à Cassarea ? Personne ne le sait ! Il est aujourd'hui

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certain qu'à partir de cette période, c'est-à-dire au début de l'ère chrétienne, Séléné n'apparaît plus sur
le monnayage du royaume de Maurétanie, mais il n'existe, semble-t-il, point de trace de Glaphyra.

(Dessin profil monétaire)

Aucune des effigies de la princesse, s'il en existait, ne nous est encore connue. Néanmoins, sur le
revers d'une monnaie de Iouba, datée de 6 ap. J.-C. est porté un visage féminin qu'on a cm appartenir à
Séléné. Aucun élément n'atteste que ce profil monétaire appartient vraiment à la première épouse du
roi car les traits du visage paraissent ftop différents des autres effigies de la princesse lagide. Aucun
nom n'accompagne cette figure et il pourrait aussi bien s'agir d'une autre reine ou princesse, peut-être
Glaphyra.

Portrait, Déméter de Cherchell


La statue est celle de la déesse grecque Déméter, mais le visage est celui d'un humain : est-
ce le portrait d'une reine divinisée ? Séléné ou Glaphyra ?__________________________________

41
Urania, reine de Maurétanie

Une inscription gravée sur une urne funéraire en marbre de forme cylindrique haute de 21 cm nous
révèle l'existence d'une reine Urania à Cassarea. Ce précieux document fut trouvé en 1938 dans un
tombeau de la nécropole ouest de Cherchell, dite de Y OuedNsara. Les lettres se déchiffrent et se
traduisent ainsi :

hilia Bodine, /Reg(inae) Uraniae /liberta, /h(ic) s(ita) e(st) "Julia


Bodiné, affranchie de la reine Urania, repose ici"

En fait, Julia Bodiné avait appartenu à la reine Urania, la beauté du ciel. Affranchie grecque ou
africaine, elle aurait été une concubine ou même ma troisième épouse du roi Iouba. Une épouse
probablement officieuse mais numide malgré la forme grecque de son nom. Urania, qu'aucune autre
source ne cite, n'est mentionnée que sur cette précieuse inscription de Cherchell.

Les princesses de Cœsarea : Drusilla et Cléopâtre JX


Il n'y a que deux princesses qui nous sont connues par les textes ou par les inscriptions que les latins
ont gravées sur la pierre. Drusilla et peut-être une autre Cléopâtre -donc Cléopâtre LX- que nous
pensons être les filles du roi Iouba. Malheureusement, très peu d'indices certifient réellement
l'existence de ces membres de la famille royale.

Plusieurs inscriptions de l'époque antique trouvées à Athènes sont dédicacées aux enfants du roi
numide. Elles portent le nom de Iouba et hivoquent la fille de ce dernier sans mentionner son nom.
Deux noms de princesses, filles de Iouba ou peut-être de Ptolémée, sont à peine mentionnés dans les
récits : Drusilla et Cléopâtre (IX), le dernier étant moins sûr.

Tacite mentionne le nom de Drusilla comme étant celui de la petite-fille de Cléopâtre et d'Antoine.
Serait-elle, par déduction, la fille de Cléopâtre Séléné et de Iouba ? Le texte de l'auteur lathi nous
explique que longtemps après la mort de ses parents, cette princesse Drusilla aurait épousé l'affranchi
Antonius Félix, fait procurateur de Judée par l'empereur Claude au milieu de 1 er siècle après Jésus-
Christ.

Il est vrai que si Cléopâtre Séléné est décédée vers l'an 5, Drusilla aurait eu près de 50 ans lors de ce
mariage, mais les honneurs et le lien de parenté qui se seraient créés avec le Romain Claude (41 à 54
de notre ère), petit-fils d'Antoine, n'étaient-ils pas attractifs ? Malheureusement nous ne savons rien de
plus sur cette princesse et son existence n'est pas totalement assurée. Mais comiaissons-nous d'autres
filles de Cléopâtre Vil et de Marc-Antoine en dehors de Séléné ? Pas du tout, Séléné reste la seule fille
connue de Marc Antoine et de Cléopâtre VIL

Le couple royal de Maurétanie aurait donné naissance -dit-on- à une seconde fille qui portait le nom de
sa mère, Cléopâtre, et donc la neuvième des Cléopâtres. Malheureusement, nous ne savons rien de
plus sur ces princesses m sur leur rôle auprès de la cour royale de Cassarea.

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A ce jour, Drasilla et Cléopâtre IX ne sont pas reconnues ou identifiées avec certitude, ni sur les
effigies monétaires ni sur les portraits royaux trouvés dans le royamne, ni encore sur les nombreuses
inscriptions de la capitale Iol-Caesarea et du royaume.

II. INFLUENCES ET CROYANCES

43
L'influence gréco-orientale

Si nous recherchons autour de la mer Méditerranée les signes des relations entre l'Orient et l'Occident,
nous nous rendons compte immédiatement de l'importance de leur nombre et de leur diversité. Ce ne
sont pas que des symboles, c'est tout un héritage édifié au long des siècles par ces peuples qui ont su
s'adapter et adopter chacune de leurs cultures. L'mi des rôles fondamentaux que l'Afrique du Nord a
joué dans ces innombrables relations économiques, sociales ou artistiques ente l'Orient et l'Occident, a
été celui de lien étroit, de moyen de conmimiication.

Durant l'Antiquité, l'Egypte, la Grèce et Rome ont fortement influencé les pays du pourtour
méditerranéen. La Numidie, hormis les relations humaines et commerciales qu'elle a entretenues avec
les autres peuples, a évolué au îythme des développements civilisateurs. Elle a intégré dans sa religion
et ses rites certaines croyances comme elle a su assimiler les formes et les courants artistiques. Elle
représente également un potentiel de ressomces humaines et naturelles très riche participant fortement
à l'épanouissement des "cornants" méditerranéens.

Sphinx de Cherchell (photo)

Des profonds bouleversements qui se sont produits dans la société numide, ce sont les aspects
ciUturels que nous connaissons le mieux, car ils sont hsibles dans les monuments et les objets que
nous livre la terre africaine. Cette culture peut se résumer ainsi : l'Afrique du nord d'époque
hellénistique, c'est-à-dire du 3e™ au 1er siècle avant notre ère est une région qui se dote d'une culture
profondément hellénisée.

Une stèle érigée à Délos normne un cavalier numide Mastanabal, père de Jugurtha, qui avait remporté
la victoire sur l'hippodrome d'Athènes, au début du 2 eme s. av. J.-C, pendant les grands jeux
panhelléniques. Il fut décoré de la médaille d'or. Lorsque cet événement eut lieu, c'est toute la
Nmnidie qui s'affirme comme partenaire actif du grand ensemble méditerranéen. La participation du
roi numide et sa victoire sont chargées d'un sens très fort : les cités grecques reconnaissent ainsi que
les monarchies africaines font partie de plein droit de leur monde culturelle, autrement dit qu'elles ne
sont pas considérées conmie des « barbares ».

La tradition selon laquelle le roi est l'autorité suprême en matière de culmre avait ses origines dans
l'idéal de Platon pour une cité avec un roi philosophe. En réalité, elle commencera à s'étendre avec
Alexandre le Grand pour devenir une habitude chez ses descendants, les

44
princes hellénistiques qui régnèrent après lui sur l'Orient et l'Egypte. Au 3™* et 2™" siècle avant
Jésus-Christ, des monuments grandioses furent ainsi édifiés pour honorer les dynastes grecs et leurs
ancêtres.

On retrouvait exposées des statues entières ou simplement des bustes et des têtes représentant les rois.
Souvent avec ces portraits, des dieux et déesses sont associés dans les temples ou les sanctuaires
royaux, vénérés par toute la population. Nous ne savons guère si leurs ancêtres en avaient fait autant
mais plus tard, Iouba et Séléné tentèrent de développer eux-aussi cette tradition de sculpture
dynastique.

Le culte du peuple numide et celui de leur roi parait similaire à celui de la Grèce et à moindre degré à
celui de l'Egypte. Les Aguellids réclamaient une descendance grecque ; depuis Gaia, nous sommes
quasiment sûr que les rois ont été particulièrement liés au pouvoir royal et à l'expression grecque dans
toutes ses formes, politique, religieuse, sociale, artistique... L'un des derniers rois numides, Iouba,
affichait ses revendications en adoptant comme principal symbole, le demi-dieu Héraclès, ancêtre
revendiqué aussi par le prince Alexandre le Grand.

Massinissa puis son fils Micipsa goûtaient à la finesse exquise de l'art grec et s'inspirèrent de l'Egypte
et de ses principales tendances artistiques et mystiques pour développer leur propre civilisation.
Carthage a aussi joué un grand rôle dans la composante de l'art et des croyances numides. Honnis les
autochtones, les altistes qui fréquentaient la cour des Aguellids étaient certainement recmtés le plus
souvent en Grèce ou en Egypte, plutôt qu'à Rome. De plus, marbre grec du Pentélique, de Paros et de
Naxos, marbres africains et italiens, de qualité mais coûteux, ne supposent-ils pas un traitement par
des sculpteurs de premier ordre ? La compétence et l'expérience des érudits, des conseillers, des
altistes qui ont côtoyé les rois et créé des œuvres ne peuvent être que grecques ou de qualité
équivalente.

4?
Des Grecs chez les Numides

Depuis Gaia et Massinissa, les royaumes numides ont entretenu des relations directes et privilégiées
avec le monde hellénique des royaumes et des îles. La Numidie est devenue une puissance maritime et
coimnerciaie qui a permis aux influences grecques de se diffuser partout dans les villes du royaume.
Effectivement, les relations des royaumes africains avec le monde grec sont attestées depuis la plus
haute Antiquité : dans les décrets postérieurs à 166 av. J.-C. des Inscriptions de Délos, nous retrouvons
des dédicaces aux rois nmnides et à Massinissa. L'île de Délos entretenait des liens étroits et des
relations commerciales intenses avec le royaume numide et cela depuis fort longtemps.

Une aune inscription datée de 170 av. J.-C. environ, nous apprend qu'un marchand, citoyen athénien,
fit élever dans sa cité mie statue de Massinissa, en se flattant d'être son ami. JJ semble que Iouba et
Séléné, puis leur fils Ptolémée, aient continué à entretenir des liens particuliers avec le monde grec. La
politique de mécénat qu'avaient menée leurs ancêtres continuait comme le laissent entendre les textes
épigraphiques retrouvés en Grèce.

(Monnaie d'Athéna, musée de Cirta)

Si nous admettons le fait que les deux derniers rois numides jouaient ce rôle de mécènes en faveur des
cités grecques et sachant que Ptolémée, jeune prince alors, s'est effectivement rendu en Grèce pou
étudier l'art et la hïtérature grecs, peut-on vraiment tenir le (ou les) voyages de Iouba pour improbables
comme le soutiennent certains historiens modernes ? Pouvait-on, à l'époque de Iouba, se prévaloir
d'une orighie grecque, parler, disserter sur les Grecs et leur art, en langue grecque, construire la
capitale de son royaume et l'embellir sur le modèle artistique grec, être marié à deux Grecques et ne
jamais avoir connu la Grèce ?

Des Grecs habitèrent en Nmnidie et une colonie grecque a sûrement vécu à la cour de Massinissa
Micipsa : ce sont des mercenaires, des artistes, des intellectuels. Les textes anciens nous apprennent
que les Aguellids aimaient à s'entourer d'artistes et qu'ils utdisaient leur talent pour les besoins de leur
capitale. Des musiciens grecs animent les banquets du roi Massinissa puis de Micipsa qui est dit «
savant en lettres grecques ». Ils fréquentaient les monarques africains et occupaient forcément des
situations privilégiées auprès de la cour qui entoure le souverain. C'est un des milieux privilégiés où se
révèlent la nature du nouveau pouvoir et l'image qu'il entend donner de lui. Les sources nous
enseignent que, dès le début des royaumes numides, la culture hellénique fait partie du cadre de vie de
toute la famille royale.

« Ces contrées africaines étaient à ce point hospitalières qu 'elles faisaient oublier leur patrie à ceux
qui s'y installaient. » Pline, Histoires Naturelles (XHI, 32, 105)

46
Ecrivains, poètes, architectes et artistes se côtoyaient certainement à Cirta, Zama, Siga ou à Iol-
Cassarea, et parmi eux de nombreux grecs. Les preuves de la présence d'une forte communauté
grecque existent à Cirta tout comme à Iol-Cassarea, capitale du royaume durant près d'un siècle au
moins. La composante grecque et hellénisante dans l'onomastique de Cassarea est attestée avec
certitude, d'après les inscriptions funéraires découvertes à Cherchell. Du règne de Iouba à la fin du 1 er
s. ap. J.-C. seulement, la proportion des noms grecs est de près de 30%, alors qu'elle diminue dans les
siècles suivants.

Une urne funéraire en marbre de Paros (?) portant l'inscription d'un nom grec a été trouvée en 1938
à l'emplacement de la nécropole de l'est de Cherchell ; il s'agit, peut-être, de celui d'im poète.

Tuxn (mi^OTOs : "A la fortune le diseur de vers" (?).

47
Le culte royal

Il serait prétentieux de donner des réponses fermes, toutefois les données iconographiques et
épigraphiques suggéreraient un culte royal numide assimilé à celui des divinités grecques et peut-être
des divinités locales aux Numides. Complexe et longue à traiter, cette question sera abordée dans
l'unique but de présenter quelques aspects des interrogations sur le culte royal en Numidie et en
Maurétanie.

Les princes hellénistiques ont institué leur propre culte, mais plus encore, un culte de leurs ancêtres
afin d'affirmer au grand jour leur origine. Ces vénérations étaient en vigueur surtout dans les capitales,
dans des endroits particuliers comme sur l'acropole de Pergame, siège de la dynastie des Attalides à
partir de 282 av. J.-C, où un sanctuaire était réseivé pour les stames des princes. Les Ptolémées
d'Egypte et les Séleucides de Syrie organisent, dès le second siècle, un culte officiel sous leur contrôle
direct, contrairement au culte religieux des princes hellénistiques. Les rois qui reçoivent le culte divin
sont supposés être les véritables garants de l'unicité du royaume.

Il est fort probable que les rois furent adorés comme des dieux depuis Massinissa, même avant lui,
jusqu'à Iouba et Ptolémée ; mais ont-ils été déifiés de leur vivant ? Certains savants soutiennent que
Massinissa aurait bénéficié de son vivant d'mi culte royal organisé sur le modèle hellénistique.
.. .Le roi vainqueur et heureux participe de la nature divine et, tel Alexandre, Démétrios ou
Ptolémée (1" d'Egypte), devient un dieu... dit on de Massinissa.

La vénération des rois mais aussi de divinités encore inconnues, numides ou maures, existait
probablement dans les grandes cités et les capitales africaines. D'ailleurs, les découvertes
archéologiques dans la dernière capitale des rois numides ont dorme de nombreux indices montrant
l'existence d'un culte royal. Une inscription funéraire découverte à Cherchell était dédiée au roi
Micipsa (148 et 118 av. J.-C), le propre fils de Massinissa qui régna une trentaine d'années sur les
vastes territoires de son père. Nous pouvons la lire et l'interpréter ainsi :

« Sanctuaire funéraire du vivant des vivants Micipsa, roi des Massyles, le regretté, celui qui dirige
la patrie, maître des princes, bienveillant » (Inscription de Cherchell)

Cette inscription provient sûrement d'un tombeau qui devait exister dans la cité royale numide révélant
ainsi l'existence d'un cidte à ce roi divinisé. D'aillems, cette inestimable inscription fiinéraire fait
réfléchir les historiens modernes : « Est-il impossible de dire que Micipsa mourut à loi et que son
tombeau fut élevé dans cette ville ? »

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Il est suggéré notamment de voir dans le nom loba (Iouba) un nom théophore, celui d'un dieu, peut-
être numide, porté par le roi. Additivement, plusieurs auteurs anciens nomment Iouba parmi les rois
divinisés qui ont longtemps été adorés par les Maures (habitants du royaume la Maurétanie).

Des dédicaces provenant de Cherchell, inscrites sur la pierre, mentionnent que deux statues des rois
Iouba et Ptolémée furent offertes à Vénus. Elles sont datées du milieu du 1 er s. ap. J.-C confirmant
bien l'existence du culte royal et sa permanence à Cœsarea ; d'autant plus qu'il existe aussi une autre
inscription dédiée au dieu Iouba et à Jupiter. Il est vrai que cette dernière ne précise pas de quel Iouba,
cela peut être le père ou le fils. Est-ce le nom d'un dieu ou celui de Iouba divinisé ? Ce texte est tardif,
mais il indique, qu'après des siècles, les rois africains étaient encore vénérés post-morlem (après leur
mort).

La divinisation posthume du roi numide de Maurétanie est attestée de nouveau par une inscription
trouvée dans l'Est du royaume, à Bordj-Bou-Arreridj, près de Setifis (Sétif en Algérie). Une adoration
des rois Iouba et Ptolémée ou une divinisation après leur mort est certaine et se confirme à cause
notamment de l'existence de trois temples maurétaniens dans une autre ville du royaume, à Sala, près
de Rabat (Maroc).

Photo des temples de Sala

N'oublions pas qu'en 69 ap. J.-C, le procurateur romain Luceiis Àlbinusprocurator iitriiisque
Mauretaniae résidant alors à Iol-Cœsarea, portera le diadème et le nom de Iouba, ceci afin
d'amadouer l'esprit récalcitrant du peuple numide. Nous avons là im autre témoignage d'mie
adoration des rois, bien après leur mort.

Au cœur de la ville de Cherchell, au coin de la rue de Ténès et de la me du Théâtre aux environs de


l'endroit où pourrait se situer le forum de Iouba, a été découverte, à trois mètres de profondeur, une
inscription dédiée aux dieux Maures avec l'inscription :

Diis Mauricis

Est-ce une divinité locale, ou serait-elle plutôt à mettre en relation avec le culte royal ?

Ainsi, les écrivains de l'époque et les inscriptions archéologiques trouvées çà et là nous confirment la
constance de cette vénération depiùs les premiers souverains numides jusqu'à Iouba et son fils. De leur
vivant, et de longs siècles après leur mort, les Aguellids furent glorifiés, adorés, déifiés.

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Type iconographique divin adopté pour les portraits des rois

L'exemple de ce qu'on peut appelait la polyvalence de l'image dans la sculpture grecque, où l'on voit,
contrairement à toute attente, un Asclépios imberbe (dieu grec habituellement représenté barbu),
trouve son originalité dans l'intégration par l'artiste de deux personnalités : le type habimel de la
divinité va changer et fusionner avec l'image d'un vivant grâce à de petits détails individuels. Cette
conception nouvelle qui se retrouve dans certaines images est confirmée par les sources anciennes qui
nous apprennent que des statues de divinités ciselées par de grands sculpteurs grecs représentés plutôt
les portraits de héros.

Une telle pratique s'est révélée assez commune où des personnages représentent des divinités grecques
et généralement reconnaissables à leurs attributs : Dionysos le dieu du vin, Hennés le Messager. Mais
encore Athéna la déesse de la Guerre ou Artémis celle de la chasse ; en revanche, ils ont des visages
que l'on identifie aux princes Ptolémée JJ, Ptolémée III ainsi qu'aux reines Bérénice II et Arsinoé III,
ces monarques de Grèce et d'Egypte.

Chez les Numides, cette pratique dans l'art de la scidpture n'est surtout révélée que par' les découvertes
en Afrique du Nord et de par le monde qui nous montrent l'iconographie des rois Iouba et Ptolémée.
Près d'une trentaine de portraits et statues sculptés dans du marbre et mie œuvre en bronze ont été
mises au jour : plus d'une quinzaine dans le royaume africain et le reste à Rome ou ailleurs.

Les rares sculptures et portraits représentant des membres de la famille, par chance, arrivés jusqu'à
nous, sont principalement ceux de Iouba et de Ptolémée et des statues dont les identifications
demeurent encore très controversées. La reconnaissance des personnages que les artistes ont voulu
représenter n'est pas toujours évidente. Si nous faisons abstraction des attributs, nombreuses sont les
œuvres dont les têtes peuvent être considérées comme des portraits ; cependant, l'identification devient
très incertaine lorsqu'il s'agit de reconnaître les visages des divinités.

A Caesarea, ce sont donc les portraits royaux qui possèdent cette distinction. Iouba et son fils
Ptolémée sont représentés sous une apparence héroïque ou divine, peut-être dans im but politique,
mais l'intention était différente de celle de l'empereur romain Auguste : entretenir les légendes nées à
propos de leur ascendance héraclèenne, comme l'avait fait Alexandre le Grand, mais aussi africaine.
Est-il encore superflu de concevoir l'existence d'un culte royal du vivant de Iouba et de Ptolémée ?

En Grèce, nous avons vu également que des inscriptions honorent les rois africains. A Soura, le texte
qui évoque Ptolémée fut découvert à l'intérieur d'un temple. D'autre part, l'auteur grec du second siècle
de notre ère, Pausanias, nous rapporte qu'une statue de Iouba fut érigée dans le gymnase du prince
hellénistique Ptolémée II Philadelphe, à Athènes. Dans ces lieux, s'élevait également celle de son fils
Ptolémée de Maurétanie, attestée par l'inscription sur une base en marbre trouvée près du portique
d'Attale. Nous avons là des indices précieux car ces dédicaces ne sont pas totalement désintéressées.

Durant les 65 années du règne des deux rois numido-maurétaniens, Iouba et Ptolémée, selon toute
apparence, vont adopter la coutume proche-orientale qu'Alexandre le Grand le premier, puis ses
successeurs, conservèrent. Elle consistait à fane ériger des statues du roi, souvent colossales, de son
vivant.

50
Une divinité maure au visage de Juba 1er

A la fin du 19^"e siècle, on découvre près des thermes de l'ouest de Cherchell en Algérie, une tête de
près de 40 cm de haut, plus grande que nature et qui appartenait à une statue-portrait de plus de
deux mètres de hauteur (210 à 220 cm). Le visage du vieil homme fait forte impression. Il est
encadré d'une couronne de cheveux exceptionnellement luxuriante et d'une barbe fournie. Les
boucles de diamètre réduit, denses et moyennement longues, sont rangées en séries. Par contre, la
barbe est très conventionnelle avec un contour géométrique en forme de trapèze et des mèches
courtes, légèrement ondulées.

Les yeux profondément implantés s'imposent par rapport au visage ; ils sont encadrés par des
paupières étroites et fines. Une homogénéité des formes et des contours se développe dans le détail
comme pour les sourcils courbes avec des poils indiqués par des entailles obliques et formant une
arête. Les joues creuses sont soulignées par une ride tombant en oblique, dont le tracé suit celui de
la moustache. La bouche fermée paraît particulièrement petite à cause de la lèvre supérieure à
moitié cachée par les poils de la moustache.

Les magnifiques boucles arborées par le roi, que l'homme d'Etat et auteur romain Cicêron a souvent
évoquées, se retrouvent sur les pièces de monnaie et sur quelques portraits en marbre. Ce type de
chevelure n 'apparaît pas ainsi sur les profils numismatiques des autres personnages numides ou
mauritaniens. Cependant, Juba 1er n 'est pas le seul à porter une coiffure aux "boucles en tire-
bouchon" qui semble distinguer la population numide d'Afrique du Nord. En Afrique, elles
apparaissent également dans la sculpture idéalisante dont il nous reste un surprenant exemple au
musée d'Oran : le fragment d'une tête de statue en marbre trouvé près d'une inscription nommant
Dea Maura (déesse maure).

L'identification de ce portrait à Juba 1er s'est fondée sur la comparaison avec l'effigie monétaire.
Effectivement, le profil sur la numismatique nous montre Juba 1 er avec une barbe longue et pointue.
Il s'insère ainsi parfaitement dans la tradition numide, étant donné que la barbe est figurée de cette
manière pour Massinissa, puis pour ses successeurs. La barbe du portrait en marbre de Cherchell
est conçue avec un style absolument différent, rappelant celui des philosophes grecs.

Dès lors, l'identification de la tête à Juba 1 er n'est plus incontestable, même lorsqu 'elle est
comparée aux images des monnaies. Les boucles frontales, le trait le plus typique et remarquable de
la tête en marbre, caractérisent en fait une origine numido-maurétanienne dans un sens étroit et
nord-africaine au sens large, qu 'il s'agisse de dieux ou d'humains.

51
Cette tête est composée de caractères qu 'il faut associer aux dieux grecs avec quelques traits plus
individualisés et adaptés aussi des portraits de philosophes. S'agit-il d'un vieillard célèbre de
Cœsarea, représenté comme quelqu'un de respectable et en tant que philosophe ? Est-ce l'image
d'un des dieux, portant la chevelure d'un Africain du Nord et rappelant l'allure de Juba 1er (?), ou
tout simplement un Deus Mourus (dieu maure) ?

Ces indications sont déjà suffisantes pour classer le portrait barbu de Cherchell beaucoup plus tard
qu'à l'époque jubéenne, période durant laquelle les œuvres, créées avec une grande maîtrise,
avaient une autre sensibilité. Le visage, conçu pour n'être vu que de face, ne témoigne pas du même
élan artistique, il est créé selon d'autres procédés stylistiques. Retenons qu'il s'agit bien d'une
nouvelle conception dans le portrait de Cherchell, qui nous reporte à la question de l'ambiguïté de
l'image.

Portrait Juba 1™ du Louvre et profil monétaire de Juba Ier.

Jubéenne au lieu d'Augustéenue ; dans l'ait de Iol-Ceesarea la nuance existe bien !

52
Le roi Jugurtha en prêtre numide ?

Dans la propriété Constantin Saïd à Cherchell, entre la route d'Alger et la mer, on découvre en 1891 un
très beau portrait en marbre à cristaux très fins, blanc-gris à veines foncées. JJ provient sûrement d'un
temple ou d'un sanctuaire de Caesarea. Son découvrem considère d'abord que c'est une fenmie romaine
qu'on identifie ensuite, à Agiippina Mhior, mère de l'empereur Néron et épouse de l'empereur Claude.

Même si le personnage sur ce portrait de Cherchell ne porte pas de bandeau, il est considéré par une
partie de la communauté scientifique comme la représentation d'une reine ; il a connu des
interprétations diverses. Dans les années 1950, les éradits changent d'avis et s'entendent pom' dire que
c'est : Cléopâtre VII, reine d'Egypte. Ils continueront à hésiter : bien que considérée comme une image
féminine pendant un siècle, la littérature la concernant observe souvent des traits masculins sur cette
tête. Aujourd'hui cette tête en marbre reste sans nom et fait à nouveau l'objet de discussions.

Avouons-le, le portrait voUé de Cherchell n'a rien d'mie Cléopâtre. Il est évident que le physique et la
coiffure de Cléopâtre VII ou de Séléné sont trop différents pom évoquer leur nom devant cette effigie.
Quoiqu'il en soit dans chacmi des cas, la chevelure est ordonnée, alors que sur cette tête nous la
voyons abondante et éparpillée. Dès sa découverte la chevelure sera qualifiée de «sauvage, ébouriffée
; «... une coiffure beaucoup trop désordonnée pour une femme romaine », dira plus tard l'éminent
spécialiste allemand Klaus Fittschen ou bien "capelli sparsi. "

La tête est recouverte d'mi tissu très épais. Au-devant, la chevelure fournie, un peu désordonnée, est
constituée de boucles de longueur moyenne, avec des extrémités fortement enroulées soulignées
souvent par un trou de foret. Moins hellénisé, son aspect est caractérisé par im visage allongé qui se
rétrécit jusqu'au menton proéniinent Le visage est marqué par des arcades sourcilières fortement
accenUiées, longues et courbes, un nez busqué long et étroit, des narines écartées. La bouche
entr'ouverte est petite. En revanche, cette impression de lèvres charnues domiée par le mauvais état de
conseivation ne matérialise, en aucun cas, la réalité de la lèvre supérieure, ni, probablement, celle de la
lèvre inférieure.

A l'époque antique, les femmes romaines portaient des parures. Il existe des exemples de portraits qui
portent les traces de boucles d'oreUles. Ainsi, lorsque ce portrait fut découvert à Cherchell, ce sont
principalement le voile et surtout la perforation des deux oreilles qui ont fait penser à une figure
féminine. Mais est-ce suffisant pour dire avec certitude que c'est la représentation d'une femme ?

(Feimnes voilées)

53
Généralement, sur les têtes voilées des femmes ou des hommes, le tissu est placé de deux façons : soit
il est tiré plus vers le front (vers l'avant) ; soit le voile est placé au sommet du crâne (vers l'arrière).
Mais dans les deux cas, il tombe naturellement, quasiment à la verticale. Et dans les deux cas aussi, les
oreilles, le plus souvent, sont couvertes lorsque nous les regardons de côté. Même si, de face, on les
voit décollées comme sur certains portraits de l'empereur Auguste, par exemple.

Seulement, le cas de Cherchell est totalement différent. Au-dessus du front, il est posé très en avant, et
ensuite il est poussé derrière les oreilles afin qu'on puisse les voir clairement, de profil, comme de
face. Si les oreilles sont dévoilées de la sorte, pourquoi alors le vode ne repose-t-U pas normalement,
c'est à dire vers l'arrière avec des plis tombant droit, comme d'usage chez les femmes ?

Une question qui paraît assez évidente, mais qui n'a jamais été posée : Pourrait-il s'agir d'un homme et
d'origine nord-africaine ? Certes, les preuves manquent, et visiblement, on ne peut pas répondre avec
une totale certitude à la question. Simplement, il est difficile de croire que le sculpteur ait voulu
figurer une femme en nous présentant cette coiffure si courte et si complexe. Cette manière, presque
factice, de porter le voile indique encore qu'on accordait ime importance particulière à ce que les
oreilles du personnage soient bien remarquées de tous les côtés. Et là, ce sont sûrement les boucles
d'oreilles qui sont alors mises en valeur.

Il convient de savon que le port des boucles d'oredles, du point de vue strictement historique, n'est pas
exclusivement féminin. Plutarque nous apprend que, chez les Numides et les Maures, les hoimnes
portaient couramment des bijoux, dont des boucles aux deux oreilles. Les sources écrites et
archéologiques confirmeraient qu'en Afrique du Nord les hommes assurant des fonctions de prêtre, ou
ceux d'origine noble se singularisaient en portant des boucles d'oreilles.

(Photo portrait voilé face)

H est clair que la physionomie du personnage que nous avons devant nous n'aide pas suffisamment à
l'identifier. Le nez busqué, la bouche petite ; et les arcades sourcilières étirées ne sont pas spécifiques
à l'un des deux sexes. Cependant, nous distinguons des tendons proéminents qui animent le cou, sans
être trop apparents ; la paume d'Adam est à peine suggérée : cette encolure peut également être celle
d'un homme. Les muscles du cou, tels qu'ils se présentent, sont parfaitement normaux pour un hoimne,
ils ne sont peut-être pas exclus pour mie fenune, mais néanmoins inhabituels.

54
L'examen fouillé de ce portrait et la somme des observations citées suffisent amplement à mettre en
doute l'identification qui lui est attribué. Il peut s'agir' d'un hoimne. Il y va de soi que ces boucles et la
tête ainsi couverte d'un voile, ne peuvent pas non plus appartenir à l'un des poètes ou penseurs grecs
ou romains. Nous avons devant nous vraisemblablement un Africain, caractérisé par sa chevelure
bouclée qui n'est pas ordonnée selon un modèle ou une mode quelconque, mais proche des coiffures
africaines. Comme il est d'usage pour les hommes, le tissu est largement tiré vers l'avant.

Les boucles d'oreilles qui doivent absolument être vues obligent l'artiste à pousser la toge derrière les
oreilles. Admirable portrait, probablement de la première moitié du 1 er s. ap. J.-C, il paraît bien être
celui d'un hormne : un Nmnide fier et imposant. Quoiqu 'idéalisé, le profil du personnage au nez
légèrement crochu, la chevelure africaine sur le front fait penser aux profils sur les monnaies des
premiers rois numides. Cela peut être la représentation d'un prêtre numide, mais serait-il insensé d'y
voir le visage du roi Jugurtha, l'ancêtre de Iouba ? L'intrépide Aguellid Jugurtha fut-il alors adoré à
Caesarea, plus de deux siècles après sa mort ?

Reprenons le précieux témoignage du Grec Plutarque dans « La vie de Marins » où il décrit l'acte
barbare commis par les Romanis. Il le raconte que Jugurtha : « ... fut jeté en prison. Parmi ses
gardiens, les uns déchirèrent violemment sa chemise, les autres, pressés de lui ôter brutalement ses
boucles d'oreilles d'or, lui arrachèrent en même temps les deux lobes des oreilles... ». Preuve
indéniable que même les rois, ici Jugurtha, portaient des boucles en or, et aux deux oreilles.

(Photo profil portrait voilé)

55
(Photo chapiteau sur une page)

Princes ou divinités en « marmor numidicum »

Depuis la plus haute Antiquité, de grandes carrières de marbre ont été exploitées en Afrique du Nord.
La plus réputée se trouve à Simitthus (Chemtou) au sud-est de la frontière algéro-tunisienne. Ce
marbre, ime roche calcaire métamorphique du Jurassique, est de teinte rose à jaune avec des veines
rouge-brun foncé. Il n'est autre que le fameux marmor numidicum, le marbre des Numides, extrait des
carrières du mont du Chemtou que cite Pline, le Romain.

L'exploitation de la carrière produisant le fameux et unique marbre numide était aussi mie somce de
revenus importants et sûrs pom les rois Numides, certainement depuis déjà le 3™ s. av. J.-C. Dès le
règne de Massinissa, puis au premier siècle avant l'ère chrétienne, le marbre numide symbolisait la
suffisance et le luxe. De nombreuses inscriptions nous confirment ime longue exploitation de cette
carrière qui appartenait certainement au royaume de Numidie.

Selon les sources écrites, les premières exportations de ce marbre ont été réalisées vers Rome en 78
av. J.-C, grâce à Marcus Aemilius Lepidus, homme politique romain du 1er s. av. J.-C. Ce commerce
se développa tout au long des siècles qui suivirent, avec les plus grands monuments des grandes
métropoles romaines qui utiliseront ce matériau. On le retrouve sur le forum d'Auguste à Rome mais
aussi à Pompéi. Plus tard, il fut l'un des préférés de l'empereur Hadrien qui l'employa pour la
décoration de ses propres demeures, à Anzio et même à Tivoli, à Rome, d'après un texte latin gravé
sur la pierre. Quand ils pouvaient se permettre d'acheter un tel marbre, les empereurs et monarques le
préféraient à toute autre qualité. Jusqu'à la construction de l'église Sainte Sophie à Constantinople par
Justinien, le marbre de Chemtou illuminait les édifices, sûrement par l'effet de ses couleurs douces et
de ses tons pastel.

A Cirta, au 2™ siècle av. J.-C, mais également à Iol-Cresarea à l'époque jubéenne, le plus surprenant
est l'utilisation de ce marbre de Chemtou pour représenter un visage ou une divinité. Un petit buste
d'Harpocrate proche de la sculpture alexandrine, et un fragment de stamette d'une divinité orientale
découverts à Cherchell ont été réalisés avec cette variété de marbre. Nulle part ailleurs, nous ne
pouvons rencontrer des sculptures en ronde bosse, d'assez bonne facture, façonnées dans ce marbre.

Photo tête princière au musée de Cirta


L'emploi pour la statuaire de ce matériau, habituellement apprécié exclusivement pour
l'architecture, est extrêmement rare, sinon unique. Ce fragment provient certainement d'une
décoration d'un meuble (une table ?), cependant l'allure, la chevelure et le visage rappellent les
portraits des princes hellénistiques.

56
Le sanctuaire royal de Iol-Caesarea

Nous l'avons dit : à ce joui", la capitale royale Iol-Caesarea reste un puit, une source documentaire
inépuisable et des plus riches du patrimoine de la nation algérienne et de la Méditerranée. Tout comme
Cirta, Zama, Siga, Tiddis et aussi Carthage ou Lixus, ces vUles sont les témoins étemels des peuples
qui ont construit l'Afrique du Nord durant l'Antiquité. Elles sont une source identitaire réelle, gravée
dans la mémoire pérenne de l'Histoire.

L'existence d'un culte des rois, de leur vivant, semble fort probable. Des temples dessinés sur les
revers de quelques monnaies des rois nous interpellent sur leur symbolique : ils sont de style simple ou
avec balustrade, et de deux à huit colonnes en façade. En ce qui concerne ces monnaies souvent en
argent, les émdits reconnaissaient un temple d'Isis, déesse égyptienne ; mais il est convenu à présent
qu'U pourrait aussi s'agir d'ime représentation d'un temple dédié à des divinités puniques, ou peut-être
aux rois eux-mêmes.

(Photo monnaie temple revers Juba 1er)

Si la période précédant le règne de Iouba nous renseigne partiellement sur le culte royal du vivant des
rois numides, les cités jubéennes ont fournies de précieux documents et les connaissances
s'enrichissent depuis quelques années, à la lumière de nouvelles recherches. L'exemple de la statue-
portrait de Ptolémée trouvée dans un temple dédié aux rois dans la ville de Sala (Maroc), conforte
cette hypothèse, spécialement si nous convenons qu'elle fut commandée dînant les dernières années de
son règne.

Quant à la capitale antique des derniers rois numides, Iol-Cœsarea-Cherchell, elle nous documente sur
ime pratique cultuelle intense depuis Micipsa à Ptolémée et même au-delà, jusqu'au 4™* siècle de
notre ère au moins. Les résultats des nombreuses fouilles archéologiques qui y ont été pratiquées
dmant un siècle et demi ont domié une documentation qui tend à suggérer l'existence d'un culte, d'une
divinisation des rois numides de leur vivant.

C'est autour du quartier résidentiel dans le secteur occidental de la cité royale que de magnifiques
sculptures furent retirées du sol. Parmi toutes les centaines de sculptures, portraits et fragments mis à
jour à Cherchell, les œuvres classées de l'époque royale se distinguent par leur qualité supérieure et
par le lieu même de leur découverte : à l'ouest, non loin de temples et de sanctuaire(s).

A Iol-Cassarea, il s'agirait effectivement d'un sanctuaire qui aurait été construit du vivant des rois,
dédié à eux-mêmes ainsi qu'à leurs ancêtres. Son lieu exact n'est pas connu avec exactitude mais des
indications archéologiques semblent le situer dans la moitié occidentale de la cité royale, peut être à
l'emplacement des thermes ou dans le secteur proche. Dans ce sanctuaire royal étaient érigés des
sculptures et des portraits des rois numides, de leur famille et des divinités grecs.

57
Les statues du sanctuaire

Selon les indications des archéologues, les sculptures découvertes dans ce secteur occidental de la ville
peuvent provenu d'un sanctuaire de la famille royale qui a dû exister à l'emplacement même des
thermes de l'Ouest ou dans les environs. Peu de traces sont restées, mais l'archéologue Victor Waille,
en fouillant le premier les thermes de Cherchell, écrivait en 1902 : «Je ne serais pas éloigné de croire
que nous sommes tombés sur l'ancien temple des rois de Maurétanie qui fut démoli et brûlé et sur
l'emplacement duquel s'éleva plus tard la maison à piscine et citerne que nous avons trouvée... ».

Mention de l'existence d'im sanctuaire à Iol-Caesarea a été faite en 1958, après les fouilles de l'îlot du
phare situé à environ deux cents mètres au Nord des thetmes de l'Ouest de Cherchell. Construit au
bord de la Méditerranée, il aurait été en partie creusé dans le rocher. On a cm reconnaître à cet endroit,
de grosses fondations appartenant, peut-être, à un sancmaire.

Il faut compter que près d'une cinquantaine de statues, portraits ou fragments importants proviennent
des thetmes de l'Ouest dont la construction est datée du 2™ s. ap. J.-C. Mais les œuvres qiù ornaient
ces lieux si privilégiés en ces temps ne sont pas toutes de cette époque ; il existe des sculphires de
l'époque de Iouba (1er s. av. J.-C.) qui auraient été déménagées de leur premier emplacement, au
moment de l'édification de ces bains romains.

Cinq des statues et portraits trouvés dans les thermes de l'Ouest ont des points communs, notamment
stylistiques. L'unique statue au monde de Iouba quasi-complète et un autre torse, jumeau ; la statue de
l'Héraclès de Cherchell, la Coré dite de type Albani et la statue acéphale d'Aitémis, la déesse. Il est
probable qu'elles proviennent toutes d'un même monument : le sanctuaire royal de Iol-Cœsarea.

Plan de Cherchell et découverte

La nouvelle statue du roi Iouba


Coré ou Korè est un mot grec signifiant : la fille.

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En 1987, lors de l'étude des sculptures de Cherchell, cette tête, et un torse considéré jusqu'alors cornine
une copie du 2eme siècle, ont été ajustés ensemble et concordent parfaitement. Il s'agit d'mie belle
statue-portrait honorifique du roi Iouba dans une nudité héroïque, portant une chlamyde jetée sm
l'épaule gauche avec im mouvement de tête dominateur qui rappelle beaucoup les représentations des
héros grecs.

(Photo visage statue de Juba, NF11)

D y a plusieurs points à partir desquels le spectateur pouvait admirer cette œuvre. La statue du roi est
présentée de telle sorte qu'on puisse l'admirer de face comme de côté. Le corps et la tête offrent deux
vues séparées. De même, la manière de porter la chlamyde, posée sur l'épaule gauche et enroulée
autour du bras n'est pas unique. Cette image se retrouve sm de nombreuses effigies romaines, reprise à
différentes périodes sm des statues honorifiques, souvent avec des détails qui changent. Cependant,
elles sont toutes postérieures à cette statue à chlamyde de Cherchell qui semble être certainement un
modèle, plutôt qu'une copie.

(PhotoNF10oul2) __________________________________________________________________

La tête et le torse, ayant suivi un itinéraire différent, ne sont pas dans le même état de conservation.
La tête a été découverte dans la grande piscine des Thermes de l'ouest en 1856. Depuis sa
découverte, elle a servi de baromètre aux habitants de Cherchell à cause du marbre qui se foncent
et prenait une teinte couleur de chair sous l'humidité, pendant longtemps elle fut exposée aux
intempéries, près du port de Cherchell. Le torse, auquel cette tête appartient, a été découvert près
de trente années plus tard, au sud des Thermes de l'ouest.

Cette statue-portrait en marbre blanc et à cristaux moyens nous offre l'image d'un homme jeune, nu,
portant une belle chlamyde sur l'épaule gauche et un bandeau qui enserre sa chevelure. L'usure du
marbre ne permet pas une certitude, mais il semble bien que le bandeau était rapporté, peut-être une
couronne en or qui a disparu.

La tête était tournée vers la gauche, ceinte d'un bandeau qui retient une chevelure riche, mais si
usée que toute trace de mèche a disparu. De l'autre côté, quelques mèches sont tout de même
visibles : soigneusement ciselées, distinctes les unes des autres, et bien bouclées sur les tempes. Au-
devant du bandeau, la chevelure est rabattue sur le front en une touffe centrale, formée de plusieurs
grosses mèches curvilignes et tournées vers la droite.

Le visage du roi est dominé par certaines caractéristiques propres à Iouba. De part et d'autre de la
touffe de cheveux au centre, une échancrure est produite par deux mèches tournées vers celui-ci,
découvrant un peu plus le front, déjà haut. Au-devant des oreilles, des rouflaquettes sont pointées
vers le centre du visage.

Les joues sont longues et pleines. Le nez est mutilé. Les lèvres sont épaisses avec des commissures
creusées, larges et profondes. Du menton à moitié brisé, il ne reste que le sillon arqué, soulignant
une supposée rondeur du bas du visage.

Étoffe porté sur l'épaule par des divinités, héros, princes grecs et hellénistiques ainsi que par certains empereurs.

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Le corps a une stature forte et musclée dont le modelé est doux sur la surface du tronc. La poitrine
et les cuisses sont sculptées avec beaucoup d'attention par l'artiste, gui a donné du volume à son
sujet, en s'inspirant d'une œuvre classique, probablement d'un atelier connu.

Reconnue comme un portrait de Iouba, cette sculpture est l'unique représentation quasiment
complète du roi africain. Il y est représenté jeune, à l'âge d'environ 25 ou 30 ans, c'est-à-dire au
moment où il construit sa capitale. Cette effigie pourrait être la première de la série des
représentations sculptées des rois (25-15 av. J.-C).

Le torse jumeau de la statue

Trouvé en 1846 dans les thermes de l'Ouest, dans la salle sud du frigidarium (salle froide des bains), le
second torse est certes sans tête, mais c'est bien une variante de la nouvelle statue de Iouba ; même
posture, même déhanchement et nudité héroïque identique. Ce torse, avec l'étoffe portée sur l'épaule
gauche, appartient sûrement à un portrait, et certainement à celui d'un de nos deux rois. Est-ce
Ptolémée ? Mais pourquoi pas un double de la statue de Iouba, comme sait le faire le sculpteiu du roi
en réalisant une statue et son double : les deux fabuleuses Déméter de Cherchell.

L'Héraclès de Cherchell

Héraclès le Grec, demi-dieu et héros par excellence, sûr de sa force, était très popidaire dans la
nrythologie grecque. Alexandre le Grand se considérait descendant de ce dieu. Dans le

60
royaume de Iouba, il a bénéficié d'une faveur toute particulière de la part des Numides et des habitants
de Maurétanie. L'entourage de Iouba considérait Héraclès comme une divinité libyenne. Egalement
assimilé par les Carthaginois à Melquart, dieu phénicien, Héraclès devient l'ancêtre mythologique de
la famille de Iouba, célébré sous de nombreuses formes, comme dans la ville antique de Lixus
(Maroc) où un autel lui fut dédié.

A Cassarea, une stauie colossale d'Héraclès de 2,40 m de haut était érigée sur im piédestal portant mie
inscription latine expliquant que la stame avait été transportée d'un autre lieu vers les Bains de
Caesarea. Son emplacement initial n'est pas connu mais U est fort probable qu'elle ait appartenu, en
même temps que cet ensemble de statues des thermes, au sanctuaire ou à un temple des rois numido-
mamétaniens.

(Photo Héraclès de Cherchell, NF 22)

Même si la conception de la statue de l'Héraclès de Cherchell est classique, elle garde des
spécificités : Héraclès serre dans sa main droite, tendue vers le bas et légèrement avancée, la
massue. Seulement le tronc d'appui est aussi à droite, un détail beaucoup plus rare, sinon

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unique. En effet, le support est toujours représenté à gauche de la statue et la massue dans la main
droite, sur quasiment toutes les autres compositions connues d'Héraclès dans le monde.

Un autre détail un peu plus répandu, mais très remarquable à Cherchell, différencie cette œuvre des
nombreuses autres qui nous montrent le dieu dans une position similaire, après un long et dur effort.
C'est le visage humain d'Héraclès singulièrement marqué par la fatigue. La tête a cet aspect sévère
de l'art classique grec mais les traits ne sont pas idéalisés et semblent plutôt "vieillir" le personnage.
C'est une façon fort singulière de représenter le héros comme un homme âgé, harassé par l'effort et,
ce qiù est encore moins commun, la flétrissure de la chair du visage. En fait, l'œuvre doit être vue,
aussi, séparément en deux parties : la tête et le corps.
Le type de coiffure avec cette chevelure courte et bouclée est connu depuis le 5^" e s. av. J.-C. et ne
sera -semble-t-il- jamais oublié. Seulement, il est difficile de prétendre qu'il existe un type avec un
premier modèle de cette sculpture puisqu'elles sont toutes différentes les unes des autres. La
chevelure avec ses boucles "vermiculées" de la statue de Cherchell est proche des coiffures
africaines frisées qui se répètent de façons différentes, mais sur plusieurs sculptures de la capitale
royale.

Cette statue d'Héraclès est particulièrement originale dans sa conception. Il est vrai que cela
semble être un projet purement hellénistique et que son style rappelle celui du célèbre sculpteur de
l'antiquité grecque Scopas. « Faisant les yeux trop grands, gonflant avec excès les glandes
lacrymales, figurant dans le fond de la bouche entrouverte une pseudo-gencive conventionnelle
destinée à faire valoir la lèvre supérieure. »

Les nombreuses répliques qui reproduisent ce thème sont datées du 1 er s. ap. J.-C, tandis que celle
de Cherchell serait plutôt du 1er s. av. J.-C. et certainement une création du sculpteur de Iouba. Un
modèle de l'école de sculpture de Iouba qui fut repris plus tard par des sculpteurs romains. Mais
est-ce réellement Héraclès ? Serait-ce Iouba ou bien l'un de ces ancêtres ?

(Photo Héraclès, NF 23)

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Une reine en Coré

Une très belle sculpture de Cherchell en marbre blanc a été trouvée dans les thermes de l'ouest de
Cherchell, en 1857. Il s'agit de la stame d'une fenmie drapée que les spécialistes appellent du type
Coré Albani. L'œuvre originale a été sculptée vers 450 av. J.-C. par le grand sculpteur grec, le célèbre
Phidias qui réalisa les plus belles œuvres de la période classique du 5^ s. av. J.-C.
Celle de Cherchell est aussi un original ; cependant sans la tête, il est difficile de donner un nom au
personnage féminin représenté sm cette gracieuse stame. Est-ce une divinité ou une fermne de la cour
royale numide ?

Hanchée sur sa gauche, elle porte un long chiton à manches, plissé à double rabat, et un himation,
sur l'épaule gauche, une sorte de châle qui recouvre en même temps toute la partie inférieure du
corps à partir de la taille.

La tête, travaillée séparément, manque à cette sculpture qui a l'apparence d'une statue-portrait. Les
nombreuses copies du type appelé Coré Albani, du nom de la réplique de la villa romaine, nous
montrent que ce thème du 5 eme s. av. J.-C. est souvent repris, comme à Cœsarea. Sur toutes les
répliques existantes du type Coré Albani, on remarque que très peu de tètes sont conservées. Ce type
est notamment conçu pour être reproduit selon les mêmes principes.

Notre statue de Coré qui daterait de l'époque jubéenne a été trouvée non loin de la statue portrait
de Iouba, dans les thermes de l'Ouest. Proviennent-elles toutes les deux du "sanctuaire de la famille
royale" ? Dans ce cas, et comme pour certaines répliques de ce type, nous aurions une probable
statue-portrait féminine.

Aucune des têtes disponibles à Cherchell ne convient à cette sculpture d'une rare qualité.
Cependant, si la Coré Albani de Cherchell provient de ce sanctuaire supposé, ce ne peut être qu'une
femme de très haut rang. Il est fort probable que ce modèle classique portait l'effigie de Cléopâtre
Séléné ou plutôt d'une de ses filles, princesse de Maurétanie. Evidemment elle est de l'époque de
Iouba, mais son identification subsistera incertaine jitsqu 'à la découverte, peut-être un jour, de la
tête de cette statue.

63
Cléopâtre Séléné en déesse Artémis Fin
du 1er s. av. J.-C.

Nous retrouvons le même mouvement, plus prononcé, sur une autre sculpture provenant aussi des
Thermes de l'Ouest de Cœsarea, trouvée près du torse de la statue de Iouba : celle d'Artémis, la
divinité grecque de la chasse, Diane chez les Romains. Fille de Zeus et de Léto, la fille d'un titan, elle
est la déesse de la chasse mais associée aussi à la lime. La sculpture datée de l'époque jubéenne
correspond à une figure de grande qualité, digne de faire partie du même ensemble royal que les
quelques autres statues des thermes de l'Ouest.

(NF 14) _________________________________________________________________________

La tête de la déesse manque. Elle était probablement tournée vers l'épaule droite par opposition au
mouvement du corps qui se projette vers l'avant. La statue, sans la tête ni les jambes, est du type
d'Artémis dite de Versailles. Le mouvement du corps de la déesse se porte vers la gauche sur une
statue identique au musée de Tripoli (Libye) alors que sur le torse de Cherchell, le corps s'élance à
droite. Bien sur, celle de Cherchell est d'une valeur artistique remarquable.

Mais le geste latéral du corps et le vêtement ceinturé et plissé font partie des nombreux points
communs. La précision et la finesse du rendu des plis sur la sculpture de Cherchell lui donnent un
degré de qualité supérieure. Le vêtement est constitué d'un délicat contraste de lignes verticales et
de plis obliques, comparable à celui de certaines figures sur les métopes du Parthénon, temple
édifié sur l'Acropole d Athènes au 5™ e s. av. J.-C.

(Photo détads des plis ?)


Son identification reste énigmatique sans la tête. Osons tout de même suggérer une hypothèse et
mettre en rapport deux faits établis : Cléopâtre Séléné (Lune) avec Artémis la déesse ayant un fort
rapport avec la lune.

Si nous admettons l'existence, du vivant de Iouba, d'im sanctuaire des rois à Cœsarea, il devait
comporter plusieurs statues ; les portraits royaux et les sculptures acéphales trouvés pourraient fort
bien provenir de ce lieu sacré. Nous aurions alors im ensemble comprenant : ime statue-portrait de
Iouba ; im torse similaire appartenant probablement à une statue-portrait royale ; une statue (Coré) et
un torse (Artémis) féminins, acéphales et drapés.

Ces œuvres, toutes en marbre de qualité, pourraient correspondre elles aussi à des statue-portraits. Les
personnages sont : deux hoimnes (Iouba et Ptolémée), deux femmes (Séléné et Glaphyra) et l'ancêtre
Héraclès. Aurions-nous là, la nouvelle dynastie des Numides : toute la famille royale ? A Iol-Cœsarea,
c'est fort possible !

64
LE MYSTERE DES TOMBEAUX ROYAVX AFRICAINS

La construction de grands mausolées circulaires ou turriformes en Afrique du Nord constime un seul


et même phénomène qui réaffirme mie évolution profonde dans ces pays libres et hidépendants. Ce
sont des monuments funéraires royaux, aboutissements d'une brillante civilisation originale à la fois
africaine et méditerranéenne. Ils remontent à des âges variés et se retrouvent dans différentes régions
d'Afrique. L'origine même de cette architecture unique n'est pas connue avec certimde. Ces chefs-
d'œuvre architecturaux restent tout de même des exemples remarquables témoignant de la diversité
des conceptions architecmrales et procédés artisanaux.

(Chapiteau Medracen, chapiteau de style ionique, NF 87)

Dès le 4eme siècle avant J.-C, les régions numides, jusqu'alors marginales, s'hellénisent profondément
et s'intègrent rapidement, sous la forme de monarchies de type hellénistique, dans l'histoire coimnune
méditerranéenne. Au-delà des textes, le témoignage le plus prodigieux de ces monarchies numides est
la manière dont elles ont inscrit leur idéologie dans la pierre. De grands mausolées dynastiques huent
érigés en Algérie, directement inspirés par l'idéal du tombeau d'Alexandre le Grand, à Alexandrie. Les
tombeaux funéraires clairsemés à travers l'Afrique du Nord ne prouvent, en réalité, qu'une seule chose,
l'existence et le rayonnement de la monarchie numide qui s'affirme, face à ses voisins (Carthage, le
monde hellénistique et Rome...).

A l'extrême Est des territoires numides, le mausolée de Dougga est un très beau témoignage de
l'architecture royale en Tunisie. Dougga ou Thugga est l'une des plus importantes villes du royaume de
Massinissa, située dans mie zone fertile sur mie colline, à 600 m d'altitude. Après la chute de Carthage
en 146 avant J.-C. la cité préféra l'alliance des Numides de Massinissa à celle du vainqueur romain. La
ville de Dougga reste admiriistrativement autonome pendant près d'un siècle. Ce n'est qu'en 46 avant
J.-C, qu'elle sera annexée par César à la nouvelle province romaine d'Afrique.

En Algérie, plusieurs de ces monuments marquent à tout jamais le paysage : le tombeau de Tin Hinan
près de Tamanrasset dans le Hoggar, les Djeddars sur les hauts plateaux, non loin de Tiaret, qui
dateraient du 5^/6™ siècle de l'ère chrétienne. Ils sont des indices de la persistance de cette tradition.
Cependant, les monuments beaucoup plus anciens appartenant aux rois nmnides attestent du culte et
d'une Uadition très ancienne des Africains vouée à leurs rois : ceux du Medracen et de la Soimiâa du
Khroub non loin de l'ancienne capitale Cirta, celui de Siga, cité royale de Syphax ou de Tipasa près de
Iol-Caesarea.
(NF 36 ou 37)

Les plus importants de ces mausolées funéraires royaux possèdent des formes particulières et
différentes. On y retrouve plusieurs motifs orientaux mais surtout grecs. Ils sont de deux types : soit il
allie le tumulus funéraire autochtone à la pyramide égyptienne par sa forme extérieure (forme
cylindrique couvrant ime base carrée et coiffée d'un cône en gradins), le Medracen et Tipasa en sont
l'exemple ; soit le monmnent moins large, à plusieurs étages, prend la forme d'une tour (Dougga, Beni-
Rhenane, Le Khroub), influence plutôt grecque.

6?
Il faut savoir une chose : aucun des mausolées supposés royaux ou autres édifices funéraires n'est daté
ou identifié avec mie totale exactitude ! A Dougga, il existe une inscription qui cite un édifice en
l'honneur de Massinissa. L'énigme demeure !

(PHOTO Medracen, NF 85 ou 86)

66
Le Medracen (Madghassen)

Érigé au sommet d'une petite colline, Le Medracen est situé à quelques kilomètres au nord-est de
Batna, en Algérie. C'est un grand mausolée de pierre, de forme circulaire, avec vingt-quatre gradins
posés sur un socle cylindrique qui est orné de soixante colonnes à fût non cannelé, engagées et
surmontées de chapiteaux de style dorique-Ce: mommient funéraire ayant la forme circulaire d'une
bazîna, construction de forme cylindrique surmontée d'un cône formé de gradins, est typiquement
Nord-africain. Édifié vraisemblablement à la fin du 3 e™ s. av. J.-C, c'est le plus ancien des
monuments numides de forme circulaire qui révèle une influence carthaginoise et porte le témoignage
de l'existence d'une civilisation éclatante où les artisans maîtrisaient d'une manière remarquable la
taille des pierres.

Supportant une architecture lisse et une corniche à gorge, caractéristique des monuments puniques, cet
édifice est tout à fait typique des constructions du 3 e™ siècle av. J.-C. L'ensemble rappelle beaucoup
le mausolée royal proche de Tipasa auquel il a dû servir de modèle. Le Medracen est moins imposant
que le tombeau de Tipasa ; ses dimensions en sont plus réduites : 59 m de diamètre avec un cône
relativement bas. Les deux constructions présentent des aménagements qui nous font croire qu'on y
célébrait des cérémonies en l'honneur des souverains ensevelis sous ces monuments.

L'intérieur du monument a été exploré dans les années 1873-74 sans qu'on ait pu détecter le moindre
indice sm la ou les sépultures qui devaient s'y trouver. Après la porte d'entrée cachée, une étroite et
longue galerie mène à la chambre funéraire qui se situe au centre du monument. Cette salle où
devaient se trouver les incinérations royales ainsi que le riche mobilier autour était, semblerait-il,
totalement vide le jour de sa découverte. Le mausolée amait été profané par des voleurs qui seraient
passés avant les archéologues en ayant tout le temps pour construire un étayage afin de pénétrer dans
la chambre violée.

Si l'on considère que le nom « Medracen » dérive de celui de « Madrés » ou « Madghès », l'un des
ancêtres mythiques des habitants des Aurès, il est vraisemblable qu'il s'agisse là de la tombe d'un roi.
Est-ce le tombeau d'un Chef punique qui a été construit vers le 3™^ s. av. J.-C ? Serions-nous en
présence du tombeau de Gaia, le père de Massinissa ?

Photo du Medracen NF 88

67
Le tombeau royal près de Iol-Cœsarea

Le mausolée royal situé à près de cinquante kilomètres de la capitale Iol-Cassarea, c'est-à-dire presque
à mi-chemin sm la route reliant Alger à Cherchell, garde jalousement son mystère. Nous ne savons
rien de son appartenance. Il est construit sur un promontoire surplombant d'un côté la mer
méditerranée, et de l'autre côté les terres fertiles de la plaine algéroise de la Mitidja. Ce mausolée, c'est
sûr, a servi de sépulture à une famille royale ; car il est cité par les somces anciennes : monumentiim
commune regiae gentis, « le monument commun de la famille royale ». On admet même qu'il amait
été construit par le roi Iouba, mais sans aucune preuve réelle.

(NF34)

Le tombeau est un vaste monument circulaire d'un diamètre d'environ 60 m sur 32,4 m de haut. Il
possède une façade ionique surmontée par un cône avec des gradins, en forme de pyramide. L'intérieur
comprend plusieurs coulons et des chambres dont la disposition a été reconnue, pour la première fois,
à la suite des fouilles faites par les archéologues français en 1865 et 1866. L'entrée du monument est
très étroite et se trouve dans le soubassement, sous la fausse porte de l'Est.

A partir de là, un petit couloir donne accès à une chambre voûtée dans laquelle se trouvent sculptées
sur un des murs, un bon et une lionne. Au-dessous de ces bas-rebefs, un autre couloir mène à un
escalier de 7 marches, à gauche, puis à mie large galerie circulaire de 150 m de longueur, et de
seulement 60 à 70 cm de haut. En la suivant, on découvre un autre passage domiant sur deux salles
voûtées, au centre même du monument. Le premier espace paraît avoir été un vestibule domiant sur la
seconde salle avec trois petites niches sur les murs. Mais les chambres étaient vides ! Aucune trace
d'un quelconque indice qui aurait pu aiguiller les chercheurs.

Las autochtones l'appelant Kbour Erroumiya*, dès les débuts de la colonisation son nom devient une
traduction nuancée à la française : Le tombeau de la Chrétienne. On a pensé alors que ce monument
funéraire amait été édifié en hommage à une impératrice d'origine romaine qui avait su se faire aimer
de ses sujets. Serait-ce celui de Cléopâtre Séléné, la femme de Iouba ? Dans ce cas, construit par le roi
pour sa Reine des reines, morte encore jeune fenune ?

Sa technique de construction, dit-on, est proche de celle du Medracen portant également les stigmates
de l'art grec. Certes, le tombeau dit des rois de Maurétanie marque l'influence gréco-orientale et la
conception ancestrale du inonde des morts chez les rois numides, de la même manière que le mausolée
du Medracen. Mais leurs datations, à ce jour, ne sont guère fiables.

Vide lui-aussi, rien n'est sûr, puisque certains érudits l'attribuent aux rois de Maurétanie, c'est-à-dire
soit Iouba ou Ptolémée et même Séléné, mais également bien avant, peut-être aux rois de l'extrême
Ouest de l'Afrique du Nord. Pour cela, cette sépulture royale a été attribuée à Bocchus, le roi marne, et
remonterait au 1er s. av. J.-C.

Kbour : tombeau ; Er Roiimia signifiant dans ce contexte la romaine, l'éfrangère, et non pas la chrétienne. JJ faut
traduire Roumi ouRoumia-par tout ce qui est « étranger » aux autochtones nord-africains.

68
(Photo : Porte Est du tombeau avec sa parure ornementale largement influencée par les apports
grecs hellénistiques)

Le mausolée de Beni-Rhenane (Siga)

69
Dans la vallée de la Tafna, à 12 km au Sud-Ouest de Beni Saf, sur un mont du Djebel Skouna, se
dresse, bravant le temps -à 300 mètres d'altitude- le Mausolée de Beni-Rhénane. En réalité, il se
trouve dans la ville antique de Siga, en face de l'île de Rachgoun occupée depuis le 7™e s. av. J.-C.

Plusieurs fois saccagée, détruite et incendiée, Siga, la capitale du roi numide Syphax, ne présente plus
aucun signe de son prestigieux passé, seulement des tronçons de voie romaine pavée, des restes de
murs d'une habitation avec son système d'approvisionnement en eau et le mausolée funéraire très
endommagé.

Les archéologues pensent que le monument était composé de trois étages. A présent, ce qui reste du
monument nous montre son mode de construction selon un plan triangulaire ; il n'est aujourd'hui que
partiellement visible car la partie supérieure a disparu, mais à l'origine, il faisait plus de 20 mètres de
hauteur. Il est composé d'une structure externe comportant six faces, les unes en lignes droites, les
autres concaves, et d'une partie intérieure qui servit de caveau.

Enfouie sous terre, la partie intérieure comprend tout un réseau de chambres, disposées selon la forme
du monument. On y a retrouvé quelques objets, faisant sans doute partie du mobilier funéraire :
fragments d'amphores, débris de verre et de plomb, tessons de poterie... Mais, pas de restes humains.
Ces quelques objets remonteraient au 2eme s. av. J.-C.

Syphax n'a certainement pas pu y être enterré, puisqu'il mourut prisonnier, dans une petite localité,
près de Rome. Il semble que ce monument funéraire de Siga ait été construit bien avant l'ère de
Syphax, probablement au 3^ s. avant l'ère chrétienne. A l'origine, aussi fin et beau que celui de
Dougga, le tombeau a été violé, comme les autres.

Photo Maf

Le mausolée de la Soumâa du Khroub

70
La Soumaa d'El Khroub, élevé à 14 kilomètres au Sud-Est de la célèbre cité du royaume Massyle,
Cirta, la capitale de Massinissa et Micipsa, trône à 570 mètres d'altitude sur les terres cirtéennes, au
sommet d'une petite colline encore fréquentée de nos jours. Selon certains chercheurs, il s'agirait du
tombeau d'un des rois numides,.

NF (83 ou 84)

La partie supérieure du monument encore visible est en forme de carré de 5,50 mètres. La partie haute
encore partiellement conservée est décorée d'un grand bouclier sculpté, en relief dans la pierre, sur
chacune des faces extérieures qui encadraient en fait les portes du mausolée. C'est en 1915-1916 que le
caveau funéraire de la Somnâa du Khroub fut en partie démoli puis profané par les Services des
Monuments Historiques de l'Algérie, ce que rapporte Stéphane Gsell dans Histoire de l'Afrique du
Nord. Il est vrai que nous n'avons aucune idée de la façon dont les fouilles ont été menées par les
Français.

(NF 111)

Parmi les trouvailles décrites par les découvreurs du tombeau se trouve un récipient ou vase en argent,
de 27 cm de diamètre, tellement oxydé et rempli d'ossements, qu'U se brisa lors de sa découverte. A
l'intérieur de la salle funéraire, un abondant mobilier s'étalait devant les archéologues : casque, cotte
de mailles, épée et autres armes, vaisselle d'argent. Ce mobilier funéraire était environné d'amphores,
parmi lesquelles deux proviennent de l'île de Rhodes. Ces objets en argent et en bronze -de grande
qualité artistique- découverts à l'intérieur du tombeau, sont de facmre typiquement grecque. Le
mobilier funéraire et les amphores rhodiennes provenant du tombeau feraient dater ce monument de
150 av. J.-C. environ.

Plusiems hypothèses ont été avancées. Il s'agirait, pom certains érudits, du tombeau d'un chef militaire
punique, compte tenu de la ressemblance de l'armement découvert avec celui qui est figuré sur les
stèles punique d'El Hofra (près de Constantine). Grâce à la datation du mobilier funéraire, qui
correspond à la fin du 2™ s. av. J.-C, les chercheurs ont étabh un hen avec l'année de la mort du fils de
Massinissa. La découverte des deux corps (un homme âgé et im jeune) et les circonstances de la
succession de Micipsa ont conduit, nous le savons, au meurtre de son fils Hiempsal par Jugurtha,
immédiatement après la mort du roi.

Encore aujourd'hui, les habitants de la région appellent le mausolée « Massinissa », mais l'hypothèse
retenue actuellement est celle qui en ferait le tombeau de Micipsa. Certes, le mausolée royal du
Khroub témoigne de l'attachement des rois à la Grèce et aux rois hellénistiques, mais sa construction
est-elle vraiment à dater du 2e™ s. av. J.-C. ou vraisemblablement avant ce siècle ?

71
Conclusion

Depuis le 3^ siècle avant notre ère et durant plus de trois siècles, c'est la dynastie numide qui régnera
sur ses propres terres : l'Afrique du Nord. Ce sont là des royaumes puissants qui naissent et s'affirment
devant Carthage et Rome en entretenant, notamment, des relations privilégiées et très intimes avec
l'Orient, le monde grec et les princes hellénistiques. Une véritable civilisation verra le jour, dmant
laquelle des villes seront bâties ; une culture et un art propre à la cour royale se répandront dans tout le
royaume. Ceci devait se refléter inéluctablement sur le peuple Imazighen lui-même, sur les notables et
les différentes classes qui faisaient fonctionner toutes les activités de la monarchie.

Aujourd'hui, il est véritablement question d'un art spécifique aux royaumes de Numidie. Ce qui frappe
le plus dans les vestiges de cette civilisation est l'importance de leur pimicisation. Il s'agit d'une fusion
culturelle qui s'est produite et qui a enrichi les royaumes numides et ce, dès la haute antiquité. Elle a
donné naissance à un particularisme qui, bien que masqué par l'action de Rome, suivit au-delà de la
conquête romaine.

Des cornants et des innovations dans le domaine de l'art et de la sculpture commencent à être
identifiés ou sont connus comme à Alexandrie, centre culturel célèbre réputé pour son intense activité
intellectuelle et scientifique. Les rois numides, à Cirta, Siga, Dougga, Sala ou Iol-Cassarea entre autres
villes royales, ont créé des activités et des richesses telles que de nombreux artistes et intellectuels de
renoms se sont retrouvés sur le sol africain. A partir de 25 av. J.-C, non loin de l'Egypte et de la
Cyrénaïque, une nouvelle capitale se crée qui connaîtra des échanges importants, rivabsant avec de
nombreux centres en Orient coimne en Occident.

Iouba, plus proche de nous, a légué un véritable trésor, beaucoup plus important que ses aïeux. Des
objets archéologiques de très grande valeur se retrouvent à travers le inonde, des villes entières de son
royaume existent encore. Il faut remonter ainsi aux lointaines origines de la dynastie nord-africaine
pour retrouver les racines de ce souverain devenu en son temps ime célébrité mondiale. Honune de
sciences, inlassable écrivain et historien, il chérissait la Grèce comme son ancêtre Micipsa et l'histoire
des peuples tel son grand-père Hiempsal qui possédait, dit-on, une bibliothèque aussi riche que celle
d'Alexandrie dont aurait hérité notre Iouba.

Nul ne peut rester indifférent à la richesse étonnante d'ceuvres arcliitecturales et de sculptures d'une
rare beauté. Iol-Cassarea-Cherchell, capitale du roi numide Iouba, est un des cenftes artistiques qui
s'est développé autour du bassin Méditerranéen. Influencés par la Grèce et les atebers de Pergame, les
rois africains marquèrent leur indépendance culturelle en rompant avec la h'adition des autres
provinces sous domination romaine.

72
Déifié de leur vivant, un culte leurs est spécialement dédié par leurs sujets et toute l'Afrique du Nord,
même au delà. Après leur mort, les découvertes archéologiques prouvent qu'ils furent divinisés. Même
Délos aurait construit, de leur vivant, un sanctuaire en l'honneur des rois de Numidie.

L'ait et les croyances numides existent car ils sont le fruit d'une synthèse d'influences artistiques
venues du monde punique, du monde hellénistique (Asie mineure, Syro-Palestine, Egypte
ptolémaïque), de Sicile et d'Italie. Toutes ces influences, mélangées donnent naissance à ce qu'on
pourrait qualifier d'art numido-hellénistique c'est-à-dire à un art périphérique au monde hellénistique.
Ce sont les traces indestructibles des Numides, grande et noble civilisation.

Les restes de la civibsation numido-mamétanienne, même fragmentaires, nous dévodent tout de même
le haut degré de connaissance atteint et les savon-fane dans divers domaines que tous ces Aguellids,
ancêtres de l'Algérie et du Maghreb, ont transmis à leurs contemporains et aux autres générations.
L'exemple de ce qui reste de l'architecture et des tombeaux funéraires ne prouve, en réalité, qu'une
seule chose, l'existence et le rayonnement de la monarchie numide qui s'affirme, au 2™* s. av. J.-C.
face à ses voisins (Carthage, le monde hellénistique, Rome...).

L'architecture et la décoration des mausolées funéraires confirment l'entrée des royaumes numides au
sein de la culture méditerranéenne. D'ailleurs, les mausolées numides construits sur plan carré de
Dougga et du Khroub relèvent de conceptions plus helléniques que phéniciennes. Comme l'a remarqué
Gabriel Camps, la proximité du mausolée de Soumâa de Cirta révèle l'évolution importante que
connut le royaume Massyle au cours du second siècle avant notre ère.

Ainsi, demeure le mystère autour de ces précieux monuments jusqu'à de nouvelles recherches
archéologiques convaincantes sur ces tombeaux qui puissent enfin enrichir les comiaissances des
civilisations passées de l'Afrique. L'archéologie fera-t-elle revivre ce que ni la mémoire collective ni
les écrits n'ont pu transmettre ?Les joyaux, un trésor inestimable légué par « Nos ancêfies les Rois
numides !

"L'Afrique aux Africains, et non pas aux étrangers, qu


'ils soient Grecs ou Romains ... ",

Clamait haut et fort le Grand Aguellid Massinissa

73
Sources et bibliographie choisies

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