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SÉRIE | CHIMIE

Guy Gautret de la Moricière

LE
RISQUE CHIMIQUE
Concepts • Méthodes • Pratiques
LE RISQUE CHIMIQUE
N. MARGOSSIAN
Le règlement REACH :
La réglementation européenne
sur les produits chimiques
288 p.

N. MARGOSSIAN
Aide-mémoire du risque chimique
2e edition, 296 p.

E. KOLLER
Dictionnaire encyclopédique du génie des procédés
520 p.
Guy Gautret de la Moricière

LE RISQUE CHIMIQUE
Concepts • Méthodes • Pratiques
© Dunod, Paris, 2008
ISBN 978-2-10-053565-1
TABLE DES MATIÈRES

Table des matières V

Avant-propos VII

1 • Introduction 1
1.1 L’importance du risque chimique 1
1.2 Le principe de prévention 3
1.3 La méthode proposée 4

2 • Théorie du risque chimique 9


2.1 Notions générales 9
2.2 Caractéristiques du risque chimique 12
2.3 Le danger chimique 16
2.4 Processus chronique 60
2.5 Processus accidentel 70
2.6 Caractéristiques des méthodes existantes 107
2.7 La contribution du règlement REACH 113
2.8 Le principe de précaution 119

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques 123


3.1 Les méthodes de repérage des risques 123
3.2 Identification des risques 130
3.3 Estimation des risques 142
3.4 Fixation des priorités d’action 159

4 • Pratique de la prévention des risques 161


4.1 Objectifs de prévention 161
4.2 Recherche des mesures possibles 162
4.3 Les familles de mesures 168

V
4.4 Choix des mesures 214
4.5 Application de la méthodologie aux autres risques 227

5 • Applications particulières 237


5.1 Stockage 237
5.2 Industrie chimique et pharmaceutique 253
5.3 Traitements de surface 267
5.4 Protection de l’environnement 276

6 • Étude de cas 295


6.1 Description du cas 295
6.2 Analyse des risques 296
6.3 Mesures de prévention 299
6.4 Conclusion 301

7 • Organisation de la démarche 303


7.1 Chronologie générale 303
7.2 Mise en place des moyens 304
7.3 Recensement des agents chimiques 305
7.4 Repérage des urgences 307
7.5 Application de la méthode 311
7.6 Adaptation au domaine d’activité de l’entreprise 312

8 • Annexes 315
Annexe 1 – Code du travail – Phrases de risque « R » 315
Annexe 2 – Code du travail – Phrases « S » 320
Annexe 3 – ADR – Signification des numéros d’identification du danger 324
Annexe 4 – Niveaux de danger des agents chimiques 328
Annexe 5 – SGH – Classification 330
Annexe 6 – SGH – Classement des mentions de danger selon le niveau de danger 336
Annexe 7 – REACH – Catégories de produits soumis à restriction 340
Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle
contraignantes 345
Annexe 9 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle indicatives 351
Annexe 10 – Sécurité sociale – Tableau des maladies professionnelles 355
Annexe 11 – INRS – Liste des guides de ventilation 359
Annexe 12 – Code de l’environnement – Propriétés qui rendent les déchets dangereux 360

VI
AVANT-PROPOS

Toute étude de risque n’a pour finalité que d’éviter les dommages aux personnes,
aux biens et à l’environnement. En particulier, les accidents et maladies professionnels
ne doivent pas être considérés comme une charge parmi d’autres, mais bien comme
un dysfonctionnement. Cet ouvrage se veut un moyen d’acquérir une véritable
efficacité dans la prévention des dommages d’origine chimique, à l’instar de ceux
que l’on propose dans l’amélioration de la qualité ou de la productivité. Il est donc
d’abord destiné aux chefs d’entreprises et à l’encadrement, mais aussi aux fonc-
tionnels d’hygiène et de sécurité et à toute personne confrontée aux risques chimi-
ques dans une démarche de prévention. Les dernières évolutions de la législation
française, qui transcrivent les directives européennes, mettent en avant la démarche
d’évaluation des risques avant toute mise en œuvre de mesures de prévention.
L’application de cette démarche au risque chimique a souvent rebuté les entreprises
et les services, en raison de son apparente complexité.
Le risque chimique présente en effet des particularités qui justifient une approche et
une recherche d’informations différentes par rapport aux autres risques. La première
partie de ce guide s’attache à identifier ces particularités, pour ensuite proposer
une méthode d’analyse adaptée, découlant d’un modèle original et universel du
risque chimique. La deuxième partie est consacrée à la recherche et à la mise en
place des mesures de prévention correspondantes, en s’appuyant largement sur des
cas concrets.
La mise en pratique efficace de cette méthode nécessite une organisation analogue
à un projet, avec ses acteurs, ses étapes et ses moyens. Elle est détaillée dans la troi-
sième partie, qui évoquera notamment la présélection des postes à plus grand risque.
Comme tout outil d’une certaine technicité, cet ouvrage doit faire l’objet d’une
appropriation par ses utilisateurs, ce qui signifie que les responsables doivent en
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adapter la complexité à la réalité de l’entreprise ou du service. Il n’est pas destiné


de préférence aux grandes entreprises, comme on le croit parfois, car son utilisation
n’exige en fait qu’une bonne organisation préalable. Cet effort est un véritable investis-
sement susceptible de porter des fruits, au-delà même du domaine santé/sécurité.
En outre, cet ouvrage montre que la méthode présentée ici est transposable à
l’ensemble des risques, en commençant par ceux qui concernent l’environnement.

VII
1 • INTRODUCTION

Cet ouvrage veut établir une rationalisation de l’approche du risque chimique. Il


expose d’abord une théorie, avec des concepts définis, des règles précises et surtout
une logique de fonctionnement quasi universelle. Cette théorie est l’aboutissement
de l’étude systématique des dommages d’origine chimique observés depuis que des
enregistrements en sont faits. Elle apporte une réponse méthodologique aux prin-
cipes généraux qui ont été développés ces dernières années par les spécialistes de la
prévention des risques. Ces principes se retrouvent en particulier dans des direc-
tives européennes et des normes. La directive 98/24/CE concernant les risques liés
aux « agents chimiques » en fait largement état, comme la norme internationale
ISO 14121, qui vise l’estimation des risques dans le cas des équipements de
travail. Cependant, la caractérisation du risque chimique manquait encore d’une
méthode suffisamment rationnelle et détaillée pour en tirer des décisions sûres.
Cet objectif s’est trouvé réalisé par l’élaboration du modèle présenté dans cet ouvrage
et son exploitation.

1.1 L’importance du risque chimique


Le risque chimique est présent dans de nombreux domaines de la vie et ses consé-
quences néfastes peuvent être facilement constatées. Dans le domaine professionnel,
la Sécurité sociale, comme ses homologues dans le monde, dispose d’abondantes
statistiques. Elles sont collectées par les caisses régionales d’Assurance maladie,
pour l’aider dans ses missions de prévention et de réparation des atteintes à la santé.
Les chiffres donnent un ordre de grandeur du problème de la santé et de la sécurité
au travail, sachant que leur validité est tributaire d’une part de la discipline de
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déclaration des sinistres, d’autre part de la bonne codification de ceux-ci lors de la


saisie. Le tableau ci-après donne quelques repères très généraux.
Les accidents de nature chimique sont assez mal définis dans le système de codage de
la CNAMTS (Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés),
puisqu’il faut les chercher dans trois groupes d’éléments matériels ainsi libellés :
– appareils ou ustensiles mettant en œuvre des produits chauds, fours, étuves,
appareils de cuisson, etc. ;
– appareils ou ustensiles mettant en œuvre des produits caustiques, corrosifs,
toxiques ;
– vapeurs, gaz et poussières délétères.

1
1 • Introduction 1.1 L’importance du risque chimique

Statistiques de la CNAMTSa

Tous types Origine chimique


Accidents du travail (avec
arrêt) Totaux Mortels Totaux Mortels
en 2006
700 772 537 5 625 9

Maladies professionnel- Tous types Origine chimique


les (avec arrêt)
Totales Mortelles Totales Mortelles
Moyenne annuelle sur
2004-2006 40 175 514 8 118 484

a. Ces statistiques sont disponibles sur le site Internet www.risquesprofessionnels.ameli.fr.

Ils sont finalement assez rares, du moins en proportion. L’exploitation de ces statisti-
ques n’est guère possible puisque 77 % des causes sont codées « non précisé » ou
« non classé ».
Les résultats sur les maladies professionnelles reconnues sont rattachés à des
tableaux1.
– Sur les 112 tableaux en vigueur, 78 ont un agent causal chimique, mais seuls 60
sont encore utilisés.
– Une pathologie représente près de 70 % du total tous tableaux ; c’est celle des
affections périarticulaires (tableau n˚ 57).
– Un agent causal représente près de 80 % du total chimique ; c’est l’amiante
(tableaux n˚ 30 et 30 bis).
– Le reste des MP concerne les allergies de contact ou respiratoires et les poussières
de silice, ciment et bois pour environ 15 %, suivies par 50 tableaux différents
qui ne représentent que 5 % des MP.
Dans le domaine de la vie courante, les statistiques disponibles ne sont pas si précises.
Mais l’ampleur de ces accidents, survenant au domicile, au cours de sports ou de
loisirs et dans le cadre scolaire, est sans commune mesure avec celle du domaine
professionnel, puisqu’en 1998 on a dénombré plus de 18 000 accidents mortels,
qui se répartissent ainsi :

Tranche d’âge (ans) <1 1-14 15-24 25-44 45-64 65-74 75 et + Total

Chutes 8 35 70 320 710 904 8 163 10 210

Suffocations 50 28 20 224 420 481 2 125 3 348

Noyades 8 64 42 122 137 76 92 541

Feu 2 40 19 93 108 65 138 465

1. Pour en savoir plus, consulter le code de Sécurité Sociale, article L. 461-2

2
1 • Introduction 1.2 Le principe de prévention

Tranche d’âge (ans) <1 1-14 15-24 25-44 45-64 65-74 75 et + Total

Intoxications 1 5 27 73 102 140 380 728

Autres 11 66 263 659 739 505 1 282 3 525

Total 80 238 441 1 491 2 216 2 171 12 180 18 817

Si l’on suppose qu’une partie des feux est due à des produits inflammables, les
accidents d’origine chimique peuvent donc être estimés aux environs d’un millier,
sachant qu’une partie importante des intoxications est d’origine médicamenteuse.
Les accidents du domaine environnemental sont difficiles à répertorier, car leur
définition reste assez floue. On peut néanmoins tenter une approche statistique
grossière qui révèle que les sinistres importants, c’est-à-dire impliquant des morts,
sont de l’ordre de la dizaine par an sur les quinze dernières années. Par contre, leur
origine est majoritairement chimique et ces accidents se produisent soit dans des
installations classées, soit au cours de transports de matières dangereuses.
En conclusion de cette synthèse sur les dommages chimiques, il ressort que leur
fréquence n’a rien d’alarmant par rapport aux autres types de dommages, mais qu’ils
sont d’une gravité supérieure à la moyenne. Sachant qu’il est relativement facile de
les éviter presque totalement, comme le démontre cet ouvrage, leur prévention
s’impose finalement comme un devoir urgent.

1.2 Le principe de prévention


Avant d’aborder les définitions normalisées, on peut définir le risque très simplement
comme la possibilité d’un dommage, que ce soit sur une personne ou sur des biens.
Un dommage sur une personne est une atteinte à sa santé ; en pratique, soit une
lésion issue d’un accident, soit une pathologie. Cette distinction n’est d’ailleurs pas
facile à faire, car les deux termes recouvrent des réalités qui se confondent souvent.
C’est pourquoi la distinction doit surtout se faire sur la dynamique d’apparition
du dommage, qui est soudaine pour l’un et progressive pour l’autre.
La notion de dommage est bien connue dans le domaine de l’assurance en général.
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Celui de la santé humaine n’en est qu’un cas particulier. Depuis la création de
l’Assurance maladie en 1945, la protection sociale a été appliquée au monde du
travail en distinguant deux domaines dès le départ : les accidents du travail et les
maladies « professionnelles ». L’accident du travail est défini comme une atteinte à
la santé ayant un caractère brusque et soudain. La maladie professionnelle est une
affection résultant d’une exposition répétée à des activités ou substances nocives.
Il s’agit de définitions administratives dont les modalités pratiques répondent à
certains critères, précisés dans le code de Sécurité sociale. Il faut rappeler que la
réparation et la prévention des atteintes à la santé font partie des missions de la
Sécurité sociale. Mais ces notions restent parfaitement valides dans le domaine de

3
1 • Introduction 1.3 La méthode proposée

la vie privée. Il s’avère que dans l’élaboration d’une théorie du risque chimique,
cette distinction des deux types de dommages est fondamentale et sert de fil
conducteur dans le développement de la méthodologie proposée.
Le second concept fondamental est que, si l’on rencontre, heureusement, des
risques sans dommages, il n’existe pas de dommage survenu sans risque préalable.
Cette évidence est fondamentale pour la prévention, bien qu’elle ne soit pas
admise par tous. En effet, elle s’oppose au principe de fatalité, qui nous dit qu’il
n’y a parfois rien à faire. Mais si l’on admet qu’il n’y a pas de dommage sans risque
préalable, on comprend que la suppression d’un risque entraîne l’impossibilité du
dommage correspondant. Faire de la prévention, c’est réduire les risques, car en
pratique, la suppression totale d’un risque est impossible, même si sa réduction
peut être parfois presque totale. Ce point résume toute la stratégie de prévention
qui sera développée dans cet ouvrage.

1.3 La méthode proposée


1.3.1 Les principes de la méthode
La théorie du risque chimique présentée dans cet ouvrage est une première tentative
de rationalisation d’un ensemble de pratiques dictées par l’expérience et l’intuition.
Elle repose en fait sur quatre concepts simples.

m Les composantes qui caractérisent un risque chimique

Nous avons dit qu’il n’y a pas de dommage sans risque préalable. En étudiant des
centaines de cas d’accidents ou de pathologies d’origine chimique, nous avons
constaté, au milieu d’innombrables facteurs, des constantes dans les circonstances
qui ont contribué à l’apparition du dommage. Nous les appelons composantes du
risque, car leur présence est à la fois nécessaire et suffisante.

m Les deux processus d’apparition du dommage

Comme le montrent aussi les études de cas, notamment par la méthode de l’arbre
des causes, les dommages de nature accidentelle et de nature progressive conduisant à
une pathologie n’apparaissent pas dans les mêmes circonstances, de sorte que les
composantes identifiées ci-dessus sont différentes et propres à chacun des processus.
Par la suite, nous appellerons ces processus « accidentel » et « chronique », ce dernier
terme faisant référence au vocabulaire médical.

m L’estimation du risque à partir de paramètres précis

L’expérience et l’intuition montrent que le risque peut être quantifié, sans que la
cotation, ou estimation selon le vocabulaire normatif, qui en résulte ait les caracté-
ristiques d’une « grandeur » mathématique. Cette estimation ne vaut en fait que
par l’usage que l’on en fait pour la prévention. Nous avons identifié quels en sont
les paramètres déterminants, toujours en distinguant les deux processus.

4
1 • Introduction 1.3 La méthode proposée

m La prévention comme action sur les composantes du risque

Puisque la prévention consiste à réduire le risque, c’est-à-dire à diminuer son


importance, elle doit agir sur ses composantes, identifiées au préalable, ce qui fina-
lement indique la marche à suivre. L’originalité de ce principe est qu’il oriente
efficacement le choix des mesures, au lieu de le laisser guider par l’intuition.

Cette rationalisation en fait un outil universel, applicable à toutes situations et


toutes activités. Son champ d’application dépasse d’ailleurs le domaine du risque
chimique et nous verrons ce qu’il apporte notamment pour les problèmes d’envi-
ronnement. En outre, son aspect logique et automatique le rend facile à utiliser
avec un outil informatique, aussi simple qu’un tableur.
Cette théorie permet de s’inscrire automatiquement dans les principes généraux
proclamés par la législation tant française qu’européenne. Mais le respect de ces
principes ne saurait tenir lieu de méthodologie, car ils se résument à la progression :
inventaire des dangers, évaluation des risques et choix des mesures de prévention.
Il apparaît dans la pratique que la prévention du risque chimique est une discipline
à part entière, dont il faut connaître les fondamentaux et les exercices. Elle passe
nécessairement par des décisions, dont les premières conséquences sont souvent
financières, c’est pourquoi elle concerne en premier lieu les responsables d’entre-
prises ou d’organismes.
Beaucoup de méthodes ont été proposées pour évaluer les risques, mais il faut
rappeler que l’objectif de toute démarche est la prévention, c’est-à-dire éviter les
dommages. Les critères de choix d’une méthode reposent en définitive sur son
aptitude à bien prévoir les dommages possibles et à aboutir aux mesures les plus
efficaces, et cela dans l’immensité de toutes les situations que l’on peut rencontrer,
dans l’industrie, les services, les commerces, jusque dans les activités artistiques,
par exemple. Le critère d’universalité est donc à considérer tout autant que celui
d’efficacité.
Cependant, l’examen des avantages et des inconvénients des méthodes les plus
connues nous a conduit à imaginer une méthodologie plus universelle, qui a d’abord
fait l’objet d’une description sommaire dans une brochure publiée par la CRAM
d’Île de France1, puis a conduit à la rédaction du présent ouvrage.

1.3.2 Les apports de la méthode


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C’est la mise au point du double modèle d’apparition des dommages qui a fondé
notre méthodologie dans tous ses aspects. Elle est inspirée, nous le rappelons, par
l’étude des données disponibles sur les accidents et les maladies professionnelles, et
vise à déboucher sur des pratiques utiles pour atteindre l’objectif d’un meilleur
niveau dans la santé et la sécurité des personnes, ainsi que dans la protection de
l’environnement. Le cheminement global de cette méthodologie est le suivant :
1) La première étape est un inventaire complet des agents chimiques présents et
de leurs dangers, inventaire qui permettra en outre, une fois réalisé, d’obtenir une

1. Guide de prévention du risque chimique, DTE 175, caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France.
Ce document est téléchargeable sur le site www.cramif.fr.

5
1 • Introduction 1.3 La méthode proposée

présélection rapide des postes à plus grand risque, sachant que ce point n’est qu’une
étape et non un objectif final.
2) Ensuite, il faut observer et noter :
• les dangers présents ;
• l’activité humaine réelle.
3) Cela dans le but de repérer systématiquement les composantes du risque présent
selon les deux processus de la modélisation, qui est expliquée au paragraphe 2.2.1.
Le repérage de ces composantes doit se faire en fonction du travail réel observé, et
non de l’écrit ou du prescrit.
4) L’estimation du risque, c’est-à-dire l’attribution d’un niveau d’importance, se
fait après inventaire complet des risques, afin qu’elle soit de nature relative et non
absolue. Elle conduit à une fixation des priorités, nécessaire pour pouvoir planifier
les actions de prévention.
5) La recherche des mesures de prévention devient ensuite très simple, puisqu’elle
consiste à trouver des actions possibles sur les composantes identifiées dans
l’évaluation des risques. On constate rapidement que le respect de cette règle,
reposant sur un raisonnement logique, génère des hypothèses que la simple intui-
tion est loin d’imaginer. Une fois inventoriées, il ne reste qu’à les choisir et les
mettre en place.
6) Il est ensuite facile d’évaluer le gain obtenu par les mesures mises en place, en
réitérant l’estimation des risques du 4˚.
L’universalité de cette démarche apparaîtra dans les applications que nous décrirons
dans des domaines variés.

1.3.3 La problématique REACH


Les différentes parties du Code du travail qui traitent du risque chimique, plus ou
moins explicitement, sont issues de décrets de transposition de directives euro-
péennes. La plus importante, celle qui régit la classification des produits chimiques
depuis 40 ans, est la directive 67/548/CEE. Elle vient de faire l’objet d’une
profonde modification par la directive 2006/121/CE1, afin que les règles concer-
nant la notification et l’évaluation des risques des substances chimiques soient
conformes au nouveau règlement CE n˚ 1907/2006. Ce règlement, plus connu
sous le sigle REACH (Registration, Evaluation and Authorization of CHemicals),
a été adopté le même jour, le 18 décembre 2006. Son entrée en vigueur date du
1er juin 2007.
Son objet principal est l’enregistrement, l’évaluation des substances chimiques,
ainsi que les restrictions applicables à ces substances, mais aussi l’institution d’une
agence européenne des produits chimiques. Ce règlement « devrait assurer un
niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement ainsi que la libre
circulation des substances, telles quelles ou contenues dans des préparations ou des arti-
cles, tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. » Il devrait aussi « promou-
voir le développement de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux
substances ».

1. Directive publiée au JO C 396 du 30/12/2006

6
1 • Introduction 1.3 La méthode proposée

Son contenu peut être schématisé ainsi :


– Toute substance ou préparation mise sur le marché européen à raison de plus de
1 tonne par an doit être préenregistrée auprès de l’agence désignée à cet effet.
Leur nombre est estimé à 30 000.
– Les produits ainsi enregistrés doivent être évalués selon une procédure fixée par
le règlement, et les résultats consignés dans un dossier technique.
– Selon la classification des substances ou préparations issue de l’évaluation, les
fabricants, importateurs ou utilisateurs des plus dangereuses seront soumis à
une autorisation. Le nombre de celles-ci est estimé à 3 000.
– Les fabricants ou importateurs devront élaborer un rapport sur la sécurité
chimique. Son but est d’établir que « les risques liés à la substance qu’ils fabri-
quent ou importent sont valablement maîtrisés pendant sa fabrication et son
utilisation propre, et les opérateurs situés en aval dans la chaîne d’approvision-
nement peuvent maîtriser valablement les risques. »
Ce descriptif appelle des remarques importantes. La directive 67/548 et tous ses
amendements ou adaptations visaient essentiellement le domaine des dangers
chimiques, alors que la directive 98/24 traitait des risques. Le règlement REACH
couvre les deux domaines, puisqu’en plus des règles de classification, il introduit
des évaluations d’exposition. Mais il précise qu’il est « sans effet sur l’application des
directives relatives à la protection des travailleurs et à l’environnement, et notamment
de la directive 2004/37/CE1 concernant la protection des travailleurs contre les risques
liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail et de la directive
98/24/CE2 concernant la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs contre
les risques liés à des agents chimiques sur le lieu de travail, qui font obligation aux
employeurs d’éliminer les substances dangereuses, lorsque cela est techniquement
possible, ou de les remplacer par des substances moins dangereuses ».
Mais si l’évaluation de la sécurité chimique est accessible aux fabricants, comment
un importateur ou un distributeur peut-il connaître toutes les expositions possi-
bles des utilisateurs finaux ? L’annexe I dit bien que « l’évaluation de la sécurité
chimique par un importateur porte sur l’ensemble des utilisations identifiées », et
même qu’elle « couvre toutes les étapes du cycle de vie de la substance, découlant de la
fabrication et des utilisations identifiées ». La réponse est que le fournisseur ne peut
que parler d’expositions « raisonnablement prévisibles », selon l’expression de
l’annexe I, donc très théorique. Dans ces conditions, il serait étonnant que ces
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

expositions puissent être estimées importantes, si tel était le cas. Nous savons que
la réalité, que seul connaît l’utilisateur final, est bien différente ! Toutefois, il est
précisé au point 16 de ladite annexe que « le présent règlement fixe les devoirs et les
obligations des fabricants, des importateurs et des utilisateurs en aval des substances
telles quelles et des substances contenues dans des préparations ou des articles. »
Il nous semble très regrettable que le REACH n’ait pas mieux séparé les rôles, à
savoir les dangers pour les fabricants ou importateurs et les risques pour les utilisa-
teurs « en aval ». D’ailleurs un fabricant n’est-il pas nécessairement un utilisateur ?

1. JO L 158 du 30/4/2004, p. 50, et rectificatif dans le JO L 29 du 29/6/2004, p. 23


2. JO L 131 du 5/5/1998, p. 11

7
1 • Introduction 1.3 La méthode proposée

Il semble même que la confusion entre danger et risque soit encore présente dans
certaines expressions du document, par exemple le point 3 du premier article :
« Le présent règlement repose sur le principe qu’il incombe aux fabricants, aux impor-
tateurs et aux utilisateurs en aval de veiller à fabriquer, mettre sur le marché ou utiliser
des substances qui n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine ou l’environnement.
Ses dispositions reposent sur le principe de précaution. »
L’effet nocif d’une substance, c’est la définition du danger. Comment une subs-
tance chimique pourrait n’avoir aucun danger ? Le principe de précaution serait-il
d’interdire toute utilisation de produit chimique ? Notons que les définitions de
danger et de risque ne figurent pas dans l’article 3. Ce sont donc celles de la direc-
tive 98/24 qui restent valides.
Cette évolution réglementaire renforce le besoin d’une méthodologie précise et
fiable dans le domaine du risque chimique et nous conforte dans notre entreprise
d’établir des fondamentaux sur la théorie et la pratique du risque chimique.

8
2 • THÉORIE DU RISQUE CHIMIQUE

2.1 Notions générales


2.1.1 Définitions normalisées
m Cas général
En matière de science du risque, le vocabulaire prend une importance décisive. Il
existe en effet un grand nombre de concepts qui s’y rattachent depuis les temps
anciens, cette notion faisant partie de la vie quotidienne des hommes. Dès qu’il a
fallu introduire un peu de rationalité dans ce domaine, où le jugement subjectif
domine, la nécessité de fixer le sens des termes employés s’est imposée. Après des
années d’hésitations, notamment attribuables à la difficulté de trouver des équiva-
lences entre les grandes langues scientifiques, une normalisation s’est mise en place,
sans être encore aujourd’hui complètement aboutie. Les définitions qui suivent sont
celles qui sont adoptées par les instances spécialistes des risques professionnels, à
savoir les CRAM et l’INRS. Elles sont largement inspirées des normes ISO 12100,
ISO 14121 et de la directive européenne 98/241.
Le danger, en général, est une propriété d’un matériel, d’une matière, d’un phéno-
mène ou d’un milieu qui décrit le type de dommage qu’il peut causer. C’est une
constante qui ne varie pas avec les conditions d’utilisation. La norme ISO 12100
emploie plutôt le terme de « phénomène dangereux », qui désigne une « source
potentielle de dommage ». L’électricité, le bruit, les objets coupants, les organes en
mouvement et les énergies potentielles sont des phénomènes dangereux.
Le risque est une notion dont la définition est la plus variable, parce qu’elle dépend
du domaine concerné. Les textes réglementaires nationaux et européens ne sont pas
encore parfaitement homogènes sur ce point. Mais on observe une convergence
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grandissante avec la définition de la norme ISO 12100 : « combinaison de la


probabilité d’un dommage et de la gravité de ce dommage ». Quant à la directive
déjà citée, elle le définit comme « la probabilité que le potentiel de nuisance soit atteint
dans les conditions d’utilisation et/ou d’exposition ». Cette définition a le mérite
de montrer clairement que si le danger est propre à l’agent chimique, le risque dépend
des conditions d’utilisation.

1. La directive 98/24 est une directive européenne du 7 avril 1998 concernant la protection de la santé
et de la sécurité des travailleurs contre les risques liés à des agents chimiques sur le lieu de travail.

9
2 • Théorie du risque chimique 2.1 Notions générales

L’estimation du risque consiste à en préciser l’importance. C’est une forme de


quantification, complétant l’aspect simplement qualitatif qu’apporte l’identification.
Le terme d’estimation est celui qui est fixé par la norme ISO 14121 (ex EN 1050).
Il en existe d’autres, utilisés à sa place, tels qu’évaluation, appréciation, cotation,
quantification. Les termes d’évaluation et d’appréciation se retrouvent dans un
schéma général établi pour les équipements de travail, objets de la norme. Ce
schéma peut être facilement transposé pour le risque chimique, en le simplifiant,
comme suit :

Délimitation du domaine d’étude


atelier (process…)

Identification des agents Analyse


chimiques dangereux de risque

Appréciation
du risque Estimation des risques chimiques

Évaluation des risques chimiques

L’action est- OUI


FIN
elle sûre ?

NON

Réduction du risque

Figure 2.1 – Schéma de la norme ISO 14121 adapté au risque chimique

La notion d’importance du risque est fondamentale dans le discours sur la sécurité


et devrait toujours être utilisée à bon escient dans tous les domaines, notamment
par les media ou les hommes politiques. Nous insistons sur ce point, pourtant
simple à comprendre : un grand danger n’engendre pas obligatoirement un grand
risque, et réciproquement. La radioactivité est un phénomène très dangereux,
mais le risque nucléaire est variable selon les circonstances, et doit être estimé au
cas par cas. Autre exemple, la comparaison entre avions et véhicules automobiles.
Les premiers constituent des phénomènes plus dangereux que les seconds, mais
c’est l’inverse au stade des risques, les statistiques en témoignent. Et lorsque l’on
parle d’absence de risque, on exprime en fait que le risque considéré est trop faible
pour être pris en compte.

10
2 • Théorie du risque chimique 2.1 Notions générales

L’évaluation, comme la définit la norme, désigne l’ensemble de la démarche qui


va de l’identification à l’estimation. L’appréciation est la décision finale, tenant
compte de l’évaluation, mais aussi d’autres facteurs étrangers au risque.

m Cas du risque chimique

Le danger d’un agent chimique est défini par le type de dommage qu’il peut
causer. La directive 98/24 définit le danger comme une « propriété intrinsèque
d’un agent chimique susceptible d’avoir un effet nuisible ». Il est important de
retenir que le danger est propre à l’agent chimique, indépendamment de ses
conditions d’utilisation. Les dommages possibles sont très variés ; nous les détaille-
rons par la suite. La classification, et en particulier l’étiquetage réglementaire, ne
vise principalement qu’à informer sur les dangers des produits chimiques.
Le terme d’agent chimique plutôt que de produit est plus large, puisqu’il inclut les
substances, les préparations et les produits générés par l’activité, tels que poussière,
vapeur, fumée, déchet. Ce changement d’appellation, fixée par la réglementation,
est loin d’être anodin quand on sait l’importance de ces agents dans la genèse de
nombre de maladies professionnelles (poussières d’amiante ou de bois, fumées de
soudures ou de combustion, etc.).
Le risque chimique est celui qu’engendre l’utilisation ou le contact avec un ou
plusieurs produits chimiques. La directive 98/24 le définit comme « la probabilité
que le potentiel de nuisance soit atteint dans les conditions d’utilisation et/ou
d’exposition ». En tant que tel, il peut être estimé pour situer son importance.
Nous avons vu que ce risque peut prendre une forme progressive ou accidentelle.
La première regroupe les atteintes lentes à la santé (irritation, cancer…), la seconde
les effets soudains et rapides, soit par action directe, comme avec les intoxications
aiguës, soit par action indirecte, en raison des propriétés physico-chimiques des
produits (inflammabilité, explosivité…). Cette distinction se retrouve d’ailleurs
dans la partie du code de la Sécurité sociale qui traite des risques professionnels,
comprenant les accidents et les maladies professionnelles, qui font l’objet de
mesures réglementaires spécifiques. Le risque d’incendie ou d’explosion en fait donc
entièrement partie, alors qu’il est souvent considéré à part dans l’organisation de la
sécurité ou dans certains ouvrages. Le risque chimique est souvent compris comme
risque toxique, qui n’en est en fait qu’un aspect.
Cette distinction entre danger et risque sur laquelle nous insistons est fondamentale
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

dans la gestion du risque chimique, comme dans les autres risques. Ainsi il peut y
avoir un risque relativement faible avec un produit très dangereux et, inversement,
l’utilisation d’un produit de danger modeste peut générer un risque élevé. Pourtant,
même les personnes familières du domaine de la sécurité commettent souvent la
confusion, en parlant de risque des produits, sans avoir abordé l’activité des personnes
les utilisant. À ce sujet, il faut saluer le remplacement de l’expression « phrase de
risque » utilisée dans la réglementation française par l’expression « mention de
danger » introduite par le nouveau SGH (Système Général Harmonisé). Nous
verrons que le règlement REACH n’a malheureusement pas levé toute ambiguïté
sur ce sujet.

11
2 • Théorie du risque chimique 2.2 Caractéristiques du risque chimique

2.2 Caractéristiques du risque chimique


2.2.1 Mécanisme d’apparition des dommages d’origine chimique
L’apparition d’un dommage, qu’il soit de type accidentel ou de type chronique,
suit un mécanisme que l’on peut représenter par deux schémas, qui constituent
une modélisation, sachant que la frontière entre ces deux types peut parfois être
floue. Ces schémas ne font jamais que reproduire les arbres des causes généraux
des accidents et maladies observés sur le terrain. L’étude des bases de données sur
les accidents ou les maladies professionnelles nous apprend que les points de départ
des processus sont différents.
Le mécanisme chronique part d’une exposition, c’est-à-dire un contact de la
personne, avec un agent chimique par voie respiratoire, cutanée ou digestive. Cet
agent peut être présent dans l’environnement sous forme liquide, solide ou
gazeuse, mais aussi sous forme de vapeurs, d’aérosols, de poussières ou même de
dépôts sur des surfaces, etc. Il n’y a pas de phénomène aléatoire dans ce cas et
l’exposition est directement observable à partir du moment où l’agent chimique
est identifié. Le passage au dommage, en l’occurrence une pathologie, se produit
obligatoirement, mais après un certain temps, temps nécessaire pour qu’une quan-
tité d’agent chimique soit absorbée par l’organisme, suffisante pour générer une
pathologie. Cette quantité est variable selon les paramètres d’exposition et les
facteurs personnels. Ce processus peut être représenté par le schéma suivant :

exposition

zone dangereuse

personne produit dangereux

zone de présence
quantité
absorbée

dommage

Figure 2.2 – Schéma du processus chronique

Le mécanisme accidentel part d’une situation dangereuse créée par la présence


d’une personne dans la zone où un agent chimique peut constituer une menace.
Cette « zone de danger » n’est pas toujours facile à délimiter ou même à imaginer,
puisqu’elle découle d’une certaine conscience de risque. En particulier, elle n’est pas
directement visible tant que l’on ne s’est pas représenté quel événement dangereux
pourrait survenir. Le passage au dommage, en l’occurrence une lésion, ne se produira

12
2 • Théorie du risque chimique 2.2 Caractéristiques du risque chimique

qu’après survenue de cet événement, qui peut être un scénario complexe, partant
d’un événement déclencheur suivi d’un enchaînement de faits conduisant à un
dommage final. On retrouve en fait la logique de la construction d’un arbre des
causes, après un accident. Ce processus peut être représenté par le schéma suivant :

situation dangereuse

zone dangereuse

personne produit dangereux

zone de présence événement dangereux

dommage

Figure 2.3 – Schéma du processus accidentel

Pour bien comprendre ce terme de situation dangereuse, qui est moins évident que
celui d’exposition, prenons exemple. Une personne travaille sous une canalisation
contenant un liquide corrosif : c’est typiquement une situation dangereuse, parce
qu’une menace plane. Un chariot automoteur passant à proximité accroche la
canalisation en manœuvrant. La contrainte subie par celle-ci modifie le serrage d’un
joint entre deux brides, justement situé au-dessus du poste de travail. Le liquide
corrosif fuit aussitôt et tombe sur la tête de la personne, occasionnant une brûlure
chimique. Ce petit scénario constitue l’événement dangereux, dont le fait déclencheur
est le choc entre le chariot et le tuyau. La survenue d’un tel accident nécessite bien
les deux conditions : la situation dangereuse et l’événement dangereux.
Dans les deux processus, le dommage peut être finalement évité ou réduit après le
déclenchement de l’exposition ou de l’événement dangereux, si certains facteurs
matériels ou humains sont présents. En processus chronique, c’est essentiellement
un bon état de santé qui peut retarder l’apparition des pathologies. En processus
accidentel, une alarme, un dispositif de protection automatique, une protection
individuelle, l’habileté des opérateurs ou leur condition physique leur permettent
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parfois d’échapper au dommage ou du moins de le minimiser.


La validité de cette modélisation du risque dépasse le risque chimique et peut être
généralisée à tout type de risque. C’est pour cette raison qu’elle a été introduite
dans la version révisée de la norme ISO 141211. Ce point est développé au para-
graphe 4.5.
Il existe évidemment des situations intermédiaires aux schémas accidentel et chro-
nique. Par exemple, une éclaboussure de produit qui se répète assez souvent est, en
quelque sorte, un phénomène accidentel à caractère chronique. Nous verrons que

1. Figure B.1 de l’annexe B de la norme ISO 14121-1 : 2007.

13
2 • Théorie du risque chimique 2.2 Caractéristiques du risque chimique

l’on peut alors classer ce processus dans n’importe lequel des deux schémas sans
que cela nuise à l’efficacité de la méthode.

2.2.2 Les composantes du risque chimique


Le premier intérêt de cette modélisation est de faire apparaître les composantes du
risque selon les deux processus, réunies dans le tableau synthétique suivant.

Processus chronique Processus accidentel

Danger Danger

Situation dangereuse
Exposition
Événement dangereux

Dommage Dommage

Dans le processus chronique, il apparaît trois composantes du risque : le danger,


l’exposition et le dommage. Cette modélisation est exactement l’expression du
principe proposé dans de nombreux ouvrages sur le risque chimique (notamment
le SGH dans son paragraphe 1.1.2.6.2.1). La modélisation du processus accidentel
semble plus originale pour le risque chimique, car elle a été proposée initialement
pour les risques liés aux équipements de travail. Elle montre quatre composantes :
le danger, la situation dangereuse, l’événement dangereux et le dommage. Cela ne
fait au total que cinq composantes distinctes, ce qui confère toute sa simplicité à la
méthodologie décrite ici. Le danger et le dommage sont des notions qui ont été bien
définies précédemment et qui se retrouvent dans la plupart des méthodes. Les trois
autres composantes sont plus difficiles à cerner. En voici des définitions précises :
– Une exposition caractérise l’état d’une personne en contact avec l’agent chimique
par voie respiratoire, cutanée ou digestive, de façon plus ou moins continue.
Elle est générée par le mode opératoire habituel et, pour cette raison, elle est souvent
ressentie comme normale dans la situation de travail. Une exposition ainsi définie
ne génère pas de malaise immédiat, qui entre dans la définition de l’accident.
Elle peut durer longtemps avant que ne se déclarent ou découvrent des effets
alarmants pour la santé. Cela correspond au risque de maladie professionnelle,
mais ce terme est réducteur puisqu’il se réfère à une décision administrative. C’est
pourquoi il est préférable de parler de pathologie professionnelle, pour désigner
les effets négatifs de l’exposition sur la santé, qu’elle soit reconnue ou pas. Il faut
aussi signaler que des expositions chroniques peuvent avoir des conséquences
accidentelles. Tel est le cas des accidents de circulation survenus à des peintres
professionnels après leur journée de travail, au cours de laquelle ils ont été soumis
à de fortes expositions aux solvants. Il est en effet connu que la plupart des
solvants ont un effet narcotique.
– Une situation dangereuse caractérise la localisation d’une personne dans une
zone où elle subira un dommage soudain, direct ou indirect, en cas de survenue

14
2 • Théorie du risque chimique 2.2 Caractéristiques du risque chimique

d’un événement dangereux. Un dommage est direct quand il est provoqué par
l’entrée en contact de l’agent chimique avec le corps humain. C’est le cas des
brûlures chimiques et des intoxications aiguës. Il est indirect si l’agent chimique
provoque le déclenchement d’autres types de dommages. C’est le cas des brûlures
thermiques et blessures provoquées par un incendie ou une explosion. Dans les
accidents graves, les dommages sont très souvent directs et indirects, notamment
en cas de réaction incontrôlée. Il faut bien comprendre que l’existence d’une
situation dangereuse ne suffit pas pour que le dommage se produise. Elle peut
donc durer très longtemps, ce qui conduit parfois à douter de sa réalité. Elle ne
peut être mise en évidence que par l’hypothèse de l’événement dangereux. En
résumé, cela correspond au risque d’accident.
– Un événement dangereux est un enchaînement de faits, partant d’un déclen-
cheur et aboutissant au dommage, suivant un scénario parfois complexe, tel que
la méthode de l’arbre des causes le met en évidence. Le déclencheur peut être
d’origine technique (rupture de canalisation, panne électrique, dérive d’une
régulation…) ou humaine (erreur de produit lors d’un chargement…). Chaque
déclencheur possible génère un scénario différent, avec un dommage différent.
C’est pourquoi il y a autant de situations dangereuses que d’événements dangereux
différents.
Cette double nature du risque chimique a été peu mise en évidence dans les études
publiées dans ce domaine. Le terme d’exposition servait en fait à couvrir l’ensemble
des mécanismes menant aux dommages. En pratique, le risque chimique a été
depuis longtemps réservé à deux catégories d’intervenants. D’une part la médecine
du travail et la toxicologie, s’intéressant essentiellement aux effets directs sur la
santé, d’autre part les services de sécurité ou d’intervention, spécialisés dans les
incendies et explosions. Seuls les accidents graves donnaient l’occasion d’une
intervention commune de ces deux services. Cette répartition des missions, qui a
pour conséquence une différence de culture et donc de méthode, a probablement
gêné l’émergence d’une approche globale de ce risque particulier, telle que nous
voulons le proposer.

2.2.3 Estimation du risque chimique


La deuxième caractéristique importante du risque chimique concerne son estima-
tion. Celle-ci repose sur des paramètres en partie différents en fonction des deux
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

processus que l’on vient de décrire.


L’estimation du risque d’exposition chronique dépend du danger de l’agent chimique
et de l’importance de l’exposition. En effet, une dose quotidienne de 1 g d’un produit
à faible toxicité représente un risque moins important qu’une dose quotidienne de
10 mg d’un produit très toxique. De même, à exposition égale, un produit toxique
ou cancérogène engendre un risque plus grave qu’un produit nocif.
Inversement, pour un même produit, le risque de pathologie augmente avec la
durée de l’exposition ou la concentration atmosphérique des vapeurs, par exemple.
Nous verrons que ces deux points font partie des facteurs déterminant l’importance
de l’exposition.

15
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

L’estimation du risque accidentel répond aux règles utilisées pour l’ensemble


des risques de type accidentel, et fait l’objet d’une normalisation internationale
(ISO 14121). Pour mémoire, elle résulte de la combinaison de la gravité du
dommage et de la probabilité de sa survenue. Il est évident que si le danger n’est
pas un facteur direct, comme pour l’exposition, il joue un rôle important sur la
gravité comme sur la probabilité du dommage. Nous verrons comment déterminer
ces paramètres dans le cas du risque chimique.
En conclusion, il faut analyser plus précisément comment les cinq composantes du
risque chimique interviennent dans les deux processus aboutissant aux dommages.

2.3 Le danger chimique


Depuis longtemps, le danger présenté par les agents chimiques est un paramètre
qui a été beaucoup étudié. Il constitue l’un des objets de la toxicologie et le point
d’appui essentiel des réglementations du risque chimique. C’est le cas du Code du
travail, de l’ADR, de la directive européenne 67/548, du SGH et du tout nouveau
règlement REACH. Ce paramètre a le gros avantage d’être une donnée invariable
liée au produit, sauf évolution des connaissances, ce qui n’est pas très fréquent.
C’est le contraire du risque, qui est constamment variable et beaucoup moins bien
cerné par ces réglementations. Nous allons passer en revue les différentes approches
du danger chimique dans les principales réglementations existantes.

2.3.1 Les dangers selon le Code du travail


L’estimation des risques chimiques repose en grande partie sur la classification
réglementaire des substances et préparations, et en particulier sur l’exploitation des
phrases de risque figurant sur l’étiquetage. Mais ce n’est pas toujours suffisant, notam-
ment pour le risque de réaction dangereuse. C’est pourquoi il faut compléter cette
information chaque fois que c’est nécessaire et possible. Pour ce faire, le document
le plus facilement disponible est la « fiche de données de sécurité », due réglemen-
tairement par le fournisseur. Nous allons d’abord examiner ces deux sources.

m L’étiquetage

L’étiquette réglementaire1 contient obligatoirement les phrases de risque, du moins


lorsque le produit est étiquetable. Rappelons à ce sujet que plusieurs raisons peuvent
expliquer qu’un produit soit sans étiquette. La première est qu’il ne présente pas
de danger connu ; il est donc hors classification. La deuxième est qu’il n’a pas
encore fait l’objet d’études pour connaître ses dangers. C’est le cas de produits
nouveaux et peu répandus. La troisième est, il faut bien le dire, le résultat d’une
erreur ou d’une négligence, soit du fournisseur, soit de l’utilisateur, par exemple à
l’occasion d’un reconditionnement. Il faut rester prudent dans ces cas-là et
toujours tenter d’en savoir plus. Dans le doute, il faut interroger les personnes
compétentes et en premier lieu le médecin du travail.

1. L’étiquetage est précisé dans les annexes II, III et IV de l’arrêté du 20 avril 1994 modifié.

16
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Un agent chimique peut présenter plusieurs dangers et son étiquette doit indiquer
toutes les phrases de risque correspondantes. Mais elle fournit d’autres informations,
comme le résume le schéma suivant.

Solvex S.A.
avenue des tuyaux
234 100 Flaconville

Tél. 98 76 54 32 10

Acétone
R11 – Facilement inflammable
R36 – Irritant pour les yeux
R66 – L’exposition répétée peut provoquer dessèchement ou gerçures de la peau
R67 – L’inhalation de vapeurs peut provoquer somnolence et vertiges

S9 – Conserver le récipient dans un endroit bien ventilé


S16 – Conserver à l’écart de toute flamme ou source d’étincelles. Ne pas fumer.
S26 – En cas de contact avec les yeux, laver immédiatement et abondamment avec de
l’eau et consulter un spécialiste.

200-662-2 – Étiquetage CE

Figure 2.4 – Exemple d’étiquette réglementaire

Nous ne parlons ici que des informations qui concernent les dangers : les symboles
et les phrases de risque. Les premiers sont des pictogrammes accompagnés d’une
lettre et les secondes sont codifiées par un R suivi d’un ou plusieurs nombres.
Les symboles de danger sont un premier niveau d’information, de nature pure-
ment visuelle, destiné directement à l’opérateur qui se saisit de l’emballage. Ils sont
au nombre de 10 (avec celui de l’environnement) ; en voici la liste :
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Figure 2.5

17
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

En fait, ils n’utilisent que 7 pictogrammes distincts, sur fond orange. Ils sont
censés évoquer un danger particulier pour inciter à la prudence. On peut toutefois
s’interroger sur l’aptitude de certains d’entre eux à suggérer réellement le danger.
Nous faisons notamment allusion aux symboles nocif, irritant ou comburant.
Les phrases de risque précisent le type et la gravité du dommage susceptible de
survenir. Elles précisent aussi la voie de pénétration principale de l’agent. Quand
cela est nécessaire, elles combinent des numéros de danger et de voie. C’est donc
sur elles que doit s’appuyer un inventaire des dangers présents, d’autant plus que
certains dangers particuliers exprimés par des phrases de risque n’ont pas de symbole
de danger spécifique.

Dangers Phrases de risque

Réactivité particulière R14, R16, R19, R31,…

Inflammables R10

Sensibilisants R42, R43

Cancérogènes R40, R45, R49

Toxiques pour la reproduction R60, R61, R62, R63

Mutagènes R46, R68

L’exploitation des phrases de risque pour distinguer les dangers n’est pas aisée, car
elles mélangent des notions d’effets, de voies, de modes d’intoxication, de symp-
tômes et de gravité. Voici quelques exemples.
Parmi les 66 phrases simples :

Phrase Libellé Contenu de l’information

R10 Inflammable Effet

R14 Réagit violemment avec l’eau Effet et gravité

R20 Nocif par inhalation Effet et voie

R24 Toxique par contact avec la peau Effet, voie et gravité

R33 Danger d’effets cumulatifs Mode d’intoxication

R40 Effet cancérogène suspecté, preuves insuffisantes Dommage et gravité

R49 Peut causer le cancer par inhalation Dommage et voie

L’inhalation de vapeurs peut provoquer


R67 Voie et symptômes
somnolence et vertiges

18
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Parmi les 57 phrases combinées :

R36/38 Irritant pour les yeux et la peau Effet et voies

Nocif, possibilité d’effets irréversibles par


R68/20 Gravité et voie
inhalation

Toxique, risque d’effets graves pour la santé en cas Gravité, mode


R48/24
d’exposition prolongée par contact avec la peau d’intoxication et voie

La liste intégrale figure en annexe 1. Notons que l’appellation « phrase de risque »


est inadaptée selon les normes en vigueur, qui imposeraient « phrases de dangers ».
Les libellés de ces phrases alternent d’ailleurs les termes de risque et danger.
Les phrases S sont présentées comme des conseils de prudence. Il s’agit de mesures
d’application immédiate qui s’adressent aux utilisateurs directs des produits. La
prévention du risque chimique ne saurait se limiter à leur respect. Par contre,
certains de ces conseils apportent des informations complémentaires sur le danger.
En voici quelques exemples :

Phrase S Libellé

8 Conserver le récipient à l’abri de l’humidité

15 Conserver à l’écart de la chaleur

18 Manipuler et ouvrir le récipient avec prudence

30 Ne jamais verser de l’eau dans ce produit

48 Maintenir humide avec…

50 Ne pas mélanger avec…

Au nombre de 54 simples et 17 combinées, elles figurent en annexe 2.


Il faut rester prudent sur le bien fondé des informations de l’étiquette, qui sont
inscrites sous la responsabilité du fournisseur. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

à les recouper avec d’autres sources, comme celles qui sont décrites ci-après. S’agissant
des substances, la source la plus fiable reste le site officiel de l’Union européenne1,
en consultant la liste des substances dangereuses dans l’annexe I issue de la dernière
« adaptation au progrès technique » (ATP) de la directive de base2. Il est préférable
d’interroger la liste par le numéro CAS, par exemple, car les noms chimiques sont
trop sujets à variation. À ce jour, la liste comporte près de 8 000 produits.

1. http://ecb.jrc.it/classification-labelling/
2. http://ecb.jrc.it/documents/Classification-Labelling/DIRECTIVE_67-548-EEC/
ANNEX_I_OF_DIRECTIVE_67-548-EEC/Annex_I_of_Directive_67548EEC. doc. La dernière
ATP, la 29e, date de 2004. La 30e ATP est en cours d’adoption.

19
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

m La Fiche de Données de Sécurité (FDS)

Cette fiche prévue par le Code du travail1 doit être réalisée et mise à jour par le
distributeur de produits chimiques dès la première livraison d’un produit. L’ache-
teur doit vérifier la réception de cette fiche et faire en sorte qu’elle soit à la disposi-
tion de tout utilisateur du produit. En particulier, le médecin du travail doit
disposer d’une collection complète et à jour. Les réseaux informatiques généralisés
dans les entreprises permettent d’ailleurs une consultation facile par tout le
monde. À défaut, il est presque toujours possible de les retrouver sur Internet2.
La réglementation fixe un contenu précis à ces fiches, qui doivent comporter
16 rubriques :
– 1) identification de la substance/préparation et de la société/l’entreprise ;
– 2) identification des dangers ;
– 3) composition/informations sur les composants ;
– 4) premiers secours ;
– 5) mesures de lutte contre l’incendie ;
– 6) mesures à prendre en cas de dispersion accidentelle ;
– 7) manipulation et stockage ;
– 8) contrôle de l’exposition/protection individuelle ;
– 9) propriétés physiques et chimiques ;
– 10) stabilité et réactivité ;
– 11) informations toxicologiques ;
– 12) informations écologiques ;
– 13) considérations relatives à l’élimination ;
– 14) informations relatives au transport ;
– 15) informations relatives à la réglementation ;
– 16) autres informations.
Une grande partie de ces rubriques apporte des informations utilisables pour iden-
tifier et quantifier les dangers, les autres contribuant davantage au choix des mesures
de protection et d’intervention.
1) Identification de la substance ou préparation
Une erreur sur l’identité d’un produit peut être lourde de conséquences sur les mesures
de prévention à prendre. Les dénominations chimiques, quoique normalisées, sont
en effet très variables et une erreur d’isomère, par exemple, est vite commise. Il est
donc préférable d’utiliser les numéros d’identification figurant à la rubrique 3.
2) Identification des dangers
C’est ici qu’apparaît la classification du produit, et toute autre information sur un
danger particulier qui aurait pu se manifester. Pour les substances, il faut indiquer,
quand ils existent, le numéro CAS (Chemicals Abstracts System), beaucoup plus

1. L’article R. 4411-73 indique que le fabricant ou l’importateur d’une substance ou préparation dange-
reuse fournit au destinataire une fiche de données de sécurité conforme aux exigences prévues par le
règlement (CE) 1907/2006 (REACH).
2. Outre les sites des fournisseurs, on peut consulter www.quickfds.com.

20
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

utilisé que le numéro EINECS (European INventory of Existing Commercial


chemical Substances information system), pourtant officiel pour l’Europe, ou le
numéro ELINCS (European LIst of Notified Chemical Substances).
3) Composition/informations sur les composants
Ces informations sont particulièrement utiles pour les préparations, même si elles
sont limitées sur des critères de concentration ou d’existence de VLEP des subs-
tances contenues.
8) Contrôle de l’exposition
Les niveaux de dangers peuvent être connus grâce aux VLEP (Valeurs Limites
d’Exposition Professionnelle), DNEL (Derived No Effect Level, ˙˚ niveau dérivé
sans effet ») et PNEC (Predicted No Effect Concentration, « concentration
prédite sans effet »).
9) Propriétés physico-chimiques
Ces données sont utiles pour le repérage des expositions, par exemple en considé-
rant le point d’ébullition, la pression de vapeur, le pH, la liposolubilité, et plus
encore pour le repérage des situations dangereuses, en considérant le point d’éclair,
l’indice d’évaporation, les dangers d’explosion, les propriétés comburantes, les
températures de décomposition et d’auto-inflammation, etc.
10) Stabilité et réactivité du produit
Cette rubrique permet de mentionner ce que les phrases de risque ne disent pas,
ou du moins pas clairement. Cela concerne par exemple les possibilités de réaction
dangereuse, les sensibilités à la chaleur, à la lumière, au froid, au choc et certaines
précautions d’utilisation. Ces informations sont évidemment précieuses pour
l’identification de situations dangereuses, mais aussi pour les expositions, dans la
mesure où une substance réactive est très souvent aussi corrosive pour la peau.
11) Informations toxicologiques
Les informations toxicologiques sont surtout utiles au médecin du travail mais
elles permettent aussi de juger de la cohérence de la classification.
12) Informations écologiques
Ce point mentionne les données disponibles sur l’écotoxicité, indispensables pour
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l’analyse du risque environnemental. Figurent ici les propriétés de persistance, de


dégradabilité et de bioaccumulation, mais aussi d’autres effets quand ils sont
connus, tels que le potentiel d’appauvrissement de la couche d’ozone, le potentiel
de formation photochimique d’ozone, le potentiel de perturbation du système
endocrinien et/ou le potentiel de réchauffement climatique.
14) Informations relatives au transport
Comme nous le verrons au paragraphe 2.3.2, l’information la plus intéressante sur
le danger est le numéro d’identification de danger (voir annexe 3). À défaut, le
numéro ONU permet de le retrouver facilement. Cette information est à rapprocher
de la classification travail, pour éventuellement la compléter.

21
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

15) Informations réglementaires


Cette rubrique indique tout ce qui concerne la santé, la sécurité et l’environne-
ment. C’est un moyen de contrôle supplémentaire. On y trouve aussi l’éventuelle
inscription dans un tableau de maladie professionnelle.
16) Autres informations
C’est ici que doivent figurer les phrases de risque, libellées en entier.
Ces fiches sont une source d’informations indispensable dans une analyse de
risques, qu’il faut néanmoins considérer avec prudence. Les fournisseurs peuvent
maintenant s’appuyer sur l’annexe II du règlement REACH.
Il ne faut pas perdre de vue que les dangers des agents chimiques sont établis sur la
base de la classification réglementaire, selon une procédure précise qui aboutit à
un consensus des partenaires sociaux, à partir des observations qui ont été recueillies
par expérience ou à la suite d’études. Elle peut donc évoluer avec le temps. De ce
fait, cette information doit être considérée comme provisoire, en particulier pour
les produits récemment mis sur le marché. De nombreuses substances ont vu,
au cours des dernières décennies, leur « classification » changer, et donc la liste de
leurs dangers. Sur ce point, le système REACH devrait apporter une meilleure
fiabilité de ces données (voir le paragraphe 2.3.4).

m Autres sources d’information

Les données concernant les dangers ont bien d’autres sources. Autant que possible,
il faut faire l’effort de réaliser une petite bibliographie sur les produits utilisés pour
la première fois. Elle peut être simple et rapide sur Internet, et procurer en outre
des informations techniques toujours précieuses. Deux documents sont à
consulter en priorité :
– Les fiches toxicologiques de l’INRS, qui contiennent beaucoup d’informations
sur des substances dangereuses, mais qui sont en nombre limité.
– La dernière ATP de la directive 67/548, qui permet d’anticiper sur les futures
évolutions de la classification. À ce jour, la 30e est toujours en cours d’adoption
et le projet de 31e est déjà publié sur le site de l’Union européenne.
– La notice technique du fournisseur, de contenu très variable, mais mentionnant
au besoin les précautions d’emploi.

2.3.2 Les dangers selon le règlement type du transport de matières dangereuses


La classification transport est dans l’ensemble plus complexe, parce que plus complète
que la classification travail. Elle est régie par un accord européen (restructuré), dit
ADR1, régulièrement mis à jour. Nous présentons ici les éléments qui contribuent
à la connaissance des dangers. Cette classification consiste à déterminer principale-
ment quatre éléments : une classe de danger, un code de classification, un numéro
ONU et un groupe d’emballage.

1. La dernière version est du 1er janvier 2007. Elle est téléchargeable à l’adresse http://www.unece.org/
trans/danger/publi/adr/adr2007/07ContentsE.html

22
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

La classe de danger est choisie parmi une liste de 13 classes et sous-classes :

Classe 1 Matières et objets explosibles

Classe 2 Gaz

Classe 3 Liquides inflammables

Matières solides inflammables, matières autoréactives et matières explosibles


Classe 4.1
désensibilisées solides

Classe 4.2 Matières sujettes à l’inflammation spontanée

Classe 4.3 Matières qui, au contact de l’eau, dégagent des gaz inflammables

Classe 5.1 Matières comburantes

Classe 5.2 Peroxydes organiques

Classe 6.1 Matières toxiques

Classe 6.2 Matières infectieuses

Classe 7 Matières radioactives

Classe 8 Matières corrosives

Classe 9 Matières et objets divers

Le code de classification est une subdivision précisant le ou les dangers de la


matière ou de l’objet. La liste des codes possibles dépend de la classe de danger.
Pour simplifier cette réglementation particulièrement complexe, nous dirons que
la quasi-totalité des codes de classification utilisés résulte d’une combinaison de
dangers élémentaires appartenant à la liste suivante :

Groupe de danger Signification

A Asphyxiant
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

O Comburant

F Inflammable

T Toxique

C Corrosif

R Auto-réactif

S Auto-échauffant

23
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Par exemple : méthanol : FT1, acétone : F1, acide acétique : CF1, acide nitrique :
CO1, hydroxyde de sodium : C6, nitrite de sodium : OT2, chlorure mercurique :
T5. Le chiffre qui suit les lettres est fonction de l’état physique et de la nature
organique ou pas.
Le numéro ONU est une sorte d’immatriculation des matières, des objets ou de
familles de matières ou d’objets, la règle étant d’attribuer toujours le numéro le
plus spécifique. Par exemple : acétone : 1090, acétate d’amyle : 1104, dioxyde de
plomb : 1872, adhésifs : 1133, produits pour parfumerie : 1266, nitrates inorga-
niques : 1477, liquide inflammable : 1993. L’intérêt de ce numéro est de retrouver
facilement toutes les propriétés d’un produit à l’aide des tableaux de l’ADR1.
Le groupe d’emballage précise l’importance du danger. Il ne concerne qu’une
partie des classes de danger et ne comporte que trois niveaux, au plus, selon les
définitions suivantes :

Groupe d’emballage I Matières très dangereuses

Groupe d’emballage II Matières moyennement dangereuses

Groupe d’emballage III Matières faiblement dangereuses

Il ne s’applique qu’aux matières appartenant aux classes de dangers suivantes :

3 4.1a 4.2 4.3 5.1 5.2 6.1 8 9

a. 4.1 excepté matières autoréactives

À ces données s’ajoute un numéro d’identification de danger devant figurer sur


l’unité de transport, en plus des symboles de danger, spécifiques à cette réglemen-
tation.
Le numéro d’identification de danger comporte 2 ou 3 chiffres, éventuellement
précédés d’un X. La liste figure en annexe 3. Il constitue un vrai code de description
du danger :
– Le premier chiffre est celui de la classe du danger principal.
– Le deuxième chiffre est un 0 si le danger est normal, et identique au premier si
le danger est intensifié. Dans les autres cas, il indique le danger subsidiaire, sauf
pour le 9 qui signifie danger de réaction violente spontanée.
– L’éventuel troisième chiffre indique un deuxième ou troisième danger subsidiaire.
– La présence du X signale le danger de réaction chimique dangereuse avec l’eau.
EXEMPLES :
50 : matière comburante
48 : matière solide inflammable, corrosive
669 : matière très toxique pouvant produire spontanément une réaction violente
X338 : matière liquide très inflammable et corrosive, réagissant dangereusement avec l’eau

1. Tableaux A et B du chapitre 3.2 de l’annexe A de l’ADR du 1er janvier 2007.

24
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Cette règle supporte néanmoins quelques exceptions, ce qui impose de se référer


au tableau de signification des numéros d’identification de danger.

EXEMPLES :
44 : matière solide inflammable qui, à une température élevée, se trouve à l’état fondu
606 : matière infectieuse
33 : liquide très inflammable (point d’éclair inférieur à 23 ˚C)

Il est intéressant de noter que ce numéro d’identification est une forme condensée et
simplifiée de l’ensemble « classe de danger + code de classification ». Il comporte
même une échelle, sommaire, d’importance des dangers, par le jeu du doublement
de chiffre. En pratique, il suffit de se reporter au tableau A du chapitre 3.2. du
règlement ADR. Les matières et les objets y sont répertoriés, classés par numéro
ONU croissant. Il sera plus facile de consulter d’abord le tableau B pour trouver la
matière ou l’objet, puis de se reporter au tableau A avec le numéro ONU pour
retrouver la classe de danger en colonne n˚ 3a, le code de classification en colonne
n˚ 3b, le groupe d’emballage en colonne n˚ 4 quand il existe, et le numéro d’iden-
tification de danger en colonne 20.
La détermination des classes de dangers et des groupes d’emballages des matières
sans numéro ONU peut être assez complexe, car elle fait appel à des données
physiques, chimiques et toxicologiques, puis éventuellement à quelques calculs
dans le cas des mélanges. Dans tous les cas où plusieurs choix de rubrique sont
possibles, priorité doit être donnée à la rubrique la plus spécifique possible. C’est
pourquoi la définition de la plupart des rubriques collectives se termine par
l’expression « NSA », c’est-à-dire « non spécifié par ailleurs ».
En conclusion, c’est le numéro d’identification de danger qui présente le plus
d’intérêt pour, justement, identifier et coter les dangers, avec l’avantage d’une
forme très condensée et très logique. Cependant, ils n’apportent pas beaucoup
plus d’informations que les phrases de risque et surtout aucune information sur les
voies d’expositions possibles. Par contre, la classification transport mérite d’être
consultée sur les dangers physico-chimiques, c’est-à-dire les familles de dangers IE
et Re (Voir paragraphe 2.3.6).

2.3.3 Les dangers selon le SGH


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

m Classes de dangers

Le SGH instaure 27 classes de dangers, réparties en trois grandes familles. Les dangers
physico-chimiques (16 classes) sont en grande partie issus de la réglementation
transport. Les dangers pour la santé (10 classes) distinguent bien le chronique de
l’aigu. Les dangers pour l’environnement se limitent à une classe1.

1. Pour une vue d’ensemble sur le SGH, voir http://www.inrs.fr/dossiers/sgh.html

25
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Classe Danger Famille

2.1 matières et objets explosibles

2.2 gaz inflammables

2.3 aérosols inflammables

2.4 gaz comburants

2.5 gaz sous pression

2.6 liquides inflammables

2.7 matières solides inflammables

2.8 matières autoréactives


Dangers
2.9 liquides pyrophoriques physiques
2.10 matières solides pyrophoriques

2.11 matières auto-échauffantes

matières qui, au contact de l’eau, dégagent


2.12
des gaz inflammables

2.13 liquides comburants

2.14 matières solides comburantes

2.15 peroxydes organiques

2.16 matières corrosives pour les métaux

3.1 toxicité aiguë

3.2 corrosion/irritation cutanées

3.3 lésions oculaires graves/irritation oculaire

3.4 sensibilisation respiratoire ou cutanée

3.5 mutagénicité pour les cellules germinales

3.6 cancérogénicité Dangers


pour la santé
3.7 toxicité pour la reproduction

toxicité systémique pour certains organes cibles,


3.8
exposition unique

toxicité systémique pour certains organes cibles,


3.9
expositions répétées

3.10 danger par aspiration

Dangers pour
4.1 danger pour le milieu aquatique
l’environnement

26
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

m Catégories de dangers
Chaque classe est subdivisée en catégories de dangers qui expriment le niveau de
danger du produit. Le nombre de catégories varie de 1 à 6 selon les classes. Sans
entrer dans le détail des critères d’attribution, qui occupe la majeure partie de ce
règlement1, le tableau suivant donne une idée de la diversité de ces critères.

Classe Nombre
de de Critères généraux
danger catégories

2.1 7 Sensibilité à l’explosion

2.2 2 Domaine d’inflammabilité

2.3 2 Concentration en inflammables et test d’inflammabilité de l’aérosol vaporisé

2.4 1 Sans objet

2.5 4 Sans objet : états physiques

Cat. 1 : point d’éclair < 23 ˚C et point d’ébullition = 35 ˚C


Cat. 2 : point d’éclair < 23 ˚C et point d’ébullition > 35 ˚C
2.6 4
Cat. 3 : point d’éclair = 23 ˚C et = 60 ˚C
Cat. 4 : point d’éclair > 60 ˚C et = 93 ˚C

2.7 2 Vitesse et durée de combustion

2.8 5 Aptitude à l’explosion (7 types)

2.9 1 Sans objet

2.10 1 Sans objet

2.11 2 Réaction à la chaleur d’un échantillon en masse

2.12 3 Débit de dégagement gazeux

2.13 3 Vitesse de combustion en présence de cellulose


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2.14 3 Durée de combustion en présence de cellulose

2.15 5 Aptitude à l’explosion (7 types)

2.16 1 Sans objet

Dose ou concentration létale (DL50, CL50) par différentes voies ou


3.1 5
estimation de toxicité aiguë (ETA) pour les mélanges (voir ci-dessous)

1. Le texte des différents chapitres de ce règlement est téléchargeable à partir de l’adresse Internet :
http://www.unece.org/trans/danger/publi/ghs/ghs_rev01/01files_f.html

27
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Classe Nombre
de de Critères généraux
danger catégories

1 catégorie de corrosifs (1), avec 3 sous-catégories (1A, 1B, 1C) et 1


catégorie d’irritants (2), d’après :
– des études sur l’homme
3.2 2 – des études sur l’animal
– la structure chimique du produit
– le pH en solution
Pour les mélanges, on peut utiliser des critères de concentration

Le choix des 3 catégories (1 de corrosifs et 2 d’irritants) est fait, selon le


cas, d’après :
– des études sur l’homme
3.3 3 – des études sur l’animal
– la structure chimique du produit
– le pH en solution
Pour les mélanges, on peut utiliser des critères de concentration

3.4 1 Sans objet. Pour les mélanges, concentration des composants actifs.

3.5 3 Le choix des 3 catégories (1A, 1B, 2) est fait à partir d’études disponibles
chez l’homme et l’animal, à dire d’expert. Pour les mélanges, on tient
3.6 3
compte de la concentration des composants actifs.
3.7 4 Une catégorie spéciale vise les effets via l’allaitement.

Le choix des 3 catégories est fait à partir d’études disponibles chez


l’homme et l’animal, à dire d’expert. On s’appuie aussi sur les doses/
3.8 3 concentrations à effet toxique non létal.
Pour les mélanges, on tient compte de la concentration des composants
actifs.

Le choix des 2 catégories est fait à partir d’études disponibles chez


l’homme et l’animal, à dire d’expert. On s’appuie aussi sur les doses/
3.9 2 concentrations minimales à effet toxique observable.
Pour les mélanges, on tient compte de la concentration des composants
actifs.

Études de toxicité sur l’homme et l’animal et viscosité dynamique.


3.10 2
Pour les mélanges, on tient compte de la composition et de la viscosité.

3 catégories pour la toxicité aiguë et 4 pour la toxicité chronique, à partir


4.1 3/4 des CL50.
2 catégories sans pictogramme.

28
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

m Étiquetage

Les règles d’étiquetage se trouvent détaillées dans les annexes du règlement SGH.
En résumé, une étiquette doit comporter les éléments suivants :
Mention d’avertissement :
Il s’agit d’un mot, soit « DANGER » pour un danger principal, soit « ATTENTION »
pour les dangers moins graves, ou aucun mot. La mention danger sera attribuée
par exemple aux catégories 1, mais une catégorie 2 pourra mentionner « danger »
ou « attention » selon la classe considérée.
Mention de danger :
Une mention de danger est une phrase qui, attribuée à une classe de dangers ou à
une catégorie de dangers, décrit la nature du danger que présente un produit
chimique et, lorsqu’il y a lieu, le degré de ce danger. Les mentions de danger
rappellent évidemment les phrases de risque de la réglementation travail, qui sont
repérées par des codes R suivis d’un nombre. De même, les mentions de danger
sont repérées par des codes, dont la liste a été établie par un amendement au SGH
du 24 janvier 20071. Les 71 codes se répartissent comme suit :
– Dangers physiques : 29 codes
– Dangers pour la santé : 35 codes
– Dangers pour l’environnement : 7 codes
La liste complète des codes de mentions de dangers est reproduite en annexe 5. Ils
sont destinés à être utilisés à des fins de référence. Ils ne font pas partie du texte
de la mention de danger et ne devraient pas être utilisés en lieu et place de celui-ci.
Un code alphanumérique unique est affecté à chaque mention de danger ; ce code
est constitué d’une lettre et de trois chiffres, comme suit :
– la lettre « H » (pour « hazard statement ») ;
– un chiffre désignant le type de danger auquel la mention de danger est affectée
en suivant la numérotation des différentes parties du SGH, comme suit :
• « 2 » pour les dangers physiques ;
• « 3 » pour les dangers pour la santé ;
• « 4 » pour les dangers pour l’environnement ;
– deux chiffres correspondant à la numérotation séquentielle des dangers liés aux
propriétés intrinsèques de la matière, comme l’explosibilité (codes 200 à 210),
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

l’inflammabilité (codes 220 à 230), etc.


Pictogrammes de mise en garde :
Leur fonction est de transmettre une information sur la nature du danger, visuelle-
ment, sans lecture nécessaire. Il y a 9 symboles possibles, rassemblés dans le
tableau suivant :

1. Amendements au Système Général Harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques (an-
nexe 3, section1), disponible sur http://www.unece.org/trans/doc/2007/ac10/ST-SG-AC10-34a3f.pdf.

29
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Figure 2.6 – Symboles de danger du SGH

On reconnaît certains symboles identiques ou presque à ceux des réglementations


travail ou transport, mais deux nouveaux symboles apparaissent, en remplacement
de la « croix de Saint-André », réservée aux dangers « irritant » et « nocif » et effec-
tivement peu évocatrice.
Le symbole de danger est toujours placé à l’intérieur d’un carré posé sur la pointe,
en fait un losange, comme dans la réglementation transport. Les symboles doivent
être noirs et le losange représenté par un cadre rouge. Exemple :

Figure 2.7

Toutefois, le SGH précise que ces pictogrammes ne s’appliquent pas au domaine


du transport des matières dangereuses, pour lequel reste en vigueur le règlement type
de l’ONU. Même s’ils sont d’aspect très voisin, ils n’en sont pas moins différents,
ce qui peut conduire à trouver sur un même emballage, par exemple pour une matière
inflammable, les deux pictogrammes suivants :

30
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Figure 2.8

Lorsque l’on connaît la classe et la catégorie de danger d’un produit, il suffit de se


reporter à l’annexe 2 du règlement pour trouver le pictogramme à mettre sur
l’étiquette.
Conseils de prudence :
Un conseil de prudence est une phrase décrivant les mesures recommandées qu’il y
a lieu de prendre pour réduire au minimum ou prévenir les effets nocifs découlant
d’une exposition. Le choix de ces conseils est laissé à l’appréciation du responsable
de l’étiquetage ou à l’autorité compétente.
EXEMPLES :
Garder le récipient hermétiquement fermé.
Ne pas respirer les vapeurs.
Porter des gants de protection.
En cas d’incendie, ne pas utiliser d’eau.

L’annexe n˚ 3 du SGH propose une liste de conseils de prudence adaptés à chacune


des classes de dangers. Ces phrases rappellent les conseils de prudence (« S ») de la
réglementation travail et elles possèdent aussi un code alphanumérique unique. Ce
code est constitué d’une lettre et de trois chiffres, comme suit :
– la lettre « P » (pour « precautionary statement ») ;
– un chiffre désignant le type de conseil de prudence, comme suit :
• « 1 » pour les conseils de prudence généraux,
• « 2 » pour les conseils de prudence concernant la prévention,
• « 3 » pour les conseils de prudence concernant l’intervention,
• « 4 » pour les conseils de prudence concernant le stockage,
• « 5 » pour les conseils de prudence concernant l’élimination ;
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

– deux chiffres correspondant à la numérotation séquentielle des conseils de


prudence.
Les codes des conseils de prudence sont destinés à être utilisés à des fins de référence
et ne font pas partie du texte des conseils de prudence et ils ne devraient pas être
utilisés en lieu et place de celui-ci.
Identification du produit :
L’étiquette devrait révéler l’identité chimique d’un produit simple, ou, pour un
mélange, l’identité chimique des composants qui présentent un danger critique,
à savoir : toxicité aiguë ; corrosion de la peau, lésions oculaires graves, pouvoir
mutagène, cancérogène ou repro-toxique, sensibilisation cutanée ou respiratoire,

31
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

toxicité systémique sur organes cibles. Toutefois, les règles qui protègent les infor-
mations commerciales confidentielles sont prioritaires par rapport à celles qui
concernent l’identité chimique.
Identité du fournisseur :
Le nom, l’adresse et le numéro de téléphone du fabricant ou du fournisseur du
produit devraient figurer sur l’étiquette.

2.3.4 Les dangers selon le règlement REACH


Selon ce règlement, les fabricants ou importateurs qui veulent mettre sur le marché
une substance ou une préparation sont tenus de l’enregistrer auprès de l’agence
désignée en fournissant un dossier d’évaluation. Ce dossier doit comprendre les
éléments suivants, conformément aux sections correspondantes de l’annexe I :
– une évaluation des dangers pour la santé humaine ;
– une évaluation des dangers que constituent les propriétés physico-chimiques
pour la santé humaine ;
– une évaluation des dangers pour l’environnement ;
– une évaluation des produits persistants, bioaccumulables et toxiques (PBT pour
Persistent Bioaccumulative Toxic) et des très persistants et très bioaccumulables
(vPvB, pour very Persistent very Bioaccumulative).
Pour la santé humaine, l’évaluation des dangers a pour objet :
– de déterminer la classification et l’étiquetage d’une substance, conformément à
la directive 67/548/CEE ;
– d’établir le niveau maximum d’exposition à la substance auquel l’être humain
peut être soumis. Ce niveau d’exposition est appelé niveau dérivé sans effet
(DNEL pour Derived No Effect Level).
Nous voyons que le règlement REACH ne change pas la classification actuelle et
semble ignorer le SGH. Par contre, il systématise la fourniture de VLEP, appelée
donc DNEL et fixée par intégration des données humaines et non humaines perti-
nentes disponibles. Toutes les données non humaines qui sont utilisées pour évaluer
un effet particulier sur l’être humain et pour établir la relation dose (concentra-
tion) – réponse (effet) feront l’objet d’une présentation succincte avec une distinc-
tion entre données in vitro, données in vivo et autres données.
Le dossier d’évaluation présentera les résultats pertinents des essais (par exemple DL50,
NO (A) EL, No-Observed-Adverse-Effect Level, ou LO (A) EL, Lowest-Observed-
Adverse-Effect Level) et les conditions des essais (par exemple la durée des essais ou
la voie d’administration), ainsi que d’autres informations à prendre en considéra-
tion. Si plusieurs voies d’exposition sont probables, une DNEL est établie pour
chacune d’elles et pour l’ensemble des voies d’exposition considérées globalement.
Remarquons au passage la volonté de limiter les essais sur animaux, déjà exprimée
dans le SGH. En effet, si la fourniture d’informations supplémentaires est indis-
pensable et qu’elle nécessite des essais portant sur des animaux vertébrés, le décla-
rant présente une proposition d’essai. Cependant, il n’y a pas lieu de fournir de
telles informations supplémentaires si le déclarant met en œuvre ou recommande
des mesures de gestion des risques et des conditions d’exploitation suffisantes qui,

32
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

conformément à l’annexe XI, section 3, exemptent des essais concernant l’évalua-


tion PBT et vPvB.
Lors de l’établissement de la DNEL, il est notamment tenu compte des facteurs
suivants :
– l’incertitude résultant, entre autres, de la variabilité des informations expéri-
mentales et des variations intraspécifiques et interspécifiques ;
– la nature et la gravité de l’effet ;
– la sensibilité de la population humaine particulière à laquelle se rapportent les
informations quantitatives et/ou qualitatives sur l’exposition.
S’il n’est pas possible d’établir une DNEL, cette impossibilité doit être clairement
indiquée et dûment justifiée. Pour certains effets, en particulier la mutagénicité et
la carcinogénicité, les informations disponibles ne permettent pas d’établir un seuil
et, par conséquent, une DNEL.
Lors de l’évaluation des dangers pour la santé humaine sont pris en considération : le
profil toxicocinétique (c’est-à-dire absorption, métabolisme, distribution, et élimi-
nation) de la substance et les groupes d’effets suivants :
– effets aigus (toxicité aiguë, irritation et corrosivité) ;
– sensibilisation ;
– toxicité par administration répétée ;
– effets CMR (carcinogénicité, mutagénicité et toxicité pour la reproduction).
Les processus accidentel et chronique sont bien tous deux pris en compte.
Pour les dangers découlant des propriétés physico-chimiques, l’évaluation a aussi
pour objet de déterminer la classification et l’étiquetage d’une substance, confor-
mément à la directive 67/548/CEE. Sont évalués au minimum les effets potentiels
sur la santé humaine des propriétés physico-chimiques suivantes :
– explosibilité ;
– inflammabilité ;
– pouvoir oxydant.
Pour l’environnement, l’évaluation des dangers a pour objectif de déterminer la
classification et l’étiquetage d’une substance, conformément à la directive 67/548/
CEE, et d’identifier la concentration de la substance au-dessous de laquelle il ne
devrait pas y avoir d’effets nocifs dans le milieu environnemental en cause. Cette
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

concentration est appelée concentration prédite sans effet (PNEC, pour Predicted No
Effect Concentration). Sur la base des informations disponibles, la PNEC est établie
pour chaque milieu environnemental. Elle peut être calculée par l’application d’un
facteur d’évaluation approprié aux valeurs des effets (par exemple CL50 ou NOEC).
Un facteur d’évaluation exprime l’écart entre les valeurs d’effets établies pour un
nombre limité d’espèces, à partir d’essais de laboratoire, d’une part, et de la PNEC
identifiée pour le milieu environnemental, d’autre part. S’il n’est pas possible
d’établir la PNEC, cette impossibilité est clairement indiquée et dûment justifiée.
Ainsi, le règlement REACH crée l’obligation de fixer des valeurs limites d’exposition
aussi bien pour l’homme que pour l’environnement, sauf impossibilité démontrée.
Nous verrons que cela facilite grandement la fixation de niveaux de danger.

33
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

2.3.5 Le niveau de danger


Le danger d’un agent chimique à l’origine d’une exposition ou d’une situation
dangereuse est un des paramètres fondamentaux pour situer l’importance du
risque. Si le terme de danger qualifie le type de dommage que peut provoquer un
agent chimique, le niveau de danger quantifie la gravité de ce dommage sur une
certaine échelle. Il est parfois appelé « dangerosité ». Le choix du terme « niveau »
permet d’éviter toute confusion dans l’interprétation du chiffre qui l’exprime. Il est
ainsi évident qu’un niveau 2 est au-dessus d’un niveau 1. Nous verrons que ce n’est pas
le cas d’autres terminologies utilisées, comme « classe », « catégorie » ou « groupe ».
Le niveau de danger intervient différemment dans l’estimation du risque selon que
le processus est chronique ou accidentel. Le choix d’une échelle et les critères d’attri-
bution des échelons constituent un sujet complexe, relevant de la toxicologie, qui
a été traité par différents auteurs et différentes réglementations. Son importance
dans l’estimation du risque chimique mérite un examen détaillé, en fonction de
deux processus.

m Le niveau de danger dans le processus chronique

Dans le processus chronique, le niveau de danger détermine directement l’impor-


tance du risque avec le niveau d’exposition. C’est pourquoi de nombreux auteurs
ont essayé de classer les produits chimiques sur des échelles de danger. Certaines
sont utilisées dans les grandes entreprises de l’industrie chimique et pharmaceutique.
Plusieurs approches sont possibles, mais le classement est toujours un problème de
toxicologie.
Pour les substances, on dispose souvent de données toxicologiques telles que la
DL50 ou la CL50, c’est-à-dire les doses ou concentrations létales qui provoquent
la mort de 50 % des animaux soumis aux expositions de produit. Elles sont réalisées
suivant les cas par voie orale, respiratoire ou cutanée. Il est clair que le but de tels
tests est essentiellement de déterminer la toxicité aiguë, qui nous sera utile dans
le processus accidentel. Heureusement il existe une donnée toxicologique importante
pour le processus chronique.

m Les valeurs limites d’exposition professionnelle

Pour les substances les plus courantes mises sur le marché, il existe des valeurs limites
d’exposition professionnelle (VLEP), réparties en deux catégories réglementaires.
Les valeurs contraignantes sont à respecter strictement et les valeurs indicatives ne
constituent qu’un objectif de prévention. Elles permettent toutes deux de bien
situer le niveau de danger, car plus cette valeur limite est basse, plus la substance
est dangereuse. Les VLEP sont définies soit par une moyenne sur 8 heures de
travail, c’est la VME, soit par valeur limite sur 15 minutes, c’est la VLE. Une liste
complète figure dans la brochure de l’INRS ED 9841. Cependant, l’actualité
réglementaire évolue vite ; elle vient de s’enrichir d’un décret2 pour les valeurs

1. Valeurs limites d’exposition professionnelle aux agents chimiques en France, ED 984, INRS.
2. Décret n˚ 2007-1539 du 26 octobre 2007 fixant des valeurs limites d’exposition professionnelle contrai-
gnantes pour certains agents chimiques (JO du 28 octobre 2007).

34
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

contraignantes et d’un arrêté1 pour les valeurs indicatives. À ce jour, il existe


63 agents chimiques affectés d’une VLEP contraignante, listés en annexe 8, et
43 agents chimiques affectés d’une VLEP indicative, listés en annexe 9.
Il est donc intéressant de les exploiter directement pour fixer les niveaux de danger
utilisables en exposition chronique. Voici deux exemples de cette démarche qui
ont été publiés.
Le premier exemple est extrait d’une recommandation de l’INRS concernant
l’activité du traitement de surface (ED 651). Il y est exposé, en résumé, que
chaque bain de traitement se caractérise par un niveau global de risque qui est la
combinaison de deux paramètres : l’indice d’émissivité et l’indice de toxicité.
Remarquons la parfaite cohérence de ces indices avec, respectivement, le niveau
d’exposition et le niveau de danger. L’indice de toxicité est attribué aux substances
émises selon le tableau suivant :

Valeurs limites
Indice
de toxicité
Gaz – vapeurs (ppm) Aérosols (mg/m3)

A < 10 < 0,1

B 10 à 10 0,1 à 1

C 100 à 500 1 à 10

D > 500 > 10

Le second exemple est extrait de la note documentaire ND 2233 de l’INRS2, qui


propose une méthodologie simplifiée de l’évaluation des risques. Il y est proposé
de répartir les dangers en classes de 1 à 5 en fonction des phrases de risque ou des
VLEP. Voici ce qui concerne les VLEP :

Classe de danger VLEP (mg/m3)

1 > 100
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

2 10 à 100

3 1 à 10

4 0,1 à 1

5 < 0,1

1. Arrêté du 26 octobre 2007 modifiant l’arrêté du 30 juin 2004 modifié, établissant la liste des valeurs
limites d’exposition professionnelle indicatives (JO du 28 octobre 2007).
2. Méthodologie d’évaluation simplifiée du risque chimique, ND 2233, 2005, INRS.

35
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

C’est ce tableau qui a permis d’établir les niveaux de danger des agents chimiques
non étiquetables, parce que générés par l’activité et non mis sur le marché. Notons
que ce tableau pourrait être remplacé par la fonction (continue) :
Classe = log (1 000/VLEP) + 1
Encore faut-il disposer de VLEP. On en compte environ 520 aujourd’hui, indica-
tives ou réglementaires, que l’on peut retrouver dans la brochure de l’INRS déjà
citée. Cependant, dans le cas d’une substance sans VLEP mais dont la CL50 est
connue, il est possible d’évaluer une sorte de VLEP théorique. Pour plus de détails, se
référer à notre précédent ouvrage sur le sujet1.
Dans le domaine des principes actifs pharmaceutiques, il n’existe pas de VLEP
officielle, mais une autre valeur repère est généralement disponible : c’est le
« NOAEL » ou dose sans effets indésirables observés. Il est utilisé pour déterminer
une VLEP pratique selon la formule :
VLEP = NOAEL (mg/kg) ¥ Pc/k
Pc est le poids corporel et k un facteur de sécurité pouvant varier de 100 à 10 000
en fonction de la nature du produit et des effets attendus ou constatés en phase
clinique. Une publication de la CRAMIF2, fruit d’un accord avec l’industrie phar-
maceutique, propose une échelle de danger basée sur des plages de VLEP :

Classes Plages en ìg/m3 (microgrammes par m3)

5 <1

4 1 à 10

3 10 à 100

2 100 à 1 000

1 1 000 à 5 000

Cette échelle des VLEP, qui n’est qu’une recommandation, repose sur des plages
de concentration exprimées en microgrammes par m3, ce qui révèle le haut niveau
d’activité des principes actifs pharmaceutiques en général.

m L’exploitation de l’étiquetage réglementaire

La source d’information la plus simple sur le danger des produits les plus courants
reste la classification réglementaire. En effet, l’attribution d’une classe suit une procé-
dure officielle, s’appuyant sur les travaux scientifiques disponibles et notamment

1. Guide du risque chimique (paragraphe 4.4.4), Guy Gautret de La Morcière, Dunod.


2. Risques d’exposition aux principes actifs pharmaceutiques et médicaments, note technique n˚ 21, caisse
régionale d’assurance maladie d’Île-de-France.

36
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

des valeurs de DL50 et CL50. La correspondance avec les phrases de risque et les
symboles de dangers se fait, en simplifiant, selon le tableau suivant :

Symboles Phrases de risque Critères toxicologiques

Xn R20 Nocif par inhalation 2 < CL50 = 20 (gaz et vapeurs)

R21 Nocif par contact cutané 400 < DL50 = 2 000

R22 Nocif par ingestion 200 < DL50 = 2 000

0,50 < CL50 = 2 (vapeurs)


T R23 Toxique par inhalation
0,25 < CL50 = 1 (poussières et aérosols)

R24 Toxique par contact cutané 50 < DL50 = 400

R25 Toxique par ingestion 25 < DL50 = 200

CL50 = 0,5 (gaz et vapeurs)


T+ R26 Très toxique par inhalation
CL50 = 0,25 (poussières et aérosols)

Très toxique par contact


R27 DL50 = 50
cutané

R28 Très toxique par ingestion DL50 = 25

Mais si des effets irréversibles (autres que CMR) peuvent être provoqués par une
seule exposition, les toxiques sont étiquetés R39/23 et/ou 24, 25, et les très toxi-
ques R39/26 et/ou 27, 28. L’ensemble de ces numéros de phrases avec toutes leurs
combinaisons représente 35 phrases de risque sur les 121 disponibles aujourd’hui.
Le fait que ces phrases soient attribuées sur des critères relevant de la toxicité aiguë
n’enlève rien de leur pertinence en toxicité chronique. Mais les données toxicologi-
ques disponibles permettent aussi d’attribuer des phrases de risque qui relèvent spécifi-
quement de la toxicité chronique. Dans ce cas, il n’y a pas de critères chiffrés pour fixer
le niveau du danger. Un certain nombre de phrases sont ainsi affectées à des produits
pour des effets très divers, mais consécutifs à des expositions répétées ou prolongées.
Le tableau ci-après répertorie ces phrases en distinguant la famille des CMR.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Différentes études ont proposé des échelles de danger en fonction de toutes les
phrases de risque que nous venons de parcourir et qui concernent les effets directs
sur la santé humaine. On peut citer un document de l’UIC1, une publication de la
CRAMIF2, une recommandation de la CNAMTS3, mais le document que nous

1. Prévention des risques professionnels liés aux agents chimiques, document DT 80 de décembre 2004,
diffusion interne à l’Union des Industries chimiques, syndicat professionnel.
2. Guide de prévention du risque chimique, brochure DTE 175, 2003, caisse régionale d’assurance maladie
d’Île-de-France.
3. Évaluation du risque chimique, recommandation n˚ R 409, adopté par le Comité technique national
de la chimie, du caoutchouc et de la plasturgie le 23/06/04.

37
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Phrase
Libellé Remarques
de risque

Substances à effet CMR

Effet cancérogène suspecté –


R40 Cancérogènes catégorie 3
preuves insuffisantes

Cancérogènes catégories 1 et 2,
R45 Peut provoquer le cancer
liquides et gaz

Peut provoquer des altérations


R46 Mutagènes catégories 1 et 2
génétiques héréditaires

Peut provoquer le cancer Cancérogènes catégories 1 et 2,


R49
par inhalation pulvérulents

Toxiques pour la reproduction


R60 Peut altérer la fertilité
catégories 1 et 2

Risque pendant la grossesse Toxiques pour la reproduction


R61
d’effets néfastes pour l’enfant catégories 1 et 2

Risque possible d’altération de la Toxiques pour la reproduction


R62
fertilité catégorie 3

Risque possible pendant la gros- Toxiques pour la reproduction


R63
sesse d’effets néfastes pour l’enfant catégorie 3

R68 Possibilité d’effets irréversibles Mutagènes catégorie 3

Substances à effet toxique chronique


autre que CMR

R33 Danger d’effets cumulatifs

Peut entraîner une sensibilisation


R42 Allergènes respiratoires
par inhalation

Phrase toujours associée à la voie


Risque d’effets graves pour la santé
R48/2x de pénétration et à la gravité
en cas d’exposition prolongée
(ex. 48/20 ou 48/23)

Risque possible pour les bébés


R64
nourris au lait maternel

Possibilité d’effets irréversibles Seulement si la voie de pénétration


R68/2x
autres que CMR est indiquée

38
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

avons choisi comme référence est la note documentaire de l’INRS de 2005, réfé-
rencée ND 22331. En effet, cette note propose un tableau permettant aussi la
cotation du danger de certaines matières non soumises à étiquetage, mais soit
affectées d’une VLEP, soit connues pour leurs effets négatifs sur la santé. En fait,
cette cotation est une application de la relation citée plus haut. Voici un extrait de
ce tableau, qui parle de classe de danger plutôt que de niveau, ce qui peut créer
une confusion sur le sens de l’échelle.

Classe de Picto-
Phrases de risque
danger gramme

1 Aucune aucun

R36 R37 R38 R36/37 R36/38 R36/37/38 R37/38


2 Xi - irritant
R66

R20 R21 R22 R20/21 R20/22 R20/21/22 R21/22


R33 R34 R40 R42 R43 R42/43
3 R48/20 R48/21 R48/22 R48/20/21 R48/20/22 R48/21/22 R48/20/21/22 Xn - nocif
R62 R63 R64 R65 R67
R68 R68/20 R68/21 R68/22 R68/20/21 R68/20/22 R68/21/22 R68/20/21/22

R15/29
R23 R24 R25 R23/24 R23/25 R23/24/25 R24/25
R29 R31 R35
R39/23 R39/24 R39/25 R39/23/24 R39/23/25 R39/24/25 R39/23/24/25
4 T - toxique
R41 R45 R46
R48 R48/23 R48/24 R48/25 R48/23/24 R48/23/25 R48/24/25 R48/23/24/25
R49
R60 R61

R26 R27 R28 R26/27 R26/28 R26/27/28 R27/28


T+ - très
5 R32
toxique
R39 R39/26 R39/27 R39/28 R39/26/27 R39/26/28

Nous attirons l’attention sur le fait que les produits dits CMR, donc de catégories 1
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

et 2, ne sont classés qu’au niveau 4, contrairement à la préférence de certains


auteurs. Ce choix se justifie par le souci de distinguer le risque mortel différé de
celui qui peut être immédiat ou à très court terme. En effet, le niveau 5 est réservé
au R32, aux séries R26 et R39/26, qui s’appliquent aux produits capables d’entraîner
des lésions graves irréversibles, voire la mort, après une seule exposition. En fait,
cette éventualité relève du processus accidentel.
Nous avons vu que les agents chimiques sont aussi des produits non étiquetables
parce que générés par l’activité, tels que fumées, poussières, vapeurs et aérosols.

1. Méthodologie d’évaluation simplifiée du risque chimique, ND 2233, 2005, INRS.

39
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Or ces agents présentent, pour la plupart, des dangers évidents, puisque certains
disposent de VLEP. Il a été décidé par les trois organismes compétents, à savoir l’INRS,
la CNAMTS et la CRAMIF, de créer une cotation des dangers de cette catégorie
d’agents les plus fréquents. Le tableau, qui a réuni un consensus de ces organismes
et des partenaires sociaux, figure dans les trois publications déjà citées1.

Niveau
Nature de l’agent chimique
de danger

5 Néant

Bois et dérivés, plomb métallique, amiante et matériaux en contenant, goudrons


4
et brais, mercure, essence (carburant)

Fumées de soudure inox, fumées de fonderie, fibres céramiques, fibres végétales,


3
peintures au plomb, poussières de meules, sables, huiles d’usinage et de coupe

Fer, fibres de verre, céréales et dérivés, graphite, matériaux de construction, talc,


ciment, matériaux composites, fumées de combustion de bois traités, gaz de
2
combustion, fumées de soudure de métaux ou plastiques, fumées de vulcanisa-
tion, matières végétales ou animales, décapage au jet, huiles de décoffrage

1 Pas de danger connu

Ce tableau ne comporte en fait que trois niveaux. Bien entendu, toutes les poussières
et vapeurs issues d’agents chimiques étiquetables sont classées comme leur source.
Dans le règlement du Transport des matières dangereuses, c’est le groupe
d’emballage qui fixe le niveau de danger. Si l’on examine l’ensemble des critères
fixés pour l’attribution d’un groupe d’emballage, on remarque qu’ils appartien-
nent au domaine soit de l’incendie-explosion, soit de l’atteinte aiguë à la santé,
c’est-à-dire qu’ils ont toujours un caractère accidentel. En conséquence, nous n’en
parlerons que dans le prochain paragraphe.
Dans le SGH, le libellé des classes de risques permet de repérer les dangers qui
jouent un rôle dans le processus chronique. Ils appartiennent évidemment au
chapitre 3, dédié aux dangers pour la santé. C’est le cas de 7 classes sur les 10, si
l’on exclut celles qui évoquent un risque accidentel :
– 3.1 : toxicité aiguë
– 3.8 : toxicité systémique pour certains organes cibles, exposition unique
– 3.10 : danger par aspiration
Pour connaître les niveaux de danger correspondants, il nous faut prendre en
compte les catégories de dangers, dont le nombre varie de 1 à 5 selon les classes.
Les critères d’attribution sont spécifiques aux classes (voir paragraphe 2.3.3). Nous
en prenons deux exemples :

1. ND 2233 de l’INRS, R409 de la CNAMTS et DTE 175 de la CRAMIF.

40
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Classe 3.6 : cancérogénicité

Catégories de dangers pour les substances cancérogènes

Catégorie Critères généraux

L’effet cancérogène de ces substances pour l’être humain est avéré ;


1A l’affectation des substances dans cette catégorie s’appuie largement sur
des données humaines.

L’effet cancérogène de ces substances pour l’être humain est supposé ;


1B l’affectation des substances dans cette catégorie s’appuie largement sur
des études animales.

2 Substances suspectées d’être cancérogènes pour l’être humain.

Il faudra éviter toute confusion avec le classement du CIRC1, dont le code des
trois premiers groupes lui ressemble :
– Groupe 1 : Cancérogènes pour l’homme
– Groupe 2A : Probablement cancérogènes pour l’homme
– Groupe 2B : Peut-être cancérogènes pour l’homme
Ce qui conduit à établir le tableau de comparaison suivant :

Cancérogénicité avérée probable possible

UE 1 2 3

SGH 1A 1B 2

CIRC 1 2A 2B

Niveau de danger 4 4 3

Toxicité systémique pour certains organes cibles, expositions répétées


Cette appellation propre au SGH n’est autre que la toxicité chronique, toutes
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

voies de pénétration confondues (tableau ci-après).


Remarques :
– Les valeurs indicatives proposées se réfèrent essentiellement aux effets constatés
dans une étude de toxicité classique de 90 jours conduite sur des rats.
– Soit on peut identifier l’organe cible (ou tissu) particulier principalement
affecté par la substance classée, soit la substance peut être considérée comme un
toxique systémique général. On s’efforcera de déterminer le principal organe

1. Centre International de Recherche sur le Cancer, la liste des substances et procédés classés est disponible sur
http://monographs.iarc.fr/indexfr.php

41
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Critères complémentaires
Caté-
Critères généraux Valeurs indi-
gorie
Voie d’exposition Unité catives (dose/
concentration)

mg/kg de poids
Orale (rat) 10
corporel/jour
Substances ayant produit
des effets toxiques notables Cutanée
chez les êtres humains ou mg/kg pc/jour 20
(rat ou lapin)
dont on peut supposer,
d’après des données Inhalation (rat)
ppm/6 h/jour 50
1 provenant d’études sur des gaz
animaux, qu’elles risquent
d’être toxiques de façon Inhalation (rat) mg/litre/6 h/
0,2
significative pour les êtres vapeur jour
humains à la suite
d’expositions répétées. Inhalation (rat)
mg/litre/6 h/
poussières/ 0,02
jour
brouillard/fumées

Orale (rat) mg/kg pc/jour 10-100

Cutanée
mg/kg pc/jour 20-200
(rat ou lapin)
Substances pour lesquelles
des études sur animaux Inhalation (rat)
ppm/6 h/jour 50-250
permettent de supposer gaz
2 qu’elles risquent de porter
préjudice à la santé Inhalation (rat) mg/litre/6 h/
0,2-1,0
humaine à la suite vapeur jour
d’expositions répétées.
Inhalation (rat)
poussières/ mg/litre/6 h/
0,02-0,2
brouillard/ jour
émanations

(cible) affecté par la toxicité afin de classer les substances en hépatotoxiques,


neurotoxiques, etc. Il faudra évaluer soigneusement les données et, si possible, ne
pas prendre en compte les effets secondaires. Par exemple, un hépatotoxique peut
produire des effets secondaires sur les systèmes nerveux ou gastro-intestinaux.
Curieusement, cette classe de danger ne comporte que deux catégories, alors que
dans le système actuel, il existe la progression : nocif < toxique < très toxique, ce
qui ne facilite pas la transposition des niveaux de dangers.
Comme dans le Code du travail, c’est la liste des mentions de danger qui nous
permettra d’établir une échelle de niveaux de danger, sur 5 échelons, tous types de
dangers confondus. Les 7 classes de dangers du SGH concernées par le risque
d’exposition chronique font l’objet des mentions de danger suivantes :

42
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Catégorie Équivalence Niveau


Code Mentions de danger pour la santé
de danger Code du travail de danger

Provoque des brûlures de la peau


H314 1A, 1B, 1C R35, R34, R41 4
et des lésions oculaires graves

H315 Provoque une irritation cutanée 2 R38 3

H316 Provoque une légère irritation cutanée 3 R38 2

H317 Peut provoquer une allergie cutanée 1 R43 3

H318 Provoque des lésions oculaires graves 1 R41 4

H319 Provoque une sévère irritation des yeux 2A R36 3

H320 Provoque une irritation des yeux 2B R36 2

Peut provoquer des symptômes


H334 allergiques ou d’asthme ou des 1 R42 3
difficultés respiratoires par inhalation

Peut induire des anomalies génétiques


H340 1A, 1B R46 4
(note)

Susceptible d’induire des anomalies


H341 2 R68 3
génétiques (note)

H350 Peut provoquer le cancer (note) 1A, 1B R45, R49 4

H351 Susceptible de provoquer le cancer (note) 2 R40 3

H360 Peut nuire à la fertilité ou au fœtus (note) 1A, 1B R60, R61 4

Susceptible de nuire à la fertilité ou


H361 au fœtus (indiquer l’effet s’il est connu) 2 R62, R63 3
(note)

Peut être nocif pour les bébés nourris Catégorie sup-


H362 R64 3
au lait maternel plémentaire
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Risque avéré d’effets graves pour


les organes (indiquer tous les organes R23, R24, R25
H372 affectés, s’ils sont connus) à la suite 1 R26, R27, R28 4
d’expositions répétées ou d’une R48, R48/2x
exposition prolongée (note)

Risque présumé d’effets graves pour


les organes (indiquer tous les organes
H373 affectés, s’ils sont connus) à la suite 2 R68/2x 3
d’expositions répétées ou d’une
exposition prolongée (note)

43
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

NOTE :
Indiquer la voie d’exposition s’il est formellement prouvé qu’aucune autre voie d’exposition ne
conduit au même danger.

Remarques :
– Les mentions de danger sont moins nombreuses que ne l’étaient les phrases de
risque.
– Peu de bonnes correspondances existent entre les deux systèmes.
– Le qualificatif de nocif (correspondant aux phrases R20, R21, R22) n’est pas
repris.
– La différence de niveau de danger entre H372 et H373 porte sur le degré de
certitude sur les effets, comme pour les CMR, et non sur la gravité des effets.
Comme nous l’avons dit pour les phrases de risque, les produits affectés d’une
mention de danger visant la toxicité aiguë peuvent très bien avoir un effet sensible
en exposition chronique. En conséquence, le tableau ci-dessus doit être complété
par celui qui figure dans le paragraphe du risque accidentel. En pratique, il sera
plus simple de se reporter à l’annexe 4, qui regroupe tous les dangers pour la santé,
classés par niveau.
En matière de classification, le règlement REACH se réfère à la directive 67/548.
Il suffit alors d’utiliser les niveaux de danger établis selon le Code du travail (annexe 6).
Si, pour plus de précision, on souhaite s’appuyer sur des VLEP en utilisant le tableau
de la note documentaire de l’INRS1 (voir paragraphe 2.3.5), ce sont les DNEL
qu’il faudra exploiter, quand elles seront disponibles.

m Le niveau de danger dans le processus accidentel

Concernant le processus accidentel, nous avons vu dans le schéma du paragraphe


2.2.1 que l’estimation du risque ne dépendait que de la gravité et de la probabilité
du dommage. Mais le niveau de danger intervient au stade de l’estimation de ces
deux paramètres.
Pour la gravité, quand le danger est de nature toxicologique, son niveau a une
influence évidente en cas d’exposition massive, en même temps que les autres facteurs
évoqués précédemment. On doit donc s’appuyer sur les échelles décrites pour l’expo-
sition chronique, complétées par des indications de toxicité aiguë quand elles existent.
Quand le processus accidentel prend la forme d’une réaction dangereuse, la gravité
va dépendre, entre autres facteurs, du niveau de réactivité des substances concer-
nées. Mais, pour les autres cas tels que les incendies/explosions ou l’anoxie, le
niveau de danger ne joue pratiquement pas de rôle.
Pour la probabilité, seuls les dangers physico-chimiques vont jouer un rôle, aussi
bien dans la famille de la réactivité que dans celle de l’incendie/explosion. En effet,
plus un produit est réactif, plus facilement il peut provoquer une réaction dange-
reuse imprévue. Cette condition est nécessaire mais non suffisante, puisqu’il faut
un deuxième produit réactif et un contact entre les deux. Comment savoir si un
produit est réactif, sans avoir de bonnes connaissances en chimie ? L’étiquetage

1. Méthodologie d’évaluation simplifiée du risque chimique, ND 2233, 2005, INRS.

44
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

apporte une première solution. Un certain nombre de phrases de risque expriment


directement la réactivité :

R14 Réagit violemment au contact de l’eau.

Réagit violemment au contact de l’eau en dégageant des gaz extrêmement


R14/15
inflammables.

R15 Au contact de l’eau, dégage des gaz extrêmement inflammables.

R15/29 Au contact de l’eau, dégage des gaz toxiques et extrêmement inflammables.

R17 Spontanément inflammable à l’air.

R29 Au contact de l’eau, dégage des gaz toxiques.

R31 Au contact d’un acide, dégage un gaz toxique.

R32 Au contact d’un acide, dégage un gaz très toxique.

Il faut remarquer que quatre de ces phrases, à savoir R15/29, R29, R31 et R32,
comportent une information toxicologique. Elles interviennent donc aussi dans la
fixation du niveau de gravité des dommages possibles.
Mais d’autres types de dangers sont aussi révélateurs d’une certaine réactivité. Il y a
d’abord tous les produits avec un caractère explosif :

R1 Explosif à l’état sec.

R2 Risque d’explosion par le choc, la friction, le feu ou autres sources d’ignition.

R3 Grand risque d’explosion par le choc, la friction, le feu ou autres sources d’ignition.

R4 Forme des composés métalliques explosifs très sensibles.

R5 Danger d’explosion sous l’action de la chaleur.

R6 Danger d’explosion en contact ou sans contact avec l’air.

R16 Peut exploser en mélange avec des substances comburantes.


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

R19 Peut former des peroxydes explosifs.

R44 Risque d’explosion si chauffé en ambiance confinée.

Il faut ajouter ceux qui ont des propriétés comburantes :

R7 Peut provoquer un incendie.

R8 Favorise l’inflammation des matières combustibles.

R9 Peut exploser en mélange avec des matières combustibles.

45
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Et ceux qui sont corrosifs :

R34 Provoque des brûlures.

R35 Provoque de graves brûlures.

R41 Risque de lésions oculaires graves.

Il faut cependant savoir que la corrosivité est un aspect particulier de la réactivité


en général, ce qui signifie que toute substance considérée comme assez réactive est
probablement corrosive, et réciproquement.
Cet ensemble réunit 20 phrases de risque, simples ou combinées. Elles sont judi-
cieuses pour les produits les plus usuels, mais très insuffisantes pour rendre compte
de la réactivité de substances plus rares, telles qu’on peut en rencontrer dans
l’industrie chimique. En effet, la priorité de l’étiquetage porte sur les propriétés
toxicologiques et d’inflammabilité. Mais dans ce domaine, il est très probable
qu’une personne compétente participe à l’analyse des risques.
En ce qui concerne le risque d’incendie/explosion, c’est évidemment l’inflamma-
bilité qui est déterminante sur la probabilité de survenue. Celle-ci est exprimée par
quelques phrases de risque, dont cinq sont déjà citées pour la réactivité :

R10 Inflammable.

R11 Facilement inflammable.

R12 Extrêmement inflammable.

Réagit violemment au contact de l’eau en dégageant des gaz extrêmement


R14/15
inflammables.

R15 Au contact de l’eau, dégage des gaz extrêmement inflammables.

R15/29 Au contact de l’eau, dégage des gaz toxiques et extrêmement inflammables.

R16 Peut exploser en mélange avec des substances comburantes.

R17 Spontanément inflammable à l’air.

Lors de l’utilisation, formation possible de mélange vapeur-air inflammable/


R18
explosif.

R30 Peut devenir facilement inflammable pendant l’utilisation.

Rappelons que l’attribution des phrases R10, R11 et R12 répond à des critères
techniques précis, utilisant le point d’éclair (Pe) et le point d’ébullition (Eb) :

46
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Phrase de risque Symbole de danger Critère

R10 aucun 21 ˚C < Pe £ 55 ˚C

R11 F 0 ˚C £ Pe £ 21 ˚C

R12 F+ Pe < 0 ˚C et Eb £ 35 ˚C

Il y a donc 28 phrases s’appliquant aux propriétés physico-chimiques, qui n’expri-


ment pas le même niveau de danger. C’est pourquoi nous proposons une échelle
de ces niveaux, à l’instar de ceux que l’on a décrits pour les effets toxicologiques.

Niveau Phrases de risque

R1 R2 R3 R4 R5 R6
5
R32

R7 R12 R14 14/15 R15 R15/29


4 R16 R17 R19 R29 R31
R35 R41

3 R8 R9 R11 R18 R30 R34 R44

2 R10

1 aucune

Ce classement est aussi celui adopté par l’UIC et la CRAM d’Île-de-France, à une
nuance près, dans les documents déjà cités. Il est intégré dans l’annexe 4.

m Processus accidentel dans le transport des matières dangereuses

Nous avons vu que le niveau de danger de type accidentel est donné par le groupe
d’emballage. Il comporte trois niveaux au maximum, en fonction de la classe de
danger. Les niveaux sont fixés selon la définition très générale suivante :
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Groupe d’emballage I Matières très dangereuses

Groupe d’emballage II Matières moyennement dangereuses

Groupe d’emballage III Matières faiblement dangereuses

Donc un ordre inverse de celui des niveaux définis précédemment. Les critères
d’attribution sont très variables selon les classes et toutes les classes ne sont pas
sujettes à affectation de groupe. Le tableau suivant résume ces critères dans les
grandes lignes :

47
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Niveaux
Classe Critères
de danger
1 et 2 Pas de groupes
Fonction du point d’éclair et du point d’ébullition et des risques
3 I, II et III
subsidiaires.
F II et III Selon les tests de réaction au feu.
4.1 Fonction de la « quantité maximale admissible dans un emballage »,
SR 7 types
selon les procédures du manuel d’épreuves et de critères.
4.2 I, II et III Aptitude à l’auto-inflammation, selon la température et le volume.
Aptitude au dégagement de gaz inflammable en présence d’eau,
4.3 I, II et III
selon le débit du dégagement.
Fonction de la vitesse de combustion d’un mélange avec de la
5.1 I, II et III
cellulose, selon les procédures du manuel d’épreuves et de critères.
Fonction de la « quantité maximale autorisée par colis »,
5.2 7 types
selon les procédures du manuel d’épreuves et de critères.
Fonction d’une part du degré de toxicité, lui-même établi à partir
des indicateurs de toxicité par inhalation ou contact cutané que sont
la CL50 et la DL50, selon les procédures du manuel d’épreuves et de
critères, et d’autre part de la « volatilité » de la matière, quand
6.1 I, II et III elle existe. La volatilité n’est en fait que la concentration de vapeurs
dans l’air à l’équilibre.
Pour les mélanges, on utilise une CL50 théorique du mélange obtenue
par calcul. À défaut de CL50, on peut recourir à des essais
toxicologiques simplifiés sur l’animal.
6.2 et 7 Pas de groupes
Fonction du degré de corrosivité, déterminé par l’expérience acquise
ou par des tests sur l’homme observant le délai d’apparition
8 I, II et III
d’atteintes cutanées après application de la matière. Pour le groupe
III, on tient aussi compte de l’attaque d’une surface métallique.
9 II et III Sans critères précisés.

En pratique, le groupe d’emballage d’une matière connue se trouve dans le tableau A


du chapitre 3.2 de l’ADR. Deux cas permettent plus facilement une comparaison
avec le Code du travail :
Liquides inflammables :
Les matières et objets classés dans la classe 3 doivent être affectés aux groupes
d’emballages selon les critères présentés dans le tableau ci-après.

NOTE :
Pour un liquide ayant un (des) risque(s) subsidiaire(s), il faut prendre en compte le groupe
d’emballage défini conformément au tableau ci-dessus et le groupe d’emballage lié à la gravité du
(des) risque(s) subsidiaire(s) ; le classement et le groupe d’emballage découlent alors des dispositions
du tableau d’ordre de prépondérance des dangers du 2.1.3.10.

48
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Groupe Point d’éclair Point initial


d’emballage (en creuset fermé) d’ébullition

I – £ 35 ˚C

II < 23 ˚C > 35 ˚C

III ≥ 23 ˚C et £ 61 ˚C > 35 ˚C

Les différences portent sur les limites de point d’éclair : 23 et 61 au lieu de 21 et 55


dans le Code du travail. D’autre part, le groupe I ne tient pas compte du point d’éclair.
Toxicité aiguë par inhalation :
Les liquides dégageant des vapeurs toxiques (classe 6.1) doivent être classés dans
les groupes suivants, la lettre « V » représentant la concentration (en ml/m3 d’air)
de vapeur (volatilité) dans l’air à 20 ˚C et à la pression atmosphérique normale

Groupe
Vapeurs Critères
d’emballage

Très toxiques I Si V ≥ 10 CL50 et CL50 £ 1 000 ml/m3

Si V ≥ CL50 et CL50 £ 3 000 ml/m3 et si les critères pour le


Toxiques II
groupe d’emballage I ne sont pas satisfaits

Faiblement Si V ≥ 1/5 CL50 et CL50 £ 5 000 ml/m3 et si les critères pour


III
toxiques les groupes d’emballage I et II ne sont pas satisfaits

NOTE :
Ces critères de toxicité à l’inhalation de vapeurs ont pour base les données sur la CL50 pour une
exposition d’une heure, et ces renseignements doivent être utilisés lorsqu’ils sont disponibles.
Cependant, lorsque seules les données sur la CL50 pour une exposition de 4 heures aux vapeurs
sont disponibles, les valeurs correspondantes peuvent être multipliées par deux et le résultat subs-
titué aux critères ci-dessus, c’est-à-dire que la double valeur de la CL50 (4 heures) est considérée
comme l’équivalent de la valeur de la CL50 (1 heure).

Pour comparer, il faut ramener les CL50 (4 heures) indiquées dans le Code du
travail à leur équivalent (1 heure). D’autre part, il faut ramener les concentrations
en mg/l à leur équivalent en ml/m3, ce qui dépend évidemment de la masse
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

molaire de la substance en question. Prenons l’exemple de substances ayant des


masses molaires de 50 et 200 :

Nocif/III Toxique/II Très toxique/I

Travail CL50 (1 h) en ml/m3

Masse molaire = 50 CL50 (1 h) < 20 000 CL50 (1h) < 2 000 CL50 (1 h) < 500

Masse molaire = 200 CL50 (1 h) < 5 000 CL50 (1 h) < 500 CL50 (1 h) < 125

Transport < 5 000 < 3 000 < 1 000

49
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Les différences sont sensibles, sans même tenir compte de la volatilité, mais les
groupes I et II ont des critères plus sévères que ceux du Code du travail qui leur
correspondent.
En conclusion, il ne nous semble pas réaliste de pouvoir tirer une échelle de
niveaux à partir de cette réglementation, mais une consultation du classement sera
toujours utile pour affiner, au cas par cas, le choix final adopté pour l’estimation
du risque accidentel.

m Processus accidentel dans le SGH

Les dangers correspondant à des risques accidentels sont soit dans le tableau des
dangers physiques, soit dans celui des dangers pour la santé, quand ils sont suscep-
tibles d’être impliqués dans des expositions massives.
Pour le premier groupe, il y a 16 classes de dangers, dont le nombre de catégories varie
de 1 à 7. Trois familles de dangers physico-chimiques peuvent être identifiées :
Les explosifs :
Ils sont réunis dans la classe 2.1. Si l’on élimine les explosifs par destination et les
matières pyrotechniques, il n’y a que 5 catégories, avec 7 mentions de danger en
ajoutant le H240 (risque d’explosion en cas d’échauffement) et le H280 (contient
un gaz sous pression ; peut exploser sous l’effet de la chaleur), que nous répartirons
logiquement sur les niveaux de danger de 3 à 5, sachant qu’on ne les rencontrera
normalement que dans la chimie fine ou des établissements faisant l’objet de régle-
mentations spécifiques, notamment Seveso II.
Les réactifs :
Sous cette appellation, nous réunissons les matières autoréactives et auto-échauf-
fantes (classes 2.8 et 2.11), les comburants (classes 2.4, 2.13, 2.14 et 2.15) et les
corrosifs (classe 2.16). Cet ensemble est reconnaissable par 9 mentions de danger,
à placer sur 3 niveaux de danger.
Les inflammables :
C’est le groupe le plus fourni, avec les classes 2.2, 2.3, 2.6, 2.7, 2.9, 2.10 et 2.12.
Ce type de danger est beaucoup plus détaillé ici que dans le Code du travail,
notamment en ce qui concerne les gaz, du fait que les dangers physiques provien-
nent en grande partie du règlement du Transport des matières dangereuses. Il
existe un choix de 12 codes de mention de danger, que l’on répartit en 3 niveaux,
sauf pour les liquides pour lesquels existent 4 catégories de dangers :
Critères de classification des liquides inflammables (classe 2.6)

Catégorie Critères

1 Le point d’éclair est < 23 ˚C et le point initial d’ébullition est £ 35 ˚C

2 Le point d’éclair est < 23 ˚C et le point initial d’ébullition est > 35 ˚C

3 Le point d’éclair est ≥ 23 ˚C et £ 60 ˚C

4 Le point d’éclair est > 60 ˚C et £ 93 ˚C

50
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Le SGH se distingue par un niveau supplémentaire (code H227, liquides combus-


tibles) et des limites de point d’éclair différentes. Là aussi, il faudra se souvenir que
la catégorie 1 correspond au plus haut niveau de danger.
Il faut ajouter à cette liste une mention d’un danger particulier, n’existant pas en
phrase de risque mais bien réel : « contient un gaz réfrigéré ; peut causer des brûlures
ou blessures cryogéniques » (H281).
Pour l’ensemble des dangers physico-chimiques, un niveau de danger a été attribué
à chaque code de mention de danger. Une liste de ces codes, classée par niveau de
danger, figure en annexe 6.
Le deuxième groupe de danger à prendre en compte dans le risque accidentel
comprend les toxiques aigus (classe 3.1), les corrosifs-irritants (classes 3.2 et 3.3) et
le danger par aspiration (classe 3.10). On peut à la limite ajouter les toxiques
systémiques en cas d’exposition unique (classe 3.8). Ces classes comportent de 2 à
5 catégories et couvrent 21 mentions de danger, dont une partie est commune
avec les dangers d’exposition chronique. Examinons plus particulièrement le danger
de toxicité aiguë.
Les produits chimiques peuvent être classés dans une des cinq catégories de toxicité
aiguë par voie orale ou cutanée ou par inhalation selon des valeurs seuils, comme
le montre le tableau ci-dessous. Les valeurs de toxicité aiguë sont exprimées en
valeurs d’estimation de la DL50 (orale, cutanée) ou CL50 (inhalation).
Catégories de danger de toxicité aiguë définissant les différentes voies d’exposition :

Catégorie
Voie
d’exposition
1 2 3 4 5

Orale (mg/kg de poids corporel) 5 50 300 2 000 5 000

Cutanée (mg/kg de poids corporel) 50 200 1 000 2 000

Gaz (ppmV) 100 500 2 500 5 000 Voir critères


détaillés
Vapeurs (mg/l) 0,5 2,0 10,0 20,0 en note b)

Poussières et brouillards (mg/l) 0,05 0,5 1,0 5,0


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

NOTE :
a) La concentration des gaz est exprimée en parties par million de volume (ppmV).
b) Les critères pour la catégorie 5 sont destinés à l’identification de substances dont la toxicité
aiguë est relativement faible mais qui peuvent, sous certaines conditions, être dangereuses pour des
populations vulnérables. Les DL50 orale et cutanée de ces substances se situent dans l’intervalle
2 000-5 000 mg/kg ou, par inhalation, à des doses équivalentes.

Nous voyons que les seuils sont différents de ceux qu’utilise la classification actuelle.
Par exemple, pour l’ingestion, la limite de DL50 pour « très toxique » (R28) est de
25 mg/kg, soit entre les catégories 1 et 2, et la limite pour « toxique » (R25) est
de 200 mg/kg, soit entre les catégories 2 et 3.

51
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Pour la détermination de la toxicité aiguë, comme pour certaines autres données


toxicologiques, on se réfère à des essais sur des animaux de laboratoire (rats, souris,
lapins, etc.). Notons que les expérimentateurs devront s’efforcer, dans le choix de
leurs méthodes, de respecter la protection et le bien-être des animaux. Le SGH
rappelle à plusieurs endroits que :
« les essais sur animaux de substances classées en catégorie 5 doivent être découragés
pour des raisons de protection des animaux. De tels essais ne sont envisageables que
lorsqu’il y a une forte probabilité que les résultats apporteront des éléments d’informa-
tion importants pour la protection de la santé humaine. »
Cette précaution est aussi prescrite par le règlement REACH, dont les « considé-
rants » précisent par exemple :
« … il est nécessaire de remplacer, de réduire ou d’affiner les essais sur les animaux
vertébrés. La mise en œuvre du présent règlement devrait chaque fois que possible
reposer sur le recours à des méthodes d’essai de remplacement adaptées à l’évaluation des
dangers présentés par les substances chimiques pour la santé et pour l’environnement…
La Commission et l’Agence devraient veiller à ce que la réduction des expériences sur
animaux constitue un élément clé du développement et de l’actualisation des orienta-
tions destinées aux parties concernées ainsi que dans les procédures de l’Agence. »
Pour classer les mélanges, il faut soit appliquer les critères des substances aux
mélanges, dans la mesure où l’on dispose des données nécessaires, soit procéder
par calcul à partir des données de chaque composant. Dans ce cas, l’estimation de
toxicité aiguë (ETA) orale, cutanée ou par inhalation du mélange est calculée à
partir des valeurs d’ETA des composants à prendre en compte, à l’aide de la
formule ci-dessous :
100 Ci
------------------ =
ETA mél ∑n ETA
-------------
i

où :
Ci : est la concentration du composant i ;
n : est le nombre de composants et i va de 1 à n ;
ETAi : est l’estimation de toxicité aiguë du composant i.
En conclusion, pour fixer une échelle de danger de toxicité aiguë, on peut proposer
une répartition des codes de danger correspondant aux 5 classes citées plus haut
sur quatre niveaux :

Équivalence Niveau
Cat. de
Code Mentions de danger pour la santé Code de
danger
du travail danger

R28
H300 Mortel en cas d’ingestion 1, 2 5
R39/28

R25
H301 Toxique en cas d’ingestion 3 4
R39/25

52
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Équivalence Niveau
Cat. de
Code Mentions de danger pour la santé Code de
danger
du travail danger

R22
H302 Nocif en cas d’ingestion 4 3
R68/22

H303 Peut être nocif en cas d’ingestion 5 R22 2

Peut être mortel en cas d’ingestion et de R23/25


H304 1 5
pénétration dans les voies respiratoires R39/23/25

Peut être nocif en cas d’ingestion et de


H305 2 R20/22 3
pénétration dans les voies respiratoires

R27
H310 Mortel par contact cutané 1, 2 5
R39/27

R24
H311 Toxique par contact cutané 3 4
R39/24

R21
H312 Nocif par contact cutané 4 3
R68/21

H313 Peut être nocif par contact cutané 5 R21 2

Provoque des brûlures de la peau et des 1A, 1B, R35, R34


H314 4
lésions oculaires graves 1C R41

H315 Provoque une irritation cutanée 2 R38 3

H316 Provoque une légère irritation cutanée 3 R38 2

H318 Provoque des lésions oculaires graves 1 R41 4

H319 Provoque une sévère irritation des yeux 2A R36 3

H320 Provoque une irritation des yeux 2B R36 2

R26
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H330 Mortel par inhalation 1, 2 5


R39/26

R23
H331 Toxique par inhalation 3 4
R39/23

R20
H332 Nocif par inhalation 4 3
R68/20

H333 Peut être nocif par inhalation 5 R20 2

H335 Peut irriter les voies respiratoires 3 R37 2

53
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Équivalence Niveau
Cat. de
Code Mentions de danger pour la santé Code de
danger
du travail danger

H336 Peut provoquer somnolence et des vertiges 3 R67 3

Risque avéré d’effets graves pour les


R39
H370 organes (ou indiquer tous les organes 1 5
R39/23/24/25
affectés, s’ils sont connus)

Risque présumé d’effets graves pour les


R23/24/25
H371 organes (ou indiquer tous les organes 2 4
R68/20/21/22
affectés, s’ils sont connus)

Cette liste est évidemment indicative, car tout agent chimique présent en quantité
ou concentration importante, quel que soit son étiquetage, peut générer un risque
d’accident. C’est pourquoi, dans l’estimation de la gravité et de la probabilité d’un
risque accidentel lié à une exposition massive, on s’appuiera sur la liste complète
figurant dans l’annexe 6.

2.3.6 Les familles de dangers


La réglementation du travail propose donc 123 phrases de risque différentes pour
identifier les dangers des produits chimiques. La réglementation du transport des
matières dangereuses propose 92 numéros d’identification de danger. Le Système
Général Harmonisé, qui devrait bientôt se substituer aux deux précédents,
distingue 71 codes de danger, ce qui est plus simple, mais encore lourd à gérer
pour la prévention. Il y a pourtant une façon simple de résoudre ce problème.
Quand on examine les listes de phrases ou de codes, il s’avère que certains dangers
évoqués ne diffèrent que par la gravité des dommages possibles, alors que le mode
d’action est identique. Par exemple, entre un irritant et un corrosif, la différence
ne porte que sur la gravité de la lésion éventuelle, mais il s’agit toujours d’un effet
lié au contact cutané ou oculaire. C’est encore plus net pour les phrases R23 et
R26 : toxique ou très toxique par inhalation. On comprend bien que les mesures
de prévention seront identiques pour ces deux dangers ; seule la priorité d’action
peut être différente. Si l’on écarte la notion de gravité, il se dégage deux grandes
familles de dangers homogènes, avec des subdivisions :
Danger physico-chimique :
– Incendie/explosion : code IE
– Réactivité particulière : code Re
Danger toxicologique :
– Toxicité par inhalation : code In
– Nocivité par contact (cutané ou oculaire) : code Co
– Toxicité par ingestion : code Tg
– Classement CMR selon réglementation : code CMR

54
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Remarques :
– Ce classement est conforme aux règles d’estimation du risque accidentel énon-
cées au paragraphe 2.5.5.
– Les contacts cutanés et oculaires ne sont pas distingués, parce qu’ils répondent
au même processus d’apparition. Seuls les effets sont distincts.
– Le classement CMR, qui s’applique aux cancérogènes, mutagènes et reprotoxi-
ques, mais seulement de catégories 1 et 2 selon l’Union européenne, n’est intro-
duit que pour des contraintes réglementaires, car, dans l’étude des dangers, il est
redondant avec les deux précédents.
– Le danger de toxicité par ingestion est atypique par rapport aux autres ; il fera
l’objet d’une approche particulière.
– Ces cinq codes ont une certaine ressemblance avec les sept groupes de danger de
l’ADR (voir paragraphe 2.3.2).
Il aurait été intéressant de trouver des symboles de danger correspondants à
chacune de ces familles. Mais ces symboles n’indiquent que partiellement les voies
d’exposition ou les propriétés physico-chimiques. Il faut passer par les phrases de
risque pour arriver à affecter chaque danger à une ou plusieurs familles. Le tableau
suivant permet ce passage, sachant que, pour simplifier, nous avons éliminé les dangers
pour l’environnement.

Famille de danger
Phrase
IE Re In Co Tg CMR
R1
R2
R3
R4
R5
R6
R7
R8
R9
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

R10
R11
R12
R14
R15
R16
R17
R18

55
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Famille de danger
Phrase
IE Re In Co Tg CMR
R19
R20
R21
R22
R23
R24
R25
R26
R27
R28
R29
R30
R31
R32
R33
R34
R35
R36
R37
R38
R39
R40
R41
R42
R43
R44
R45
R46
R48
R49
R60
R61
R62

56
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Famille de danger
Phrase
IE Re In Co Tg CMR
R63
R64
R65
R66
R67
R68

Chaque fois que la phrase R ne précise pas la voie, c’est que les trois peuvent être
concernées. Ce tableau n’utilise que les phrases simples, mais s’applique sans diffi-
culté aux phrases combinées. Par exemple :

Phrases combinées Familles de danger

R20/21 In + Co

R39/23/25 In + Tg

R36/38 Co

R42/43 In + Co

R48/21 Co

R68/20 In

Les substances et préparations classées ont le plus souvent plusieurs phrases de risque,
ce qui a pour effet de cumuler les familles de dangers. En voici des exemples :

Produit Phrases de risque Famille de danger

Acétone 11-36-66-67 IE + Co + In
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Méthanol 11-23/24/25-39/23/24/25 IE + Co + In + Tg

Acide acétique 10-35 IE + Co

Peroxyde d’hydrogène 8-34 Re + Co

Diméthyl-formamide 20/21-36-61 In + Co + CMR

On s’aperçoit vite que la grande majorité des solvants comporte le classement IE


+ In + Co, ce qui simplifie énormément l’analyse des risques, malgré l’apparente
complexité de l’étiquetage.

57
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

En pratique, il est beaucoup plus simple d’envisager les 4 familles de dangers clas-
siques automatiquement pour chaque phase de travail : In, Co, IE, Re, et de véri-
fier ensuite par les phrases R du produit si elles sont toutes réellement concernées.
C’est plus rapide et plus sûr. En effet, le classement réglementaire des produits
n’est qu’une indication générale, car les modes d’exposition réels peuvent conduire
à des classements différents. Ainsi, une présence d’acide sulfurique induit le seul
danger R35, donc la famille Co, mais en cas d’une possibilité de formation
d’aérosol, il faut ajouter la famille In. Ce phénomène est bien connu, par exemple,
dans l’activité de traitement de surface. L’expérience montre d’ailleurs que dans la
grande majorité des situations de travail, les dangers In et Co sont présents simul-
tanément. La pénétration percutanée est en effet souvent sous-estimée, même en
présence de vapeurs.
Cette simplification est un des points clés de notre méthode, parce qu’elle
permet une certaine indépendance vis-à-vis de l’étiquetage, quelle que soit la régle-
mentation concernée. En effet, le risque est caractérisé seulement par une exposi-
tion ou une situation dangereuse. Le « déchiffrage » de la classification, avec ce
qu’elle comporte d’incohérence et de lacunes dans la pratique, n’intervient ensuite
que pour l’estimation.
Avec l’application du SGH, la définition des familles de dangers se fera très simple-
ment, car les classes de dangers sont justement organisées selon ces mêmes familles.
Cela conduit au tableau de correspondance suivant :

Famille de danger
Classe Danger
IE Re In Co Tg CMR

2.1 matières et objets explosibles

2.2 gaz inflammables

2.3 aérosols inflammables

2.4 gaz comburants

2.5 gaz sous pression

2.6 liquides inflammables

2.7 matières solides inflammables

2.8 matières autoréactives

2.9 liquides pyrophoriques

2.10 solides pyrophoriques

2.11 matières auto-échauffantes

matières qui, au contact de l’eau,


2.12
dégagent des gaz inflammables

58
2 • Théorie du risque chimique 2.3 Le danger chimique

Famille de danger
Classe Danger
IE Re In Co Tg CMR

2.13 liquides comburants

2.14 matières solides comburantes

2.15 peroxydes organiques

2.16 matières corrosives pour les métaux

3.1 toxicité aiguë

3.2 corrosion/irritation cutanées

lésions oculaires graves/irritation


3.3
oculaire

3.4 sensibilisation respiratoire ou cutanée

mutagénicité pour les cellules


3.5
germinales

3.6 Cancérogénicité

3.7 toxicité pour la reproduction

toxicité systémique pour certains


3.8
organes cibles, exposition unique

toxicité systémique pour certains


3.9
organes cibles, expositions répétées

3.10 danger par aspiration

La classe 4.1 concernant l’environnement ne figure pas ici. Elle fait l’objet d’une
approche spécifique traitée au paragraphe 5.4.
Lorsque l’étiquetage selon le SGH sera effectif, il sera plus simple de partir des
codes de danger en « H », comme on le fait aujourd’hui pour les phrases de risque.
Nous avons vu que la notion d’agent chimique fait aussi appel à des produits
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

générés par l’activité et non soumis à la classification, tels que poussières et fumées.
Nous ne pourrons pas nous appuyer sur des phrases de risque mais nous devons
leur affecter des familles de dangers.
EXEMPLES :
Fumées de soudure In
Poussières de bois In + Re
Poussières de plomb In + Tg
Fibres d’amiante In

Ainsi se trouve comblée une lacune de la classification, européenne ou issue du SGH,


qui ne vise que l’étiquetage en final.

59
2 • Théorie du risque chimique 2.4 Processus chronique

2.4 Processus chronique


2.4.1 Exposition
Dans l’exposé des mécanismes du risque chimique, l’exposition est définie comme
le contact d’une personne avec un agent chimique par voie respiratoire, cutanée ou
digestive. Cette définition est largement admise aujourd’hui dans le monde profes-
sionnel. Elle induit une conséquence évidente mais importante dans la pratique,
c’est qu’il n’y a pas d’exposition en dehors de tout contact. Présentée sous cet angle,
cette idée soulève plus d’interrogations. Par exemple, il a été publié des évaluations
du nombre de salariés exposés à des agents cancérogènes. S’agissait-il toujours
d’expositions vraies, c’est-à-dire avec contact ? Beaucoup d’intervenants en santé
au travail parlent d’exposition dès qu’il y a utilisation de produit chimique au
poste de travail, sans se soucier de la réalité d’un contact.
Le contact en question est le contact des molécules de l’agent chimique avec une
partie quelconque du corps humain. Le premier cas de figure est le contact cutané.
En dehors de circonstances accidentelles, il se limite en général, pour les liquides
et les solides, aux mains et aux avant-bras. Mais cela peut s’étendre au visage, voire
à l’ensemble de la tête, comme aux membres et au torse, pour peu que le travail
soit très polluant et que la température ambiante conduise la personne à se dévêtir.
L’identification d’une exposition cutanée doit tenir compte du fait que certains
produits chimiques ne laissent ni dépôt visible ni sensation particulière sur la
peau, ce qui peut conduire à ignorer, voire nier, toute exposition.
Lorsque l’agent chimique est volatil, sous forme de vapeurs ou de poussières fines,
son contact avec le corps humain peut couvrir une large surface puisqu’il peut
passer au travers des vêtements. La transpiration peut aussi améliorer le contact,
notamment pour les poussières. Les aérosols liquides réussissent encore mieux à se
déposer sur la peau.
Le contact oculaire est un cas particulier en raison de la très grande sensibilité de la
surface de l’œil, laquelle, par son humidité, facilite l’adsorption des produits vola-
tils. En processus chronique, le contact oculaire ne provient en général que de
vapeurs et de poussières.
À côté de la peau, ce sont les muqueuses qui peuvent entrer en contact avec les
molécules d’agents chimiques. Les plus exposées sont celles du système bucco-
respiratoire, comprenant la bouche, les cavités nasales, la gorge et les voies respira-
toires profondes, jusqu’aux alvéoles pulmonaires. Pour que le contact soit possible,
il faut que les molécules ou les particules soient transportées par l’air inhalé. Pour
mémoire, le débit respiratoire est compris entre 20 et 120 litres par minute, selon
le niveau d’activité physique. L’exposition par voie respiratoire est au cœur de toute
évaluation de risque chimique, car elle induit une grande vitesse de passage des
substances en milieu sanguin. Pour situer le problème, un individu exposé à une
pollution de 200 ppm de xylène en inhale 800 mg par heure. Les effets sur des
organes cibles peuvent donc se manifester rapidement, ce qui n’exclut pas des
effets locaux, de l’irritation à l’ulcération, à tous les niveaux des voies respiratoires.
La troisième voie habituellement évoquée est la voie digestive. En processus chro-
nique, elle est présente surtout comme effet secondaire de la voie respiratoire,

60
2 • Théorie du risque chimique 2.4 Processus chronique

puisque toute déglutition en présence de vapeurs, poussières ou aérosols peut


entraîner un agent chimique dans le système digestif. Elle est aussi envisageable dans
des circonstances particulières :
– manque d’hygiène des mains, voire du visage, conduisant à des pollutions soit
de nourriture, soit de la zone buccale au cours des repas ;
– consommation de tabac pouvant entraîner d’une part une contamination
buccale avec des mains souillées, d’autre part des effets de toxicité aggravée par
la pyrolyse dans la cigarette d’agents chimiques présents dans l’atmosphère.
La voie digestive n’est pas à négliger dès que l’on travaille avec des produits dont
les doses actives sont très faibles, comme cela se rencontre dans l’industrie pharma-
ceutique1.
Les observations qui précèdent amènent à une conclusion évidente : le plus souvent,
les trois voies, cutanée, respiratoire et digestive, sont simultanées, mais avec des
proportions variables. Seule la manipulation de produits liquides ou pâteux non
volatils limite l’exposition au contact cutané, et à une possible voie digestive.
Un contact avec des liquides ou des solides est relativement facile à observer. La
frontière de la zone dangereuse coïncide avec leur surface. On touche ou on ne
touche pas le produit. Toutefois, le produit peut « se cacher » à la surface d’un objet
ou d’un matériau pollué. Beaucoup d’expositions cutanées suivent ce schéma. Pour
l’illustrer, il suffit de prendre l’exemple des chiffons, qui, dans un premier temps,
ont pour but d’éliminer une souillure, mais qui, aussitôt l’essuyage réalisé, deviennent
eux-mêmes source de contamination des mains.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 2.9 – Les chiffons sont un vecteur d’exposition cutanée

1. Concernant l’exposition aux principes actifs, voir la brochure CRAMIF, réf. DTE 145.

61
2 • Théorie du risque chimique 2.4 Processus chronique

On peut aussi citer les orifices de récipients, les bords de cuves, les tuyaux mobiles,
les outils de travail ou de maintenance en zone d’activité chimique, etc. Le contact
est parfois la conséquence d’un mode opératoire inadapté ou d’opérations effec-
tuées dans la précipitation telles que la saisie manuelle de pièces sortant d’un bain
ou fraîchement revêtues d’un produit.
À l’inverse, un nuage de vapeurs ou de poussières n’a pas de frontière nette. Cette
frontière ne peut être définie que par une concentration limite. En effet, la zone de
présence de beaucoup de molécules dans l’air est quasiment infinie. Nous les croyons
absentes, alors qu’elles sont seulement présentes à des concentrations infimes,
souvent inaccessibles aux moyens d’analyse disponibles. Qui pourrait prétendre
aujourd’hui ne pas être exposé à des hydrocarbures cancérogènes ou, plus banalement,
à du monoxyde de carbone ? Il nous faut donc nous tourner vers les VLEP pour
pouvoir définir une zone dangereuse, à l’intérieur de laquelle la concentration atmo-
sphérique en agent chimique dépasse la VLEP, du moins quand elle est connue.

VLEP = 100 ppm


20 ppm

200 ppm

500 ppm

solvant

Figure 2.10 – Courbes de niveau de concentration de vapeurs


(à un instant donné)

C’est une définition théorique, car, en pratique, il est rarement possible de tracer
cette limite. Cela supposerait de placer des capteurs adéquats dans tout l’environ-
nement concerné et de suivre leur indication en temps réel. Cette zone dangereuse
devient possible à identifier lorsqu’elle coïncide avec un espace fermé, dont la
concentration en polluant est critique en tout point.
Concernant les poussières, ou aérosols solides, il faut tenir compte de la granulo-
métrie, c’est-à-dire la dimension des particules en suspension dans l’air. En effet, la
stabilité du nuage formé est inversement proportionnelle à cette dimension. Il
s’agit du diamètre moyen des particules, sachant que celles-ci ne sont ni sphériques,
ni d’un diamètre constant. Un nuage de grosses particules retombera assez rapide-
ment, alors que pour des particules très fines, de l’ordre du micron, le nuage se
maintiendra des heures, voire des jours, tant qu’il ne sera pas éliminé.

62
2 • Théorie du risque chimique 2.4 Processus chronique

2.4.2 Dommages
Les dommages sur la santé humaine causés par des expositions chroniques sont
très variés et dépendent évidemment de l’agent chimique, mais aussi de la voie de
pénétration. Ainsi, lorsqu’il y a contact cutané ou oculaire, le premier type de
dommage est local, c’est-à-dire qu’il se produit à la surface de la peau, de l’œil ou
de la muqueuse touchée par le produit. Les effets possibles sont les suivants :
– irritation ;
– dermite et dermatose ;
– eczémas ;
– ulcération ;
– cancers.
Ces effets peuvent être immédiats, comme l’irritation, ou différés sur de longues
périodes, comme le cancer. Hormis ce dernier cas, ils sont rapidement visibles et
perceptibles et servent donc d’alarme. Cependant, la peau présente toujours une
perméabilité chimique qui permet aux agents de pénétrer dans son épaisseur, puis
de passer dans la circulation sanguine. Cette pénétration percutanée a une certaine
cinétique qui dépend de nombreux facteurs, tels que les propriétés chimiques de
l’agent, sa concentration et sa température, la partie du corps touchée, l’état de la
peau et la réceptivité particulière de l’individu. Un produit lipophile, c’est-à-dire
soluble dans les graisses, passera plus facilement. C’est le cas de la plupart des subs-
tances organiques, et spécialement celles qui se partagent bien entre l’eau et les
graisses, comme les alcools et les éthers de glycol. Il est souvent possible de
contrôler cette pénétration percutanée par des analyses de sang appropriées. Elle a
été longtemps sous-estimée, ce qui incitait à ne pratiquer ce type d’analyse qu’en
cas d’exposition à des substances non volatiles.
L’inhalation d’agents chimiques provoque aussi un contact avec les muqueuses de
l’appareil respiratoire supérieur qui conduit aux pathologies décrites ci-dessus,
mais plus spécifiquement des trachéites et des bronchites, éventuellement de l’asthme.
Sachant que les muqueuses sont beaucoup plus sensibles que la peau, à niveau de
danger égal, les dommages sont plus graves. Ainsi, des inhalations de vapeurs
corrosives, acides ou basiques, qui n’auraient qu’un effet modéré sur la peau, peuvent
provoquer d’abord de la toux, puis une insuffisance respiratoire, avec un risque
d’effets irréversibles.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Mais la voie respiratoire se distingue par le fait que les agents chimiques sont
conduits, plus ou moins partiellement, au contact des alvéoles pulmonaires. La
membrane de ces alvéoles est particulièrement perméable aux substances chimi-
ques, car leur fonction est d’assurer les échanges gazeux avec le sang. Cette sensibi-
lité est d’ailleurs démontrée dans la pratique de l’anesthésie par voie respiratoire,
laquelle peut être obtenue en quelques secondes par inhalation d’un gaz approprié.
L’inhalation des produits pulvérulents suit un mode d’action un peu différent.
Dans les voies supérieures, il se produit d’abord un dépôt qui peut générer des
réactions de toux, d’expectoration et de charge nasale. Ensuite, les effets locaux
habituels apparaissent, toujours en fonction des propriétés physico-chimiques
des agents inhalés. Certaines substances corrosives, comme le trioxyde de chrome,

63
2 • Théorie du risque chimique 2.4 Processus chronique

sont responsables d’ulcération, voire de perforation de la cloison nasale. Les pous-


sières de bois peuvent provoquer un cancer de l’ethmoïde.
Le passage dans la zone des alvéoles pulmonaires dépend essentiellement de la
granulométrie des particules de l’aérosol. Les plus grosses sont arrêtées au niveau
de la bouche et du nez, dont c’est la fonction. Les plus fines, dites justement alvéo-
laires, atteignent les alvéoles et provoquent divers effets. On considère comme
alvéolaire une particule dont le diamètre apparent moyen est inférieur à 5 microns.
L’effet des particules dans les alvéoles est d’abord local. Elles sont absorbées par des
cellules appelées macrophages qui conduisent à terme à une élimination physique.
Mais pour certaines substances, ces cellules sont impuissantes et la réaction de
l’organisme conduit à l’apparition d’une fibrose. C’est notamment le cas de l’amiante
et de la silice. Les particules d’aérosols liquides ou solides peuvent aussi se dissoudre
et passer ainsi partiellement dans le sang.
Une fois passée dans le sang, une substance peut agir sur n’importe quel organe
réceptif, appelé organe cible. Les substances agissent, selon leurs propriétés biochi-
miques, soit en l’état, soit après transformation en métabolites. Leur devenir dans
l’organisme relève de la toxicologie, qui n’est pas abordée dans cet ouvrage. Ce
qu’il faut retenir en pratique, c’est que l’organisme réagit à la présence d’agents
chimiques par divers processus, que nous globaliserons dans un but pratique par
les catégories suivantes :
– pathologie au niveau d’un organe ou un système cible ;
– élimination simple ;
– élimination par métabolisme ;
– accumulation dans l’organisme.
Parmi les cibles les plus fréquentes, on peut citer le foie, en raison justement de son
rôle éliminateur, le sang, le système nerveux, mais aussi les reins, la moelle osseuse,
le cœur, etc. Pour les agents cancérigènes, beaucoup d’autres organes font partie
des cibles, comme la vessie, la plèvre, les poumons, etc.
En pratique, les pathologies sont repérables d’abord par un certain nombre de
symptômes. Les substances absorbées, quelle que soit la voie, sont soit éliminées
comme telles, soit sous forme de métabolites. Il est donc théoriquement possible
de détecter et de doser ces substances, appelées indicateurs biologiques, dans les
différents milieux physiologiques, principalement le sang et les urines1. C’est le
rôle de la biométrologie, qui est fondamentale en surveillance médicale. En effet,
un certain nombre d’indicateurs biologiques ont des valeurs limites indicatives,
dont un exemple bien connu est celui du plomb.
Les mécanismes d’élimination, lorsqu’ils existent, font que l’organisme peut s’adapter
à une absorption chronique, tant qu’elle ne dépasse pas une dose critique. C’est
cette dose limite que tendent à exprimer les VLEP. L’élimination se produit selon
une certaine cinétique, liée à la substance comme au système récepteur. Cela
signifie que lorsque l’exposition cesse, la présence et les effets des substances absor-
bées cessent aussi après un délai variable. Notamment, le cycle jour-nuit permet

1. On peut consulter le document de l’INRS : « Biotox, guide biotoxicologique pour les médecins du
travail. », ED 791.

64
2 • Théorie du risque chimique 2.4 Processus chronique

d’éliminer efficacement les effets de la plupart des expositions modérées quoti-


diennes. Cela n’est évidemment pas le cas des substances qui ne s’éliminent pas, ou
très peu, sur des temps très longs. On parle alors de bioaccumulation, phénomène
dont les substances minérales sont souvent responsables, le meilleur exemple étant
le plomb. Il existe d’ailleurs une phrase de risque pour indiquer cette propriété : R 33,
« danger d’effets cumulatifs ». La cinétique d’élimination explique aussi pourquoi
une exposition de deux heures est plus grave que deux expositions d’une heure,
séparées par trois heures, par exemple.
Le code de la Sécurité sociale a prévu que lorsque l’origine professionnelle d’une
pathologie est clairement démontrée, cette pathologie est reconnue comme « maladie
professionnelle », ce qui ouvre des droits à réparation. Une centaine de tableaux,
dont 78 mentionnant un agent causal chimique figurent en annexe 10, précisent
toutes les conditions requises pour valider cette reconnaissance. Parmi les critères
de reconnaissance figure le délai de prise en charge, qui prend en compte la durée
de persistance des effets d’une exposition après sa cessation. Elle va de 7 jours à
50 ans. Hors de ces tableaux, il reste possible, dans certaines conditions, de déclarer
une maladie à caractère professionnel1.

2.4.3 Indice d’exposition


Outre par leur nature, les expositions diffèrent beaucoup par leur intensité, ce qui
a une conséquence évidente sur la gravité des effets. L’importance d’un risque en
général est toujours liée à une combinaison de la probabilité et de la gravité du
dommage. La probabilité d’apparition d’une pathologie en cas d’exposition chronique
à un agent chimique est en fait quasi totale, si le temps d’exposition est suffisant,
alors que sa gravité dépend principalement du niveau de danger de l’agent chimique.
Mais il y a évidemment une influence réciproque de ces deux paramètres. En
pratique, le facteur probabilité ne représente que le délai d’apparition de la patho-
logie. Quand on parle d’apparition d’une pathologie, on se réfère surtout aux
symptômes, qui sont en général postérieurs à la naissance de la pathologie. C’est
pourquoi la médecine du travail préconise des examens et analyses spécifiques aux
expositions présumées, dans le but d’obtenir une détection précoce des patho-
logies, en s’appuyant en particulier sur les indicateurs biologiques. Il ne s’agit pas
ici de traiter des principes de la toxicologie mais de dégager quelques règles simples
pour une estimation de risque.
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L’expérience et la théorie montrent que le délai d’apparition d’une pathologie


d’exposition est en relation directe avec la dose reçue cumulée de l’agent chimique.
À dose reçue identique, c’est le niveau de danger de l’agent chimique qui déterminera
la gravité de la pathologie. Ce principe nous fournit les deux paramètres fonda-
mentaux de l’estimation du risque d’exposition chronique : dose cumulée et niveau
de danger. Ce dernier, paramètre assez complexe, fait l’objet du paragraphe 2.3.5.

1. Code de Sécurité sociale, articles L. 461-1 à L. 461-8 et R. 461-1 à R. 461-8. Les détails des tableaux
sont rassemblés dans la brochure de l’INRS, réf. ED 835.

65
2 • Théorie du risque chimique 2.4 Processus chronique

La dose cumulée reçue est assez simple à concevoir ; elle est significative de
l’importance de l’exposition, quelle que soit la voie de pénétration. En théorie,
une dose reçue est le produit d’une durée d’exposition par un débit d’absorption,
supposé constant, d’un agent chimique. Une durée cumulée est le produit d’une
durée d’exposition élémentaire par la fréquence de cette exposition, toutes deux
supposées aussi constantes. En réalité, les mécanismes d’élimination font qu’une
exposition de deux heures n’est pas équivalente à deux expositions d’une heure,
surtout si elles sont assez espacées. D’autre part, ni les débits d’absorption, ni les
durées d’exposition ne sont constants. Mais cette approximation ne remet pas en
cause la validité de l’estimation.
Le débit d’absorption est une fonction de la concentration de l’agent chimique,
avec d’autres facteurs physiques et biologiques. Dans le cas le plus simple, et le
plus fréquent, de l’exposition par inhalation, il est possible de relier l’exposition à
ces paramètres par la fonction :
Di = 0,06 ¥ k ¥ Tc ¥ Ca ¥ Dr
Di : dose inhalée pour une période donnée (en mg) ;
k : taux d’absorption de l’agent chimique ;
Tc : durée cumulée d’exposition pour la période (en heures) ;
Ca : concentration atmosphérique au niveau des voies respiratoires (en mg/m3) ;
Dr : débit respiratoire à considérer (en l/min).
EXEMPLE :
Une personne inhale de l’acétate d’éthyle 4 heures par jour, à la concentration atmosphérique de
700 mg/m3, soit la moitié de la VME, avec un débit respiratoire de 25 l/min (travail moyen). Si le
taux d’absorption est de 100 %, elle absorbe donc 1 ¥ 4 ¥ 700 ¥ 25 ¥ 0,06 = 4 200 mg par jour.

En pratique, il ne serait pas réaliste de vouloir calculer une dose cumulée quotidienne,
tant il y a de variables. Ainsi, même la concentration atmosphérique est assez diffi-
cile à déterminer, car elle varie dans le temps et l’espace. La représentativité des
prélèvements atmosphériques est d’ailleurs un objet de débats classique dans ce
domaine. Mais si le but de l’estimation est strictement une comparaison, une
grandeur relative est suffisante. Il suffit donc d’utiliser une valeur théorique n’utili-
sant que les deux variables les plus accessibles, durée (Tc) et concentration (Ca),
pour classer les expositions par niveaux relatifs. D’où l’indice d’exposition respiratoire
quotidienne :
Ierq = Tc ¥ Ca
Cet indice n’est valide que pour comparer, rappelons-le, des expositions respira-
toires successives dans l’espace ou dans le temps, quand on dispose des valeurs de
la concentration atmosphérique. C’est pourquoi il est préférable de se fixer un indice
d’exposition respiratoire (Ir) égal au produit durée cumulée (Tc) par un coefficient
d’exposition respiratoire (R) qui exprime la variable concentration atmosphérique
en relatif, sur une échelle préétablie :
Ir = Tc ¥ R

66
2 • Théorie du risque chimique 2.4 Processus chronique

Avec, par exemple, R = 5 pour la concentration la plus élevée et R = 1 pour la plus


faible. Cette notion d’indice d’exposition est d’ailleurs conforme à celle de valeur limite
de moyenne d’exposition (VME), puisque cette dernière est calculée en moyenne
sur 8 heures, alors qu’il peut y avoir des valeurs instantanées beaucoup plus fortes.
Dans l’estimation des expositions par voie cutanée, les variables influentes sont le
taux d’absorption, la durée cumulée, la surface de contact et la concentration du
liquide ou du solide en produit actif. En réalité, seule la deuxième variable est
accessible, car le taux d’absorption, cutanée et percutanée, et la sensibilité des tissus
sont largement dépendants de la localisation du contact sur le corps, de l’état de la
peau et plus encore de la liposolubilité du produit en question, pour ne citer que
les principaux paramètres. C’est pourquoi cette estimation ne peut être conduite
qu’avec l’aide de personnes compétentes en la matière. Mais, même approximatif,
un indice d’exposition cutanée (Ic) est apte à classer relativement les expositions.
Ic = Tc ¥ C
C est un coefficient d’exposition cutané qui exprime l’importance du contact, tous
facteurs confondus, pris sur une échelle similaire à celle de l’exposition respiratoire.
Une fois ces deux types d’indices établis pour un ensemble d’expositions, il suffit
de les classer pour fixer des niveaux d’expositions sur une échelle adéquate.

2.4.4 Estimation finale du risque d’exposition chronique


En résumé, il est possible de situer l’importance relative d’un risque d’exposition à
un agent chimique dès que l’on dispose des quatre variables simples et relativement
accessibles que sont :
– le niveau de danger de l’agent chimique ;
– la durée et la fréquence de l’exposition ;
– l’intensité du contact, respiratoire ou cutané, avec l’agent chimique, exprimée
par les coefficients d’exposition R et C.
Comment les combiner pour estimer le risque ? Il n’y a pas de réponse unique, car
le risque ne saurait être une fonction mathématique. Sachant qu’il ne s’agit que de
classer les risques, il suffit d’une fonction croissante avec les niveaux ou valeurs des
paramètres.
Pour le niveau de danger, il existe le chiffre fixé par l’INRS en fonction de la classi-
fication du produit, comme cela est expliqué au paragraphe 2.3.5. Pour la durée,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

la fréquence et parfois la concentration, des mesures sont possibles. Dans tous les
cas, les coefficients R et C sont fixés par estimation avec une échelle. Les chiffres
obtenus permettent alors d’accéder aux indices d’exposition Ir et Ic par les
formules citées plus haut. Ces indices sont ensuite classés pour déterminer le
niveau d’exposition sur l’échelle choisie, qui peut aller de 3 échelons au minimum
jusqu’à 7, voire 10 si le nombre de risques le justifie.
En effet, pour éviter l’accumulation de risques dans un même niveau, il faut
proportionner l’échelle au nombre de risques étudiés. Signalons au passage que le
choix du terme « niveau » plutôt que « classe » ou « cote », « catégorie », « indice »,
etc., permet de comprendre, sans confusion possible, que le plus important corres-
pond au plus grand chiffre. Il existe malheureusement beaucoup de classements

67
2 • Théorie du risque chimique 2.4 Processus chronique

inverses dans lesquels le 1 (voire le 0 !) signifie le plus grave, les deux exemples les
plus simples étant la cotation des zones à risque d’explosion et les catégories de
substances CMR.
Enfin, niveaux de danger et d’exposition peuvent être à leur tour combinés avec une
addition, une multiplication, voire des fonctions exponentielles ou polynomiales,
selon ce qu’auront décidé les personnes impliquées dans la démarche. Il est aussi
possible d’utiliser simplement une matrice de combinaison, telle que celle qui suit1,
limitée à trois niveaux :

Niveau d’exposition

faible moyen élevé

élevé 2 3 3
Niveau
moyen 1 2 3
de danger
faible 1 1 2

Les valeurs de 1 à 3 situent l’importance du risque lié à l’exposition. Ce tableau est


très important pour faire une bonne estimation comparée des risques d’exposition,
mais il constitue aussi un outil de prévention pour réduire l’importance du risque
en montrant qu’il y a deux paramètres sur lesquels on peut agir. Il permet en outre
de corriger les approches plus ou moins affectives qui privilégient toujours les
dangers sur les expositions et qui conduisent à prescrire les interdictions de subs-
tances avant d’avoir examiné le problème des expositions. On ne redira jamais
assez la différence qui existe entre les notions de danger et de risque. La maîtrise
des risques est une alternative à l’interdiction d’un produit, bien que cette option
ait souffert d’une image négative, en raison de quelques dérives.
Ces dérives furent souvent la conséquence d’une utilisation directe dans le grand
public, comme l’illustre le drame de l’amiante, qui a abouti à son interdiction
totale. Une meilleure solution serait une utilisation contrôlée, c’est-à-dire interdite
au grand public, mais autorisée à des utilisateurs compétents, susceptibles d’une
maîtrise totale du risque. L’évolution récente de la législation accrédite totalement
cette position. En effet, dans un premier temps, c’est la règle qui a prévalu pour
l’utilisation des éthers de glycol classés CMR, et c’est surtout la philosophie du
règlement REACH, exposé au paragraphe 2.7.
Une bonne estimation des risques d’exposition reste le préalable indispensable à
toute politique en matière de prévention. Le schéma suivant résume plus claire-
ment la procédure de cotation.

1. Cette grille figure notamment dans la recommandation R409 de la CNAMTS et la brochure DTE 175
de la CRAMIF.

68
2 • Théorie du risque chimique 2.4 Processus chronique

Mode opératoire
Agent chimique

Phrase de risque Exposition respiratoire Exposition cutanée

Durée et fréquence Durée et fréquence


Niveau de danger

Métrologie Estimation Estimation

Coefficient d’exposition Coefficient d’exposition


R C

Indice d’exposition Indice d’exposition


Ir Ir

Niveau d’exposition

Importance du risque

Figure 2.11 – Estimation d’un risque chimique chronique


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Il faut remarquer la cohérence de cette méthode avec les préconisations du règle-


ment REACH. En effet, il est dit dans son annexe I que « l’évaluation de la sécurité
chimique est fondée sur une comparaison des effets nocifs potentiels d’une substance
avec l’exposition connue ou raisonnablement prévisible de l’homme… » Or le niveau
de danger est exactement le reflet des effets nocifs potentiels.
Cette méthode comporte évidemment une certaine part d’approximations qui
peuvent faire douter de sa validité. La pratique démontre qu’elle permet d’atteindre
l’objectif d’estimation, sa pertinence tenant à la logique qu’elle apporte dans une
démarche intuitive à défaut de méthode.

69
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

2.5 Processus accidentel


2.5.1 Situation dangereuse
Nous avons défini la situation dangereuse comme la localisation d’une personne lui
permettant de subir un dommage en cas d’événement dangereux. Qui dit localisa-
tion dit périmètre enfermant un espace que l’on appelle zone dangereuse. Cet espace
est forcément dépendant de l’événement dangereux envisagé. Par exemple, il sera
beaucoup plus étendu pour une explosion que pour une fuite. Il est cependant
possible de le délimiter grossièrement et parfois de le matérialiser. Cette matérialisa-
tion est analogue à celle qu’on peut observer sur un chantier de construction ou de
réparation, notamment lorsqu’il existe un risque de chute d’objet. Par exemple, il
existe une possibilité de contact avec un liquide dangereux contenu dans une cuve de
stockage, en cas de fuite soudaine de cette cuve ou de ses équipements immédiats,
dans un périmètre déterminé par les points de chute les plus éloignés de cette fuite.
Nous verrons plus loin que ce périmètre peut être calculé facilement. Cela est plus
difficile en cas d’explosion ou d’émissions massives de vapeurs.
Cette zone dangereuse est même perceptible intuitivement dans certaines situa-
tions. Qui n’a jamais ressenti d’appréhension en se trouvant au pied d’une cuve de
50 m3 d’acide nitrique concentré ? Ou d’un hydrogénateur sous haute pression en
service ? D’ailleurs, ce type de situation est généralement interdit. Plus générale-
ment, une situation dangereuse est créée chaque fois qu’il y a risque d’écoulement,
comme dans le stockage en hauteur, ou risque de projection, présent dès qu’il y a
pression. Ces deux cas sont d’ailleurs liés.
Il existe un autre type de situation dangereuse, plus subtil. Il s’agit du risque créé
par un défaut d’information. C’est le cas pour tout emballage non étiqueté, ou tout
récipient ou organe dépourvu d’une signalisation adéquate. Cette situation est en
effet une porte ouverte aux erreurs humaines. En particulier certains accidents
consécutifs à une réaction chimique intempestive, ou des intoxications par ingestion
de produits dangereux, décrits plus loin, sont issus d’une telle situation.
S’il existe une zone dangereuse, encore faut-il une présence humaine dans cette zone
pour qu’il y ait accident. C’est ce que montre le schéma général du paragraphe 2.2.1.
Cette présence peut être permanente ou occasionnelle. Elle peut concerner une
personne ou un groupe de personnes. Enfin, même si une personne est en zone dange-
reuse au moment du déclenchement de l’événement, elle peut être hors d’atteinte du
champ d’une projection par exemple. Ce sont autant de facteurs qui vont influer sur la
probabilité du dommage, indépendamment de celle de l’événement dangereux.
2.5.2 Événement dangereux
m Scénario

Nous avons défini l’événement dangereux comme un enchaînement de faits, partant


d’un déclencheur et aboutissant au dommage, suivant un scénario parfois complexe.
Le plus explicite est de citer quelques exemples rapportés par des agents des services
de prévention des CRAM1.

1. Caisse régionale d’assurance maladie.

70
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

EXEMPLE 1 :
La défaillance d’un raccord de tuyauterie provoque une fuite soudaine et importante d’une cuve de
stockage intermédiaire d’une solution alcoolique sur le sol d’un atelier de chimie. Le liquide se
propage jusqu’à un caniveau à ciel ouvert. Ce caniveau traverse plusieurs ateliers contigus. Dans le
dernier atelier dans lequel passe le caniveau, des travaux de soudure sur tuyauterie sont en cours.
L’absence de tout liquide inflammable avait été vérifiée au préalable. Cependant, la solution alcoo-
lique suivant le caniveau arrive dans cet atelier en émettant des vapeurs. Une explosion se produit
alors, avant que les personnes présentes aient pu prendre conscience du risque.

Nous retrouvons bien toutes les composantes du risque : le produit dangereux et


son danger, l’inflammabilité, la situation dangereuse, à savoir la présence d’une
source d’ignition dans un environnement chimique inflammable, le déclencheur,
qui est la déconnexion inattendue d’un tuyau de process, le scénario décrit ci-dessus
et le dommage, à savoir une grave brûlure de deux ouvriers. Ce scénario met en
évidence quelques lacunes de prévention, mais encore faut-il pouvoir l’imaginer
avant, quand tout se passe normalement. En effet, dans ce cas particulier, le
danger n’était pas présent sur le lieu de l’accident. Le poste de travail, compte tenu
de son isolement (murs et portes) pouvait être considéré comme compatible avec
une activité temporaire de soudure. C’est en fait l’analyse du risque accidentel
dans l’atelier utilisant la solution alcoolique qui aurait dû intégrer l’éventualité
d’une fuite d’un liquide inflammable par le caniveau et l’évaluer.
EXEMPLE 2 :
Dans un atelier de traitement de surface, travaillant avec des bains cyanurés, une fuite d’acide dilué
se produit sur une cuve de stockage d’effluents située en sous-sol. La fuite est alors arrêtée, mais les
quelques dizaines de litres d’effluent acide sont laissées dans la cuvette de rétention, le nettoyage
étant remis à plus tard. Le lendemain, le bouchage d’un tuyau de surverse1 d’une cuve d’effluents
cyanurés, située à proximité de la précédente, provoque le débordement de la cuve sur le sol. Ces
effluents cyanurés rejoignent ensuite ceux qui étaient déjà présents, à caractère acide. Il faut savoir
que les cyanures se décomposent en milieu acide en générant du cyanure d’hydrogène, qui est un
gaz capable d’une intoxication mortelle en quelques minutes. Un opérateur a voulu descendre au
sous-sol pour intervenir, sans avoir conscience du risque, et l’a payé de sa vie.

Dans ce cas, la notion de situation dangereuse est évidente : proximité de produits


capables de réagir en générant des gaz mortels. Le caractère dangereux était
amplifié par la situation en espace confiné. L’événement déclencheur est double :
la fuite acide, puis le bouchage. On peut même trouver un troisième déclencheur
dans la décision de reporter l’élimination des effluents acides. En effet, une mauvaise
décision, que l’on qualifie généralement d’erreur humaine, est assez souvent à
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

l’origine des événements dangereux, pour quelque risque que ce soit.


EXEMPLE 3 :
Un ouvrier d’entretien veut changer le joint d’un raccord de tuyauterie servant à amener de la
soude en solution dans une cuve de décapage. Comme il convient, le responsable du poste de
travail lui assure que la cuve a été complètement vidée. Mais lorsque l’ouvrier commence à dévisser
les boulons des brides du raccord, un jet de soude s’en échappe et atteint son visage et ses yeux.
L’ouvrier ayant été rapidement secouru, la brûlure qui en résulte a des effets se limitant à une irrita-
tion superficielle. Les propriétés corrosives de la soude sur les tissus vivants sont telles qu’il n’aurait

1. Une surverse est un « trop-plein », c’est-à-dire une tuyauterie par laquelle s’écoule le contenu d’une
cuve dès que le niveau devient critique, pour conduire l’excédent vers la capacité de rétention.

71
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

fallu que quelques secondes supplémentaires de contact avec les yeux pour qu’il perde la vue.
L’enquête a montré que le tracé de la tuyauterie comportait un point bas non vidangeable et que le
raccord à réparer était justement « en charge » dans cette partie pleine de soude.

La situation dangereuse est créée par toute présence de produit dangereux dans un
équipement, surtout sous pression, si faible soit-elle. L’événement dangereux est
l’intervention sur cet équipement. La réaction qui vient à l’esprit après l’exposé de
cet accident est, qu’en dehors du non-respect de règles de prudence lors d’une
intervention, la principale cause réside dans une mauvaise conception de la tuyau-
terie. Cela est vrai, bien sûr, mais seule l’évocation précoce des événements dange-
reux possibles peut conduire à la bonne conception d’un équipement, c’est-à-dire
assurant la sécurité indépendamment des consignes imposées aux intervenants. Ce
principe est un autre point clé de la méthodologie développée dans cet ouvrage.

m Typologie

La difficulté de cette méthode est la capacité à envisager tous les événements


dangereux possibles au niveau d’un poste de travail. La liste de ces événements
serait d’ailleurs infinie si l’on ne tient pas compte d’une probabilité minimum de
réalisation. Le terme d’événement possible doit être compris comme relevant
d’une probabilité non négligeable. Le terme de négligeable est évidemment flou ;
nous nous contenterons de l’illustrer par l’exemple du risque de chute d’un avion
sur un atelier. Ces risques n’ont pas de probabilité nulle, mais si faible qu’elle rend
leur prévention irréaliste.
Le meilleur moyen, bien connu dans tous les domaines, de cerner une probabilité
est d’observer les événements sur une longue période ou un grand nombre de cas.
Heureusement, il existe une base de données des accidents du travail en général,
gérée par l’INRS, d’après les rapports d’enquête fournis par les agents des CRAM.
Il s’agit de la base EPICEA, accessible sur Internet. Il est donc facile d’y rechercher
de nombreux exemples d’accidents impliquant un produit chimique. Des études
statistiques, non publiées, ont conduit à créer une typologie des événements
dangereux impliquant un produit chimique. En voici les grandes conclusions.
Les nombreux scénarios décrits peuvent être classés en six familles, dont les cinq
premiers correspondent précisément aux familles de dangers :

Famille
Scénario type Dommage final
de danger

1 expositions massives cutanées brûlures chimiques Co

2 expositions massives respiratoires intoxications aiguës In

3 expositions massives par ingestion lésions et intoxications aiguës Tg

4 réactions dangereuses tous les autres Re

tous les autres + effets


5 incendies et explosions IE
mécaniques et thermiques

6 anoxie asphyxie

72
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

En réalité, tous ces scénarios peuvent être imbriqués. Ainsi une réaction dange-
reuse peut conduire à une exposition massive, laquelle peut conduire à une explosion,
laquelle peut conduire à une anoxie, etc. La logique incite à partir de l’événement
déclencheur. Il peut être à l’origine de plusieurs scénarios différents et donc de
dommages différents. Ces scénarios d’accident apparaissent clairement lorsque
l’on pratique la méthode de l’arbre des causes pour expliquer des accidents survenus.
Alors que cette méthode part du dommage pour remonter aux facteurs premiers,
comme exposé au paragraphe 2.5.4, il est plus efficace de partir des déclencheurs
pour arriver aux dommages. Cette autre méthode est d’ailleurs appelée l’arbre des
défaillances et a sa place parmi tous les outils de prédiction, dont certains sont
décrits au paragraphe 3.2.4.
Le tableau suivant propose une liste, seulement indicative, de faits déclencheurs
d’événements dangereux, avec leur conséquence immédiate, sachant qu’on peut
ensuite les combiner à volonté pour construire des scénarios possibles.

Fait déclencheur 1er effet 2e effet possible

Chauffage brutal d’un liquide Intoxication respiratoire


Émission massive de vapeurs
volatil Explosion

Chute dans un récipient Contact cutané massif Brûlure chimique

Émission massive de
Combustion en espace confiné Intoxication respiratoire
monoxyde de carbone

Conditionnement trompeur Ingestion massive Intoxication digestive

Contact entre deux produits Intoxication respiratoire


Émission massive de vapeurs
réactifs Explosion

Contact soudain avec un agent


Contact cutané massif Brûlure chimique
chimique

Débranchement de tuyau Projection de liquide Contact cutané massif

Décomposition thermique
Émission massive de vapeurs Intoxication respiratoire
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

d’un agent chimique

Décompression brutale Intoxication respiratoire


Émission massive de vapeurs
d’un récipient ou canalisation Explosion

Défaut de confinement Arrivée massive de gaz


Intoxication respiratoire
d’un espace dangereux ou vapeurs

Contact cutané massif


Éclatement de tuyau Projections liquides
Émission massive de vapeurs

Erreur sur identité d’un produit Réaction chimique dangereuse Émission massive de vapeurs

73
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Fait déclencheur 1er effet 2e effet possible

Erreur sur le choix d’une


Réaction chimique dangereuse Émission massive de vapeurs
commande

Explosion d’un contenant Projections diverses Émission massive de vapeurs

Fuite de gaz inerte Anoxie

Fuite de récipient Contact cutané massif Émission massive de vapeurs

Fuite soudaine d’un joint


Contact cutané massif Émission massive de vapeurs
ou raccord

Immersion brutale d’une pièce Projections liquides Contact cutané massif

Incendie avec des produits


Brûlures thermiques Intoxication respiratoire
chimiques

Ouverture intempestive
Émissions massives diverses Contact cutané massif
de robinet ou vanne

Interprétation erronée
Erreur sur le choix
d’une consigne ou d’un mode Réaction chimique dangereuse
d’une commande
opératoire

Panne de régulation Réaction chimique dangereuse Émission massive de vapeurs

Panne d’un captage Émission massive de vapeurs Intoxication respiratoire

Pénétration dans un espace


Anoxie Perte de connaissance
appauvri en oxygène

Pollution d’un aliment Ingestion massive Intoxication digestive

Renversement ou fuite d’azote Perte de connaissance


Anoxie
liquide Contact cutané massif

Renversement de récipient Contact cutané massif Émission massive de vapeurs

Rupture de paroi de récipient


ou d’appareil contenant Projections liquides Émission massive de vapeurs
un agent chimique

Rupture d’emballage de
Émission massive de poussières Explosion
pulvérulent

Ouverture d’un réseau de


Émission massive de poussières Explosion
ventilation sous pression

74
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Ainsi, l’un des six scénarios types, correspondant aux 5 familles de dangers, se
retrouve toujours après un fait déclencheur. Il est intéressant de bien comprendre
leur mécanisme.

m Expositions massives

Une exposition massive ne diffère d’une exposition chronique que par son inten-
sité. Elle consiste donc en un contact, par voie cutanée, oculaire, respiratoire ou
digestive, dont les paramètres relèvent du processus accidentel, c’est-à-dire un effet
immédiat ou presque. Ces paramètres sont d’abord un volume d’agent chimique
généralement important et une concentration élevée. Ce qui se traduit, pour le
contact cutané, par une grande surface atteinte, voire l’ensemble du corps, ou une
lésion grave, telle qu’une atteinte profonde de la peau, des muqueuses ou des yeux,
qui peut être irréversible. Ce scénario est possible dès que des quantités de
plusieurs litres sont manipulées et dès que le procédé comporte des passages de
produits à l’air libre. En effet, on observe par exemple ce type d’accident au cours
de transferts, par débordement, par renversement de récipient, par chute d’emballage
en manutention mécanique, etc.
Il y a aussi tous les incidents propres aux interventions de maintenance et surtout
de dépannage, donc accomplis dans l’urgence. On peut être surpris par des projec-
tions lors d’ouverture ou de démontage d’équipements divers, tels que vannes,
pompes, filtres, etc. Les débranchements soudains de raccords de tuyauterie sont
aussi assez fréquents, surtout avec les tuyaux souples fixés par un collier à vis. En
général, la présence de pression dans une canalisation ou un récipient est un
facteur de risque de projection. La chute de personnes dans des cuves est très rare,
mais doit toujours être envisagée.
Pour la voie respiratoire, l’exposition est massive si les concentrations atmosphériques
de vapeurs ou de poussières sont largement au-dessus des VLEP. Les effets sont
alors rapidement perceptibles. Une émission massive est relativement probable dès
qu’on travaille en espace confiné, ce qui ne veut pas forcément dire exigu, mais
seulement pas ou peu ventilé. Dans ce cas, toute émission de vapeurs par un
liquide s’évaporant reste dans le volume du local. Pour se faire une idée, prenons
l’hypothèse d’un local fermé de 20 m2, soit environ 50 m3, dans lequel se vapori-
sent 2 litres de dichlorométhane, situation imaginable chez un artisan. Le volume
occupé par les vapeurs sera d’environ 2 (litres) ¥ 1 328 (densité g/l) ¥ 24 (litres par
mole) / 85 (masse molaire) = 750 litres, soit une concentration moyenne de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1,5 %. Cela représente 15 000 ppm, soit 300 fois la VME de 50 ppm.
Voici un exemple d’accident qui met en évidence la grande volatilité de ce solvant
chloré1 :
EXEMPLE :
« La victime, un cadre technique de 39 ans, décapait, par trempage dans une cuve, une porte inté-
rieure bois. La dimension de la cuve était de : L 3 000 ¥ l 1 000 ¥ h 700 mm. La hauteur du bain
de décapant à base de chlorure de méthylène avec un additif, hydroxyde de potassium/alcool
méthylique, était de 100 mm, la porte étant disposée manuellement à plat au fond du bain. Cette
cuve n’était pas équipée de dispositif de ventilation. La victime travaillait avec une collègue dans

1. Extrait de la base EPICEA de l’INRS.

75
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

l’atelier de décapage. Vers 9 h, la collègue a quitté l’atelier. À son retour, vers 10 h, elle a trouvé la
victime inconsciente au-dessus du bain et l’a mise au sol. La collègue est allée prévenir les secours et
a rencontré un autre salarié qui rentrait d’un rendez-vous chez un client. Ce dernier a appelé les
pompiers, qui ont fait appel au SAMU. Les raisons précises de l’intervention de la victime au-
dessus du bain ne sont pas connues en l’absence de témoin. La victime ne portait pas d’équipement
de protection individuelle, et notamment de masque de protection respiratoire. Lors de cette inter-
vention, la victime a perdu connaissance. Étant affalée au-dessus du bain, et en l’absence de
collègue à proximité, elle a continué à respirer les vapeurs pendant une durée maximale estimée à
une heure. Les symptômes de mort cérébrale ont été détectés par le SAMU. Le décès clinique a été
prononcé à l’hôpital, 4 jours plus tard. »

Les émissions massives ont beaucoup de causes possibles. Il suffit de renverser un


bidon de solvant sur le sol. La grande surface d’évaporation qui se forme accélère
l’évaporation, qui peut être totale en quelques minutes pour les solvants les plus
volatils. Les accidents se produisent souvent à cause du réflexe des personnes cher-
chant à arrêter le sinistre plutôt qu’à fuir. On imagine facilement l’ampleur des
dommages lorsque c’est une cuve ou un réacteur de quelques mètres cubes qui se
vide, même partiellement.
Une émission massive n’est pas toujours le résultat d’un incident qui surprend la
personne. Il peut aussi s’agir d’une sous-estimation de l’exposition au cours d’une
action volontaire. L’exemple le plus courant est le travail avec un produit solvanté
dans un espace confiné. Ce produit peut être une peinture, une colle, un produit
de nettoyage, etc. Le calcul du volume des vapeurs libérées exposé précédemment
prouve qu’un malaise est vite arrivé dans ces conditions. Les exemples de tels accidents
ne manquent pas, notamment dans les activités de second œuvre du bâtiment.
Les vapeurs peuvent également être déjà présentes dans un équipement de travail
et s’échapper à la suite d’un dysfonctionnement, tel que rupture, ou ouverture
intempestive. Il peut s’agir d’un gaz sous pression, fuyant de son conteneur. Enfin,
les vapeurs peuvent se former par réaction chimique imprévue dans un espace
ouvert. Cette éventualité est développée au paragraphe suivant. Une des réactions
dangereuses fréquentes est simplement la combustion, qui se produit soit dans un
appareil de chauffage à combustible, soit dans un moteur thermique. Ces deux cas
de figure sont à l’origine de beaucoup d’accidents graves, dont voici un exemple1 :
« Une équipe de deux opérateurs était chargée de transporter et d’installer un caisson de filtration
d’air dans un local. Pour cette manutention, ils utilisaient un chariot élévateur à combustion gaz,
d’une capacité de 3 tonnes. Le passage du caisson devait se faire à une hauteur d’environ 4,50 m du
sol à travers une ouverture réalisée dans le mur. Le passage avait été fait au plus juste, car il s’agissait
d’un mur porteur. L’opération a duré environ 1 h 30. Les deux opérateurs, dont la victime, âgée de
56 ans, agent de maîtrise depuis 24 ans, qui réceptionnait le filtre, ont ressenti des maux de tête. Il
faut remarquer que l’extrémité d’échappement des gaz de combustion se trouvait approximative-
ment à l’endroit où évoluaient les deux victimes. Conséquences : intoxication par monoxyde de
carbone provoquant un arrêt de 10 jours. »

Tous ces scénarios impliquent des vapeurs ou des gaz survenant dans l’espace de
travail habituel. Le schéma inverse existe, à savoir l’intrusion d’une personne dans
un espace dans lequel existe déjà une concentration critique de gaz ou de vapeurs
dangereux. Cette situation dangereuse est typique, par exemple, des égouts et des

1. Extrait de la base EPICEA de l’INRS.

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2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

stations d’épuration. Le danger est dans ces cas représenté par le sulfure d’hydro-
gène, généré par la fermentation anaérobie des matières organiques. Ce gaz est très
toxique et mortel à de faibles concentrations, la VLE étant de 10 ppm. Ce phéno-
mène est bien connu des professionnels de ces activités. D’ailleurs, la conduite des
stations d’épuration est organisée pour éviter tout dégagement de ce gaz. C’est ici
qu’intervient le rôle de l’événement dangereux, qui fait que ce gaz apparaît là où
on ne l’attend pas.
Ainsi un récit d’accident révèle que par suite d’un bouchage, le flux d’eaux usées a
été interrompu dans un canal à ciel ouvert, passant dans un bâtiment abritant des
grilles. Le temps d’interruption du flux a permis le déclenchement de la fermentation
et, quand l’opérateur de maintenance a pénétré dans ce bâtiment, sans précaution
particulière, comme il le faisait habituellement, il a été surpris par la présence de
gaz et n’a pas eu le temps de s’échapper. Plusieurs accidents mortels ont été
rapportés dans ces conditions.
Ce risque est assez pernicieux, car il est difficile d’évaluer intuitivement l’impor-
tance d’une émission accidentelle, quelle qu’elle soit. Comme pour les émissions
chroniques, les personnes se fient spontanément à leur odorat. On sait combien
cet indicateur est trompeur, en raison de la variabilité du coefficient d’olfaction
des substances, comme de la sensibilité olfactive des personnes, sans parler de
l’effet d’accoutumance.
Les expositions massives par voie digestive ne suivent en fait que deux scénarios
classiques, en dehors d’un acte volontaire. Le premier est celui de la réutilisation
d’un emballage alimentaire, souvent une bouteille d’eau minérale, pour stocker un
réactif. Ce geste est généré par le besoin d’une préparation temporaire, consistant
soit à dissoudre un solide soit à diluer un liquide. Les utilisateurs ne disposent pas
toujours des moyens nécessaires à un réétiquetage correct. Même un simple marquage
est négligé, parce que le préparateur de ce réactif s’estime suffisamment informé.
Cette partie du scénario génère la situation dangereuse. L’événement dangereux
viendra d’une modification de la situation, par exemple le déplacement de la
bouteille vers un autre local ou la présence d’une personne non avertie qui croira à
une boisson normale. Ce cas est relativement fréquent, et pas seulement dans le
domaine professionnel, comme en attestent les statistiques des services d’urgence.
Le deuxième scénario d’intoxication digestive est plus rare. Il consiste en une
contamination d’aliment par un produit toxique, à l’insu du consommateur. Ce
type d’accident ne survient qu’en situation dangereuse particulière, créée par la
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

consommation d’aliment sur le lieu de travail et exceptionnellement par l’inverse,


c’est-à-dire l’utilisation de produits toxiques sur le lieu de préparation des aliments.

m Risques liés à la réactivité chimique

Le scénario qui part d’une réaction dangereuse se rencontre évidemment dans


l’industrie chimique, mais souvent aussi dans toutes les autres activités. En réalité,
on doit parler de réactions incontrôlées dans l’industrie chimique, puisque c’est sa
fonction de conduire des réactions dangereuses, et de réactions imprévues ou
intempestives dans les autres cas. Voyons d’abord en quoi réside le danger spéci-
fique des réactions, car il s’agit bien d’une propriété de la réaction, qui n’a pas

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2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

toujours de rapport direct avec le danger des réactifs. Ce type de danger est de
deux natures possibles.
La première est celle de l’énergie dégagée par la réaction. Toute réaction chimique,
selon qu’elle est endothermique ou exothermique, consomme ou dégage de l’énergie
selon des règles que nous n’aborderons pas ici. Pour certaines, l’énergie dégagée est
très importante, capable de provoquer de grandes élévations de température. Le
milieu réactionnel peut ainsi être porté à ébullition, avec de nombreuses consé-
quences dommageables : vaporisation des réactifs, qui peuvent être toxiques ou
corrosifs, projection des mêmes réactifs et des produits de réaction, surpression du
contenant, déformation, voire rupture, etc. Si cette réaction se produit dans un
solvant volatil, même moyennement, des risques supplémentaires apparaissent :
inhalation massive, atmosphère explosive, etc. Comme la réaction est incontrôlée
ou imprévue, les moyens de refroidissement et de captage sont souvent insuffisants
ou même absents. Ces réactions sont en outre très rapides, puisque soumises à une
auto-accélération par la température. Il est possible, pour des experts, de calculer la
chaleur d’une réaction à partir des enthalpies de formation1, disponibles dans les
ouvrages spécialisés.
Le second type de danger est présenté par la nature volatile des produits de réaction.
En effet, si le schéma réactionnel conduit à la formation d’une substance qui est
gazeuse dans les conditions normales, celle-ci va « se dégager », c’est-à-dire sortir
du lieu réactionnel pour se répandre dans l’atmosphère environnante. On est alors
ramené au cas d’une exposition respiratoire massive. Si cette substance formée est
en outre inflammable s’ajoute le risque d’atmosphère explosive. La substance
dégagée peut ne pas être toxique mais sa présence va générer automatiquement un
appauvrissement de l’atmosphère en oxygène, du moins en espace plus ou moins
confiné. Le cas le plus typique est celui du dioxyde de carbone, susceptible d’être
généré par tous les carbonates.
Le tableau suivant présente les couples de produits chimiques les plus fréquents
parmi ceux qui sont susceptibles d’être à l’origine d’une réaction dangereuse.
Plusieurs remarques s’imposent pour l’exploitation judicieuse de ce tableau :
– La vitesse et l’énergie de réaction sont directement proportionnelles à la concen-
tration des réactifs. Ainsi, une réaction entre acides et bases dilués à quelques
pourcents ne dégage qu’une chaleur à peine perceptible.
– Les dangers d’exothermie et de dégagement sont souvent simultanés.
– Certaines réactions ont besoin d’une énergie dite « d’activation » pour démarrer.
Celle-ci est fournie soit par un catalyseur, c’est-à-dire une substance particulière
capable d’agir en très petite quantité, soit par une simple élévation de température.
– La formation de produits volatils n’est pas empêchée par la dilution des réactifs,
elle est seulement ralentie.
– Certaines réactions avec dégagement de gaz passent d’abord par une neutralisation,
c’est-à-dire un basculement de pH du milieu. Le dégagement ne se produit pas
avant ce basculement. Prenons le cas des cyanures alcalins. Si l’on verse une

1. C’est la loi de Hess : l’enthalpie de réaction d’une réaction chimique est égale à la somme des enthalpies
de formation des produits, diminuée de la somme des enthalpies de formation des réactifs, en tenant
compte de la stœchiométrie de la réaction.

78
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

solution cyanurée alcaline dans une solution acide, le dégagement de cyanure


d’hydrogène se produit aussitôt. Mais si l’on verse de l’acide dans une solution
cyanurée, le dégagement ne commencera qu’après neutralisation.

Produit 1 Produit 2 Exothermie Dégagement Classification

Bases Forte

Cyanure F+ ; T+ ; N
Cyanures Moyenne
d’hydrogène R12-26-50/53

Hypochlorites T;N
Moyenne Chlore
(dont eau de Javel) R23-36/37/38-50
Acides
T
Bisulfites Moyenne Dioxyde de soufre
R23-34

Carbonates Moyenne Dioxyde de carbone

Sulfure F+ ; T+ ; N
Sulfures Moyenne
d’hydrogène R12-26-50

Eau Forte
Acide
sulfurique Chlorures Chlorure T;C
Moyenne
Acide chlorhydrique d’hydrogène R23-35

T+
Métaux Moyenne Vapeurs nitreuses
Acide R26-34
nitrique
Solvants Forte

F+
Métaux légers Moyenne Hydrogène
R12
Bases
fortes
T;N
Sels d’ammonium Moyenne Ammoniac
R10-23-34-50

Oxydants
Solvants Forte
forts
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Isocyanates Eau Moyenne

Cette liste n’est qu’un petit extrait de toutes les combinaisons possibles, mais elle
cible les produits que l’on peut rencontrer dans des industries diverses, hors chimie.
Le cas de l’industrie chimique est traité au paragraphe 5.2. On peut rechercher
l’existence de tels couples dans la bibliographie, sachant que l’INRS a édité un
ouvrage de référence en la matière, contenant plus de 4 000 combinaisons1.

1. Réactions chimiques dangereuses, éditions INRS, ED 697.

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2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

D’autre part, la rubrique n˚ 10 des fiches de données de sécurité est censée signaler
les réactions dangereuses possibles.
Sans entrer dans les principes du mécanisme réactionnel, quelques indices permet-
tent de prévoir une réaction dangereuse, indices qui transparaissent dans le précé-
dent tableau.
– Les acides forts réagissent toujours sur les bases fortes avec une exothermie
importante.
– Les acides forts sont capables de réagir sur beaucoup de sels et de métaux, avec
souvent un dégagement important.
– Les bases fortes réagissent sur les métaux légers et les sels d’ammonium, avec
dégagement.
– Les oxydants peuvent réagir violemment avec les réducteurs (dont les inflam-
mables).
Les exemples présentés dans le tableau ci-après illustrent les termes chimiques
employés, avec les phrases de risque qui permettent de les repérer, sans perdre de
vue l’importance de la concentration dans le niveau de danger.
L’interprétation de ce tableau demande de la prudence. En particulier, aucune
absence de risque ne peut en être déduite. Ainsi, deux membres d’une même caté-
gorie peuvent très bien réagir vivement entre eux. Beaucoup de substances appar-
tiennent en fait à plusieurs de ces catégories, sachant toutefois qu’elles ne peuvent
être à la fois acides et basiques, ou oxydantes et réductrices (sauf exception). Nous
attirons l’attention sur les acides nitrique et chromique, qui doivent être surveillés
avec vigilance, puisqu’ils sont à la fois acides forts et oxydants forts.
EXEMPLES :
Réaction incontrôlée
Le plus célèbre exemple de réaction incontrôlée est sans doute celui survenu à Seveso, qui a eu les
conséquences que l’on sait sur la réglementation des installations classées. Rappelons toutefois les
faits précis.
Une entreprise chimique italienne fabriquait du 2,4,5-trichlorophénol. Le 10 juillet 1976, la
production est arrêtée pour le week-end ; 6 h 30 plus tôt, en fin de poste, le cycle de production du
trichlorophénol est arrêté alors que seuls 15 % (au lieu de 50 %) du solvant (éthylène glycol) sont
distillés. L’agitation est stoppée et le vide cassé. Aucun ajout d’eau n’est effectué. L’unité est laissée
sans surveillance pour le week-end. À 12 h 37, sous l’effet de l’augmentation de la température et
de la pression dans le réacteur, le disque de sécurité taré à 3,8 bars se rompt et une partie du
contenu est projetée à l’extérieur. L’échauffement de la surface du mélange réactionnel au repos a
initié la réaction secondaire exothermique de formation de la dioxine (la 2,3,7,8-tétrachlorodi-
benzo-p-dioxine). L’évaluation de la quantité de dioxine émise varie de 200 g à 40 kg. Cette émis-
sion a été responsable de l’apparition de pathologies, notamment d’acné, dans tous les environs,
mais aucun décès ni augmentation du nombre des cancers n’ont été constatés.
En analysant le déroulement de cet accident, on reconnaît la situation dangereuse dans le type de
réaction conduite, et l’événement dangereux dans le retard pris dans la production, ayant conduit à
arrêter le process avant sa fin normale, qui incluait le refroidissement complet du réacteur.
Réaction imprévue
Dans une usine de traitement de surface, on procédait au chromage de pièces par immersion dans
une solution concentrée d’acide chromique. Le dépôt de chrome métallique se fait par réaction
électrochimique, qui est exothermique. Dans le cas évoqué, la température devait être maintenue à
un niveau modéré. La cuve comportait donc un circuit de refroidissement, utilisant comme fluide

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2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Famille Membres Phrase repère

Sulfurique
Chlorhydrique
Nitrique
Acides forts R35
Chromique
Phosphorique
Acétique
Sulfures
Cyanures
Sels sensibles Carbonates R31, R32
Sulfites
Hypochlorites
Soude
Potasse
Bases fortes R35
Chaux (vive)
Ammoniaque
Aluminium
Métaux légers
Magnésium
Nitrates
Chlorates
Peroxydes
Oxydants Oxygène R7, R8, R9
Ozone
Trioxyde de chrome
Acide nitrique
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Alcools
Cétones
Hydrocarbures insaturés
Sulfites, nitrites R10, R11, R12,
Réducteurs
Amines R15, R17, R19

Hydrures
Cellulose
Charbon

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2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

frigorigène du glycol légèrement dilué. Telle était la situation dangereuse. Une fuite s’est produite
dans la paroi de la cuve, sans doute par usure. Elle a donc permis à la solution chromique de se
mélanger au glycol dans le circuit de refroidissement. Il s’est ensuivi une violente réaction d’oxydation,
très exothermique, provoquant un éclatement localisé du circuit avec projection de liquide corrosif.
C’est l’événement dangereux qui a conduit aux dommages.

Il existe en outre des réactions qui ne nécessitent pas de second composé pour se
produire. C’est le cas des décompositions et des polymérisations, qui peuvent être
aussi exothermiques et génératrices de gaz et vapeurs.
Les décompositions sont en quelque sorte des réactions internes à la molécule.
Une molécule affectée d’une certaine instabilité peut se décomposer sous l’effet
d’un apport d’énergie parfois minime. Cette instabilité provoque une rupture des
liaisons internes et leur réarrangement, en formant des composés plus simples et
plus stables. Parmi ceux-ci on trouve souvent des produits volatils, quand ce n’est
pas en totalité. Le volume alors dégagé par ces composés, majoré par la chaleur de
réaction, est tel que son expansion brutale crée une explosion.
Ces produits instables appartiennent à la catégorie des explosifs, normalement classés
comme tels avec le symbole et le pictogramme correspondants. Il faut distinguer
les explosifs par destination, faisant l’objet d’une réglementation particulière, tant
pour leur fabrication que pour leur utilisation civile ou militaire, des explosifs
occasionnels, c’est-à-dire ceux qui sont utilisés pour leurs autres propriétés. Cette
catégorie comporte par exemple des engrais azotés et des désherbants. Mais beau-
coup de substances utilisées en chimie fine, plus ou moins isolées, rentrent aussi
dans cette catégorie, qui doit être envisagée dans toute analyse de risque chimique.
Une décomposition n’est pas toujours le fait d’un produit instable. Elle peut être
provoquée, pour n’importe quelle substance, par une importante élévation de tempé-
rature. On peut d’ailleurs parfois trouver la température de décomposition dans
les données techniques d’une substance. Celle-ci peut être atteinte par exemple au
cours d’une réaction incontrôlée, mais le plus souvent à l’occasion d’un incendie.
Une décomposition thermique génère de nombreux gaz et vapeurs, souvent très
toxiques, tels que de l’oxyde de carbone, du cyanure d’hydrogène, du cyanogène,
du chlorure d’hydrogène, des oxydes d’azote, etc.
Les réactions de polymérisation sont à la base de la fabrication des polymères en
général et des matières plastiques en particulier. Bien que le réactif de départ soit
unique, la réaction se fait ici de molécule à molécule, c’est-à-dire « en chaîne ».
Bien sûr, le réactif de départ, appelé monomère, n’est jamais le seul présent dans le
milieu réactionnel, qui peut contenir des catalyseurs, initiateurs, inhibiteurs, plas-
tifiants, colorants, etc. Cette réaction est généralement très exothermique et
conduite sur des grandes quantités. Il existe donc un risque d’emballement dans ce
type de réaction. Mais il existe aussi un risque de polymérisation spontanée en
travaillant sur certaines molécules qui possèdent cette propriété de par leur struc-
ture chimique, qui présente généralement des doubles liaisons réactives. On
comprend que le risque est aggravé par le fait que cette polymérisation imprévue
ne se produit pas dans un équipement prévu à cet effet.
On appelle aussi polymérisation des réactions en chaîne se faisant avec deux réactifs, ou
plus. Ces réactifs, parfois nommés résine et durcisseur dans le commerce, possèdent
une double fonction dans leur structure leur permettant de se lier ensemble. Les

82
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

risques présentés par ces réactions sont identiques à ceux des polymérisations vraies,
autant pour les réactions incontrôlées que pour les imprévues. Parmi les nombreuses
molécules susceptibles d’une polymérisation spontanée, on peut citer :
– styrène, butadiène, isoprène, chloroprène ;
– esters acryliques, méthacryliques, cyanoacryliques ;
– acrylonitrile, acroléine ;
– acétate de vinyle, vinylpyridine ;
– époxydes.
Le démarrage d’une polymérisation, prévu ou non, n’est pas toujours facile. Il est
initié par une énergie interne fournie de différentes façons. C’est le plus souvent
un catalyseur, soit un générateur des radicaux libres, tel qu’un peroxyde, soit ionique,
tel qu’un acide ou un composé métallique. C’est parfois simplement la lumière,
mais plus encore le rayonnement ultraviolet. De même, il est possible de ralentir
ou de bloquer une polymérisation avec les additifs adéquats. La connaissance de
ces données est évidemment indispensable pour assurer la prévention de ce type
d’événement dangereux, que l’on observe par exemple à l’occasion du stockage de
ces produits.
Cet inventaire, qui ne peut être exhaustif, montre la diversité des sources d’exposition
massive pouvant survenir et décrit autant de situations dangereuses. Beaucoup
d’autres scénarios de réactions chimiques ayant provoqué des sinistres peuvent être
consultés dans la base de données ARIA1.

m Incendies et explosions

Les incendies et les explosions ne sont que des réactions chimiques particulières, à
savoir des combustions, si l’on exclut les explosions d’explosifs évoqués précédemment.
La réaction de combustion demande deux réactifs, dont l’un est un combustible et
l’autre l’oxygène. Elle s’entretient d’elle-même, parce que très exothermique, après
son amorçage que l’on appelle ignition. Cette propriété explique la règle fameuse
du triangle du feu, qui dit que pour qu’il y ait incendie il faut que soient réunis : le
combustible, l’oxygène et la source d’ignition. Nous verrons que ce schéma simpliste
est très efficace au moment de la recherche de mesures de prévention. Pour rester
dans le cadre de l’ouvrage, les combustibles envisagés se limitent aux seuls produits
chimiques.
La situation dangereuse propre au risque incendie est constituée presque toujours
par la présence simultanée du combustible et de l’oxygène. En dehors des situa-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

tions rares où de l’oxygène pur est employé, c’est toujours l’air qui est la source
d’oxygène. Les produits chimiques étant le plus souvent combustibles, surtout
quand ils sont organiques, cette situation dangereuse est omniprésente. Toutefois,
l’évaluation du risque telle qu’elle est développée au paragraphe 2.5.5 montre

1. http://aria.ecologie.gouv.fr/. La base de données ARIA (Analyse, Recherche et Information sur les


Accidents), du Bureau d’analyse des risques et des pollutions industrielles (BARPI) recense depuis
1992 les événements accidentels résultant essentiellement de l’activité des établissements classés au titre
de la législation relative aux installations classées ainsi que du transport de matières dangereuses qui
ont, ou auraient pu, porter atteinte à la santé ou la sécurité publiques, l’agriculture, la nature et l’envi-
ronnement.

83
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

qu’une probabilité significative d’incendie n’est présente qu’avec des produits inflam-
mables. Rappelons que l’inflammabilité peut être caractérisée par le point d’éclair,
mais sa limite inférieure est variable selon les réglementations. Aujourd’hui en Europe,
sont inflammables les substances et préparations dotées des phrases de risque R10,
R11 et R12, mais aussi R17, R18 et R30. Lorsque le SGH sera appliqué, les codes
« H » correspondants à cette catégorie seront plus nombreux parce que dépendants
de l’état physique des produits (voir annexe 5).
L’événement dangereux est l’apparition d’une source d’ignition, que ce soit une
étincelle, une flamme nue, ou un point chaud. Précisons que l’ignition ne peut
avoir lieu qu’en phase vapeur. Cela nécessite que la source d’ignition rencontre des
vapeurs au-dessus du liquide inflammable et cela explique pourquoi l’inflammabi-
lité est une fonction directe de la volatilité. Quant au point chaud, il doit être à
une température minimum correspondant au point d’auto-inflammation du produit
inflammable. Nous verrons au paragraphe 3.2.3 toutes les sources d’ignition que
l’on peut rencontrer en pratique. Voici un exemple de ce type de scénario1 :
« La victime est un homme de 45 ans, conducteur en second sur rotative. Au moment de la reprise
de poste après une vingtaine d’heures d’arrêt, il a été constaté au sous-sol un épanchement de
toluène dans la fosse du porte-bobines d’une rotative (machine à l’arrêt) en héliogravure, par suite
du débordement du bac tampon d’un encrier situé à proximité. La victime et ses collègues, au
cours de l’intervention de traitement de la fuite, ont fait usage de sciure de bois contenue dans des
sacs en plastique pour éponger le produit ; un incendie s’est déclaré et ils ont été intoxiqués par les
fumées (intoxication des poumons et du sang). Parmi les causes de cet accident, il est à noter : une
fuite de robinet(s) non décelée lors de l’arrêt machine ; une concentration en gaz atteignant le seuil
d’inflammabilité ; un début d’incendie dû sans doute à un phénomène d’électricité statique ; un
défaut d’organisation dans l’intervention de traitement du problème d’épanchement d’un produit
très inflammable. »

Un incendie, même à ses débuts, n’est souvent que la première étape d’un scénario
conduisant à un sinistre très grave, lorsqu’il se produit dans un environnement
chimique. Cela parce que tous les inflammables présents à proximité sont rapidement
mis à feu, puis les combustibles grâce à la chaleur dégagée. Ensuite ce sont les
structures porteuses qui sont affaiblies et s’effondrent, provoquant des ruptures de
contenants et de canalisations. Les substances ainsi libérées s’enflamment à leur
tour ou génèrent des réactions dangereuses, improbables au départ, et des explosions.
Cet effet d’auto-aggravation est appelé parfois « effet dominos ». On comprend
pourquoi les services de sécurité dans les entreprises et les assureurs se focalisent
sur le risque incendie. Nous verrons dans le chapitre 4 que la véritable prévention
des incendies est plus économique que le déploiement d’importants moyens de
lutte contre le feu. De nombreux ouvrages traitent du risque incendie en général2.
Le risque d’explosion est très lié au risque incendie, car les facteurs de départ sont
les mêmes : présence d’inflammables ou de combustibles et occurrence d’une source
d’ignition. Mais une explosion demande des conditions supplémentaires pour
survenir. Il s’agit principalement de l’atmosphère explosive. En effet, une explosion

1. Extrait de la base EPICEA de l’INRS.


2. L’INRS propose une brochure synthétique sur le sujet : L’évaluation du risque incendie dans l’entreprise,
ED 970.

84
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

résulte de la combustion rapide, souvent instantanée, du comburant avec l’oxygène


de l’air. Cette réaction se passe donc en phase vapeur ou aérosol, car elle est
possible avec les combustibles à condition qu’ils soient dispersés dans l’air. C’est le
cas avec un combustible liquide sous forme de brouillard, ou un solide sous forme
de nuage de poussières. Toutefois, il faut que la concentration des vapeurs ou des
particules en suspension dans l’air puisse permettre à la combustion de démarrer
et de se propager. Cette concentration doit être comprise entre une limite infé-
rieure d’explosivité (LIE) et une limite supérieure d’explosivité (LSE), condition
qui détermine l’existence d’une atmosphère explosive. C’est cette dernière qui
constitue la situation dangereuse. Mais dès qu’il y a une émission de vapeurs ou de
poussières combustibles dans l’air, il est difficile de garantir qu’il n’existe aucune
zone explosive.
Le tableau suivant donne quelques exemples de valeurs de LIE et LSE, pour des
liquides, classées par LIE croissante.

Eb PE
LIE LSE
Substance (point (point d’éclair
(en %) (en %)
d’ébullition en ˚C) en ˚C)

Dodécane 216 73 0,6 —

Acétate d’octyle 199 71 0,7 8

Kérosène 150-300 43-72 0,7 5

n-décane 174 46 0,8 5,4

Propylbenzène 159 30 0,8 6

Cumène 152 36 0,9 6,5

Naphtalène 217 78 0,9 5,9

Cyclohexanone 155 43 1,1 9,4

Styrène 145 31 1,1 7

Xylène 138 27 1,1 7


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

n-hexane 69 –22 1,2 7,4

Aniline 184 70 1,3 11

Benzène 80 –11 1,3 7,9

Cyclohexane 82 –20 1,3 8

Sulfure de carbone 46 –30 1,3 50

Méthyléthylcétone 80 –9 1,4 11,4

85
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Eb PE
LIE LSE
Substance (point (point d’éclair
(en %) (en %)
d’ébullition en ˚C) en ˚C)

Essence 38-204 –43 1,4 7,6

Butane –1 — 1,8 8,4

Éther éthylique 35 –45 1,9 36

Dioxanne 101 12 2 22

Tétrahydrofurane 66 –14 2 11,8

Acétate d’éthyle 77 –4 2,0 11,5

Diméthylformamide 152 57 2,2 15,2

Acétylène –83 — 2,5 81

Acétate de vinyle 72 –8 2,6 13,4

Acétone 56 –20 2,6 13

Diméthylsulfoxyde 189 95 2,6 42

Acroléine 52 –26 2,8 31

Acrylate de méthyle 80 –3 2,8 25

Acétonitrile 82 2 3 16

Acrylonitrile 77 0 3 17

Oxyde d’éthylène 10 –18 3 100

Éthanol 78 12 3,3 19

Acide acétique 118 39 4 20

Acétaldéhyde 21 –37 4 60

Hydrogène –252 — 4 75

Sulfure d’hydrogène –60 — 4 44

Cyanure d’hydrogène 26 –17 6 41

Bromoéthane 38 — 6,7 11

Méthanol 64 11 6,7 36

86
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Eb PE
LIE LSE
Substance (point (point d’éclair
(en %) (en %)
d’ébullition en ˚C) en ˚C)

Formaldéhyde –19 — 7 73

Chlorométhane –25 — 8,1 17,4

Dichlorométhane 40 — 13 22

Ammoniac –33 — 15 28

Ce tableau montre que ni le point d’ébullition, ni le point d’éclair, ne laissent


présumer de la LIE. Elle est en fait en relation avec la concentration stœchiomé-
trique, c’est-à-dire celle qui donne une combustion totale, compte tenu de la
formule chimique du combustible et de la teneur en oxygène de l’air. Ce point a
été développé dans un ouvrage précédent1.
La sensibilité des aérosols solides à l’explosion est fonction de leur granulométrie,
qui détermine la surface réactive pour un poids donné, mais aussi leur stabilité
dans l’air. Le tableau suivant montre les vitesses de sédimentation de particules
solides en fonction de leur diamètre. Ces chiffres doivent être pris avec prudence,
car un nuage de poussières n’a jamais une granulométrie homogène. Tout au plus
peut-on se référer à une granulométrie médiane, dans la mesure où l’on a pu réaliser
une métrologie.

Diamètre particulaire Vitesse de sédimentation


en microns en mètres par heure

100 1 000

50 100

10 10

5 2,5

1 0,1
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

On considère qu’au-delà d’un diamètre de 100 microns le risque d’explosion reste


très faible. Les limites inférieures d’explosivité sont établies en mg/m3, mais ne
présentent pas la même précision qu’avec les vapeurs. Leur détermination est assez
délicate à réaliser. Le tableau suivant montre quelques exemples de ces valeurs, par
ordre croissant.

1. Guide du risque chimique (ch. 4.1), Guy Gautret de La Moricière, Dunod.

87
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Combustible LIE en mg/m3

Anhydride phtalique 15

Hexaméthylènetriamine 15

Polystyrène 15

Stéarate de zinc 20

Polyéthylène 20

Résine époxydique 20

Amidon 25

Caoutchouc 25

Polycarbonate 25

Magnésium 30

Nylon 30

Polyuréthanne (mousse) 30

Soufre 35

Dextrine 40

Acétate de cellulose 40

Aluminium pulvérulent 40-140

Sucre 45

Aspirine 50

cellulose 55

Charbon 55

Viscose 55

Carboxyméthylcellulose 60

Vitamine C 70

Fer (réduit) 120

Étain 190

Résine urée formol 385

Zinc 460

88
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Pour que l’explosion puisse avoir lieu, il faut d’abord qu’un nuage de poussière se
forme. Si la granulométrie comporte suffisamment de particules fines (< 100
microns), il est très probable qu’une partie du nuage atteindra la LIE. Voyons
comment se forment les nuages de poussières.
Pour qu’il y ait poussières, il faut au préalable une présence de produit pulvérulent.
La plupart des produits chimiques solides sont disponibles sous forme de poudre,
qu’ils soient cristallisés ou amorphes. Une poudre, tant soit peu mise en mouvement,
produit de la poussière d’autant plus stable qu’elle est fine. Hors mise en œuvre des
produits utilisés, la présence de poussières peut venir de la mise en forme pulvérulente
volontaire, c’est-à-dire tout ce qui relève du broyage, du concassage, de l’atomisation,
etc. Cette mise en forme est par contre non désirée dans le traitement mécanique
des matériaux, tel que le sciage, le perçage, le ponçage, etc. La formation d’aérosol
solide peut être le but recherché dans certaines opérations. Il s’agit par exemple de
traitements de surface tels que les dépôts par procédé électrostatique ou le sablage.
Le transport pneumatique est aussi largement utilisé dans le transfert de grandes
quantités de produits chimiques, alimentaires ou agricoles. Enfin, il ne faut pas
perdre de vue le domaine des déchets, dont une grande partie se présente sous
forme pulvérulente, l’exemple le plus banal étant celui du bois. Parmi les opéra-
tions produisant des émissions de poussières de déchets, citons la maintenance des
gaines de ventilation, des filtres, le balayage et tous les nettoyages d’équipements
en général qui contiennent des dépôts pulvérulents.
La source d’ignition d’une explosion, qui est l’événement déclencheur, demande
en général moins d’énergie que pour un incendie. Ainsi, les étincelles générées par
des décharges d’électricité statique sont suffisantes comme source d’ignition des
atmosphères explosives. Dans l’utilisation des produits chimiques, il existe de
nombreuses sources d’électricité statique. En dehors des sources classiques, telles
que le frottement de matériaux non conducteurs, il faut citer en particulier la
circulation des liquides ou solides pulvérulents dans des canalisations non conduc-
trices. Nous renvoyons nos lecteurs à des ouvrages spécialisés pour approfondir ce
sujet1. Rappelons, si cela est nécessaire, que des puissances caloriques et mécani-
ques considérables se développent lors d’une explosion.
Voici deux exemples d’explosion d’aérosols2 :
EXEMPLE 1 :
Le salarié, âgé de 23 ans, ouvrier d’exécution, était occupé avec un autre salarié à vider les filtres, en
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

forme de chaussette, qui sont en bout du système d’aspiration des poussières de sucre de l’atelier de
fabrication de dragées. Pour cela, ils ouvrent successivement les extrémités des filtres pour en évider
les contenus de résidus de sucre et les recycler dans le processus de fabrication. Le système d’aspira-
tion est remis en marche sans raison de service et un nuage de poussière de sucre se répand dans
cette partie de l’atelier. Quelques moments après, une explosion se produit, mettant le feu, brûlant
sur tout le corps le salarié qui est tué sur le coup et blessant légèrement l’autre. À partir d’environ
3 mètres du filtre qui était ouvert se trouvent des appareils de fabrication de dragées avec des
rampes de chauffage à gaz qui fonctionnent durant le nettoyage des filtres.

1. Nous conseillons par exemple deux brochures de l’INRS : Les mélanges explosifs. Gaz et vapeurs (ED 911)
et Les mélanges explosifs. 2. Poussières combustibles (ED 944).
2. Extraits de la base EPICEA de l’INRS.

89
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

EXEMPLE 2 :
La victime, un ouvrier spécialisé âgé de 28 ans, travaillait sur une chaîne d’encollage automatique
de 1986, lorsqu’une décharge d’électricité statique au niveau du convoyeur a provoqué l’inflamma-
tion du nuage de colle pulvérisée par le pistolet de la chaîne d’encollage. L’explosion produite a
désolidarisé les tuyaux souples d’alimentation des pistolets, qui se sont mis à projeter le feu en
fouettant dans l’air. L’ensemble de l’installation s’est enflammé, notamment le fût de 200 kg de
colle en réserve dans l’atelier. Par suite de l’incendie, et de la dégradation du stock de mousse poly-
uréthanne présent dans l’atelier, une importante fumée toxique s’y est dissipée. Deux salariés,
coincés au fond de l’atelier, ont dû relever le rideau métallique pour sortir du bâtiment. Ce maintien
dans une atmosphère dangereuse a entraîné l’intoxication des deux salariés, dont la victime, qui
ont dû être hospitalisés et gardés en observation.

Le deuxième exemple illustre très bien l’enchaînement de dommages de gravité


croissante, appelé « effet dominos ».

m Sous-oxygénation

La sous-oxygénation est un manque partiel ou total d’oxygène dans l’air. Une


personne respirant cet air va se trouver en hypoxie, puis en anoxie, conduisant
rapidement à un décès par asphyxie. L’air normal contient environ 21 %
d’oxygène et 79 % d’azote. Cette composition peut être modifiée par la présence
de gaz ou de vapeurs. Supposons par exemple que l’on introduise du dioxyde de
carbone à concurrence de 10 % d’un volume donné. Les teneurs en oxygène et
azote vont respectivement descendre à 19 % et 71 %. On considère que la zone de
sécurité va de 19 % à 25 % d’oxygène, mais ces chiffres sont très dépendants de
facteurs individuels, comme l’état de santé, la pratique sportive, etc.
À condition qu’il soit inerte, un gaz peut donc occuper jusqu’à dix pour cent de
l’air avant de créer un risque d’hypoxie. C’est le cas de l’azote, du dioxyde de
carbone, de l’hélium et des autres gaz rares, tels que le néon ou l’argon. L’hydro-
gène, bien qu’on ne lui connaisse pas de toxicité, présente un tel risque d’explosion
qu’il n’est pas envisagé dans le cadre de la sous-oxygénation. Pour les vapeurs, le
calcul serait le même, si n’intervenait pas d’abord la toxicité. En effet, eau
exceptée, la VLEP la plus élevée que l’on rencontre est la VLE de l’éthanol à
5 000 ppm, soit 0,5 %. Cela veut dire que les atteintes à la santé interviendront
bien avant l’hypoxie. Le dioxyde de carbone a un effet particulier, à savoir que dès
une concentration d’environ 15 %, il provoque des troubles graves, dont une
perte de connaissance, avant que ne se manifestent ceux de l’anoxie.
Ce risque est souvent oublié dans les analyses parce que l’habitude est de partir des
agents chimiques présentant un danger. Dans le cas de la sous-oxygénation, la
situation dangereuse peut se présenter de plusieurs façons :
Présence d’un stock de gaz inerte :
Il peut être contenu dans une bouteille sous pression, un réservoir cryogénique,
une canalisation, etc. L’événement dangereux partira d’une fuite, d’une rupture,
d’une ouverture intempestive, d’un renversement, etc. La manipulation de touries
d’azote liquide, observables dans différents laboratoires, crée ce type de situation
dangereuse, de même que la pratique de l’inertage de cuve, dans l’industrie
chimique notamment.

90
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Génération de gaz inerte :


Cela concerne principalement le dioxyde de carbone en cas de réaction imprévue,
par exemple d’un acide sur un carbonate. Certaines réactions chimiques peuvent
aussi générer de l’azote gazeux. Les événements dangereux correspondants sont
ceux qui ont déjà été évoqués pour les réactions dangereuses (paragraphe 2.5.2).
Pénétration dans une atmosphère sous-oxygénée :
La situation dangereuse est alors constituée par l’espace confiné : enceinte, local,
souterrain, tunnel, excavation, etc., comme pour le risque de toxicité aiguë. Encore
faut-il pouvoir imaginer un manque d’oxygène et, pour ce faire, quels événements
en seraient responsables. L’expérience met en évidence les facteurs suivants :
– Combustion : Une combustion consomme nécessairement de l’oxygène, qui est
progressivement remplacé par du dioxyde de carbone, mais aussi par du monoxyde
de carbone si la combustion est incomplète. Ainsi une combustion sans flamme,
initiée par un point chaud, dans un espace mal ventilé, est un véritable piège
mortel. Mais la pollution peut aussi provenir d’un appareil de chauffage en
dysfonctionnement, sans que l’on s’en aperçoive.
– Oxydation : L’oxygène de l’air peut être consommé par l’oxydation de métaux,
essentiellement ferreux. La baisse de la concentration qui en résulte n’est sensible
qu’en espace confiné et en présence de surfaces neuves, non déjà oxydées. Ce
scénario se rencontre dans la chaudronnerie et dans la construction navale, qui
réalisent de grands volumes clos avec des tôles d’acier neuf. Ce type d’accident
est toutefois relativement rare.
– Inertage : Il est d’usage, pour éviter les atmosphères explosives, d’introduire de
l’azote dans de grandes cuves, réacteurs ou réservoirs. Mais il est aussi d’usage
de pénétrer ces volumes pour y exécuter des opérations de maintenance. Si
l’atmosphère d’un tel volume n’est pas rendue respirable avant toute intrusion,
l’accident est inévitable, comme le montre cet exemple1 :
La victime, âgée de 40 ans, opérateur de fabrication, a pénétré dans une cuve de fermentation
utilisée pour la fabrication de ferments lactiques. Elle a été asphyxiée et a perdu connaissance, la
cuve étant en atmosphère saturée en azote (sans oxygène). Elle a voulu secourir un collègue en
contrat de qualification BTS Maintenance qui était sans connaissance dans la cuve, également
asphyxié par le manque d’oxygène. Ce collègue avait voulu récupérer un couvercle de boîte tombé
inopinément dans la cuve. Auparavant, un autre collègue avait tenté de récupérer le couvercle mais
était remonté rapidement, car il s’était trouvé incommodé. L’alerte est donnée. De l’air comprimé
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

est injecté par le haut et le bas de la cuve pour la purger. La victime et son collègue auraient recom-
mencé à bouger avant l’arrivée des pompiers. La victime a repris connaissance en sortant de la cuve,
le collègue seulement à l’hôpital. Une canne est à disposition pour retirer les objets de la cuve mais
n’a pas été utilisée. Des masques filtrant l’ammoniac sont également à disposition mais n’ont pas
été utilisés et n’étaient pas adaptés à la situation.

– Fermentation : La fermentation de matières organiques, provoquée par des


micro-organismes, peut générer du dioxyde de carbone quand elle est aérobie et du
méthane ou du sulfure d’hydrogène quand elle est anaérobie. La situation
dangereuse est donc liée à la présence de ces matières organiques. Elle est

1. Extrait de la base EPICEA de l’INRS.

91
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

évidemment prévisible dans les installations où l’on provoque la fermentation,


telles que les stations d’épuration. Mais il faut également l’envisager dans des
travaux de fouilles et d’excavation, car l’historique des terrains n’est pas toujours
bien connu.

2.5.3 Dommages
Ceux-ci peuvent être inventoriés par la synthèse suivante, établie après consultation
des bases de données sur les accidents du travail :

m Dommages provoqués par un contact cutané massif

Effets réversibles :
Le premier stade de l’atteinte à la peau se manifeste par des rougeurs, des irritations,
l’apparition de boutons et d’eczéma. Ces effets cessent après suppression de l’expo-
sition et élimination de l’agent.
Brûlure chimique :
En fonction de la corrosivité de l’agent chimique et de la durée du contact, des
dégradations de l’épiderme et du derme peuvent intervenir. Elles peuvent laisser
des séquelles visibles. Notons qu’une simple goutte de produit corrosif peut provo-
quer des graves atteintes à l’œil. Des substances possèdent un effet corrosif renforcé
par une capacité accrue à la pénétration percutanée. Parmi celles-ci, citons le
brome, l’acide monochloracétique et l’acide fluorhydrique, capables de ronger la
peau assez profondément. L’acide fluorhydrique, dont l’utilisation se rencontre dans
beaucoup de domaines, est un toxique insidieux, car même quand les dommages
cutanés sont relativement modérés, les effets sur le métabolisme du calcium osseux
sont redoutables et même mortels.
Effets toxiques généraux :
Une forte exposition cutanée à un solvant, en particulier halogéné, provoque, en
plus des dommages cutanés, des effets similaires à une intoxication respiratoire,
en raison du passage rapide dans le sang par voie percutanée.

m Dommages provoqués par une inhalation massive

L’intoxication aiguë commence par de simples malaises, tels que nausées, vertiges,
céphalées, troubles de la vue et de l’équilibre. Elle peut aller jusqu’à la suffocation,
perte de connaissance et mort. Les mécanismes de l’intoxication sont différents
selon les substances, selon qu’elles agissent sur le système nerveux central, comme
beaucoup de solvants, ou sur le métabolisme sanguin, comme pour les « poisons » tels
que le cyanure d’hydrogène ou le monoxyde de carbone. Quant au sulfure d’hydro-
gène (H2S), une rapide perte de connaissance intervient à partir de 500 ppm, suivie
d’un coma parfois convulsif accompagné de troubles respiratoires (dyspnée et
cyanose), d’un œdème pulmonaire, de troubles du rythme cardiaque et de modifi-
cations tensionnelles. Aux concentrations supérieures à 1 000 ppm, le décès survient
de façon très rapide, en quelques minutes.

92
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Pour fixer les idées, reprenons l’exemple du paragraphe 2.5.2 qui montrait que deux
litres de dichlorométhane évaporés dans un local de 20 m2 générait une concentration
de 15 000 ppm. On sait que des troubles graves interviennent avec cette substance
sur l’homme dès 2 000 ppm et que la concentration létale (CL50) par inhalation
pour les souris est de 24 850 ppm en 30 min.
De même, un effet narcotique, comme en présentent nombre de solvants, peut se
manifester très rapidement en fonction de la concentration. Il est alors responsable
d’autres types d’accidents : chutes, blessures, accidents de circulation, etc. Ces
accidents ne sont pas toujours mis en relation avec l’exposition aux solvants,
surtout s’ils se produisent après le temps de travail.

m Dommages accidentels indirects par incendie ou explosion

Un incendie produit d’abord beaucoup de chaleur, donc les personnes qui n’ont
pu s’échapper sont victimes de brûlures thermiques de toutes gravités. Il génère
ensuite beaucoup de gaz et de vapeurs qui peuvent être toxiques. Il consomme
aussi de l’oxygène, créant ainsi un risque d’anoxie. Enfin, les fumées abondantes
sont à l’origine d’irritation des yeux et des voies respiratoires, pouvant aller jusqu’à
une suffocation.
Une explosion cause toujours de graves dommages humains et aux installations.
Le premier effet est le souffle, qui projette objets et personnes à proximité. Mais
lorsqu’elle se produit dans un récipient, elle provoque sa rupture brutale en
envoyant des projectiles, qui peuvent être lourds et acérés, à de grandes distances.
Elle s’accompagne généralement d’une expansion de flammes et de gaz brûlants,
produisant eux-mêmes des brûlures et des départs d’incendies, voire d’autres
explosions. Comme dans les incendies, le risque d’intoxication aiguë s’ajoute à
tous ces effets.

m Dommages provoqués par une ingestion accidentelle

Une ingestion accidentelle de produit chimique est souvent d’un volume non
négligeable, plusieurs centilitres, en raison de l’effet de surprise. La voie digestive
est d’abord sensible au contact direct des produits avalés. On peut avoir, selon les
propriétés des produits en cause, des irritations et des brûlures, rapidement très
graves en raison de la sensibilité des muqueuses. Ensuite peuvent suivre des effets
d’intoxication générale par assimilation au niveau de l’estomac et de l’intestin.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Certains toxiques agissent à des doses si faibles qu’une simple contamination des
aliments peut provoquer une intoxication.

m Dommages provoqués par l’anoxie

Lorsque la concentration en oxygène dans l’air est entre 12 et 16 %, on observe


une augmentation du rythme respiratoire et du pouls, ainsi qu’un manque de
coordination des mouvements. À moins de 10 % apparaissent une fatigue anor-
male, des nausées, des vomissements et des pertes de conscience. À moins de 6 %,
des convulsions se produisent, le sujet devient inconscient, la respiration s’arrête,
puis le cœur quelques minutes après.

93
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

2.5.4 Arbre des causes


L’arbre des causes est une méthode d’analyse d’accident mise au point par l’INRS
il y a plusieurs décennies. Elle n’a rien perdu de son opportunité et son utilité s’est
vue renforcée par l’émergence de la notion d’évaluation des risques dans les régle-
mentations. Il s’avère en effet qu’elle constitue un puissant outil de repérage des
facteurs « premiers », c’est-à-dire étant à l’origine des situations et des événements
dangereux possibles dans le domaine étudié. C’est d’ailleurs en appliquant cette
méthode à un grand nombre d’accidents liés aux produits chimiques que nous avons
élaboré le modèle sur lequel repose notre méthodologie, résumée au paragraphe 2.2.1.
Ainsi, à côté d’une méthodologie prédictive des dysfonctionnements, il est indis-
pensable de faire une bonne analyse de ceux qui se sont malgré tout produits, qu’ils
soient des accidents, des « presque accidents » ou de simples incidents. Nous allons
voir, sur quelques exemples, la puissance de cette méthode. Il n’est cependant pas
inutile de rappeler les bonnes pratiques de la méthode de l’arbre des causes.

m La méthode

Cause C de
rang 2
Cause A de
rang 1
Cause D de
rang 2

Dommage final
Cause E de
rang 2

Cause B de
rang 1
Cause F de
rang 2

Figure 2.12 – Principe de l’arbre des causes

La méthode consiste à partir du constat du dommage final, pour identifier ses


causes immédiates, nécessaires et suffisantes, sachant qu’il peut y en avoir une comme
trois ou quatre. En réitérant ce raisonnement élémentaire à chaque cause identifiée,
on construit un enchaînement de causes de plus en plus ramifié, à l’instar d’un arbre
généalogique. Il est toujours possible de trouver une cause à une cause, constat qui
rendrait cet arbre infini ! Le bon sens dicte à quel rang il faut s’arrêter, en général
au niveau des choix stratégiques de l’organisation concernée, ce qui est déjà beaucoup.
Une fois l’ensemble des causes identifiées, il ne reste plus qu’à trouver les moyens
d’éliminer chacune d’elles, en commençant par les plus hautes dans la hiérarchie.
En effet, le schéma ci-dessus montre bien que la suppression d’une cause de rang n
élimine toutes les causes en aval qui en dépendent.

94
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Cette description courte de la méthode montre bien sa simplicité, qui en fait son
universalité, car elle n’est évidemment pas réservée au risque chimique, ni même
aux accidents, mais applicable à tout dysfonctionnement. L’efficacité de la méthode
tient à ce que les conclusions sont logiques et non pas intuitives, comme dans beau-
coup de décisions. Inversement, elle conduit automatiquement à une pluralité de
causes, excluant ainsi le réflexe simpliste de la cause unique des faits. Cependant,
elle n’a pas le succès escompté, car elle est souvent mal appliquée. Il existe en effet
trois points clés qu’il ne faut absolument pas négliger pour en tirer le meilleur parti.
– La méthode est rigoureusement factuelle, c’est-à-dire que l’arbre doit être cons-
truit à partir de faits établis, à ne pas confondre avec des opinions ou des juge-
ments, du type « il était trop… il semblait…, il aurait dû…, etc. ». Il faut dire
« la température était de l’ordre de 120 ˚C et la consigne était de 90 ˚C » au lieu
de « la température était trop élevée ». Avant de construire un arbre des causes,
il faut d’abord recueillir le maximum de faits avec précision, en s’attachant à
repérer les écarts et les états inhabituels.
– Il faut éviter toute négation suggérant un écart, comme « il ne portait pas son
casque » ou « il n’y avait pas d’extincteur ». Ces formulations induisent une
mesure de prévention, qui n’est pas forcément judicieuse. D’autre part, cette méthode
ne doit pas servir à identifier des fautes, mais seulement des problèmes. Ainsi, la
vraie cause d’une brûlure aux mains est le contact avec un produit qui fuit, par
exemple, mais pas l’absence de gants, car l’état standard d’un individu implique
les mains nues. Le port de gant n’est alors qu’une des possibilités de solution,
qu’il ne faut pas mettre en avant. De même, plutôt que de dire « il n’y avait pas
de couvercle sur la cuve », il vaut mieux dire soit « des vapeurs sortaient par
l’ouverture de la cuve », soit « le couvercle avait été déposé », ces deux faits étant
plus précis. Dans la pratique, c’est certainement la règle la moins respectée.
– L’arbre des causes et l’enquête qui précède doivent être élaborés par une équipe
pluridisciplinaire, animée par un garant de la méthode. Cette démarche collective
est indispensable pour obtenir un consensus sur les mesures à prendre, qui seront
d’autant mieux appliquées. Cela facilite en outre le respect des deux règles
précédentes.

m Exemples d’arbres des causes

Étude de cas 1 :
Relation des faits :
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

À 10 h 30, un camion d’une entreprise de distribution de produits chimiques


arrive dans l’entreprise de traitement de surface cliente. I1 doit livrer 3 000 1 de
lessive de soude et 2 500 1 d’acide chlorhydrique dans les cuves de stockage.
Les opérations de raccordement sont opérées, comme d’habitude, en présence du
responsable de la station d’épuration. Les produits sont dans des citernes mobiles
et le transfert se fait par pression à l’aide d’un compresseur. Comme le débit lui
paraît faible, le chauffeur va vérifier le remplissage de la citerne d’acide se trouvant
à l’intérieur du local. Il constate alors la présence de vapeurs et se trouve rapide-
ment pris de suffocation. Il est secouru par le technicien, puis transféré à l’hôpital par
les pompiers appelés par la suite. La victime s’est par la suite rétablie sans séquelles.

95
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Une vérification, rapidement faite, a montré que la citerne de livraison, sensée


contenir de l’acide chlorhydrique, contenait en fait de l’hypochlorite de sodium
(eau de Javel) suite à une erreur humaine au cours du chargement. D’où l’origine
du nuage de chlore issu de la réaction de l’hypochlorite sur 1’acide chlorhydrique
contenu dans la citerne fixe. Cela a été d’abord nié par le fournisseur, prévenu au
téléphone, puis reconnu.
Schéma de l’environnement :

porte
bisulfite
NaOH javel HCl
.
chaux

vannes
station
camion d’épuration

bureaux

Figure 2.13 – Plan de la zone d’accident

Schéma du poste de travail :

ventilation
air comprimé

cuve
mobile
cuve HCl

camion

vanne marquée « HCl »

Figure 2.14 – Coupe du poste de déchargement

Recueil d’informations complémentaires après enquête :


– Le bon de livraison mentionnait de l’acide chlorhydrique.
– Il n’y avait pas d’étiquetage de la cuve mobile.
– La ventilation ne concerne que les citernes dans l’atelier et il n’y a pas de venti-
lation générale.
– Il s’est écoulé 400 1 d’hypochlorite.
– Le couvercle de la cuve d’acide était simplement posé, puisque la cuve est toujours
en légère dépression.

96
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

– Il n’y a pas de contrôle des produits livrés.


– Le chauffeur n’avait pas de masque.
– Le technicien de la station d’épuration avait un masque adapté et s’en est servi.
– Le chlore a détruit le pupitre de pilotage de la station.
Arbre des causes établi dans l’entreprise :

acide sur
erreur au confiance au de l’acide a été
le bordereau
chargement chauffeur commandé
de livraison

hypochlorite dans contenu identifié


la cuve du camion comme acide

délai de détection
introduction
de l’incident
d’hypochlorite
dans l’acide
quantité versée
importante incident de
dépotage

émission massive
de chlore cuve de stockage vérification
dans la station du niveau

couvercle soulevé

chlore dans la station chauffeur dans la station

intoxication au chlore

Figure 2.15
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Remarques sur l’arbre des causes :


– La méthode met bien en évidence l’importance de l’erreur d’identification de
produit, par rapport à un non-port de protection respiratoire qui venait à l’esprit
au départ.
– Les causes en grisé sont celles qui feront l’objet de mesures de prévention.
– L’arbre a bien été établi sans négations, contrairement aux observations figurant
dans le rapport d’enquête.
– Toutes les observations ne sont pas reprises dans l’arbre, car certaines n’ont pas
joué de rôle direct dans l’apparition de l’accident, comme le défaut de marquage
des cuves de transport.

97
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Étude de cas 2 :
Relation des faits :
Dans un laboratoire de recherche, une technicienne chimiste doit lancer une réac-
tion dont l’un des réactifs est le carbonate de diméthyle. Elle va chercher le flacon
au local de stockage et s’apprête à l’ouvrir sur la paillasse, à l’intérieur de la sorbonne où
est monté son appareil. Elle dévisse le bouchon du flacon et, à cet instant, un petit
jet de liquide s’échappe de l’ouverture et atteint un œil de la technicienne. Elle
cherche aussitôt un lave-œil, qu’elle va trouver au bout de deux minutes. Elle aura
une légère lésion oculaire, mais sans séquelles après les soins dispensés.
Recueil d’informations complémentaires après enquête :
Le flacon était en surpression.
La technicienne avait oublié de remettre ses lunettes de protection, car elle sortait
d’une réunion.
Le réactif était en stock depuis 3 ans.
Le flacon était entamé.
Le lave-œil était placé dans le couloir menant au laboratoire.
Le carbonate de diméthyle se décompose en présence d’eau en méthanol et dioxyde
de carbone.
L’étiquette du flacon mentionnait les informations de sécurité suivantes :
R11 : Facilement inflammable
R36/38 : Irritant pour les yeux et la peau
S9 : Conserver le récipient dans un endroit bien ventilé
S16 : Conserver à l’écart de toute flamme ou source d’étincelles. Ne pas fumer.

Arbre des causes établi dans l’entreprise :

Produit
hydrolysable Mode
avec formation opératoire
de gaz
Pression Produit irritant
Prise interne
d’humidité 1

3 ans de Projection Lésion


stockage 2 de produit 3 oculaire 5

Besoin pour
la réaction Contact
Ouverture oculaire 4
rapide du
flacon
Flacon bouché
et étiqueté

Travail manuel Yeux à


délicat proximité

Figure 2.16 – Arbre des causes d’accident au laboratoire

98
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Remarques sur l’arbre des causes :


– Ni l’étiquette ni la FDS, consultée après coup, ne mettent en garde contre le risque
d’hydrolyse. Seule la bibliographie et la formation peuvent amener à l’imaginer.
– Les causes numérotées de 1 à 5 sont celles qui sont retenues pour une mesure de
prévention.
– La cause « ne portait pas de lunettes de protection » ne figure pas, comme convenu,
malgré son apparente évidence. Cela n’empêche pas la mesure d’être indiquée
pour la cause n˚ 4.
Étude de cas 3 :
Relation des faits :
Dans un atelier de chimie fine, on réalisait la fabrication d’une amine secondaire
par réduction d’un imide au borohydrure de sodium. La réaction est conduite
dans un réacteur équipé d’un condenseur vertical pour le reflux de solvant. Le
réactif, en suspension dans du chloroforme, est d’abord introduit dans le réacteur.
Ensuite on ajoute lentement l’imide préparée en solution dans le chloroforme avec
un activateur, dans un autre réacteur. L’addition se fait en 8 heures, au moyen
d’une pompe doseuse, au reflux du chloroforme. Mais 15 min après le début du
transfert, l’opérateur entend une explosion dans le premier réacteur. Aussitôt
après, des flammes fusent par le plan de joint du couvercle et atteignent l’opéra-
teur qui s’enfuyait. La victime a été gravement brûlée dans le dos et intoxiquée par
les gaz de combustion.
Schéma de l’installation :

évent

condenseur
Disque
de rupture

Imide Borohydrure
+ activateur + CHCl 3
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Réacteur
Pompe doseuse

Figure 2.17 – Schéma d’installation de chimie fine

Recueil d’informations complémentaires après enquête :


Une explosion a précédé le jet de flammes.
Le disque de rupture a sauté.
L’opérateur était nouveau à ce poste.
La réaction avait été conduite 21 fois sans incident.

99
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Le débit de coulée était 7 fois plus rapide que la normale.


La pompe doseuse est réglable par de simples repères.
Une odeur de chloroforme a précédé l’explosion.
La réaction dégage de l’hydrogène avec des traces de diborane.
La température d’auto-ignition du diborane est de 40 ˚C.
Il y avait une alarme de température dans le condenseur, qui n’a pas fonctionné.
La pompe doseuse était réglée pour une autre réaction.
Arbre des causes établi dans l’entreprise :

Réglage de pompe modifié Opérateur nouveau 1

Débit de réactif très supérieur à la consigne 2 Délai de démarrage de la réaction

Réaction exothermique Accumulation de réactif non réagi

Emballement de la réaction 3

Dégagement rapide d’hydrogène et de diborane Évent de diamètre 50 mm

Montée rapide en pression 4

Éclatement du disque de rupture

Décompression brutale et arrivée d’air dans le réacteur 5 Milieu réactionnel à 65 °C

Auto-ignition du diborane

Ignition de l’hydrogène

Surpression
Pilotage à vue 6
Fuite au couvercle

Jet de vapeurs en flammes Opérateur à proximité du réacteur

Opérateur brûlé gravement

Figure 2.18 – Arbre des causes d’un accident de process chimique

100
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Remarques sur l’arbre des causes :


– Un tel arbre est long à construire. Il demande une bonne équipe pluridiscipli-
naire, une enquête minutieuse et des vérifications d’hypothèses.
– La survenue d’une explosion a été difficile à expliquer au départ, car il n’y avait
pas de source d’ignition présente. Son explication est venue de la découverte de
la formation de diborane et de la rupture du disque. En effet, le bruit de cette
rupture s’est confondu avec celui de l’explosion, ce qui fait qu’on l’a prise pour
la conséquence de l’explosion et non pas pour la cause.
– La rupture du disque de surpression a aussi été difficile à expliquer, car l’embal-
lement de la réaction est passé inaperçu. Ce n’est que le signalement de l’odeur
de chloroforme qui a conduit à cette hypothèse. Le contrôle de température,
étant placé au niveau du condenseur, n’a pas montré de montée significative en
raison du reflux.
– Les causes numérotées de 1 à 6 sont celles qui feront l’objet de mesures de
prévention, décrites au paragraphe 5.2.2.
– Cet arbre des causes a été très riche en enseignements pour la sécurité des
process en général, comme en témoigne le plan de prévention qui en a découlé.
Les principes en sont repris au paragraphe 5.2.2.

m Conclusion

Chaque arbre montré ici est issu du travail collectif d’un groupe particulier. Tout
autre groupe aurait abouti à un arbre différent. Mais la logique de la méthode fait
que l’on arrive toujours aux mêmes conclusions et aux mêmes choix de principe
des mesures de prévention, du moins si on l’applique avec rigueur.
Ces exemples montrent bien la multiplicité des causes de tout accident ou inci-
dent, ce qui ouvre un choix de mesures de prévention beaucoup plus large que
celui qui résulte de la seule intuition. Dès que l’on remonte un peu dans la hiérar-
chie des causes, elles deviennent principalement du type organisationnel. En final,
c’est le management qui est en cause. Ce point est fondamental et le nier
condamne à terme toute démarche de prévention à l’échec.

2.5.5 Estimation du risque accidentel


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

L’estimation du risque accidentel est une étape de l’analyse encore plus indispen-
sable que dans le processus chronique, en raison du nombre d’événements
dangereux que l’on est amené à envisager. Elle s’appuie toujours sur deux variables,
la gravité et la probabilité du dommage, qui dépendent elles-mêmes de beau-
coup de facteurs, différents selon la nature du dommage. Rappelons que cette
règle est commune à tous les types de risques accidentels. La norme ISO 141211,
qui vise les accidents sur équipements de travail, cite les facteurs déterminants
(chapitre 7.2) :

1. Norme ISO 14121-1-2007 - Sécurité des machines – Principes pour l’appréciation du risque.

101
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

LE LA LA
RISQUE GRAVITÉ PROBABILITÉ D’OCCURRENCE
de ce dommage

relatif au est une du dommage et – fréquence et durée d’exposition


phénomène fonction possible pouvant de – probabilité d’occurrence d’un
dangereux de résulter événement dangereux
considéré du phénomène – possibilité d’éviter ou de limiter
dangereux considéré le dommage

Cela peut très bien s’appliquer au risque chimique, mais en tenant compte de ses
spécificités, notamment la nature des dommages. Nous allons examiner comment
gravité et probabilité se déterminent en l’occurrence.

m Niveau de gravité

Les dommages peuvent se situer sur une échelle de gravité assez classique quand ils
sont corporels :
– 1 = Dommage réversible ;
– 2 = Dommage irréversible avec incapacité légère ;
– 3 = Dommage irréversible avec incapacité lourde ;
– 4 = Décès.
Le niveau de gravité concerne le dommage envisagé. Il est assez difficile à fixer sans
respecter des règles de raisonnement. En effet, on peut observer que tout peut
arriver dans un accident, de l’absence totale de dommage jusqu’au décès. Cela est
dû au fait qu’il existe un lien étroit entre la gravité et la probabilité, selon une
variation classique que le schéma suivant synthétise :

10

6
probabilité

0
0 2 4 6 8 10
gravité

Figure 2.19 – Relation entre gravité et probabilité d’un dommage donné

102
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Ce qui fait la différence d’importance des risques, c’est le positionnement de la


courbe, comme le montre le graphe suivant :

!0

9
Importance du risque
8

7
Probabilité

0
0 2 4 6 8 10
Gravité

Figure 2.20 – Courbes de risque d’importances différentes

Dans la pratique, il suffit de situer la gravité la plus fréquente pour l’événement


considéré d’après l’historique et les statistiques disponibles ou, à défaut, pour des
événements similaires.
Quand le dommage chimique se produit par contact massif direct, cutané ou
respiratoire, que l’on appelle aussi exposition aiguë, la gravité s’estime comme celle
d’une exposition chronique, c’est-à-dire qu’elle est en rapport avec le niveau de danger
et la dose reçue d’agent chimique. La différence est que la dose reçue est unique et
de durée relativement courte. En outre, le caractère aléatoire de cet événement
interdit tout calcul prédictif, même grossier, de la dose susceptible d’être absorbée.
Seule la quantité mise en œuvre permet une estimation relative. Par exemple si un
opérateur travaille sur 1 litre de solvant, la gravité d’un accident d’intoxication aiguë
sera a priori inférieure à celle qu’engendre le travail sur 1 000 litres du même solvant.
Mais c’est une estimation qu’il faut traiter au cas par cas, selon les caractéristiques
du poste de travail.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Pour le risque lié à la réactivité, la gravité du dommage est à la fois fonction de la


chaleur totale de réaction et du danger des substances volatiles formées, plus que
de celui des réactifs, mais leur quantité est tout aussi influente sur cette gravité. Le
tableau du paragraphe 2.5.2 montre que, souvent, la toxicité des substances formées
est telle que le dommage le plus fréquent à considérer est le décès.
Pour un risque d’incendie/explosion, la gravité du dommage ne dépend plus du niveau
de danger de l’agent chimique, qui n’est que le déclencheur, mais des circonstances
et de l’environnement présents à l’instant du déclenchement. Ainsi la gravité du
dommage sera fonction de la position de l’individu par rapport à la source du
phénomène, de son ampleur, du nombre d’individus menacés, de la possibilité de
projection d’objets ou de produits chimiques, de celle d’émanations massives, etc.

103
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

Pour imaginer le scénario, il convient de distinguer l’incendie de l’explosion. En effet,


un incendie laisse généralement beaucoup plus de possibilités d’évitement des
dommages, tel qu’une évacuation et une première lutte contre le feu. Mais il est
difficile, excepté en l’absence totale de produits inflammables, d’exclure le risque
d’explosion. Comme la prudence veut que, dans le doute, on envisage le dommage
le plus grave, c’est presque toujours la mort qui est retenue comme dommage
maximum dans ce type d’accident. Une gravité inférieure n’est envisageable que
pour un travail sur de petites quantités (quelques cm3). La gravité dépend aussi du
nombre de personnes exposées.
La détermination d’un niveau de gravité reste donc très intuitive, mais doit être
guidée par la prise en compte des paramètres que l’on vient d’évoquer, surtout pour
un classement relatif.

m Niveau de probabilité

Que l’accident envisagé soit de type exposition massive ou incendie/explosion, la


probabilité de survenue de l’accident est essentiellement fonction du scénario.
Rappelons que ce scénario est un enchaînement de faits élémentaires, ayant chacun
leur propre probabilité. La probabilité du dommage, et c’est la seule qui compte,
est une combinaison de toutes les probabilités intervenant à chaque étape. Pour
illustrer ce concept, reprenons l’exemple du paragraphe 2.5.2.

Étape Facteur influent Probabilité

Proximité entre le passage du chariot


Choc chariot/tuyauterie P1
et la tuyauterie

Desserrage des brides Qualité du serrage initial P2

Fuite du liquide Présence de liquide sous pression P3

Contact liquide/opérateur Présence de l’opérateur sous la bride P4

Brûlure chimique P = P1 ¥ P2 ¥ P3 ¥ P4

Nous voyons en particulier qu’un déclencheur assez probable peut ne générer


qu’un dommage assez peu probable. D’autre part, il y a autant de probabilités
finales que de variantes de scénarios. Néanmoins, certains facteurs accroissent ou
réduisent le niveau de probabilité d’un événement dangereux. Rappelons d’abord
ceux que cite la norme ISO 14121 :
– La fréquence et la durée de présence en situation dangereuse, en vertu des lois
statistiques. On retrouve ici la notion de durée cumulée, déjà exploitée pour
l’exposition chronique. Elle sera éventuellement fonction de l’importance du
travail manuel dans le mode opératoire.
– L’importance des possibilités d’évitement, telles que la fuite, l’esquive, la mise à l’abri,
voire l’apnée, qui sont des gestes réflexes, acquis par l’expérience et déclenchés

104
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

soit par la vue directe du dysfonctionnement, soit par des avertisseurs ou signaux
installés dans ce but.
Ajoutons à ceux-ci les facteurs plus spécifiques du risque chimique :
– la quantité de produit mis en œuvre, qui agit aussi sur la probabilité en facilitant
l’atteinte d’une concentration critique, que ce soit une VLEP ou une LIE ;
– la distance homme-produit ;
– le confinement du poste pour l’intoxication aiguë ;
– la pression des produits liquides ou gazeux ;
– la volatilité et le point d’éclair pour le risque incendie/explosion ;
– le degré d’ouverture de l’installation, c’est-à-dire l’importance des surfaces de
produit à l’air libre.
En particulier, la probabilité d’une explosion est elle-même estimée à partir de
certains facteurs, tels que :
– le volume possible de l’atmosphère explosible ;
– la concentration probable des vapeurs dans l’air ;
– l’inflammabilité du produit (en fonction de son point d’éclair) ;
– la présence possible de sources d’ignition.
L’exemple suivant illustre l’influence de l’inflammabilité sur la probabilité d’une
explosion1 :
« La victime est métallier dans une entreprise de métallerie-serrurerie. Lors d’un essai de pulvérisa-
tion après une opération de rinçage d’un pistolet d’application de peinture électrostatique, une
explosion s’est produite, brûlant gravement l’opérateur au visage. L’opérateur a semble-t-il oublié
de couper le boîtier électrostatique, et effectué le rinçage de l’installation en rejetant le solvant
directement dans un fût. Lorsqu’il a rétabli l’air comprimé, le fonctionnement du dispositif élec-
trostatique s’est rétabli automatiquement. Le solvant utilisé a un point d’éclair de 6 ˚C au lieu des
30 ˚C préconisés par le fabricant du pistolet ; la moindre étincelle au niveau du bouchon du fût
peut provoquer une explosion à température ambiante. »

La probabilité d’une réaction incontrôlée est fonction d’abord de son exothermicité,


mais surtout de la criticité de ses paramètres de fonctionnement. Les moyens qui
permettent de respecter ces conditions, souvent très précises, sont aussi détermi-
nants sur cette probabilité. L’exemple le plus connu des chimistes est celui des
réactions de nitration. Quant aux réactions imprévues, leur probabilité va dépendre
de la possibilité de rencontre de produits incompatibles d’une part et de la présence
humaine d’autre part.
Ces quelques points seront déterminants au moment du choix des mesures de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

prévention. En outre, il ne faut pas sous-estimer l’importance des erreurs humaines


dans le déclenchement des événements dangereux. Elles ont été reconnues dans de
nombreuses catastrophes technologiques, comme en témoigne la base ARIA2 ou
l’exemple n˚ 1 du paragraphe 2.5.4. Ces erreurs sont d’autant plus probables lorsque
les personnes sont soumises à des facteurs favorisants, souvent étudiés. Nous en
citerons quelques-uns :
– le défaut de formation ;

1. Extrait de la base EPICEA de l’INRS.


2. Voir note 43.

105
2 • Théorie du risque chimique 2.5 Processus accidentel

– le défaut d’information ;
– l’absence de mode opératoire écrit et disponible ;
– le manque de planification des tâches ;
– les défaillances de système de communication (technique ou humain) ;
– la surcharge mentale.
Ces facteurs sont bien apparus dans les exemples d’arbres des causes du para-
graphe 2.5.4. La détermination du niveau de probabilité reste, elle aussi, très
intuitive, mais le résultat est valide si l’on respecte une certaine logique, qui prend
en compte un scénario précis, ainsi que les facteurs qui peuvent accroître ou réduire
le niveau de probabilité.
m Estimation finale du risque accidentel
L’évaluation du risque accidentel se termine en situant son importance, qui est donc
une combinaison des niveaux de gravité et de probabilité, en suivant une règle
similaire à celle qui est utilisée pour le risque d’exposition chronique. La matrice
de combinaison, à 3, 4 ou 5 niveaux d’entrée, est un des moyens les plus pratiqués
pour cette cotation. En voici un exemple :

Niveau de probabilité de survenue du dommage

faible moyen élevé

élevé 2 3 3
Niveau de gravité
moyen 1 2 3
du dommage
faible 1 1 2

L’échelle de 1 à 3 situe l’importance du risque d’accident. Ce simple tableau offre


en fait l’occasion d’une remise en cause de notre façon de juger les risques acciden-
tels, dans tous les domaines. En effet, le jugement des risques est empreint, dans
l’histoire humaine, de facteurs culturels et affectifs. La prise de risque n’est-elle
pas, dans l’opinion publique, un signe de courage et de force de caractère ? Inver-
sement, certains risques sont maximalisés a priori, en raison de craintes réflexes,
souvent motivées par la part d’inconnu qui s’y attache. C’est ainsi que l’on observe
la peur de l’avion, la peur du nucléaire, la peur des produits chimiques, etc. Or le
recours, on ne peut plus simple, à la combinaison gravité-probabilité permettrait
de démythifier l’importance de ces risques.
Prenons l’exemple du risque d’accident lié à un transport motorisé et comparons
l’avion et le véhicule personnel. Envisageons le dommage maximum, c’est-à-dire le
décès dans les deux cas, avec un niveau supérieur pour l’avion puisque le décès est
collectif. En termes de probabilité, la différence est énorme : des centaines de fois
plus faible pour l’avion que pour le véhicule personnel. En appliquant le tableau
ci-dessus, on trouverait un niveau 2 de risque pour l’avion et un niveau 3 pour le
véhicule. Le fait que l’on choisisse instinctivement l’ordre inverse s’explique en
partie par l’idée rassurante que l’on maîtrise les événements dangereux en condui-
sant soi-même.

106
2 • Théorie du risque chimique 2.6 Caractéristiques des méthodes existantes

Mais comment bien estimer la probabilité d’un dommage, puisque c’est un para-
mètre déterminant ? La réponse est dans la « loi des grands nombres », qui veut
que la fréquence statistique d’un dommage particulier observée dans un très grand
nombre d’événements mesure précisément sa probabilité de survenue. Encore
faut-il disposer de ces statistiques. Elles existent dans beaucoup de domaines, tels
que les transports, la santé publique, les accidents du travail, les accidents de la vie
privée, etc. Cela permet d’affirmer par exemple qu’en Europe occidentale, la
probabilité d’accident grave dans la production d’énergie est largement supérieure
avec les combustibles liquides ou gazeux que par technique nucléaire.
Le schéma suivant résume la procédure complète de cotation du risque chimique
accidentel.

Agent chimique Mode opératoire

Phrase de risque Déclencheur Situation dangereuse

Niveau de danger Événement dangereux

Niveau de gravité Niveau de probabilité

Importance du risque

Figure 2.21 – Estimation du risque chimique accidentel

Les approximations apparentes de cette méthode ne nuisent pas à un classement


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

judicieux des risques par importance, le but final étant d’établir un plan d’action
qui traitera tous les risques répertoriés.

2.6 Caractéristiques des méthodes existantes


Les méthodes d’analyse des risques chimiques que l’on peut trouver auprès d’orga-
nismes ou d’entreprises spécialisés dans les risques industriels s’appuient toutes sur
la distinction entre danger et risque. L’inventaire des risques chimiques commence
en général par un inventaire des dangers, lequel nécessite d’inventorier d’abord
tous les produits utilisés. La deuxième étape concerne la recherche des expositions

107
2 • Théorie du risque chimique 2.6 Caractéristiques des méthodes existantes

des postes de travail et la démarche se termine par une évaluation des risques,
selon des méthodes très variables.
Le risque incendie-explosion est souvent traité dans une démarche distincte, quand
il n’est pas inclus dans le risque chimique. Il nous est apparu que l’ensemble de ces
méthodes souffre d’une vision limitative du risque chimique, qui ne prend que
partiellement en compte le processus accidentel. Cette lacune a des conséquences
évidentes sur le choix des mesures de prévention censées couvrir tous les risques
présents. Elle est pourtant assez fréquente, puisqu’on la retrouve dans la méthode
INRS (ND 2233), qui d’ailleurs l’annonce clairement, mais aussi dans le système
REACH. En effet, le règlement européen CE/1907/2006 n’a pas clairement envisagé
le processus accidentel, en dehors du risque incendie-explosion et des réactions
chimiques dangereuses.
Dans son annexe I qui décrit les mesures de sécurité chimique incombant aux
fabricants et utilisateurs, il est dit qu’un « scénario d’exposition » décrit la manière
dont la substance est fabriquée ou utilisée, ainsi que les recommandations destinées
aux utilisateurs en aval.
On pourrait imaginer que les accidents du type expositions massives sont inclus
dans les scénarios d’exposition. Mais il est précisé plus loin :
« En particulier, un scénario d’exposition comprend, le cas échéant, une description des
éléments suivants :
Conditions d’exploitation :
– les processus intervenant, y compris la forme physique sous laquelle la substance est
fabriquée, transformée et/ou utilisée ;
– les activités effectuées par les travailleurs dans le cadre des processus, ainsi que la
durée et la fréquence de leur exposition à la substance ;
– les activités des consommateurs, ainsi que la durée et la fréquence de leur exposition
à la substance ;
– la durée et la fréquence des émissions de la substance vers les différents milieux envi-
ronnementaux et les systèmes de traitement des eaux usées, ainsi que le facteur de
dilution dans ce milieu récepteur de l’environnement. »
La référence constante à la durée et à la fréquence montre bien que les rédacteurs
parlent d’exposition chronique. Cela est confirmé par le passage suivant :
« L’estimation de l’exposition comporte trois éléments :
1) l’estimation des émissions ;
2) l’évaluation du devenir chimique et des voies de transfert ;
3) l’estimation des niveaux d’exposition.
Lors de l’estimation des émissions, il est tenu compte des émissions qui se produisent
durant tous les stades pertinents du cycle de vie de la substance et découlent de la fabri-
cation et des utilisations identifiées. Les étapes du cycle de vie découlant de la fabrica-
tion de la substance couvrent, le cas échéant, l’étape de gestion des déchets. Les étapes du
cycle de vie découlant des utilisations identifiées couvrent, le cas échéant, la durée de vie
utile des articles et l’étape de gestion des déchets. L’estimation des émissions est réalisée
en admettant que les mesures de gestion des risques et les conditions d’exploitation
décrites dans le scénario d’exposition ont été mises en œuvre.

108
2 • Théorie du risque chimique 2.6 Caractéristiques des méthodes existantes

Il est procédé à une caractérisation des éventuels processus de dégradation, de transfor-


mation ou de réaction, ainsi qu’à une estimation de la distribution et du devenir dans
l’environnement. »
Il est clairement fait uniquement référence aux événements habituels et prévisi-
bles. La seule évocation du mécanisme accidentel intervient pour la caractérisation
des risques :
« La caractérisation des risques consiste en :
– une comparaison entre, d’une part, l’exposition de chaque population humaine dont
on sait qu’elle est ou qu’elle sera probablement exposée et, d’autre part, les DNEL
pertinentes ;
– une comparaison entre, d’une part, les concentrations environnementales prévues
dans chaque milieu de l’environnement et, d’autre part, les PNEC ;
– une évaluation de la probabilité et de la gravité d’un événement qui se produirait à
cause des propriétés physico-chimiques de la substance. »
Ainsi l’événement est cité, mais seulement pour les propriétés physico-chimiques.
Il est douteux qu’une projection d’une substance corrosive, par exemple, entre
dans ce cas.
Or le volet accidentel du risque lié à l’utilisation de produits chimiques, indé-
pendamment de l’aspect incendie-explosion, est loin d’être négligeable. On peut
citer pour preuve, s’il en fallait, la base de données « EPICEA » de l’INRS sur les
accidents graves ayant fait l’objet d’une enquête dans les CRAM. En voici un
extrait :
« La victime, 37 ans, ouvrier, conducteur onduleuse et collerie, a été atteinte aux yeux et au visage par
des projections de soude, alors qu’elle aidait un collègue pour une opération de maintenance sur
une installation de dosage équipée d’un accumulateur gonflé à l’azote (pression : 1,25 bar) pour
régulariser le débit de soude. Suite à des dysfonctionnements du système de régulation, un mécani-
cien a été chargé de vérifier la pression de gonflage de l’accumulateur. L’intervention a été effectuée
à l’aide d’une bouteille d’azote à 200 bars. Au cours de cette opération, la membrane de l’accumu-
lateur a éclaté. Un manomètre, situé à proximité de la victime, a cédé sous la pression excessive
envoyée dans l’installation. Les deux opérateurs ont été atteints par des projections de soude. »

Une autre caractéristique des différentes méthodes disponibles réside dans la manière
dont est estimé le risque. Dans la grande majorité des cas, l’estimation repose
essentiellement sur le niveau de danger de l’agent chimique, ce qui est contraire à
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

la définition même du risque et peut conduire à des erreurs graves. Quand l’esti-
mation va plus loin en prenant en compte les conditions de mise en œuvre de
l’agent chimique, elle le fait à partir d’éléments de l’environnement de travail tels
que la volatilité d’un produit, l’ouverture d’un récipient, la signalisation, un local
de stockage, ou la manipulation de produits. Cela est logique et simple parce que
concret. C’est pourquoi on retrouve ce principe notamment dans les logiciels
développés pour l’évaluation des risques chimiques1.

1. Dans le secteur du bâtiment, l’OPPBTP (Office paritaire de prévention du bâtiment et des travaux
publics) propose le logiciel LARA pour les risques chimiques.

109
2 • Théorie du risque chimique 2.6 Caractéristiques des méthodes existantes

Nous allons examiner plus particulièrement trois méthodologies issues des orga-
nismes de la Sécurité sociale chargés de la prévention des risques professionnels.
L’INRS, dont la sécurité et la santé au travail sont la raison d’être, a été un des premiers
à élaborer un outil d’évaluation des risques pour les produits chimiques, en 20001.
Cet outil a évolué par la suite pour aboutir à la « Méthodologie d’évaluation
simplifiée du risque chimique », souvent citée. Elle est caractérisée par l’utilisation
de scores qui quantifient les différentes composantes du risque. Elle propose par
exemple pour l’exposition par inhalation de tenir compte d’un score de volatilité,
d’un score de procédé et d’un score de protection collective. L’attribution des deux
derniers scores se fait par comparaison du poste de travail avec l’un des quatre
postes types décrits. Il est vrai que la différence avec notre méthodologie, qui
s’appuie uniquement sur des grandeurs (durée, fréquence, concentration, probabilité,
gravité), n’est qu’apparente, car les grandeurs que nous estimons sont bien la résultante
de la présence de tous les éléments de l’environnement de travail. Cependant, la
relation de cause à effet n’est pas toujours garantie. Pour bien expliquer le problème
que nous soulevons ici, nous proposons deux exemples.
Supposons un procédé de fabrication d’un produit chimique dans une installation
totalement close. Les méthodes évoquées ci-dessus attribuent à cette situation un
facteur d’exposition négligeable et concluent donc à un risque faible. Mais un incident
intervenant sur une telle installation, lorsque cela n’est pas prévu, les intervenants
sont souvent amenés à ouvrir le système. L’exemple le plus banal est le bouchage
d’une tuyauterie, ou la fuite d’une vanne ou d’une pompe. L’erreur d’estimation
existe même dans le mode chronique, par exemple en cas d’ouverture de couvercle
pour un contrôle visuel, non prévu par le mode opératoire.
De même, un poste de travail sujet à émanations et équipé d’un captage enveloppant
sera probablement classé comme peu exposant. Mais cette estimation suppose que
la ventilation soit toujours en service, ce qui ne peut être garanti. L’expérience montre
que les ventilations n’ayant qu’un caractère préventif sont assez souvent arrêtées,
par exemple en raison du bruit généré. Notre méthode aurait d’ailleurs prévu à ce
poste un risque accidentel de défaut de ventilation, d’origine technique ou humaine.
Ce qui montre encore que les deux processus du risque chimique sont indissociables
à tout instant.
La méthode de l’INRS a été déclinée par la CRAM Midi-Pyrénées de façon plus
conviviale, sous le nom de méthode OSER2, ce qui est bénéfique au développement
de la prévention, notamment dans les très petites entreprises. Mais cette méthode
comporte la même lacune sur le risque accidentel, ce qui est loin d’être négligeable.
On retrouve cette impasse dans la méthode OPER@ (Outil de Première Évalua-
tion du Risque chimique par l’Analyse de l’activité) développée par la CRAM de
Bourgogne-Franche-Comté. Son objectif est de quantifier chaque risque, puis de
chercher à réduire la cotation obtenue en agissant sur ses paramètres. Le niveau de
gravité du risque chimique est calculé par la formule :
GR = (A/B + C) ¥ D

1. Note documentaire ND 2121-178 de l’INRS.


2. Outil Simplifié d’Évaluation du Risque chimique, disponible sur http://www.cram-mp.fr/entreprises/
evaluation-risque-chimique.htm

110
2 • Théorie du risque chimique 2.6 Caractéristiques des méthodes existantes

dans laquelle :
A est la somme des valeurs attribuées à chaque phrase R de catégorie A, c’est-à-
dire celles relatives aux dangers atténuables pour lesquels une protection effi-
cace peut être mise en place (exemple : port de gants et de lunettes pour la manipu-
lation de l’hydroxyde de sodium – soude caustique – à 5 %).
B représente la minoration de A qui peut être obtenue si tous les conseils de
prudence mentionnés sur l’étiquette ou la fiche de données de sécurité sont
respectés.
C est la somme des valeurs attribuées à chaque phrase R de catégorie C, c’est-à-
dire celles relatives aux dangers non atténuables pour lesquels aucune protection
n’est totalement efficace. Ces phrases R caractérisent les effets CMR (cancéro-
gène, mutagène, reprotoxique) des produits.
Le facteur D permet de prendre en compte l’exposition de l’opérateur en fonction
des critères suivants :
– la nature de la ventilation ;
– le degré d’automatisation de l’opération réalisée ;
– les risques d’asphyxie, de brûlure, d’incendie ou d’explosion, d’effets sur la santé.
Cette méthode a l’avantage d’être simple et rapide, avec sa contrepartie en approxi-
mations. Pour entrer dans les détails de son fonctionnement, il suffit de l’essayer
sur le site de la CRAM1. Elle a suscité de notre part les remarques suivantes :
– Le facteur A introduit bien le niveau de danger du produit chimique. Par contre,
la notion de danger « atténuable » est incompatible avec sa définition officielle.
– Le facteur B est une bonne exploitation de l’étiquetage, mais sa réalité montre
qu’il est plutôt rare que les phrases S soient les mesures nécessaires et suffisantes
pour réduire le risque, qui, rappelons-le, dépend beaucoup de facteurs inconnus
des rédacteurs de l’étiquette.
– Le facteur C a le mérite de pointer les CMR et d’inciter ainsi à leur substitu-
tion. Il est toutefois dommage de ne pas en faire autant des produits non CMR
mais classés très toxiques, qui, eux, peuvent entraîner la mort en quelques
minutes.
– Le facteur D est sans doute une intégration partielle du processus accidentel,
bien que le terme d’intoxication aiguë ne figure pas.
Nous citerons pour finir une méthode qui possède un certain caractère officiel,
puisqu’elle est publiée par la CNAMTS sous forme d’une recommandation2 ; elle
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

a été votée par les partenaires sociaux en juin 2004.


La méthodologie générale qui y est décrite tient en quatre pages. Elle propose six
étapes, que nous résumons ainsi :
Étape 1 : Organisation de la démarche
L’employeur doit être à l’initiative de cette démarche, participative et pluridisciplinaire.

1. Caisse régionale d’assurance maladie de Bourgogne-Franche-Comté, www.cram-bfc.fr


2. Évaluation du risque chimique, recommandation n˚ R 409, adoptée par le Comité technique national
de la chimie, du caoutchouc et de la plasturgie le 23/06/04. Disponible sur le site www.risquesprofes-
sionnels.ameli.fr.

111
2 • Théorie du risque chimique 2.6 Caractéristiques des méthodes existantes

Étape 2 : Inventaire des agents chimiques et identification des classes de dangers


Un inventaire exhaustif des agents chimiques présents et l’identification de leurs
dangers sont les étapes initiales indispensables à l’évaluation des risques. Les phrases
de risque servent à attribuer les classes de dangers (de 1 à 5) pour chacun des aspects
du risque chimique : santé, sécurité et environnement.
Étape 3 : Caractérisation et hiérarchisation des potentiels de risques
En raison du nombre d’agents susceptibles d’être présents au sein de l’établissement,
il est suggéré de commencer, dans une première phase, par les agents chimiques les
plus dangereux et les plus utilisés (en quantité et en fréquence). Un classement par
score de potentiel de risques décroissant permet de sélectionner les agents chimi-
ques ou unités de travail pour lesquels l’évaluation des risques doit être conduite
en priorité.
Étape 4 : Détermination de priorités d’étude
Sur la base des résultats issus de la hiérarchisation des potentiels de risques (étape 3),
les situations pour lesquelles une évaluation du risque devra être menée prioritairement
sont identifiées. La démarche est possible soit par unité de travail, soit par agent
chimique, soit par procédé.
Étape 5 : Risques, analyse et classement
Il s’agit d’identifier, analyser, estimer et classer les risques inhérents aux conditions
de travail habituelles et ceux pouvant résulter d’événements accidentels. Cette étape,
la plus importante, demande de repérer les tâches effectuées par les salariés d’un
même « Groupe d’Exposition Homogène », d’évaluer les risques en fonctionne-
ment habituel, puis les risques liés à des événements accidentels, et de consigner
l’ensemble du constat dans un rapport, notamment exploitable pour la rédaction
du document unique.
Étape 6 : Classement des priorités d’action
Déterminer les actions de prévention à mettre en place en priorité. Elles figureront
dans un plan d’action pouvant s’appliquer sur une période assez longue.
Les annexes de cette recommandation, outre quelques données utiles, reprennent
quasi intégralement pour illustrer la démarche la publication de l’INRS, réfé-
rencée ND 2233 (déjà citée).
La méthodologie décrite dans cette recommandation est, à quelques détails près,
identique à celle que nous développons ici, mais sans la partie prévention comme
la plupart des méthodes existantes. Lorsqu’elle est incluse, cette partie se limite au
recours à des principes généraux hiérarchisés, tels que l’on peut en trouver dans le
Code du travail (voir paragraphe 4.4.4).
Ces principes, certes bien fondés, sont trop généraux pour suggérer des mesures
adaptées aux risques caractérisés d’une situation de travail précise. On retrouve
cette tendance dans certaines méthodes qui ambitionnent de mettre la prévention
du risque chimique à la portée de tous, alors que nous pensons qu’elle reste une
discipline quasi scientifique, avec ce que cela suppose de technique, de méthode,
de formation, de compétences acquises, d’outils performants, etc.

112
2 • Théorie du risque chimique 2.7 La contribution du règlement REACH

Pour illustrer cet aspect du choix de la méthode, prenons celle qui est proposée par
la CRAM Midi-Pyrénées et reprise par d’autres, sous le nom de méthode GERC1.
Cette méthode, très simple et facilement accessible aux très petites entreprises,
consiste à remplir un tableau renseignant sur les tâches, les produits et leurs
dangers, en mettant en évidence les CMR. Il faut ensuite inscrire les quantités
consommées annuellement, les durées d’exposition et les mesures de prévention
« complémentaires ». La seule méthodologie proposée consiste à choisir ces
mesures dans une liste de type hiérarchisée, en insistant sur la nécessité de se faire
aider par le médecin du travail. Cette méthode peut évidemment bien fonctionner
mais, comme les autres déjà citées, elle ignore toujours le risque accidentel. En
conséquence, on peut être incité à substituer un produit dangereux par un moins
dangereux, en oubliant un risque de projection ou d’explosion lié au process,
qu’une solution du type système clos aurait pu éviter.
Si le choix des mesures de prévention n’est pas le résultat d’un raisonnement
logique mais plutôt le fruit de diverses intuitions, liées à la « culture sécurité » des
intervenants, on aboutit à une accumulation de solutions de « premier niveau »,
telles que des ventilations ou des protections individuelles. En effet, la substitu-
tion, mise en exergue par la campagne CMR, n’est que rarement techniquement
possible. Ces solutions entraînent généralement des contraintes pour le personnel,
aboutissant à terme à une attitude dubitative, voire réticente, envers toute
démarche de prévention.
Nous ne rejetons pas toutes ces méthodes, malgré leurs limites. Nous pensons au
contraire que la simplicité, du moins pour certaines, est un atout pour leur diffu-
sion et, à terme, pour une progression de l’esprit de prévention. Cette progression
sera aussi facilitée par un recours croissant à des logiciels spécialisés.

2.7 La contribution du règlement REACH


Nous avons vu que le règlement REACH instaure en premier lieu un nouveau
système de classification des agents chimique visant à fiabiliser l’identification de
leurs dangers. Sur ce point, il se situe en amont du SGH. Mais il impose aussi aux
fournisseurs et utilisateurs de procéder à une évaluation de la sécurité chimique,
qui doit être consignée dans un rapport. Sans vouloir exposer tout le contenu du
REACH, nous présentons ici ce qu’il apporte dans la méthodologie d’analyse du
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risque chimique.

2.7.1 Les étapes principales


m Enregistrement

Selon le schéma général présenté au paragraphe 1.3.3, les fabricants, importateurs,


utilisateurs en aval, ou leurs représentants, doivent déclarer à l’agence désignée la
mise sur le marché ou l’utilisation des substances ou préparations, hors exemptions,

1. Grille d’Évaluation du Risque Chimique pour les TPE, disponible sur http://www.cram-mp.fr/entre-
prises/evaluation-gerc.htm.

113
2 • Théorie du risque chimique 2.7 La contribution du règlement REACH

en quantité supérieure à une tonne par an. Cet enregistrement est assorti de l’obli-
gation de fournir un dossier technique contenant (article 10) principalement :
Des informations :
– l’identité du ou des fabricants ou importateurs,
– l’identité de la substance,
– des informations sur la fabrication et les utilisations de la substance,
– la classification et l’étiquetage,
– des conseils d’utilisation de la substance,
– des résumés d’études,
– des propositions d’essais,
– des informations concernant l’exposition, pour les substances en quantités
comprises entre 1 et 10 tonnes ;
Un rapport sur la sécurité chimique.

m Évaluation

Le rapport sur la sécurité chimique contient une évaluation, qui est effectuée
conformément aux paragraphes 2 à 7 du règlement et à l’annexe I, soit pour chaque
substance, telle quelle ou contenue dans une préparation ou dans un article, soit
pour un groupe de substances. Elle est effectuée et un rapport est établi conformé-
ment à l’article 14, c’est-à-dire, pour toutes les substances enregistrées en quantités
égales ou supérieures à 10 tonnes par an, sans préjudice de l’article 4 de la directive
98/24/CE qui stipule que tout employeur doit évaluer les risques pour la sécurité
et la santé des travailleurs résultant de la présence d’agents chimiques. Elle ne doit
pas être effectuée pour une substance présente dans une préparation si la concen-
tration de la substance est inférieure au plus faible des différents niveaux prévus
dans les directives 1999/45/CE, 67/548/CEE et le titre XI du règlement.
Cette évaluation comprend les étapes suivantes :
a) une évaluation des dangers pour la santé humaine ;
b) une évaluation des dangers physico-chimiques ;
c) une évaluation des dangers pour l’environnement ;
d) une évaluation des caractères persistants, bioaccumulables et toxiques (PBT) et
des caractères très persistants et très bioaccumulables (vPvB).
Si, à la suite des étapes a) à d), le déclarant conclut que la substance répond aux
critères de classification d’une substance ou d’une préparation comme dangereuse
conformément aux directives 67/548/CEE et 1999/45/CE, ou si la substance est
évaluée comme étant PBT ou vPvB, l’évaluation de la sécurité chimique comporte
les étapes supplémentaires suivantes :
a) une évaluation de l’exposition, qui comprend la production de scénarios d’exposi-
tion et une estimation de l’exposition ;
b) la caractérisation des risques.
Tout déclarant identifie et applique les mesures appropriées en vue d’une maîtrise
valable des risques identifiés dans l’évaluation de la sécurité chimique et, le cas échéant,
recommande ces mesures dans les fiches de données de sécurité.

114
2 • Théorie du risque chimique 2.7 La contribution du règlement REACH

Ainsi le règlement REACH garantit une conservation des informations de sécurité


tout au long de la chaîne d’approvisionnement. En particulier, l’article 31 précise
que : « tout acteur de la chaîne d’approvisionnement qui doit élaborer un rapport sur
la sécurité chimique conformément aux articles 14 ou 37 joint les scénarios d’exposi-
tion correspondants (y compris les catégories d’usage et d’exposition, le cas échéant) en
annexe à la fiche de données de sécurité couvrant les utilisations identifiées et notam-
ment les conditions spécifiques résultant de l’application de l’annexe XI, section 3. »
Il est aussi précisé (article 34) que cette transmission d’information doit aussi se
faire en remontant de l’utilisateur au fournisseur et d’un employeur vers ses
employés (article 35).
Cela est si vrai que l’utilisateur en aval fait reposer ses mesures de prévention sur la
FDS et le rapport sur la sécurité que lui a transmis son fournisseur et ne fait son
propre rapport que si nécessaire, en particulier « pour toute utilisation s’écartant des
conditions décrites dans un scénario d’exposition… ».

m Autorisation

Une autre particularité du REACH est d’exiger une autorisation pour utiliser ou
mettre sur le marché des substances ou préparations dites préoccupantes. Celles-ci
doivent figurer dans l’annexe XIV, vide pour le moment, qui doit être remplie avant
juin 2009. L’autorisation n’est octroyée par l’agence désignée que si toutes les mesures
de maîtrise des risques mentionnées dans le rapport sur la sécurité sont prises.
Mais l’article 57 précise que si des substances appartenant aux catégories suivantes :
– CMR selon la directive 67/548, c’est-à-dire les cancérogènes 1 et 2, les muta-
gènes 1 et 2, les toxiques pour la reproduction 1 et 2,
– PBT et vPvB (selon l’annexe XIII),
sont incluses dans l’annexe XIV, il faudra en outre démontrer que « les avantages
socio-économiques l’emportent sur les risques qu’entraîne l’utilisation de la subs-
tance pour la santé humaine ou l’environnement, et qu’il n’existe pas de subs-
tances ou de technologies de remplacement appropriées. »
S’il s’avère que certaines substances ou préparations présentent des risques inac-
ceptables (article 68) ou qui ne sont pas valablement maîtrisés (article 69),
l’agence désignée peut aller jusqu’à interdire, partiellement ou totalement, leur
mise sur le marché et leur utilisation. Elles sont alors inscrites à l’annexe XVII, qui
en comprend déjà 52 (liste en annexe 7). La plupart de ces restrictions concernent
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

le marché « grand public ».


Il est à noter que l’agence désignée constituera progressivement une base de données
contenant tous les produits enregistrés avec leurs données de sécurité. Cette base
de données sera consultable par le grand public sur Internet.
Après cette synthèse sommaire du règlement REACH, examinons l’étape qui concerne
plus la méthodologie d’analyse des risques.

2.7.2 L’évaluation de la sécurité chimique


Cette évaluation s’impose pour toute mise sur le marché ou utilisation de substance
ou préparation classée dangereuse. Elle comporte deux volets.

115
2 • Théorie du risque chimique 2.7 La contribution du règlement REACH

m Évaluation de l’exposition

Cette évaluation comporte elle-même deux étapes :


– la production de scénario(s) d’exposition ou des catégories d’utilisation et d’expo-
sition pertinentes, le cas échéant ;
– l’estimation de l’exposition.
Étape 1 : Élaboration de scénarios d’exposition
Le scénario d’exposition est au cœur du processus d’évaluation de la sécurité
chimique. Il est défini comme : « … l’ensemble des conditions décrivant la manière
dont la substance est fabriquée ou utilisée pendant son cycle de vie et la manière
dont le fabricant ou l’importateur contrôle ou recommande aux utilisateurs en
aval de contrôler l’exposition de l’être humain et de l’environnement. Ces scénarios
d’exposition décrivent à la fois les mesures de gestion des risques et les conditions
d’exploitation que le fabricant ou l’importateur met en œuvre ou dont il recom-
mande la mise en œuvre aux utilisateurs en aval. » Il se présente donc sous la
forme d’un mode d’emploi standard, assorti de précautions générales, à l’instar de
ce qu’exige déjà la réglementation pour les équipements de travail. On ne saurait
le confondre avec la notion d’exposition que nous développons dans cet ouvrage,
qui reflète les conditions réelles de chaque utilisation d’un produit chimique,
conditions que ne peut pas connaître le fournisseur, en général.
Certes il est reconnu que les utilisations peuvent être très diverses et que le fournis-
seur définit alors des familles d’utilisation, appelées « catégories d’exposition ».
Heureusement, il est dit dans l’introduction de cette annexe I que : « quand la
méthodologie décrite dans la présente annexe n’est pas appropriée, la méthodologie de
remplacement utilisée est décrite et justifiée de manière détaillée dans le rapport sur la
sécurité chimique. »
Le scénario doit correspondre aux hypothèses de départ concernant les conditions
d’exploitation et les mesures de gestion des risques (scénario d’exposition initial).
S’il révèle une maîtrise inappropriée des risques pour la santé humaine ou l’envi-
ronnement, il est alors nécessaire de procéder par itération, en modifiant un ou
plusieurs facteurs liés à l’évaluation des dangers ou de l’exposition, afin de faire
preuve d’une maîtrise appropriée. Le scénario d’exposition obtenu après la dernière
itération (scénario d’exposition final) est inclus dans le rapport sur la sécurité chimique
et joint à la fiche de données de sécurité.
Un scénario d’exposition comprend, le cas échéant, une description des éléments
suivants :
Conditions d’exploitation :
– les processus intervenant, y compris la forme physique sous laquelle la substance
est fabriquée, transformée et/ou utilisée,
– les activités effectuées par les travailleurs dans le cadre des processus, ainsi que la
durée et la fréquence de leur exposition à la substance,
– les activités des consommateurs, ainsi que la durée et la fréquence de leur exposition
à la substance,

116
2 • Théorie du risque chimique 2.7 La contribution du règlement REACH

– la durée et la fréquence des émissions de la substance vers les différents milieux


environnementaux et les systèmes de traitement des eaux usées, ainsi que le
facteur de dilution dans ce milieu récepteur de l’environnement ;
Mesures de gestion des risques :
– les mesures de gestion des risques visant à réduire ou à éviter l’exposition d’êtres
humains (travailleurs et consommateurs) et de l’environnement à la substance,
– les mesures de gestion des déchets visant à réduire ou à éviter l’exposition des
êtres humains et de l’environnement à la substance durant l’élimination et/ou le
recyclage des déchets.
Lorsqu’un fabricant, un importateur ou un utilisateur en aval fait une demande
d’autorisation portant sur une utilisation spécifique, des scénarios d’exposition ne
doivent être élaborés que pour l’utilisation en cause et les étapes ultérieures du
cycle de vie.
Étape 2 : Estimation de l’exposition
L’estimation de l’exposition comporte trois éléments :
– L’estimation des émissions : elle est réalisée en admettant que les mesures de
gestion des risques et les conditions d’exploitation décrites dans le scénario
d’exposition ont été mises en œuvre.
– L’évaluation du devenir chimique et des voies de transfert : elle rend compte des
dégradations et réactions chimiques possibles.
– L’estimation des niveaux d’exposition : elle tient compte en particulier des
éléments suivants :
• les données sur l’exposition, représentatives et mesurées de manière adéquate ;
• la gestion des risques mise en œuvre ou recommandée, y compris le degré de
confinement ;
• la présence éventuelle d’impuretés et d’additifs importants dans la substance ;
• la quantité pour laquelle la substance est produite et/ou importée ;
• la quantité destinée à chaque utilisation identifiée ;
• la durée et la fréquence de l’exposition que prévoient les conditions d’exploi-
tation ;
• les activités effectuées par les travailleurs dans le cadre des processus, ainsi que
la durée et la fréquence de leur exposition à la substance ;
• les activités des consommateurs, ainsi que la durée et la fréquence de leur
exposition à la substance ;
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• les voies d’exposition probables et le potentiel d’absorption par des êtres humains.
Nous remarquons la redondance particulière qui affecte la durée et la fréquence
d’exposition, puisque cette expression est mentionnée une fois dans les conditions
d’exploitation et trois fois dans l’estimation de l’exposition.
m Caractérisation des risques
La caractérisation des risques consiste en :
1) une comparaison entre :
– d’une part, l’exposition de chaque population humaine dont on sait qu’elle est
ou qu’elle sera probablement exposée,

117
2 • Théorie du risque chimique 2.7 La contribution du règlement REACH

– d’autre part, les DNEL pertinentes ;


2) une évaluation de la probabilité et de la gravité d’un événement qui se produi-
rait à cause des propriétés physico-chimiques de la substance.
Pour chaque scénario d’exposition, le risque pour les personnes et l’environne-
ment peut être considéré comme étant valablement maîtrisé au cours du cycle de
vie de la substance découlant de la fabrication et des utilisations identifiées, si :
– les niveaux d’exposition estimés à la section 6.2 ne dépassent pas la DNEL ou la
PNEC pertinent(e), tels que déterminés respectivement aux sections 1 et 3 ;
– la probabilité et la gravité d’un événement qui se produirait à cause des propriétés
physico-chimiques de la substance, telles que déterminées à la section 2, sont
négligeables.
Dans le cas des effets sur l’homme et des milieux environnementaux pour lesquels
il n’a pas été possible de déterminer une DNEL ou une PNEC, il est procédé à une
évaluation qualitative de la probabilité d’éviter les effets lors de la mise en œuvre du
scénario d’exposition.

m Aspects méthodologiques

Nous voyons que la caractérisation des risques correspond exactement à l’étape


estimation du risque chimique de notre méthode, laquelle consiste à combiner un
niveau d’exposition avec un niveau de danger, qui est lui-même fonction des VLEP.
Par contre, l’objectif des scénarios d’exposition reste binaire : il ne faut pas dépasser
les DNEL ou les PNEC, mais aucun classement des risques ou des dangers n’est
évoqué. En cas d’absence de telles valeurs limites, ce qui devrait être fréquent dans
les premiers temps, l’évaluation peut être « qualitative », sans autre précision.
De même, pour les risques physico-chimiques, il est dit que le risque est estimé
comme maîtrisé quand la gravité et la probabilité des événements dangereux sont
négligeables. L’expérience montre combien le terme « négligeable » est sujet à débats,
en raison de sa nature subjective. Il est là aussi regrettable qu’aucune méthode,
tant soit peu quantitative, ne vienne lever cette imprécision.

2.7.3 Fiches de données de sécurité


La plupart des règles déjà applicables à l’élaboration et à la diffusion des fiches
de données de sécurité, issues de la directive 91/155/CEE, restent en vigueur dans
REACH. Il est en effet précisé qu’une fiche de données de sécurité est datée et contient
les rubriques suivantes :
1) identification de la substance/préparation et de la société/l’entreprise ;
2) identification des dangers ;
3) composition/informations sur les composants ;
4) premiers secours ;
5) mesures de lutte contre l’incendie ;
6) mesures à prendre en cas de dispersion accidentelle ;
7) manipulation et stockage ;
8) contrôle de l’exposition/protection individuelle ;
9) propriétés physiques et chimiques ;

118
2 • Théorie du risque chimique 2.8 Le principe de précaution

10) stabilité et réactivité ;


11) informations toxicologiques ;
12) informations écologiques ;
13) considérations relatives à l’élimination ;
14) informations relatives au transport ;
15) informations relatives à la réglementation ;
16) autres informations.
On trouvera dans l’annexe II du règlement REACH un guide d’élaboration détaillé
pour ces fiches. Quelques modifications ont été apportées. Il faut ajouter :
À la rubrique n˚ 1 :
– l’adresse e-mail de la personne compétente ;
– le numéro d’enregistrement de la substance selon REACH (si disponible),
délivré par l’ECHA (European Chemical Agency), à ne pas confondre avec le
numéro de soumission, qui doit être mentionné dans toute correspondance
relative à l’enregistrement jusqu’à ce que celui-ci soit considéré comme
accompli.
À la rubrique n˚ 8 :
– les valeurs DNEL (Derived No-Effect Level), si elles sont disponibles ;
– les valeurs PNEC (Predicted No-Effect Concentration), si elles sont disponi-
bles.
Scénario d’exposition :
Tout acteur de la chaîne d’approvisionnement qui doit élaborer un rapport sur la
sécurité chimique conformément aux articles 14 ou 37 joint les scénarios d’exposition
correspondants (y compris les catégories d’usage et d’exposition, le cas échéant) en
annexe à la fiche de données de sécurité couvrant les utilisations identifiées.
Il faut aussi signaler une modification de l’ordre des rubriques. L’ancienne
rubrique 3 devient la nouvelle rubrique 2 et l’ancienne rubrique 2 devient la
nouvelle rubrique 3 (information sur les composants).

2.8 Le principe de précaution


De la théorie des risques exposée ici, il ressort qu’il n’est pas possible d’identifier, a
fortiori d’estimer, un risque lié à un phénomène ou à une matière dont on ne connaît
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pas le danger. Cette situation est relativement fréquente en raison de l’apparition


régulière de nouveaux produits et de nouvelles technologies. Cette zone d’inconnu
est par nature inquiétante, du moins pour beaucoup de personnes, générant ainsi
chez elles un besoin de protection. Depuis longtemps, la réponse que l’on attend
des responsables, et notamment des pouvoirs publics, est d’appliquer le principe
de précaution, qui consiste à interdire ce qui n’est pas « sûr », autrement dit :
« dans le doute, abstiens-toi ! ».
Pendant longtemps, les mises sur le marché de produits chimiques n’ont été précé-
dées d’aucune étude de danger approfondie. L’usage veut que les études soient
déclenchées dès que des soupçons d’effets néfastes apparaissent ou que ceux-ci
sont constatés. Quelle attitude adopter dans une telle situation ? L’observation de

119
2 • Théorie du risque chimique 2.8 Le principe de précaution

nos contemporains révèle deux comportements opposés. Un premier groupe, les


optimistes, dit que s’il y avait quelque chose de grave, on le saurait déjà. S’il y a
une nuisance bénigne, on trouvera bien comment s’en remettre et s’en prémunir.
Le second groupe, les pessimistes, dit que l’ignorance peut cacher une grave menace
sur la santé et qu’il faut interdire avant qu’il ne soit trop tard.
Ces observations évoquent par exemple les débats sur les rayonnements émis par la
téléphonie mobile ou les OGM. Par ailleurs, ils montrent que les études publiées
ne suffisent pas toujours à éliminer les craintes, car il apparaît une exigence croissante
d’objectivité, de validation, d’indépendance, etc. En termes de méthodologie, les
deux attitudes conduisent à des conclusions très différentes.
La position optimiste consiste à s’assurer effectivement qu’aucun danger évident et
grave n’existe, dans un premier temps. Cela est relativement facile et rapide, la
toxicologie aiguë étant bien développée aujourd’hui. Ensuite, il faut mettre en
place une vigilance et réagir au fur et à mesure de la progression des connaissances.
La position pessimiste conduit à suspendre toute mise sur le marché tant que toutes
les études n’ont pas abouti à des résultats cohérents et validés. Ces études incluent
aussi bien le court terme que le long terme. C’est une démarche qui est garante du
maximum de protection, mais qui est lourde et longue. Ainsi, avantages et incon-
vénients s’opposent dans un débat où s’invitent parfois des aspects affectifs ou
idéologiques.
Nous pensons qu’il existe un point d’équilibre entre ces deux extrêmes, qui consiste
à exiger une toxicologie aiguë sérieuse avant toute mise sur le marché, puis en une
utilisation plus ou moins contrôlée, en fonction des résultats toxicologiques, en
même temps que le lancement d’études sur les effets chroniques et à long terme.
Toute évolution des connaissances, acquises selon des procédures reconnues, peut
ensuite entraîner un durcissement, ou un assouplissement, des conditions d’utilisation.
C’est ce que propose le règlement REACH dans ses différentes étapes.
Cela revient à dire que le principe de précaution, qui ne vise que les substances
nouvelles ou mal connues, se trouve respecté par la mise en place de REACH. On
peut donc espérer qu’il devienne un outil de consensus, en éteignant les passions
que soulève parfois l’angoisse, ce sentiment réflexe de l’homme face à l’inconnu.
L’application du principe de précaution est-elle aussi possible dans notre méthodo-
logie ? En effet, l’estimation du risque repose sur l’identification des dangers des
produits, et sur leur cotation à partir de leur classement réglementaire. Deux types
de difficultés peuvent gêner cette démarche.
La première provient du doute qui peut surgir sur la bonne classification d’une
substance ou préparation. Ce doute n’est pas anormal dans un système de classement
qui repose, aujourd’hui, sur la responsabilité du producteur. Mais l’utilisateur est
tout aussi libre de revoir, pour lui-même, cette classification et d’en adopter une
autre s’il dispose des arguments suffisants. Le principe de précaution l’amènerait
donc à majorer le niveau de danger, ce qui ne pose aucun problème, sinon celui
d’obtenir le consensus des personnes concernées.
La seconde apparaît lorsque la substance ne fait l’objet d’aucun classement. Si c’est
le cas, elle n’est logiquement pas sur le marché. Nombre d’intermédiaires de
l’industrie chimique de synthèse se trouvent dans cette situation. La pratique en la
matière est bien connue. Une approche rapide des propriétés dangereuses peut être

120
2 • Théorie du risque chimique 2.8 Le principe de précaution

réalisée soit par le rapprochement structure/activité, soit par des tests toxicologiques
de base, souvent par les deux. Cela revient à procéder à un classement de substance,
en interne, qui permet alors d’appliquer la méthode générale. Mais si ce classement
n’était toutefois pas possible, par exemple pour des raisons de délai, il convient sans
hésitation d’affecter le niveau de danger maximum à ladite substance et de continuer
l’évaluation des risques, sachant que ce cas de figure ne devrait être qu’exceptionnel.
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121
3 • PRATIQUE DE L’ANALYSE
DES RISQUES CHIMIQUES

Le but de ce chapitre est de préciser comment les aspects théoriques du risque


chimique, développés au chapitre précédent, sont mis en pratique dans un grand
nombre de domaines.
Nous avons vu que les risques chimiques résultent de la présence simultanée d’une
personne et d’un agent chimique dans une même zone, créant soit une situation
dangereuse, soit une exposition, soit le plus souvent les deux. Leur évaluation, qui
consiste à établir un classement par importance relative, se déroule en quatre étapes :
• repérage ;
• identification ;
• estimation ;
• classement.
Cette évaluation doit s’inscrire dans des limites précises pour que le classement final
ait un sens. Même si la méthode décrite ici ne concerne que les risques chimiques,
elle peut très bien être intégrée dans une approche multirisque, qui utilise d’ailleurs
les mêmes concepts, comme nous le verrons au paragraphe 4.5.

3.1 Les méthodes de repérage des risques


3.1.1 Les limites de l’analyse
Comme pour tout problème, il faut commencer par le délimiter, c’est-à-dire bien
préciser à quel ensemble de postes de travail il s’applique. Cet ensemble peut
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s’identifier à un atelier, à une usine, à un bâtiment, à un service, à une équipe, etc.


Il est important de bien faire cette délimitation afin de ne commettre ni oubli ni
hors-sujet. L’évaluation des risques est avant tout relative, donc le classement des
risques qui en résulte n’est valable que pour l’ensemble défini au préalable. Les
niveaux estimés, que ce soit d’exposition, de gravité, de probabilité ou de priorité,
ne sont pas transposables d’un ensemble à un autre. En effet, le risque le plus
important d’un ensemble peut n’être estimé que moyen dans un autre ensemble,
et réciproquement.
Très souvent la stratégie d’évaluation des risques professionnels mise en place par
une entreprise conduit à un plan pluriannuel qui, pour des raisons de moyens, définit
plusieurs ensembles à analyser successivement. Chacun de ces ensembles aura donc

123
3 • Pratique de l’analyse 3.1 Les méthodes
des risques chimiques de repérage des risques

son propre classement de risques, qui fera l’objet d’un plan de prévention autonome.
Seul le niveau de danger des agents chimiques est une valeur absolue, puisqu’il se
réfère à une échelle fixée au départ, sauf évolution du classement réglementaire.

3.1.2 Les méthodes possibles


Repérer des risques consiste en fait à relever toutes les situations dangereuses et les
expositions présentes aux postes de travail. Cela nécessite une observation attentive du
travail des opérateurs et des équipements. En effet, on ne peut identifier un risque
que pour un poste, une action, ou encore un geste précis.
Le repérage est en fait une prise de conscience d’un risque. Le risque est souvent
tellement bien intégré dans les gestes du métier qu’il faut d’abord apprendre à le
voir. Ainsi, pour les expositions, le contact avec le produit n’est pas forcément
perçu par les opérateurs, en particulier lorsque le produit n’est pas visible, n’a pas
ou peu d’odeur, n’est pas irritant ou piquant. L’absence de perception sensorielle
conduit souvent à nier le contact. D’où l’importance d’un travail collectif, avec des
observateurs étrangers à l’activité étudiée. De même, une situation n’est perçue
comme dangereuse que si des accidents ou des incidents se sont déjà produits, que
ce soit dans les mêmes lieux ou ailleurs, et dans la mesure où la mémoire collective
les a conservés.
Le repérage passe par une observation des modes opératoires. Cette observation
peut demander beaucoup de temps, car les gestes sont très nombreux, même pour
une personne. En outre, ils varient dans le temps et avec les opérateurs. Les tâches
accomplies sont aussi variables en fréquence : il y a celles qui sont habituelles et
celles qui sont occasionnelles, rares ou exceptionnelles, par exemple à l’occasion
d’un dépannage ou d’une marche en mode dégradé. Il y a celles que l’on considère
comme importantes (production) et d’autres comme annexes (démarrage, réglage,
préparation, maintenance, nettoyage…).
Il faut donc une méthode pour repérer les risques pas à pas. Il s’agit en fait d’élaborer
une séquence listant toutes les actions ou phases successives, pour pouvoir ensuite
repérer les risques présents pour chacune d’elles. C’est une analyse séquentielle de
l’activité. Il y a trois méthodes possibles pour la réaliser.
Une première méthode consiste à suivre un opérateur tout au long de l’exécution
de ses différentes tâches. Il faut alors les lister, ainsi que les différentes phases qui
les constituent, en observant longuement et en questionnant, car on oublie facile-
ment les tâches rares, et des variantes peuvent exister selon les circonstances. C’est
pourquoi ce repérage doit se faire avec un groupe de travail constitué à cette occasion,
dont l’opérateur fait évidemment partie.
La première difficulté, quand on a choisi un opérateur, est de lister toutes ses tâches.
Il peut y avoir des tâches répétitives et des tâches variables ou occasionnelles. Un
opérateur peut assumer plusieurs fonctions, en des lieux différents. Il faut savoir
qui le remplace en cas d’absence, etc.
Le phasage des tâches ne doit être ni trop vague, comme « préparation du matériel »,
ni trop détaillé, comme « prend le flacon, enlève le bouchon, verse le liquide, repose
le flacon, remet le bouchon ». Pour y arriver, il faut partir sur un phasage plutôt
détaillé et le simplifier en fonction des risques présents (exemple ci-après). Il faut

124
3 • Pratique de l’analyse 3.1 Les méthodes
des risques chimiques de repérage des risques

surtout retenir les gestes exposants, comme un simple essuyage avec un chiffon. À
l’issue du repérage, on peut supprimer les phases qui ne mettent aucun risque en
évidence. Toutes les tâches et leur phasage doivent faire l’objet d’un enregistre-
ment, suivi d’une observation in situ pour vérifier. On connaît les écarts possibles
entre le « prescrit » et le réel… Les outils informatiques habituels permettent de
réaliser facilement cet enregistrement.
EXEMPLE DE LISTE DES PHASES POUR UNE TÂCHE :
Tâche : Réalisation d’un mélange
Phases :
Vérification du mélangeur
Chargement d’un solvant S
Pesée du produit A
Pesée du produit B
Introduction du produit A dans le mélangeur
Introduction du produit B dans le mélangeur
Surveillance du mélange
Vidange du mélangeur
Nettoyage du mélangeur
Remarque : Ces phases sont réalisées successivement par un même opérateur. Elles peuvent être
communes à plusieurs procédés.

Ensuite il faut recommencer avec tous les opérateurs de l’ensemble défini. Lorsque
plusieurs opérateurs ont la même activité, comme des caristes, il n’est pas néces-
saire de recommencer à zéro, mais il faut bien repérer les différences qui peuvent
exister, comme le trajet suivi ou la façon de charger, etc. L’important est de ne pas
oublier d’opérateurs, ce qui est facile avec un support préétabli, en suivant l’orga-
nisation décrite au chapitre 7. Cette démarche a l’avantage de conduire en même
temps à une meilleure vision globale des emplois, sans compter l’intérêt pour le
médecin du travail, qui pourra facilement connaître toutes les expositions des salariés.
L’observation d’une tâche peut révéler que d’autres opérateurs, voisins ou « de
passage », sont soumis aux mêmes risques. Il n’est pas rare qu’un employé adminis-
tratif ou commercial, voire un client, soit victime d’un accident à l’occasion d’une
visite dans un atelier. Il faudra en prendre note pour pouvoir recouper ces risques
avec l’observation de l’activité de ces opérateurs quand elle sera réalisée à son tour.
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Une deuxième méthode consiste à prendre un procédé bien délimité, et à observer


toutes les interventions d’opérateurs à chaque phase de ce procédé (exemple ci-après).
On entend par procédé un ensemble d’opérations avec des produits, du matériel et
un mode opératoire bien définis, qui vise à produire un produit ou une famille de
produits, ou à utiliser une technique particulière. Le procédé peut d’ailleurs être
l’ensemble délimitant l’analyse. Généralement, un procédé fait intervenir plusieurs
opérateurs et on peut trouver des phases opératoires identiques ou communes à
plusieurs procédés.
Le phasage se fait en suivant l’élaboration du produit, et en prenant soin de n’oublier
aucune intervention humaine puisque l’homme reste le centre d’intérêt de la démarche.

125
3 • Pratique de l’analyse 3.1 Les méthodes
des risques chimiques de repérage des risques

Cette méthode a le gros avantage de conduire à une rédaction détaillée du procédé,


ce qui n’est pas si fréquent, notamment dans les PME. Là aussi, le procédé doit
inclure des phases qui peuvent paraître secondaires ou annexes, comme la manipu-
lation des emballages, la pesée des produits, la préparation du matériel, son nettoyage,
sa maintenance. Cette démarche est d’ailleurs indispensable dans la mise en place
d’une assurance qualité.
EXEMPLE DE PHASAGE D’UN PROCÉDÉ :
Procédé : Chromage d’une pièce métallique
Phases :
Réception
Rectification
Montage sur support de traitement
Dégraissage
Décapage acide
Chromage électrolytique
Rinçage
Séchage
Conditionnement
Remarque : Ces phases ne sont pas nécessairement réalisées par un même opérateur.

Un des points critiques du phasage est de prendre en compte les variantes possi-
bles du procédé, qu’elles soient prévues ou dictées par un dysfonctionnement.
L’étude des accidents montre bien l’importance des écarts de mode opératoire
dans leur apparition. Notons que le fait de pointer soigneusement toutes les inter-
ventions humaines dans un procédé est riche en enseignements, qui peuvent
conduire à rechercher des gains de productivité apportant souvent eux-mêmes des
gains de sécurité.
Une troisième méthode consiste à suivre un agent chimique tout au long de sa
« vie » dans l’entreprise, depuis son entrée jusqu’à sa disparition ou son élimina-
tion, pour repérer toutes les situations de travail dans lesquelles il est présent
(exemple ci-après). Cette méthode est souvent considérée comme la plus difficile,
mais elle est probablement la plus riche en informations méconnues, notamment
sur les phases d’arrivée dans l’entreprise et celles de son élimination. Un produit
donné peut être utilisé par plusieurs opérateurs, et dans plusieurs procédés. Cette
méthode permet en outre de dresser un bilan matière de chaque produit, ce qui
conduit généralement à des découvertes ou, du moins, à de fortes interrogations.
C’est un véritable outil de gestion, qui s’avère très utile dans la prise en charge des
problèmes d’environnement.
Le bilan matière peut être conduit pour une période ou un cycle de production. Il
commence par le pointage des entrées pour en connaître le poids total. Encore
faut-il avoir une maîtrise complète des entrées et sorties, c’est-à-dire un passage
obligé, généralement le service achats. Toutefois, certains produits entrent sans
opération d’achat, parce qu’ils sont livrés avec du matériel, par exemple. Ensuite il
faut suivre toutes les utilisations possibles du produit et finir par le pointage des
sorties. Il faut distinguer deux façons d’utiliser un produit chimique.

126
3 • Pratique de l’analyse 3.1 Les méthodes
des risques chimiques de repérage des risques

La première utilisation, typique de l’industrie chimique, est son incorporation


dans la structure des molécules transformées. C’est un rôle de matière première,
qui disparaît au fur et à mesure de la transformation. Mais les réactions chimiques
se font rarement avec un rendement de 100 %, de sorte qu’une partie du produit
engagé se retrouve inchangée dans le milieu réactionnel. Si sa quantité peut être
déterminée, elle viendra participer au bilan. La quantité qui n’est pas retrouvée est
automatiquement présente dans un rejet, tel que des eaux mères, des lavages, des
phases liquides ou solides issues de filtrations, distillations, etc. Le rejet peut être
aérien, sous forme de vapeurs, gaz ou poussières. S’il n’est pas capté, il faut évaluer
sa quantité. Mais quel que soit le traitement d’un rejet, il y a production d’un
déchet ultime qui constitue la sortie finale, à comptabiliser à côté des substances et
préparations produites.
On peut aussi utiliser un produit comme moyen pour une opération donnée.
C’est le domaine immense des solvants, des préparations actives dans toutes sortes
d’activités, des matériaux, des fluides, des combustibles, etc. Dans ce cas, le produit
est soit consommé, soit usagé, avec ou sans régénération possible. On retrouve
alors le même schéma qui consiste à comptabiliser en sortie des déchets ultimes ou
des matières, toujours sans oublier les sorties aériennes.
EXEMPLE DE SUIVI D’AGENT CHIMIQUE :
Agent chimique : Perchloréthylène

Suivi :
Livré en fûts de 200 litres ; une livraison par mois de trois fûts en moyenne.
Les fûts sont placés dans le local de stockage.
En fonction des demandes, un fût est transféré auprès d’une des trois machines à dégraisser, pour
faire le plein.
Les baisses de niveau proviennent essentiellement de l’évaporation.
Un fût du stockage est utilisé pour remplir des bidons de 5 litres qui servent à l’atelier d’entretien.
Le solvant ne se retrouve que sur des chiffons. Il disparaît soit par évaporation, soit par imprégnation
des chiffons.
À l’issue de chaque vidange de machine, le produit souillé est filtré, puis remis dans un fût spécial,
qui est expédié pour destruction dès qu’il est plein, soit une fois par mois en moyenne.
Les boues de filtration, imprégnées de solvant à environ 30 %, sont stockées en fût et livrées pour
destruction. On en récolte environ 100 kg par mois.
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Bilan :

Entrées Utilisations Quantités Sorties Nature

200 machines 500 300 vapeurs machines

200 nettoyage 100 100 vapeurs nettoyage

200 170 solvant à détruire

30 boues de filtration

127
3 • Pratique de l’analyse 3.1 Les méthodes
des risques chimiques de repérage des risques

Le schéma suivant visualise les données du tableau précédent. Il met bien en évidence la quantité de
solvant qui disparaît par évaporation, ce qui surprend souvent.

D1 300 L
l
250 L
environ-
600 L nement

D2
150 L
filtre
stockage

D3
100 L
Boues
30 kg
Bidons de 5 L

Machines à Déchets
dégraisser
Entretien 170 L
100 L
Figure 3.1 – Exemple de bilan matière sur un mois

Un tel bilan suscite en général une bonne motivation sur les questions de santé aussi bien que d’envi-
ronnement. Ainsi, dans cet exemple, 400 litres de perchloréthylène sont perdus par mois par
évaporation. Cette perte pose trois problèmes : ils ont été achetés pour rien, ils ont été partiellement
respirés et ils ont pollué l’environnement. La remise en cause de ces utilisations vient alors d’elle-
même.

La méthode des bilans matière nécessite la collaboration de services très divers, tels
que les achats, la logistique, la production, les services sécurité/environnement, et bien
d’autres encore dans des structures plus complexes. Elle ouvre la porte à l’inventaire
des dangers et prépare à l’analyse des risques.

3.1.3 Choix d’une méthode


Le choix de la méthode de repérage des risques se fait en fonction de l’activité et de
l’organisation de l’entreprise. Ainsi, dans les petites entreprises qui utilisent un
nombre de produits relativement faible, l’approche par l’activité des personnes est
préférable. Lorsque l’activité de l’entreprise est relativement complexe et repose sur
des « process », c’est évidemment l’approche procédé qui est préférable. Mais dès que le
nombre de produits utilisés est important, l’approche produit doit aussi être employée.
En réalité, cette dernière, en raison de ses avantages pour la gestion de l’entreprise,
devrait être systématiquement pratiquée en plus des deux autres. L’idéal, chaque
fois que l’on peut en prendre le temps, est de pratiquer les trois méthodes, ce qui
permet de recouper les informations et d’aboutir ainsi à une étude très fiable, en
s’appuyant sur la matrice suivante :

128
3 • Pratique de l’analyse 3.1 Les méthodes
des risques chimiques de repérage des risques

Produit n Opération élémentaire

stockage

process 1

process 2

process n

élimination

Opérateur n

Figure 3.2 – Croisement des méthodes d’étude de postes

Le tableau suivant synthétise ce que les trois méthodes apportent comme informations
spécifiques.

Type d’approche
Caractéristique
Activité Procédé Produit

Ensemble des modes opéra- Devenir du produit


Détail des actions des
toires, des matériels et des tout au long de sa
Contenu hommes au cours de
produits nécessaires à une présence dans l’entre-
leur temps de travail
production ou une technique prise
Recueillir l’activité Décrire tout ce qui est déter-
Point clé Bilan matière complet
réelle minant
Connaître les consom-
En faire un relevé
Décrire les variantes possibles mations par poste
exhaustif
Difficultés Inclure les phases annexes et Inclure les pertes
Inclure les dépanna-
transitoires imperceptibles
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ges et rattrapages
et les déchets
Exigence de précision
Connaissance
S’inscrit dans une démarche
Intérêt pour Gestion du temps de des pertes
d’assurance qualité
l’entreprise travail Gestion claire des
Peut conduire à des gains de
matières premières
productivité
Aide pour la protection
Intérêt pour
Identification claire Niveau de risque comparé des de l’environnement
l’évaluation
des risques procédés Présélection des plus
des risques
grands risques

129
3 • Pratique de l’analyse 3.2 Identification des risques
des risques chimiques

En conclusion, le repérage systématique des agents chimiques, des activités et des


procédés entre dans une approche globale de l’entreprise, dite « QSE » (Qualité,
Santé, Environnement).

3.1.4 Enregistrement des données


Ce premier travail d’inventaire des actions ou des phases élémentaires est rapide-
ment très lourd, non par la complexité des informations mais par leur nombre.
Son organisation est donc primordiale et demande des outils informatiques, mais
nous indiquons ici les données qu’il faut enregistrer pour la suite de la démarche,
et leur classement par ensembles successifs.
– Domaine d’étude : usine, atelier, service, etc.
– Opération : ensemble d’actions aboutissant à un résultat global. Exemples :
nettoyage d’installation, mélange « M », chromage de pistons, peinture de capots,
gestion du stockage, contrôle des effluents, etc.
– Action ou phase, selon que l’on décrit une activité ou un procédé. C’est l’élément
de base de l’analyse des risques, qui doit être repéré pour son suivi ultérieur.
Exemples :

Atelier de peinture, opération de décapage, action de tremper


PD03
les volets dans la cuve de soude

EP04 Service entretien, technicien pompes, dépose des flasques

Que l’on suive l’approche opérateur, procédé ou produit, on doit retrouver les
mêmes actions élémentaires, grâce au croisement indiqué précédemment et à un
repérage méticuleux. Si plusieurs agents sont présents dans une action, il faut créer
autant d’actions distinctes, car les risques générés sont en principe distincts. Ainsi,
si on ajoute 3 produits successivement dans une cuve, il faut noter trois actions.
Par contre, s’il s’agit d’un ajout unique des trois produits ensemble, ils sont consi-
dérés comme formant une préparation, avec ses dangers propres, et l’on peut donc
noter une seule action pour cela.
Une fois l’inventaire des actions ou des phases élémentaires réalisé, il ne reste plus
qu’à passer à l’identification des risques.

3.2 Identification des risques


Identifier les risques chimiques, c’est décrire les circonstances de la rencontre,
réelle pour les expositions ou possible pour les situations dangereuses, entre les
agents chimiques présents et l’opérateur considéré. Il faut donc partir du repérage
des actions ou des phases que l’on a réalisé au préalable et ne retenir que celles qui
se font en présence d’un agent chimique. Dans cette nouvelle séquence, on va
rechercher les précisions nécessaires à la conduite de l’évaluation. Ces informations
sont différentes selon le type de risque repéré.

130
3 • Pratique de l’analyse 3.2 Identification des risques
des risques chimiques

3.2.1 Expositions
La recherche des expositions ne s’applique, par définition, qu’au fonctionnement
habituel de l’entreprise. Elle s’appuie sur des situations de travail « standard », même
si elles peuvent être exceptionnelles, dans le sens non planifiées. Par contre, on ne
tient pas compte des activités issues d’un dysfonctionnement, qu’il soit technique
ou humain, puisque c’est le domaine des situations dangereuses, traitées par
ailleurs. Les caractéristiques d’une exposition doivent être notées. Il s’agit des points
suivants :

m Phase de travail

Il s’agit de suivre le phasage qui a été réalisé dans l’étape de repérage précédente.
Normalement il ne devrait y avoir qu’un seul agent chimique concerné, faute de
quoi il vaudrait mieux subdiviser la phase.

m Produit en contact avec la personne

Il s’agit d’un produit chimique commercialisé, substance ou préparation, ou d’un


produit généré par l’activité (intermédiaire, objet imprégné, déchet, fumées, pous-
sières, etc.). Il peut être visible, parce qu’utilisé au poste, ou invisible parce que
contenu dans l’atmosphère de travail, contenu dans un matériel clos, présent sur la
surface d’un matériel, masqué par un autre produit, etc. Il doit être bien identifié.
Une substance peut avoir un nom d’usage, un nom chimique normalisé et un
identifiant, tel que le numéro CAS ou le numéro EINECS. Une préparation a un nom
commercial, une référence fournisseur ou interne, éventuellement un identifiant.
Les produits générés par l’activité, fumées, poussières, aérosols, déchets, sont plus
difficiles à identifier, mais il faut s’efforcer d’être le plus précis possible. Par exemple :
fumées de soudure d’inox, poussières de ponçage de bois, brouillard d’huile de
rectification, gâteau de filtration du perchloréthylène, etc.

m Forme physique du produit

Les formes classiques sont : gaz, liquide, poudre, vapeurs, poussières, aérosol.
Rappelons que la différence entre gaz et vapeurs ne tient qu’à l’état physique de la
substance dans les conditions normales de pression et de température. Ainsi, le
propane est un gaz, même si on peut le liquéfier par pression, mais le méthanol est
un liquide émettant des vapeurs. En pratique, les vapeurs possèdent toutes les
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

propriétés des gaz. À ces formes s’ajoutent les fumées, qui sont en général un
mélange de gaz, de vapeurs et de particules ultrafines. Il y a aussi l’état pâteux, qui
est intermédiaire entre les liquides et les solides. Un brouillard n’est qu’un aérosol
liquide. Ainsi, la vapeur d’eau, normalement invisible, est en fait visible parce qu’elle
se forme souvent sous forme d’aérosol (brouillard).

m Mode de dispersion

Le mode de dispersion signifie la façon dont laquelle un produit se répand dans un


espace autre que son contenant. On peut citer la pulvérisation d’un liquide, volontaire
comme dans l’application d’une peinture, ou involontaire comme dans la lubrifi-

131
3 • Pratique de l’analyse 3.2 Identification des risques
des risques chimiques

cation d’une machine tournante. De même, la formation d’une poussière peut avoir
pour origine un ponçage ou un broyage. Mais le mode de dispersion le plus banal
est l’évaporation naturelle d’un produit volatil à partir d’un récipient ouvert. On
devine bien l’utilité de ces précisions dans la recherche des mesures de prévention.

m Zone de dispersion

La zone de dispersion est évidemment liée au mode de dispersion. Pour un produit


non volatil au repos, cette zone se confond avec le volume du produit, liquide ou
solide. Au stockage, où les produits sont emballés, la zone se limite à l’intérieur de
l’emballage. Nous verrons que ce constat simpliste a des conséquences intéressantes
sur la prévention. Dans la majorité des situations de travail avec des produits volatils,
la zone de dispersion est très difficile à délimiter. La seule solution est de recourir à
des prélèvements atmosphériques, sachant tout le problème de représentativité qu’ils
soulèvent. En pratique, la zone de dispersion ne sera notée que si elle est évidente,
même si elle est approximative, en particulier pour des nuages de poussières ou
d’aérosols. C’est aussi le cas des postes en atmosphère confinée, tels que les cabines
de peinture, les petits locaux sans aération suffisante, l’intérieur de certains équipe-
ments, etc. En dehors de ces situations, la volatilité, basée sur la pression de vapeur,
est un bon indicateur pour estimer l’étendue d’une zone. Rappelons qu’il ne faut
pas faire confiance à l’odorat pour cette estimation, tant il est trompeur.

m Localisation de la personne par rapport au produit

Il est clair que le niveau d’exposition va beaucoup dépendre de la proximité de


l’opérateur avec l’agent chimique concerné. En particulier pour l’exposition par
inhalation, c’est la position des voies respiratoires (nez et bouche) par rapport à la
source qui est déterminante pour les produits émis. Il s’agit de vérifier en fait si ces
voies sont dans la zone de dispersion de l’agent chimique. C’est aussi la position
amont ou aval dans un courant d’air pollué. Pour l’exposition par contact cutané,
il faut d’abord bien localiser tous les accès possibles aux agents chimiques et cher-
cher si ces accès sont possibles par l’opérateur dans l’exécution normale de ses
tâches. Il ne faut pas oublier qu’un produit n’est pas seulement présent dans son
contenant, mais souvent aussi dispersé sur des surfaces dans l’environnement de
travail, telles que des bords de cuves, des tuyaux, des organes sujets à fuites, des
chiffons, etc.

m Mode de contact (respiratoire, cutané, oculaire, digestif)

Chaque voie de pénétration constitue un risque distinct, même dans une même phase
opératoire. La connaissance des dangers des agents chimiques utilisés est une indi-
cation sur les expositions à rechercher, comme nous le verrons dans le paragraphe
sur les dangers. En effet, les mesures de prévention pourront être très différentes
pour une inhalation et un contact cutané. L’attention se porte volontiers en priorité sur
l’exposition respiratoire. Sa perception par l’odorat y est pour quelque chose. Les
poussières sont aussi un phénomène très visible, du moins pour des concentra-
tions importantes. Mais il est établi que la perception sensorielle est trompeuse et
doit être remplacée par une approche raisonnée s’appuyant sur une observation

132
3 • Pratique de l’analyse 3.2 Identification des risques
des risques chimiques

objective de la situation de travail. Ainsi, on accordera plus d’importance à de


nombreux contacts cutanés, qui passent couramment pour être insignifiants.
En pratique, les deux voies, inhalation et contact cutané, doivent être examinées
systématiquement, sachant que l’ingestion est en fait liée aux deux précédentes par
le biais du défaut d’hygiène. Le scénario classique est la prise de nourriture sans lavage
préalable des mains. Ce comportement est d’ailleurs facilité par des conditions de
travail difficiles et par une éventuelle carence en équipements sanitaires. Une autre
contamination peut se faire en fumant, venant ainsi aggraver l’effet des fumées
elles-mêmes, éventuellement potentialisé par une présence de vapeurs dans l’atmo-
sphère. Ce risque n’apparaît pas facilement dans les inventaires, d’une part parce
qu’il met en cause le comportement individuel, d’autre part parce qu’il ne se situe
pas toujours au poste de travail, mais aussi dans des locaux à caractère social, voire
au domicile.
EXEMPLES D’EXPOSITIONS :
Par inhalation :
Aérosol émis par pulvérisation
Aérosol émis par formation de bulles de gaz
Aérosol émis par un jet liquide
Gaz de combustion
Gaz d’échappement d’un moteur thermique
Gaz produit par une fermentation
Poussière émise par chargement ou déchargement d’un agent pulvérulent
Poussière émise par un traitement mécanique de surface (ponçage, meulage…)
Poussière émise par mise en mouvement d’une poudre déposée
Vapeurs émises par application d’un agent chimique solvanté
Vapeurs émises par chargement ou déchargement de solvants
Vapeurs émises par chauffage d’un agent chimique
Vapeurs émises par évaporation d’un agent chimique à l’air libre
Vapeurs émises par le rejet d’un captage
Poussière ou vapeurs émises par des vêtements souillés
Par contact cutané lors de :
Application d’un agent chimique à l’aide de chiffon
Application d’un agent chimique à l’aide de brosse ou pinceau
Manipulation de pièces souillées par un agent chimique
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Manipulation de pièces avec immersion dans un agent chimique


Dépôt sur la peau de poussières ou de vapeurs condensées
Contact avec un liquide en cours d’écoulement à l’air libre
Port de vêtements souillés par un agent chimique
Par ingestion provoquée par :
Contamination des mains, de la bouche…
Tabagisme sur le lieu de travail
Repas pris en environnement pollué
Pollution des locaux sociaux (vestiaires, réfectoires…)
Port de vêtements souillés par un agent chimique

133
3 • Pratique de l’analyse 3.2 Identification des risques
des risques chimiques

Dans la plupart des cas, des mesures de prévention, ou du moins de protection,


existent déjà. Ce qui sera noté, c’est l’exposition restante, compte tenu de ces mesures.
Cela est vrai autant pour les protections collectives que pour les protections indivi-
duelles. Ne pas en tenir compte dans l’estimation du risque fausserait le résultat du
classement. Mais cela demande des précautions.
Ce raisonnement s’applique d’abord sans difficulté aux protections collectives, car
elles modifient bien le niveau d’exposition. Mais la plupart d’entre elles n’ont pas
de caractère permanent, puisqu’elles demandent soit une mise place (couvercle),
soit une mise en marche (ventilateur). Elles dépendent donc de la volonté des
opérateurs, qui peuvent ressentir des incitations à ne pas s’en servir. On peut citer
le rythme de travail, la précipitation, le bruit, la charge mentale, voire l’incons-
cience du risque. Pour cette raison, nous avons choisi de considérer la « non-mise
en œuvre » des protections collectives comme un événement dangereux, puisqu’il
ne relève plus de la situation standard et qu’il est imprévisible.
Pour les protections individuelles, cette option fait souvent l’objet de réticences,
en raison du caractère assez aléatoire que présente le port de ce type d’équipement.
Il repose beaucoup sur la bonne volonté du porteur, laquelle est affectée d’autant
plus que la contrainte et l’inconfort créés sont sensibles. Mais il existe de nombreux
cas de figure où les protections individuelles restent la seule solution efficace, c’est-à-
dire réellement adoptée. Pour ne pas faire d’exception, il faut en tenir compte dans
l’exposition et prévoir aussi le non-port de protections individuelles comme un
événement dangereux. Ce point est repris dans le paragraphe 4.3.11, consacré aux
protections individuelles.
En résumé, toute exposition sera décrite et ensuite estimée, en tenant compte des
protections normalement prévues, mais en les associant automatiquement à une
situation dangereuse, sachant que si une protection n’est systématiquement pas
mise en place, on n’en tiendra pas compte. Par ailleurs, la recherche des expositions
ne nécessite pas la connaissance de la classification des agents chimiques puisque
tous les modes de contact sont envisagés systématiquement.

3.2.2 Situation dangereuse


Contrairement à une exposition, une situation dangereuse n’est pas directement
observable. En pratique, on ne la peut définir que par rapport à un événement dange-
reux possible. Cela revient à se poser la question : « peut-il y avoir un dommage si
telle chose se produit ? » Cette vision représente une difficulté majeure pour beaucoup,
car tant qu’un événement n’a pas été observé, il ne paraît pas possible. Il est étonnant,
par exemple, de constater le nombre de personnes qui ne perçoivent pas de risque
d’explosion en travaillant avec un solvant inflammable à l’air libre. L’absence d’accident
sur une longue période est souvent avancée comme preuve d’une absence de risque,
alors qu’elle ne traduit qu’un faible niveau de probabilité. C’est l’un des obstacles
les plus courants que rencontrent les professionnels de la prévention des risques.
Pour une phase de travail donnée, il peut exister plusieurs événements dangereux
possibles. L’exemple le plus simple est le travail avec un produit inflammable, qui
crée généralement un risque d’intoxication aiguë en même temps qu’un risque

134
3 • Pratique de l’analyse 3.2 Identification des risques
des risques chimiques

d’explosion. D’où la nécessité de définir une situation dangereuse pour chaque


événement dangereux possible.
L’examen de tous les événements dangereux possibles décrits au paragraphe
suivant montre qu’il existe presque toujours une situation dangereuse à proximité
immédiate d’un produit chimique, quel que soit le contenant. Seule l’estimation
de la probabilité et de la gravité des dommages permet ensuite d’éliminer certaines
situations à risque négligeable. Le terme de proximité immédiate est évidemment
sujet à interprétations. Cette zone dangereuse ne peut être estimée qu’en fonction
de certains facteurs. Nous en décrivons quatre :

m Degré d’ouverture de l’espace

Les murs et portes d’un espace de travail constituent le plus souvent une barrière
naturelle suffisante pour arrêter les effets des événements dangereux. Par contraste,
c’est l’intérieur du local qui constitue la zone dangereuse. En pratique, l’atelier doit
être considéré comme tel dès qu’un produit dangereux est utilisé à l’intérieur, à
défaut d’équipements de protection particuliers déjà mis en place. Cette surface
peut toutefois être réduite en cas de très petite quantité de produit.

m Quantité stockée

Tous les effets néfastes d’événements dangereux sont proportionnels à la quantité


de produit contenu dans l’équipement considéré. C’est grossièrement le cas de la
vaporisation, de la fuite, de la projection, de la réaction incontrôlée. Il faut donc
définir une zone dangereuse tenant compte de ce paramètre, surtout en espace ouvert.
Pour les produits inflammables ou explosifs, il faut étudier ce paramètre plus précisé-
ment, en raison du risque incendie et explosion. La gravité de ces événements est
une fonction quasi exponentielle des quantités stockées. Il est toujours utile de faire le
petit calcul consistant à chiffrer le volume théorique de vapeurs obtenues par vapo-
risation totale d’un liquide stocké, et de le comparer au volume du local éventuel.
Vv = 25 m/M
Vv : volume de vapeurs en m3 ;
m : masse de liquide en kg ;
M : masse moléculaire du liquide en g.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

EXEMPLE :
Un atelier de 100 m2 contient 1 fût de solvants de 200 kg. Sa masse moléculaire est de 106. Le
local a une hauteur de 4 m.
Vv = 25 ¥ 200/106 = 47 m3
Le volume du local étant de 400 m3, les vapeurs en occuperaient 12 %, c’est-à-dire qu’on se trouve
largement dans la zone d’explosivité.

Il est intéressant de noter que la zone dangereuse coïncide avec celle que l’on doit
déclarer dans le cadre de la réglementation du risque explosion et qui exige une
signalisation spécifique.

135
3 • Pratique de l’analyse 3.2 Identification des risques
des risques chimiques

m Paramètres chimiques
Le risque de réaction dangereuse doit toujours être envisagé. Nous parlons bien
des réactions imprévues, ou incontrôlées. Les prévoir consiste en fait à repérer des
couples de produits fortement réactifs, de préférence au moment de l’inventaire
des produits présents dans un certain espace, en s’aidant des informations figurant
au paragraphe 2.5.2.
Une fois qu’un couple est identifié, encore faut-il que la rencontre des produits
protagonistes soit possible. La proximité est la principale condition pour créer une
situation dangereuse, mais elle n’est pas toujours indispensable. C’est l’événement
dangereux qui définira cette possibilité.
m Paramètres physiques
La zone dangereuse est aussi fonction de paramètres tels que la pression, la tempé-
rature des agents chimiques et leur situation dans l’espace. Il est certain qu’un
produit stocké ou utilisé en hauteur crée une menace plus étendue que s’il était au
sol, de même que des contenants ou des tuyaux créent une zone de risque dont
l’étendue est fonction de la pression interne.
Peut-on s’appuyer sur la classification des agents chimiques utilisés ? Un produit
toxique suggère évidemment un risque d’intoxication aiguë, un produit corrosif
un risque de brûlure cutanée, et un comburant un risque de réaction dangereuse.
Mais le risque d’exposition massive est présent quel que soit le danger. Par contre,
le risque d’incendie ou d’explosion n’existe qu’en présence d’un inflammable et, de
façon plus restreinte, d’un combustible.

3.2.3 Événements dangereux


Pour inventorier les événements dangereux possibles, il faut faire appel à son
imagination. Mais elle doit être aidée par des outils appropriés pour prétendre à
une bonne couverture des risques. Le premier d’entre eux est le groupe de travail,
son apport de créativité n’étant plus à démontrer. Le second outil classique est la
« check-list », que l’on parcoure systématiquement. Il en existe dans des ouvrages
spécialisés et nous en proposons une, très simple.
EXEMPLES D’ÉVÉNEMENTS DANGEREUX :
Contacts massifs provoqués par :
Éclatement de tuyau
Débranchement de tuyau
Décompression brutale d’un récipient ou d’une canalisation
Rupture de paroi de récipient ou appareil contenant un agent chimique
Renversement de récipient
Fuite de récipient
Ouverture intempestive de robinet ou de vanne
Chute dans un récipient
Projection de liquide par immersion brutale d’une pièce
Projection de liquide par explosion d’un contenant
Contact avec un équipement souillé par un agent chimique
Contact avec le sol souillé par un agent chimique

136
3 • Pratique de l’analyse 3.2 Identification des risques
des risques chimiques

Inhalations massives provoquées par :


Décompression d’un récipient
Explosion d’un récipient
Fuite de gaz ou vapeurs
Chauffage brutal d’un liquide volatil
Renversement d’une quantité importante de solvant
Réaction entre deux produits générant un gaz
Décomposition thermique d’un agent chimique
Incendie avec des produits chimiques
Panne d’un captage
Ingestions nocives provoquées par :
Conditionnement trompeur
Pollution d’un aliment
Asphyxie provoquée par :
Fuite de gaz inerte
Renversement d’azote liquide
Pénétration dans un espace appauvri en oxygène
Combustion soudaine d’un inflammable
Brûlures thermiques provoquées par :
Incendie
Explosion
Projection de liquide chaud

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, mais constitue déjà une bonne base
pour trouver l’essentiel des risques. Plus on remonte dans l’enchaînement des faits,
plus les options se multiplient. Ainsi, si l’on cherche les causes possibles d’une
fuite, on peut trouver une douzaine de faits possibles. Le fait que les événements
déclencheurs soient quasi innombrables conduit à s’en tenir, par exemple, aux
deux dernières causes avant le dommage, en supposant que le déclencheur arrivera
toujours. Cela est d’autant plus difficile quand le poste de travail ne comporte
aucune utilisation d’agent chimique et que c’est une formation inattendue d’agent
chimique dangereux qui est l’événement déclencheur. L’exemple qui illustre le mieux
cette éventualité a été décrit au paragraphe 2.5.2. Il s’agissait de la formation de
sulfure d’hydrogène dans une station d’épuration des eaux, provoquée par l’arrêt
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

accidentel du flux des eaux usées.


Nous retrouvons bien les composantes du processus accidentel ; le danger était
apporté par une substance générée par l’activité, la situation dangereuse était de
travailler à proximité d’un milieu fermentescible et l’événement dangereux a
commencé avec l’arrêt du flux, puis la fermentation, puis la pénétration de
l’opérateur dans le local, pour se terminer par l’inhalation massive d’un gaz très
toxique (la VLE est de 10 ppm).
La recherche des déclencheurs de dysfonctionnement se fait d’abord en s’aidant de
l’expérience de l’entreprise. C’est pourquoi il faut se constituer des bases de données
d’accidents et surtout d’incidents survenus, même sans le moindre dommage.
Comme évoqué précédemment, il faut inclure les défaillances des dispositifs de

137
3 • Pratique de l’analyse 3.2 Identification des risques
des risques chimiques

protection collective ou individuelle, dans l’inventaire des événements dangereux


possibles. Ainsi l’arrêt d’une ventilation ou la défaillance d’un détecteur de gaz
peut être un événement générateur de dommage.
Une autre méthode utilisée dans l’inventaire des événements dangereux consiste à
partir des déclencheurs pour lister ensuite tous les dommages qui peuvent en résulter.
Ce principe, que l’on retrouve dans les méthodes inductives (voir paragraphe
suivant), s’adapte mieux aux défaillances techniques, comme dans l’étude de sûreté
des process ou d’installations. Là encore, le croisement de plusieurs méthodes donne
les meilleurs résultats.
Cependant, un déclencheur peut être d’origine humaine. On peut citer les erreurs
d’identification portant sur des produits, des organes de commandes, des signaux,
etc. Les modifications de procédés improvisées peuvent déclencher des événements
dangereux. Souvent c’est la simple ignorance du risque qui est le premier facteur,
en particulier dans le déclenchement de réactions dangereuses.

3.2.4 Les méthodes de recherche des risques accidentels


La recherche des événements dangereux possibles s’inscrit dans l’ensemble des
études de risques qui sont exigibles avant le démarrage d’un nouveau procédé ou
d’une nouvelle installation. Depuis longtemps des méthodes ont été développées
et normalisées dans ce but. Nous les évoquons brièvement ici1.
Il existe deux types fondamentaux d’analyses des risques. L’une est appelée méthode
déductive et l’autre méthode inductive. Dans la première, le dommage final est
présumé et les circonstances qui pourraient provoquer cet événement sont ensuite
recherchées. Dans la méthode inductive, la défaillance d’un élément est présumée.
L’analyse qui suit détermine les événements que cette défaillance pourrait provoquer.

m Analyse des modes de défaillances et de leurs effets (AMDE)

L’AMDE est une méthode inductive dont l’objectif principal consiste à évaluer la
fréquence et les conséquences de la défaillance d’un élément, appelée « événement
redouté ». Elle va donc jusqu’à l’estimation du risque. Elle est spécifiée dans la
norme CEI 812 : 1985 – Techniques d’analyse de la fiabilité des systèmes – Procédure
d’analyse des modes de défaillances et de leurs effets (AMDE).

m Analyse préliminaire des risques (APR)

L’APR est une méthode générale utilisée au stade de la conception d’un équipe-
ment, d’une installation ou d’un projet, en particulier dans l’industrie chimique.
Elle nécessite dans un premier temps d’identifier les éléments dangereux, qui
peuvent être des produits chimiques, des fluides, des équipements, des opérations.
L’APR cherche ensuite à identifier toutes les situations dangereuses générées par
ces éléments, en imaginant des enchaînements de faits, pour en déduire in fine des
mesures de prévention. Elle comporte donc des points communs évidents avec la
méthode développée dans cet ouvrage.

1. Pour en savoir plus, voir la note documentaire ND 1675 de l’INRS sur le site www.hst.fr, ou la synthèse
faite sur le site www.previnfo.net.

138
3 • Pratique de l’analyse 3.2 Identification des risques
des risques chimiques

m Méthode MOSAR (Méthode Organisée Systémique d’Analyse des Risques)

La méthode MOSAR est une démarche qui comporte dix étapes. Le système à
analyser (procédé, installation, etc.) est considéré comme formé de sous-systèmes
en interaction. Une grille est utilisée pour identifier les phénomènes dangereux, les
situations dangereuses et les événements dangereux.
L’adéquation des mesures de sécurité est étudiée à l’aide d’une deuxième grille,
puis d’une troisième grille prenant en compte leur interdépendance. Ceci conduit à la
construction de scénarios d’accidents. Les scénarios sont classés, par consensus,
dans une grille de gravité.
Une grille de correspondance, établie elle aussi par consensus, relie la grille de
gravité aux objectifs à atteindre par les mesures de sécurité et spécifie le niveau de
performance des mesures techniques et organisationnelles.
Les mesures de sécurité sont alors intégrées aux arbres logiques et les risques résiduels
sont analysés au travers d’une grille d’acceptabilité définie par consensus.

m L’arbre des défaillances (ADD)

L’ADD est une méthode déductive menée à partir d’un événement jugé indési-
rable qui permet à son utilisateur de trouver tous les chemins critiques conduisant
à cet événement. Les événements dangereux ou sommets sont tout d’abord identifiés.
On représente ensuite toutes les combinaisons de défaillances élémentaires qui
pourraient se traduire par un événement indésirable sous la forme logique d’un
arbre des défaillances, similaire à l’arbre des causes décrit par ailleurs. La méthode
est spécifiée dans la norme CEI 61025 : 1990 – Analyse par arbre de panne (AAP).

m Méthode HAZOP (HAZard OPerability)

Cette méthode a été conçue pour les risques liés au process. Elle est donc bien adaptée
à l’industrie chimique, en particulier pour le risque de réaction incontrôlée. Son
principe est de choisir un système, de lister tous ses paramètres influents et d’examiner
tous leurs écarts possibles. Les paramètres du système sont typiquement :
– température ;
– pression ;
– poids, volume ;
– débit ;
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

– niveau ;
– concentration ;
– durée ;
– pH ;
– état d’un organe (marche/arrêt, ouvert/fermé).
Les écarts possibles de ces paramètres sont passés en revue à l’aide de mots guides
tels que :
– trop de ;
– pas assez de ;

139
3 • Pratique de l’analyse 3.2 Identification des risques
des risques chimiques

– non fait ;
– en plus de ;
– en partie ;
– inverse ;
– autre ;
– avant, après ;
– …
Ce qui génère des hypothèses telles que : température trop haute, pas assez de
poids A, ouverture non faite, volume en partie dévié, marche à l’envers, fermeture
avant la fin, etc. Pour chacun de ces écarts, il faut indiquer une cause et des consé-
quences. On en déduit quels moyens de détection et quelles mesures correctrices
seront opportuns, en s’aidant d’un tableau comme celui-ci :

Système

Repère Mot guide Paramètre Cause Conséquences Détection Mesure corrective

m Méthode « Que se passe-t-il si » (« WHAT IF » Method)

« Que se passe-t-il si » est une méthode inductive. Pour les procédés relativement
simples, le mode opératoire est passé en revue. À chaque étape, on se demande ce
qui se passe si tel dysfonctionnement se produit et on répond en décrivant les
effets des défaillances de matériel ou des erreurs de procédure sur l’apparition de
dommages.
Pour les procédés plus complexes, la méthode utilise une « check-list » pour
balayer tous les dysfonctionnements et divise le travail de façon à confier l’étude
de certaines phases aux personnes qui ont la plus grande expérience ou habileté à
évaluer ces aspects. Elle est assez voisine de la méthode HAZOP, mais exige une
certaine compétence des personnes qui la pratiquent.
Toutes ces méthodes sont en fait très voisines. Ce qui est important à retenir, c’est
l’intérêt d’une double approche, déductive partant des dommages, et inductive
partant des déclencheurs pour un inventaire plus complet des événements dange-
reux envisageables.

3.2.5 Enregistrement des données


Nous avons vu qu’à une action ou phase donnée peuvent être rattachés plusieurs
risques. Il faut donc enregistrer ceux qui ont été identifiés, d’une part comme
risques d’exposition chronique, d’autre part comme risques d’accident, sachant
que le plus souvent les deux groupes sont présents. Mais, pour chaque groupe, il
n’y a qu’un risque par famille de danger, comme établi au paragraphe 2.3.6. Ce
qui veut dire que la configuration la plus complète est :

140
3 • Pratique de l’analyse 3.2 Identification des risques
des risques chimiques

Action Type de risque Famille de danger Code

Nocivité par inhalation In

Chronique Nocivité par contact Co

Nocivité par ingestion Tg

Nocivité par inhalation In


X
Nocivité par contact Co

Accidentel Nocivité par ingestion Tg

Incendie-explosion IE

Réactivité Re

Soit 8 risques par action. En réalité, cela revient à préciser la voie avec le type, sauf
pour l’incendie-explosion et la réactivité, qui s’ajoutent pour le risque accidentel.
On peut donc, par commodité, utiliser la liste de codes suivante :
C-In
C-Co
C-Tg
A-In
A-Co
A-Tg
A-IE
A-Re
Dans la pratique, après élimination des risques négligeables, il ne reste que 4 à 5 risques,
selon qu’il y a des inflammables ou pas. Pour chacun de ces risques élémentaires, il
reste à enregistrer tous les paramètres que nous appellerons qualitatifs et qui figurent
dans le tableau suivant :

Domaine Paramètres N˚ Précisions


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Agent chimique 1 Son nom de substance, de préparation ou de rejet

Identité 2 Son numéro CAS ou EINECS, ou référence

Il s’agit des phrases de risque correspondant


Dangers 3
à la famille de danger générant le risque
Danger
Liquide, pâte, gaz, vapeurs, poudre, poussière,
Forme physique 4
aérosols, fumées, etc.

Point d’ébullition, d’éclair, pression de vapeur,


Constantes physiques 5
LIE, granulométrie, masse moléculaire, etc.

141
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

Domaine Paramètres N˚ Précisions

Évaporation, mise en suspension, broyage,


Mode de dispersion 6
échappement, pulvérisation, dépôt, etc.
Exposition
Zone de dispersion 7 < 1 m, < 10 m, local entier, etc.

Proximité 8 Tête à 50 cm de la surface, produit sur les mains, etc.

Situation dangereuse 9 La proximité avec le danger


Accident
Événement dangereux 10 Le scénario

La nature et la localisa- Correspond à la phrase de risque.


Dommage 11
tion de la pathologie Éventuellement tableau de MP.

Seuls les paramètres 1, 2, 3, 4, et 11 sont indispensables pour un risque chronique


et les paramètres 1, 2, 3, 4, 9, 10, et 11 pour un risque accidentel. Les autres (5 et
les 3 qui ne précisent que le risque chronique (6, 7, 8)) sont renseignés en fonction
de leur disponibilité et de leur utilité. Ils peuvent très bien figurer dans une autre
base de données, consultable à volonté. En définitive, il suffit d’enregistrer chaque
risque élémentaire avec un repérage adéquat, en mentionnant son type, sa famille
de danger et les paramètres qualitatifs correspondants.

3.3 Estimation des risques


3.3.1 Le cheminement de l’estimation
L’estimation des risques va nous permettre de tous les classer dans l’ensemble défini,
par priorité décroissante, qu’ils soient de type chronique ou accidentel. Pour cela,
il nous faut connaître les paramètres influents sur leur cotation. Ils ont été décrits
au paragraphe 2.4.4 pour le type chronique et 2.5.5 pour le type accidentel. Le tableau
ci-contre en présente une synthèse.
La cotation des risques se fait donc à partir des quatre paramètres quantitatifs
fondamentaux, codés ND, NE, NG et NP. Ceux-ci doivent eux-mêmes faire
l’objet d’une cotation, à partir de paramètres chiffrés ou pas, comme exposé aux
paragraphes 2.4.4 et 2.5.5. Ces diverses cotations doivent suivre certaines règles
pour être significatives.

3.3.2 Règles de cotation


1) Choisir des échelles de cotation adaptées à l’ampleur de l’évaluation. Plus il y a
de risques à estimer, plus large doit être l’échelle, car, dans le classement final, il
faut éviter d’avoir trop d’éléments sur un même niveau. Le minimum est une
échelle à trois niveaux : faible, moyen et élevé. Si l’on augmente le nombre de
niveaux, il faut être en mesure de bien les attribuer, donc disposer de suffisamment

142
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

La cotation d’un dépend


codé qui dépend de qui dépend de
risque de type d’abord du

Niveau Phrases
ND VLEP ou DL50
de danger de risque

Durée

Indice
Fréquence
d’exposition
respiratoire Ir
Coefficient d’exposition R
Chronique
(métrologie ou estimation)
Niveau
NE
d’exposition
Durée

Indice
Fréquence
d’exposition
cutanée Ic
Coefficient d’exposition C (surface
de contact, concentration)

ND

Quantité
Niveau de Dommage le
NG
Gravité plus probable
Proximité

Nombre de personnes

Conception
Nombre de
Maintenance
déclencheurs
Facteurs humains
potentiels
Zone atex

Accidentel Nombre
d’étapes Complexité de l’environnement
du scénario
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Niveau de
NP Étendue
Probabilité Conception
de la zone
Propriétés du produit
dangereuse

Présence Durée et fréquence des actions


humaine Mode opératoire

Protection
Possibilité
Surveillance
d’évitement
Formation/information

143
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

de critères. Nous pensons qu’il est illusoire d’utiliser plus de 10 niveaux. Le choix
du nombre pair ou impair n’est pas anodin, puisque l’impair fixe un niveau juste
au milieu de l’échelle. Les partisans du nombre impair disent qu’il est plus facile
de se référer à une moyenne, et ses opposants disent qu’il ne faut pas être tenté de
s’y réfugier… L’étendue de l’échelle peut aussi varier selon le paramètre que l’on
cote, en fonction du nombre de variables dont il dépend.
2) Toute notre méthodologie d’estimation repose sur le caractère relatif de la cota-
tion. Cela veut dire concrètement que chaque paramètre est situé par rapport au
plus haut et au plus bas. Il est donc primordial d’examiner d’abord tous les
niveaux d’un paramètre donné pour l’ensemble des risques, puis d’affecter le plus
haut niveau, puis le plus bas, et enfin de coter tous les autres par rapport à ces deux
extrêmes. C’est pour cela qu’on ne peut coter les risques qu’une fois leur identifi-
cation terminée sur l’ensemble. Une cotation des risques réalisée au fur et à mesure
de l’identification perd tout caractère relatif et n’atteint pas son but. Dans les autres
méthodes que nous avons étudiées, ce point capital n’a jamais été mentionné.
3) La cotation peut être numérique ou pas. Dans le premier cas, on accède à la
cotation finale par une fonction mathématique, souvent l’addition ou le produit
des cotations des paramètres influents. Dans le cas contraire, la cotation se fait par
lettres ou par mots, et les combinaisons se font par matrice, qu’on appelle aussi
grille ou tableau, comme celles qui figurent aux paragraphes 2.4.4 et 2.5.5. Cette
option permet plus facilement de « doser » l’influence de chaque paramètre sur la
cotation finale.
La cotation des risques engage à terme ses auteurs sur une stratégie de prévention.
Pour éviter les tensions et désaccords ultérieurs, il est important que les trois règles
ci-dessus soient établies de façon collective et consensuelle.

3.3.3 Paramètres influents sur la cotation


Une fois fixée la fonction ou la matrice de combinaison des quatre paramètres
fondamentaux, la cotation du risque est immédiate. La difficulté intervient au stade
précédent, c’est-à-dire pour coter les quatre niveaux fondamentaux eux-mêmes.
Voici quelques pistes pour ce faire.

m Niveau de danger (ND)

C’est le plus facile puisqu’il existe des échelles de cotation, d’ailleurs absolues, à
partir des phrases de risque, comme cela est expliqué en détail au paragraphe 2.3.5.
Rappelons qu’il ne faut considérer que les phrases se rapportant à la famille de
danger correspondant au risque estimé. S’il y a plusieurs phrases, on retiendra le
plus haut niveau de danger obtenu. Pour illustrer ce point clé de la méthodologie,
prenons l’exemple des risques liés à l’utilisation d’une préparation affectée de la
classification suivante :
R23, R37/38, R60, R10.
La règle énoncée ci-dessus conduit à l’analyse de risque suivante :

144
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

Type Phrases Niveaux


N˚ de Niveau
de Libellé de Libellé de
risque retenu
risque risque danger

R23 Toxique par inhalation 4


1 In Inhalation R37 Irritant pour les voies respiratoires 2 4
R60 Peut altérer la fertilité 4

Contact R38 Irritant pour la peau 2


2 Co 4
cutané R60 Peut altérer la fertilité 4

Incendie-
3 IE R10 Inflammable 2 2
explosion

La synthèse des niveaux, affectés d’une part aux phrases de risque de tous types
pour la réglementation actuelle, et d’autre part aux agents chimiques générés par
l’activité et non étiquetables, figure dans l’annexe 4.
Cette cotation est un minimum et peut être avantageusement complétée par des
phrases de risque affectées pour la circonstance. Par exemple : gaz de combustion,
R26, fumées de soudure inox, R23, R49, ce qui entraîne une nouvelle cotation
aux niveaux 5 et 4.
Ces tableaux, qui affichent cinq niveaux – mais il n’y en a que quatre réels –, sont
une référence permettant le consensus. Il est parfaitement admissible que des
modifications y soient apportées d’un commun accord, en fonction d’une expé-
rience ou d’une connaissance particulière des personnes concernées. Dans tous les
cas, il est préférable de déterminer le niveau de danger en accord avec le médecin
du travail.
Nous prendrons un exemple très simple pour illustrer ce point. Les effets de l’éthanol
(alcool éthylique) sur la santé ne sont plus à démontrer. Or sa classification se
limite strictement à R11, facilement inflammable. Ce produit est pourtant un solvant
industriel. Peut-on imaginer, en conséquence de son étiquetage, de négliger
l’exposition chronique aux vapeurs ?
Ce classement de niveau permet en outre une approche conforme à la réglementa-
tion qui prévoit des mesures spéciales pour certains produits dangereux (plomb,
amiante, etc.) ou catégories de produits (cancérogènes, mutagènes, toxiques pour
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

la reproduction).

m Indices d’exposition (Ir et Ic)

Le troisième paramètre de l’indice est le coefficient d’exposition. Pour la voie respi-


ratoire, le coefficient R reflète le niveau de concentration du polluant dans l’air. Mais
celle-ci est très variable dans le temps et l’espace, et l’idéal est de procéder à des
campagnes de métrologie. À défaut, on s’appuie sur des facteurs d’exposition. Pour
le contact cutané, il faut principalement intégrer la surface de peau exposée. Le
coefficient C peut suivre une progression du type : mains, bras, jambes, torse,
corps entier.

145
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

m La métrologie relative aux expositions

La métrologie des agents chimiques susceptibles d’entrer en contact avec les personnes
n’est pas une technique d’accès facile. Il faut d’abord que l’agent chimique visé soit
mesurable. Ensuite, la technique est très différente selon qu’il s’agit d’une exposition
respiratoire ou cutanée. Pour la première, elle consiste à mesurer la concentration
d’une substance, ou d’une poussière, dans l’atmosphère de travail. Les pollutions
atmosphériques sont souvent des mélanges complexes. La mesure ne porte alors
que sur un ou deux composants du mélange. Quand l’ensemble des mesures est
réalisé sur le domaine de l’étude, on peut attribuer les coefficients d’exposition
respiratoire R, comme indiqué.
La métrologie concernant l’exposition cutanée est plus complexe. Elle consiste à
procéder à des prélèvements surfaciques, du type frottis, sur une surface donnée.
Elle peut être pratiquée sur la peau, mais aussi sur les objets, reflétant dans ce cas la
quantité qui se dépose. Dans le cas d’une préparation ou d’une dilution, il faut
tenir compte de la concentration du produit actif. Pour les concentrations surfaciques,
il existe peu de valeurs de références et aucune VLEP. Mais cela reste une indica-
tion précieuse pour procéder à des comparaisons dans l’espace et dans le temps.
En pratique, on en déduira le coefficient d’exposition cutanée C, en intégrant
l’importance de la surface de peau en contact.
Le dosage d’indicateurs biologiques d’exposition (IBE)1 dans les urines et le sang,
déjà évoqués au paragraphe 2.4.2, constitue un troisième type de métrologie, tout
aussi intéressant pour mettre en évidence une exposition déjà réalisée. La biomé-
trologie a l’avantage de rendre compte de la dose réellement absorbée par l’orga-
nisme. L’expérience a montré que le recours à cette technique peut remettre en
cause les estimations intuitives initiales, d’autant qu’elle est indépendante du
mode de contamination. Cette observation a été faite notamment avec le plomb et
certaines amines aromatiques. Elle a aussi des inconvénients, comme la contrainte
des analyses pour le personnel et le fait qu’elle ne soit qu’une méthode a posteriori.
Une métrologie doit évidemment être représentative de l’exposition pondérée, ce
qui suppose des séries de mesures pour pouvoir faire un minimum de statistiques,
surtout si les modes opératoires varient souvent. Pour ces diverses raisons, elle
n’apporte souvent qu’une information semi-quantitative, c’est-à-dire un ordre de
grandeur. Mais c’est souvent largement suffisant quand on procède par comparaisons.

m Expositions multiples

Un poste de travail peut induire une exposition à deux, ou plus, agents chimiques,
parce qu’ils sont présents simultanément dans l’atmosphère de travail ou parce
qu’ils sont manipulés simultanément. Comment traiter ce cas ? On peut assimiler
l’exposition multiple à une exposition simple à une préparation qui contiendrait
les différents agents présents. Pour analyser les risques qui en résultent, il faut
reconstituer la classification de cette préparation théorique. Cela est difficile parce
que la composition nous échappe dans ce cas. Il suffit alors, pour rester prudent,

1. Pour en savoir plus, consulter BIOTOX, Guide biotoxicologique pour les médecins du travail, INRS, ED 791,
2007.

146
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

d’additionner les phrases de risque de tous les composants, tout en éliminant les
redondances ou les dangers de niveau inférieur, comme dans l’exemple suivant,
qui pourrait se trouver dans une combustion de déchets :

Exposition simultanée à : Classification Synthèse

Xylène R10-20/21-38
R23-21-35-61-33-40-62
Acide chlorhydrique R23-35
R10
Poussières de chromate de plomb R61-33-40-62

Si l’on veut estimer une exposition multiple par métrologie, il faut mesurer les
concentrations de tous les composants. Rappelons qu’il n’existe pas de VLEP pour
les mélanges, mais l’INRS a établi une règle qui considère que chaque substance
d’un mélange contribue à l’exposition. La valeur limite du mélange est obtenue
par le biais du rapport des concentrations atmosphériques (Cn) aux VLEP corres-
pondantes (VLn), selon la formule :
C1 C2 Cn
--------- - + … + ---------
- + --------- -≤1
VL 1 VL 2 VL n
EXEMPLE :
Exposition simultanée à l’éthanol (600 ppm), au xylène (25 ppm) et à l’ammoniac (2 ppm). Les
VME correspondantes sont 1 000 ppm, 50 ppm et 10 ppm. La convention d’additivité donne :

------------- + 25
600 2
- = 1,3
------ + -----
1 000 50 10
La valeur limite est donc dépassée, alors qu’aucun des composants ne dépasse sa propre valeur
limite.

m Facteurs d’exposition

Dans la majorité des cas, le coefficient d’exposition R sera le résultat d’une estima-
tion sans métrologie. Comme toute estimation, elle doit être le résultat d’une
approche collective, qui permet de synthétiser les avis, et relative, qui ne vise qu’à
situer les valeurs entre les extrêmes. Elle repose dans tous les cas sur l’observation
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

de certains facteurs d’exposition. Ce sont des éléments du procédé et de l’environ-


nement qui contribuent au contact des personnes avec les agents chimiques. Voici
les cinq éléments principaux :
Le degré d’ouverture d’un système : Il s’agit de repérer les contenants qui peuvent
être ouverts en permanence, comme des cuves, ou temporairement, comme des
emballages. Des mises à l’air libre d’un agent peuvent arriver au cours d’une opération
de versement, de soutirage ou de prélèvement. Le degré reflète la proportion, spatiale
ou temporelle, de ces ouvertures par rapport à l’ensemble des équipements.
La volatilité d’un produit : Elle est fonction, pour un liquide, de sa pression de
vapeur et, pour un solide pulvérulent, de sa granulométrie.

147
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

Le degré de dispersion : Le mode opératoire peut induire des mouvements d’agents


chimiques à l’air libre qui favorisent leur dispersion, comme la projection, l’étalement
en surface, le ponçage, le meulage et le broyage, la pulvérisation, le chauffage, etc.
Le degré de manipulation : Ce facteur vise spécialement le contact cutané. Il reflète
la proportion d’actions qui sont réalisées directement avec les mains, c’est-à-dire
conformes au sens premier de manipulation. Les deux exemples typiques sont les
transvasements de petits conditionnements et les nettoyages d’objets aux solvants.
Le degré de protection : Notre méthode exploite toujours l’exposition réelle des
personnes. Cela veut dire que lorsque des protections collectives sont utilisées ou
des protections individuelles portées, elles doivent être intégrées dans l’estimation.
Le coefficient d’exposition résulte donc de l’estimation d’une exposition hors
protection, corrigée par l’efficacité de ladite protection dans ses conditions réelles
d’exploitation. Ainsi, une protection respiratoire à haute efficacité utilisée dans un
espace à forte concentration de vapeurs nocives implique un coefficient négli-
geable, alors qu’un travail manuel sur un produit pulvérulent avec des gants de
faible efficacité implique un fort coefficient. En fait, c’est le risque de défaillances
de ces protections qui les dévalue en tant que mesures de prévention.
En théorie, il serait possible de coter chacun de ces facteurs, puis de combiner les
cotations obtenues et d’en déduire un coefficient d’exposition, respiratoire ou
cutanée. Une telle démarche est incluse dans la méthode proposée par l’INRS1. Il
appartient au groupe de travail chargé de l’évaluation de juger si cette étape
supplémentaire est supportable et utile. En général, la détermination des coeffi-
cients d’exposition se fait intuitivement, mais en tenant bien compte des facteurs
d’exposition. Nous proposons ci-dessous quelques exemples d’estimation.
Expositions respiratoires :

Degré d’ouverture Volatilité Dispersion Coefficient


Protection
du système du produit du produit R

Complètement clos Quelconque Aucune Aucune Négligeable

Partiel Faible Aucune Aucune Faible

Tout ouvert Aucune Aucune Aucune Faible

Captage
Partiel Moyenne Aucune Faible
enveloppant

Partiel Moyenne Aucune Captage latéral Moyen

Tout ouvert Faible Transfert de poudre Masque filtrant Moyen

Tout ouvert Moyenne Meulage Captage latéral Moyen

1. Méthodologie d’évaluation simplifiée du risque chimique, ND 2233, 2005, INRS.

148
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

Degré d’ouverture Volatilité Dispersion Coefficient


Protection
du système du produit du produit R

Ventilation
Tout ouvert Faible Séchage de pièces Moyen
générale

Partiel Forte Écoulement liquide Aucune Élevé

Tout ouvert Forte Aucune Aucune Élevé

Ventilation
Partiel Moyenne Pulvérisation Élevé
générale

Partiel Faible Travail à chaud Aucune Élevé

Expositions cutanées :

Degré d’ouverture Volatilité Degré Coefficient


Protection
du système du produit de manipulation C

Complètement clos Quelconque Aucune Aucune Négligeable

Partiel Moyenne Soutirage de liquide Gants spéciaux Faible

Partiel Faible Avec outil manuel Aucune Faible

Tout ouvert Moyenne Pesée Gants Moyen

Déplacement
Tout ouvert Poudre fine Aucune Moyen
de récipient

Tout ouvert Élevée Ponçage Gants Élevé

Partiel Moyenne Pulvérisation Gants Élevé

Transvasement de
Tout ouvert Moyenne Aucune Élevé
poudres
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Nettoyage manuel
Tout ouvert Forte Aucune Très élevé
au solvant

m Niveau d’exposition (NE)

Le niveau d’exposition est fixé en fonction des valeurs de l’indice d’exposition. Ce


dernier est obtenu en multipliant le coefficient d’exposition par la durée et la
fréquence d’exposition, conformément au principe énoncé au paragraphe 2.4.3.
Un classement des indices permet de fixer des niveaux d’exposition, selon les règles
de cotation déjà évoquées. Ce calcul est consigné dans un tableau, selon l’exemple
suivant, tiré de l’étude d’une opération de mélange de poudres.

149
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

Coefficients Niveau
Durée Fréquence Indice
Action d’exposition d’exposition
(min) (par jour) Ir
estimés (1 à 7) (1 à 5)

Pesée 20 4 3 240 4

Chargement 5 4 2 40 1

Déchargement 10 4 7 280 5

Transfert 5 4 1 20 1

Broyage 15 2 3 90 2

Conditionnement 10 2 2 40 1

m Niveau de gravité (NG)

La détermination du niveau de gravité du dommage commence par la fixation de


l’échelle de gravité, parfois appelée sévérité1. Dans les différentes méthodes d’évalua-
tion des risques, elle comporte de deux à cinq échelons. Nous proposons ici la plus
complète.

Niveau (NG) Définition Exemples de scénario

Nuage toxique
5 Mort collective
Explosion

Émanation toxique
4 Mort individuelle
Anoxie

Perte de la vue
Lésion grave avec incapacité
3 Brûlure au 3e degré
permanente
Insuffisance respiratoire sévère

Intoxication temporaire
2 Lésion grave réversible
Brûlure chimique limitée

Migraine
1 Pathologie légère
Irritation

Dans beaucoup de cas, une échelle à trois niveaux suffit. Le tableau du para-
graphe 3.3.1 indique quels sont les paramètres influant sur le niveau de gravité.
Le premier paramètre est le niveau de danger de l’agent chimique. Lorsqu’il est
classé très toxique, et en général de niveau de danger égal à 5, le décès doit être
systématiquement envisagé. Mais l’inverse n’est pas juste, parce que la concentration

1. C’est le cas dans la norme ISO 14121

150
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

intervient. Ainsi, une exposition à des vapeurs de substance classée irritante (R38,
ND = 2) peut être fatale si la concentration atteint 5 % dans l’air. De même, une
substance classée 4 parce qu’appartenant aux CMR ne générera pas nécessaire-
ment de risque mortel à une exposition massive de 5 000 ppm. C’est pourquoi
chaque cas doit être examiné avec toutes les informations de toxicologie aiguë
disponibles. La même prudence doit être observée pour un scénario de réaction
dangereuse, parce que l’étiquetage ne rend que grossièrement compte de la réactivité.
La gravité d’un incendie ou d’une explosion ne dépend pas beaucoup du niveau de
danger, parce que les dommages sont toujours indirects. L’agent chimique ne joue
que le rôle d’initiateur et n’intervient que rarement sur les dommages finaux. Par
contre, le nombre de personnes exposées est un critère important pour la gravité,
puisque le rayon d’action de ces deux sinistres est très souvent très large et la zone
dangereuse inclut des postes de travail initialement sans rapport avec le poste que
l’on estime.
La proximité des personnes avec le point de départ du phénomène accidentel est
l’un des facteurs les plus influents. Dans les scénarios de projection, d’épandage,
de combustion soudaine et d’explosion, le facteur distance est déterminant. C’est
même un point d’appui majeur de la prévention, car il existe toujours une distance
qui place les personnes hors d’atteinte des événements dangereux. C’est pourquoi
il est utile d’estimer l’étendue de la zone dangereuse pour situer le dommage possible
lié à la proximité.
La quantité d’agent chimique présente est un autre facteur déterminant sur le niveau
de gravité. Elle l’est d’abord de façon évidente pour les expositions massives, car les
pics de concentration atmosphérique et les surfaces de contact cutané sont propor-
tionnels à la quantité impliquée dans le scénario d’accident. Pour les réactions
dangereuses, les incendies et les explosions, l’ampleur des dommages est quasiment
exponentielle par rapport aux quantités mises en jeu. C’est aussi un aspect qui
guide les choix de mesures de prévention.

m Niveau de probabilité (NP)

Le niveau de probabilité concerne bien le dommage final et non le fait déclencheur


de l’événement dangereux, qui n’a pas du tout le même niveau de probabilité. La
probabilité du dommage envisagé est liée à sa gravité, comme montré précédemment.
Elle est en fait la combinaison des probabilités des étapes successives de l’événement
dangereux. Il est donc important de bien décrire chaque étape des scénarios retenus.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Le paragraphe 2.5.2 a montré la quantité surprenante de scénarios imaginables.


Ceux-ci peuvent être écrits de façon strictement linéaire, chaque événement n’ayant
qu’un précurseur. La séquence type est alors :
E1 (déclencheur) Æ E2 Æ… Æ En (évitement) Æ Dommage
Si l’on veut quantifier la probabilité, on retrouve la relation :
P (dommage) = P1 ¥ P2 ¥ … ¥ Pn
les probabilités étant exprimées en fraction 1/nombre estimé de cycles pour un
événement E. Ce nombre est exprimé en puissances de dix, précision suffisante en

151
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

pratique. Pour fixer les idées, voici quelques définitions de probabilité proposées
par la norme ISO 14121 :

Probabilité Définition

10 –1 Fréquent et attendu

10 –2 Possible

10 –3 Inhabituel

10 – 4 Isolé, rare

10 – 5 Envisageable à la limite

10 –6 Improbable, peu vraisemblable

EXEMPLE CHIFFRÉ :
Un tuyau de produit corrosif a un raccord dont la fréquence de fuite est estimée à 1 jour sur cent.
Un opérateur est présent sous ce tuyau 1 heure sur huit par jour. La probabilité qu’il reçoive du
produit est de 1/100 ¥ 1/8 = 1/800. S’il y avait deux raccords, la probabilité serait de 1/400.

Les scénarios peuvent prendre la forme d’un arbre des défaillances quand on envi-
sage plusieurs précurseurs à un événement, ou plusieurs événements pour un
précurseur. Le schéma suivant en est un exemple typique :

E1

E6

E2 E4 E5

E7 E8

E3 dommage

E9

Figure 3.3 – Arbre des défaillances

Contrairement aux conventions de l’arbre des causes, les précurseurs multiples


d’un événement sont liés par une conjonction « ou » et non pas « et ». Dans ce cas,
les probabilités s’additionnent1 :
P4 = P1 + P2 + P3 et Pdommage = P8 + P9

1. C’est du moins une approximation valable quand les probabilités sont faibles. Le calcul exact est fourni
par le théorème de Poincarré : si A ou B provoque E, alors PE = PA + PB – PA ¥ PB.

152
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

Il faut réserver cette approche quantitative à des scénarios relativement simples,


compte tenu de la lourdeur des calculs de probabilités qui peut décourager.
La difficulté est d’attribuer une probabilité à chaque événement du scénario. Le
premier est le déclencheur, qui peut avoir une origine technique ou humaine. Il
faut chercher dans l’historique des pannes et incidents, sachant que le déclencheur
technique n’est pas forcément chimique, mais très souvent mécanique, électrique,
hydraulique ou électronique. Cela est d’autant plus probable que la technologie est
complexe. Le recours à des méthodes telles que celles évoquées au paragraphe 3.2.4
est souvent indispensable, ce qui suppose de s’entourer de toute la documentation
nécessaire : plans, schémas, notices, études, rapports, FDS, etc. En ce qui concerne
les déclencheurs de type humain, autrement dit les décisions erronées, ils ont
souvent pour origine un défaut d’information ou de compréhensibilité de celle-ci.
Le cas du scénario d’explosion est particulier parce que l’estimation de la probabi-
lité rejoint la démarche réglementaire qui conduit à définir des zones à risque. Ce
scénario est toujours assez simple et peut être schématisé ainsi :

Travail avec inflammable ou combustible

Émission de vapeurs ou de poussières Mélange avec l’air LIE < C < LSE

Atmosphère explosive Source d’ignition

Explosion

Figure 3.4 – Arbre des causes d’une explosion de vapeurs

Les liaisons étant du type « et », la probabilité peut se calculer ainsi :


P (explosion) = P (ignition) ¥ P (émission) ¥ P (mélange air)
¥ P (concentration explosive)
La probabilité de présence d’une source d’ignition est comprise comme se trouvant
dans l’atmosphère explosive, qui n’est qu’une partie du volume occupé par les vapeurs
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ou l’aérosol. La probabilité de l’atmosphère explosive est dans la plupart des cas voisine
de celle de l’émission de vapeurs ou d’aérosols, car la présence d’air et l’atteinte de
la concentration critique sont presque inévitables en dehors de toute mesure de
prévention. Or, la réglementation du travail demande, pour la prévention des
explosions, de définir les zones à risque en fonction des définitions suivantes1 :
– Zone 0 (vapeurs) ou 20 (poussières) : Emplacement où une atmosphère explosive
est présente en permanence, pendant de longues périodes ou fréquemment.

1. Arrêté du 8 juillet 2003 relatif à la protection des travailleurs susceptibles d’être exposés à une atmo-
sphère explosive.

153
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

– Zone 1 (vapeurs) ou 21 (poussières) : Emplacement où une atmosphère


explosive est susceptible de se présenter occasionnellement en fonctionne-
ment normal.
– Zone 2 (vapeurs) ou 22 (poussières) : Emplacement où une atmosphère explo-
sive n’est pas susceptible de se présenter en fonctionnement normal ou n’est que
de courte durée, s’il advient qu’elle se présente néanmoins.
Ces définitions s’appliquent parfaitement à des niveaux de probabilité. Il reste
qu’il n’est pas toujours facile de les choisir pour une situation donnée. L’INRS a
édité des guides qui facilitent ce travail1.
Il faut prendre en compte ensuite tout ce qui permet l’évitement du dommage
quand un événement dangereux s’est déclenché. On peut citer les systèmes de
surveillance des installations, qu’ils soient automatisés ou humains, les systèmes
d’alarme, lumineux ou sonores. Pour les incendies, il y a les moyens d’extinction et les
douches de sécurité. Pour les explosions, il y a les disques de rupture, les panneaux
d’expansion, etc. Quant aux réactions incontrôlées, il existe des systèmes de blocage
de réaction et de refroidissement rapide.
Comme pour l’exposition chronique, les protections collectives et individuelles sont
intégrées dans l’estimation, en tenant compte de leur efficacité réelle. Les possibi-
lités d’évitement dépendent aussi de l’expérience et de la formation des personnes
concernées. C’est pourquoi il ne faut pas oublier l’éventualité d’un remplacement
de personne dans l’estimation de ce facteur.
Enfin, la durée cumulée de présence humaine en zone dangereuse est un facteur
déterminant de la probabilité du dommage. Là encore, il s’agit de présence réelle
et non prescrite par un mode opératoire ou un règlement, car les écarts observés
peuvent être considérables. Ce facteur a l’avantage d’être quantifiable et donc
d’améliorer l’estimation de la probabilité de l’événement considéré.

m Cotation des risques

Une fois les quatre paramètres fondamentaux fixés, il ne reste plus qu’à les
combiner pour obtenir la cotation finale de chaque risque sur l’échelle définie.
Pour cela, il faut appliquer la règle de combinaison que l’on s’est choisie, parmi
toutes les variantes décrites au paragraphe 2.4.4, à savoir :
– fonctions mathématiques : addition, multiplication, polynôme, etc. ;
– matrice de combinaison.
Les variantes permettent par exemple de privilégier l’influence du danger dans le
risque chronique ou celle de la gravité dans le risque accidentel. Pour mieux
observer l’influence de la formule sur la cotation finale, nous présentons différents
tableaux de combinaisons obtenus à partir d’une échelle de 1 à 5 pour les paramètres
et montrant la progression du niveau de risque.

1. Il s’agit des brochures ED 845, ED 944, et ED 911.

154
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

NE/NP

1 2 3 4 5

1 2 3 4 5 6
NR = ND + NE (ou NG + NP)
2 3 4 5 6 7
Le résultat va de 2 à 10 ; il est symétrique.
ND/NG
3 4 5 6 7 8

4 5 6 7 8 9

5 6 7 8 9 10

NE/NP

1 2 3 4 5

1 1 2 3 4 5
NR = ND ¥ NE (NR = NG ¥ NP)
2 2 4 6 8 10
Le résultat va de 1 à 25 ; il est symétrique.
ND/NG
3 3 6 9 12 15

4 4 8 12 16 20

5 5 10 15 20 25

NE/NP

1 2 3 4 5

1 3 4 5 6 7
ND ¥ 2 + NE (ou NG ¥ 2 + NP)
Le résultat va de 3 à 15 ; il est 2 5 6 7 8 9
dissymétrique en faveur du ND/NG. ND/NG
3 7 8 9 10 11

4 9 10 11 12 13
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

5 11 12 13 14 15

L’inconvénient de ces formules est qu’elles génèrent des échelles finales très éten-
dues, avec une discontinuité, alors que le classement des risques paraît plus
compréhensible dans une échelle du même ordre que celle des paramètres et sans
discontinuité. On peut se rapprocher de cet objectif en prenant la racine carrée
(arrondie à 1 décimale) des fonctions qui utilisent un produit. Ainsi les deux
dernières formules deviendraient :

155
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

NE/NP

1 2 3 4 5

1 1,0 1,4 1,7 2,0 2,2


ND × NE (ou NG × NP )
Le résultat va de 1 à 5 ; il est symétrique. 2 1,4 2,0 2,4 2,8 3,2
Par contre, il comporte 13 échelons. ND/NG
3 1,7 2,4 3,0 3,5 3,9

4 2,0 2,8 3,5 4,0 4,5

5 2,2 3,2 3,9 4,5 5,0

NE/NP

1 2 3 4 5

1 1,7 2,0 2,2 2,4 2,6


ND × 2 + NE (ou NG × 2 + NP )
Le résultat va de 1,7 à 3,9 ; il est
2 2,2 2,4 2,6 2,8 3,0
dissymétrique en faveur du ND/NG,
ND/NG
avec 13 échelons.
3 2,6 2,8 3,0 3,2 3,3

4 3,0 3,2 3,3 3,5 3,6

5 3,3 3,5 3,6 3,7 3,9

Pour ne garder que les avantages des différentes formules, et en particulier éviter
les cotations décimales, il ne reste plus que la matrice de combinaison, comme
celle qui suit :

NE/NP

1 2 3 4 5

Matrice sans fonction mathématique. 1 1 1 2 2 3


Le résultat va de 1 à 7, il est
2 1 2 3 3 4
dissymétrique en faveur du ND/NG.
ND/NG
Il n’y a que 7 échelons, sans décimale. 3 2 3 4 5 5

4 4 4 5 5 6

5 5 5 6 6 7

156
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

Rappelons que le nombre d’échelons de l’échelle de niveau de risque doit être


fonction du nombre de risques élémentaires inventoriés. Si les échelles de cotation
des paramètres sont les mêmes pour les risques chroniques et les risques acciden-
tels, ils peuvent être mélangés dans le classement général, mais ce n’est pas souhai-
table. Il est en effet plus intéressant de disposer d’une vue d’ensemble de ces deux
types de risques.

3.3.4 Enregistrement des données


Les données concernant l’estimation des risques doivent s’ajouter à celles qui les
caractérisent, inventoriées aux paragraphes 3.1.4 pour le repérage des actions et 3.2.5
pour l’identification des risques. Les tableaux suivants synthétisent l’ensemble de
ces données, dans la version la plus développée.

m Risque chronique

Fonction Paramètre Exemple

Action Code S2-5

Type 1 parmi 3 C-In

Agent Xylène

Phrases R R20
Danger
Forme Vapeurs

Constantes Eb = 139 ˚C ; p. vap. = 8 hPa à 20 ˚C

Mode de dispersion Évaporation

Exposition Zone de dispersion Local de séchage

Proximité Au milieu du local

ND 3
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Durée 15 min

Estimation Fréquence 3 par jour

Concentration 30 ppm

NE 2

Dommage Descriptif Nausées, troubles hépatiques

Cotation Niveau sur échelle 3/7

157
3 • Pratique de l’analyse 3.3 Estimation des risques
des risques chimiques

m Risque accidentel

Fonction Paramètre Exemple

Action Code S2-5

Type 1 parmi 5 A-IE

Agent Xylène

Phrases R10
Danger
Forme Vapeurs

Constantes Eb = 139 ˚C ; LIE = 1 %

Descriptif Atmosphère explosive, zone 2

Zone dangereuse Local de séchage

Panne de ventilation et mise


Événement dangereux en marche du chariot thermique
pendant l’ouverture de l’étuve
Situation
dangereuse
Durée 15 min

Fréquence 3 par jour

Remarques Voyant de fonctionnement

NP 1

Descriptif Décès ou lésions diverses


Dommage
NG 4

Cotation Niveau sur échelle 4/7

Il n’est pas rare que plusieurs événements dangereux concourent au même type de
risque, au même moment. Dans l’exemple précédent, pour le même risque « A-IE »,
on aurait pu inscrire pour l’événement dangereux : « étincelle électrostatique pendant
le chargement de l’étuve ». Il faut alors enregistrer autant de risques distincts que
d’événements dangereux différents, puisque l’estimation et les mesures de prévention
peuvent être différentes.
Ainsi, la réalisation d’un inventaire rationnel des risques conduit à créer pour chacun
d’eux une fiche signalétique comprenant une quinzaine de rubriques. En outre,
pour une action élémentaire ou une phase d’un procédé, on peut trouver couram-
ment 4 à 5 risques chimiques distincts, dans la mesure où un agent chimique est
présent. Cela fait, en théorie, une soixantaine de rubriques à renseigner par action

158
3 • Pratique de l’analyse 3.4 Fixation des priorités d’action
des risques chimiques

ou phase, sachant qu’il faut procéder en deux fois, une première pour l’identifica-
tion, et une seconde pour l’estimation. Dans la pratique, il se trouve que beaucoup
de données se répètent, d’où l’intérêt d’automatiser partiellement leur saisie avec un
outil informatique.

3.4 Fixation des priorités d’action


À la fin de l’estimation des risques, tous les éléments nécessaires pour passer à
l’évaluation sont disponibles au sens de la norme, c’est-à-dire la décision sur la
suite à donner à chacun des risques. Dans un premier temps, il s’agit d’éliminer
tous ceux qui ont manifestement une importance négligeable. Ensuite, il faut les
classer par priorité d’action décroissante. Cette priorité est normalement donnée
par la cotation établie selon la procédure exposée au chapitre précédent.
Néanmoins, l’estimation des risques n’étant pas une science exacte, il est préfé-
rable de soumettre le résultat brut à la critique avant de l’entériner. À l’issue d’un
débat entre tous les acteurs concernés, et compte tenu de la connaissance « de
terrain », la cotation brute issue de l’estimation est susceptible de modifications.
Le classement final est une décision du responsable, qu’il s’agisse d’une entreprise
ou d’une autre organisation.
Le classement des risques par cotation décroissante crée en fait une hiérarchie des
actions à risque, identifiées par leur code. On trouve nécessairement de nombreux
risques sur un niveau donné. Mais il serait absurde de ne s’intéresser qu’à un seul
risque des actions désignées, alors qu’elles en comportent presque toujours plusieurs,
chroniques et accidentels. Il est plus logique de classer les actions ou les phases
répertoriées en fonction de l’ensemble des risques que chacune présente. Pour ce
faire, il est possible d’attribuer une cotation aux actions ou phases, en additionnant
simplement les cotations de tous les risques qui leur sont attachés.
EXEMPLE :
Une préparation de peinture comporte un ajout de solvant, action codée P2-3. Elle présente deux
risques chroniques cotés 3 et 1, et deux risques accidentels cotés 2 et 5. L’action P2-3 sera cotée
3+1+2+5 = 11.

Plus une action ou une phase présente de risques, plus son niveau de risque est
élevé, et plus la priorité de correction est élevée, ce qui est bien le but recherché. Il
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

est alors possible de procéder à un classement final de toutes les actions ou phases
d’un système étudié par cote de risque décroissante, fixant les priorités du plan de
prévention qui reste à établir. L’ensemble du classement gagnera en clarté si l’on
adopte des classes de risques, par exemple de A à F, regroupant des actions présentant
un risque coté dans une des fourchettes préalablement établies. Ce classement peut
être présenté comme l’illustre le cas fictif présenté dans le tableau ci-après.
Le codage des actions qui rappelle l’opération dont elles font partie d’une part, et
des risques d’autre part (par exemple, C21 ou A32), permet d’accéder facilement
aux précisions utiles en cas de besoin. Ce principe sera exploité dans l’étude de cas
du chapitre 6.

159
3 • Pratique de l’analyse 3.4 Fixation des priorités d’action
des risques chimiques

Code Risque Risque


Cotation Cotation Priorité Classe
action chronique accidentel

In C25 3 In A27 2
P2-3 11
Co C26 1 IE A28 5
A
In C51 4 Re A53 3
R1-4 10
Co C52 3

In C13 2 IE A15 4
M3-5 8
Co C14 2

In C45 4

R1-2 Co C46 3 8
B
Tg C47 1

Co C8 3 Re A10 2
M2-1 7
Tg C9 2

P2-5 In C32 3 IE A34 4 7

R1-2 In C33 2 In A35 3 5 C

Ce classement est, rappelons-le, établi pour l’unité de travail choisie au départ,


comme exposé au paragraphe 3.1, et ne peut être comparé à un autre classement
fait sur une unité différente. Par contre, des sous-ensembles de l’unité peuvent être
extraits et comparés entre eux, comme deux procédés inclus dans la même évalua-
tion globale. En additionnant tous les niveaux de risques de chacun de ces
procédés, il est possible de déterminer lequel est le moins dangereux.
C’est ainsi que se termine l’étape d’évaluation des risques chimiques, qui doit faire
l’objet d’un rapport de synthèse. Les données de ce rapport doivent bien sûr être
tenues à jour, ce qui nécessite de refaire l’évaluation chaque fois qu’une modifica-
tion intervient concernant les dangers, le travail, les expositions ou les situations
dangereuses. Le rapport d’évaluation à jour sert de point de départ pour d’une
part préparer le plan de prévention, d’autre part rédiger le document unique exigé
par la réglementation1.
La recherche de solutions pour supprimer ou réduire les risques constatés constituera
la première phase du plan d’action décrit dans le chapitre Pratique de la prévention
des risques ci-après.

1. L’article R. 4121-1 du Code du travail demande à l’employeur de transcrire et de mettre à jour les ré-
sultats de l’évaluation des risques dans un document unique comportant « un inventaire des risques
identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement ».

160
4 • PRATIQUE DE LA PRÉVENTION DES RISQUES

4.1 Objectifs de prévention


Pour chaque risque qui a été identifié et caractérisé, la recherche des mesures de
prévention va se faire en deux étapes. La première consiste à lister toutes les solu-
tions imaginables, en suivant strictement la méthodologie issue de la modélisation
exposée au paragraphe 2.2.1. La seconde comporte la sélection des mesures de
prévention les mieux adaptées selon les critères définis.
La modélisation avait conduit à définir 3 ou 4 composantes du risque selon son
type, chronique ou accidentel, suivant le tableau suivant :

Processus chronique Processus accidentel

Danger Danger

Situation dangereuse
Exposition
Événement dangereux

Dommage Dommage

La prévention consiste simplement à bloquer le mécanisme qui conduit au dommage,


ce qui revient à agir sur les composantes du risque. L’idéal est bien sûr la suppression
totale d’une ou plusieurs composantes mais, le plus souvent, il ne sera possible que
de réduire leur importance. Il est donc nécessaire de toutes les traiter, sachant que
l’efficacité exige de commencer toujours en amont, c’est-à-dire de respecter l’ordre
de priorité suivant :
– l’agent chimique dangereux ;
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

– la situation dangereuse ;
– l’événement dangereux ;
– l’exposition ;
– le dommage.
Cette liste constitue les objectifs de prévention. Il est important de s’y référer dans
toutes les solutions proposées pour ne pas perdre de vue leur hiérarchie d’efficacité.
Elle résume en fait les principes généraux de prévention figurant dans la réglemen-
tation1, mais en plus concis et plus structuré.

1. Article L. 4121-2 du Code du travail.

161
4 • Pratique de la prévention 4.2 Recherche des mesures possibles
des risques

4.2 Recherche des mesures possibles


Le principe est de rechercher, pour un risque donné, tous les moyens susceptibles
d’atteindre les différents objectifs de prévention, dans l’ordre précisé ci-dessus. Il
n’est pas possible d’énumérer tous ces moyens, car il y en a autant que de situations
particulières. Toutefois, il s’avère que des types de moyens sont récurrents. Voici
quelques-uns des moyens types les plus efficaces :

4.2.1 Action sur l’agent chimique dangereux


La première solution est la suppression. Mais, sauf exception, qu’il faut toutefois
envisager, cet agent est utilisé, ou produit, dans un but précis. Il est parfois possible
d’atteindre ce but par un changement de procédé. Ce changement peut porter sur
le schéma réactionnel d’un stade de synthèse dans l’industrie chimique, voire sur
la voie de synthèse complète. Il est évident que cette solution est lourde à mettre
au point. Elle ne peut raisonnablement intervenir qu’au stade de la recherche ou
du développement.
Pour des produits dits d’application, le changement peut consister à passer à une
solution physique. Par exemple, on peut remplacer une application de peinture par
un traitement de surface, ou une impression à l’encre par une impression thermique,
voire pas d’impression si la communication se dématérialise.
Il est possible, à défaut de suppression, de remplacer le produit dangereux par un
autre produit moins dangereux, en référence au niveau de danger attribué. Ce
remplacement, appelé aussi substitution, peut se faire dans la même famille chimique,
comme un changement de solvant, mais aussi en changeant de famille, comme en
passant d’un milieu solvanté à un milieu aqueux.
Les personnes confrontées au problème de la substitution sont souvent à la
recherche d’une liste de produits de « remplacement ». Cela s’est vu particulière-
ment pour l’amiante, dont la substitution était devenue obligatoire. Il est souvent
illusoire de vouloir établir de telles listes, parce qu’elles devraient être immenses.
En effet, ce n’est pas un produit que l’on doit remplacer, mais une fonction. C’est
cette idée qui constitue la méthode idéale de substitution.
Définir clairement et complètement la fonction recherchée dans l’utilisation d’un
produit donné n’est pas si simple. Cette démarche, indispensable, conduit souvent
à remettre en cause le procédé, car la fonction d’un produit répond à un problème
posé en amont et en aval d’un process. Par exemple, un dégraissage de pièces
mécaniques répond à un graissage antérieur de ces pièces. Il est arrivé que l’on
puisse supprimer le dégraissage par la suppression du graissage. Il arrive aussi que
le besoin précis d’un produit disparaisse au cours de l’évolution d’un procédé, sans
que l’on pense à supprimer le produit !
Une substitution doit s’accompagner d’une nouvelle évaluation des risques concernés.
La baisse de niveau de danger obtenue peut soit introduire un nouveau danger,
soit générer une nouvelle exposition. Ainsi, le remplacement d’un solvant chloré
par un hydrocarbure crée un risque d’incendie-explosion, exemple classique du
déplacement de risque. Une réévaluation aurait bien montré que le niveau de risque

162
4 • Pratique de la prévention 4.2 Recherche des mesures possibles
des risques

avait augmenté, comme l’attestent les nombreux accidents qui ont suivi ce genre
de substitution.
Il existe aussi une forme de suppression peu souvent évoquée, malgré son intérêt, c’est
celle de l’action exposante et non de l’agent chimique. En effet, un danger ne génère
de risque qu’à l’occasion d’une action humaine ou d’une phase de procédé exposant
à un effet chronique ou accidentel. Par une adaptation du procédé, il est parfois
possible de supprimer complètement cette phase, sans supprimer l’agent chimique.
On obtient ainsi une suppression de risque équivalente à celle de l’agent chimique.
Enfin, les déchets représentent un cas particulier, car il est possible dans certains cas
de réduire leur niveau de danger par un traitement physique ou chimique approprié.
Cette opération est appelée détoxication et fait l’objet du paragraphe 5.4.5.

4.2.2 Action sur la situation dangereuse


Une situation dangereuse est créée par une intrusion humaine en zone dangereuse.
La supprimer consiste à empêcher cette intrusion. Deux moyens sont possibles :
maintenir les personnes hors de la zone dangereuse ou confiner la zone dangereuse
en la rendant inaccessible.
La première solution se concrétise par la création de locaux ou d’espaces hors de
toute activité humaine, du moins en fonctionnement normal. Un tel espace doit être
protégé par de la signalétique et des dispositifs d’autorisation d’accès. Il est surtout
important de supprimer le besoin de pénétrer dans la zone dangereuse. Pour cela,
le plus simple est souvent de placer cet espace en dehors de toute voie de circulation et
tout poste de travail, à une distance tenant compte de l’étendue de la zone dangereuse.
Ce principe vaut particulièrement pour le stockage des produits chimiques. On peut
aussi se doter de moyens techniques pour effectuer d’une part toutes les interventions
prévisibles à distance, c’est-à-dire par télécommande, d’autre part la surveillance et
le contrôle à distance. Ce principe est déjà bien développé dans l’industrie chimique,
mais devrait l’être davantage dans les autres industries et métiers.
Confiner la zone dangereuse consiste notamment à installer des protecteurs,
conçus en fonction du phénomène dangereux. Si l’événement redouté est une
projection, un écran permet de l’arrêter. Si c’est une émission massive, un captage
de forme et de débit adéquats l’élimine à sa source. Si c’est un incendie, le confine-
ment est obtenu par des parois résistantes au feu. Si c’est une explosion, l’onde de
choc et les projections peuvent être canalisées vers une sortie sans risque ou arrêtées
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

par des grilles. Dans ce cas, la situation dangereuse reste à l’intérieur des grilles.
Nous avons vu que l’atmosphère explosive est un cas particulier de situation dange-
reuse. Sa suppression exige donc d’empêcher l’explosivité. On peut soit éliminer
le combustible par une substitution, soit éliminer l’oxygène par un inertage, soit
éliminer la concentration critique par dilution des vapeurs ou des poussières, en
ventilant au point d’émission. Par contre, le confinement n’est pas une bonne
solution dans la mesure où il n’empêche pas l’explosion à l’intérieur. Il n’est une
solution que si l’on est certain que l’explosion ne produira aucun dégât ou
dommage à l’extérieur. Ce principe est exploité dans la conception du matériel dit
« anti-déflagrant ».

163
4 • Pratique de la prévention 4.2 Recherche des mesures possibles
des risques

Les situations dangereuses liées à des réactions chimiques susceptibles de perte de


contrôle sont réduites par les deux catégories de mesures précédentes. Ce point est
développé au paragraphe 5.2.2. Celles qui sont issues d’un risque de mélange de
produits réactifs entre eux sont réduites par le principe d’éloignement de ces réactifs
ou de leur confinement complet.

4.2.3 Action sur l’événement dangereux


Étant constitué d’une suite de faits qui s’enchaînent, un événement dangereux
peut être soit supprimé en rendant son déclencheur impossible, soit interrompu
avant qu’il ne génère le dommage final. Il faut donc d’abord essayer de réduire la
probabilité de survenue de l’événement déclencheur en agissant sur sa cause, qui
peut être liée à la qualité des équipements, à la maintenance préventive, à la conception
des installations, aux modes opératoires, à la formation des individus, etc.
L’interruption du cours de l’événement dangereux avant le dommage consiste à
rendre impossible une ou plusieurs de ses étapes. Pour ce faire, l’étude des modes
de défaillances, ou toute autre méthode similaire évoquée au paragraphe 3.2.4, est
un préalable indispensable. Il est difficile de proposer des listes de mesures, tant les
scénarios sont variés, mais toute méthode de résolution de problèmes est la bienvenue.
Parmi tous les moyens possibles pour interrompre l’événement, citons simplement
les capacités de rétention, les ventilations de secours, les dispositifs d’extinction
automatique, les protections individuelles, les procédures de fonctionnement, etc.
Par définition, la réduction de probabilité d’un événement dangereux à un niveau
négligeable supprime de fait la situation dangereuse qui en dépend. L’exemple le
plus clair est celui de l’atmosphère explosive. Dans ce cas, l’événement dangereux
est l’ignition. C’est pourquoi la prévention des explosions repose en grande partie,
en dehors des mesures de suppression de l’atmosphère explosive, sur la suppression
des sources d’ignition. Toutefois, l’expérience montre que cette suppression ne peut
jamais être complète. Cela est dû notamment à la facilité de formation de l’électricité
statique et à la probabilité jamais nulle d’une erreur humaine.
Les scénarios de réaction chimique intempestive sont nombreux, mais trois d’entre
eux ont une fréquence supérieure à la moyenne. Le premier, illustré par l’exemple
n˚ 2 du paragraphe 2.5.2, est celui de fuites successives atteignant une même capacité
et permettant ainsi la réaction de deux produits réactifs. L’existence de capacités de
rétention distinctes et séparées pour ces réactifs est suffisante pour bloquer l’événe-
ment. L’élimination complète de la première fuite, dès qu’elle est constatée, est aussi
efficace, de même qu’une puissante ventilation permanente, logique pour un volume
confiné avec accès des personnes.
Le deuxième scénario, illustré par l’étude de cas n˚ 1 du paragraphe 2.5.4, est celui
de l’erreur sur l’identité d’un réactif. Un contrôle rapide et systématique du réactif
à la livraison est une mesure très efficace, et très utilisée, pour enrayer le déroule-
ment d’accidents souvent très graves. Dans un process plus complexe, il s’agit de
repérer où de telles erreurs sont possibles et de les rendre impossibles par une mesure
matérielle, car les limites d’efficacité des consignes et procédures sont bien connues.
Comme exemple de mesure matérielle, on peut citer la ligne de canalisation fixe et
unique entre le point de stockage et le point d’utilisation.

164
4 • Pratique de la prévention 4.2 Recherche des mesures possibles
des risques

Le troisième scénario est celui des mélanges de déchets chimiques dans un récipient
commun. Il s’avère que ce que l’on appelle trop vite « déchet » reste souvent un
réactif, capable de provoquer des réactions violentes avec émanations toxiques,
quelquefois longtemps après le mélange. La prévention de tels mélanges dangereux
est d’abord de considérer ces résidus comme tous les agents chimiques, c’est-à-dire
qu’ils seront placés séparément en stockage provisoire, dans des récipients adaptés
et pourvus d’un étiquetage réglementaire. Ensuite, il convient, dans la mesure du
possible, d’éliminer leur réactivité, ou leur toxicité, par un traitement chimique.
Après quoi ils pourront être regroupés dans des récipients communs, par famille
de produits compatibles entre eux.

4.2.4 Action sur l’exposition


La prévention des expositions consiste à empêcher le contact humain avec l’agent
chimique présent normalement au poste de travail. Si le contact est respiratoire, la
première solution est de supprimer ou de réduire la dispersion dans l’air des
vapeurs ou des poussières. L’émission de vapeurs par un liquide est inévitable à l’air
libre, son importance étant liée à sa pression de vapeur. En réduisant la température
de travail, on limite un peu cette pression, mais la seule solution pour l’arrêter est
le confinement. C’est le principe quasi universel du vase clos, dont nous reparlerons
beaucoup. Mais il n’est pas toujours possible de l’appliquer, par exemple pour une
mise en peinture manuelle ou un nettoyage de surface avec un produit solvanté.
Le cas des poussières est différent, car la formation d’un aérosol solide n’est pas
spontanée, mais toujours le résultat d’une action mécanique volontaire sur un
produit solide ou pulvérulent. La prévention d’une telle exposition repose alors
d’abord sur la suppression, ou la réduction, de cette action mécanique. En pratique,
c’est assez difficile puisque l’action mécanique a un but utile, comme celui du
ponçage, du sciage, du transvasement, etc. Éviter cette action revient à changer de
procédé, ce qui demande des études et des délais, comme pour la substitution des
produits. Là encore, le confinement, quand il est possible, offre un bon compromis
en supprimant la dispersion dans l’espace de travail, tout en maintenant le procédé.
La solution suivante consiste à éliminer les vapeurs ou les poussières au fur et à
mesure qu’elles se forment. Cela suppose de les conduire « ailleurs », où elles n’ont
pas de contact avec l’homme. Ce captage est réalisé par un courant d’air induit par
un système de ventilation mécanique. Il y a beaucoup de paramètres en jeu pour
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

réaliser un captage efficace, c’est pourquoi cela exige une compétence particulière,
qui n’est souvent pas aussi bien maîtrisée qu’il le faudrait. Pour diverses raisons, un
captage ne peut être total et son efficacité doit être évaluée avant de le sélectionner.
En pratique, c’est une des mesures les plus répandues pour l’exposition respiratoire,
en dépit des contraintes qu’elle induit.
Les poussières présentent une nuisance supérieure aux vapeurs en ce sens qu’elles
finissent, si elles ne sont pas captées, par se déposer dans l’environnement, dans un
espace qui est d’autant plus étendu qu’elles sont fines. Une fois déposées, elles sont
difficiles à éliminer puisqu’il faut les remettre en suspension, à l’aide d’un aspirateur
par exemple. Toutefois, l’humidification permet de les agglomérer et de supprimer
toute volatilité. C’est donc un moyen très efficace pour éviter ou réduire leur

165
4 • Pratique de la prévention 4.2 Recherche des mesures possibles
des risques

formation. On le réalise en humidifiant déjà le solide à partir duquel elles se forment,


en enveloppant la zone de formation dans un brouillard d’eau et en les recueillant
ou en les ramassant avec de l’eau. C’est le principe du travail « à l’humide », qui
n’a qu’un champ d’application limité.
Le retrait de matériaux ou d’objets (principalement des joints) contenant des produits
dangereux tels que l’amiante ou le plomb, que l’on pratique dans un unique but
d’assainissement, pose un problème différent, puisqu’il n’y a pas de valeur ajoutée
directe. Dans ce cas, le confinement et le captage à la source sont évidemment recom-
mandés, mais après avoir réduit les émissions au minimum. Pour ce faire, le travail
à l’humide est possible, mais la technique d’imprégnation est encore plus efficace.
Elle consiste à appliquer une préparation liquide capable de pénétrer le matériau
ou l’objet à cœur et de lier les fibres de façon à supprimer leur volatilité. Le retrait
ressemble alors à celui d’une pâte. Cette imprégnation préalable ne doit pas être
confondue avec celle qui vise à laisser le matériau en place après une polymérisation
solide.
La suppression ou la réduction des expositions par contact cutané demande, selon
les situations, que l’opérateur n’ait pas besoin de toucher l’agent chimique, ou que
l’agent chimique ne puisse atteindre la peau. Dans la première hypothèse, la solution
passe par la technique. Le contact provient souvent d’une manipulation d’objets
ou d’outils avec un produit liquide, solide ou pâteux. L’exemple le plus banal est
celui de la peinture, qu’il s’agisse de bâtiment ou d’objets. D’autres activités induisent
les mêmes types d’expositions, comme l’encollage et le dégraissage. Leur point
commun est l’aspect manuel et ne concerne que des produits d’application, souvent
en surface. Il s’agit en fait de la répétition de gestes issus du domaine domestique
ou artisanal.
Dès que ces techniques prennent une ampleur industrielle, le travail est mécanisé,
ce qui réduit fortement les contacts homme-produit. La prévention consiste donc
à n’utiliser les produits que par l’intermédiaire d’un outil ou d’un équipement le
plus clos possible. Malheureusement, ces moyens n’existent pas souvent pour des
applications d’importance limitée, comme le demande l’artisanat par exemple. Ils
se développent néanmoins et il faut assurer une veille technologique pour repérer
ces nouveaux outils. Ainsi, la commercialisation de produits en petites doses ou
cartouches permet d’éviter de prélever dans un fût. Mais l’élimination d’un contact
trouve parfois sa solution dans la confection d’un outil très simple. Des opérateurs
ont réussi par exemple en adaptant un manche à un outil existant, ou même en
prolongeant celui qui existait, sur un pinceau, une brosse, une pelle, une spatule, etc.
Nous avons vu qu’une partie des contacts cutanés est due au dépôt d’un aérosol
liquide ou solide sur la peau. Dans ce cas, toutes les mesures applicables à l’exposition
respiratoire réduisent aussi ce type de contact. Toutefois si la zone de dispersion est
très limitée, le contact cutané est possible sans que les voies respiratoires soient
exposées, ce qui rend le risque moins perceptible.
La prévention des contacts cutanés peut aussi trouver sa solution dans un change-
ment de procédé, consistant à éliminer l’application des produits. C’est ainsi que
l’on a vu le masticage remplacé par la pose d’un joint préformé en élastomère. Il
faut aussi chercher du côté des traitements de surface intégrés à la fabrication des
objets ou structures à traiter. Ce point est développé au paragraphe 5.3.

166
4 • Pratique de la prévention 4.2 Recherche des mesures possibles
des risques

La dernière possibilité de réduction d’une exposition respiratoire ou cutanée reste


la protection individuelle. Sans rien changer dans le poste de travail, elle se présente
comme une barrière empêchant les agents chimiques d’atteindre le corps humain.
Elle a l’avantage d’être tout de suite disponible et peu coûteuse. Bien choisie et
bien portée, elle peut assurer une protection très efficace. Mais ses inconvénients
ne manquent pas : l’agent chimique dangereux reste présent dans l’environnement
de travail et son efficacité dépend totalement de la volonté de la personne à la
porter. La technique des équipements de protection individuelle (EPI) est exposée au
paragraphe 4.3.11. Il n’est raisonnable de l’envisager que pour des actions courtes
et exceptionnelles, ou en redondance des mesures techniques listées précédemment.
4.2.5 Action sur le dommage
La réduction de gravité d’un dommage qui se produit malgré tout est la dernière
des mesures que l’on peut prendre en prévention des accidents. Ce n’est d’ailleurs pas
exactement de la prévention puisque ce type de mesure n’agit qu’après l’apparition
du dommage. Mais il est assimilable aux autres mesures parce qu’il doit être mis en
place précocement.
La gravité d’un dommage est fonction de l’intensité et de la durée du fait généra-
teur. En agissant sur ces deux points, on peut éviter le pire. Pour les expositions
chroniques, la gravité du dommage ne dépend que des paramètres de l’exposition.
Il n’est donc plus possible de la réduire quand le dommage apparaît, si ce n’est par
la suppression de l’exposition et dans la mesure où le dommage est réversible. Ce
type de mesure vise donc essentiellement le dommage issu d’un accident.
Réduire la gravité du dommage accidentel, c’est intervenir dans les premières
secondes, voire minutes, sur la cause pour la neutraliser. Par exemple :
– éteindre un incendie naissant, surtout sur les vêtements ;
– se munir d’une protection respiratoire dès le départ d’une émission volatile massive ;
– mettre en marche une puissante ventilation de secours ;
– se doucher après une aspersion de liquide corrosif ;
– administrer un traitement curatif d’urgence, local ou général ;
– porter les premiers secours (ventilation, oxygénation,…) ;
– s’échapper par une issue de secours ;
– …
Toutes ces actions ne sont possibles que si les équipements correspondants sont
disponibles. En voici une liste type :
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– tous types d’extincteurs de première intervention ;


– tous types d’EPI adaptés aux risques les plus probables ;
– ventilation de secours placée dans les zones à risque, à démarrage automatique
et manuel ;
– douches, lave-œil et douchettes de sécurité, alimentées en eau propre et tempérée ;
– articles de soins d’urgence, conservés en bon état et accessibles ;
– issues de secours judicieusement placées et dégagées.
Ces mesures techniques ne sont vraiment efficaces que si elles sont accompagnées
des mesures organisationnelles suivantes :
– formation du personnel à la lutte contre le feu, au port des EPI et au secourisme ;

167
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

– exercices réguliers d’évacuation et d’intervention d’urgence ;


– vérification périodique des extincteurs, des douches et lave-œil, des ventilations ;
– organisation des secours incendie et accidents graves avec les services compétents,
notamment le médecin du travail.
Ces mesures n’agissent qu’à un stade critique de l’événement dangereux ; elles ne
sauraient donc assurer seules la sécurité. Avec les EPI, elles s’imposent en redon-
dance de toutes les mesures techniques et organisationnelles issues de l’approche
logique exposée précédemment, lesquelles réduisent la probabilité des accidents.

4.3 Les familles de mesures


La méthode de recherche des mesures par action sur les composantes du risque
fournit des principes généraux. Ils doivent être ensuite concrétisés au cas par cas.
Cette étape est en général la plus facile, surtout si elle est assurée par un travail
collectif des personnes concernées par les risques identifiés. Les propositions de
solutions techniques sont abondantes à partir du moment où le problème a été
bien posé. Néanmoins, l’expérience de la prévention apportant un savoir-faire qui
évite les tentatives infructueuses, nous avons réuni ci-après quelques informations
dans ce sens.

4.3.1 La substitution
La substitution d’un agent chimique par un produit ou un procédé moins dangereux
doit être tentée systématiquement au début de la recherche des mesures de prévention.
Pour cela, il faut suivre un cheminement logique, car il est rare qu’un produit ait
un remplaçant équivalent. La première étape est d’estimer les risques qu’il génère
selon la procédure établie. Ensuite il faut définir précisément les fonctions qu’il
remplit. Voici une liste indicative de propriétés attachées à un produit chimique :
– structure à inclure dans une synthèse chimique ;
– réactivité spécifique pour une réaction chimique ;
– solvant spécifique d’une réaction chimique ;
– élément chimique nécessaire ;
– effet tampon sur le pH ;
– potentiel redox ;
– pouvoir solvant d’autres composés ou matières ;
– aptitude à dissoudre un dépôt ;
– aptitude à décaper un support ;
– aptitude à dégraisser une famille de produits ;
– pouvoir gélifiant ;
– facilité d’évaporation ;
– pouvoir abrasif ;
– pouvoir lubrifiant ;
– aptitude à ne pas attaquer un support ;
– stabilité à la température ;
– viscosité particulière ;

168
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

– pouvoir antioxydant ;
– pouvoir oxydant ;
– combustible spécifique ;
– non-inflammabilité ;
– pénétration percutanée ;
– générateur d’odeur spécifique ;
– générateur de goût ;
– colorant solide, liquide ;
– antibactérien ;
– ….
Des centaines d’autres propriétés pourraient être décrites. Généralement, un
produit est utilisé pour plusieurs de ses propriétés, c’est pourquoi son remplace-
ment n’est souvent possible que par plusieurs autres produits, qui seront employés
soit en mélange, soit successivement. Dans presque tous les cas, la substitution
conduit à une modification de procédé ou de conception. Ce constat vaut par exemple
pour l’amiante, dont les diverses propriétés lui conféraient un large champ d’appli-
cations : résistance aux hautes températures, pouvoir isolant, structure fibreuse
intéressante en matériaux composites, etc. Toutes les solutions de substitution qui
sont apparues pour ce matériau ne reprennent souvent qu’une seule propriété.
Il faut ensuite jeter un regard critique sur les fonctions réellement indispensables,
ce qui nécessite d’examiner l’amont et l’aval de l’utilisation du produit. Une fois
bien cernées les propriétés à rechercher, ce qu’on appelle aussi analyse de la valeur,
il est possible de trouver nombre d’hypothèses de remplacement respectant ce
cahier des charges. Ces hypothèses sont alors soumises à expérimentation et validées
ou pas. Une ou plusieurs solutions peuvent alors se faire jour. La dernière étape est
de refaire l’estimation des risques liés à la solution envisagée et de la comparer avec
l’initiale.
Toutefois, il ne faut jamais renoncer prématurément à une solution, tant que l’on
n’a pas une vision globale du problème. L’expérience montre qu’un risque de niveau
équivalent, voire plus élevé, mais d’un type différent, peut être beaucoup plus facile à
maîtriser, ce qui conduit bien, in fine, à un risque résiduel nettement plus faible.
Attention, l’inverse est aussi vrai ! Ainsi, remplacer un produit solvanté par un produit
aqueux permet, certes, de supprimer les émissions de vapeurs et le risque incendie-
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explosion, mais il génère des effluents liquides très polluants dont le traitement
peut s’avérer problématique, aussi bien sur le plan environnemental que sanitaire.

4.3.2 La suppression de la phase exposante


Cette solution est très efficace, car elle revient à supprimer l’agent chimique dange-
reux pendant une action ou une phase de l’activité. Évidemment, elle n’est possible
que par une modification du procédé, qui doit être validé, comme dans le cas de la
substitution. C’est une mesure à envisager systématiquement après la suppression
ou la substitution de l’agent chimique, dont elle est le prolongement. Les exemples
suivants en illustrent le principe.

169
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

m Suppression des pesées


La pesée de produits pulvérulents est une action exposante très classique dans
beaucoup de domaines. Cette action demande en général de placer un emballage,
fût ou sac, à proximité d’une balance, de l’ouvrir, de prélever le produit avec une
pelle, ou de verser l’emballage dans un autre contenant placé sur la balance. Le
mouvement de poudre génère de la poussière, plus ou moins volatile en fonction
de la granulométrie. Avant de chercher un dispositif de protection, pourquoi ne
pas supprimer la pesée ? Cela est possible en s’arrangeant pour que les quantités de
produit engagées correspondent à un emballage complet, ou à un nombre entier
d’emballages. Il faut alors soit modifier l’unité opératoire, soit le type de condi-
tionnement disponible. Si cela est possible, le gain portera à la fois sur la santé, la
sécurité et le temps de main-d’œuvre.
EXEMPLE 1 :
Une entreprise commercialisait un produit de traitement du bois dont la fabrication incluait un
mélange de trois composants pulvérulents, tous classés toxiques. L’opération commençait par la
pesée des produits en quantités correspondant à la capacité du mélangeur. Celle-ci était d’environ
50 kg, soit environ le contenu d’un fût carton. Les pesées se faisaient dans un seau posé sur une
balance et rempli avec une pelle qui puisait dans les emballages d’origine. Les proportions indi-
quées par le mode opératoire étaient les suivantes :

Produit Emballage livré Contenu Poids prélevé

A Fût métal 100 kg 11 kg

B Sac plastique 50 kg 30 kg

C Fût métal 120 kg 12 kg

Les différents seaux étaient ensuite versés dans le mélangeur. Cette opération était répétée 10 fois
par campagne de fabrication, pour consommer un fût entier de produit C. Les actions de peser et
de verser les seaux étaient très exposantes, malgré un captage localisé. Ayant renoncé à l’idée de
renforcer le captage des poussières, en raison des inconvénients inhérents à cette technique, l’entre-
prise s’est donné le temps de revoir le process, pourtant très simple.
Avec les conseils d’un fournisseur de mélangeurs, elle est arrivée à la conclusion qu’il fallait un
mélangeur plus grand pour ne faire qu’un mélange avec le contenu du fût de produit C. À cette
condition, les 30 pesées étaient réduites à une seule. L’entreprise a effectivement installé un mélan-
geur de 500 kg de capacité, et a réalisé un seul mélange par campagne, en remplissant directement
le mélangeur avec :
– 1 fût de produit C, soit 120 kg ;
– 6 sacs de produit B, soit 300 kg ;
– 1 fût de produit A, soit 100 kg ;
– 1 ajout de 10 kg de produit A, prélevé et pesé.
La tentation de supprimer la dernière pesée était forte, ce qui fut fait après validation de la nouvelle
composition. À l’occasion du changement de mélangeur, un équipement de captage de poussières
performant a été intégré, pour la phase de remplissage.

m Humidification des poudres


Beaucoup de produits chimiques sont disponibles à l’état pulvérulent, mais leur
utilisation ultérieure demande parfois de leur ajouter de l’eau. L’exemple le plus

170
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

banal est celui du ciment. Il faut alors se demander s’il n’est pas possible d’incor-
porer l’eau plus tôt dans le procédé, ce qui supprime radicalement les poussières.
Cette idée est déjà exploitée dans la distribution au grand public, puisque l’on
trouve toutes sortes de joints, enduits, colles « prêts à l’emploi », qui contiennent
l’eau indispensable à leur application. C’est aussi un moyen de traiter les émissions
de poussières générées par des opérations mécaniques telles que ponçage, sciage ou
tronçonnage de pierre. Ce principe général de travail « à l’humide » est illustré par
l’exemple suivant.
EXEMPLE 2 :
Il s’agit de la suite de l’exemple 1, puisque la sortie du mélange pulvérulent du mélangeur et son
conditionnement en fûts restaient une source d’émission importante de poussières toxiques. En
prenant conscience que ce mélange était en fait utilisé sous forme de pâte, préparée par ajout d’un
peu d’eau juste avant l’emploi, l’entreprise a essayé d’ajouter l’eau au moment du mélange de
poudres, donc directement dans le mélangeur. L’incertitude portait sur la stabilité physique et
chimique de la pâte. Cette stabilité s’étant avérée très satisfaisante, le procédé a donc été aménagé
dans ce but. À l’usage, il s’est finalement montré porteur d’améliorations considérables. En effet,
outre le gain sur la santé, la sécurité et l’environnement, le mélange à l’état humide s’est révélé plus
homogène et le conditionnement plus aisé, avec une pesée automatique, et un produit fini prêt à
l’emploi.

4.3.3 L’éloignement
Tout risque naît du recoupement de l’activité humaine avec une zone dangereuse
créée par un agent chimique. Le bon sens veut qu’il suffise d’éviter ce recoupement
pour supprimer le risque. C’est moins simple en pratique puisqu’il faut d’abord
pouvoir estimer, même grossièrement, cette zone dangereuse. Plusieurs cas de figure
sont à distinguer. En présence d’une dispersion d’agent chimique, sous forme
vapeurs, poussières ou aérosol, qu’elle soit chronique ou accidentelle, il n’est pas
raisonnable de vouloir se tenir à une distance suffisante pour éviter tout contact.
Cela rendrait le travail impossible et ne résoudrait pas le problème de la pollution
environnementale. Il y a heureusement d’autres solutions plus simples.
L’éloignement comme mesure de prévention s’applique de préférence à toute
menace de projection, solide ou liquide. Si cette menace est bien localisée, il est
aussi plus facile d’avoir recours au confinement. Mais quand le point de départ des
projections est imprévisible ou multiple, l’éloignement est une réponse très sûre.
C’est donc une mesure quasi obligatoire en présence d’un risque d’incendie ou
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

d’explosion, mais aussi du risque lié aux stockages importants.


Le risque d’incendie prend toujours une gravité particulière en présence de produits
chimiques, qu’ils soient inflammables ou non. Il ne faut pas perdre de vue qu’un
incendie peut se déclencher dans un atelier chimique, mais peut aussi provenir de
n’importe où et venir menacer les produits chimiques. La meilleure solution pour
empêcher toute exportation ou importation d’incendie est d’isoler tout local
contenant des produits chimiques du reste d’un établissement. La recommandation la
plus fréquente est de maintenir un écart de 10 mètres. Ce n’est qu’un repère, mais
il n’est pas toujours facile à respecter dans de petites entités. En pratique, il faut
évidemment proportionner l’éloignement à la quantité de produits chimiques
dangereux présents. En outre, la conception du bâtiment et la qualité des matériaux

171
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

employés, notamment leur résistance au feu, jouent un rôle tout aussi déterminant sur
l’importation ou l’exportation d’un feu. La documentation1 et la réglementation2
sont abondantes sur ce sujet.
Le risque d’explosion impose tout autant l’obligation d’éloignement du local, mais
avec plus de sévérité, comme le suggèrent la soudaineté et la portée du phéno-
mène. D’ailleurs, la gravité du dommage exclut que l’éloignement soit la seule
mesure de prévention. Les autres mesures sont présentées au paragraphe 4.3.8.
Le risque de projection, en particulier de liquide, est en général davantage ignoré,
parce que les dommages ne sont pas souvent très graves, alors qu’ils sont assez
fréquents. Les projections sont de deux types. Le premier type regroupe toutes les
sorties de liquides poussés par une pression. La simple pression hydrostatique est
déjà suffisante pour provoquer des petits jets pouvant atteindre un visage. Même
un goutte-à-goutte provenant d’une fuite en hauteur peut causer des brûlures
chimiques. La mesure la plus simple est donc d’éloigner les récipients et canalisations
en charge de tout poste de travail ou de toute circulation quand le mode opératoire
ne l’exige pas. Mais il n’est pas évident de savoir quelle distance est suffisante pour
être hors de portée d’une fuite.
La portée d’un jet de liquide sortant d’un orifice est régie par des lois hydro-
dynamiques, en particulier la loi de Bernoulli, qui donne la vitesse d’écoulement
en fonction de la pression et de la section du trou :

V = k 2gh
V = vitesse en m/s ;
k = coefficient fonction de la forme du trou et de la viscosité ; il varie de 0,5 à 1 ;
g = accélération de la pesanteur = 10 m/s2 ;
h = pression intérieure exprimée en hauteur d’eau (m).
À sa sortie, le jet décrit en théorie une parabole avant d’atteindre le sol à une
certaine distance de son point de départ, qui ne dépend que de sa vitesse initiale et
de sa hauteur au-dessus du sol. Il est intéressant de connaître cette distance théorique,
qui constituera un maximum. Pour que le calcul reste simple, il faut supposer un
orifice horizontal sur une paroi verticale d’un récipient rempli d’eau. Les courbes
décrites par le jet dépendent de la hauteur du point de fuite, comme le montre le
diagramme présenté dans la figure 4.1.
Ce qui nous intéresse, c’est la distance du point d’impact au sol du jet par rapport
à la cuve. La formule qui donne cette distance théorique est :

d = 2 h(H – h)
d = distance du point de chute au pied de la cuve ;
h = hauteur du point de fuite ;
H = hauteur du liquide dans la cuve.

1. L’INRS propose un document synthétique permettant de trouver d’autres références : Incendie et lieux
de travail, ED 5005. Autres brochures plus complètes : Incendie et lieux de travail. Prévention et lutte
contre le feu (ED 990)
2. Voir le document INRS TJ 20 : Prévention des incendies sur les lieux de travail.

172
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

10,00

8,00

6,00
Hauteur

4,00

2,00

0,00
0,00 2,00 4,00 6,00 8,00 10,00 12,00

Longueur

Figure 4.1 – Trajectoire d’une fuite horizontale de liquide

Cette fonction passe par un maximum d = H quand h = H/2.

niveau du liquide

H/2

d=H

Figure 4.2 – Portée maximum d’une fuite horizontale


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Cette valeur reste théorique, car un orifice de fuite a une forme complexe de nature à
diminuer la distance, mais celle-ci peut augmenter si le jet est incliné vers le haut.
Ces éléments font que l’on peut garder comme distance de sécurité la hauteur du
liquide par rapport au sol. Nous verrons que cette règle a des conséquences impor-
tantes dans le cas du stockage et de la conception des capacités de rétention en
particulier. Pour illustrer la sévérité de ce principe, il faut réaliser qu’une fuite
provenant d’un récipient ou d’une canalisation située à 6 mètres au-dessus d’un
niveau de travail et en charge d’un mètre a une portée maximum au sol de 5 mètres.
En outre, ces calculs ne valent que pour des pressions hydrostatiques. Mais si les

173
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

équipements sont pressurisés, pour diverses raisons, notamment à cause d’un pompage,
la portée des fuites peut être considérablement augmentée. Comme en général
l’espace est compté, c’est vers d’autres mesures qu’il faut alors se tourner.

4.3.4 Le confinement
Le confinement est la mesure fondamentale de tout risque chimique, le but ultime
à atteindre dans toutes les situations. En dehors des produits dont la présence est
naturelle dans l’environnement, comme l’air, l’eau, les aliments, la terre (et encore
avec certaines restrictions), tout agent chimique doit être contenu dans une enve-
loppe étanche, que ce soit pour le stockage ou l’utilisation. Dans ce dernier cas,
on parle plutôt de système clos. Il est évident qu’un agent chimique isolé de
l’espace de vie ou de travail ne peut entrer en contact avec le corps humain, que
ce soit de façon chronique ou accidentelle. Toutefois, pour le risque d’explosion
ou de réaction dangereuse, le confinement n’est une réponse valable qu’avec des
précautions particulières concernant la résistance et le dimensionnement de l’enceinte
de confinement.
Pour être efficace, un confinement doit être complet, car la moindre ouverture peut
être la source d’expositions chroniques ou massives. Cette ouverture, qui interrompt
la protection, est soit spatiale (par exemple les orifices de remplissage ou de vidange),
soit temporaire (par exemple pour les emballages ou les couvercles de cuves). Ces
ouvertures partielles sont difficiles à éviter, rendant finalement le confinement complet
assez rare malgré sa simplicité de principe. Comment pratiquer de la peinture ou
du nettoyage en système clos ? L’expérience montre qu’une installation doit être
conçue dans cet objectif pour respecter la continuité du confinement. C’est souvent
le cas des installations industrielles, dans lesquelles le confinement est une retombée
de l’objectif de production en grandes quantités avec un personnel restreint.
Heureusement, il existe de nombreuses solutions de confinement pour de petites
installations. La meilleure illustration en est les machines à laver de tous types, de
la machine domestique jusqu’à l’industrielle. Cet exemple montre que le confine-
ment total n’est possible qu’avec l’aide apportée par l’automatisation. Grâce à la
banalisation de l’électronique et de l’informatique, l’automatisation est accessible à
des équipements de technologie sommaire, ou à faible taux d’utilisation. Ainsi,
dans le champ du risque chimique, il existe une offre variée de matériel de pesée et
de volumétrie électronique. Pour les transferts, il existe des solutions mécaniques
aussi développées pour les solides que pour les liquides. Souvent, l’équipement
idoine n’est pas disponible sur le marché, mais peut être construit spécialement
par un assemblage d’éléments disponibles. Un système clos appliqué à un équipe-
ment de production ne peut jouer son rôle de prévention que s’il a été conçu pour
cela. Tout « bricolage » est à proscrire en dehors du cadre de la mise au point. En
effet, son efficacité amène les opérateurs à placer vite une telle confiance dans le
système que leur prudence s’en trouve relâchée.
On peut distinguer trois niveaux de systèmes clos. Le premier est constitué par
l’enveloppe de l’équipement lui-même, qui doit donc contenir tous les accessoires
nécessaires, amont et aval. C’est par exemple le cas des machines à dégraisser modernes
et de tous les équipements assurant des opérations répétitives. Les laboratoires

174
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

d’analyse offrent ainsi un large marché aux automates dans les domaines chimique
et biologique. Le deuxième niveau est une enceinte construite autour et au plus
près d’un équipement qui n’est qu’imparfaitement clos. Cette solution se rencontre
par exemple pour des broyeurs ou des essoreuses. Enfin, le troisième niveau est
constitué par un local entier contenant un ensemble d’équipements. Évidemment,
un tel local est normalement inoccupé et toutes les commandes et contrôles sont
renvoyés à l’extérieur. L’industrie chimique et pharmaceutique utilise couramment
ce principe (voir paragraphe 5.2.2), qui devrait être adopté dans bien d’autres
activités.
En réalité, ce n’est pas le manque de solutions techniques qui freine le recours au
confinement, mais la modification des habitudes et de l’organisation du travail que
cela entraîne. L’expérience montre en effet que le passage à une mécanisation des
manipulations, voire leur automatisation, remet en cause les modes opératoires.
Reprenons l’exemple de l’introduction d’une machine à dégraisser. Pour que le
dégraissage se passe bien, il faut que le matériel à dégraisser ait une forme et une
matière adaptées. Il faut aussi procéder par lot, selon un cycle imposé, et anticiper
l’amont et l’aval, par exemple mise en panier et sortie. Le changement est souvent
assez profond pour créer des résistances et des échecs.
Un confinement réussi passe par une observation détaillée des modes opératoires
et de l’analyse des modes de défaillance. La plupart des ruptures de confinement
attribuables à l’homme s’expliquent par le besoin de faire face à un geste imprévu,
parce qu’il échappait à l’attention avant. Il peut s’agir d’un réglage mécanique,
d’un contrôle visuel, d’un remplacement de pièce d’usure, etc. Une bonne solution
est de pratiquer des ouvertures restreintes dans l’enveloppe, permettant d’exécuter
ces gestes puis de refermer sans difficulté. Cet exemple démontre que l’ergonomie
ne peut jamais être écartée d’une mesure de prévention efficace.
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Figure 4.3 – Capotage de table à sérigraphier comportant une ouverture


pour le réglage des écrans

175
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Il est en tout cas recommandé de procéder par étapes et de ne pas forcément viser
le confinement total. La règle de l’ergonomie optimale doit toujours présider aux
choix des solutions. Cela conduit parfois à opter pour une association de phases
confinées et de phases ouvertes, choisies en fonction de l’estimation des risques
présentés. Cela démontre encore l’importance de l’estimation des risques dans
l’orientation des mesures de prévention. Ainsi, des applications de peinture ou de
colle pourront rester manuelles, moyennant d’autres mesures de protection, alors
que la préparation des produits et le séchage des pièces seront confinés.
Un autre obstacle au confinement, donc à la mécanisation et à l’automatisation,
provient du fait que les opérations concernées sont relativement rares ou en petite
série. Il est vrai que cette option nécessite la plupart du temps un investissement
conséquent, qui appelle un amortissement suffisant. L’erreur est de rapporter
uniquement l’amortissement sur la quantité, sans intégrer la qualité et la productivité.
En effet, il est un domaine dans lequel la supériorité de la machine sur l’homme
s’affirme, c’est celui de la reproductibilité et de la disponibilité. Ces points sont
fréquemment à l’origine de gains aussi bien de qualité que de productivité. Nous
pouvons citer le cas d’une ligne de chromage électrolytique qui s’est avérée globa-
lement rentable après sa totale automatisation, malgré une utilisation limitée à
quelques pièces par jour. Au départ, c’est le confinement complet qui était visé, en
raison de l’évolution de la réglementation, puis, à l’usage, la qualité et les délais de
livraison ont été considérablement améliorés.
En conclusion, le confinement est la meilleure façon de réduire, voire de supprimer,
les expositions chroniques et les situations dangereuses, après la réduction du
niveau de danger et avant le captage des émissions, qui est encore, avec les protec-
tions individuelles, la solution privilégiée aussi bien par les utilisateurs de produits
chimiques que par les conseillers en prévention.

4.3.5 La protection contre les projections


Lorsqu’on ne peut pas supprimer totalement les causes d’une projection d’agent
chimique, il faut s’en protéger. Cela revient à placer un écran au plus près de la
source possible de projection afin d’arrêter aussitôt toute matière en sortant. Un
écran est une feuille de métal ou de plastique dont la forme essaie d’épouser celle
de la source et dont la résistance a été adaptée sur le plan mécanique et chimique.
Il faut toutefois que le protecteur ne gène pas la vision en cas de besoin, ce qu’on
obtient en limitant sa surface ou en utilisant un matériau transparent. Les exemples
en sont innombrables, en voici quelques-uns.
Le point faible des pompes centrifuges est le joint sur l’arbre d’entraînement. Une
simple tôle de métal coiffant cette partie est une bonne protection.
Les raccords par brides, très fréquents dans les activités de process, sont des sources
connues de fuites et de projections. On peut utiliser trois niveaux de protection.
La première se situe autour du raccord lui-même ; c’est un cache-bride.
La deuxième se situe autour de la canalisation complète, avec un tube ou une gouttière
placée en dessous. La troisième est un simple panneau transparent vertical, intéressant
quand il y a un groupement de raccords et de vannes. Il faut dans ce cas prévoir le
moyen de manœuvrer les vannes.

176
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Figure 4.4 – Cache-brides et Panneau de protection transparent

4.3.6 Le captage des émissions


Lorsqu’il n’est pas possible de supprimer les émissions de gaz, vapeurs, poussières
ou aérosols, il faut les capter au plus près de la source. Ce captage – le terme est
conventionnel – a pour effet de réduire la zone dangereuse créée par l’émission. Il
résulte de l’entraînement des particules ou des molécules de polluant par l’air dans
lequel ils sont dispersés. Le schéma suivant illustre ce principe :

Sans captage

Captage par courant d’air

aspiration

Figure 4.5 – Entraînement de polluants par une aspiration d’air

L’efficacité d’un captage se mesure à l’étendue de la zone dangereuse résiduaire qu’il


génère. Cette étendue est la résultante de la propension des polluants à se diffuser et
de la vitesse d’air induite par l’aspiration. Il s’agit ici d’utiliser les lois de l’aérodyna-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

mique, ce qui relève d’une certaine compétence, plus importante que ce que l’intui-
tion pourrait laisser penser. Nombre d’organismes spécialisés ont conduit des études
dans ce domaine, afin d’établir des règles pratiques pour la conception des systèmes
de captage à l’air. En particulier, l’INRS a investi des moyens importants sur ce
thème et propose de nombreuses brochures spécialisées dans des activités particu-
lières. L’annexe 11 fournit la liste de celles qui sont disponibles à ce jour. Elles ne
font que décliner à des situations particulières des principes généraux de ventilation,
exposés dans le premier des « Guides pratiques ». Voici ces neufs principes :
– envelopper au maximum la zone de production de polluants ;
– capter au plus près de la zone d’émission ;

177
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

– placer le dispositif d’aspiration de manière que l’opérateur ne soit pas entre celui-ci
et la source de pollution ;
– utiliser les mouvements naturels des polluants ;
– induire une vitesse d’air suffisante ;
– répartir uniformément les vitesses d’air au niveau de la zone de captage ;
– compenser les sorties d’air par des entrées d’air correspondantes ;
– éviter les courants d’air et les sensations d’inconfort thermique ;
– rejeter l’air pollué en dehors des zones d’entrée d’air neuf.
Il est intéressant non pas d’expliquer à nouveau en détail ces neuf principes, mais
de revenir sur leur fondement. Pour ce faire, nous nous référons aux travaux de
Pouyès, ancien ingénieur-conseil à la CRAM d’Auvergne, qui ont démontré expé-
rimentalement que la vitesse de diffusion d’une particule ou d’une molécule par
rapport à l’air ne dépasse jamais 0,4 m/s. Tout captage doit alors générer une
vitesse minimum d’air de cette valeur pour pouvoir entraîner complètement les
polluants. Toute la difficulté de conception d’un bon captage réside dans l’obtention
de cette vitesse d’air en tout point de la zone de diffusion.
Un orifice d’aspiration, comme l’extrémité d’une gaine, génère une vitesse d’air v0
liée au débit D par la simple relation :
v0 = D/s
s étant la section de la gaine. Mais, dès que l’on s’éloigne du plan de l’orifice, la
section de passage de l’air s’élargit et la vitesse chute rapidement1.

0
% du diamètre

100 %
60 %
50
30 %

15 %
100
7,5 %

Figure 4.6 – Courbes iso-vitesse d’air autour d’un orifice d’aspiration

Si l’espace est libre autour de l’orifice, on obtient une vitesse v1 inférieure à une
distance d1 de l’orifice. v1 décroît alors comme le carré de d1, puisque la section de
passage de l’air est théoriquement une surface sphérique.
v d 2
Nous observons que ----2 = ⎛ ----1-⎞ .
v1 ⎝ d 2⎠

1. D’après DALLAVALLE J.M., Exhaust hoods, 2e éd., New York, Industrial Press, 1952.

178
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

v2 v1

d1 v0
d2

Figure 4.7 – Baisse de la vitesse d’air en fonction de la distance

Cette loi aéraulique montre qu’un simple orifice n’est efficace qu’à très faible distance
et pour une source ponctuelle et à débit modéré. Pour éviter d’avoir recours à des
débits importants (voir paragraphe suivant), il faut limiter la section de passage de
l’air entraîné, c’est-à-dire canaliser le flux dans la zone utile. Un simple calcul
montre l’intérêt de ce principe :
Supposons qu’un orifice d’aspiration, de diamètre 10 cm, génère une vitesse d’air
de 10 m/s sur son plan. À une distance de 30 cm de l’orifice, la vitesse n’est plus
que d’environ 0,08 m/s.
Si l’aspiration est raccordée à une gaine de 0,5 m de diamètre, la vitesse d’air à la
même distance de l’orifice est d’environ 0,4 m/s, soit 5 fois supérieure. En outre,
cette vitesse est indépendante de la distance à l’orifice, tant qu’on est à l’intérieur de la
canalisation. C’est cette propriété qui est exploitée avec les captages enveloppants
et toutes les enceintes ventilées, autant de dispositifs largement proposés dans les
différents guides pratiques de ventilation de l’INRS.

v1 = v0 /120
v1= v0/25
3d v0
d
3d v0

5d

Figure 4.8 – Influence d’une enveloppe sur un captage

La règle régissant la canalisation du flux d’air impose deux chiffres critiques : la


vitesse d’air de 0,4 m/s minimum et une longueur minimum de canalisation de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

0,3 m. Il faut toutefois bien noter que les 0,4 m/s représentent une vitesse absolue
par rapport à l’aspiration, ce qui veut dire que s’il existe un courant, naturel ou
artificiel, de l’air pollué, il est nécessaire soit de le neutraliser, soit de l’intégrer dans
le calcul. Une exigence qualitative s’ajoute à ces chiffres, c’est la stabilité du vecteur
vitesse, en intensité comme en direction, l’idéal étant d’arriver à un flux laminaire.
Comme cela est pratiquement impossible, la perte d’efficacité liée aux turbulences
inévitables dans un poste de travail doit être compensée par des vitesses un peu
supérieures, de l’ordre de 0,5 à 0,7 m/s.
Deux catégories d’enceintes ventilées se rencontrent en pratique. La première
regroupe les enceintes qui laissent l’opérateur à l’extérieur. La seconde concerne les
enceintes qui le contiennent et que l’on appelle plutôt cabines ventilées.

179
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

m Enceintes ventilées
C’est sans doute le système de ventilation le plus répandu, illustré par la « sorbonne »
de laboratoire, dont le schéma suit :

vers ventilateur

écran mobile

Figure 4.9 – Principe d’une enceinte ventilée du type sorbonne

Les éléments importants de conception d’une telle enceinte ventilée sont :


– une bonne répartition du flux d’air sur l’ensemble du volume de l’enceinte ;
– un débit calculé pour assurer 0,5 m/s à l’ouverture, dans sa position la plus
ouverte ;
– un écran coulissant, soit verticalement, soit horizontalement. Son rôle est double :
réduire l’ouverture en dehors des manipulations et assurer une protection contre les
projections ;
– un dimensionnement assurant une bonne accessibilité de tous les équipements
contenus.
Cette conception est transposable à un grand nombre de postes de travail, pouvant
se retrouver dans tous les domaines de l’industrie, du commerce et de l’artisanat,
et même de l’art. En voici quelques exemples :
– peinture de petits objets ;
– encollage ;
– dégraissage et nettoyage ;
– décapage ;
– utilisation de bombes aérosols ;
– préparation de peintures, encres, résines, etc. ;
– dépoussiérage à la brosse ou à la soufflette ;
– ponçage d’objets ;
– pesées ;
– conditionnements.

180
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Une enceinte ventilée ne doit être conçue qu’après observation attentive des
modes opératoires. En effet, l’une des raisons qui expliquent des échecs dans
l’utilisation de ce type de protection est la gêne provoqué par l’enceinte elle-
même. Cela se traduit par une difficulté d’introduire et de manipuler des pièces
un peu encombrantes, ou des emballages, ou des outils, voire une difficulté
d’examiner correctement le travail. Pour illustrer ce type d’écueil, on peut citer le
cas du polissage de pièces chromées, plus précisément des pare-chocs d’automo-
biles, pour lequel il n’a jamais été possible de réaliser un vrai captage envelop-
pant. Ce cas montre encore qu’une bonne solution demande souvent de revoir
complètement les modes opératoires et l’organisation du travail, ce qui ne va pas
sans problèmes humains.
Une autre caractéristique de l’enceinte ventilée est qu’elle est aussi, par conception,
une forme de confinement, avec tous les avantages décrits au paragraphe précé-
dent. Elle peut en effet être presque totalement close et la frontière avec le système
clos n’est pas évidente. La ventilation d’une telle enceinte devient insignifiante,
puisqu’elle ne dépend que de la section libre de passage de l’air. Toutefois, l’ouver-
ture est généralement variable, en raison de la nécessité d’ouvrir un capot, un
écran ou un couvercle pour certaines phases. Pour assurer la continuité de la
protection par une vitesse d’air minimale, il faut alors disposer d’un débit variable,
par asservissement à l’ouverture du système, ce qui n’est pas simple.
Le principe de l’enceinte ventilée est très souple et peut prendre des formes parti-
culières pour certaines situations illustrées par les deux exemples suivants.
Table aspirante :
Lorsque les objets à traiter avec des produits chimiques sont de forme plate, on
peut utiliser des tables aspirantes, dont la conception est très simple :

grille ou plaque perforée

aspiration
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 4.10 – Principe de la table aspirante

L’efficacité de ce dispositif ne repose que sur la proximité de la source de pollution


avec le plan d’aspiration, avec si possible des dosserets pour améliorer les perfor-
mances. Cette solution convient bien par exemple pour le nettoyage ou l’encollage
de feuilles et d’objets plats. Il faut quand même compter une ventilation de
1 500 m3/h par m2 !

181
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Trémie aspirante :
Un problème récurent dans la manipulation des produits chimiques pulvérulents
est leur facilité à émettre un nuage de poussières dès qu’on les transfère d’un emballage
à un récipient ou à un autre emballage. Cette phase de travail est l’une des plus
émissives en raison de deux phénomènes : d’une part, la chute des particules dans de
l’air immobile tend à les disperser en suspension, d’autre part, le volume d’air déplacé
par le remplissage du récipient provoque un courant en sens inverse de la chute des
particules, ce qui amplifie la mise en suspension. Cette observation a conduit Pouyès
à imaginer un dispositif dans lequel un courant d’air est créé dans le sens de la
chute des particules, pendant que l’air déplacé est extrait sans rencontrer les parti-
cules. C’est le fameux « anneau de Pouyès », qui a conquis l’industrie chimique.

produit

gaine annulaire

trémie
aspiration

air chassé

Figure 4.11 – Principe de la trémie aspirante, dite « anneau de Pouyès »

Ce dispositif, qui connaît nombre de variantes, est relativement peu onéreux tout en
étant d’une efficacité surprenante. Il peut être démontable et nettoyable facilement.
Séchoirs et étuves :
Le séchage des produits et matières est aussi un domaine d’application privilégié
des enceintes ventilées. Tout séchage libère des vapeurs organiques ou minérales, que
l’on laisse souvent se diluer dans l’air ambiant chaque fois que la nuisance olfactive
paraît supportable. Pourtant, la pollution de l’environnement et l’exposition chro-
nique qui en résultent sont bien réelles. Le principe du séchoir ou d’une étuve
répond à la définition d’une enceinte ventilée, en accélérant le séchage naturel par
la double action du renouvellement de l’air au contact du produit et de la tempé-
rature éventuelle. Il s’agit en fait de déplacer l’équilibre qui tend à s’établir entre la
pression de vapeur saturante et l’évaporation. Les séchoirs et étuves présentent
deux avantages majeurs. D’une part, ils peuvent être facilement clos et ne demandent
ainsi qu’un faible débit d’air. D’autre part, les vapeurs émises sont bien canalisées
et peuvent facilement faire l’objet d’un traitement approprié. Dans l’industrie
chimique, le séchage peut être poussé en mettant le séchoir sous vide et le produit
en mouvement, comme dans le schéma suivant.

182
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

aspiration
chargement
filtre

moteur
mobile d’agitation

déchargement

Figure 4.12 – Schéma d’un sécheur de poudres

Tunnels de séchage :
Cependant, les séchoirs ne sont généralement que des systèmes à confinement
temporaire, les émissions à l’air libre ayant lieu juste en amont, au chargement du
produit humide, et en aval, au déchargement du produit sec, du moins quand il
est pulvérulent. C’est pourquoi ils doivent être couplés avec des postes de chargement
et de déchargement ventilés. Autre solution plus performante : l’enceinte ventilée
en fonctionnement continu, qui permet un confinement quasi total. Pour mieux
comprendre ce principe, nous décrivons ci-après un exemple pris dans l’activité de
la sérigraphie, connue pour ses nombreuses sources d’émission de vapeurs organiques.
Rappelons que ce procédé d’impression consiste à déposer de l’encre solvantée, via
un écran semi-perméable, sur un support plat. Les supports imprimés doivent
ensuite perdre tout le solvant contenu dans l’encre. Il existe pour cette opération
des séchoirs en continu, constitués d’une bande transporteuse passant dans un
tunnel ventilé et éventuellement chauffé. La conception du poste de travail suit le
schéma suivant :

dépôt des
feuilles aspiration
imprimées
cabine ventilée
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

sortie
tunnel de feuilles
séchage sèches

machine à
sérigraphier

Figure 4.13 – Schéma d’un tunnel sécheur pour sérigraphie

183
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Compte tenu des temps de séchage, le tunnel peut être assez long, ce qui exige un local
de dimensions appropriées.

m Cabines ventilées

L’application d’une peinture ou d’un vernis sur un objet, à la brosse et surtout par
pulvérisation, impose l’usage d’une enceinte ventilée pour capter les vapeurs et
aérosols émis. La première solution à examiner dans ce cas est la robotisation de
l’opération, car cette technique est maintenant abordable, même pour de petites
productions. Elle permet un confinement complet et un minimum de renouvelle-
ment d’air à l’intérieur, renouvellement toutefois nécessaire pour éviter une atmos-
phère explosive. Si la robotisation n’est pas possible, une cabine ouverte permet de
faire ce travail, tant que les objets ne sont pas trop encombrants. On retrouve le
principe de la sorbonne présenté précédemment, aménagé pour recevoir des aérosols.
Un plateau tournant permet d’atteindre toutes les faces de l’objet. Les aérosols sont
arrêtés sur le filtre, qu’il faut donc changer régulièrement.

aspiration

filtre pour aérosols

plateau tournant

Figure 4.14 – Cabine ventilée à flux horizontal

Le débit d’air est toujours calculé sur la base de 0,5 m/s au niveau du plan frontal.
Lorsque les objets sont de grandes dimensions, tels que les véhicules, l’huisserie,
etc., l’opérateur doit se trouver à l’intérieur de l’enceinte ventilée pour pouvoir
accomplir normalement sa tâche. Il s’agit alors d’une cabine ventilée qui répond à
certaines exigences de conception. Si l’opérateur n’a pas à se déplacer, une cabine à
flux horizontal suffit, construite sur les mêmes bases que celle citée plus haut.
Toutefois, il faut veiller à ce que l’opérateur ne se trouve jamais dans le flux pollué,
entre l’objet et la paroi aspirante. Sa conception étant assez simple, elle peut être
rendue mobile pour être disponible sur un chantier.
Lorsque des déplacements sont nécessaires autour de l’objet à peindre, il faut utiliser
une cabine à flux vertical. Cette cabine est totalement close, l’air arrivant par le
plafond et repartant par le sol, au travers de larges surfaces filtrées. C’est la cabine de
peinture, largement utilisée par les carrossiers automobiles. Avec ce dispositif du

184
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

flux d’air de haut en bas, l’opérateur est protégé des émissions en tout point de la
cabine, tant qu’elles ne sont pas produites trop haut.

plafond soufflant

sol aspirant

Figure 4.15 – Cabine ventilée à flux vertical

Pour ces cabines, une vitesse d’air d’environ 0,4 m/s, bien répartie, est correcte.
L’air chargé d’aérosols est purifié soit par filtre sec, soit par rideau d’eau. D’autres
dispositifs de sécurité assurent la protection en cas de panne et la prévention des
atmosphères explosives. Il est facile de calculer que de telles cabines exigent des
débits d’air considérables. Par exemple, une cabine de 4 m ¥ 6 m demande un débit
d’environ 34 000 m3/h, qu’il faut éventuellement chauffer1.
Cette solution est applicable pour tous types d’objets encombrants et pour les
émissions de poussières. Elle peut être utilisée par exemple pour la peinture électro-
statique en poudre et pour la taille ou la sculpture de pierre. Ces applications
demandent un savoir-faire propre aux constructeurs spécialisés2.

m Outils aspirants

Dans la liste des sources d’émission de poussières, les outils électroportatifs occupent
une place importante. Il s’agit principalement des ponceuses de tous types, des
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

meuleuses, des perceuses et perforateurs, des scies, des burineurs, etc. Comme ils
sont souvent employés sur des chantiers mobiles, il est difficile de les utiliser dans
une enceinte ventilée. Toutefois, cette difficulté est plutôt surestimée par les
professionnels, car il serait parfois possible d’adapter de petites enceintes mobiles
qui suivent l’outil. Avec une demande suffisante, ce type d’équipement progresserait
sûrement. À défaut, on voit plutôt se développer des outils aspirants, c’est-à-dire
munis d’un petit capteur enveloppant le point d’impact, avec une intégration plus
ou moins réussie.

1. Pour plus de détails sur ce sujet, consulter la brochure INRS ED 839.


2. Pour plus de précisions, se reporter aux brochures INRS ED 928 et ED 906.

185
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Figure 4.16 – Ponceuse aspirante (Photo : Facom) – Meuleuse aspirante (Photo : Dynabrade)
– Scie aspirante (Photo : Makita).

Si cette idée est séduisante en principe, elle souffre de quelques inconvénients en


pratique :
– Peu d’outils portatifs aspirants sont disponibles (notamment pas de perceuse).
– La jonction à l’aspirateur par tuyau rebute les utilisateurs. Les poches filtrantes
portées par l’outil sont assez peu efficaces.
– Le captage n’étant jamais total, le port d’EPR (équipement de protection respi-
ratoire) doit être maintenu.
Néanmoins, ce principe mérite d’être développé et joue parfaitement son rôle
dans une combinaison de mesures.

m La problématique de la ventilation

Tous les systèmes de captage des gaz, vapeurs, poussières et aérosols permettent de
bien soustraire les personnes aux expositions correspondantes et, dans une certaine
mesure, de réduire les risques d’expositions massives et d’incendie-explosion. Encore
faut-il qu’ils soient réalisés dans les règles de l’art et maintenus dans leurs perfor-
mances nominales. C’est pourquoi le captage est sans doute la mesure de prévention
la plus répandue pour le risque chimique. Pourtant, le recours à la ventilation n’est
en fait qu’un déplacement de problème, puisque les polluants captés sont transportés
pour être soit récupérés, soit rejetés dans l’atmosphère. Dans le premier cas, ils se
retrouvent sur un filtre ou un support chimique ou physique, qui deviennent de
nouveaux déchets. Dans le second cas, ils rejoignent l’environnement et participent à
sa pollution. En outre, si les polluants captés sont des aérosols ou des poussières, ils
donneront lieu à des dépôts sur leur parcours, ce qui pose à nouveau des problèmes
de maintenance et de pollution. Cela dit, si l’installation a bien été conçue en intégrant
ce problème, la maintenance et la récupération peuvent devenir faciles et ne pas
présenter de risque sensible.

m Les nuisances

Une installation de ventilation génère automatiquement quelques nuisances, qui


peuvent vite devenir un obstacle majeur à son utilisation systématique. Le retour
d’expérience très fourni dans ce domaine permet d’identifier les principales nuisances
suivantes.

186
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Le bruit :
Le bruit aérodynamique de l’air est fonction de plusieurs paramètres, dont les
principaux sont la vitesse de l’air, la forme et le nombre des capteurs, le type de
gaine, le type de ventilateur et l’implantation du réseau. Une installation de
captage, même modeste, peut générer un bruit propre à rendre le travail très
pénible, sachant qu’elle doit normalement fonctionner pendant toute la durée du
travail. L’expérience montre que les opérateurs sont tentés d’arrêter la ventilation,
voire de ne pas la mettre en marche, alors qu’elle les protège d’une exposition. Il
existe des règles de l’art qui contribuent à minimiser le bruit aéraulique. En voici
quelques-unes :
– faible vitesse d’air dans les gaines. Dans la zone à protéger, la vitesse est nécessai-
rement de 0,5 m/s, mais dans les gaines, elle est forcément très supérieure. Il
faut éviter de dépasser 10 m/s, sachant que c’est la section des gaines qui est le
paramètre limitant ;
– orifices d’aspiration avec angles arrondis, de façon à éviter les effets de sifflets, ce
qui n’est pas souvent possible ;
– ventilateur de type centrifuge, placé loin des postes de travail ;
– gaines lisses et coudes à grands rayons, en matériaux résilients ;
– gaines et ventilateur placés dans une enceinte phoniquement isolante, l’idéal étant
de placer le ventilateur et ses annexes dans un local séparé.
L’encombrement :
L’enceinte enveloppant la zone dangereuse constitue déjà une limitation de l’espace
de travail. Nous avons vu qu’elle pouvait constituer un véritable obstacle pour
manipuler des objets encombrants. Ensuite, le circuit de gaines génère un autre
encombrement important. Il l’est d’autant plus que les sections de gaines sont de
préférence élevées, pour limiter le bruit. Ce problème est résolu en général à la
conception d’un local, en prévoyant un faux plafond ou un faux plancher de
dimensions suffisantes. Il faut savoir qu’en présence de polluants chimiques, il y a
des règles de compatibilité à respecter, qui peuvent conduire à multiplier les circuits
de gaines indépendants. Enfin, un ventilateur performant est toujours volumineux,
car une basse vitesse de rotation est préférable, sans compter les annexes comme
les filtres, les réducteurs, les conduits d’évacuation, etc.
La nature des polluants peut nécessiter un traitement d’épuration qui demande une
installation elle-même très encombrante, comme tout circuit aéraulique. L’épuration
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

de l’air rejeté a lieu en général dans un local à aménager spécialement. L’ensemble de


ces dispositifs est dimensionné proportionnellement au débit global exigé. Lorsque
toute l’installation n’a pas été prévue à la conception des locaux, elle occupe
l’espace libre restant, ce qui conduit souvent à des difficultés de manutention ou
d’intervention et à une atmosphère de travail ressentie comme oppressante.
L’évaporation :
La vaporisation d’un liquide dépend de sa pression de vapeur au-dessus de la surface.
Cela signifie que l’évaporation s’arrête d’elle-même si l’espace est fermé au-dessus
du liquide. Mais dès que les vapeurs sont évacuées, l’évaporation se poursuit. Comme
une ventilation, même modérée, élimine les vapeurs, elle provoque une évaporation

187
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

continue. Ce phénomène présente de nombreux inconvénients : il provoque un


refroidissement du liquide, une concentration du milieu solvanté, un séchage accéléré
des dépôts quand il y en a, une consommation du solvant, une perte de titre pour
un soluté volatil. Selon le procédé, ces effets peuvent être rédhibitoires. Pour les
limiter, il faut réduire le débit au minimum, ce qui n’est possible qu’avec un confi-
nement important. Par exemple, dans le stockage des liquides en vrac, il suffit de
ventiler le contenant, qui n’est ouvert que par un évent, avec un débit juste suffisant
pour créer une légère dépression.
Les entrées d’air extérieur :
Le captage de l’air pollué conduit nécessairement à rejeter de l’air à l’extérieur des
locaux de travail, après une éventuelle épuration. Ce volume doit être entière-
ment compensé par une entrée d’air correspondante, sous peine de faire chuter le
débit sortant. Souvent, pour des débits sortant modérés, rien de particulier n’est
prévu pour cette entrée d’air, qui se fait alors spontanément par les ouvertures
inévitablement présentes dans les locaux, telles que les passages non fermés ou
non étanches. Le circuit de l’air entrant n’est alors pas maîtrisé, ni en débit ni en
trajet. Or, ce courant d’air, en fait très faible s’il est bien réparti, contribue à
l’assainissement des locaux par un renouvellement de l’air intérieur. Il est donc
souhaitable de le canaliser par des ouvertures judicieusement réparties et équipées
de filtres. Un tel dispositif statique est simple et peu coûteux, mais n’est accep-
table que si le débit global d’aspiration est faible par rapport au volume des
locaux concernés. On peut prendre comme repère une vitesse d’air de 0,05 m/s,
calculée sur la section du local perpendiculaire au courant d’air, en respectant une
bonne répartition des entrées d’air. Exemple :

8m

entrées
d’air 3m
de 8 m 2 rejet d’air
possible à
4 000 m3/h

Figure 4.17 – Compensation de l’air extrait

Pour des débits relatifs plus élevés, il faut installer un système de compensation
mécanique, c’est-à-dire utilisant un ventilateur, pour faire entrer de l’air à un débit
voisin de celui du rejet à l’extérieur. En outre, le jet d’air produit par un ventilateur
est trop directionnel, ce qui engendre une gêne pour le personnel et des perturbations
dans l’élimination des polluants. C’est pourquoi le ventilateur doit souffler à travers
un système de répartition de l’air sur une surface suffisante pour réduire sa vitesse à
moins de 0,1 m/s. Cette répartition peut être réalisée soit par des caissons équipés

188
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

de filtres, soit par une multiplication des bouches d’air, soit encore par une gaine
soufflante en textile poreux.
Même bien réparti, l’air qui vient de l’extérieur a la température de l’extérieur. En
saison froide, son effet de refroidissement des locaux est difficilement combattu
par le chauffage existant. La sensation de froid est renforcée par le courant d’air
généré, même faible. D’où la nécessité de réchauffer l’air entrant par tout dispo-
sitif adéquat. Notons que le réchauffage de l’air de compensation contribue encore
à l’encombrement créé par la ventilation. Par contre, il peut très bien venir en
complément, voire en remplacement du système principal de chauffage des locaux.
Mieux encore, si la compensation est équipée d’une source de froid, elle peut
rafraîchir l’air entrant en saison chaude, constituant ainsi une vraie climatisation.
Mais tout cela a un coût.
Le coût de fonctionnement :
Outre l’investissement, une installation de captage des émissions sur plusieurs
postes, telle que figurant sur le schéma suivant, a un coût de fonctionnement non
négligeable. Il comprend tout ou partie des éléments suivants :
– l’électricité pour le fonctionnement des ventilateurs ;
– l’énergie de chauffage de l’air entrant ;
– les consommables, tels que filtres, produits d’épuration ;
– la main-d’œuvre de maintenance ;
– le supplément de produits volatils consommés ;
– le traitement de l’air rejeté ;
– l’élimination des déchets.
Les deux premiers postes représentent la plus grosse part. Sans pouvoir donner de
valeurs tant il y a d’options possibles, ce coût est directement proportionnel au débit
d’air global. Il peut toutefois être minimisé en adoptant les précautions suivantes :
– choisir des ventilateurs à haut rendement et concevoir un circuit de ventilation
à faible perte de charge (longueur, section, coudes, etc.) ;
– recycler la chaleur de l’air sortant dans l’air rentrant par le biais d’un échangeur
air/air ; calorifuger toutes les gaines (ce qui réduit aussi le bruit) ; le recyclage de
l’air lui-même ne serait acceptable qu’avec une épuration complète et sans
défaillance possible ;
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

– réduire les émissions afin de diminuer les quantités de consommables, de déchets


et la maintenance ;
– confiner autant que possible les postes polluants pour réduire le débit d’air
nécessaire.

m Schéma général

Le poste épuration fait appel à des compétences spécialisées. Nous en donnons des
éléments de compréhension au paragraphe 5.4.5. Il doit être intégré dans tout
projet de ventilation, car il est devenu inévitable et gagne en efficacité et en coût à
être inclus au départ de l’étude.

189
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

gaine de soufflage

gaine d’aspiration

épuration

postes
à capter

Figure 4.18 – Schéma type d’un réseau de ventilation

4.3.7 La surveillance des atmosphères


La composition de l’air des postes de travail est un élément déterminant du risque
chimique, à plusieurs titres. Selon la nature et la concentration des substances
présentes, il peut exister l’un ou plusieurs des risques suivants :
– intoxication respiratoire chronique, si un agent chimique dangereux est présent
en concentration voisine de la VLEP ;
– intoxication respiratoire aiguë, si un agent chimique toxique ou très toxique est
présent en concentration voisine de la VLEP ;
– asphyxie, si la concentration en oxygène est inférieure à 20 % (en fait la limite
varie de 15 à 20 % selon les individus) ;
– explosion de combustibles volatils.
Face à ces risques, il existe diverses mesures de prévention qui tendent à supprimer
la pollution de l’atmosphère, comme exposé dans les paragraphes précédents. Mais
comme il faut toujours envisager une carence ou une défaillance de ces mesures, il
est important d’être prévenu de l’existence de ce type de risque. D’où le principe
de surveillance des atmosphères de travail. Il existe beaucoup de techniques et
d’appareils pour contrôler la composition de l’air, mais aucun n’est universel. C’est
pourquoi il faut d’abord fixer ses objectifs de surveillance avant de prendre une
décision. Il s’agit de se poser les questions suivantes :
– Quelle information faut-il surveiller ?
– Quel rythme et quel délai d’information sont nécessaires ?
– Où doit être localisée la surveillance ?
Pour la première question, la réponse est la concentration de certaines substances
volatiles. Le choix est important, car on ne peut se protéger d’une substance non
mesurée. Il faut donc chercher dans la liste de tous les produits possibles lesquels sont
à surveiller, sachant qu’il est illusoire de vouloir tout surveiller. Le choix devrait

190
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

privilégier les plus toxiques ou les plus sensibles. Il n’existe pas de technique de
dosage pour tous les produits, mais au moins pour les plus dangereux. Pour le
risque d’asphyxie, il suffit de vérifier le taux d’oxygène. Pour le risque d’explosion,
il suffit de tester la teneur en vapeurs combustibles. Mais on peut aussi cibler un
inflammable particulier quand il est le seul possible.
La deuxième question revient à choisir entre une mesure discontinue et une mesure
continue. La première comporte généralement un prélèvement d’atmosphère, qui
peut être manuel ou automatique, suivi d’un dosage plus ou moins complexe, car
les techniques d’analyse peuvent être chimiques, physiques ou les deux. Le délai de
réponse peut varier de quelques minutes à quelques jours. Les mesures continues
sont obtenues avec des appareils utilisant le signal d’un capteur spécifique. Elles
ont le gros avantage que représente une information immédiate, qui permet par
exemple, après comparaison de la mesure avec une valeur de consigne, de déclencher
une alarme et, mieux encore, des actions correctrices, comme un arrêt de processus,
une ventilation de secours, un inertage, etc. Leur principal inconvénient réside
dans leur fiabilité incertaine. C’est pourquoi une mesure par capteur exige des
étalonnages et des tests réguliers.
Dans l’hypothèse d’une exposition chronique, une surveillance discontinue est géné-
ralement suffisante, mais elle doit néanmoins être périodique, spécialement pour
les produits classés CMR. Si le risque est de nature accidentelle, un contrôle continu
s’impose. Ce contrôle doit même être redondant dans les espaces confinés. On
trouve facilement sur le marché des détecteurs performants, par exemple pour l’oxyde
de carbone, le cyanure et le sulfure d’hydrogène, le chlore, la teneur en oxygène,
l’explosivité, etc. Ces appareils existent aussi pour la plupart en version portable.
L’emplacement du point de mesure est choisi, en tout bon sens, dans l’espace où il
peut y avoir une présence humaine, régulière ou occasionnelle. Toutefois, pour
anticiper sur l’apparition d’une situation dangereuse, les prélèvements ou les capteurs
gagneront à être placés à la source probable d’une émission dangereuse. Par exemple
à proximité immédiate des contenants de produits toxiques ou de précurseurs
d’émanations toxiques, comme l’eau de javel, ou dans des espaces confinés où la
présence humaine est improbable, comme une capacité de rétention, ou derrière
un filtre à poussières. Concernant les poussières, le choix est plus restreint, car s’il
existe bien des techniques de mesure discontinue sélectives, les mesures continues
ne sont pas sélectives, du moins pour les plus répandues. C’est principalement
l’opacimétrie qui répond, partiellement, au besoin de surveillance de pollution solide.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

L’efficacité d’une surveillance d’atmosphère dépend complètement de l’analyse de


risque préalable, en processus aussi bien chronique qu’accidentel. Mais quand elle
est judicieusement mise en place, elle constitue un complément indispensable de
toutes les mesures prises en amont.

4.3.8 La prévention des explosions


La prévention du risque lié aux atmosphères explosives est une discipline à part
entière, qui fait l’objet d’ouvrages importants et de programmes de formation.
Nous donnerons seulement ici les éléments méthodologiques permettant de bien
s’orienter dans ce domaine. Ce risque, typiquement accidentel, est particulier dans

191
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

le risque chimique parce qu’il est à la fois très probable et très grave. Il est probable,
parce que les produits inflammables, ou même combustibles, sont d’un usage très
répandu dans l’industrie, l’artisanat et les services. Ils sont principalement repré-
sentés par la famille des solvants et celle des gaz combustibles. Dès qu’ils sont
présents à l’air libre, la formation d’atmosphère explosive est systématique. Seule
son étendue va beaucoup varier avec les circonstances. Quant à la gravité d’une
éventuelle explosion, elle n’est plus à démontrer.
La prévention va consister à appliquer le schéma habituel : supprimer d’abord le
danger, puis la situation dangereuse, puis l’événement dangereux, puis le dommage.
La situation dangereuse est la présence humaine à proximité d’une atmosphère
explosive (atex). L’événement dangereux est le déclenchement de l’explosion, c’est-
à-dire l’ignition. Le dommage est un ensemble d’atteintes à la santé résultant d’effets
mécaniques, thermiques et toxiques. Ce schéma permet d’aborder la prévention
avec une garantie d’efficacité, selon le logigramme suivant :

combustible
air

2. substitution source d’ignition


3. inertage

5. captage homme
4. récipient clos

6. pas d’aérosol
7. matériel Ex
1. éloignement

atex

explosion

8. atténuation

accident

Figure 4.19 – Organigramme de prévention du risque explosion

1) La première étape pourrait être de supprimer la présence humaine à proximité


de l’atmosphère explosive. Il suffirait par exemple d’éloigner systématiquement les
postes de travail de la zone dangereuse, ce qui implique des systèmes de télécom-
mande et de télémesure. En outre, la zone dangereuse peut être restreinte par un
certain confinement résistant aux explosions. Cette famille de mesure est efficace

192
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

et recommandable mais, si elle élimine le risque d’accident corporel, elle n’élimine pas
celui d’accident matériel, qui est souvent grave. C’est pourquoi elle n’a pas priorité
sur les mesures visant à supprimer l’atmosphère explosive. Le principe d’éloignement
s’impose toutefois en complément de ces dernières dès que le risque atteint un
niveau important, comme on peut le rencontrer dans l’industrie chimique.
2) La suppression de l’atmosphère explosive s’obtient par action sur l’une des
conditions de sa formation. La première condition à supprimer est la présence d’un
inflammable ou d’un combustible, ce qui revient à pratiquer une substitution,
principe décrit au paragraphe 4.3.1. Pour ce faire, les critères principaux à prendre en
compte sont le point d’éclair pour les liquides et l’ensemble concentration, tempé-
rature et énergie minimales d’inflammation en nuage, mais aussi granulométrie,
pour les solides pulvérulents.
3) La deuxième condition est la présence de comburant, en fait l’oxygène de l’air.
La solution est de substituer l’oxygène par un gaz inerte. Les moins chers sont le
dioxyde de carbone et l’azote, ce dernier étant préféré en raison de sa totale inertie
chimique. Il est disponible soit comprimé en bouteilles métalliques pour de petites
quantités, soit à l’état liquéfié, dans des bonbonnes ou des cuves cryogéniques, pour
de plus grandes quantités. On peut aussi utiliser l’argon ou l’hélium. Évidemment,
cette substitution, qu’on appelle inertage, ne peut se faire qu’à l’intérieur d’un
confinement, généralement une cuve ou un réacteur, mais aussi sur des équipements
comme les broyeurs et les sécheurs.
4) Une variante de ce principe consiste à laisser les vapeurs du liquide saturer
l’atmosphère du récipient. Il suffit que le récipient soit bien fermé, ce qui est le
cas, en fait très courant, de tous les emballages unitaires de liquides inflammables.
L’équilibre qui s’établit grâce à la pression de vapeur fait que la concentration est
toujours nettement au-dessus de la LSE. Le risque d’explosion n’est alors réelle-
ment présent qu’au moment de la vidange.
La suppression d’oxygène n’a pas besoin d’être totale. Il existe une concentration
maximale d’oxygène en dessous de laquelle l’explosion d’une vapeur ou d’un aérosol solide
est impossible1. En pratique, une valeur de 8 % couvre tous les produits, exceptés
les métaux légers (Al, Mg…) pour lesquels il faut descendre à moins de 2 %.
L’inertage est réalisé d’abord par une purge initiale du contenant, qui consiste soit à
balayer l’intérieur par un courant de gaz inerte, soit à alterner des mises sous vide
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

et des remplissages au gaz. Ces deux façons de procéder ont leurs avantages et leurs
inconvénients. L’inertage doit ensuite être maintenu, pour faire face à la respiration du
récipient, c’est-à-dire la variation du volume gazeux engendrée par les mouvements
de remplissage et de vidange. Des dispositifs automatiques d’alimentation en gaz,
fonctionnant sur de faibles variations de pression, assurent cette continuité. Il est
ensuite impératif de n’interrompre l’inertage qu’après élimination totale du combus-
tible dans l’enceinte protégée. Enfin, le risque d’anoxie créé par tout gaz inerte doit
être pris en compte aussi bien à la conception qu’à l’exploitation de l’installation.

1. On peut se référer aux brochures INRS sur les mélanges explosifs : Gaz et vapeurs (ED 911) et Poussières
combustibles (ED 944).

193
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

5) La troisième action possible sur l’atmosphère explosive est de la réduire à un


volume si faible que toute ignition y soit hautement improbable. On obtient ce
résultat par un captage à la source efficace des vapeurs ou des poussières, comme
on le fait pour le risque d’inhalation. Cela est même nettement plus facile, car
l’objectif est de maintenir la concentration en polluant inférieure à la LIE, avec
une marge de sécurité. La marge généralement recommandée consiste à ne pas
dépasser 10 % de la LIE. Nous avons vu au paragraphe 2.5.2 que cette limite varie
de 0,6 à 8 % pour les vapeurs, soit de 6 000 à 80 000 ppm, alors que les VME
s’étagent entre 1 ppm et 1 000 ppm. Quant aux poussières, les LIE. se situent entre
15 et 450 g par m3, alors que les VME ne peuvent dépasser 10 mg par m3. La valeur
médiane des LIE étant grossièrement 100 fois plus élevée (10 fois en prenant la
limite de sécurité) que celle des VME, un captage correct à la source met à l’abri
d’une présence d’atmosphère explosive. Il faut cependant se méfier de la protection
par un confinement presque total associé à un faible débit de captage, car il peut
facilement subsister une zone explosive à l’intérieur du confinement.
6) La formation d’une atmosphère explosive avec des poussières suppose leur mise
en suspension préalable, si elles ne sont pas générées en l’état. Les poussières au
repos ont deux origines. La première regroupe tous les produits chimiques,
alimentaires et matériaux disponibles sous forme pulvérulente. Il n’y a pas de
poussières tant qu’ils sont dans leur emballage d’origine. Or, le moindre mouve-
ment est capable de créer un aérosol. D’où l’importance d’éviter tout mouvement
à l’air libre. La technologie de transfert des poudres est suffisamment développée
pour que l’on puisse toujours trouver un moyen de transfert plus ou moins méca-
nisé, mais toujours en vase clos, complet ou partiel avec un captage enveloppant
pour les zones ouvertes. Le transport pneumatique est une solution intéressante
quand il est compatible avec le produit. Mais il faut rester vigilant sur les zones
« atex » qu’il peut générer lui-même.
La deuxième origine des poussières dormantes est la pollution qui s’est déposée. La
première des mesures dans ce cas est de supprimer les sources de pollution. Toutes
les mesures déjà décrites pour éviter les expositions sont bénéfiques sur ce point,
notamment le confinement et le captage à la source. Il faut en outre repérer et
supprimer les émissions parasites que représentent les fuites sur les installations
dans lesquelles sont stockés ou traités des produits pulvérulents, surtout si elles
sont en surpression. Un broyeur, par exemple, s’il n’est pas correctement installé et
maintenu, est un puissant générateur de poussières. Il faudrait réaliser ces installa-
tions avec la même étanchéité qui convient aux liquides.
Cependant, contrairement au risque d’exposition, celui d’explosion existe encore à
l’intérieur d’un confinement. En effet, tout dépôt de poussières à l’intérieur peut
être remis en suspension au cours d’un démarrage d’installation ou d’une inter-
vention de maintenance. D’où la nécessité supplémentaire de concevoir ladite
installation de façon à ce qu’elle ne laisse pas se former de dépôts non fonction-
nels. Cela concerne principalement les canalisations de transfert et certaines zones
d’appareils comme des mélangeurs, des filtres, des machines à conditionner, etc.
En particulier, les installations de dépoussiérage doivent avoir des vitesses d’air
minimales de l’ordre de 15 m/s.

194
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Enfin, l’élimination des poussières déjà déposées dans l’environnement s’impose,


sans qu’elle déclenche elle-même une remise en suspension. Pour ce faire, on peut
procéder par aspiration, avec du matériel performant, ou par humidification, arro-
sage ou lavage. Quelle qu’en soit la cause, l’empoussièrement doit toujours être
contrôlé régulièrement, d’abord par simple examen visuel, ensuite par des frottis
sur les surfaces horizontales.
7) Lorsqu’on ne peut garantir l’absence totale d’atmosphère explosive, il reste à
éliminer les sources d’ignition. Dans les conditions normales de fonctionnement,
les flammes nues sont évidemment à proscrire et leur présence ne peut résulter que
d’une erreur humaine, qu’il faut bien intégrer dans la stratégie de prévention. La
prévention des incendies contribue aussi à celle des explosions. Les points chauds
ne sont dangereux qu’au-dessus de la température d’auto-inflammation. Ils
proviennent souvent d’appareils de chauffage, qu’il faudra choisir en conséquence.
Voici quelques températures d’auto-inflammation de produits courants :

Substance Température d’auto-inflammation en ˚C

Sulfure de carbone 90

Oxyde de diéthyle 160

Acétaldéhyde 175

Dioxanne 180

Benzaldéhyde 190

White spirit 230-260

Cyclohexane 245

Acétate d’octyle 268

Butane 287

Tétrahydrofuranne 320

Éthanol 363
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Méthyl-éthyl-cétone 404

Trichloréthylène 410

Formol 424

Acétate d’éthyle 425

Huile d’arachide 445

Acétone 465

195
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Substance Température d’auto-inflammation en ˚C

Nitrobenzène 480

Toluène 480

Styrène 490

Hydrogène 500

Xylènes 525

Dichlorométhane 556

Aniline 615

Dichlorobenzène 645

Phénol 715

Trois types d’étincelles se rencontrent assez facilement. Les étincelles mécaniques


ne sont générées que par des travaux de maintenance ou des incidents mécaniques.
Leur élimination est tributaire d’une bonne organisation de la maintenance
préventive et du respect de consignes comme les bons de feu et les consignations.
Elle est complétée, en cas de besoin, par l’emploi d’outillage « non étincelant ». Les
étincelles électriques sont produites par beaucoup de matériels fixes ou d’outillages
électriques de qualité normale. Leur prévention exige l’utilisation d’appareils
spécialement conçus pour être utilisés en atmosphère explosible (c’est-à-dire pouvant
devenir explosive). Un ensemble de directives, décrets, arrêtés et normes encadre la
fabrication, le marquage et l’utilisation de ceux-ci, car chacun d’eux n’a qu’un
domaine d’utilisation précis. Concernant le marquage, la réglementation européenne
est relativement simple.

G pour gaz
CE εx II 1 G D pour poussières

catégorie
groupe hors Mines 1 pour zone 0 ou 20
2 pour zone 1 ou 21
3 pour zone 2 ou 22

Figure 4.20

Ce n’est pas le cas du marquage fixé par la norme NF EN 500141, qui prend aussi
en compte le type de protection utilisé et la classe de température maximum de
surface. Il y a 8 types de protections normalisées :

1. Matériel électrique pour atmosphères explosives. Règles générales. Norme homologuée.

196
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Mode de protection Symbole Norme NF EN

Immersion dans l’huile o 50015

Surpression interne p 50016

Remplissage pulvérulent q 50017

Enveloppes antidéflagrantes d 50018

Sécurité augmentée e 50019

Sécurité intrinsèque i 50020

Matériel de type « n » n 50021

Encapsulage m 50028

La norme donne 6 classes de températures maximales de surface :

Classe TMS

T1 450 ˚C

T2 300 ˚C

T3 200 ˚C

T4 135 ˚C

T5 100 ˚C

T6 85 ˚C

En outre, le groupe II est divisé en trois sous-groupes pour tenir compte des points
d’éclair :
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Acétone – Méthane industriel – Acétate d’éthyle – Méthanol – Butane – Propane –


Hexane – Ammoniac – Oxyde de carbone – Pentane – Heptane – Isooctane – Décane
II A – Benzène – Xylène – Cyclohexane – Éthylméthylcétone – Acétate de méthyle –
Acétate de n-propyle – Acétate de n-butyle – Acétate d’amyle – Chlorure de
méthylène – Butanol – Nitrite d’éthyle

II B Éthylène – Butadiène – Éther diéthylique – Oxyde d’éthylène – Gaz de four à coke

II C Hydrogène – Bisulfure de carbone – Acétylène – Nitrate d’éthyle

197
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Ce marquage est repéré par le sigle « EEx » et peut présenter une assez grande
complexité, comme le montre l’exemple suivant :

Figure 4.21 – Étiquette d’un matériel atex

Compte tenu des difficultés que peuvent présenter le choix et l’installation de


matériel de sécurité, la première mesure à prendre est de déplacer le matériel électrique
hors zone à risque et de ne laisser en zone que le strict indispensable. Une des
applications de ce principe est l’éclairage sous verre dormant, très simple à réaliser.

Zone à risque Zone hors risque


d’explosion

vitre résistante appareil


d’éclairage

cloison jonction étanche

Figure 4.22 – Schéma d’un éclairage sous verre dormant

D’autres sources d’étincelles existent dans les installations. Tout défaut électrique
tendant à créer un potentiel anormal peut être à l’origine d’une décharge avec
étincelle, c’est pourquoi les installations électriques doivent être conformes aux
règles en vigueur et vérifiées régulièrement. L’électricité statique représente quant à
elle une menace redoutable, en tant que source d’ignition insidieuse. Elle apparaît
principalement lors de frottements avec des matériaux isolants, en particulier dans
les liquides isolants qui s’écoulent. Les principales mesures à prendre sont :
– la mise en place de liaisons équipotentielles, avec mise à la terre, entre les équipe-
ments et les contenants mobiles ;

198
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

– l’utilisation de matériaux conducteurs, ou rendus conducteurs, tels que tuyaux


souples ou vêtements, chaussures, etc. ;
– l’augmentation de la conductibilité de l’air par humidification ou ionisation.
8) La gravité potentielle d’une explosion est telle qu’en plus des mesures de
prévention, il convient d’ajouter des mesures en limitant les effets. En dehors de la
solution, exceptionnelle, de construire des équipements de travail résistant à une
explosion interne, il est recommandé de prévoir un dispositif de décharge de la
pression engendrée. Il s’agit d’un disque ou d’un panneau, relativement léger,
cédant sous une surpression calibrée. En outre, la surpression est canalisée dans
une direction où elle ne crée pas de risques. Ce dispositif peut être placé sur un
récipient, tel qu’un réacteur ou un caisson filtrant, mais aussi dans un local contenant
l’équipement sensible. En effet, la dynamique de l’explosion fait que ce dispositif
doit avoir une surface importante par rapport au volume pour être efficace.
L’explosion doit aussi être arrêtée dans sa propagation éventuelle par des canalisa-
tions. Cela est obtenu par la mise en place d’arrête-flammes, constitués d’une section
de tuyau garni d’une matrice de métal gaufré. Contre les explosions de poussières,
on peut mettre en place des surpresseurs, qui sont des dispositifs envoyant instan-
tanément une grande quantité de produit inertant sur le front d’explosion, après
déclenchement par un détecteur d’explosion. Des vannes à fermeture ultrarapide
peuvent compléter ces mesures, mais l’installation de tous ces équipements, soumis à
certification, demande un savoir-faire confirmé. Enfin, il est possible de se protéger
des projections de petites explosions par des grillages ou des panneaux transparents
résistants.
En conclusion, quand on ne peut pas éviter l’utilisation de produits inflammables,
il faut que leur lieu d’utilisation soit spécialement conçu et équipé dans ce but
pour obtenir une baisse suffisante de la probabilité et de la gravité de l’explosion.

4.3.9 L’outillage manuel


L’utilisation de produits chimiques dans l’industrie offre la possibilité d’atteindre
un bon niveau de prévention, principalement en raison de la technicité du maté-
riel disponible. Dans l’artisanat, les services et surtout le bâtiment, le matériel est
nettement plus sommaire, pour de nombreuses raisons, dont le coût, la résistance, la
mobilité, la technicité, etc. Il reste donc beaucoup d’opérations manuelles, effec-
tuées avec des outils qui permettent facilement le contact, en particulier cutané,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

avec les produits appliqués. Les exemples de contamination cutanée, dont ceux
donnés au paragraphe 3.2.1, mettent en cause des outils comme :
– les pelles, godets, « mains », utilisés pour prélever et verser des produits pulvé-
rulents ;
– les pinceaux, brosses, rouleaux, utilisés pour appliquer un produit liquide ou
nettoyer une surface ;
– les chiffons, éponges, tampons, utilisés soit pour nettoyer ou essuyer, soit pour
appliquer des produits en surface ;
– les petits récipients (< 1 litre) de toutes formes, utilisés pour prélever ou verser
de petites quantités de liquide ;

199
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

– les spatules, racloirs et autres applicateurs, utilisés pour appliquer ou retirer un


produit pâteux ;
– les pistolets, pulvérisateurs et autres appareils de projection, utilisés pour appli-
quer un produit sous forme d’aérosol.
La première réflexion à conduire concerne l’éventualité d’une autre forme d’utili-
sation réduisant les possibilités de contact, par un changement d’organisation ou
de matériel. Voici quelques exemples qui, s’ils ne sont pas universels, donnent l’idée
générale de la démarche :
– s’arranger pour utiliser des emballages entiers, éliminant ainsi prélèvements et
pesées ;
– peindre ou coller en atelier, au préalable dans de bonnes conditions, un objet
qui est peint ou collé sur chantier ;
– installer un système de dosage en ligne ;
– dégraisser dans une petite machine close ;
– utiliser des petites pompes pour les réactifs ou les produits pâteux ;
– prélever du liquide avec un tube relié à un récipient mis sous vide au préalable ;
– utiliser des distributeurs de liquide ou de poudre.
Prenons l’exemple courant de l’utilisation de réactifs dans les laboratoires de recherche
ou de contrôle. Il est fréquent de voir manipuler à cet effet des flacons entiers, des
éprouvettes et des pipettes en verre, ce qui génère à la fois des expositions respira-
toires et cutanées et des accidents par suite de renversement ou de casse. Un simple
distributeur doseur placé sur le flacon d’origine permet d’éviter tous ces risques.

Figure 4.23 – Distributeurs doseurs

S’il n’existe pas de solution de ce type, il reste à améliorer les outils existants,
toujours dans le but de rendre les contacts moins probables. Souvent, la créativité
des utilisateurs directs apporte de très bonnes solutions, mais encore faut-il l’envisager
et la susciter. Il suffit parfois d’allonger la longueur d’un manche, ou d’adapter un
écran protecteur, pour supprimer presque tous les petits contacts ordinaires sur un
pinceau, un rouleau, une pelle, une spatule, etc.

200
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

4.3.10 La maintenance préventive


Le défaut de maintenance est une des origines fréquentes des faits déclencheurs d’acci-
dents. Un incident technique pendant le fonctionnement d’une installation conduit
souvent à improviser des actions de dépannage ou de rattrapage dans des conditions de
sécurité très insuffisantes. La solution est dans la maintenance préventive, qui consiste
à planifier les interventions, pour qu’elles soient conduites après avoir réduit au
niveau négligeable tous les risques envisageables. Cela signifie qu’il faut au préalable :
– inventorier tous les organes et systèmes critiques dans le fonctionnement ;
– définir leurs conditions de bon fonctionnement ;
– définir les opérations de maintenance qui s’imposent ;
– réunir les moyens de travail en sécurité ;
– intervenir au moment planifié.
La liste des organes critiques pour le risque chimique serait trop difficile à établir,
surtout pour toutes les activités possibles. Néanmoins, nous proposons une check-list
sommaire, à compléter au cas par cas :

Matériel Points critiques

Emballages Solidité, étanchéité, étiquetage

Moyens de manutention Disponibilité, conformité

Structures de stockage Résistance suffisante, signalétique

Étanchéité (joints tournants et raccords),


Matériel de pompage fixe ou mobile
conformité électrique

Matériel de mesure de poids et de volume Étalonnage

Organes de fermeture/ouverture Absence de blocage, étanchéité

Systèmes de télécommande Réponses conformes aux commandes


Systèmes de contrôle et signalétique Signal conforme aux variables

Capteurs de process Signal normal

Canalisations Étanchéité, fixation, identification

Organes de raccordement Étanchéité, solidité


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Matériel de mélange Bon état mécanique

Matériel de chauffage Réglage et coupure possibles

Matériel de refroidissement Disponibilité

Matériel de filtration Étanchéité, absence de colmatage

Systèmes de ventilation Performances nominales, protection électrique

Matériel d’extinction et de secours Disponibilité, vérification récente

Douches et lave-œil Opérationnels, eau propre et tempérée

201
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Ce qui est également important, c’est que le matériel ait une conception facilitant
la maintenance, comme le changement de filtre ou de joints. Le problème des
canalisations difficiles, voire impossibles, à vider est récurrent. Elles doivent, sauf
nécessité du process, comporter des sections isolables par des vannes, être démon-
tables par des raccords et surtout vidangeables complètement par des purges.
Autant que possible, il doit être prévu de laver et de rincer les contenants et les
canalisations par l’installation elle-même, c’est-à-dire sans démontage ni interven-
tion manuelle. Ce principe a été utilisé avec bonheur dans les rotatives de l’impri-
merie, ce qui remplace des opérations, très exposantes, de nettoyage de cylindres
au solvant.
La maintenance d’installations chimiques ne doit pas constituer un déplacement
de risque. C’est ce qu’on observe en particulier dans la maintenance des pompes et
des filtres, car ils sont souvent difficiles à vider complètement, surtout s’ils ont
contenu des produits très visqueux ou s’ils retiennent des dépôts solides. Il faut
que le poste de maintenance de ce type de matériel soit conçu en conséquence.
La qualité de la maintenance joue un rôle déterminant dans les conditions de
travail, comme d’ailleurs pour tous les types de risques. C’est elle qui garantit la
propreté d’un atelier, car les produits chimiques ont un impact puissant sur l’envi-
ronnement intérieur. S’ils ne sont pas rigoureusement confinés dans leurs récipients et
canalisations, ils sont responsables de souillures, de corrosions et d’odeurs. Ces
trois désordres forgent l’image particulièrement négative de nombre d’ateliers, petits
ou grands, et qui décourage vite de nouveaux embauchés. Cette image est malheu-
reusement considérée comme inévitable par certains employés et employeurs.

4.3.11 Les équipements de protection individuelle


Les équipements de protection individuelle (EPI) occupent une place à part dans
l’arsenal des mesures, car ils impliquent directement les personnes exposées. Leur
diversité permet de couvrir tous les risques chroniques mais aussi une partie des
risques accidentels. Ils appartiennent à deux grandes familles selon la voie de
contact visée.

m Les protections respiratoires

Le principe d’un équipement de protection individuelle respiratoire (EPR) est de


supprimer le contact de l’agent chimique avec les voies respiratoires, sans jamais
agir sur sa présence dans l’environnement. Les EPR fonctionnent soit en bloquant
le polluant de l’air inspiré, soit en isolant l’individu de l’air pollué, tout en lui
fournissant de l’air propre. Ces deux principes conduisent à des propriétés et des
applications très différentes.
EPR filtrants :
Cette appellation est justifiée pour ceux qui protègent des poussières. Ils comportent
un filtre capable d’arrêter les poussières et les aérosols, avec une efficacité très variable
en fonction de l’étanchéité de la pièce faciale et de la perméabilité du filtre. Voici
les principaux types utilisés :

202
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Figure 4.24 – Pièce faciale filtrante – Demi-masque – Masque complet (Photos : 3M).

Leur efficacité, c’est-à-dire la proportion de particules arrêtées selon la norme


NF EN 143, est repérée par le code suivant : P1 pour 80 %, P2 pour 94 % et P3
pour 99,95 %. Les filtres sont marqués d’une bande blanche. Le phénomène de
colmatage fait que l’efficacité a tendance à augmenter avec l’usage, jusqu’à opposer
une résistance gênante pour la respiration. Mais c’est l’étanchéité avec le visage qui
détermine l’efficacité réelle.
Les EPR destinés aux gaz et vapeurs fonctionnent par adsorption sur un support
spécial, généralement du charbon actif. Ils sont équipés de cartouches dont l’adsorbant
est spécifique d’une famille de polluants. Le tableau suivant résume leurs caracté-
ristiques principales :

Couleur
Type Polluants visés
de bande

A marron gaz et vapeurs organiques dont le point d’ébullition est > 65 ˚C

Ax marron gaz et vapeurs organiques dont le point d’ébullition est < 65 ˚C

B gris gaz et vapeurs inorganiques (sauf CO)

E jaune dioxyde de soufre (SO2) et autres gaz et vapeurs acides


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K vert ammoniac et dérivés organiques aminés

HgP3 rouge + blanc vapeurs de mercure

NOP3 bleu + blanc oxydes d’azote

Sx violet composés spécifiques désignés par le fabricant

Plusieurs types d’adsorbants peuvent être réunis dans une même cartouche, le
marquage en faisant état, mais cette facilité apparente est obtenue aux dépens de
l’autonomie, qui diminue pour chacune des couches.

203
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Le grand problème posé par cette catégorie d’EPR est de connaître leur auto-
nomie. La durée de port possible est en effet limitée par le claquage, c’est-à-dire la
saturation commençante du filtre en polluant. Ce temps de claquage dépend du
volume et de la qualité de l’adsorbant, ainsi que de la nature chimique du
polluant. Les cartouches portent ainsi le numéro correspondant à leur classe de
capacité, de 1 à 3, associé à la lettre de type (ex. : A2, B3, etc.). En outre, le temps
de claquage pour une cartouche donnée varie avec les conditions d’utilisation :
– Une concentration élevée du polluant ne permet pas à l’adsorption de se faire
totalement. C’est pourquoi chaque classe a une concentration maximum d’usage.
– Une température ambiante élevée limite la quantité adsorbable, parce que
l’adsorption est réversible.
– Un débit respiratoire élevé réduit la capacité, parce que l’adsorption demande
un temps de contact minimum. Il varie de 20 à 120 l/min selon l’effort.
– Une humidité de l’air importante entre en compétition avec les molécules de
polluants.
Tous ces facteurs rendent la prévision de l’autonomie très difficile. Elle n’est sûre-
ment pas déterminée par la perception d’un début d’odeur, tant ce critère est aléa-
toire et dangereux. Le claquage arrive d’ailleurs assez brutalement, comme le
montre la courbe de saturation d’une cartouche de charbon actif.

100 %

concentration
aval/amont du
polluant

VLE

0%
Temps de claquage

Figure 4.25 – Courbe de saturation d’un filtre à charbon actif

Toutefois, on peut obtenir un ordre de grandeur en se référant aux temps de claquage


imposés par la normalisation1 :

1. Pour la ventilation libre, voir la norme EN 14387, qui remplace la EN 141.

204
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Temps de Concentration Concentration


Classe Gaz d’essai
claquage (min) amont (ppm) aval maxi

A1 70 1 000
A2 cyclohexane 35 5 000 10
A3 65 8 000

B1 40 1 000
sulfure
B2 40 5 000 10
d’hydrogène
B3 60 10 000

E1 20 1 000
dioxyde
E2 20 5 000 5
de soufre
E3 30 10 000

K1 50 1 000
K2 ammoniac 40 5 000 25
K3 60 10 000

NOP3 oxydes d’azote 20 2 500 5

Ces chiffres sont approximativement extrapolables en fonction des concentrations.


Par exemple, un masque A2 soumis à une pollution de 1 000 ppm a une auto-
nomie de l’ordre de 3 heures et un masque E1 soumis à 100 ppm aura une auto-
nomie de l’ordre de 3 h 20 min. Ce calcul ne doit pas faire oublier les facteurs
réducteurs cités plus haut, ce qui incite à prendre une bonne marge de sécurité, en
pratique le tiers de celle que donne le calcul.
Des cartouches combinent la protection contre les poussières et contre les vapeurs,
ce type de pollution n’étant pas si rare. Ils sont reconnaissables au marquage régle-
mentaire.
Compte tenu de la perte de charge créée par le filtre, un masque respiratoire gagne
en confort avec une ventilation assistée, à l’aide d’un petit ventilateur porté soit sur le
masque, soit à la ceinture. Il faut donc un accumulateur portatif pour l’alimenter.
Ces appareils sont soumis à des normes de performances distinctes1 et d’un codage
commençant par TM, ou TH lorsque la pièce faciale est une cagoule ou un casque
(figure 4.26).
Dès que les filtres, les ventilateurs ou les accumulateurs sont un peu lourds ou
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

encombrants, ils sont placés sur une ceinture.


EPR isolants :
Les EPR isolants comportent les mêmes pièces faciales que les filtrants (masques,
cagoules et casques) mais l’air respiré est pur, indépendamment de la pollution
environnante. Pour cela, deux sources sont possibles. La première consiste à
prendre de l’air propre à l’extérieur à la zone polluée et à l’amener jusqu’à la pièce
faciale par pompage. C’est l’adduction d’air, qui nécessite des équipements
annexes (figure 4.27).

1. Pour la ventilation assistée, voir les normes EN 12941 et 12942.

205
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Figure 4.26 – Masque complet à ventilation assistée – Casque à visière pour ventilation assistée
– Cagoule pour ventilation assistée (Photos : 3M).

cagoule
air propre

réglage
de débit épurateur

ceinture
compresseur à vis
chaud/froid

Figure 4.27 – Schéma d’une installation d’adduction d’air

L’air respiré doit effectivement être exempt de tout aérosol solide ou liquide et
réchauffé ou refroidi, selon la température ambiante et l’effort fourni. De
petits dispositifs autonomes portés à la ceinture assurent cette fonction (figure
4.28).
Des variantes de ce système existent, selon que l’air est à débit continu, à la
demande ou à pression positive garantie. Il faut évidemment veiller à ce que l’air
prélevé ne soit pas pollué, même de façon inattendue, par exemple avec un rejet de
gaz d’échappement de moteur thermique. Les avantages considérables de l’adduc-
tion d’air sont la suppression des limites d’autonomie et une qualité d’air respiré
indépendante des performances du média filtrant. Elle pose néanmoins quelques
problèmes d’utilisation :
– équipements annexes (compresseur, épurateur, tuyaux) à acquérir, installer,
entretenir, déplacer ;

206
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Figure 4.28 – Épurateur (Photo : Tricolor Industries) – Régulateur de débit (Photo : 3M)
– Réchauffeur/refroidisseur (Photo : 3M).

– limitation des mouvements par la présence du tuyau d’adduction d’air. Cela


peut être réduit par une préparation du poste de travail et l’utilisation d’enrouleurs
ou de tuyaux spiralés. Mais les déplacements importants sont proscrits ;
– mode opératoire à adapter aux mouvements des tuyaux.
Le port d’une source d’air autonome, sous forme de bouteilles pressurisées, est une
autre option possible d’EPR isolant. En effet, elle conserve l’indépendance de la
pureté de l’air respiré vis-à-vis de l’environnement, en gagnant la liberté complète
de mouvement. Mais elle perd l’avantage de la durée de protection illimitée et
ajoute la contrainte d’un équipement lourd et un peu encombrant. Quant à
l’autonomie, elle dépend du volume des bouteilles ; en pratique, elle ne dépasse
pas 30 min.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 4.29 – Schéma d’appareil respiratoire autonome (Photo : Tricolor Industries).

207
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

C’est typiquement un équipement de secours, par exemple pour un incendie, une fuite
massive ou une asphyxie. Il est primordial de rappeler qu’en cas de sous-oxygénation,
seuls les EPR isolants assurent une protection, car des erreurs fatales se produisent
encore en utilisant des EPR filtrants dans l’urgence.
Choix et port des EPR :
Aucun EPR n’étant universel, le choix va s’effectuer en confrontant les caractéristiques
de l’appareil avec les conditions de travail envisagées. Trois critères principaux sont
déterminants.
L’efficacité de protection : la meilleure est celle des EPR isolants, dans la mesure
où leur étanchéité est satisfaisante. Celle-ci sera très bonne avec un masque total,
alors qu’elle dépendra du débit d’air (160 l/min minimum) ou de la surpression
avec la forme cagoule. C’est la seule solution acceptable en cas de sous-oxygénation
ou de présence de produits gazeux très toxiques, tels que l’oxyde de carbone, les
cyanures et sulfures d’hydrogène, le chlore, le phosgène, etc.
Pour les gaz et vapeurs sans danger exceptionnel (niveaux 1 à 4), les EPR filtrants
à cartouche de type TH et TM sont suffisants, à condition de bien les adapter à la
nature du polluant.
Pour les poussières, les EPR filtrants de type THP et TMP peuvent assurer une bonne
protection contre la plupart des polluants. Pour les plus dangereux, et notamment
l’amiante, un appareil de type TM3P est acceptable en cas d’impossibilité d’utiliser
un EPR isolant. Les pièces faciales filtrantes (FFP) sont réservées à des pollutions
légères en concentration comme en niveau de danger.
Le facteur de protection d’un EPR permet de situer son efficacité. Il exprime le
rapport de la concentration en polluant environnant sur celle qui est respirée. Cela
signifie qu’il est global, intégrant l’efficacité propre du filtre et l’étanchéité de la pièce
faciale. Le tableau suivant fournit quelques valeurs, déterminées statistiquement :

Famille d’EPR Facteur de protection

ventilation libre 10 à 20

ventilation assistée 50

adduction d’air continue 500

adduction d’air à pression positive > 2 000

Le facteur de protection permet d’évaluer la concentration maximale admissible


pour un EPR donné.
EXEMPLE :

Supposons une pollution au xylène et un EPR de type TMA à ventilation assistée. La VME étant
de 50 ppm, la concentration maximale admissible est de 50 ¥ 50 = 2 500 ppm dans l’environne-
ment. Pour de l’amiante avec un EPR à adduction d’air à pression positive, on obtient une limite
de 200 fibres/cm3.

208
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

L’autonomie : L’autonomie des EPR isolants est théoriquement infinie dans la


catégorie de l’adduction d’air. En pratique, elle peut être portée pendant la demi-
journée de travail. Celle des EPR autonomes, c’est-à-dire à réserve d’air, est limitée
par le volume d’air porté, soit moins de 30 min.
L’autonomie des EPR filtrants pour poussières n’est limitée que par le colmatage,
qui est en général perceptible. Encore faut-il assurer une parfaite étanchéité avec le
visage. Elle dépend donc totalement de la concentration des poussières.
L’autonomie des EPR filtrants pour gaz et vapeurs dépend de nombreux facteurs,
comme décrit précédemment. Ces appareils ne devant pas être utilisés pour plus
de 1 000 ppm, sauf sur une courte durée (moins de 10 min), les calculs établis sur
les temps de claquage normalisés à 1 000 ppm donnent des valeurs variant, tous
types de cartouches confondus, de 20 min à 600 min. Si l’on s’en tient au tiers du
résultat, compte tenu des autres facteurs intervenants, les chiffres passent de 7 min
à 200 min, la valeur médiane étant de l’ordre d’une heure. Ces chiffres peuvent
paraître surprenants, mais nous verrons qu’ils ne posent pas de problème.
La prudence s’impose aussi parce que l’adsorption du polluant dans les cartouches
n’est pas stable, et qu’il peut se produire un relargage au bout d’un certain temps.
Enfin, l’incertitude portant sur l’imprégnation réelle d’une cartouche utilisée fait
que l’on doit exclure tout réemploi.
Le confort : il est très différent selon les types. Les masques qui exercent une
compression du visage sont les plus difficiles à supporter. Des enquêtes effectuées
auprès des utilisateurs fixent la limite à 70 min, statistiquement. Les cagoules sont
les plus faciles à porter, surtout les plus légères. Cette facilité est renforcée par
l’adduction d’air qui apporte une climatisation individuelle. Cette combinaison
est donc l’idéal à envisager systématiquement. En outre, plus elle sera utilisée plus
elle progressera en efficacité, en facilité d’emploi et en confort.
Le choix d’une protection respiratoire n’est donc pas si simple1. Il doit se faire en sui-
vant un raisonnement qui demande de se poser les bonnes questions dans le bon ordre :
– N’y a-t-il pas une mesure de prévention collective possible ? La protection
collective est envisageable dès qu’une opération est répétitive, d’autant plus en
un lieu fixe. Les seules raisons qui justifient d’y renoncer sont le caractère excep-
tionnel, l’urgence ou la mobilité du travail, et après réflexion.
– Y a-t-il un facteur imposant un appareil isolant ? C’est le cas d’une sous-oxygé-
nation possible, si le polluant est très dangereux ou inconnu, ou si la concentration
maximum probable est supérieure à 1 000 ppm ou 50 fois la VME. La concen-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

tration maximum peut être approchée par la métrologie, par l’historique et par
un calcul théorique. L’EPR isolant s’impose aussi pour un travail dépassant 90 min.
– Est-il possible d’utiliser l’adduction d’air ? Il faut examiner la mobilité néces-
saire et la possibilité d’aménager le poste en conséquence. Cette solution
s’impose en cas d’effort important et prolongé.
– L’opération dure-t-elle plus de 30 min environ ? Si l’on n’a pas adopté l’adduc-
tion d’air, il faut une ventilation assistée pour tout travail de plus de 30 min, ou
moins si l’effort est important. D’autre part, les cartouches pour gaz et vapeurs

1. Pour approfondir ce sujet, voir la brochure INRS ED 780, Les appareils de protection respiratoire.

209
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

devront être de classe 2 minimum ou de classe 3 au-delà de 90 min (ce qui est
peu raisonnable…).
– Quelle est la composition chimique du polluant ? La réponse est indispensable
pour choisir le type de cartouche (poussières ou A, B, E, K, etc.).
La réponse à ces questions nécessite de connaître au préalable la nature et la
concentration probable des polluants, le niveau d’effort et la durée de l’activité
envisagée. En dehors du cas des EPR isolants à adduction d’air, qui représentent
un idéal, les autres types ne doivent être utilisés en définitive que pour des opéra-
tions courtes ou exceptionnelles. Ces opérations relèvent de deux cas de figure :
– une exposition chronique, c’est-à-dire planifiée, y compris dans l’urgence ;
– une exposition accidentelle que l’on a envisagée dans l’analyse des risques, malgré
la protection collective, ou plutôt en cas de défaillance d’une protection collective.
C’est le principe de redondance, qui s’impose dans tous les risques de haut niveau.
Comme exemple on peut citer le déchargement d’un véhicule citerne contenant
de l’ammoniac liquéfié.
Quel que soit le choix d’un EPR, celui-ci ne peut pas être utilisé avec toute son
efficacité sans une formation des utilisateurs, qui pourront ainsi être associés au
choix, informés sur les limites et sur la maintenance nécessaire.

m Les protections de contacts

Les mains sont le point de contact le plus fréquent avec les agents chimiques. Le
moyen de prévention classique est le port de gants, qu’il faut choisir en fonction
de la résistance recherchée. Selon les circonstances, il faut une résistance chimique,
mécanique ou microbiologique. Le marquage réglementaire permet d’avoir cette
information. Pour la résistance chimique, les polymères utilisés ont des compatibilités
limitées, comme le montre le tableau suivant1 :

Famille Multi-
Latex Nitrile Néoprène PVC PVA Butyle Fluorés
de produits couches

Acides carboxyliques

Aldéhydes

Alcools primaires

Cétones

Hydrocarbures aliphatiques

Hydrocarb. aromatiques

Hydrocarbures chlorés

Solutions aqueuses

1. Extrait du document INRS ED 112, « Des gants contre les risques chimiques ».

210
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Le principal inconvénient des gants est de réduire l’habileté et le sens du


toucher, d’autant plus qu’ils sont épais. Or, la résistance chimique et mécanique
s’accorde mal avec la finesse. En outre, à cause de leur étanchéité, ces gants
enferment la transpiration, créant ainsi un inconfort particulier. D’où les règles
d’usage suivantes :
– rechercher d’abord une solution de protection collective ou un outil adapté
pour éviter tout contact ;
– réduire au minimum le temps de contact ;
– bien laver les gants avant de les retirer ;
– assurer l’hygiène intérieure ;
– les remplacer régulièrement.
Le visage est très exposé, parce qu’il est normalement découvert et que le fait de
regarder l’expose souvent directement aux sources de projection. Mais il est aussi
exposé de façon chronique par les pollutions volatiles. Sa protection consiste à placer
un écran transparent devant lui. Si la personne porte un masque complet ou une
cagoule, la protection du visage est déjà assurée. Si ce n’est pas le cas, par exemple
quand il n’y a pas de pollution volatile, il faut porter une visière. Les lunettes de
sécurité, souvent imposées en continu, ne protègent que les yeux, qui sont certes le
point le plus fragile du visage. La visière s’impose avec des produits très corrosifs et
présents en grandes quantités.
Le reste du corps est surtout exposé aux projections, d’autant plus que la tenue est
légère. Les vêtements de protection contre les risques chimiques sont assez variés,
en fonction du degré de résistance recherché. Le plus simple et le plus ancien est la
blouse, à réserver aux laboratoires, en raison de son faible niveau de protection. Le
coton est préférable aux tissus synthétiques, car il brûle mal, mais absorbe bien les
liquides. Un bon vêtement de protection doit être enveloppant, tel qu’une combi-
naison, avec une matière résistante adaptée aux conditions. Il existe six types de
vêtements normalisés1 :

Type Caractéristiques

1 Étanche aux gaz

2 Pressurisable, non étanche aux gaz


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

3 Étanche aux liquides

4 Étanche aux brouillards

5 Contre les poussières

6 Contre les projections limitées

1. D’après le document INRS ED 127, « Quels vêtements de protection contre les risques chimiques ? ».

211
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Il existe aussi des combinaisons à usage unique, pour des expositions modérées.
Lorsque le risque se limite à un contact avec un objet souillé, la solution du tablier
étanche en élastomère est intéressante, car elle n’affecte pas la mobilité ni la trans-
piration. Tous ces vêtements font l’objet d’une normalisation fournie. Voici quelques
illustrations de vêtements de protection :

Figure 4.30 – Gant de protection (Photo : Protec Nord, www.protecnord.fr)


– Tablier de protection (Photo : Manutan) – Combinaison de protection (Photo : Protec Nord)

Les équipements qui ne présentent pas d’inconfort peuvent être portés en continu
mais, dès qu’il y a une contrainte sensible, il faut restreindre leur usage aux situations
courtes et exceptionnelles, en recherchant toujours une protection collective en prio-
rité. La maintenance des moyens de protection contre les contacts est une condition
de leur efficacité. Ils doivent être vérifiés avant chaque utilisation, nettoyés et rangés
après, dans un endroit propre. Ceux qui sont jetables ne doivent pas être conservés.
4.3.12 La formation et l’information
Il a souvent été dit que le succès de toute mesure de prévention n’est garanti et
pérenne qu’avec l’adhésion des personnes concernées, comme cela est le cas des
démarches qualité. L’adhésion n’est possible qu’avec un minimum de connais-
sances spécifiques. C’est le but de la formation, initiale et continue. Mais la mise
en pratique des connaissances nécessite des informations particulières, dont la
fourniture doit être organisée. Quelle que soit la structure, ces deux actions du
management sont indissociables. Concernant le risque chimique, l’ensemble des
connaissances présentes dans cet ouvrage permettent de définir les objectifs possibles
de formation et d’information.
m La formation au risque chimique
Le but final d’une formation au risque est d’obtenir pour soi et pour les autres un bon
niveau de santé, la sécurité et la protection de l’environnement. Mais la formation
utile dépend beaucoup du domaine d’action de chacun, même si des notions
générales sont indispensables à tout le monde. Nous proposons ici un contenu
minimum de formation pour quelques grands domaines d’action.

212
4 • Pratique de la prévention 4.3 Les familles de mesures
des risques

Notions générales :
– signification précise et commune à certains termes omniprésents : produit chimique,
danger, risque, dommage, estimation, prévention, protection, ergonomie, environ-
nement, pollution ;
– effets des produits chimiques sur l’homme et l’environnement ;
– mécanismes d’apparition des dommages ;
– estimation des risques ;
– prévention des dommages.
Utilisateurs de produits chimiques :
– notions générales ;
– l’étiquetage et les dangers ;
– la prévention et la protection ;
– les protections individuelles et les moyens de secours.
Concepteurs de procédés et d’équipements :
– notions générales ;
– les méthodes d’analyse ;
– la logique de prévention ;
– les familles de mesures ;
– le choix des mesures.
Administratifs, commerciaux et gestionnaires :
– notions générales ;
– réglementation ;
– formation et information ;
– organisation des flux.
D’autres domaines peuvent exister dans la grande diversité des organisations, mais
une démarche de prévention, chimique ou pas, intéresse toute l’organisation sous
des aspects divers. Il est évident par exemple que les acheteurs jouent un rôle
important dans la chaîne de décisions qui influe sur le niveau de tel ou tel risque.

m L’information chimique

La pratique d’une analyse de risque chimique, suivie de la mise en place de mesures


de prévention, utilise un grand nombre d’informations, telles qu’elles sont apparues
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

tout au long des chapitres de cet ouvrage. En fonction du domaine d’action de chaque
personne confrontée au risque chimique et après sa formation adéquate, les infor-
mations utiles sont tout ou partie de la liste suivante :
– inventaire des agents chimiques présents, avec les données techniques et concernant
la santé, la sécurité et l’environnement. Cet inventaire peut être imprimé, ou
disponible sur un support informatique, de préférence en réseau, afin de garantir
à tous la même information mise à jour.
– étiquetage réglementaire de tous les emballages de produits ;
– fiches de données de sécurité, mises à jour ; elles peuvent être incluses dans
l’inventaire informatique ;

213
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

– modes opératoires écrits, indiquant notamment les zones de sécurité, les dérives
possibles, les actions correctives recommandées, etc. ;
– procédures concernant les mouvements de produits, les interventions de main-
tenance, les vérifications de matériel, l’organisation des secours, etc. ;
– documents de référence tels que schémas fonctionnels, de canalisations, de stockage,
de ventilation, de rétentions, etc. ;
– marquage des équipements en contact avec des produits chimiques, indiquant,
au minimum, la signalisation réglementaire, mais aussi toute information de
sécurité utile (volume, pression, température, état de fonctionnement, etc.) ;
– autant que nécessaire, toutes les données techniques et administratives utiles à
la maîtrise des risques (quantités, conditionnements, fréquences, circuits, main-
tenance, historique et analyse d’incidents, etc.).
Cette somme d’informations, dont l’importance est fonction de la taille et de l’activité
de l’entreprise ou du service, doit être organisée comme un élément du management.
Formation et information sont souvent le maillon faible de la démarche santé-
sécurité-environnement, en raison de la confiance qu’inspirent traditionnellement
les mesures techniques.

4.4 Choix des mesures


4.4.1 Typologie des mesures
La pratique de la prévention des risques montre que les mesures sont tellement
variées qu’il serait impossible de les lister toutes. Chaque situation particulière peur
conduire à une nouvelle mesure, même si elle se rattache à une des grandes familles
que nous avons décrites. Ce qui est invariable, c’est la méthodologie qui conduit à
la proposer. Toutefois, on peut distinguer trois grands types de mesures selon leur
mode de fonctionnement.
Les mesures techniques :
Ce sont les plus classiques. Elles consistent à créer des modifications matérielles
dans l’équipement et l’environnement. La grande majorité des mesures qui ont été
examinées au paragraphe 4.3 en font partie. Après fixation du cahier des charges
par les demandeurs, elles sont mises au point par des services techniques internes ou
externes à l’entreprise ou au service. Elles ont l’avantage d’être visibles et contrôlables
et peuvent être permanentes sans difficulté. Néanmoins, elles ont des contraintes
de coût, de délai, de maintenance, et éventuellement de nuisances, comme la
ventilation. Il y a une grande différence de coût et de délai entre l’adjonction d’un
simple captage et un passage au système clos, qui demande des études et des inves-
tissements lourds.
Les mesures organisationnelles :
Ce sont les moins connues. Elles consistent à agir sur l’organisation du travail ou des
structures, des flux matériels ou des modes opératoires, sans qu’il y ait nécessaire-
ment une modification technique importante, voire une dépense. Ce sont généra-
lement des mesures de grande efficacité, c’est-à-dire supprimant un risque au niveau

214
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

de la raison qui l’a fait naître. Entrent par exemple dans cette catégorie une suppression
de produit dangereux, un suivi informatique du circuit produits, une signalétique
particulière au stockage, un cursus de formation interne, etc. Ces mesures sont
généralement difficiles à mettre en place, en raison des changements d’habitudes
qu’elles entraînent. Par contre, une fois rodées, elles font progresser dans plusieurs
domaines à la fois, compte tenu de leur champ d’application souvent très large.
Les mesures individuelles :
Certaines mesures ne portent que sur l’individu. Il s’agit typiquement des protec-
tions individuelles, mais aussi du suivi médical, de la formation et des consignes et
procédures. Ce dernier point est important à analyser, car il est souvent compris
comme une mesure collective. Pourtant, l’exécution réelle d’une consigne ou
d’une procédure dépend totalement de la liberté de chaque individu. On ne peut
qu’améliorer sa probabilité d’application par un certain nombre de facteurs tels
que la formation, l’information, les conditions de travail, les relations interperson-
nelles, le climat social, etc. Les mesures individuelles ont donc la moins bonne
fiabilité des trois types. Dans le cas des protections individuelles, cette difficulté est
d’ailleurs souvent liée aux contraintes physiques qu’elles induisent, en particulier
les EPR et les gants ; c’est pourquoi il est primordial de les choisir à bon escient,
moyennant quoi elles ont le grand avantage d’être disponibles sans délai, utilisables
presque partout et peu coûteuses.
Une dernière catégorie, intermédiaire entre les domaines organisationnel, technique
et individuel, regroupe les moyens de secours qui tendent à réduire la gravité des
dommages, tels que les extincteurs, les douches, le secourisme, etc.

4.4.2 Critères de choix


L’application complète de la méthodologie basée sur les cinq composantes du risque,
conduite librement au sein d’une équipe pluridisciplinaire, et partant de l’analyse
des risques effectuée selon les règles du chapitre 3, génère en général un nombre
considérable de mesures de prévention. En effet, nous avons vu au paragraphe 3.2.5
que chaque action pour laquelle un agent chimique est présent peut créer 4 à 5 risques
distincts. Si l’on propose, toujours en moyenne, deux mesures par composante,
cela fait en théorie 36 mesures par action ! Cette créativité est très profitable, car
elle permet souvent de sortir de situations qui paraissaient bloquées. En réalité,
une première élimination va considérablement réduire ce nombre initial. Une
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

mesure donnée s’applique le plus souvent à plusieurs risques. Ainsi, un captage de


vapeurs inflammables supprime deux risques à la fois (C-In et A-IE). Un système
clos peut supprimer facilement cinq risques par action (C-In, C-Co, A-In, A-Co,
A-IE), et cela sur plusieurs actions consécutives…
La première étape de sélection est donc d’éliminer les mesures qui se répètent. Ensuite,
s’il reste plusieurs mesures possibles pour un même risque, il faut examiner si elles
sont compatibles. Ainsi, une substitution peut être incompatible avec un captage,
ou un outil aspirant avec une humidification. Il faut opter pour l’une des solutions,
et il est indispensable de le formuler ainsi dans le rapport avant décision finale.
Dans d’autres cas, les mesures sont, au contraire, complémentaires pour un même
risque. Par exemple, une cabine ventilée et un EPR, ou un matériel atex et une mise

215
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

à la terre. Il faudra alors bien inscrire « et » dans le rapport. Après cela, il reste
toujours des choix à faire entre plusieurs mesures.
Le choix final résulte d’une prise en compte de la performance globale de la mesure,
qui repose sur quelques paramètres importants, que l’on retrouve exprimés avec
des variantes dans les différentes méthodes proposées. En voici une synthèse :

Qualité de la mesure Précisions

La disparition ou la réduction C’est l’efficacité directe de la mesure, vérifiable


de risques obtenue par la baisse de cotation.

Une mesure qui supprime plusieurs risques à la fois,


Le nombre de risques traités
ou dans plusieurs actions.

C’est le déplacement de risque, qu’il faut évaluer


La non-apparition
globalement. Par exemple, faut-il remplacer un CMR
de nouveaux risques
par un inflammable ?

Le respect de l’ensemble de C’est une obligation mais elle est automatiquement


la réglementation applicable respectée avec cette méthodologie.

C’est ce qui confère l’efficacité réelle à terme.


L’acceptabilité par le
Il peut y avoir rejet pour des raisons physiques (EPR…)
personnel
ou psychologiques (procédures administratives…).

La fiabilité et la stabilité C’est la fiabilité technique dans les conditions réelles,


dans le temps avec les problèmes d’usure, de fatigue, de salissures, etc.

La facilité et le délai À performances égales, il vaut mieux choisir la mesure


de réalisation la plus simple. Le délai dépend de l’urgence.

La meilleure des mesures peut être trop difficile à


Le coût financier financer, mais il faut une approche globale, intégrant
d’éventuels gains de productivité ou de qualité.

Lorsqu’une mesure demande un certain délai de mise en place, il est indispensable


de prendre immédiatement une mesure provisoire, peut-être moins efficace mais plus
rapide, comme une protection individuelle. Un risque peut même être maîtrisé à
l’issue de plusieurs étapes impliquant des mesures différentes. D’où la nécessité
d’établir un plan de prévention, éventuellement sur plusieurs années.
Le non-déplacement du risque doit faire l’objet d’une attention particulière, notam-
ment en ce qui concerne l’impact des mesures sur l’environnement. Ainsi, tout
rejet d’air issu d’un captage doit être accompagné d’un système d’épuration et
éventuellement de mesures de réduction de bruit, au minimum dans le respect de
la réglementation concernant la protection de l’environnement.
Il faut enfin rappeler que toutes les mesures mises en place, quelles qu’elles soient,
ne sauraient être pleinement efficaces et stables sans être accompagnées de formation,
d’information et de surveillance médicale.

216
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

4.4.3 Prévention, protection et redondance


La préservation de la santé et de la sécurité des personnes est suffisamment
primordiale pour que le critère d’efficacité des mesures le soit aussi. Cette efficacité
doit être pratique et non pas seulement théorique. Cette remarque signifie plus
précisément qu’aucune mesure n’échappe à une probabilité de dysfonctionnement,
qu’il soit technique ou humain. Autrement dit, chacune des mesures possède un
degré de fiabilité global. D’ailleurs, pour améliorer la mise au point d’une nouvelle
mesure, il est recommandé de procéder à une AMDE (voir paragraphe 3.2.4).
Mais ce qui fait la fiabilité d’une mesure est d’abord son niveau d’action dans la
hiérarchie des composantes du risque. Ainsi, la suppression ou la substitution d’un
agent chimique est toujours la mesure la plus fiable, puisque si le danger lui-même
disparaît, le risque aussi, quoi qu’il arrive après. Vient ensuite la suppression de toute
exposition, soit par suppression de la source d’émission, soit par enfermement
total et permanent des agents chimiques dangereux. De même, la suppression d’une
situation dangereuse est beaucoup plus fiable que la suppression ou l’interruption
de l’événement dangereux.
Les mesures qui suppriment ainsi le risque sont souvent appelées mesures de
prévention intrinsèque ou intégrée, parce qu’on ne peut pas les distinguer du
procédé. Le terme équivalent en anglais, « by design », c’est-à-dire « par conception »,
est le plus parlant. En réalité, cela devrait être la seule signification du mot prévention,
par opposition à protection.
Les autres mesures, qui agissent plus bas dans la hiérarchie des composantes, ne
suppriment pas le risque mais en diminuent la probabilité ou la gravité. Les dispositifs
comme le captage, la pose d’écran, le matériel atex et l’ensemble des protections
individuelles ne suppriment pas la zone dangereuse créée par l’agent chimique danger
mais protègent l’individu. C’est pourquoi il faudrait toujours les appeler protections,
collectives ou individuelles. Leur fiabilité est moindre puisqu’elles sont ajoutées à
un système existant, donc distinctes de l’installation, et sujettes à des dysfonction-
nements d’origine technique ou humaine. Ces dysfonctionnements doivent d’ailleurs
être envisagés et estimés dans l’analyse des risques, comme exposé au chapitre 3.
Pour présenter autrement cette distinction, certains auteurs ont attribué à la préven-
tion le rôle de réduction de la probabilité d’un dommage et à la protection celui de
réduction de la gravité.
Une règle de base de la prévention est de proportionner l’efficacité d’une mesure
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

au niveau du risque qu’elle vise. Plus précisément, c’est l’efficacité minimum qui est
invoquée, car il est normal et même recommandable de viser la plus forte efficacité
disponible indépendamment du niveau de risque, quand la mesure ne pose pas de
problème trop difficile. Mais une mesure efficace n’est pas forcément fiable, comme
expliqué au paragraphe précédent. Pour un risque de haut niveau, il faut une grande
fiabilité. Le gain de fiabilité s’obtient d’abord en travaillant sur la mesure, mais
mieux encore en combinant plusieurs mesures différentes visant le même risque.
C’est le principe de redondance. C’est par exemple la combinaison captage localisé
et EPR, ou inertage et matériel atex, ou transfert par pompe et confinement.
La redondance nécessaire se déduit d’une part du niveau de danger d’agent chimique,
d’autre part de l’AMDE des mesures principales envisagées. Cela peut conduire à

217
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

plusieurs mesures redondantes. La prévention des risques d’explosion en est la


meilleure illustration, puisque l’on combine couramment éloignement, captage,
inertage, matériel atex et disques de rupture. Pour un travail avec une substance CMR
non substituable, on peut associer confinement, EPR, télécommande et surveillance
d’atmosphère. Ainsi, si l’une des mesures venait à défaillir, le dommage ne se produirait
pas. Ces mesures multiples coûtent plus cher, compliquent le fonctionnement, et
demandent plus de maintenance et de vérifications, c’est pourquoi il est toujours
plus rentable de diminuer, autant que possible, le niveau de risque au préalable.

4.4.4 Le rôle de la réglementation


La réglementation concernant la santé et la sécurité, comme dans tous les
domaines, n’est pas une fin en soi. Son rôle est de garantir un minimum de protec-
tion au cas où elle serait absente des préoccupations des personnes impliquées, à
savoir les employeurs, l’encadrement, les employés et les citoyens de tous statuts. À
partir du moment où des responsables décident d’appliquer une méthodologie de
prévention des risques, toutes les exigences de la réglementation devraient être
satisfaites. Nous allons vérifier ce point pour le risque chimique.
La première réglementation à appliquer est celle du Code du travail. Elle est le
reflet de la transcription de la réglementation européenne, dans la mesure où
toutes les transcriptions nécessaires sont bien réalisées. Mais elle comporte aussi
des singularités nationales, qui doivent être tout autant respectées. L’ensemble des
textes, codifiés et non codifiés, est assez complexe et dans le cadre de ce paragraphe
nous nous en tiendrons à l’essentiel.
m Code du travail

Le Code du travail, qui vient d’être réorganisé et codifié1, mais à droit constant,
consacre sa quatrième partie à la santé et à la sécurité au travail. Tous les articles sont
répartis dans une organisation en six livres, puis en titres, en chapitres, en sections,
et éventuellement en sous-sections. Voici le plan de la partie réglementaire2, limité
aux titres :

Livre Titre Premier article

I Champ et dispositions d’application

II Principes généraux de prévention R. 4121-1

Dispositions III Droits d’alerte et de retraits D. 4132-1


I
générales
IV Information et formation des travailleurs R. 4141-1

Dispositions particulières à certaines


V R. 4152-1
catégories de travailleurs

1. Ordonnance n˚ 2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du travail, annexe I (partie législative),
JO du 13 mars 2007.
2. Annexe au décret n˚ 2008-244 du 7 mars 2008 relatif au Code du travail (partie réglementaire), JO
du 12 mars 2008.

218
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

Livre Titre Premier article

Dispositions Obligations du maître d’ouvrage pour


I R. 4211-1
applicables la conception des lieux de travail
II
aux lieux Obligations de l’employeur pour l’utilisation
de travail II R. 4221-1
des lieux de travail

Conception et mise sur le marché des équipe-


Équipements de I R. 4311-1
ments de travail et des moyens de protection
III travail et moyens
de protection Utilisation des équipements de travail et des
II R. 4321-1
moyens de protection

I Risques chimiques R. 4411-1

II Prévention des risques biologiques R. 4421-1

III Prévention des risques d’exposition au bruit R. 4431-1


Prévention de
IV certains risques Prévention des risques d’exposition
IV R. 4441-1
d’exposition aux vibrations mécaniques

Prévention des risques d’exposition


V R. 4451-1
aux rayonnements ionisants

VI Prévention des risques en milieu hyperbare néant

Travaux réalisés dans un établissement


I R. 4511-1
par une entreprise extérieure
Prévention
des risques liés à Installations nucléaires de base et
V certaines activités II installations susceptibles de donner lieu R. 4523-1
ou opérations à des servitudes d’utilité publique

III Bâtiment et génie civil R. 4532-1

IV Autres activités et manutention R. 4541-1

Comité d’hygiène, de sécurité


I R. 4612-1
et des conditions de travail
Institutions II Services de santé au travail R. 4621-1
VI et organismes
de prévention III Service social du travail R. 4631-1
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Institutions concourant à l’organisation


IV R. 4641-1
de la prévention

I Documents et affichages obligatoires D. 4711-1

II Mises en demeure et demandes de vérification R. 4721-1


VII Contrôle
III Mesures et procédures d’urgence R. 4731-1

IV Dispositions pénales R. 4741-1

Dispositions relati-
VIII R. 4822-1
ves à l’Outre-mer

219
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

Notre attention se porte ici sur les articles qui précisent la logique de la démarche
de prévention. Cela commence par les « principes généraux de prévention »
exposés par l’article L. 4121-2, dont les prescriptions sont :
1) éviter les risques ;
2) évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3) combattre les risques à la source ;
4) adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des
postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail
et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail
cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5) tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6) remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins
dangereux ;
7) planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique,
l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des
facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini
à l’article L. 1152-1 ;
8) prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les
mesures de protection individuelle ;
9) donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Ces neuf principes sont évidemment pertinents, mais il leur manque manifeste-
ment un fil conducteur. Ils précisent surtout que tous les domaines sont
concernés : la technique, l’organisation, la conception, l’individu, l’environne-
ment de travail, mais ne fournissent aucune méthodologie.
L’article suivant, R. 4121-3, donne un début de méthode :
« L’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les
risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés
de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques,
dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et
dans la définition des postes de travail.
À la suite de cette évaluation, l’employeur met en œuvre les actions de prévention ainsi
que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de
protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces
méthodes dans l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de
l’encadrement. »
On y retrouve bien les deux étapes fondamentales : évaluation, prévention, et les
différentes cibles de l’action : produits, équipements et procédés.
La prévention du risque chimique occupe tout le chapitre II, qui est divisé en
4 sections.

220
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

Section Contenu Premier article

1 Dispositions applicables aux agents chimiques dangereux R. 4412-1

Dispositions particulières aux agents chimiques dangereux


2 R. 4412-59
cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction

3 Risques d’exposition à l’amiante R. 4412-94

4 Règles particulières à certains agents chimiques dangereux R. 4412-149

La sous-section 1 de la section1 introduit des définitions de base telles que


(R. 4412-4) :
« … on entend par :
1) danger, la propriété intrinsèque d’un agent chimique susceptible d’avoir un effet
nuisible ;
2) risque, la probabilité que le potentiel de nuisance soit atteint dans les conditions
d’utilisation et/ou d’exposition ».
Ensuite, il est dit que l’évaluation des risques chimiques, pour les agents chimiques
non classés CMR, demande notamment de prendre en compte (R. 4412-6) :
– les propriétés dangereuses des agents chimiques ;
– la nature, le degré et la durée de l’exposition ;
– les conditions dans lesquelles se déroulent les activités ;
– les valeurs limites d’exposition professionnelle.
On retrouve bien, à quelques nuances près, les notions de danger, niveau de
danger, activité, et paramètres d’exposition contenus dans notre méthodologie,
mais uniquement pour le processus chronique. Les sept mesures minimales de
prévention (R. 4412-11) mélangent, à notre avis, l’objectif et les moyens. En effet,
seule la quatrième mesure définit l’objectif :
« 4) En réduisant au minimum la durée et l’intensité de l’exposition »
lequel correspond à la réduction du niveau d’exposition, défini au paragraphe 2.4.3.
La règle énoncée dans l’article R. 4412-13 est étonnante : les mesures de prévention
peuvent se limiter aux sept précédentes, si les « quantités » d’agent chimique dangereux
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ne présentent qu’un risque « faible » et si les mesures prises sont « suffisantes »…


Dans le cas contraire, d’autres mesures s’imposent (R. 4412-15 à R. 4412-22), à
savoir, en substance, par priorité décroissante :
– Le risque présenté par un agent chimique doit être supprimé.
– L’agent chimique doit être remplacé par un agent moins dangereux ou un
procédé moins dangereux.
– Le risque est réduit par la conception de procédés appropriés.
– Utilisation d’équipements réduisant la libération d’agents chimiques.
– Mesures de protection collective, dont ventilation à la source.
– Utilisation de protections individuelles.

221
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

Ces formulations, notamment la première, font preuve d’une certaine impréci-


sion. Le risque présenté par un agent chimique ne correspond qu’à la définition du
danger, lequel est une propriété non modifiable. Il s’agit plutôt de la suppression
de l’agent chimique qui est suggérée.
L’article R. 4412-17 fait nettement allusion au processus accidentel, sans le nommer.
Il demande en effet de prendre des mesures contre les dangers découlant des
propriétés physico-chimiques, en évoquant :
– les concentrations dangereuses de substances inflammables ;
– les quantités dangereuses de substances chimiques instables ;
– les risques de débordement, d’éclaboussures, de déversement, susceptibles de
provoquer des brûlures thermiques ou chimiques.
Les risques cités correspondent aux risques d’incendie-explosion, de réactivité et
d’exposition massive cutanée. Le grand absent est l’exposition massive respiratoire,
à moins qu’elle ne soit implicitement visée dans l’article précédent.
Ces différentes mesures techniques sont accompagnées de mesures organisation-
nelles ou individuelles, énumérées dans les articles suivants de la section 1 :

Sous-section Contenu Premier article

4 Vérification des installations et protections collectives. R. 4412-23

5 Contrôle de l’exposition et VLEP. R. 4412-27

6 Mesures en cas d’accident ou d’incident. R. 4412-33

7 Information et formation des travailleurs. Notice de poste. R. 4412-38

Suivi des travailleurs et surveillance médicale. Fiches


8 R. 4412-40
d’exposition.

Les agents CMR, c’est-à-dire cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la repro-


duction de catégorie 1 ou 2, font l’objet de prescriptions particulières, regroupées
dans la section 2.
La première de ces mesures (R. 4412-61) est l’évaluation des risques, qui ne diffère
pas, dans son principe, de celle des autres agents :
« … l’employeur évalue la nature, le degré et la durée de l’exposition des travailleurs
afin de pouvoir apprécier les risques pour leur santé ou leur sécurité et de définir les
mesures de prévention à prendre… »
Toutefois, l’article R. 4412-65 rappelle que les expositions par absorption percutanée
ou transcutanée sont aussi prises en compte.
Les mesures de prévention visant les agents chimiques classés CMR sont peu différentes
des six précédemment citées. Elles prescrivent, par priorité décroissante (R. 4412-66 à
R. 4412-75) :
– la substitution de l’agent chimique dangereux ;
– en cas d’impossibilité technique, son utilisation en système clos ;
– en cas d’impossibilité technique, une réduction de l’exposition.

222
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

La réduction de l’exposition, qui est le dernier recours, fait l’objet d’un développement
dans l’article R. 4412-70. Voici en résumé les treize mesures indiquées dans cet article :
– limitation des quantités d’agents ;
– limitation du nombre de travailleurs exposés ;
– réduction du dégagement d’agents ;
– évacuation des agents par humidification ou captage, dans le respect des VLEP ;
– détection précoce en cas d’accident ;
– procédures et méthodes appropriées ;
– protections collectives et individuelles ;
– hygiène des locaux ;
– information des travailleurs ;
– signalisation des dangers ;
– dispositifs d’urgence pour les accidents ;
– stockages hermétiques ;
– évacuation sûre des déchets.
Il est précisé que l’employeur prend aussi des mesures pour les autres risques éven-
tuels et les activités d’entretien et de maintenance. Ces mesures sont complétées
par d’autres mesures de nature organisationnelle, déjà mentionnées, mais en les
renforçant : le contrôle des VLEP, les mesures à prendre en cas d’accident, la
formation et l’information des travailleurs.
Le Code du travail réserve une section entière au risque d’exposition à l’amiante,
qui entre dans la catégorie des CMR, mais fait l’objet de prescriptions particulières
(R. 4412-94 à 4412-124).
La dernière section est en fait consacrée aux valeurs limites d’exposition, qu’elles
soient contraignantes (R. 4412-149), indicatives (R. 4412-150), sachant que ces
dernières ne figurent que dans un arrêté, biologiques (R. 4412-152) ou spécifiques
à certains agents : silice, plomb, benzène, chrome (R. 4412-154 à R. 4412-164). Il
faut toutefois signaler que certaines VLEP sont indiquées dans d’autres parties du
code : les poussières à l’article R. 4222-10 et l’amiante à l’article R. 4412-104.
À première vue, tout ce qui concerne le risque chimique est regroupé dans le livre
IV, titre I. En réalité, il existe des articles tout aussi pertinents à d’autres endroits :
Livre II, titre II, chapitre II : Aération, assainissement :
Ce chapitre comporte 7 sections, de rédaction ancienne et néanmoins très impor-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

tantes pour la prévention :

Section Titre Premier article

1 Principes et définitions R. 4222-1

2 Locaux à pollution non spécifiques R. 4222-4

3 Locaux à pollution spécifiques R. 4222-10

4 Pollution par les eaux usées R. 4222-18

223
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

Section Titre Premier article

5 Contrôle et maintenance des installations R. 4222-20

6 Travaux en espace confiné R. 4222-23

7 Protection individuelle R. 4222-25

Ce chapitre est remarquable de concision et définit déjà des règles de prévention


concernant les émissions d’agents chimiques. En effet, l’article R. 4222-12 précise
en substance que :
– Les émissions de gaz, vapeurs, aérosols et poussières sont supprimées.
– À défaut, elles sont captées à la source.
Les valeurs limites d’exposition professionnelle sont instaurées, les conditions de
recyclage de l’air sont fixées, ainsi que celles du port des protections individuelles.
Livre II, titre II, chapitre VII : Risques d’incendies et d’explosions et évacuation :
Le risque chimique est implicitement visé, notamment par les sections suivantes

Section Titre Premier article

4 Emploi et stockage de matières explosives et inflammables R. 4227-21

5 Moyens de prévention et de lutte contre les incendies R. 4227-28

6 Prévention des explosions R. 4227-42

La partie traitant de la prévention des explosions est à signaler pour sa construc-


tion logique, d’ailleurs très proche de notre méthodologie générale. En effet, elle
indique que l’employeur doit évaluer les risques d’explosion en fonction de la
probabilité de formation d’atmosphère explosive, de celle des sources d’ignition,
de la nature des substances et des installations et de la gravité de l’explosion. Cette
évaluation permet de définir des zones dangereuses, en fonction de la probabilité
de présence de l’atmosphère explosible. Les principes de prévention mentionnés dans
les articles R. 4227-44 et R. 4227-45 prescrivent, dans l’ordre, de :
– empêcher la formation d’atmosphère explosible ;
– éviter l’inflammation ;
– atténuer les effets de l’explosion ;
– prévenir la propagation des explosions.
Nous retrouvons bien l’estimation d’un risque accidentel basée sur la probabilité et
la gravité, la définition de zone dangereuse et les actions sur la situation dangereuse,
l’événement dangereux et le dommage.
Livre III, titre I, chapitre II : Règles techniques de conception :
Dans ce livre, qui traite des équipements de travail et de protection, deux parties
concernent directement le risque chimique :

224
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

– La sous-section 1 de la section 1 contient un paragraphe (2) qui traite des


« cabines de projection par pulvérisation, cabines et enceintes de séchage de
peintures liquides, de vernis, de poudres ou de fibres sèches et cabines mixtes »
(R. 4312-3 à R. 4312-18).
– La sous-section 1 de la section 2 traite des équipements de protection indivi-
duelle neufs ou considérés comme neufs. L’article R 4312-23 impose des règles
techniques qui sont détaillées dans l’annexe II du chapitre. Le paragraphe 3.10
de cette annexe traite de la « protection contre les substances ou préparations
dangereuses et agents infectieux » et se divise en :
• protection respiratoire ;
• protection contre les contacts cutanés ou oculaires.

m Réglementation européenne

La directive 98/24/CE, qui précise la démarche d’évaluation et de prévention des


risques liés à l’utilisation d’agents chimiques, n’a pas été remise en cause par le
règlement REACH. Il est intéressant de rappeler les principes généraux de préven-
tion qui figurent dans cette directive, notamment dans l’extrait suivant1 :
« Mesures de protection et de prévention spécifiques
1. L’employeur veille à ce que les risques que présente un agent chimique dangereux
pour la sécurité et la santé des travailleurs sur le lieu de travail soient supprimés ou
réduits au minimum.
2. Pour l’application du paragraphe 1, l’employeur aura de préférence recours à la subs-
titution, c’est-à-dire qu’il évitera d’utiliser un agent chimique dangereux en le rempla-
çant par un agent ou procédé chimique qui, dans les conditions où il est utilisé, n’est
pas dangereux ou est moins dangereux pour la sécurité et la santé des travailleurs, selon
le cas.
Lorsque la nature de l’activité ne permet pas de supprimer les risques par substitution,
eu égard à l’activité et à l’évaluation des risques visée à l’article 4, l’employeur fait en
sorte que les risques soient réduits au minimum en appliquant des mesures de protec-
tion et de prévention en rapport avec l’évaluation des risques effectuée en application de
l’article 4. Ces mesures consisteront, par ordre de priorité :
a) à concevoir des procédés de travail et des contrôles techniques appropriés et à utiliser
des équipements et des matériels adéquats de manière à éviter ou à réduire le plus
possible la libération d’agents chimiques dangereux pouvant présenter des risques pour
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

la sécurité et la santé des travailleurs sur le lieu de travail ;


b) à appliquer des mesures de protection collective à la source du risque, telles qu’une
bonne ventilation et des mesures organisationnelles appropriées ;
c) si l’exposition ne peut être empêchée par d’autres moyens, à appliquer des mesures de
protection individuelle, y compris un équipement de protection individuel. »
Cette formulation fournit un début de méthodologie plus précise que celle qui figure
dans le règlement REACH et plus cohérente que celle du Code du travail évoquée
ci-dessus. Elle est en outre totalement compatible avec celle que nous préconisons.

1. Extrait de l’article 6 de la directive 98/24/CE du 7 avril 1998, JO L 131 du 5 mai 1998.

225
4 • Pratique de la prévention 4.4 Choix des mesures
des risques

m Méthodologie et réglementation

L’examen des textes codifiés, en particulier pour le risque chimique, montre que le
suivi de la méthodologie proposée dans cet ouvrage couvre largement les exigences
du Code du travail. Elle permet même d’aller plus loin sur des points importants :
– L’action sur le danger, correspondant à la substitution des agents dangereux, est
pour nous un passage obligé, quel que soit le niveau de danger, dans la limite de
la faisabilité technique. Elle n’est donc pas réservée aux CMR.
– Le recours au confinement, autrement nommé système clos, est tout aussi systé-
matique dans notre méthode.
– Le risque accidentel, qui n’est évoqué que fortuitement dans le code (en dehors
de la sous-section des explosions, qui est exemplaire), mérite à notre avis une
méthodologie développée et globale. En outre, on peut regretter la séparation
des textes sur l’incendie et l’explosion d’une part et sur les expositions accidentelles
d’autre part.
– L’évaluation des risques, dont le code donne seulement quelques pistes pour sa
mise en pratique, fait l’objet dans notre ouvrage d’une approche rationnelle et
quantifiée autant que possible.
– Le niveau minimum de prévention exigible n’est pas lié, selon nous, à des caté-
gories d’agents tels que CMR, amiante, plomb, etc., mais uniquement au niveau
de danger issu de la classification. Ce principe nous paraît plus puissant, car il
permet de bien traiter des risques liés à des catégories très dangereuses mais peu
ou pas citées dans la partie prévention du code, comme les agents classés très
toxiques, les agents très réactifs, les agents générés par l’activité, les déchets et
tous ceux que l’on découvrira, notamment grâce à REACH.
– Il est important, notamment pour la bonne compréhension des mesures de
prévention par les personnes concernées, d’utiliser les termes de danger et risque
dans le respect de leur définition normalisée, ce qui n’est pas toujours le cas
dans le Code du travail.
En conclusion, si l’application de la méthodologie couvre et dépasse les exigences
de résultat du Code du travail, il reste des mesures typiquement réglementaires
qu’il faut appliquer en plus. Par exemple, des mesures s’imposent quelle que soit la
protection mise en place, comme la surveillance médicale renforcée, la fiche
d’exposition, l’information du CHSCT, l’interdiction de certaines catégories de
travailleurs, etc.

4.4.5 Enregistrement des données


L’analyse des risques aboutit à un inventaire complet des risques, qui sont identi-
fiés d’une part par leur localisation dans l’espace et dans la chronologie (voir para-
graphe 3.1.4), d’autre part par leur type (voir paragraphe 3.2.5). Un risque
élémentaire peut être repéré par un code ayant une signification, comme :
– « P2-5-C-In », pour risque chronique d’inhalation à l’action n˚ 5 du 2e procédé
de peinture ;
– « S2-3-A-IE2 », pour risque d’incendie-explosion, 2e scénario, à la phase 3 du
procédé de séchage n˚ 2.

226
4 • Pratique de la prévention 4.5 Application de la méthodologie
des risques aux autres risques

Toutes les caractéristiques de ces risques peuvent être retrouvées dans la base de
données adéquate. Mais tout autre repérage, même sans signification codée, peut
convenir dans la mesure où il est possible d’accéder à toutes les données s’y rapportant.
Tout risque possède en outre une classe de priorité (voir paragraphe 3.4) permettant
l’exécution du plan de prévention.
Les risques sont ensuite repris un par un au cours de l’étape de recherche et de
choix des mesures de prévention. Après incorporation des éventuelles mesures
réglementaires et des arbitrages stratégiques, la liste définitive des mesures retenues
doit être enregistrée. Il suffit d’ajouter à la liste des risques dûment identifiés les
informations suivantes :
– L’objectif de prévention, à choisir dans la liste suivante : agent chimique, expo-
sition, situation dangereuse, événement dangereux, dommage. Il est utile de le
rappeler, pour montrer le niveau d’action, qui pourrait être révisé avec le temps.
– La ou les mesures numérotées, en résumé. Il faut s’efforcer d’en noter au moins
une par objectif. Elles peuvent se compléter ou n’être que des options, à lever
après études complémentaires.
– Le délai prévu de mise en place, important quand plusieurs mesures doivent se
succéder.
Cette liste est une base de réflexion pour ceux qui feront les choix définitifs. Il sera
utile de la conserver après que les choix auront été faits et enregistrés. Cet enregis-
trement clôture l’application complète de la méthodologie. Bien entendu, l’action
ne s’arrête pas là mais entre dans le fonctionnement normal de toute structure qui
a pris une décision.

4.5 Application de la méthodologie aux autres risques


La modélisation du risque chimique sur laquelle repose notre méthodologie d’analyse
et de prévention est suffisamment générale pour pouvoir s’appliquer à tous les types
de risques. Ce n’est pas par hasard, puisqu’elle a été élaborée par un groupe de travail
qui visait un modèle universel fondant une nouvelle méthodologie de prévention.
Celle-ci a été finalisée en 2004 et est contenue dans un document publié par la
CRAMIF : Guide pour l’évaluation des risques professionnels et le plan d’action de
prévention – Une aide pour le document unique et le plan d’action1. Ce document est
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

très général et demande une formation adaptée pour bien en exploiter les prin-
cipes. Nous montrons simplement ici comment décliner cette méthodologie dans
les grandes familles de risques.
Il faut d’abord reprendre les définitions de base, afin qu’elles conviennent à tous
les types de risques, exceptés ceux de l’environnement, qui font l’objet du para-
graphe 5.4.

1. Ce document, élaboré par le service Études du département Risques professionnels de la CRAMIF, est
disponible sur le site www.cramif.fr, sous la référence DTE 167.

227
4 • Pratique de la prévention 4.5 Application de la méthodologie
des risques aux autres risques

Expression Définition

Risque Combinaison de la probabilité d’un dommage et de sa gravité

Processus chronique Dommage par exposition, de façon habituelle et modérée

Processus accidentel Dommage survenant de façon soudaine et inattendue

Phénomène dangereux Source potentielle d’un dommage

Exposition Contact entre un phénomène dangereux et une personne

Situation dangereuse Localisation d’une personne dans une zone dangereuse

Zone dangereuse Espace dans lequel une personne peut subir un dommage

Événement dangereux Enchaînement de faits qui conduit au dommage

Dommage Dégradation de la santé et/ou de l’intégrité physique d’une personne

Nous voyons que le danger est devenu phénomène dangereux pour rendre
compte de tous les types de risques, conformément aux définitions de la norme
ISO 12100.

4.5.1 Risque physique


C’est le risque le plus proche du risque chimique, car les processus chronique et
accidentel sont aussi présents. Les phénomènes dangereux, très variés, appartien-
nent au domaine de la physique. En voici un descriptif :

Phénomène Principe Effet chronique Effet accidentel

Vibration de l’air tou- Diminution des capacités auditives Traumatisme


Bruit
chant l’appareil auditif Surdité sonore aigu

Crises de blanchiment doulou-


reux des phalanges en cas d’expo-
sition au froid et/ou à l’humidité
Accélérations
Moindre sensation du toucher,
Vibrations alternatives à haute Pas d’effets décrits
du chaud et du froid
fréquence
Douleurs dans les bras et les mains
Gêne fonctionnelle des articula-
tions (coude, poignet, main)

Courant traversant
Électrisation,
Électricité le corps par différence Non décrits
électrocution
de potentiel

228
4 • Pratique de la prévention 4.5 Application de la méthodologie
des risques aux autres risques

Phénomène Principe Effet chronique Effet accidentel

Infrarouges Brûlures superficielles Brûlures graves

Brûlures graves
Lasers Non décrits
Perte de la vue

Brûlures superficielles
Rayon- Ultraviolets Brûlures graves
Cancers
nements
Électromagnétiques Échauffement des tissus Non décrits

Brûlures superficielles
Brûlures graves
Ionisants Stérilité masculine
Décès
Cancers

Inconfort
Chaleur Coup de chaleur
Épuisement

Inconfort Hypothermie
Froid
Conditions Engourdissement aiguë
climatiques
Humidité Inconfort

Inconfort
Vent Chute
Difficultés d’équilibre

Nécrose osseuse de l’épaule,


de la hanche ou du genou
Intoxication
Syndrome vertigineux
Compression aux gaz neutres
Pression Otite moyenne subaiguë
des organes et des gaz Accident de
ou chronique
décompression
Hypoacousie par lésion cochléaire
irréversible

Le niveau de danger des phénomènes physiques est facile à quantifier, puisqu’ils


disposent d’unités de mesure et des instruments adéquats pour les mesurer directe-
ment. Des valeurs limites sont aussi disponibles pour les plus dangereux :
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Phénomène Unité de mesure Valeurs limites

Bruit Décibel (dB) 85 dB

1,15 m/s2 (corps)


Vibrations Accélération (m/s2)
5 m/s2 (bras)

Milieu sec U < 50 V


Électricité Volts (V) Milieu humide U < 25 V
Milieu mouillé U < 12 V

229
4 • Pratique de la prévention 4.5 Application de la méthodologie
des risques aux autres risques

Phénomène Unité de mesure Valeurs limites

Infrarouges néant néant

Lasers Watts (W) 7 classes de puissance

Ultraviolets néant néant

Densité de courant (mA/m2)


Rayonnements Électro- (basses fréquences)
Dépend des fréquences.
magnétiques Densité de puissance : Watts/kg
(hautes fréquences)

Public : 1 mSv/an
Dose équivalente et efficace :
Ionisants Professionnel : 6 ou
Sievert (Sv)
20 mSv/an, selon catégorie

Chaleur Température (˚C) néant

Froid Température (˚C) néant


Conditions
climatiques
Humidité Pourcentage (%) néant

Vent Vitesse (m/s) néant

Bar ou Pascal (Pa)


Pression néant
(1 bar = 1 000 hPa)

Il est alors facile de procéder à l’identification puis à l’estimation des risques selon
les règles utilisées pour le risque chimique. La recherche des mesures de prévention
et de protection suit aussi le même schéma. En voici quelques exemples :
– Travailler sur une machine émettant un bruit de 92 dB pendant 4 heures par jour
est une exposition chronique de haut niveau, que l’on peut éviter soit en changeant
de machine, soit en confinant celle-ci dans une enceinte insonorisante, soit en
portant une protection auditive, du moins dans l’attente.
– Conduire un chariot élévateur sur un sol détérioré pendant 2 heures par jour est
une exposition chronique aux vibrations de niveau moyen, que l’on peut éviter
soit en robotisant les transferts concernés, soit en rendant le sol parfaitement
lisse, soit en améliorant la suspension du siège.
– Travailler sur des fils conducteurs électriques nus sous tension (BT) est une
situation dangereuse, dont l’événement dangereux serait un contact avec la main
par inadvertance. L’accident peut être évité soit en supprimant la tension élec-
trique, soit en plaçant un protecteur isolant, soit par une formation spécialisée,
soit en utilisant des gants isolants.
– Travailler sur un laser de classe 4 est une situation dangereuse que l’on peut éviter
soit par le confinement dans une enceinte de protection, avec télécommande,
soit par capotage du laser, soit par port de lunettes spéciales.

230
4 • Pratique de la prévention 4.5 Application de la méthodologie
des risques aux autres risques

– Travailler dans un local frigorifique, à – 25 ˚C pendant 6 heures par jour, est


une exposition chronique de haut niveau, que l’on peut éviter soit en robotisant
les tâches, soit en réduisant les temps d’exposition par un aménagement des
accès aux cellules, soit en portant des vêtements adaptés.
Nous voyons que l’adoption d’une méthodologie apporte un plus grand choix de
solutions possibles.

4.5.2 Risque mécanique

Le risque mécanique ne doit pas être confondu avec le risque « machine », qui
comporte presque tous les autres risques. Sa particularité est d’être essentiellement
accidentel, en conduisant à des dommages du type blessures et contusions.

Phénomène
Effet chronique Effet accidentel
dangereux

Écrasement
Rapprochement
Cisaillement

Rotation Happement, enroulement

Déplacement Frottement ou abrasion Entraînement ou emprisonnement

Mouvement rapide Choc solide ou liquide (par jet haute pression)

Bord tranchant Coupure ou sectionnement

Forme acérée Perforation ou piqûre

Dénivellation Chute de hauteur

Il faut remarquer que tous les phénomènes dangereux inventoriés dans ce risque
ont l’énergie mécanique pour origine. Elle peut être cinétique ou potentielle,
comme dans le cas d’un ressort comprimé. La chute de hauteur occupe une place à
part, puisque l’énergie potentielle qui la conditionne est la gravité (ou « pesan-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

teur »). Ce risque, qui fait l’objet d’une attention particulière dans les activités de
la construction d’ouvrages, est en réalité présent dans tous les domaines, profes-
sionnels ou de la vie courante. La prévention du risque mécanique se focalise sur la
suppression du phénomène dangereux, de la situation dangereuse et des événe-
ments dangereux. Elle a été largement étudiée et fait l’objet d’une réglementation
abondante.
Le risque de circulation en véhicule motorisé rentre dans la catégorie des risques
mécaniques dus à un déplacement rapide. Il est pourtant suffisamment atypique
pour qu’il constitue un domaine d’étude spécialisé. C’est d’ailleurs le risque le plus
meurtrier, tous types confondus. Cela est dû à deux particularités : le nombre de

231
4 • Pratique de la prévention 4.5 Application de la méthodologie
des risques aux autres risques

personnes exposées, et le fait qu’il s’agisse d’une situation du domaine privé. Nous
n’en parlerons que pour mettre en évidence les composantes habituelles du risque :
– Le phénomène dangereux est le déplacement rapide d’une machine contenant
des personnes par rapport à des obstacles fixes ou mobiles (incluant les autres
véhicules).
– L’exposition chronique concerne le bruit, la posture, les vibrations, avec un niveau
de plus en plus faible grâce aux progrès techniques.
– La situation dangereuse est permanente, dès lors qu’une personne est à l’intérieur
d’un véhicule en déplacement.
– Les événements dangereux possibles sont innombrables et constituent tout ce qui a
été inventorié comme causes d’accidents « de la route ». Les études officielles les
classent généralement par origine : le comportement, le véhicule, l’infrastructure
et l’environnement.
– Le dommage est constitué des conséquences matérielles et corporelles. Il comporte
des paramètres aggravants, comme des caractéristiques du véhicule et de l’environ-
nement, la vitesse et l’état de santé des personnes transportées.

4.5.3 Risque ergonomique


Ce risque est moins classique et plus difficile à définir, puisque l’ergonomie est
plutôt présentée comme une solution, principalement dans le domaine des gestes
et des postures, mais il est de plus en plus élargi à toutes les conditions de travail.
C’est pourquoi il nous est paru indispensable de repartir du phénomène dange-
reux pour le définir. Pour ce dernier, nous proposons de le limiter au domaine du
mouvement, de l’effort et de la posture. En voici un inventaire, non limitatif :

Phénomène dangereux Effet chronique Effet accidentel

Geste répétitif Troubles musculo-squelettiques (TMS)

Lombalgie aiguë
Fatigue physique Traumatisme musculaire
Effort important
Troubles musculo-squelettiques (TMS) ou articulaire
Choc contre un objet

Traumatisme musculaire
Amplitude articulaire Troubles musculo-squelettiques (TMS)
ou articulaire

Déplacements Fatigue physique Chute

Choc contre un objet


Obstacles Fatigue physique
Chute

Pour ce risque, l’accent est traditionnellement mis sur l’aspect chronique, et en parti-
culier les TMS, dont le nombre de déclarations en maladie professionnelle ne cesse
d’augmenter. Les TMS ont d’autres facteurs de risque, notamment des nuisances
physiques et des aspects psychosociaux (stress). La suppression des phénomènes
dangereux, que l’on appelle facteurs de risque par ailleurs, fait largement appel à la

232
4 • Pratique de la prévention 4.5 Application de la méthodologie
des risques aux autres risques

mécanisation des tâches, mais aussi à l’organisation du travail et à l’intégration de


l’ergonomie dans la conception des postes de travail.
4.5.4 Risque biologique
Le phénomène dangereux du risque biologique se résume aux agents biologiques
pathogènes, qui sont les équivalents des agents chimiques dangereux dans le domaine
de la biologie. Ils représentent une menace d’autant plus pernicieuse qu’ils sont
souvent invisibles, et qu’ils agissent à des doses infimes. Le risque de contamination
est de nature principalement accidentel, sous forme de maladie infectieuse, éven-
tuellement mortelle. Ces agents sont très nombreux et de nouveaux apparaissent
régulièrement. En voici un classement par nature :

Agent Caractéristique Effet chronique Effet accidentel

Micro-organismes
Maladies
Bactéries monocellulaires de 1 à 10
infectieuses
microns.

Micro-organismes de 1 à 100 Immuno-allergies


Champignons microns : levures et moisissures. Intoxications
Se dispersent par leurs spores. toxiniques
Insuffisance
respiratoire Maladies
Virus Entité parasite de 0,1 micron.
infectieuses

Maladies
Endoparasites Protozoaires et helminthes (vers).
parasitaires

Prions et agents Maladies dégéné-


Particules protéiques de 0,01
transmissibles non ratives du système
micron.
conventionnels nerveux central

La distinction des effets chroniques et accidentels paraît ici assez artificielle, mais
elle s’applique en fait au mode de contamination. Le niveau de danger est déter-
miné par le classement selon les groupes réglementaires suivants :

Groupe Agents biologiques


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1 Non susceptibles de provoquer une maladie chez l’homme.

Peuvent provoquer une maladie chez l’homme et constituer un danger pour


2 les travailleurs ; leur propagation dans la collectivité est peu probable ;
il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficaces.

Peuvent provoquer une maladie grave chez l’homme et constituer un danger


3 sérieux pour les travailleurs ; leur propagation dans la collectivité est possible,
mais il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficace.

Provoquent des maladies graves chez l’homme et constituent un danger sérieux


4 pour les travailleurs ; le risque de propagation dans la collectivité est élevé ;
il n’existe généralement ni prophylaxie ni traitement efficace.

233
4 • Pratique de la prévention 4.5 Application de la méthodologie
des risques aux autres risques

La prévention se décline différemment si la présence de l’agent biologique est fortuite,


comme dans les industries agro-alimentaires, ou voulue, comme dans la recherche
et l’analyse en biologie. Dans le premier cas, on s’attache d’abord à détruire les
réservoirs d’agents. Il faut ensuite, dans les deux cas, bloquer tous les modes de
transmission possibles, par séparation, confinement et protection. La vaccination
et les soins précoces ne sont que des mesures redondantes.

4.5.5 Risque psychosocial


Ce domaine n’est pas encore entré officiellement dans le champ des risques profes-
sionnels. Compte tenu de l’importance que prennent les problèmes de stress, en
particulier, dans les débats sur les conditions de travail modernes1, il nous est apparu
intéressant de proposer cette adaptation du schéma général au risque psychosocial :

Phénomène dangereux Effet chronique Effet accidentel

Sollicitations de l’attention Fatigue nerveuse Perte de contrôle dans l’action

Fatigue nerveuse
Troubles du sommeil
Dépression
Surcharge de missions Irritabilité
Troubles organiques
Stress
Addictions

Fatigue nerveuse
Troubles du sommeil Perte de contrôle dans l’action
Stress Troubles organiques
Pression relationnelle
Perte de motivation Dépression
Irritabilité Actes de violence
Addictions

Perte de motivation Troubles organiques


Carence relationnelle
Addictions Dépression

Troubles du sommeil
Facteurs d’inquiétude Perte de motivation Troubles organiques
Addictions

Le sujet de cet ouvrage ne se prête pas à un développement de la méthodologie


appliquée à ce domaine, mais il est clair que l’on peut établir une échelle de niveaux
de danger pour les phénomènes dangereux. Ainsi, la pression relationnelle peut
croître depuis l’attitude directive jusqu’à la violence physique en passant par le
harcèlement. L’origine des phénomènes dangereux peut être un individu, un groupe

1. Lire à ce sujet l’excellent rapport sur « La détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux
au travail » de Philippe Nasse et Patrick Légeron, remis en mars 2008 à Xavier Bertrand, ministre du
Travail, des Relations sociales et de la Solidarité.

234
4 • Pratique de la prévention 4.5 Application de la méthodologie
des risques aux autres risques

ou un milieu. L’événement dangereux est constitué ici d’un fait, d’un acte, d’une
décision, vécus comme une agression. Quant à la prévention, la suppression du
phénomène dangereux est transposable par exemple par des mesures d’éloignement
ou de changement d’organisation, la réduction de l’exposition par une meilleure
maîtrise des objectifs et des moyens, la protection contre les événements dangereux
par des médiations, de la formation relationnelle, etc.
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235
5 • APPLICATIONS PARTICULIÈRES

Le modèle et la méthodologie décrits dans cet ouvrage permettent de couvrir toutes


les situations dans lesquelles un risque chimique est présent. Mais une adaptation
des concepts généraux et des mesures de prévention est indispensable à chaque
domaine particulier. Quels sont ces domaines ? L’expérience du conseil en prévention
des risques montre que les quatre domaines suivants sont ceux qui soulèvent le plus
d’interrogations.

5.1 Stockage
5.1.1 Risques
Le stockage des agents chimiques présente des risques spécifiques du fait de leur
accumulation en un lieu donné, lieu qui n’est pas toujours identifié comme un poste
de travail. L’étude des dommages survenus dans des installations de stockage plus ou
moins organisées montre que le risque chronique n’est présent que par dysfonction-
nement. En effet, le fonctionnement normal suppose que tous les emballages sont
clos et étanches. Dans ces conditions, idéales, il n’y aucun accès possible à un agent
chimique dans l’environnement de travail. Dans la pratique, on observe des expo-
sitions tant respiratoires que cutanées liées à la présence d’agents chimiques hors
de leur emballage. Ces dysfonctionnements doivent être la cible des mesures de
prévention, c’est pourquoi il importe de les analyser au préalable. Pour cela, il faut
distinguer les deux grands types de stockages que l’on rencontre partout où sont
utilisés les produits chimiques.
Le type de stockage le plus répandu est celui des emballages unitaires, c’est-à-dire
une quantité finie de produit contenue dans une enveloppe fermée et apte à être
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

transportée. Les formes d’emballages unitaires sont innombrables et dépendent de


la forme physique du produit : liquide, solide ou gazeux. Les contenances peuvent
varier de quelques grammes dans un flacon à plus d’une tonne dans un conteneur
mobile. Les dysfonctionnements observés avec ce type d’emballage sont liés en
partie à leur résistance, à leur étanchéité et au système d’ouverture-fermeture.
Voici un descriptif des plus courants :

m Emballages livrés souillés

Il n’est pas rare que des emballages soient déjà souillés à la livraison. Ce sont les restes
de l’opération de remplissage, mais aussi l’effet des sollicitations du transport.

237
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

Ces traces sont principalement observées sur les sacs de pulvérulents de qualité
ordinaire, généralement en papier. Ce type d’emballage, obtenu par collage, n’est
jamais parfaitement étanche.

m Petites fuites

En dehors des fuites accidentelles, de petites pollutions de l’entourage de l’ouverture


d’un emballage sont presque inévitables dès que l’on vide ou remplit tout ou partie
de cet emballage. Si l’emballage d’un produit volatil est replacé au stockage
sans élimination de ces traces extérieures de produit, une petite vaporisation va
se produire. Elle est certes très faible, mais sa répétition, sur plusieurs produits, fait que
la concentration ambiante en vapeurs diverses peut devenir critique. Ce phéno-
mène est d’ailleurs perceptible par l’odeur diffuse de produits chimiques qui règne
habituellement au stockage. D’autre part, de petites perforations ou déchirures sur
des sacs laissent échapper des petites quantités de poudre, capables de contaminer
un grand nombre d’emballages environnants. Cela est aussi vrai pour les conte-
neurs souples. En revanche, les emballages rigides pour pulvérulents, tels que les
fûts et conteneurs, en carton, plastique ou métal, peuvent être plus facilement
maintenus propres.

m Contenants de produits volatils restant ouverts

Il arrive que pour des besoins liés à la production – stockage momentané, prélèvements
fréquents, nécessité d’observer le produit, etc. – l’emballage d’un produit plus ou
moins volatil soit laissé ouvert. Il s’ensuit une volatilisation lente mais continue.
Cette pratique peut être le résultat d’une négligence, ou de la perte du bouchon ou
du couvercle.

m Transvasements

Les transvasements pour remplir de plus petits emballages ou des récipients destinés
aux transports internes (bidons, seaux…) sont d’une pratique courante dans les
locaux de stockage, pratique pourtant étrangère à la fonction normale d’un local
de stockage. En effet, tout transvasement, même s’il se produit sans incident, est
une source d’émission de vapeurs ou de poussières, avec une intensité qui va dépendre
en premier lieu de la volatilité du produit, mais aussi des conditions opératoires,
telles que l’ouverture des récipients, la hauteur de chute, etc.
Le stockage en vrac est utilisé pour des quantités importantes, généralement de
plus d’une tonne. Le principe du vrac consiste à utiliser un contenant fixe, le
contenu étant transféré par des tuyaux en fonction des besoins. Le remplissage du
contenant fixe est fait soit à partir d’une citerne mobile, c’est ce qu’on appelle une
opération de déchargement, soit à partir d’un autre équipement fixe. Le charge-
ment inverse, c’est-à-dire le remplissage d’une citerne mobile à partir d’un contenant
fixe est appelé chargement. Les dysfonctionnements observés sont en partie simi-
laires à ceux des emballages unitaires : souillures consécutives à de petites fuites
et à des cuves restant ouvertes. Il faut en ajouter deux, plus spécifiques de ce type
de stockage.

238
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

m Respiration de cuves

Les variations du niveau de liquide au chargement et lors de l’utilisation du


contenu génèrent un pompage de l’air dans la cuve. Cet air, chargé de vapeurs si le
produit est volatil, passe normalement par un conduit, appelé évent, assurant ainsi
la « respiration » de la cuve. Cette respiration expulse donc vers l’extérieur les
vapeurs émises par la surface du produit stocké et peut créer une pollution critique
dans l’environnement de l’évent, surtout si ce dernier débouche à l’intérieur d’un
bâtiment, quand la cuve de stockage est elle-même placée à l’intérieur.

m Opérations de dépotage

Il est assez fréquent de transférer le contenu d’une cuve de stockage, essentiellement


de liquide, vers des emballages unitaires. Lorsque cette opération n’est pas réalisée
avec un équipement spécialement conçu pour cela, elle se fait de façon manuelle,
avec du liquide passant à l’air libre. Il est facile d’identifier les différents risques
d’exposition et d’accident que cela peut créer.
Ces deux modes de stockage peuvent se trouver à l’intérieur ou à l’extérieur d’un
bâtiment, en fonction de divers paramètres tels que l’espace disponible, le volume
à stocker, la nature des produits, la nature des emballages, etc. Bien souvent,
l’installation est mixte, c’est-à-dire répartie entre l’intérieur et l’extérieur, ou inter-
médiaire, c’est-à-dire simplement protégée par une toiture ou un bâtiment large-
ment ouvert. Il est donc important dans l’estimation des risques de tenir compte
du degré de confinement du stockage, quel que soit son type.
Dans la description des risques liés au stockage en emballages unitaires, il est
supposé être organisé, c’est-à-dire situé dans un espace dédié et plus ou moins
aménagé en conséquence. Dans la pratique, une partie des emballages, quand ce
n’est pas la totalité, se trouve répartie dans les espaces de travail, souvent à proxi-
mité immédiate du lieu d’utilisation. Outre le fait que cette pratique consomme
de la surface de travail, elle peut créer des situations dangereuses, selon la nature
des produits contenus, qu’il serait facile de supprimer dans un local de stockage. Si
les produits en question sont classés très toxiques, c’est un risque accidentel grave
que génère ce type de dysfonctionnement.
Si les risques chroniques sont liés à des dysfonctionnements, la plupart des risques
présents dans un stockage sont de nature accidentelle, liés à des événements
dangereux tels que :
– incendie survenant à proximité du stockage ;
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

– incendie survenant dans le stockage ;


– émanations massives ou projections.
Le risque d’incendie interne au stockage est évidemment lié à la présence de
produits inflammables. Il ne faut cependant pas négliger ce risque quand il n’y a
pas de produits inflammables stockés, car un incendie est toujours possible avec
des matières combustibles. Seule l’estimation du risque sera différente. On néglige
encore plus souvent le risque d’incendie importé, c’est-à-dire se déclarant en dehors
du stockage et le rejoignant dans sa progression. Si le feu réussit à se propager à
l’intérieur, il se produira des effets beaucoup plus graves qu’en l’absence de produits
chimiques et il sera très difficile de le combattre. En effet, les emballages peuvent

239
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

être détruits, ainsi que les structures qui les supportent. C’est pourquoi un tel stoc-
kage demande des mesures renforcées et redondantes.
Les émanations et les projections ont parmi leurs causes les plus fréquentes :
– bris d’emballages à la suite de chutes, de dégradations ou de mauvaises condi-
tions de stockage ;
– incidents de dépotage pour le stockage en vrac ;
– réactions dangereuses consécutives à des fuites simultanées ou successives
d’agents chimiques incompatibles, ou même d’erreurs de livraison.
Chacun de ces événements est lui-même le résultat de dysfonctionnements dont
l’origine tient souvent à l’organisation et la gestion du stockage, à la conception du
local, des équipements, et aux procédures d’utilisation des agents chimiques.

5.1.2 Prévention
Si l’on s’aperçoit qu’un stockage existant présente des risques, il est toujours
possible de prendre quelques mesures conservatrices, mais seulement en attendant
une refonte bien préparée. La sécurité d’un stockage tient beaucoup à son organi-
sation, plus qu’à des équipements ou des consignes. Il faut commencer, comme
pour tout problème d’organisation, par une analyse des besoins. Celle-ci consiste à
répondre aux questions suivantes :
– Quels produits doit-on stocker ?
– Quelles sont les quantités maximales à stocker ?
– Quels sont les emballages les mieux adaptés ?
– Quelles sont les fréquences d’utilisation ?
– Quels sont les points d’utilisation ?
– Quels sont les dangers particuliers des produits à stocker ?
– Quel budget d’investissement et de fonctionnement peut être dégagé ?
En fonction des réponses apportées, un certain espace disponible sera dédié au
stockage, comportant au minimum un local central, mais aussi, suivant les
besoins, des locaux secondaires. Ceux-ci sont utiles soit pour des raisons techni-
ques, parce qu’il faut des équipements spéciaux, soit pour des raisons logistiques,
parce qu’il est nécessaire qu’ils soient proches des utilisateurs, par exemple. Toutes
les recommandations qui suivent s’appliquent indifféremment aux locaux
centraux ou secondaires.

m Établir des familles d’agents chimiques compatibles

Produits incompatibles :
La première règle pour organiser un stockage consiste à ne laisser ensemble que les
produits qui ne présentent pas de potentiel de réactions dangereuses entre eux. On
peut s’appuyer sur les symboles de danger, mais les familles de compatibilité ne
leur correspondent pas toujours exactement. Des regroupements sont possibles
entre des classes de dangers différentes et, inversement, des exclusions peuvent être
nécessaires à l’intérieur d’une même classe de danger. Ces décisions ne peuvent être
prises qu’avec un minimum de connaissances chimiques et après consultation de
toutes les données disponibles dans ce domaine : phrases de risque de l’étiquetage,

240
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

fiches de données de sécurité, fiches toxicologiques de l’INRS, documents techni-


ques du fournisseur, etc. Pour donner malgré tout quelques repères, disons que les
incompatibilités existent principalement entre les acides et les bases d’une part et
entre les oxydants et les réducteurs d’autre part, ce qui fait quatre combinaisons de
propriétés. La difficulté de classement vient du fait que ces propriétés sont plus ou
moins marquées. Le paragraphe 2.5.2 donne des indications plus précises à cet effet.
Les séparations seront aussi fonction, d’une part, de la quantité stockée et, d’autre
part, de la concentration des produits. Une petite quantité d’un produit ne néces-
sitera pas forcément de créer un emplacement séparé si les autres classes représentent
de grandes quantités. De même, des acides et des bases dilués pourront être juxtaposés,
s’il n’y a pas d’autres risques par ailleurs.
Produits à danger particulier :
La deuxième règle est d’isoler les produits demandant des mesures particulières,
afin de ne pas être obligé d’appliquer les mesures les plus sévères à l’ensemble du
stockage. Rentrent dans cette catégorie :
– les produits inflammables, qui exigent les mesures spécifiques de prévention des
incendies (voir ci-après) ;
– les produits toxiques et très toxiques, qui exigent un contrôle d’accès particulier.
Il implique un local fermé à clé ;
– les produits ayant une réactivité importante, tels que les peroxydes ou certains
réactifs de la chimie de synthèse. Il faut autant de séparations que d’incompati-
bilités possibles entre eux ;
– les gaz sous pression, qui demandent une aération importante, ou à défaut une
ventilation mécanique ;
– les produits sensibles à l’eau, à placer dans un local dépourvu de robinets et de
canalisations d’eau ;
– les produits qui demandent des conditions physiques particulières, parce qu’ils
sont sensibles à la chaleur, au gel, à l’humidité, aux chocs, à la lumière, aux
rayonnements divers, etc. Ces conditions demandent des équipements particuliers,
tels que climatiseur, humidificateur, lumière inactinique, etc. La conservation à
basse température doit se faire dans des réfrigérateurs prévus à cet usage ou dans
une chambre froide équipée de moyens de sécurité tels qu’une porte toujours
manœuvrable de l’intérieur, un éclairage de sécurité, un signal d’alarme, etc.
Notons enfin que certains produits doivent être stockés à une température capable
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

de les maintenir en fusion ou, tout du moins, avec une viscosité suffisante pour
être utilisés. Si le volume est modeste, une étuve de capacité adéquate suffira. Si le
volume est important, il faut un local équipé d’un chauffage régulé et contrôlable
de l’extérieur. Il faut aussi rappeler que les mesures particulières de stockage font
l’objet de la rubrique n˚ 7 des fiches de données de sécurité.
Produits inflammables :
L’incendie restant le risque majeur de tout stockage, des mesures renforcées
doivent être prises pour les produits inflammables. Lorsque que le stockage relève de
la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE),
des mesures particulières s’imposent, en fonction des quantités entreposées.

241
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

Mais quelques mesures fondamentales permettent de réduire ce risque, indépen-


damment de la quantité stockée. Il faut d’abord dédier aux produits inflammables
un local de stockage spécifique, isolé des autres locaux de travail, avec une distance
de sécurité calculée en fonction de l’importance des dommages envisageables,
dont le volume stocké est le paramètre principal. Il n’y a pas de prescription régle-
mentaire pour cette distance, en dehors de certaines rubriques de la réglementa-
tion ICPE. Nous recommandons, par expérience, une dizaine de mètres. Cette
distance est utile d’une part pour empêcher la propagation d’un incendie aux
autres locaux, et, inversement, de ces derniers vers le local de stockage, d’autre part
pour faciliter l’intervention des pompiers.
Cet éloignement n’est pas toujours facile à mettre en œuvre. Dans le cas où le
risque est moindre, par exemple hors installation classée, si les volumes sont faibles
et les produits classés uniquement inflammables (phrase de risque R10), les locaux
de stockage pourront être attenants à d’autres locaux de travail, à condition qu’ils
comportent des murs « coupe-feu » de degré deux heures et des portes extérieures
« pare-flammes » de degré une demi-heure. En revanche, l’éloignement s’impose
pour les liquides facilement et extrêmement inflammables et lorsque les quantités
stockées sont importantes. Dans tous les cas, on aura intérêt à subdiviser les locaux
de stockage pour diviser le risque incendie et mieux adapter les mesures de prévention
et de lutte contre le feu.
Dans le cas d’un espace de stockage ouvert, il faut aussi respecter une distance de
sécurité par rapport aux locaux voisins. Si l’on ne peut pas respecter totalement
cette distance, il faut monter un mur coupe-feu face aux locaux menacés.
Les mesures d’aide à la lutte contre les incendies comportent principalement les
moyens d’extinction et la formation du personnel. Les extincteurs sont soit à déclen-
chement manuel, soit automatiques, avec toujours le bon choix de l’agent d’extinction.

Éclairage sous verre dormant


Signalisation
de dangers

10 m

Aération naturelle Porte pare-flammes Murs incombustibles


haute et basse = Extincteurs (1/2 heure) (M0)
1/10 surface au sol accessibles

Figure 5.1 – Principales mesures destinées à un local de stockage d’inflammables

242
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

Ces mesures sont complétées par de la signalétique, des vérifications périodiques


des extincteurs et des alarmes, des exercices d’évacuation et de lutte contre le feu.
La lutte contre les incendies est un domaine largement couvert par nombre d’orga-
nismes spécialisés1. Sans prétendre à l’exhaustivité, la figure 5.1 est un résumé des
mesures à prendre dans un petit local de stockage de produits inflammables.
Gaz comprimés ou liquéfiés :
Pour les gaz comprimés en bouteilles, il faut un local isolé, à l’extérieur, comportant
au moins une paroi grillagée. Quand les gaz stockés présentent des incompatibilités
chimiques, il faut créer autant de cellules séparées par des murs que de familles de
compatibilité. Les cellules doivent être équipées de dispositifs d’immobilisation
des bouteilles et comporter toutes les informations et la signalisation requises.
Le stockage des gaz liquéfiés à pression atmosphérique, dit « stockage cryogénique »,
s’apparente à une installation de production et doit être traité comme telle. Il s’agit
essentiellement de l’azote livré à l’état liquide et utilisé sous forme liquide ou gazeuse.
L’installation comme la maintenance doivent être prises en charge par le fournisseur
du gaz, qui possède la compétence exigée en la matière. Ce type d’installation est
obligatoirement à l’extérieur et isolé de tout autre local. Le stockage de gaz liquéfié
en bouteilles spéciales ne demande qu’un simple local, mais isolé, bien ventilé et
comportant une signalisation du risque d’anoxie.
Poste de transvasement :
Les transvasements de liquides ou de solides effectués dans un local de stockage
sont des dysfonctionnements. Ils doivent être effectués de préférence sur le lieu
d’utilisation avec toutes les mesures nécessaires, comme pour tout poste de travail
avec des agents chimiques dangereux. Diverses raisons peuvent amener à préférer
procéder aux sous-conditionnements dans le local de stockage, par exemple pour
éviter un déplacement d’emballage lourd, pour un petit prélèvement. Dans ce cas,
il faut aménager un espace isolé du local de stockage et conçu comme un poste de
travail, afin de ne créer aucun nouveau risque dans le local principal de stockage.

m Créer les espaces séparés

La disposition des produits stockés se fait traditionnellement en fonction de leur


origine, de leur destination ou de leur usage. Certains peuvent aussi être classés en
fonction de leur statut, par exemple dans des zones de mise en quarantaine ou de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

non-conformité, dans le cadre d’un système qualité. Ce type de classement n’est


pas souvent compatible avec celui que dictent les règles de compatibilité. Il faut

1. Pour approfondir ce thème, on peut consulter les nombreux ouvrages édités par l’INRS, dont les
principaux sont :
Évaluation du risque incendie dans l’entreprise. Guide méthodologique. ED 970.
Signalisation de santé et de sécurité au travail. Réglementation. ED 777,
Consignes de sécurité incendie. Éléments de rédaction et de mise en œuvre dans un établissement. ED 929,
Prévention des incendies sur les lieux de travail. Aide-mémoire juridique. TJ 20,
Incendie et lieu de travail. Le point des connaissances sur. ED 5005
Les extincteurs d’incendie portatifs et mobiles. ED 802
Incendie et lieux de travail. ED 789

243
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

alors rechercher le meilleur compromis entre les deux approches, sachant que les
moyens informatiques facilitent beaucoup la gestion des stockages complexes.
Les séparations des familles de produits ainsi constituées peuvent être légères ou
complètes. Si le risque est relativement faible, des séparations par limites tracées au
sol, dans un même local, sont suffisantes, dès lors qu’un certain espace est respecté
entre les zones. À défaut d’espace, il faut installer des cloisons, plus ou moins résis-
tantes en fonction des conditions d’exploitation. Si la séparation doit être complète,
comme dans le cas des produits inflammables, il faut aménager un local indépen-
dant et bien fermé. Si la séparation n’est dictée que par la nécessité d’un contrôle
d’accès, comme dans le cas des produits toxiques, elle peut être réalisée avec un
grillage, qui a l’avantage de permettre un contrôle visuel sans nécessité d’ouvrir.
Une fois établie la liste des zones séparées de stockage, il reste à les placer au
mieux, dans un souci de préserver l’accessibilité et de limiter les déplacements.
L’exemple suivant illustre quelques-uns des principes évoqués dans ce paragraphe :

comburants
petits conditionnements poste de transvasement

toxiques

bases
liquides acides

inflammables
bases
solides

portes fermant à clé

Figure 5.2 – Exemple d’organisation d’un local de stockage

m Aménager les espaces dédiés

L’équipement intérieur d’un local de stockage doit évidemment s’adapter aux


types d’emballages prévus. L’espace de stockage étant toujours compté, les embal-
lages unitaires sont stockés sur une certaine hauteur, grâce à des structures adap-
tées dont la plus courante est le palettier. Ce rayonnage métallique est conçu pour
placer des palettes, sur lesquelles sont placés des emballages. En effet, il faut limiter
la superposition directe des emballages, à moins qu’ils ne soient conçus pour cela.
Elle est possible pour des conteneurs « gerbables » et pour des sacs.
Pour de plus petites quantités, des rayonnages ordinaires conviennent, dans le respect
des charges tolérables. La disposition des emballages sur les étagères joue un rôle

244
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

Figure 5.3 – Stockage de « big bags » sur palettes

dans la prévention des chutes. Si la manutention est manuelle, il faut éviter de


placer des emballages sur une profondeur qui demanderait des postures à risque
ergonomique.
La prévention des incendies repose sur le classique triangle du feu, qui conduit d’abord
à limiter au strict nécessaire les quantités d’inflammables, mais aussi de combustibles,
tels que les emballages, les palettes, les structures, les équipements, etc. Ensuite
toutes les sources possibles d’ignition doivent être recherchées et supprimées,
notamment celles d’origine électrique. Enfin, il faut une détection précoce des
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

débuts d’incendie, grâce à des détecteurs judicieusement placés. Ces mesures tech-
niques sont à compléter par des mesures organisationnelles, telles que l’interdiction
de fumer, des procédures d’intervention de maintenance, la vérification périodique
des installations électriques, le contrôle rigoureux des entrées et sorties de produits
et de personnes.
Le stockage en vrac se rencontre aussi à l’intérieur des locaux, pour diverses raisons,
telles que le manque de surface en extérieur, la sensibilité du produit, ou tout simple-
ment son volume modéré (quelques m3). Cette solution n’est pas recommandable,
mais elle est tolérable sous les conditions suivantes :
– Les cuves sont en rétention maçonnée facilement inspectable et nettoyable.

245
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

– Les contenus ne sont que faiblement volatils.


– Les produits incompatibles sont séparés par des parois.
– Les cuves sont équipées de surveillance de niveau et de trop-plein.
– Les cuves sont étanches et les évents sont reliés à une ventilation qui les maintient
en légère dépression.
– Des capteurs de surveillance d’atmosphère sont installés à proximité.

évent relié à la ventilation

trop-plein

Indication de niveau

Figure 5.4 – Stockage vrac à l’intérieur

Si le contenu est inflammable, toutes les dispositions spécifiques se rajoutent à


celles-ci.
Il est aussi important de mettre en place une bonne signalisation concernant le
plan de stockage et les dangers associés, complétée par des consignes utiles. La liste
suivante indique toutes les informations susceptibles de figurer :
– sur les portes d’entrée, la nature du stockage, les restrictions d’accès et les précau-
tions générales ;
– sur le sol, la délimitation des allées de circulation pour chariots et piétons ;
– à l’entrée, le plan général de stockage ;
– sur les murs ou les extrémités des rayonnages, les interdictions ou restrictions ;
– sur chaque alvéole, la charge admissible et le type de produit prévu ;
– les prescriptions de protection individuelle ;
– les consignes d’urgence ;
– la position de tous les moyens de lutte contre le feu ;
– la position des produits absorbants, à utiliser en cas de fuite ;
– la position des douches ou lave-œil ;
– le chemin à suivre vers les issues de secours, en éclairage de sécurité ;
– les noms ou téléphones à joindre en cas d’incident.

246
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

Un bon éclairage contribue à la sécurité et facilite l’exploitation. Il faut un niveau


d’éclairement suffisant dans toutes les allées et sur toute la hauteur des rayonnages
pour :
– bien positionner les charges ;
– éviter les chocs ou accrochages lors des manœuvres ;
– identifier les produits à partir de leur étiquetage ;
– respecter les indications concernant le plan de stockage.
Compte tenu de ces contraintes, on peut situer ce niveau d’éclairement à environ
300 lux1. Pour pouvoir en assurer facilement la maintenance, il est préférable de
placer les luminaires dans l’axe des allées, de façon à les rendre accessibles depuis
une plate-forme élévatrice mobile.

m Créer des rétentions adaptées

Le rôle d’une capacité de rétention est d’une part d’empêcher qu’une fuite de
liquide dangereux rejoigne l’environnement, en particulier le milieu aquatique, et
d’autre part de limiter les conséquences internes sur les risques d’exposition et
d’accident, notamment de mélanges dangereux. Chaque local de stockage doit être
en rétention, ce qui signifie que le sol et le bas des murs font office de rétention, la
capacité étant ainsi constituée dans le local même ou déportée. On appelle capa-
cité déportée un volume placé en contrebas de la rétention et capable de contenir
les fuites par écoulement, tel que le montre le schéma suivant.

cuve de stockage

capacité de retention
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 5.5 – Capacité de rétention déportée

L’étanchéité au niveau des accès au local nécessite que les seuils soient surélevés,
le franchissement se faisant à l’aide de marches ou de rampes dès que l’on doit
utiliser un équipement roulant pour le transport des produits. Dans la mesure où

1. D’après la norme NF X35-103.

247
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

tous les produits stockés dans un local appartiennent à la même famille de compa-
tibilité, il suffira de les déposer directement sur le sol ou sur un support adéquat.
Le volume de la capacité de rétention est fixé par la réglementation des ICPE1 :
soit le volume du plus grand contenant, soit la moitié de la somme des volumes
stockés, en prenant la plus grande de ces deux valeurs. Toutefois, si les emballages
unitaires ne dépassent pas 250 litres et que leur contenu n’est pas inflammable, le
volume de rétention peut être limité à 20 % du volume total. Cette disposition
vise les installations soumises à autorisation, c’est-à-dire dépassant les volumes de
stockage minimum fixés. Mais le Code du travail donne un objectif global2 :
« L’employeur prend les mesures techniques et définit les mesures d’organisation du
travail appropriées pour assurer la protection des travailleurs contre les dangers décou-
lant des propriétés chimiques et physico-chimiques des agents chimiques. Ces mesures
portent, notamment, sur le stockage, la manutention et l’isolement des agents chimi-
ques incompatibles. À cet effet, l’employeur prend les mesures appropriées pour empê-
cher […] les risques de débordement ou d’éclaboussures, ainsi que de déversement par
rupture des parois des cuves, bassins, réservoirs et récipients de toute nature contenant
des produits susceptibles de provoquer des brûlures d’origine thermique ou chimique. »
Aucun volume minimum n’est mentionné, c’est pourquoi la règle de calcul des
volumes de rétention doit être toujours appliquée, quels que soient les volumes
concernés. Il est cependant toujours avantageux de créer des subdivisions de la
rétention au sol, sur des rayonnages, à l’intérieur d’une armoire, etc. Dans ce cas,
les rétentions placées à l’intérieur sont dites secondaires par rapport à la surface en
rétention du local, dite principale. Elles prennent souvent la forme d’un bac ou d’un
plateau. La rétention principale peut être aussi entièrement couverte par assemblage
d’éléments constituant chacun une rétention secondaire. Cette dernière formule
est très souple parce qu’évolutive et rapide à mettre en place.

rétention principale rétentions secondaires

muret

Figure 5.6 – Subdivision des rétentions

Les rétentions secondaires sont très efficaces pour limiter le périmètre de fuite, car
leur surface est bien inférieure à la rétention principale. Elles ne concernent donc
qu’un ou quelques contenants, ce qui présente l’énorme avantage de réduire la

1. Article 10 de l’arrêté du 2 février 1998.


2. Art. R. 4412-17.

248
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

surface d’évaporation constituée par le liquide répandu et de faciliter sa récupération,


en raison d’une profondeur de liquide recueilli supérieure à volume égal.
Pour les raisons évoquées précédemment, les capacités de rétention principales doivent
être réalisées en maçonnerie, spécialement avec des produits inflammables. En
revanche, les rétentions secondaires peuvent être réalisées avec des parois en acier
ordinaire ou inox si nécessaire, ou en matériau synthétique tel que plastique ou
caoutchouc, dans la mesure où il présente une résistance mécanique suffisante et
une compatibilité chimique avec le liquide contenu. Ces différents matériaux
peuvent être associés pour mieux répondre aux différents objectifs d’une rétention.
Les rétentions qui comportent des parois en matière plastique sont faciles à façonner
et offrent généralement une bonne résistance chimique. Mais elles présentent une
évidente faiblesse vis-à-vis des efforts mécaniques et, en cas d’incendie, elles ne
présentent aucune efficacité. Elles se détruiront assez vite dès le début d’incendie
et ne pourront donc plus jouer leur rôle. Les matériaux synthétiques sont donc à
proscrire en présence de matières inflammables.
La résistance des rétentions en acier, ordinaire ou inoxydable, se situe entre celles de la
maçonnerie et du plastique. En effet, une telle rétention présente une résistance
mécanique suffisante dans la plupart des cas et une résistance au feu permettant
souvent d’éviter une aggravation, du moins si l’on peut arrêter le sinistre assez rapi-
dement. Ce matériau est donc utilisable en rétention principale pour de petites
quantités stockées et en prenant des mesures supplémentaires. C’est par exemple
une solution idéale pour les stockages de produits chimiques en laboratoire, qui
doivent toujours être placés dans des plateaux réunissant des produits compatibles.

tiroir bac
acides
grilles
d’aération
bases

oxydants
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

solvants

rétention principale

Figure 5.7 – Armoire de stockage de laboratoire

Dans le cas du stockage en vrac, la hauteur des équipements fait que des fuites
peuvent très bien sortir de la rétention, même si elle a le volume adéquat, comme
cela est démontré au paragraphe 4.3.3. Pour éviter les dommages consécutifs à une

249
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

telle éventualité, spécialement pour les produits corrosifs, on peut soit respecter la
bonne distance entre le muret de rétention et la cuve, comme indiqué dans le para-
graphe cité, soit rehausser le muret par un écran anti-projection, comme indiqué sur
le schéma suivant.

niveau
maxi

45˚

écran

rétention secondaire
pompe

Figure 5.8 – Protections contre les fuites et projections

On notera aussi sur ce schéma la volonté de ramener dans la rétention toute fuite
provenant des équipements annexes de la cuve : raccords, vannes, pompes, etc.

Figure 5.9 – Rétention contenant une vanne pilotée

250
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

m Faciliter la manutention et la circulation

L’espace de circulation dans un local de stockage est un point clé de la prévention


des accidents. Il doit être déterminé en fonction du type d’exploitation prévu.
Ainsi, si la manutention est strictement manuelle, sans utilisation d’escabeau, la largeur
d’allée peut être limitée à 0,90 m. Mais si l’on utilise un escabeau ou une desserte
roulante, ou si plusieurs personnes sont amenées à se croiser, il faut une largeur mini-
male de 1,40 m1. Dès que l’on utilise des chariots, il faut tenir compte de leur largeur,
de leur rayon de braquage en charge, etc. Il est recommandé une largeur d’allée égale
à celle du chariot et majorée de 1 m. Si des croisements de chariots sont prévus, cette
largeur est égale à celle de deux chariots, majorée de 1,40 m2. Toutefois, des allées
plus étroites sont possibles lorsqu’on utilise des chariots conçus en conséquence, ce
qui implique un système de guidage et une absence de circulation piétonne.
Le plan de circulation doit faire l’objet d’une étude qui aura pour but de recher-
cher le minimum de croisements, de culs-de-sac, de carrefours sans visibilité, de
voies à double sens. Il faut en outre, dans tous les cas, une voie séparée réservée aux
piétons, si possible protégée par une barrière. Les issues de secours doivent être
bien signalées et dégagées. Les portes doivent s’ouvrir sur l’extérieur et une barre
anti-panique doit équiper le côté intérieur. Pour éviter les culs-de-sac, les extré-
mités d’allée opposées à l’entrée des chariots doivent déboucher sur une allée
piétonne de secours de largeur minimale de 0,90 m.
Pour limiter les trajets de chariots, il est souhaitable que le local de stockage soit
limitrophe du quai de chargement. Un espace doit être réservé, soit sur le quai,
soit à l’entrée du stockage, pour les livraisons en instance de départ ou de placement
en rayonnages.

palettiers
allée de secours

aire départ

quai
aire arrivée
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

portes circulation
pare- chariots
flammes circulation
piétons

bureaux

Figure 5.10 – Exemple d’organisation de la circulation

1. Code du travail R 4216-5 et circulaire 95/10 du 14 avril 1995.


2. D’après l’arrêté du 30 juillet 1974, abrogé.

251
5 • Applications particulières 5.1 Stockage

Le sol doit répondre à plusieurs critères de qualité. Le premier est une bonne planéité,
pour éviter tout choc ou vibration sur le chariot. Le second est la nettoyabilité, car
la propreté permanente des sols constitue un moyen de prévention contre les
risques d’accident et de pollution aérienne. Un revêtement synthétique est facile à
nettoyer et permet la matérialisation multicolore des surfaces dédiées et des allées
de circulation.

m Organiser une gestion des stocks

Un stockage bien conçu doit faire l’objet d’une gestion tendant à supprimer les risques
d’origine organisationnelle. Pour ce faire, il convient de :
Réduire les quantités au strict nécessaire :
Pour réduire les quantités stockées, il faut régulièrement analyser ses besoins, et
fixer le stock en fonction de la consommation, des emballages, des prix, des délais
de livraison, etc. Il faut aussi ne pas attendre pour éliminer les stocks « morts », en
l’absence de toute probabilité de réemploi. Une attribution de date de péremption
devrait être systématiquement appliquée à tous les produits, avec les alertes corres-
pondantes gérées par l’informatique. Pour éviter d’atteindre ces dates de péremption
par inadvertance, la règle du « premier entré – premier sorti » doit s’imposer.
Centraliser le stockage :
Il est important d’avoir un passage obligé unique pour tout produit entrant, quelle
que soit sa destination. Cela permet d’enregistrer les produits dans la base de
données avec toutes les informations de sécurité, de gérer le stock et de repérer les
utilisations multiples dans une usine ou une grande structure. C’est aussi un outil
pour tenter de diminuer le nombre de références commandées et simplifier ainsi le
stockage. Cet enregistrement unique est en outre le point de départ de la méthode
d’inventaire des risques par produit, la troisième citée dans le paragraphe 3.1.2.
Adapter la nature des emballages au mode d’utilisation (volume et fréquence) :
Le choix du type d’emballage pour les produits chimiques est un point clé de la
prévention, souvent oublié. Le choix est souvent fait en fonction du prix, alors que les
économies réalisées sont sans commune mesure avec le coût des dysfonctionnements
qu’un mauvais choix peut engendrer. Le premier des choix doit se faire entre les
emballages unitaires et le vrac. Lorsque les quantités consommées sont très faibles,
ou au contraire très importantes, le choix s’impose de lui-même. Dans les quantités
intermédiaires, par exemple entre 100 kg et 10 tonnes par mois, les deux modes
sont possibles. L’emballage unitaire est pratiquement obligatoire pour les solides. Il
convient bien aux utilisations peu fréquentes, ou avec des produits délicats ou très
dangereux. Jusqu’à 30 kg, ils sont faciles à manipuler, mais au-delà, ils exigent des
moyens de manutentions mécaniques et de soutirage. Le vrac a l’avantage d’éviter
toute manutention, y compris dans les utilisations très fréquentes, de bien se prêter aux
automatismes, et l’inconvénient de demander des investissements. C’est en outre
un moyen d’approvisionnement peu flexible. Des opérations de sous-conditionne-
ment fréquentes sont le signe d’une erreur de choix de conditionnement. D’autres
critères interviennent, comme la disponibilité, les moyens de livraison, la qualité,
la stabilité, etc. ; seule une approche globale conduira au meilleur choix.

252
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

5.2 Industrie chimique et pharmaceutique


Ce qui caractérise l’industrie chimique, c’est à la fois la diversité des produits mis
en œuvre, la technicité des procédés et les quantités de produits utilisées.
La diversité vient du fait que l’on utilise des produits qui n’ont pas d’autre intérêt
que de servir de matière première à des réactions chimiques. Ces produits sont
donc souvent des substances complexes et rares, que l’on ne trouvera jamais dans
des préparations présentes sur le marché. Elles peuvent donc facilement engendrer
des dangers assez importants, sur lesquels les connaissances sont limitées. Cela
conduit à des cotations de danger élevées, notamment pour les principes actifs
pharmaceutiques et leurs intermédiaires.
La technicité des procédés est le fondement de l’industrie chimique. Le but étant une
transformation des molécules par des moyens physiques et chimiques associés, on
utilise souvent des états physiques hors standard, notamment en températures et en
pressions. Le travail sur des liquides, des solides et des gaz implique du matériel très
spécialisé, tant du point de vue de son efficacité que de sa sécurité de fonctionnement.
Enfin, les quantités utilisées sont à l’échelle des marchés en aval, d’autant plus que c’est
en majorité une industrie d’investissement lourd qui évolue vers de grandes struc-
tures concentrant les moyens de production. Le stockage amont et aval de la trans-
formation est déjà un problème important à lui seul (voir paragraphe précédent).
La prévention des risques chimiques dans l’industrie chimique n’échappe pas aux
règles générales développées précédemment, malgré la complexité apparente des
installations. Les moyens mis en place sont évidemment très divers et, pour beaucoup,
spécifiques à ce domaine, mais la logique conduisant à leur choix reste la même,
que l’on soit dans la chimie fine, les biotechnologies, ou la chimie lourde telle que
la pétrochimie ou la production d’engrais. Nous allons en développer quelques aspects
caractéristiques.
Tout d’abord, les aspects chroniques et accidentels du risque chimique doivent
être abordés avec la même rigueur, même si les contraintes réglementaires associées
ne sont pas les mêmes. En effet, le volet accident est familier dans la production
des produits chimiques par le biais des études de dangers, notamment exigibles dans
les dossiers de déclaration ou d’autorisation des ICPE, alors que le volet exposition
chronique est abordé par le biais du document unique ou du rapport annuel du
service de santé au travail, qui ne présentent pas les mêmes exigences. Examinons
maintenant ce premier aspect du risque de l’industrie chimique.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

5.2.1 Expositions chroniques


La phase d’évaluation des risques peut être conduite exactement selon la procé-
dure générale décrite précédemment, c’est-à-dire en suivant soit les postes, soit les
procédés, soit les produits pour identifier toutes les expositions possibles, l’idéal
étant de croiser les trois méthodes. C’est au stade de la prévention que des particu-
larités apparaissent.
m La substitution
La phase de recherche des mesures de prévention pour chacun des risques identifiés,
et ils seront probablement nombreux, commence par la recherche de substitution

253
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

des substances les plus dangereuses. Il y a deux catégories de produits dans un


procédé : ceux qui participent à la structure des molécules, appelés produits inter-
médiaires, et ceux qui n’interviennent que dans le fonctionnement des réactions,
tels que solvants, catalyseurs et réactifs ; la limite entre les deux est parfois impré-
cise. La substitution est évidemment plus difficile dans la première catégorie, mais
pas impossible. Ainsi, il est très difficile de fabriquer un produit benzénique sans
partir d’un autre produit benzénique, mais il est nettement plus facile de remplacer
le benzène utilisé comme solvant par un solvant moins dangereux, le toluène par
exemple. Dans les deux cas, cette solution nécessite de modifier le procédé, après
avoir réalisé les études qui s’imposent. L’hypothèse d’une substitution se pose aussi
pour les sous-produits de réaction, d’où la nécessité d’entamer la démarche de
prévention dès le développement d’un procédé de fabrication.
Encore faut-il avoir des informations fiables sur les dangers des produits. L’étiquetage
est généralement suffisant pour les plus courants. Dès que l’on aborde le domaine
des intermédiaires de synthèse, le problème se complique, car ils ne figurent souvent
pas dans la liste des produits classés. On peut alors prendre le niveau maximum,
« par précaution », ce qui peut conduire à une surprotection. Un moyen terme
consiste à rechercher les informations et à faire des estimations. Pour les dangers
toxicologiques, on peut, et on doit, procéder à une large recherche bibliographique
et à des analogies. La réglementation recommande dans ce cas un classement
« volontaire » de la part du producteur. Une méthodologie est proposée dans notre
ouvrage Guide du risque chimique. Dans un proche avenir, la mise en place du
système REACH conduira à disposer d’informations plus complètes.

m L’intérêt des systèmes clos

La deuxième solution de prévention à envisager après la suppression-substitution,


que celle-ci ait été réalisée ou pas, est la suppression des expositions. Le seul moyen
de la rendre totale est de recourir au système clos, pour reprendre l’expression des
textes réglementaires visant les produits dits « CMR ». Mais il n’y a pas de définition
précise d’un système clos. Il faut déjà distinguer les systèmes temporairement clos
des systèmes intrinsèquement clos. Les premiers sont « ouvrables » dans leur fonc-
tionnement normal et les seconds ne le sont qu’en cas de dysfonctionnement. Pour
illustrer ce propos, nous dirons qu’un emballage, tel qu’un fût ou un conteneur, est un
système temporairement clos, alors qu’une pompe de transfert liquide est généra-
lement un système intrinsèquement clos. Les réacteurs classiques de l’industrie
chimique, habituellement munis d’un trou d’homme et d’une vanne de vidange,
peuvent être classés dans les deux catégories, suivant les conditions de leur utilisation.
Ce sera le cas d’un certain nombre d’équipements, tels qu’essoreuses, broyeurs,
filtres, etc.
Les systèmes temporairement clos sont évidemment préférables aux systèmes ouverts,
mais ils donneront lieu à des expositions temporaires qu’il faut bien inventorier.
Les systèmes intrinsèquement clos suppriment par nature les expositions, mais
leur ouverture, toujours possible en cas d’incident, doit se retrouver dans la liste des
événements dangereux prévisibles. Ce n’est pas un inconvénient quand c’est prévu.
D’autre part, on voit bien l’intérêt d’agir sur le procédé et l’équipement pour faire
passer des appareils de la première catégorie à la seconde. Quel que soit le niveau

254
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

de clôture du système, il restera, dans toute installation, des ouvertures nécessaires


pour les entrées de produits et pour leurs sorties. Ces points feront l’objet d’une
attention particulière. Cela démontre l’importance des services d’ingénierie et de
génie chimique dans la prévention, à l’instar du développement.

m La réduction des émissions

Il existe encore, notamment dans la petite industrie chimique, des procédés où les
produits ont l’occasion de passer à l’air libre et donc de créer des expositions, prin-
cipalement respiratoires. Certains solvants, mais aussi des acides et des bases volatils,
ont de fortes pressions de vapeur capables de produire des concentrations atmo-
sphériques élevées en peu de temps. Des produits dangereux peuvent aussi être
générés par le procédé lui-même. Lorsqu’il s’agit de vapeurs ou de gaz, le risque
induit est assez élevé. Certaines réactions chimiques génèrent des produits à haut
niveau de danger, tel du cyanure d’hydrogène, du monoxyde de carbone, de
l’hydrogène, etc.
Ce problème gagne à être résolu au niveau du procédé, avant d’envisager des modi-
fications d’installation ou des systèmes de captage. Cette dernière solution vient
souvent en premier, alors que nous avons vu les inconvénients qu’elle entraîne
(voir paragraphe 4.3.6). Il est vrai que les phénomènes d’émission de vapeurs ou
de poussières ne se découvrent dans toute leur ampleur qu’au stade industriel et
sont souvent sous-estimés au stade de la recherche ou du développement.
Néanmoins, de petites émissions de vapeurs, de poussières ou d’aérosols peuvent
faire l’objet d’un captage à la source, en respectant bien les règles de l’art en la
matière. Les systèmes plus ou moins mécanisés de transfert des produits liquides
ou solides réduisent grandement les émissions, ce qui limite les débits de captage
exigibles. Le niveau de danger des produits manipulés peut conduire à une protec-
tion respiratoire redondante, telle que masque à cartouche, ou mieux, cagoule à
adduction d’air.
EXEMPLE DE RÉDUCTION D’EXPOSITION PAR LE PROCESS :
Cet exemple réel illustre bien ce point important de la démarche de prévention. Dans les années 1970,
une petite entreprise fabriquait du glycocolle, ou acide amino-acétique, à partir d’acide mono-
chloracétique par la réaction suivante :
Cl-CH2-CO2H + 2 NH3 = NH2-CH2-CO2H + NH4Cl
Cette réaction très simple est catalysée par de l’hexaméthylène-tétramine (HMT) et utilise de
l’ammoniac à l’état liquide, en excès. Quand la réaction, conduite par batch, est terminée, le milieu
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

réactionnel est introduit dans une grande quantité de méthanol qui provoque la précipitation du
glycocolle. Le chlorure d’ammonium formé reste en grande partie soluble dans le mélange hydro-
alcoolique. Mais ce mélange relargue alors tout l’ammoniac excédentaire qui restait soluble dans le
milieu réactionnel. Ce dégagement massif d’un gaz très volatil créait une pollution importante et
difficile à maîtriser de l’atmosphère de travail, malgré les différents captages de vapeurs mis en place.
Cette pollution diffuse se poursuivait au moment de l’essorage du glycocolle et de son séchage.
Face à ce problème, la première solution tentée a été de renforcer les moyens de captage. Compte
tenu de l’ensemble des difficultés que cette solution générait, l’entreprise s’est tournée vers une
révision du process. Après étude au service développement, il s’est avéré qu’une simple neutralisation
du mélange final à l’acide chlorhydrique supprimait tout dégagement d’ammoniac, sans nuire aux
résultats. Il a donc été installé un circuit d’introduction d’acide chlorhydrique en solution concentrée,
au moyen d’une pompe doseuse pilotée par un pH-mètre. Les conditions de travail de l’atelier ont

255
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

été transformées radicalement et définitivement. Le rendement de précipitation du glycocolle s’en


est même trouvé amélioré, du fait de l’augmentation de la concentration du mélange en chlorure
d’ammonium.

m La réduction des contacts cutanés

Il arrive que la manipulation des produits se fasse à l’air libre, ce qui rend possible
le contact direct avec les personnes. C’est notamment le cas à l’entrée et à la sortie
d’un système clos. Mais les installations de production sont parfois largement
ouvertes. En effet, une solution de prévention est toujours un compromis entre
l’efficacité de protection et le coût des moyens nécessaires. Ainsi, pour un produit
à faible valeur ajoutée, ou en très faible tonnage, ou utilisé rarement, il peut être
financièrement difficile de concevoir un système clos. Cela est particulièrement
vrai pour les produits pulvérulents ou visqueux, en raison de leur relative inapti-
tude à l’écoulement, ce qui rend les systèmes clos difficiles à concevoir pour de
petites quantités.
Pour éviter les contacts cutanés, il faut des outils, manuels ou mécaniques, éloi-
gnant l’opérateur du produit. Citons toutes sortes de pelles, raclettes, récipients
verseurs, généralement bien conçus pour cet usage. Au-delà, il existe pour les fûts
des systèmes de transfert de produit par aspiration ou par pompe, fixe ou mobile, ou
des installations de transport pneumatique. En fonction du danger, il faut compléter
la protection par le port de gants, de visières, de vêtements protecteurs, etc.

m Le transfert des poudres

Une des phases opératoire les plus exposantes dans l’industrie chimique est le
transfert des produits pulvérulents. C’est une opération nécessitée, par exemple,
par le chargement des cuves et des réacteurs, des mélangeurs, et par le déchargement
des appareils de séchage, etc. Les émissions de poussières sont aussi présentes lors
des pesées, mais plus modérément.
Pour éviter la double exposition respiratoire et cutanée qui en résulte, il faut se
tourner à nouveau vers le principe du système clos, parce qu’il ne nécessite pas de
ventilation. En partant du fait que la grande majorité des pulvérulents sont condi-
tionnés en sacs, en fûts ou en conteneurs (souples ou rigides), la solution est de
mettre en place une interface entre le conditionnement et l’installation fixe qui
permette au produit de passer de son emballage au système en restant à l’intérieur
d’une enceinte. Les poussières ne se mettent en suspension que si une poudre se
déplace dans l’air. Il en résulte les règles suivantes, valables pour les sacs et les fûts :
– ouvrir l’emballage au repos ;
– placer l’emballage dans une enceinte de transfert ;
– refermer l’enceinte de façon étanche.
Ou :
– fixer une enceinte sur l’emballage de façon étanche ;
– assurer une jonction étanche avec le système ;
– provoquer le glissement du pulvérulent dans le système ;
– refermer le système et retirer l’emballage vide après une légère ventilation pour
éliminer les poussières restant dans l’enceinte de transfert.

256
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

Globalement, il s’agit de la technique du sas, utilisée dans les procédés à risque. La


réalisation pratique de ce principe varie beaucoup avec chaque cas concret. Nous
ne donnerons que ce schéma pour l’illustrer :

vannes
enceinte étanche réacteur

fût

Figure 5.11 – Transfert de poudre sans poussières

Dans le cas des sacs, il existe même des dispositifs pour couper le sac après sa mise
en place dans l’enceinte. On voit bien que ce système permet de travailler avec des
produits relativement dangereux en gardant des niveaux d’exposition négligeables.
De plus, le transfert peut être plus facilement réalisé sous atmosphère contrôlée,
en particulier inerte. Cette technique est encore meilleure si l’on utilise la variante
suivante.
Le pulvérulent est souvent chargé pour être mis en solution ou en suspension dans
un récipient agité. Il est parfois possible, si la nature du solvant le permet (notamment
avec l’eau), d’utiliser ce solvant pour entraîner la poudre vers la cuve, sous forme
de solution ou de suspension. Cela peut se faire directement dans l’emballage, s’il
s’y prête, ou dans une enceinte du type évoqué plus haut. Cette solution s’avère
alors plus aisée à réaliser.
Dès que les consommations sont importantes, elles se font à partir de conteneurs
et surtout de stockage en vrac. Dans ce cas, il faut un dispositif fixe de transfert des
poudres entre le stockage et le point d’utilisation. Un grand nombre de solutions tech-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

niques existent, telles que les convoyeurs à bande, à vis sans fin, à godets, et le transport
pneumatique avec toutes ses variantes. Le choix du type de transfert est délicat,
parce qu’il dépend beaucoup des caractéristiques physico-chimiques du produit.
Du point de vue sécurité, il faudra un examen sérieux du risque d’explosion.
Heureusement, la plupart de ces équipements peuvent être clos et même étanches.
Le point critique des systèmes de transfert des produits pulvérulents réside dans les
opérations de maintenance. Elles peuvent être fréquentes, motivées d’une part par
de l’entretien préventif ou des incidents techniques, d’autre part par la nécessité d’un
nettoyage approfondi exigé en cas de changement de produit transporté. C’est géné-
ralement l’occasion de fortes expositions, compte tenu de la quantité de produit
restant piégé par l’installation. Cela veut dire qu’il faut toujours se pencher sur

257
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

l’intégration de la maintenance dans la conception de l’installation. Le niveau de


danger du produit est déterminant dans le choix du type de transfert.
Contrairement aux premières impressions, beaucoup de solutions sont possibles
pour utiliser des poudres sans risque, à condition de respecter le principe de ne pas
soumettre une poudre à un mouvement à l’air libre. Un exemple de solution est
fourni par le conditionnement de certains réactifs en sacs solubles en milieu organique,
tels que des alcoolates alcalins.

m Particularités de la production pharmaceutique

La fabrication pharmaceutique comporte des opérations physiques parfois complexes


destinées à présenter un principe actif dans une formulation particulière. La plus
grande partie des principes actifs sont obtenus sous forme pulvérulente, c’est pour-
quoi cette industrie expose plus particulièrement ses opérateurs à des poussières, si
des mesures spéciales ne sont pas prises. L’efficacité recherchée doit être très élevée
quand on sait la faiblesse des doses actives de certains principes. La première mesure
est donc de bien connaître les valeurs limites d’exposition d’activité, exprimées en
mg par m3. Comme indiqué à la fin du paragraphe 2.3.5, les modalités pour
établir ces valeurs ainsi que leur classement sur une échelle de danger ont fait
l’objet d’un accord au sein de la profession1.
Même une exposition d’un niveau négligeable ne peut être tolérée pour de tels
produits, ce qui conduit pratiquement à imposer le système clos sur tout le cycle
de fabrication. Heureusement, la valeur ajoutée de ces produits autorise les inves-
tissements correspondants. La production est d’ailleurs très largement confinée,
mécanisée, voire automatisée, ne serait-ce que par respect de l’assurance qualité de
haut niveau qui est exigée dans cette industrie. Il faut alors repérer les quelques
failles dans le système clos qui pourraient occasionner des expositions sensibles.
Elles se situent d’abord au début du process, à l’occasion des prélèvements, des
pesées, ou des transferts, surtout si le niveau de danger du principe actif est jugé
faible, à tort ou à raison. Les solutions sont disponibles et très variées, certaines
ayant été évoquées au paragraphe 5.2.1. Une fois le problème bien posé, la solution
est affaire de spécialistes.
L’expérience montre que le risque majeur d’exposition aux principes actifs se présente
lors des interventions de maintenance et surtout de dépannage. Des facteurs tels
que la complexité des chaînes de production ou le respect des procédures qualité
exercent une pression sur les interventions et peuvent conduire à des prises de risques.
En effet, en cas d’incident de fonctionnement, un système clos devient ouvert et ne
dispose pas de toutes les protections qui devraient logiquement être en place. Une
machine de production brusquement arrêtée contient parfois des quantités impor-
tantes de produit en cours de transit. Par contact direct ou par mise en suspension,
les expositions instantanées qui en résultent sont bien au-delà des valeurs limites,
comme l’ont montré certaines études2. Ce constat dicte la principale mesure de

1. Risques d’exposition aux principes actifs pharmaceutiques et médicaments, note technique n˚ 21, caisse
régionale d’assurance maladie d’Île-de-France.
2. On peut consulter en particulier : La prévention du risque toxique lié à la fabrication des médicaments,
DMT (dossier médico-technique) 75 TC 69.

258
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

prévention, à savoir une AMDE approfondie des installations, dont il sera possible
de déduire :
– quels dispositifs d’élimination des produits contenus sont à intégrer dans les
équipements ;
– comment organiser les interventions en toute sécurité.
Nous rappelons à cette occasion que le captage des poussières, s’il paraît simple et
efficace, repousse en fait le problème au niveau du système de ventilation et filtration.
5.2.2 Accidents
En plus des risques classiques d’exposition massive et d’incendie-explosion, l’industrie
chimique doit faire face au risque d’accident de process. Il consiste en une perte de
contrôle du procédé, avec ou sans emballement de réaction, pouvant conduire à
une ouverture imprévue du système suivie de projections, d’émanations massives
et d’explosions. En fait, on reste dans le cadre de deux types classiques d’accidents
chimiques, la particularité venant du déclencheur, qui se situe dans la maîtrise du
process. La démarche de prévention intègre donc cet aspect.
La méthodologie dit qu’il faut d’abord utiliser des produits moins dangereux. Mais
ici la liste des dangers à prendre en compte est plus large que dans le cadre de la
prévention des expositions. Il faut ajouter les dangers d’inflammabilité, de réactivité,
d’instabilité et de toxicité aiguë. Pour certains intermédiaires, les données risquent
de manquer pour situer ces dangers. Pour les dangers physico-chimiques, il est
relativement aisé de réaliser des tests en laboratoire plus ou moins normalisés, le
but étant d’avoir une information suffisante pour prendre une décision. Ces tests
doivent conduire à un étiquetage, ou à un ré-étiquetage, de tous les produits, même
temporairement isolés. Certains ouvrages1 fournissent des outils pour y parvenir.
Notons qu’il n’existe pas de phrase de risque générale « forte réactivité », mais il
n’est pas interdit d’en créer une en « interne ».
m Le confinement
La phase suivante consiste à éviter les situations dangereuses. Cela revient à conce-
voir les installations de façon à rendre improbable la présence humaine en zone
dangereuse. Ce principe est à la base de la conception de l’espace de production
par cercles concentriques à risque décroissant, alors que la présence humaine décroît
en sens inverse, selon le schéma suivant :
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Risque faible
Risque
négligeable Présence occasionnelle

Présence Risque élevé


permanente
possible Présence exclue en fonctionnement

Figure 5.12 – Principe de confinement dans la conception des locaux

1. Notamment le Guide du risque chimique, Dunod, 2006.

259
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

– La zone à risque négligeable correspond par exemple à une salle de contrôle ou


à des bureaux.
– La zone à risque faible correspond à un local technique permettant la mainte-
nance en fonctionnement.
– La zone à risque élevé correspond aux installations de production.
La réalisation pratique doit respecter l’objectif de cette solution, à savoir : ne
provoquer aucun dommage humain en cas de survenue d’un événement dange-
reux dans le process. Cela suppose des séparations physiques efficaces entre les
zones, avec, en fonction des niveaux de risque, des communications par sas. On
retrouve ici la même logique que pour le fonctionnement en assurance qualité, ce
principe pouvant être qualifié « d’assurance sécurité ».
Nous en percevons la principale difficulté : dès que le niveau de risque est non
négligeable, il ne doit y avoir personne dans les locaux de production en fonction-
nement. Le respect de cette règle passe par un haut niveau d’automatisme ou de
télécommande, ce qui suppose des investissements importants. Cette solution se
rencontre, mais seulement en partie, dans la chimie lourde et la chimie très fine.
m La maîtrise des procédés
Il faut ensuite réduire la probabilité des événements dangereux, surtout si l’on ne
peut pas supprimer une situation dangereuse. Cela veut dire d’abord sécurisation
du process. Pour y arriver, il faut engager toutes les études adéquates afin d’identifier
les paramètres critiques et surtout les intervalles de confiance. Combien de modes
opératoires indiquent, par exemple, une température de réaction à respecter et
précisent les conséquences des écarts de cette température ? L’expérience montre
en effet que le respect absolu d’une consigne est impossible et que les opérateurs
s’autorisent obligatoirement une marge d’erreur.
Les études doivent aussi permettre de juger de l’efficacité des manœuvres de rattrapage
d’incidents, ne laissant ainsi pas de part à l’improvisation, qui malheureusement
consiste souvent à pénétrer en zone dangereuse. Le principe d’interruption du
scénario dangereux comporte de nombreuses solutions, qui, mises en place simul-
tanément, font chuter la probabilité et la gravité du dommage final. Dans cette
catégorie, on peut citer tous les systèmes intelligents de surveillance de process, de
blocage de réaction, de confinement ou de refroidissement rapide, d’extinction
intégrée, de décompression instantanée et de confinement des projections. Mais tous
ces dispositifs ne relèvent que de l’interruption d’événement, alors que la meilleure
solution est de les rendre le moins probables possible. Nous allons voir que le système
intrinsèquement clos réalise facilement cet objectif.
EXEMPLE :
Reprenons l’exemple (étude de cas n˚ 3) de l’accident de process décrit pour illustrer la méthode de
l’arbre des causes au paragraphe 2.5.4. L’arbre, une fois établi, avait montré six facteurs principaux
ayant concouru à la survenue de l’accident par brûlure grave :
• nouvel opérateur en charge de la réaction ;
• débit de réactif très supérieur à la consigne ;
• emballement de la réaction ;
• montée rapide en pression ;
• décompression brutale et arrivée d’air dans le réacteur ;
• pilotage à vue.

260
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

Ces facteurs, très classiques, suggèrent globalement que l’analyse de risque sur cette réaction n’avait
pas été faite au préalable. En particulier, les propriétés du borohydrure de sodium conduisent à
imaginer facilement ce type de dérive de réaction. Une telle analyse aurait permis de mettre en
place les quelques mesures correspondantes qui auraient rendu l’accident impossible :
• La conduite de la réaction est à réserver à une personne expérimentée, qui peut toutefois très
bien encadrer un débutant dans le poste.
• Un débit précisé dans un mode opératoire doit faire l’objet d’une mesure en continu, et non pas
reposer sur un repère de réglage de la pompe.
• Des capteurs de pression et de température doivent être placés dans le réacteur et dans les
conduites de vapeurs, afin d’alerter précocement de tout début de dérive.
• Des soupapes tarées de décharge de pression sont installées pour éviter une rupture trop rapide
du disque, du moins quand une possibilité de dégagement gazeux existe.
• Un inertage à pression positive maintenue évite toute formation d’atmosphère explosive.
• Les réactions dangereuses sont réalisées en espace confiné et leur pilotage est assuré à distance à
partir d’un local protégé.
Une seule de ces mesures aurait empêché l’accident de se produire et l’ensemble des six mesures
empêcherait tout autre accident.

m Le développement des procédés

L’exemple précédent démontre, si cela doit l’être encore, la nécessité d’intégrer la


sécurité dès la recherche et le développement des procédés. L’objectif de sécurité
est en fait double : sécurité des essais en cours et sécurité du procédé industriel à terme.
Le premier objectif demande de connaître tous les paramètres influents et d’en
mesurer les effets. Cela suppose des plans d’expériences. On peut aussi procéder
par calcul, grâce à la méthode CHETAH1, qui permet, à partir de la seule connais-
sance des formules chimiques, d’évaluer a priori les risques dus à la réactivité des
composés et des réactions chimiques sans avoir à recourir à l’expérience. La réactivité
et l’instabilité d’un composé ou d’un mélange de réactifs sont estimées à partir des
4 critères suivants :
– enthalpie de décomposition ;
– différence entre l’enthalpie de composition et de décomposition ;
– le bilan d’oxygène (possibilités d’auto-oxydation de la molécule) ;
– une équation empirique basée sur la masse moléculaire et le nombre d’atome
dans la molécule.
À chaque critère correspondent trois niveaux de danger : faible, moyen, élevé. L’analyse
de l’ensemble des critères permet d’évaluer le danger du composé ou du mélange.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Cette analyse préalable permet de concevoir le montage destiné aux essais qui va
intégrer des mesures pour tous les événements dangereux envisageables. Ces mesures
s’inspirent des principes de confinement et de pilotage à distance, qui sont utilisables
depuis le laboratoire grâce aux dernières technologies disponibles. Ce point est une
occasion de remettre en cause le recours systématique au verre comme matériau de
base du matériel de chimie, du laboratoire jusqu’aux équipements industriels,
notamment dans la chimie fine. Son succès repose sur deux avantages, la résistance
chimique et thermique et la transparence, en négligeant son principal inconvénient :

1. Chemical Thermodynamic and Energy Hazard Evaluation, diffusée par l’ASTM (American Society of
Testing Materials), www.astm.org.

261
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

la fragilité. Il est aujourd’hui possible et indispensable de supprimer ce risque, en


utilisant d’autres matériaux, non fragiles, et en remplaçant la vision humaine par
des informations issues de capteurs. Ce changement n’est pas toujours facile, parce
qu’il n’est pas uniquement technique. Il implique une évolution dans le comportement
des chercheurs.
Le deuxième objectif est de tester les mesures de prévention du stade industriel. Une
fois tous les paramètres de conduite du procédé fixés et le génie chimique appliqué,
il est utile de vérifier comment le procédé réagit au pilotage à distance, au passage
en continu, ainsi qu’aux entrées et sorties des agents chimiques. Cela suppose une
installation pilote, dont l’échelle est déterminée par divers facteurs tels que la taille
de l’installation finale, sa complexité, l’expérience acquise, etc.
Le Bureau d’analyse des risques et pollutions industrielles (BARPI), implanté à
Lyon, s’intéresse particulièrement aux accidents de process. En collaboration avec
les représentants de l’industrie de chimie fine et les autorités compétentes, il a publié
un recueil de recommandations1, dont les titres de chapitres sont :
– Procédé (recommandations 1 à 7)
– La conception et la réalisation des installations (recommandations 8 à 27)
– L’exploitation des installations (recommandations 28 à 36)
– Le facteur humain (recommandations 37 à 42)

m Les procédés continus

Un procédé de fabrication chimique prend presque toujours naissance dans un


laboratoire. Cela signifie que les opérations sont réalisées sur de petites quantités,
très souvent inférieures au kilogramme. Lorsqu’on décide de passer en production
industrielle, on a tendance, dans les petites structures, à en faire une extrapolation
directe, en adaptant le mode opératoire de laboratoire au matériel disponible : réac-
teurs, filtres, distillateurs et autres sécheurs. Cette méthode comporte des avantages :
d’une part, la production industrielle est rapidement disponible, même après un
développement pour optimiser les traitements, d’autre part, le matériel reste assez poly-
valent, ce qui limite les investissements. Elle a aussi des inconvénients, par exemple
la productivité réduite, mais celui qui nous intéresse ici concerne la sécurité. En
effet, la production « par batch », qui signifie qu’on accumule une importante
masse réactionnelle dans un réacteur, a pour effet de décupler la gravité d’un inci-
dent, notamment par effet de masse et par une faible efficacité du refroidissement.
C’est ce type d’effet, survenu dans un réacteur contenant des chloro-phénols, qui
est à l’origine de la catastrophe de Seveso en Italie.
Si la masse est un facteur aggravant du risque, il faut l’éviter. La solution est le
recours au process en continu. Rappelons que « le continu » consiste à conduire
une réaction dans un petit volume continûment renouvelé par un flux de réactifs.
Dans ce type de réacteur continu, le rapport entre le débit et le volume détermine
un temps de séjour moyen, que l’on règle pour que la réaction atteigne le rendement
recherché. On peut alors utiliser un volume réactionnel sans commune mesure avec
les quantités produites et obtenir un meilleur contrôle des paramètres réactionnels.

1. http://aria.ecologie.gouv.fr/barpi_stats. gnc

262
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

Cette solution permet en outre de travailler en système intrinsèquement clos, ce qui


en fait la réponse idéale pour la maîtrise des risques, tant chroniques qu’accidentels.
En particulier, il apporte une réponse efficace au problème posé par les atmosphères
explosives, qui est l’obsession des services de sécurité de l’industrie chimique. Si
l’on peut passer à un système intrinsèquement clos, il n’y a plus de zone atex, et les
purges préalables du système sont d’autant plus faciles avec une installation travaillant
en continu.
Bien entendu, le process continu n’est pas toujours possible et nécessite des études
lourdes et souvent coûteuses, c’est pourquoi il faut estimer son intérêt sur le long
terme. Même si l’on reste sur un procédé discontinu, il est possible de conserver le
principe d’isolement de la zone dangereuse.

m Le pilotage à distance

Confiner la zone dangereuse suppose que les commandes et les mesures indispen-
sables soient réalisées à distance. Les technologies correspondantes sont très évoluées
tout en étant facilement disponibles. Les obstacles au développement de ce principe
sont plutôt d’ordre comportemental, car les chimistes utilisent beaucoup l’infor-
mation visuelle pour piloter les réactions. Mais une fois mis au point et stabilisé,
un mode opératoire est parfaitement reproductible, à condition de connaître tous
les paramètres influents. Il ne reste ensuite qu’à choisir les bons capteurs et les bons
actionneurs pour piloter les réactions sans être au contact du matériel, sachant que
la vision peut même être substituée au besoin par de la vidéo.
Les avantages du pilotage à distance sont nombreux. L’électronique offre des possi-
bilités de surveillance continue des paramètres invisibles, tels que la viscosité du
milieu, son pH, son absorption en ultraviolet, sa résistivité, etc. Cette richesse de
mesures fait que le pilotage à distance des réactions apporte, outre la sécurité en cas
d’incident, une meilleure maîtrise du procédé et donc une parfaite reproductibilité.
Des réactions peuvent être totalement gérées par un automate. Ainsi, que le process
soit continu ou discontinu, le pilotage à distance autorise le système clos, objectif
final de la sécurité avec des agents chimiques dangereux. Enfin, si malgré tout le risque
incendie et explosion demeure, il est possible de prévoir de l’inertage ou des moyens
d’extinction massifs dans un local où aucune présence humaine n’est tolérée en
fonctionnement. Les avantages sont tellement importants que ce principe mérite
d’être déjà appliqué au stade des études en laboratoire et du développement.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

EXEMPLE DE PASSAGE D’UN PROCÉDÉ AU CONTINU :


Cet exemple illustre à la fois le passage au continu d’un procédé initialement en batch et l’utili-
sation d’un système intrinsèquement clos, ce qui est souvent la règle. Il s’agit de la fabrication de
phosphate d’alumine, de qualité pharmaceutique. Pendant des années, où sa production était rela-
tivement réduite, il était fabriqué en faisant réagir une solution de phosphate trisodique avec une
solution de sulfate d’alumine, selon le schéma suivant :
2 Na3PO4 + Al2 (SO4) 3 = 2 AlPO4 + 3 Na2SO4
Le phosphate d’alumine précipite sous forme colloïdale et doit être filtré (difficilement !) et lavé. Le
phosphate trisodique était livré en sacs, et le sulfate d’alumine en solution. Il fallait dissoudre le
phosphate dans l’eau au préalable. Cette méthode, très simple et bon marché, était néanmoins
coûteuse en main d’œuvre, avec des conditions de travail pénibles, et cela pour une qualité variant

263
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

d’un batch à l’autre. La précipitation très épaisse du phosphate d’alumine rendait son homogénéité
aléatoire sur des batch de plusieurs tonnes.
Des études, provoquées par le développement de ce principe actif, ont conduit à revoir complète-
ment le procédé dans le but de le rendre continu. Pour cela, il fallait évidemment des réactifs
uniquement liquides. Il n’a pas été difficile de trouver du sulfate d’alumine en solution, puisqu’il
est produit principalement sous cette forme. Quant au phosphate trisodique, il a été tout simple-
ment remplacé par ses précurseurs, à savoir de l’acide phosphorique et de la lessive de soude, tous
deux concentrés. Le mélange des trois produits, selon un mode opératoire plus difficile à mettre au
point qu’il ne paraît, donne effectivement un phosphate d’alumine de très bonne qualité. Le
passage au continu était dès lors possible, moyennant le développement d’un réacteur continu de
forme annulaire, équipé des systèmes de contrôle-commande adéquats. Entrent simultanément
dans ce réacteur d’une part un mélange d’acide phosphorique et de sulfate d’alumine, d’autre part
la solution de soude. Il en sort en continu une suspension de phosphate d’alumine, que l’on envoie
sur un filtre continu. Le mélange initial acide est bien sûr préparé par batch de grand volume, ce
qui permet de déterminer un numéro de lot pour le produit final formulé, indispensable pour le
suivi qualité. Cette installation mono-produit est complètement close, et n’est arrêtée et ouverte
que pour la maintenance annuelle.

phosphate d’alumine

acide phosphorique
+ sulfate d’alumine Réacteur en boucle

soude

Figure 5.13 – Schéma de fabrication du phosphate d’alumine en continu

Le gain réalisé en matière de prévention est considérable, aussi bien pour les expositions que pour
les accidents. Comme c’est souvent le cas avec ce système, un gain de qualité et de régularité a aussi
été observé, sans parler de l’amélioration des conditions de travail, puisque toute manutention a
pratiquement disparu, du moins au stade de la production chimique.

m Particularités du stockage des produits

Les établissements de production chimique, et ils ne sont pas les seuls, se caractérisent
par la quantité, la diversité et le niveau de danger des produits qu’ils sont amenés à
stocker, en amont comme en aval de la fabrication. Cette situation dangereuse
exceptionnelle appelle des mesures renforcées de prévention. La première, qui
applique le principe d’éloignement, consiste à constituer un parc de stockage pour
les emballages unitaires et un autre pour le vrac. Selon les dimensions utiles et la
nature des produits, ces parcs peuvent être plus ou moins abrités des intempéries.
Situés à une distance de sécurité des ateliers, ils leur sont reliés par un rack de tuyau-
teries, conçu pour faciliter la maintenance. Ils sont agencés par famille de compa-
tibilité et la signalisation en est particulièrement soignée, tant pour l’identification

264
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

des produits que pour les dangers associés. Les rétentions sont réalisées pour bien
protéger de tous les risques de projection, comme détaillé au paragraphe 5.1.2.
De telles installations de stockage supposent des mouvements de véhicules fréquents :
des véhicules routiers en amont et des chariots élévateurs en aval. Le croisement de
ces deux groupes de véhicules doit être impossible en fonctionnement normal.
Pour les emballages unitaires, les aires de manœuvre sont largement dimensionnées,
notamment pour pouvoir réaliser des rampes de franchissement des murets de
rétention avec une pente modérée. Le schéma suivant montre certaines des recom-
mandations évoquées.

sprinkler luminaire

portes
pare-flammes

palettiers jumelés informations rampes pour rétentions

Figure 5.14 – Schéma général d’un local de stockage sur palettiers

Les emballages unitaires peuvent aussi être stockés à l’air libre, lorsqu’ils résistent
bien aux intempéries. Les aires de stockage de ce type sont très simples ; elles
doivent simplement être en rétention, avec les rampes de franchissement.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 5.15 – Rampe de franchissement d’une rétention

265
5 • Applications particulières 5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

L’inconvénient de cette formule est que les rétentions se remplissent en cas de pluie.
La solution qui consiste à équiper les points bas d’une vanne de vidange n’est pas à
retenir, en raison de la possibilité d’oubli de fermeture. Il est préférable d’équiper
les puisards d’une tubulure d’aspiration permettant à une pompe mobile de procéder
à la vidange autant que de besoin. Une meilleure solution est de couvrir toutes les
aires de stockage, en constituant des cellules spécialisées, accessibles par une rampe.
Pour gagner en capacité de rétention, il est aussi préférable de placer les emballages
sur un caillebotis recouvrant la rétention.

Figure 5.16 – Cellules de stockage sur caillebotis

Le parc à citernes est également conçu pour faciliter les approvisionnements et les
interventions de secours. En particulier, il dispose d’aires de déchargement (ou
dépotage) en rétention, comme le montre le schéma suivant :

auvent

passerelle

vers capacité de rétention

Figure 5.17 – Aire de dépotage

266
5 • Applications particulières 5.3 Traitements de surface

Le dépotage de liquides dangereux est toujours une opération à risque élevé d’incendie
et de projections. Ce poste doit être équipé en conséquence, avec une signalisation
évitant les erreurs de branchement des tuyaux et un dispositif de recueil des égout-
tures. Toutes les mesures de suppression des sources d’ignition sont primordiales
compte tenu des quantités en cause, et en particulier les dispositifs de mise à la
terre des citernes. Pour les substances les plus inflammables, il est recommandé de
les stocker dans des cuves enterrées.
Le niveau réel de liquide dans les citernes est une autre source d’erreurs conduisant à
des débordements, dont les effets nuisibles sont nombreux. D’où les recommandations
suivantes :
– une indication de niveau bien visible depuis le poste de dépotage ;
– une indication de niveau redondante fonctionnant de façon autonome : soit à
flotteur et contrepoids, mais l’information est alors inversée, soit à tube de niveau,
mais elle est moins visible et plus fragile ;
– un tube de trop-plein bien dimensionné pour conduire l’excédent éventuel au
fond de la rétention.
Les citernes de stockage demandent parfois des interventions à l’intérieur, ce qui
présente plusieurs risques évidents. Une mesure efficace consiste à prévoir sur les
citernes, outre le trou d’homme classique, une trappe de visite dans le bas, à hauteur
d’homme, comme les cuves de vinification en possèdent. Cette ouverture ainsi
placée facilite grandement la ventilation, la pénétration, la sortie d’urgence, l’inter-
vention de secours, l’introduction d’outillage, etc. La réticence vis-à-vis de ce dispositif
est motivée par la crainte de fuites, mais ce n’est pas un problème insurmontable.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 5.18 – Trappe de visite – Recueil des égouttures

5.3 Traitements de surface


Le cas des traitements de surface, dans le sens le plus large, est probablement l’un des
plus difficiles en prévention du risque chimique et il est assez rare de trouver une solu-
tion pleinement satisfaisante. Cependant, notre méthode permet de s’en rapprocher le
mieux possible, sachant que la meilleure des préventions reste celle qui est effecti-
vement appliquée. Il vaut donc mieux une mesure de prévention d’efficacité limitée

267
5 • Applications particulières 5.3 Traitements de surface

mais toujours présente qu’une mesure idéale mais souvent absente. Deux grandes
familles d’activités relèvent du traitement des surfaces.

5.3.1 Surfaces fixes


Les surfaces que nous appelons fixes sont principalement celles des bâtiments
construits. Les traitements qu’on leur applique sont la peinture et autres revêtements,
les décapages, et un certain nombre d’autres traitements physiques ou chimiques.
Ce domaine comprend aussi de grandes surfaces immobiles en pratique, comme
les navires, qui d’ailleurs s’appellent parfois bâtiments…
Le problème spécifique posé par cette activité est qu’elle est à la fois très émissive et
très largement manuelle, donc très exposante. Le produit dangereux est appliqué à
l’aide d’un outil – pinceau, rouleau, spatule, pistolet, etc. L’opérateur se tient face
au support qu’il traite, c’est-à-dire qu’il y a en général moins de 1,50 m entre
l’ensemble support traité, point d’émission du produit et voies respiratoires. En
outre, la dimension des surfaces et la mobilité requise de l’opérateur rendent inap-
plicables les techniques habituelles de protection collective, comme le confine-
ment de la source d’émission ou son captage local. En pratique, c’est le port de
protections individuelles qui a été considéré comme l’unique solution, avec l’effi-
cacité que l’on sait. En outre, le caractère temporaire des chantiers du bâtiment
n’autorise pas facilement les solutions de prévention que l’on peut rencontrer dans
les établissements fixes. Nous allons examiner ce que notre méthode peut apporter
dans ce domaine.
Le recours à la suppression du produit dangereux doit venir en premier. Des
produits dangereux ont disparu des préparations disponibles sur le marché parce
que la menace sanitaire a été mise en évidence assez précocement. C’est le cas des
éthers de glycol, classés CMR. Pour certains autres produits dangereux, la substi-
tution en est encore à l’état de recherches. On peut citer deux cancérigènes : la
4,4’-méthylène-dianiline (MDA), utilisée pour les résines époxy, et l’acrylamide,
pour des résines utilisées en injection.
C’est dans le domaine des peintures et des revêtements que la substitution a le
mieux fait son chemin. La plupart des produits solvantés, dont la consommation
nationale se comptait en milliers de tonnes, ont en effet trouvé leurs remplaçants,
en l’occurrence des produits hydrodiluables. Ces peintures, principalement de la
famille des acryliques et vinyliques, sont largement répandues dans les produits
« grand public ». La disparition des solvants les plus volatils de leur formulation a, en
outre, rendu leur utilisation moins désagréable. Notons que la réduction impor-
tante de l’exposition par voie respiratoire, sauf dans l’application par pulvérisation,
s’accompagne de la disparition du risque incendie-explosion. Cet avantage est
considérable, notamment pour l’application en espaces plus ou moins confinés.
C’est pourquoi la mise au point de telles émulsions s’est poursuivie, et on peut
maintenant trouver ces produits hydrodiluables dans des familles telles que les
époxy et les polyuréthannes.
Bien entendu, une telle substitution ne conduit qu’à une réduction de risque,
puisqu’il reste un grand nombre de substances présentant des dangers variés dans
leur composition, ce qui nécessite d’éviter les contacts cutanés. Autres inconvénients :

268
5 • Applications particulières 5.3 Traitements de surface

le nettoyage du matériel plus difficile et une pollution préoccupante des eaux utilisées
pour le nettoyage et parfois pour le captage des aérosols en cabine. Comme toujours,
une recherche de substituant doit faire l’objet d’un bilan avantages/inconvénients,
qui n’est valable qu’au cas par cas. Ainsi, un produit solvanté pourra être préféré si,
dans certaines conditions, les risques peuvent être parfaitement maîtrisés et au
final être inférieurs à ceux d’un produit hydrodiluable. Pour illustrer ce point, citons
le cas du remplacement de l’application d’un produit hydrodiluable sur un chantier
de pose de panneaux de parement par la pose de panneaux pré-peints en atelier
spécialisé, mais avec un produit solvanté.
Après la substitution vient la réduction des expositions. Cette solution s’impose
quand le produit dangereux n’est pas appliqué, mais généré par l’activité. Dans ce
domaine, on trouve essentiellement les poussières. Il faut d’abord essayer de supprimer
le phénomène d’émission, qui est presque toujours lié à une action mécanique sur
un matériau dur, la vitesse de l’outil étant à l’origine de la projection des parti-
cules. La solution à envisager consiste à réduire au maximum les vitesses des outils.
Cela est parfois possible, pour tronçonner, percer, lisser, retirer une couche, etc.,
grâce à des outils spéciaux travaillant à basse vitesse, connus des professionnels.
D’autres fois, il est possible de travailler « à l’humide ». Cela veut dire humidifier au
préalable le matériau travaillé, ou envoyer un brouillard d’eau sur la zone d’émission
des poussières. Cette technique est très utilisée en démolition et en retrait de maté-
riaux contenant de l’amiante. Elle n’est pas parfaite et induit d’autres problèmes
liés aux boues formées.
À défaut d’une telle solution, il faut s’efforcer de tenir l’opérateur hors de la zone
de présence des poussières. Deux possibilités s’offrent alors :
– Si l’émission des poussières est localisée sur l’outil employé, il faut essayer de la
capter à la source. On peut utiliser un outil aspirant, décrit précédemment. Il existe
des ponceuses, des perceuses, ou des scies de ce type. Leur efficacité et leur ergo-
nomie ne sont pas encore arrivées à un niveau satisfaisant, à en juger par la réticence
des utilisateurs professionnels. Nous croyons pourtant que c’est un marché d’avenir.
– Si l’émission est plus ou moins diffuse, on ne peut que la confiner dans un certain
espace, dans lequel l’opérateur ne devra pas pénétrer. Il lui faut donc des moyens
électromécaniques plus ou moins télécommandés. On peut illustrer ce principe
par l’utilisation d’une enceinte mobile à appliquer contre une façade pour la
sabler, ou celle d’un engin télécommandé dans un chantier de démolition.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Le principe du captage des poussières dans une enceinte ventilée est assez bien
répandu dans les établissements fixes, y compris ceux qui relèvent du secteur bâti-
ment, comme certains tailleurs de pierres. Nous pensons donc qu’il existe une
« troisième voie » pour le problème de l’exposition sur les chantiers temporaires.
Lorsqu’il s’agit, par exemple, d’éléments à découper relativement manipulables,
comme en couverture, en revêtement ou en parement, les opérations de découpe
peuvent très bien se faire dans un local mobile préfabriqué, équipé dans les règles
de l’art, et placé à proximité immédiate du lieu de pose. Nul doute que les conditions
de travail ainsi améliorées auront des conséquences sur la qualité du travail, voire
sa productivité. Il est même possible que les découpes soit prévisibles et planifiables,

269
5 • Applications particulières 5.3 Traitements de surface

et donc réalisables en établissement fixe dans d’excellentes conditions. Encore faut-il


se poser la question…
Pour faire face aux principales causes d’accident chimique dans les métiers du bâti-
ment, à savoir intoxication, anoxie et incendie-explosion, on commence par agir
sur les situations dangereuses. Comme les deux premières causes citées sont liées
au travail en espace confiné, la première mesure à appliquer sera d’éviter toute
source d’émission d’agent chimique pendant une présence humaine, ou son
évacuation totale au fur et à mesure de sa production. Nous prendrons comme
exemple un accident figurant dans la base de données INRS.
EXEMPLE D’INTOXICATION AIGUË :
Un ouvrier a perdu connaissance en posant une moquette en sous-sol non ventilé, ce qui nécessitait
d’appliquer une couche de colle solvantée au perchloréthylène. Cet accident était facilement prévi-
sible. On aurait pu utiliser une colle sans solvant, ou installer une ventilation provisoire dont le
débit aurait été calculé pour éliminer le volume de vapeurs libéré par le séchage de la colle. Quand
on connaît la composition de la colle, il est facile de calculer le volume théorique total de vapeurs
susceptibles d’être émises.
Calcul du volume théorique de vapeurs :
50 m2 recouverts d’une colle à 30 % de perchloréthylène, à raison de 300 g par m2, vont émettre
50 ¥ 300 ¥ 0,3/166 = 27 moles de solvant, qui vont occuper un volume de 27 ¥ 25 = 675 litres ou
0,675 m3. Si le volume du local est de 50 ¥ 2,5 = 125 m3, la concentration maximum finale en
perchloréthylène sera de 0,675/125 = 0,54 % ou 5 400 ppm, soit 108 fois la valeur moyenne
d’exposition (VME).
Même si, en pratique, la concentration réelle est plus faible, parce que l’émission s’étale sur
plusieurs heures et qu’il existe toujours un petit renouvellement d’air, le risque d’intoxication aiguë
est bien démontré.
Quel aurait été le débit d’air renouvelé nécessaire pour assainir suffisamment cet espace ?
Pour une bonne marge de sécurité, nous prendrons comme objectif une concentration maximum
en solvant égale au tiers de la VME, soit environ 16 ppm, sachant que l’émission des 675 litres de
vapeurs est répartie sur les 3 heures que dure l’encollage.
Débit = 0,675 m3 ¥ 1 000 000/16 ¥ 3 = 14 000 m3/h
Ce calcul n’est valable qu’avec un captage bien placé par rapport à la source d’émission.
Ce calcul, certes très théorique, montre que les débits de ventilation nécessaires sont toujours très
élevés quand on choisit le principe de renouvellement d’air. À cet inconvénient s’ajoute celui de la
pollution de l’environnement, qui n’est pas résolu.

5.3.2 Surfaces mobiles


Les surfaces mobiles sont celles des pièces et des objets, en métal ou en plastique,
que l’on traite pour modifier leur aspect ou leurs propriétés. On y retrouve donc la
peinture et autres types de revêtements, mais aussi les traitements en bains, électro-
lytiques ou pas. Dans les modifications d’aspect figurent la recherche du brillant,
obtenu par le chromage ou le nickelage, la couleur, obtenue avec les peintures ou
des reflets, eux-mêmes obtenus par anodisation ou chromatation. Dans les modifi-
cations de propriétés figurent le durcissement, le polissage, la résistance à la corro-
sion, obtenus par les techniques déjà citées pour l’aspect. Cette courte description,
non exhaustive, permet de caractériser le problème du risque chimique dans les
traitements en bains.

270
5 • Applications particulières 5.3 Traitements de surface

m Les risques du traitement en bain

La première composante du risque est l’agent chimique dangereux. Sans en faire


un inventaire, qui devrait être remis constamment à jour, nous présentons les plus
dangereux :

Famille Phrases de Cotation


Exemples Dangers Remarques
de produit risque santé

Acide Toxique R : 45-46-9-


Les dangers
chromique CMR 24/25-26-35-
Chrome VI 5 disparaissent à la
Bichromate Corrosif 42/43-48/23-
valence III
de potassium Comburant 62

Cyanure Surtout dangereux par


Cyanures Très toxique R26/27/28 5
de sodium acidification

Acide Toxique Surtout dangereux par


R26/27/28-35 5
fluorhydrique Corrosif pénétration percutanée.

R : 45-46-60- Le cadmiage reste


Sulfate de Très toxique
Cadmium 61-25-26- 5 réservé à un marché
cadmium CMR
48/23/25 restreint

Chlorhydrique
Niveau de danger réduit
Acides Sulfurique Corrosif R35 4
par la dilution
Nitrique

Soude Niveau de danger réduit


Base Corrosif R35 4
Ammoniaque par la dilution

R : 49-61-20/
Sulfate de Toxique Nouveau classement
Sels de nickel 22-38-42/43- 4
nickel CMR dans la 30e ATP
48/23-68-

Bisulfite de Surtout dangereux par


Bisulfites Nocif R : 22-31 4
sodium acidification

Hypochlorite Surtout dangereux par


Hypochlorites Corrosif R : 31-34 4
de sodium acidification
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Inflammable R10
Hydrocarbures White-spirit 3
Nocif R65

Très volatils
Tétrachloréthy-
Solvants chlorés Nocif R40 3 Le trichloréthylène
lène
est classé CMR (R45)

La deuxième composante du risque est l’exposition. Le principe de travail au trempé


dans une cuve est par nature très émissif. Les émissions sont évidemment fonction de
la volatilité des produits contenus dans le bain, mais aussi des conditions opératoires.

271
5 • Applications particulières 5.3 Traitements de surface

Elles sont activées par une agitation, surtout quand elle est réalisée par un bullage
d’air comprimé, par l’électrolyse, par la sortie des pièces du bain, par les courants d’air.
Elles sont réduites par la dilution des produits en solution et par la couverture éven-
tuelle des bains.
La première exposition est respiratoire, qu’il s’agisse de vapeurs minérales ou orga-
niques, de gaz, généralement sous-produits de réactions parasites, ou d’aérosols
produits par l’agitation, l’électrolyse ou les mouvements de pièces. La seconde
exposition est cutanée, issue de contacts non maîtrisés avec des produits, des
pièces et du matériel souillé. Ce procédé, dans sa conception traditionnelle, s’avère
effectivement très polluant pour l’environnement immédiat.
Les risques accidentels sont très présents du fait de l’accumulation de substances
réactives avec assez peu de confinement en général. On retrouve donc principalement
des risques de projections et d’émanations massives provoquées par des mélanges
dangereux, pour ne parler que des risques chimiques. Le risque incendie est peu
présent, du moins pendant la présence humaine, mais il est à l’origine de gros dégâts
matériels pendant les absences d’activité.
Cette activité génère en outre des effluents liquides et gazeux très nuisibles
pour l’environnement. La réglementation est d’ailleurs très contraignante dans cette
activité1. La plupart des établissements concernés assurent leur propre détoxication
d’effluents. Le traitement des effluents liquides relève de techniques physico-chimiques
assez complexes qui demandent en fait des stations d’épuration qui ont tous les
caractères d’un atelier de chimie. Cette activité connexe génère à son tour des risques
chimiques importants, d’autant plus que la compétence des personnes employées
est souvent inadaptée à la chimie pure. D’ailleurs, les accidents les plus graves
enregistrés, dont des mortels, se sont produits dans des stations de détoxication.

m Les mesures de prévention spécifiques

Une grande partie des risques chimiques présents appellent les mêmes mesures que
dans l’industrie chimique. Il s’agit principalement des risques liés aux dépotages de
réactifs en vrac, à la manipulation des produits pour préparer ou recharger les bains, à
la gestion du stockage et à la conduite de la station d’épuration2. La spécificité apparaît
dans le traitement en bains, parce qu’on est en présence d’un système largement
ouvert et avec des mouvements de pièces qui posent un problème inhabituel.
Dans un premier temps, il est toujours utile d’agir sur le niveau de danger, c’est-à-
dire par substitution. Compte tenu des effets recherchés, les possibilités de substi-
tution, qui ont été souvent explorées, sont assez limitées. Les acides et bases concentrés
ne sont pas remplaçables par des produits moins dangereux. Les métaux dangereux
qui servent aux dépôts (chrome, nickel) ne le sont pas non plus par définition.
Pour le chrome, seule la valence 6 est dangereuse, mais les essais de substitution par
du chrome 3 ne donnent pas encore satisfaction. Par contre, les chromates inter-
venant dans des actions de conversion laissent espérer des substitutions possibles.

1. L’arrêté du 26 septembre 1985, qui régissait jusqu’à présent les installations de traitement de surface,
a été révisé. Ces activités autorisées sous la rubrique ICPE 2565 doivent désormais respecter l’arrêté du
30 juin 2006.
2. Voir la brochure INRS Ateliers de traitement de surface – Prévention des risques chimiques, ED 827.

272
5 • Applications particulières 5.3 Traitements de surface

Les cyanures sont déjà remplacés dans toutes leurs grandes applications, notam-
ment pour le zincage. Ils restent toutefois indispensables dans les dépôts de
métaux précieux (or et argent), qui représentent de petites productions.
En définitive, pour le chrome 6 comme pour les autres produits dangereux, la solution
passe logiquement par l’approche du système clos. Compte tenu du mouvement
des pièces, on ne peut concevoir qu’un système presque clos, ce qui est déjà beaucoup
plus performant que la protection par aspirations latérales, qui s’est répandue dans
les ateliers depuis des années. Or, la campagne de lutte contre les CMR, lancée par
les pouvoirs publics, devrait générer de nouvelles solutions, plus conformes à la
méthodologie et aux textes réglementaires.
Pourtant, la solution technique qui permet le passage d’objets sans rompre le
confinement est connue depuis longtemps : c’est le principe du sas. Appliqué aux
cuves de traitement de surface, il devient une enceinte mobile qui les prolonge au
moment de l’entrée ou de la sortie des pièces, qui restent alors confinées. En
dehors de ces mouvements, les cuves doivent évidemment rester fermées et ne s’ouvrir
qu’en présence de l’enceinte mobile. Ce principe a été décrit dans le guide de
ventilation que l’INRS a élaboré pour l’activité du traitement de surface1. Voici le
schéma correspondant :

entrée d’air

cadre porte-pièces

aspiration
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 5.19 – Enceinte mobile pour la sortie et le transfert des pièces

Ce système ne fonctionne correctement qu’avec une fermeture mécanisée et pilotée


des cuves et avec le minimum de passage d’air entre l’enceinte et la cuve. Différentes
solutions techniques existent ; en voici une2 :

1. Guide pratique de ventilation n˚ 2, Cuves de traitement de surface, INRS ED 651


2. Ce schéma figure aussi dans la brochure INRS Ateliers de traitement de surface - Concevoir en sécurité
intégrée, ED 848.

273
5 • Applications particulières 5.3 Traitements de surface

système de levage du cadre

cadre en position immergée


couvercles articulés
gaines d’aspiration

Figure 5.20 – Schéma montrant la jonction entre l’enceinte mobile et les cuves avec couvercles

Ces deux contraintes techniques, qui impliquent l’utilisation d’un automate, ont
certainement freiné son développement. Un tel équipement n’a été mis en place que
sur quelques unités importantes. Pourtant, ce concept réunit les avantages suivants :
– L’ensemble cuves et pièces traitées est presque totalement confiné et en dépression.
Cela est donc conforme à la réglementation concernant les CMR.
– À la sortie des pièces, l’enceinte permet de procéder à l’égouttage, sous courant
descendant et avec un rinçage éventuel par pulvérisation.
– Les pièces se déplacent de cuve en cuve sans sortir de l’enceinte.
– Quand l’enceinte quitte une cuve, celle-ci est déjà refermée et ventilée.
– Le débit de ventilation requis pour chaque cuve est égal au dixième de celui
requis pour la même cuve ouverte avec aspiration bilatérale.
– Les bains sont eux-mêmes protégés de toute introduction accidentelle d’un corps
ou produit étranger.
– Le personnel est à l’abri de toute exposition respiratoire ou cutanée.
Bien sûr, un tel équipement doit être prévu dès la conception d’un atelier et ne
peut s’adapter qu’exceptionnellement à une ligne de cuves existante. On peut
penser qu’il n’est pas compatible avec de petites productions très flexibles. C’est
une idée fausse, car la flexibilité est apportée par l’automate, qui ajoute une grande

274
5 • Applications particulières 5.3 Traitements de surface

reproductibilité des résultats. Nous l’avons déjà dit, un progrès technique impose
toujours une modification de l’organisation du travail.
Une solution comparable est possible pour de petites unités, à condition que les
émanations de tous les bains d’une ligne soient compatibles entre elles. Il s’agit du
confinement par tunnel. Dans ce cas, l’enceinte enveloppe toute la ligne des cuves,
qui sont équipées d’aspirations latérales, ou même, plus simplement, d’un ou deux
points d’aspiration. L’entrée d’air se fait alors par les extrémités du tunnel, selon le
schéma suivant :

aspiration

Figure 5.21 – Tunnel ventilé

Le tunnel permet tout aussi bien de limiter les débits de ventilation et de protéger
le personnel. Des ouvertures sont possibles le long de la ligne pour les diverses
interventions nécessaires.
Ces deux systèmes ne dispensent pas de la maintenance des bains, c’est-à-dire les
apports de produits chimiques, les remplacements et déplacements de bains et
l’élimination de ceux qui sont usagés. La prévention des risques importants qui
sont liés à cette activité doit s’inspirer de celle que l’on pratique dans l’industrie
chimique. Cela veut dire concrètement :
– Tous les transferts se font par pompes et canalisations fixes.
– Les mises en solution se font hors cuves, dans un récipient spécialement équipé
dans ce but, avant le transfert de la solution préparée.
– Les traitements physiques du bain, tels que chauffage, refroidissement, filtration,
se font autant que possible à l’extérieur de la cuve par circulation dérivée.
Les dégraissages de pièces par solvants, qu’ils soient chlorés ou inflammables, deman-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

dent le même type d’équipement. Les cuves sont closes, les mouvements de pièces
sont mécanisés, les vapeurs sont piégées par condensation et l’ensemble est maintenu
en dépression.
Quant à la station d’épuration, c’est un atelier de chimie et il doit être traité inté-
gralement comme tel. Il est vrai que le respect scrupuleux de ce principe alourdit
encore l’investissement déjà très lourd d’une station physico-chimique pour des
ateliers de traitement de surface de taille majoritairement réduite. C’est pourquoi
la solution qui nous paraît la plus rationnelle est de sous-traiter cette activité soit à
des entreprises spécialisées, mais avec l’inconvénient d’un transport de matières
dangereuses, soit à des unités de traitement communes à un groupement d’entre-
prises.

275
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

5.4 Protection de l’environnement


La protection de l’environnement vis-à-vis des agents chimiques répond exacte-
ment à la même méthodologie que la santé et la sécurité humaine ; seule change la
nature des dommages. Nous allons le vérifier en reprenant les principales étapes de
la démarche.

5.4.1 La notion de polluant


Il faut prendre quelques précautions dans l’utilisation du mot pollution, que l’on a
tendance à considérer comme l’effet de la présence de tout ce qui n’est pas naturel,
donc dangereux. Or, beaucoup de polluants, parmi les plus dangereux, ont une
origine strictement naturelle, comme l’amiante ou les métaux toxiques et nombre de
substances végétales. D’autres sont produits naturellement, comme les gaz volcani-
ques et tous ceux qui sont issus de fermentations naturelles. Il faut donc considérer
comme pollution toute présence d’une matière qui est étrangère à l’écosystème
considéré et qui est éventuellement susceptible de modifier son équilibre. Ainsi, le
sel est un polluant de l’eau des rivières alors qu’il ne l’est pas de la mer. De même,
1 % d’argon dans l’air n’est pas une pollution, mais 1 % de dioxyde de carbone en
est une.
La première notion à considérer dans le mécanisme de pollution est le danger des
agents chimiques pour l’environnement. La connaissance de ces effets est beau-
coup moins développée que pour la santé humaine, parce que les études approfon-
dies sont plus récentes et que les milieux cibles sont beaucoup plus complexes. Ils
ont en effet de nombreuses composantes, telles que les natures chimiques et physi-
ques, ou leur contenu vivant végétal, animal et microbiologique. C’est pourquoi la
classification réglementaire dans ce domaine en est encore à ses débuts et ne prend
en compte que des effets évidents. En voici l’état actuel.

m Réglementation européenne

Il y a trois catégories de substances dangereuses pour l’environnement. La


première est celle des substances dont le danger a été prouvé dans le milieu aqua-
tique par des tests toxicologiques sur des poissons, des daphnies et des algues. On
tient aussi compte de la biodégradabilité, du coefficient de partage octanol/eau et
du facteur de bioconcentration. La deuxième est celle des substances n’entrant pas
dans les critères précédents, mais dont on peut supposer une toxicité aquatique. La
troisième concerne les milieux non aquatiques.
En fonction des différents critères fixés par les textes1, les substances sont affectées
d’une ou plusieurs des phrases de risque suivantes :

1. Voir l’arrêté du 9 novembre 2004, pris en application de la directive 1999/45/CE modifiée.

276
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

R50 Très toxique pour les organismes aquatiques.

R51 Toxique pour les organismes aquatiques.

R52 Nocif pour les organismes aquatiques.

R53 Peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement aquatique.

R54 Toxique pour la flore.

R55 Toxique pour la faune.

R56 Toxique pour les organismes du sol.

R57 Toxique pour les abeilles.

R58 Peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement.

R59 Dangereux pour la couche d’ozone.

L’étiquetage de la première et de la troisième catégorie de substances porte en outre


un unique symbole de danger :

N - Dangereux pour
l’environnement

Figure 5.22

m Système Général Harmonisé


Dans le SGH, la partie consacrée à l’environnement (n˚ 4) ne prévoit pour le moment
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

que la toxicité pour le milieu aquatique, dans la classe 4.1. Celle-ci comporte deux
sous-classes, l’une pour la toxicité chronique et l’autre pour la toxicité aiguë. Les
éléments qui déterminent le classement sont les suivants :
– toxicité aiguë pour le milieu aquatique ;
– bioaccumulation potentielle ou réelle ;
– dégradation (biologique ou non biologique) des composés organiques ;
– toxicité chronique pour le milieu aquatique.
En fonction des différents tests, il est possible de déterminer la catégorie de danger
qui reflète son niveau. Le nombre de catégories n’est pas le même pour les deux
sous-classes. Voici le tableau qui résume les règles d’étiquetage :

277
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

Toxicité AIGUË

Catégorie 1 Catégorie 2 Catégorie 3

Symbole Pas de symbole Pas de symbole

Mention Pas de mention Pas de mention


Attention
d’avertissement d’avertissement d’avertissement

Mention Très toxique pour les Toxique pour les Nocif pour les
de danger organismes aquatiques organismes aquatiques organismes aquatiques

Toxicité CHRONIQUE

Catégorie 1 Catégorie 2 Catégorie 3 Catégorie 4

Symbole Pas de symbole Pas de symbole

Mention Pas de mention Pas de mention Pas de mention


Attention
d’avertissement d’avertissement d’avertissement d’avertissement

Très toxique pour Toxique pour les Nocif pour les or-
Peut être nocif à
les organismes organismes aquati- ganismes aquati-
Mention long terme pour
aquatiques, en- ques, entraîne des ques, entraîne des
de danger les organismes
traîne des effets né- effets néfastes à effets néfastes à
aquatiques
fastes à long terme long terme long terme

Le SGH est très précis sur les critères de classement dans les différentes catégories
et propose un organigramme de décision complet en fonction des résultats de tests
ou autres données. La codification des dangers est elle-même bien détaillée,
comme le montre ce tableau, extrait de l’annexe 5 :

Catégorie
Code Mentions de danger pour les dangers pour l’environnement
de danger

H400 Très toxique pour les organismes aquatiques 1

H401 Toxique pour les organismes aquatiques 2

H402 Nocif pour les organismes aquatiques 3

Très toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets


H410 1
néfastes à long terme

278
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

Catégorie
Code Mentions de danger pour les dangers pour l’environnement
de danger

Toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes


H411 2
à long terme

Nocif pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes


H412 3
à long terme

H413 Peut être nocif à long terme pour les organismes aquatiques 4

m Code de l’environnement

Le Code de l’environnement prévoit aussi un codage des propriétés dangereuses


des déchets, reproduit dans l’annexe 12. En voici un extrait :

Code Danger

H1 Explosif

H2 Comburant

H3-A Facilement inflammable

H3-B Inflammable

H4 Irritant

H5 Nocif

H6 Toxique

H7 Cancérogène

H8 Corrosif

H9 Infectieux

H10 Toxique pour la reproduction


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

H11 Mutagène

H12 Générateur potentiel de gaz toxique

H13 Générateur potentiel de polluant

H14 Écotoxique

Ce tableau illustre malheureusement le problème du chevauchement des réglemen-


tations. Le codage de l’environnement utilise la même lettre H que le SGH, inspirée
par le mot anglais Hazard, mais reprend les termes de la réglementation euro-

279
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

péenne, complétés par quatre nouveaux. Il faut noter que les termes « irritant »,
« nocif », « toxique », « cancérogène », « mutagène », « toxique pour la reproduction »
et « infectieux » ne sont adaptés théoriquement qu’à l’espèce humaine, alors que la
cible est bien plus large.
En conclusion, la connaissance du danger pour l’environnement, qui est la première
étape de l’analyse de ce risque, peut s’appuyer sur l’étiquetage européen. Mais cet
étiquettage n’est pas disponible pour tous les rejets et effluents, puisqu’ils prennent
en général naissance dans l’activité. Une démarche de classement volontaire s’impose
donc, qui peut être relativement facile avec un historique précis de la formation de
ces rejets et effluents.

5.4.2 Le processus chronique


La deuxième étape est la caractérisation de l’équivalent d’une exposition. Comme
c’est l’environnement qui est exposé, nous l’appellerons pollution. Elle se définit
comme le contact entre un agent chimique et les trois milieux que sont la terre, l’eau
et l’air. Ces milieux incluent leur flore et leur faune, dont fait partie l’espèce humaine
dans tous les domaines de son activité. Une pollution chronique est l’introduction
d’un agent chimique dans un milieu environnemental de façon continue et modérée.
Quelques exemples illustrent cette définition :
Dans le sol : Infiltration d’eaux de lavage, traitement divers des cultures, retombées
de poussières émises dans des activités industrielles, lessivage par la pluie de dépôts
de matières plus ou moins solubles, etc.
Dans l’eau : Évacuation d’eaux de lavage vers les rivières, lessivage et ruissellement
de surfaces traitées par des agents chimiques, rejets d’eaux de process, rejets de
déchets liquides et solides par des équipements et des engins dans le milieu aquatique
de surface ou souterrain, etc.
Dans l’air : Émissions de fumées et de gaz de combustion, rejets des systèmes
d’assainissement des atmosphères de travail, émissions de nuages de poussières,
évaporation des solvants contenus dans les peintures, colles, produits de nettoyage,
émissions par les procédés chimiques et thermiques, etc.
Il faut ensuite faire l’inventaire des pollutions chroniques existantes dans le
domaine délimité pour l’analyse de risque. Une méthode doit être choisie pour ne rien
oublier. On peut rechercher les émissions par unités géographiques, par procédés
ou par produits. La difficulté est d’intégrer les agents chimiques générés par l’activité :
fumées, vapeurs, poussières, déchets, etc.
Les trois milieux cibles jouent le même rôle que les voies de pénétration pour la santé
humaine. Ils sont en général très interactifs, c’est-à-dire qu’une pollution n’atteint
rarement qu’un seul milieu à la fois. La tolérance vis-à-vis de ces pollutions est un
phénomène complexe qui a des composantes économiques, culturelles et psycho-
logiques. La réglementation des ICPE a introduit des valeurs limites, selon un principe
assez différent de celui qui régit les VLEP. Elles n’ont pas de valeurs universelles,
mais dépendent du classement de l’activité, du milieu de rejet et du flux de rejet1.

1. À ce sujet, voir l’arrêté du 29 mai 2000 : il a pour objectif de réduire les émissions de composants
organiques volatils (COV) dans l’atmosphère.

280
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

Ces pollutions chroniques sont innombrables et permanentes. Les pollutions


industrielles et les transports sont souvent mis en évidence, à juste titre, mais les
activités domestiques génèrent également des pollutions sur toute la planète, que
ce soit sous forme de gaz, notamment de combustion, de vapeurs, de poussières,
d’eaux de lavage, d’eaux vannes et de déchets.
Les dommages causés dans ces trois milieux sont très variés et on ne connaît que
les plus évidents. Les milieux naturels sont des systèmes complexes en équilibre.
Toute pollution chronique déplace lentement un équilibre vers un autre, qui peut
être une menace pour l’homme. Par exemple, on sait, par des observations cliniques,
qu’un air chargé en oxydes d’azote ou en dioxyde de soufre provoque des problèmes
respiratoires, que des poussières provoquent des allergies, etc. De même, des métaux
lourds ou des pesticides dans une nappe phréatique provoquent à terme des
intoxications. D’autres pollutions provoquent des modifications qui pourraient
être nocives à long terme, comme la disparition de la couche d’ozone, ou la raré-
faction des insectes pollinisateurs. Il s’agit dans ces exemples d’effets directs sur la
santé humaine. Mais la raréfaction de certaines espèces animales ou végétales n’a pas
d’autre effet apparent qu’une baisse de la biodiversité. De même, le noircissement
de façades ou la turbidité d’eaux de surface n’ont qu’un effet sur le plan esthétique,
du moins en première analyse. Ces aspects des dommages possibles montrent
qu’ils dépassent largement le cadre strictement toxicologique.
5.4.3 Le processus accidentel
Le processus accidentel aboutit à une pollution et parfois même à une destruction
massive et brutale de l’environnement proche. La situation dangereuse correspond
à une proximité entre une réserve d’agent chimique et les milieux cibles. Le milieu
atmosphérique est ominiprésent, c’est donc une situation qui existe dès qu’une
quantité importante d’agent chimique est stockée. L’événement dangereux est alors
le scénario qui aboutit à l’émission massive de cet agent sous une forme volatile.
Le milieu aqueux est aussi très concerné, car même si le stock d’agent chimique
n’est pas à proximité d’une rivière, d’un lac ou de la mer, il est probablement à côté
d’un réseau d’égout ou d’évacuations d’eaux pluviales, qui conduisent finalement à
de l’eau naturelle de surface ou de sous-sol. L’événement dangereux est le scénario
qui aboutit à un déversement polluant massif dans ces eaux naturelles. C’est soit
directement l’agent chimique qui se déverse, soit une solution ou une suspension
aqueuse d’un ou plusieurs agents, dont la formation peut avoir diverses origines.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Cela peut être une grosse fuite d’eau accidentelle entrant en contact avec des produits,
ou un phénomène naturel comme de la pluie ou une inondation, ou enfin l’eau
utilisée pour l’extinction d’un incendie. Tous ces événements sont évidemment au
cœur de l’étude de danger exigée pour les installations classées.
Ce sont les mêmes scénarios qui conduisent à des pollutions accidentelles du sol.
Pour qu’elles soient possibles, il faut que la surface du sol soit à l’air libre, ou qu’il
y ait des failles dans le revêtement du sol. En fait, les trois milieux sont encore
atteints simultanément dans beaucoup de scénarios.
Les dommages peuvent être des atteintes directes à la santé humaine, en particulier
dans le cas d’une émission atmosphérique massive de produits toxiques. La catastrophe
chimique qui est sans doute la plus grave connue à ce jour est celle de l’explosion

281
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

d’une cuve d’isocyanate de méthyle, survenue en Inde à Bhopal. Les victimes à


court ou moyen terme se sont comptées par milliers. Les émissions massives ont
souvent une explosion comme événement déclencheur, mais aussi des erreurs
humaines. Le plus souvent, les atteintes ne concernent que la flore et la faune, en
particulier dans les rivières. Les marées noires en sont l’équivalent pour le milieu
marin. Il est encore difficile de mesurer toutes les conséquences de ces accidents.
5.4.4 Estimation du risque
m Risque chronique
C’est bien dans le domaine de l’environnement que l’estimation des risques est la plus
difficile. Le principe est identique à celui qui régit la santé et la sécurité humaine.
Dans le processus chronique, l’importance du risque se mesure en combinant le
danger de l’agent chimique avec le niveau de pollution. Aucune échelle de niveau
de danger n’a été proposée à notre connaissance. C’est pourquoi nous proposons
de la construire sur les phrases de risque existantes dans la réglementation euro-
péenne. Mais comment comparer les abeilles et la couche d’ozone ? Nous avons
pris des règles très générales, sachant que ce niveau n’est qu’un facteur parmi
d’autres et que le but n’est que de fixer des priorités d’action.
Sachant qu’il fallait réserver le niveau 1 au cas d’absence de phrase de risque, nous
avons pris trois autres niveaux, parce qu’ils s’imposaient dans l’effet sur les orga-
nismes aquatiques. Pour les autres effets, avons pris le délai d’action comme
critère, à savoir le niveau 2 pour les effets à long terme et le niveau 3 pour les effets
à moyen terme. Ce raisonnement est en outre conforme aux catégories du SGH, à
la différence près que l’échelle est inversée et qu’elle se limite au milieu aquatique.
Le tableau suivant fournit cette échelle de quatre niveaux :

Niveau Phrase Catégories du SGH


Libellé (pour la toxicité chronique
de danger de risque en milieu aquatique)
Très toxique pour les organismes
4 R50 1
aquatiques.
3 R51 Toxique pour les organismes aquatiques. 2
3 R54 Toxique pour la flore.
3 R55 Toxique pour la faune.
3 R56 Toxique pour les organismes du sol.
3 R57 Toxique pour les abeilles.
2 R52 Nocif pour les organismes aquatiques. 3
Peut entraîner des effets néfastes à long
2 R53 4
terme pour l’environnement aquatique.
Peut entraîner des effets néfastes à
2 R58
long terme pour l’environnement.
2 R59 Dangereux pour la couche d’ozone.
1 néant

282
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

On peut supposer que l’application du règlement REACH donnera accès à des


données plus complètes pour fixer les niveaux de danger pour l’environnement.
Tout en s’appuyant sur la classification de la directive 67/548/CEE, ce règlement
demande d’identifier la concentration de la substance au-dessous de laquelle il ne
devrait pas y avoir d’effets nocifs dans le milieu environnemental en cause. Cette
concentration est appelée concentration prédite sans effet (PNEC). Le passage
des valeurs limites aux niveaux de danger pourra se faire avec un tableau similaire à
l’un de ceux figurant au paragraphe 2.3.5.
Il faut ensuite quantifier la pollution par un niveau, fonction de la dose introduite
dans le milieu. Les paramètres qui déterminent cette dose sont :
– la durée d’émission : Te ;
– le débit d’émission, ou flux : De.
Ces paramètres sont basés sur des moyennes établies pour une période de référence
(jour, mois, année…). Ils ne sont pas toujours accessibles simplement, mais ils
méritent d’être recherchés, par des campagnes de mesures par exemple. Ils sont aussi
approchables par le bilan matière établi produit par produit, selon la méthode (n˚ 3)
évoquée au paragraphe 3.1.2. On obtient ainsi pour chaque milieu une dose
périodique :
Q = Te ¥ De
Les doses sont ensuite classées, milieu par milieu, pour pouvoir leur attribuer un
niveau de pollution, d’après une échelle choisie au préalable. Un tableau de combi-
naison des niveaux de danger et de pollution, similaire à celui de l’exposition au
paragraphe 2.4.4, permet de quantifier l’importance de chaque risque de pollution,
toujours en relatif. Le schéma suivant résume la démarche :

Agent chimique Métrologie Estimation

Phrase de risque
Durée d’émission Débit d’émission

Niveau de danger
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Dose émise périodique

Niveau de pollution

Importance du risque

Figure 5.23 – Estimation d’un risque chimique environnemental chronique

283
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

m Risque accidentel

Dans le processus accidentel, l’importance du risque est toujours une combinaison


de la gravité et de la probabilité du dommage. La gravité d’un accident environne-
mental est difficile à exprimer par un seul chiffre tant les conséquences sont de
nature différente : décès, longueur de rivière polluée, atteintes à la faune, à la flore,
dégâts matériels, pertes d’exploitation….Face à ces difficultés, une échelle européenne
selon quatre indices à été proposée par le Comité des autorités compétentes des
États membres pour l’application de la directive Seveso, après une large consultation
achevée en 2003. Cette proposition a été retenue après avis du Conseil supérieur
des installations classées. Elle regroupe les 18 paramètres de l’échelle européenne
en quatre groupes homogènes d’effets ou de conséquences :
– 2 paramètres ont trait aux quantités de matières dangereuses impliquées ;
– 7 paramètres portent sur les aspects humains et sociaux ;
– 5 concernent les conséquences environnementales ;
– 4 se rapportent aux aspects financiers.
Pour conduire la démarche d’estimation du risque à son terme, il est pourtant
indispensable de n’utiliser qu’un niveau de gravité. Il appartient aux responsables de
l’analyse de faire ce choix, sachant qu’il ne s’agit ici que de déterminer des priorités
d’action, à l’intérieur de l’entreprise.
La détermination du niveau de probabilité n’est pas plus facile, mais toutes les
méthodes de prévision d’accident évoquées pour la sécurité humaine (voir para-
graphe 3.2.4) sont parfaitement indiquées dans ce domaine, car les scénarios
d’accident sont en fait les mêmes. Seules les conséquences envisagées sont différentes.
L’estimation du risque accidentel se termine par la combinaison des niveaux de
gravité et de probabilité de chaque accident envisagé, selon le schéma habituel.
L’ensemble des risques chroniques et accidentels pour l’environnement, avec leur
cotation, peut être réuni dans un rapport fixant les priorités d’action et un
programme pluriannuel de prévention (voir paragraphe 3.4).

5.4.5 Principes de prévention appliqués à l’environnement


m Pollution chronique

Un établissement industriel, artisanal ou simplement commercial peut générer trois


types de pollutions à partir d’agents chimiques. Le premier se fait vers l’atmosphère
si les polluants sont volatils. Le deuxième est véhiculé par l’eau rejetée, qui peut s’être
chargée de polluants solides ou liquides. Le troisième regroupe tous les déchets
solides et liquides, généralement conditionnés. Les principes de prévention d’un risque
chronique consistent à supprimer ou réduire d’abord le danger, puis la pollution.
Agir sur le danger, c’est soit supprimer le polluant, soit le rendre moins dangereux.
La première solution revient à supprimer les émissions de polluants, ce qui renvoie
à une modification de procédé. En effet, toute mesure de confinement et, plus
globalement, la réalisation d’un système clos, suppriment normalement toute
émission. C’est évidemment la seule solution définitive pour la protection de l’environ-
nement. Mais elle n’est pas souvent réalisable, par exemple pour une chaudière à
combustion. Rendre les polluants moins dangereux reste la solution la plus fréquente.

284
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

La réduction du danger d’un polluant s’appelle une détoxication. Les techniques


disponibles dépendent de l’état physique du polluant. Ceux qui sont à l’état de gaz,
vapeurs, poussières ou aérosols sont toujours en mélange avec de l’air, et appar-
tiennent à la catégorie des effluents volatils. Ceux qui sont présents dans l’eau
polluée, que l’on appelle effluents liquides, doivent faire l’objet d’un traitement en
station d’épuration, généralement physico-chimique, du moins après une détoxi-
cation principale. Nous abordons ce thème dans le cadre du traitement des déchets,
liquides et solides.
m Le traitement des effluents volatils
Une partie importante des activités humaines émettent des polluants volatils qu’il
n’est pas possible de traiter en pratique. Il s’agit des applications se déroulant en
plein air comme la peinture de bâtiment, les travaux de génie civil, d’extraction de
carrières, de traitement des cultures, etc. Dans le cadre de cet ouvrage, il n’est pas
possible de traiter des sujets aussi vastes. Nous nous contentons ici de rappeler les
principes de prévention qui les concernent :
– modifier le procédé pour supprimer les émissions ;
– remplacer les produits émis par des produits moins dangereux.
Ce qui suit concerne le domaine de l’entreprise ou des structures similaires. Pour
traiter des polluants volatils, il faut d’abord les canaliser complètement. Cette
disposition est en grande partie déjà incluse dans la prévention des risques visant la
santé humaine, mais elle doit aussi s’appliquer à des équipements reliés directe-
ment à l’extérieur, tels que les chaudières, les étuves et les fours, etc. Le réseau de
captage des effluents les transporte vers l’environnement extérieur, à moins qu’un
traitement ne les arrête. C’est le principe de l’épuration, qui, selon la technique
utilisée, permet soit de recycler les produits récupérés, auquel cas il n’y a plus de
pollution de l’environnement, soit de les transformer en effluents moins polluants.
L’examen des différentes techniques d’épuration renseigne sur l’issue du traitement.
Il faut distinguer trois familles de pollution volatile : les poussières, les composés
organiques volatils (COV) et les vapeurs minérales. Les gaz, les aérosols et les
fumées peuvent être rattachés à ces trois catégories, selon les cas. Si plusieurs caté-
gories coexistent, cela nécessite des traitements multiples.
Épuration des poussières :
Les poussières sont facilement retenues à l’aide d’un filtre, dont la perméabilité
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

doit être adaptée à la granulométrie des particules. Cette dernière est très variable,
comme le montrent les exemples suivants :

Polluant Diamètre en microns

Suies 0,01 à 0,5

Particules inspirables (alvéolaires) 0,5 à 3

Ciment 2 à 100

Bois 1 à 1 000

285
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

Il existe de nombreux procédés pour retenir les poussières émises dans l’air. Le tableau
suivant résume les principales technologies disponibles :

Filtres à manches
Très simple, décolmatage possible en continu
Filtres à poches

Filtre à cartouches Souvent jetables

Cyclone Demande de grandes vitesses d’air

Intéressant pour les poussières combustibles, mais génère


Humidificateur
des boues

Séparateur électrostatique Technique plus délicate

Les filtres les plus performants combinent plusieurs de ces procédés. Les médias
filtrants sont aussi très variés, selon la granulométrie concernée, la nature chimique
et la température, avec une évolution vers les non-tissés et les fibres synthétiques
modernes comme l’aramide ou le PTFE1. Le principal problème que posent ces
équipements est l’élimination des produits arrêtés, que ce soit par décolmatage
automatique, purge continue ou échange de bloc filtrant. Ces opérations peuvent
générer des expositions importantes. Pour les prévenir, l’installation doit satisfaire
quelques conditions :
– contrôler aussi bien le colmatage qu’une fuite du média filtrant, par un dispositif
de surveillance et d’alarme ;
– répondre aux exigences des atmosphères explosives, si c’est le cas ;
– posséder un système de décharge et de conditionnement des déchets en confi-
nement continu.
En définitive, le dépoussiérage est une épuration efficace sans grande difficulté,
mais il demande des installations coûteuses. Il conduit donc à des déchets solides,
qu’il est parfois possible de recycler.
Épuration des COV :
Le piégeage des COV contenus dans l’air de captage ou dans les évents de certains
appareils peut faire appel à des techniques très diverses du domaine physique et
chimique. En dehors du problème de l’investissement, la difficulté principale rencon-
trée pour l’application de la plupart des techniques disponibles est la concentration en
polluant. En effet, une grande dilution (quelques ppm) fait chuter le rendement de
l’épuration, c’est-à-dire le rapport entre la quantité retenue et celle qui entre dans
l’épurateur. La première mesure à prendre est donc de limiter le débit de captage au
minimum, pour favoriser une concentration plus élevée en polluants. C’est une

1. Pour en savoir plus, consulter le rapport du CETIAT de juillet 2003, disponible sur le site de l’ADEME :
www2.ademe. fr.

286
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

nouvelle raison de rechercher le confinement maximum. Les traitements disponibles


sont soit du domaine physico-chimique, soit du domaine biologique.
Le traitement le plus répandu est probablement l’adsorption sur charbon actif, à ne pas
confondre avec l’absorption, également utilisée. Le principe est de retenir les molécules
organiques, grâce à leur polarité, sur une surface solide. Il faut une très grande
surface, obtenue par une division poussée du support. C’est le cas du charbon actif,
mais aussi de la silice ou de l’alumine. L’adsorption est un phénomène thermodynamique
réversible, ce qui permet une désorption par de l’air chaud ou de la vapeur d’eau.
Le charbon actif est un support exceptionnel, en particulier celui qui est issu de la
pyrolyse des noix de coco. Les pores générées par sa préparation mesurent quel-
ques nanomètres et la surface totale créée est de 500 à 1 500 m2 par gramme !
Un filtre à charbon actif industriel se présente comme une colonne, traversée par
l’air à épurer. La capacité d’adsorption du charbon est bien sûr limitée et dépend
des facteurs suivants :
– Le produit à adsorber : la capacité dépend beaucoup de la structure chimique,
elle est par exemple croissante avec la polarité de la molécule, ainsi que sa masse,
et décroissante avec sa pression de vapeur.
– La vitesse de passage de l’air : l’adsorption n’étant pas instantanée, elle s’améliore
quand la vitesse diminue.
– La concentration en polluants : c’est l’une des rares techniques qui présente un
bon rendement avec des concentrations très faibles, mais ce rendement baisse
vite quand les concentrations augmentent.
– La température : elle déplace l’équilibre de l’adsorption vers la désorption.
– L’humidité : sa présence s’oppose aux échanges et limite la capacité d’adsorption.
Il est intéressant de voir comment se comporte le filtre vis-à-vis d’un flux constant
d’air à pollution constante. La courbe de saturation est logiquement identique à
celle qui a été décrite pour les protections respiratoires, au paragraphe 4.3.11.
Mais de telles installations permettent de placer un détecteur de vapeurs à la sortie
pour prévenir le claquage.
À titre indicatif, le tableau suivant donne quelques valeurs de capacités d’adsorption
sur charbon actif (en g de polluant par g de charbon) :

Capacité maximale d’adsorption


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

< 10 % 10 à 20 % 20 à 50 %

Dichlorométhane Acétone Essence

Formol Acide acétique Perchloréthylène

Oxyde d’éthylène Acroléine Toluène

Acétonitrile Éthanol Trichloréthylène

Anhydride sulfureux Hexane Styrène

Dioxyde d’azote Sulfure d’hydrogène Éthers de glycol

287
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

Les très petites installations utilisent des filtres à charbon jetables, ce qui n’est ni
fiable, ni économique, ni écologique. La bonne utilisation suppose la régénération
par cycle, qui est assez simple, puisqu’elle se fait par passage d’air chaud ou de
vapeur d’eau au travers de la colonne d’adsorption, de préférence à contre-courant.
Il suffit d’avoir une batterie de deux colonnes, l’une fonctionnant en épuration
pendant que l’autre est en régénération.

air propre
vapeur d’eau

récupération
air chargé des polluants

Figure 5.24 – Colonnes d’adsorption fonctionnant en alternance

Évidemment, la régénération libère un air très chargé en polluant, qu’il faudra traiter
à nouveau. Mais comme le polluant relargué est en forte concentration, il est alors
très facile de lui appliquer l’une des techniques suivantes.
Une deuxième technique d’épuration importante est l’absorption dans un liquide.
Elle utilise la solubilité du polluant dans un liquide choisi dans ce but. Dans le cas
des COV, on utilise un solvant lourd, souvent une huile pétrolière. Pour bien fonc-
tionner, l’absorption demande un contact intime avec le liquide, que l’on obtient avec
des colonnes spécifiques, appelées laveurs, qui fonctionnent avec un garnissage.

air lavé

garnissage
Figure 5.25 – Colonne
de lavage de gaz

air chargé

liquide de lavage

288
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

L’intérêt de ce choix est de pouvoir récupérer le solvant dissout par simple distilla-
tion de l’huile chargée. Ce système peut fonctionner en circuit fermé et fournit le
solvant à l’état liquide et pratiquement pur. Un mélange de vapeurs redonne le même
mélange à l’état liquide. Cela permet un recyclage quasi total de solvant volatil, les
inconvénients étant, en dehors de l’investissement, une consommation d’énergie
importante et une certaine technicité.
La version la plus courante de cette technique est le piégeage des vapeurs minérales,
et de certaines vapeurs organiques, par dissolution dans l’eau. Cette technique est
assez économique, puisqu’elle utilise l’eau ou une solution aqueuse comme liquide
absorbant et qu’elle s’accommode d’une grande quantité de polluants. Parmi tous
ceux qui sont piégeables, citons :
– acides et bases volatils (acide chlorhydrique, nitrique, acétique, ammoniac et
certaines amines) ;
– produits toxiques (cyanure et sulfure d’hydrogène, chlore) ;
– aérosols (cyanures alcalins, bases et acides concentrés, chromates, etc.) ;
– toutes poussières toxiques ou réactives.
Ces laveurs fonctionnent avec un garnissage ou une aspersion. Le liquide d’absorption
tourne en circuit fermé et doit être renouvelé, soit totalement par périodes, soit
partiellement par prélèvements. Le liquide ainsi saturé constitue un nouveau déchet
qui est soit retraité, soit éliminé comme tel.
Les vapeurs émises par la respiration des cuves de stockage peuvent être facilement
piégées de cette façon, en utilisant un dispositif très simple, sans circuit de ventilation,
comme le montre le schéma suivant :

Évent

Cuve de
stockage Laveur de gaz
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 5.26 – Piégeage des vapeurs émises par une cuve

L’efficacité de l’absorption peut être améliorée en utilisant une solution réactive,


comme un acide, une base, un oxydant ou un réducteur. Toutefois, certains polluants
restent difficiles à absorber en solution : les dioxydes de soufre et d’azote, l’oxyde
de carbone.
La troisième technique, la condensation, présente beaucoup d’avantages : elle est
propre et économique. Elle consiste à condenser les COV contenus dans l’air sur

289
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

une paroi froide. Elle demande par contre une certaine concentration en COV
pour bien fonctionner, de l’ordre de 1 % minimum. En fonction du point de rosée du
composé à condenser, le refroidissement du condenseur peut être assuré par de
l’air, de l’eau ou un fluide frigorigène à basse température. Le solvant condensé est
ainsi prêt à être recyclé dans le process, ou réutilisé par ailleurs. Cette technique est
assez simple, excepté pour des solvants à bas point d’ébullition, qui demandent
deux étages de condensation. Elle peut compléter une première récupération, en
particulier une adsorption.
Une quatrième technique, en fait une élimination, est apportée par la combustion.
Elle peut prendre divers chemins. La combustion est directe si le polluant est
combustible et suffisamment concentré. Il constitue alors un apport d’énergie, exploi-
table dans une chaudière spécialisée. Cela est facile après une adsorption ou une
condensation. Mais si le polluant n’est pas combustible ou trop dilué, il peut être
injecté dans une chaudière fonctionnant avec son combustible normal. Dans ces deux
cas, il faut tenir compte de la composition particulière des gaz de combustion et
prévoir éventuellement leur lavage. C’est ce qui fait la difficulté de l’élimination des
solvants halogénés, qui doivent faire l’objet d’une ségrégation avant traitement.
La combustion peut aussi se produire sans flamme. Il existe des catalyseurs de
combustion, fixés sur un support réfractaire, qui provoquent une réaction auto-
entretenue avec l’oxygène de l’air et permettent au besoin la récupération des calories
dégagées. Cette technique est aussi utilisable en aval d’une autre. On peut résumer
tous les couplages possibles des différentes techniques par le diagramme suivant :

air chargé de polluant

absorption
adsorption

condensation

combustion

rejets
recyclage gazeux

déchets
solides ou
liquides

Figure 5.27 – Combinaisons des techniques physiques d’épuration

Les procédés biologiques sont basés sur la transformation des molécules par des
organismes microbiologiques en sous-produits sans toxicité pour l’homme ou
l’environnement. C’est le principe utilisé dans les stations d’épuration biologiques,

290
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

pour les effluents aqueux, mais appliqué à des effluents gazeux. Le traitement
biologique est basé sur une réaction d’oxydation exothermique des composés en
présence d’oxygène et de micro-organismes ; cette réaction conduit à la formation
de biomasse, d’eau et de produits minéraux :

COV + O2 micro-organismes Biomasse + H2O + chaleur + minéraux

La biodégradation peut se produire sur un support solide (biofiltre) ou en milieu


liquide (biolaveur). Par sa simplicité et son aspect tant économique qu’écologique,
cette technique récente est appelée à un grand développement.

m La détoxication des déchets

Les déchets chimiques sont à considérer comme des agents chimiques et doivent
être traités comme tels. Ils appartiennent à deux catégories : d’une part les produits
liquides ou solides, tels que les solvants usagés, les produits périmés, les gâteaux de
filtration, les résidus de distillation, les eaux de décantation ou de lavage, ou les
produits issus de décapage, d’autre part les objets souillés comme les emballages
vides, les chiffons d’essuyage, les filtres, joints et tuyaux imprégnés, les vêtements
et protections jetables, etc. Le premier réflexe est souvent de les confier à des entreprises
spécialisées, qui vont les détoxiquer pour pouvoir les éliminer en déchets banals.
Cette solution présente des inconvénients sérieux. En voici quelques-uns :
– coût de traitement, puisque c’est en fait une sous-traitance ;
– procédure de transport de matières dangereuses ;
– stockage préalable, pour grouper les envois ;
– masquage des faiblesses du procédé générateur de déchets.
Ces considérations incitent à favoriser la détoxication des déchets par le producteur,
dès la production, autrement dit « à la source ». Même si c’est parfois impossible,
il faut l’envisager systématiquement, car, faite à la source, la détoxication est souvent
assez facile.
Pour bien la réaliser, il convient de commencer par l’identification des dangers,
comme pour tout produit chimique. Il faut donc procéder à un étiquetage de tous
les déchets, stockés dans un emballage adéquat. Les informations nécessaires se
trouvent souvent dans le mode d’obtention. Ainsi, un solvant classé R10 et R37,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

souillé par quelques pour cents de trichloréthylène, sera étiqueté R10, R37 et R45.
Les emballages vides et les produits périmés ou non conformes sont, eux, déjà
étiquetés. Les emballages des produits solides et pâteux doivent faciliter leur trans-
fert et leur traitement ultérieur. L’étiquetage doit aussi mentionner l’opération
dont ils sont issus. Les objets imprégnés portent l’étiquetage des produits d’impré-
gnation. Le premier effet positif de cet étiquetage est de pouvoir stocker les déchets
en respectant les règles de séparation adéquates (voir paragraphe 5.1.2).
La détoxication va consister à réduire le niveau de danger au plus bas possible, par
un traitement chimique ou physique approprié. Il n’est pas possible de présenter
ici tout l’éventail de ces traitements, qui relèvent de la compétence d’un chimiste.
Nous en donnons quelques pistes :

291
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

Danger initial Traitement Exemple

Inflammable Combustion en chaudière spéciale Isopropanol

Chromates
Oxydant Réduction par bisulfite
Chlorates

Acide chlorhydrique
Corrosif Neutralisation
Soude

Dégradation de la molécule Cyanures


par oxydation Formol

Toxique Isocyanates
Hydrolyse par acide ou base fort
Phosgène

Combustion Benzène, aniline

Pentachlorure de phosphore
Réactif fort Réaction contrôlée sur produit adéquat
Sodium

Élément Isolement chimique ou électrolytique Chrome


toxique avant conditionnement Cadmium

Ces exemples ne sont évidemment ni exhaustifs ni suffisamment précis pour être


exploités. Il importe, au cas par cas, de faire les recherches bibliographiques néces-
saires et de procéder à des essais de validation. Dans le cas où le producteur de
déchets n’a ni la compétence ni les moyens techniques pour réaliser les détoxica-
tions utiles, il doit se tourner vers des entreprises spécialisées. Le domaine où ces
opérations sont les plus indiquées est celui des petites quantités, typiquement le
domaine des laboratoires de recherche ou d’analyse. Dans ceux-ci, la détoxication
des déchets devrait être intégrée à la plupart des modes opératoires.

m La réduction quantitative des pollutions

Il n’est pas toujours possible de réduire le danger des polluants. C’est le cas des gaz
de combustion, même si l’on peut au moins filtrer les particules, ou piéger certains
oxydes, sur des installations lourdes. C’est aussi le cas des métaux lourds (plomb,
mercure, cadmium), dont le danger est inhérent à l’élément chimique. Il existe
d’ailleurs de nombreux éléments plus ou moins toxiques susceptibles d’être présents
dans des préparations ou des réactifs, comme le chrome, l’arsenic, l’antimoine, le
béryllium, le cobalt, etc. Pour ces polluants, on peut seulement réduire le niveau de
pollution au plus bas que le permet la technique. Toutes les améliorations de procédés
déjà évoquées peuvent contribuer à cette réduction, en particulier la récupération
et le recyclage des polluants les plus dangereux. Pour la fourniture d’énergie thermique
ou mécanique, il est préférable d’utiliser l’électricité plutôt que les combustibles.
Notons que la solution consistant à diluer les effluents dans un grand flux d’air ou
d’eau ne réduit pas la quantité totale émise. Mais il est vrai qu’une concentration
réduite peut limiter l’impact final sur l’environnement.

292
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

m Pollution accidentelle

Une pollution accidentelle de l’environnement est un sinistre. Les plus graves ont
été tellement médiatisés qu’ils ont provoqué une abondante réglementation. C’est
en effet l’aspect accidentel qui inspire en majorité tous les textes concernant les
installations classées, et en particulier celles qui relèvent du classement Seveso.
Sans aborder le vaste domaine de cette réglementation, il est intéressant d’examiner
ce qu’apporte l’application de la méthodologie. Elle conduit à agir sur la situation
dangereuse, puis sur les événements dangereux et enfin sur le dommage.

m Action sur les situations dangereuses

Il s’agit d’éviter la proximité de la réserve d’agents chimiques avec les milieux cibles.
Comme on ne peut pas s’éloigner de l’air, de l’eau ou du sol, il faut introduire des
obstacles dans leur direction. Pour l’air, on peut en théorie placer une installation
entièrement dans une enveloppe étanche, de façon à contenir toute émission
massive, en attendant son traitement. C’est le principe de l’enveloppe de confinement,
utilisée dans l’industrie nucléaire. Cela n’est envisageable que si le risque pour les
personnes présentes dans l’installation n’est pas aggravé. Mais cela est possible
pour des installations automatisées, ou à l’intérieur desquelles a été prévu un moyen
d’isolement des personnes en toute sécurité.
Pour les effluents liquides, les capacités de rétention sont, depuis longtemps, la
meilleure solution. Pour augmenter leur efficacité, il faut multiplier les rétentions
de façon concentrique. Cela veut dire placer un contenant ou un équipement dans
sa propre rétention, qui est elle-même placée dans une plus grande rétention et
ainsi de suite. Une dernière rétention devrait contenir tout l’établissement, ce qui
s’avère utile en présence d’un déversement d’une grande quantité d’eau, à la suite
d’un orage ou d’une intervention de lutte contre le feu. Les capacités de rétention
ont en outre l’avantage d’éviter les pollutions du sol.

m Action sur les événements dangereux

En plus du confinement, et surtout s’il est impossible ou incomplet, il faut réduire


au plus bas possible la probabilité du sinistre. L’étude de danger prévue par la
réglementation ICPE répond bien à ce souci. Mais toute installation, classée ou
non, doit éviter les rejets accidentels. Pour ce faire, il suffit de reprendre l’inven-
taire des risques accidentels figurant dans le rapport évoqué au paragraphe 5.4.4 et
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

d’apporter les solutions, point par point. Les mesures de prévention seront
d’ailleurs assez peu différentes de celles qui sont retenues pour la santé et sécurité
humaine. Parmi les plus importantes, on peut citer toutes les mesures de préven-
tion des explosions, de maintenance préventive, de formation et d’information du
personnel. Rappelons que le sinistre de Seveso était parti d’un refroidissement de
réacteur insuffisant en fin de semaine, du fait de retards causés par des incidents
techniques.
Les grands sinistres sont heureusement rares. En revanche, il se produit une grande
quantité d’incidents dont les conséquences restent limitées, comme en témoigne la
base ARIA. Pour citer un type classique d’incident, il faut parler du risque particulier
qui pèse sur les livraisons en vrac de solutions aqueuses concentrées. Les réactifs les

293
5 • Applications particulières 5.4 Protection de l’environnement

plus fréquents sont les acides chlorhydriques et sulfuriques, la soude, l’hypochlorite


de sodium (eau de javel) et le bisulfite de sodium. Ils sont déjà cités comme réactifs
dangereux dans le traitement de surface (paragraphe 5.3.2), mais sont aussi employés
dans les blanchisseries industrielles et dans les installations de traitement d’air
dont sont équipées les usines d’épuration des eaux urbaines. Il s’est déjà produit
des erreurs dans les branchements de tuyaux mobiles pour le déchargement en
vrac qui ont conduit à des mélanges dangereux, tels que acide et bisulfite, ou acide
et hypochlorite. Les mélanges ont provoqué un dégagement massif soit de dioxyde
de soufre, soit de chlore. La prévention de ce type d’erreur repose en priorité sur
des procédures, qu’il faut savoir faire appliquer.

m La limitation des dommages


La réduction de la gravité d’un dommage environnemental, une fois le sinistre
démarré, n’est possible que dans certaines circonstances, dont on peut donner
quelques exemples. En cas d’émission massive de vapeurs minérales, comme dans
le dernier exemple cité, il faut envisager l’aspersion de la zone d’émission par une
grande quantité d’eau bien dispersée, ce qui revient à faire de l’absorption. Il faut
une source relativement localisée et disposer des moyens d’aspersion. C’est une
solution classique pour un accident de transport. Elle est applicable à tout autre type
d’agent chimique que l’eau peut « rabattre » efficacement, comme les poussières et
certains solvants.
Les déversements massifs de liquides ou solides dans l’eau de surface peuvent être plus
ou moins confinés par des barrages flottants, à condition que les polluants flottent
eux-mêmes. Il s’agit ensuite d’en récupérer le maximum, grâce à des techniques
qui se développent dans ce domaine. Mais la rétention générale d’un établissement
entier agit plus efficacement, parce que plus précocement. Encore faut-il qu’il
n’existe plus de courts-circuits vers les réseaux d’évacuation externes.
Enfin, il existe des mesures de type organisationnel qui sont capables de limiter
considérablement la gravité des accidents environnementaux. La première est de
limiter le volume de ce que nous avons appelé la réserve d’agent chimique. Elle
correspond aux différents stockages présents, pour les matières premières, les produits
finis, les effluents en cours de traitement et les déchets liquides. Il faut aussi compter
toutes les capacités du procédé lui-même. Plus les volumes seront réduits et frac-
tionnés, moins la gravité de la pollution sera grande. La seconde est de réduire,
autant que possible, le niveau de danger maximum présent dans cette réserve. Notons
que cet objectif implique, du moins dans les industries de process, l’utilisation de
systèmes de production en continu et de flux tendus.
En conclusion de ce chapitre, la protection de l’environnement se prête parfaite-
ment à la méthodologie appliquée pour la prévention des risques visant la santé et
la sécurité humaine. Ce constat ouvre la porte à une approche globale de ces deux
domaines, utilisant les mêmes outils, les mêmes concepts et aboutissant à la même
efficacité.

294
6 • ÉTUDE DE CAS

L’étude de cas présentée ici est reconstituée à partir de situations réelles, pour illus-
trer l’application de la méthodologie exposée. Elle est volontairement limitée à
une petite activité afin de ne pas alourdir la démonstration.

6.1 Description du cas


Dans une entreprise de carrosserie de véhicules utilitaires, un petit atelier est
réservé à la peinture par pulvérisation. Les objets peints habituellement sont des
panneaux rigides. L’atelier comprend une zone de préparation de la peinture et
une cabine de pulvérisation à flux horizontal. L’activité du peintre consiste à
préparer la peinture puis à peindre le panneau dans la cabine. C’est une peinture
de type polyuréthanne, à deux composants. La préparation est en fait le mélange
de la base avec le durcisseur et un peu de diluant pour ajuster la viscosité.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 6.1 – Préparation de peinture – Application par pulvérisation

295
6 • Étude de cas 6.2 Analyse des risques

6.2 Analyse des risques


6.2.1 Liste des actions de l’opération peinture
Les actions listées sont limitées à celles qui supposent un risque.

Code Action Durée

P1 Ajout des trois composants et mélange 3 min

P2 Remplissage du pot 1 min

P3 Pulvérisation en cabine 30 min

P4 Nettoyage du pot 10 min

6.2.2 Liste des dangers


Les trois composants du mélange, à savoir la base, le durcisseur et le diluant, portent
le même étiquetage :

Contient du xylène
R10 – Inflammable
R20/21 – Nocif par inhalation et contact cutané
R38 – Irritant pour la peau

C’est donc la classification du mélange, qui sera constante tout au long de l’opération.
Seul le xylène porte les dangers R10 et R20.

6.2.3 Liste des expositions


Compte tenu de la simplicité du cas, ne figurent pas toutes les données listées au
paragraphe 3.2.5.

Famille Risque
Action Agent Forme Proximité Dommage
de danger n˚

xylène C-In vapeurs Tête au-dessus du pot Intoxication 1

P1 et P2 Mélange et remplissage
Irritation
peinture C-Co liquide à la main, partiellement 2
cutanée
protégée

Irritation
P4 peinture C-Co liquide Nettoyage à main nue 3
cutanée

296
6 • Étude de cas 6.2 Analyse des risques

On remarque que P1 et P2 ont été regroupées en raison des expositions identiques.


P3 n’implique normalement pas d’exposition : la cabine est ventilée et le peintre
bien placé.

6.2.4 Liste des situations dangereuses

Famille Risque
Action Agent Forme Situation Événement Dommage
de danger n˚

Atmosphère
Étincelle électrique, Lésions,
xylène A-IE vapeurs explosive 4
explosion décès
présente

Renversement de
Manipulation Intoxication
xylène A-In vapeurs bidon, évaporation 5
P1 de bidon aiguë
de 10 l.
et P2
Renversement de
bidon, évaporation
Manipulation Lésions,
xylène A-IE vapeurs de 10 l., étincelle 6
de bidon décès
dans atelier voisin,
explosion

Atmosphère Panne de ventilation,


Lésions,
P3 peinture A-IE aérosol explosive étincelle d’électricité 7
décès
potentielle statique, explosion

Il n’y a pas d’accident envisageable pour P4.

6.2.5 Estimation des risques


m Risques chroniques :

Niveau Niveau Importance


Risque Famille Durée Fréquence/ R ou C
de Ir/Ic d’exposition du risque
n˚ de danger (min) jour (1 à 3)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

danger (1 à 3) (1 à 3)

1 In 3 4 4 1 16 1 1

2 Co 3 4 4 1 16 1 1

3 Co 3 10 4 2 80 2 2

Le niveau d’exposition ne peut être attribué qu’une fois tous les indices d’exposition
connus. Le classement du risque ne diffère pas, dans ce cas, du niveau d’exposition,
puisque le niveau de danger est constant.

297
6 • Étude de cas 6.2 Analyse des risques

m Risques accidentels

Niveau de Niveau de Importance du


Famille de
Risque n˚ gravité probabilité risque
danger
(1 à 3) (1 à 3) (1 à 3)

4 IE 2 2 3

5 In 1 3 2

6 IE 3 2 3

7 IE 2 1 1

Le tableau est apparemment plus simple, mais il ne montre pas les paramètres qui
aident à fixer les niveaux de gravité et de probabilité. Ceux-ci sont toujours attribués en
relatif, c’est-à-dire que l’on attribue d’abord les cotes maximum et minimum, puis
toutes les autres.
Il en résulte un classement des risques par priorité pour aborder la phase prévention :

Risque Famille
Priorité Action Action visée
n˚ de danger

P1 + P2 4 A-IE Préparation de peinture et remplissage pot


Urgent
P1 + P2 6 A-IE Préparation de peinture et remplissage pot

P4 3 C-Co Nettoyage du pot


À faire
P1 + P2 5 A-In Préparation de peinture et remplissage pot

1 C-In Préparation de peinture et


P1 + P2
Peut remplissage pot
2 C-Co
attendre
P3 7 A-IE Pulvérisation en cabine

On aurait pu aussi classer les actions par leur cote de risque total :

Action Risques concernés Cote cumulée des risques

P1 + P2 1-2-4-5-6 1 + 1 + 3 + 2 + 3 = 10

P4 3 2

P3 7 1

Le plan d’action se dégage ainsi clairement.

298
6 • Étude de cas 6.3 Mesures de prévention

6.3 Mesures de prévention


En repartant du tableau précédent, on ajoute d’abord systématiquement les cinq
objectifs et on cherche des mesures pour chacun d’eux, en s’inspirant des règles
énoncées dans le chapitre 4.

Famille
Risque Objectif de
de Action visée Mesure possible
n˚ prévention
danger

Emploi de panneaux pré-peints


Agent chimique
Peinture hydrodiluable
Préparation
4 A-IE de peinture et Situation Captage des vapeurs
remplissage pot
Événement Matériel atex

Dommage Néant

Emploi de panneaux pré-peints


Agent chimique
Peinture hydrodiluable

Ajout des composants par pompe


Préparation Situation
dans pot fermé
6 A-IE de peinture et
remplissage pot
Isolement de la zone de travail
Événement
Formation au risque

Dommage Capacité de rétention

Agent chimique Emploi de panneaux pré-peints

Machine à laver
Nettoyage
3 C-Co Exposition
du pot
Port de gants

Dommage Lavage des mains


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Emploi de panneaux pré-peints


Agent chimique
Peinture hydrodiluable

Ajout des composants par pompe


Préparation
dans pot fermé
5 A-In de peinture et Situation
remplissage pot
Captage des vapeurs

Événement Formation au risque

Dommage Port de protection respiratoire

299
6 • Étude de cas 6.3 Mesures de prévention

Famille
Risque Objectif de
de Action visée Mesure possible
n˚ prévention
danger

Emploi de panneaux pré-peints


Agent chimique
Peinture hydrodiluable

Préparation Ajout des composants par pompe


1 C-In
de peinture dans pot fermé.
Exposition
Captage des vapeurs

Dommage Port de protection respiratoire

Agent chimique Emploi de panneaux pré-peints

Robot de peinturage
2 C-Co Remplissage pot Exposition
Remplissage par pompe

Dommage Port de gants

Emploi de panneaux pré-peints


Agent chimique
Peinture hydrodiluable

Situation Robot de peinturage

Fiabilisation de l’alimentation
électrique
Pulvérisation
7 A-IE
en cabine Asservissement du pistolet
Événement
à la ventilation

Vêtements et tuyaux
antistatiques

Panneau de décompression
Dommage
sur la cabine

Ce tableau appelle plusieurs remarques importantes :


– La méthode fournit une quantité de mesures possibles inimaginable par une simple
intuition.
– Des mesures reviennent souvent, ce qui signifie qu’elles ont une large portée.
– Aucune décision n’est immédiatement possible. Il faut une première étude pour
éliminer les moins réalistes.
– Le choix de certaines mesures en exclut d’autres. Ainsi, le passage à une peinture
hydrodiluable élimine toutes les mesures de prévention des explosions.
À partir de cette énumération de 17 mesures différentes, on peut dégager 8 grandes
options et les confronter au contexte global de l’entreprise.

300
6 • Étude de cas 6.4 Conclusion

Risques Délai de mise


Option Principe Remarques
couverts en place

Ne peut s’appliquer qu’à


A Emploi de panneaux pré-peints Tous 1 an
50 % de la production

B Peinture hydrodiluable 1-4-5-6-7 3 mois À valider en clientèle

Investissement trop lourd


C Robot de peinturage 2-7 6 mois
pour la quantité

Captage des vapeurs (sur poste de


D 1-4-5 1 mois Facile à réaliser
préparation)

Ajout des composants par pompe Demande une autre


E dans pot fermé (un mélangeur- 1-5-6 3 mois organisation du travail
doseur mécanisé et clos) et une qualification

F Port de protection respiratoire 1-5 1 semaine Facile, mais inconfortable

G Port de gants 2-3 1 jour Facile, mais gène la précision

H Formation au risque 5-6 3 mois Utile dans tous les cas

Les autres mesures ne sont citées qu’une fois. L’examen de ce tableau conduit faci-
lement à la solution idéale, c’est-à-dire le meilleur compromis entre l’efficacité et
la faisabilité. Ce compromis serait :
– formation au risque (facilitera l’adoption des autres mesures) ;
– utiliser des panneaux pré-peints chaque fois que possible (c’est déjà le cas) ;
– installer un poste de préparation isolé avec captage des vapeurs (en rétention) ;
– installer une machine à laver les pots ;
– installer un mélangeur-doseur mécanisé et clos (fonctionne quelle que soit la
peinture) ;
– passer progressivement à la peinture hydrodiluable (90 % à terme).
Notons qu’arrivé au stade n˚ 5, les risques couverts seraient : 1-3-4-5-6, donc la
totalité de ceux qui sont estimés en niveaux 2 et 3. Un tel plan de prévention,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

reposant sur une analyse rationnelle des risques et un choix calculé des mesures, a
toutes les chances d’être adopté et appliqué par tous les acteurs de l’entreprise.

6.4 Conclusion
Cette étude de cas, qui ne porte que sur une opération simple, avec peu d’actions
et peu d’agents chimiques, se révèle finalement déjà délicate à mener à bien. Cela
démontre l’importance d’une organisation rigoureuse pour bien respecter la métho-
dologie dans des situations plus complexes, que l’on trouve même dans de petites
entreprises, surtout si l’on intègre la protection de l’environnement. Il existe beaucoup

301
6 • Étude de cas 6.4 Conclusion

d’autres méthodes, qui attirent par leur simplicité et leur rapidité, mais peut-on se
contenter d’un résultat approximatif en matière de protection de la santé et de
l’environnement ? L’application de normes ISO 9000 et ISO 14000 a aussi montré
que la qualité est toujours le fruit d’un investissement lourd, comme tous ceux qui
garantissent l’avenir de l’entreprise.

302
7 • ORGANISATION DE LA DÉMARCHE

Le bon déroulement de la démarche de prévention des risques dans l’entreprise


nécessite une organisation particulière tenant compte de l’implication de
nombreux acteurs et du recueil de nombreuses informations. Même si cet ouvrage
se consacre au risque chimique, il serait étonnant qu’une telle démarche se limite à
ce risque. C’est pourquoi le paragraphe 4.5 indique comment réaliser l’extrapolation
vers les autres risques et le paragraphe 5.4 pour l’environnement. La récapitulation
de toutes les étapes à suivre, quels que soient les risques, est la suivante :

7.1 Chronologie générale


Décision de l’entreprise

Mise en place des moyens


Mise en place
de la démarche
Recensement des agents chimiques

Planification des études

Choix d’une méthode de travail

Identification des risques


Figure 7.1 Évaluation
des risques
Estimation des risques
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Fixation des priorités

Recherche des mesures possibles

Action de Choix des mesures


prévention
Réalisation

Évaluation des mesures

303
7 • Organisation de la démarche 7.2 Mise en place des moyens

7.2 Mise en place des moyens


La prévention des risques professionnels ou environnementaux conduit généralement
à des changements qui relèvent du management, ne serait-ce que pour les aspects
financiers. L’engagement d’aller au bout, de la part de la direction de l’entreprise,
du service, ou de toute autre structure, est une condition fondamentale. Cet enga-
gement doit être pris, annoncé et expliqué, comme on le fait pour toute décision
stratégique qui implique l’ensemble du personnel. C’est l’un des ressorts de la
motivation de ses acteurs. Pour être conduite à son terme dans un délai raisonnable
et avec une précision suffisante, la démarche de prévention doit être gérée en tant
que projet. Cela suppose :
– la désignation d’un chef de projet, dûment formé à ce domaine ;
– l’information et la communication sur la démarche envers l’ensemble du
personnel, de façon à en faire un objectif d’entreprise ;
– la constitution d’un groupe de travail, intégrant plusieurs compétences, dont la
composition peut varier en fonction des besoins. Tous les membres disposent
d’un crédit de temps suffisant pour leur participation. Ce groupe inclut des
membres du CHSCT ou des représentants du personnel et le service de santé
au travail ;
– la formation des personnes concernées. Il existe de nombreuses offres de forma-
tion sur des méthodes comme l’AMDEC ou HAZOP, sur la toxicologie, sur la
métrologie des polluants et sur la création et la gestion de bases de données ;
– la formalisation d’une équipe d’enquêteurs pour aller visiter les postes de travail et
questionner le personnel. C’est probablement la fonction la plus consommatrice
de temps ;
– la mise à disposition d’un local de réunion, de mobilier et de moyens bureautiques
pour le travail d’échange et d’enregistrement ;
– la mise à disposition d’outils informatiques spécialisés pour l’enregistrement et
la mise en forme des données. Une base de données programmable nous paraît
être l’outil indispensable pour enregistrer toutes les données prévues et les gérer
pour faciliter les estimations et les décisions. Elle servira en outre au suivi du
plan de prévention. Aucun des logiciels commerciaux actuels dédiés aux risques
professionnels ne respecte totalement la méthodologie de cet ouvrage.
Ces moyens sont évidemment à proportionner à la taille de l’entreprise ou du service.
Ce qui est indispensable, c’est la nomination d’un chef de projet et la libération du
temps nécessaire. Les moyens dépendent aussi du délai que l’on s’accorde. Il n’est
pas exceptionnel d’étaler la démarche sur plusieurs années, comme pour la qualité,
à condition d’avoir identifié les urgences. Cette démarche est d’ailleurs conforme
aux principes préconisés par les instances officielles de la prévention des risques
professionnels1.

1. Ces cinq principes ont été publiés par l’INRS sous la référence ED 886 (Évaluation des risques profes-
sionnels – Principes et pratiques recommandés par la CNAMTS, les CRAM, les CGSS et l’INRS).

304
7 • Organisation de la démarche 7.3 Recensement des agents chimiques

7.3 Recensement des agents chimiques


Il est indispensable, et très pratique, de disposer d’un inventaire aussi complet que
possible des agents chimiques présents dans l’entreprise. Nous avons vu que c’est
un outil de base pour l’analyse des risques, mais il s’avère utile dans d’autres domaines,
tels que la logistique et les achats. Le premier recensement à faire est celui des
produits approvisionnés, c’est-à-dire achetés ou non. Il faut le faire sur plusieurs
années et le vérifier périodiquement par un inventaire physique. Normalement, le
recensement est maintenu à jour par la saisie systématique des entrées et des sorties
de produits. Des produits échappent parfois à tout contrôle, parce qu’ils sont livrés
comme partie d’un tout, qui peut être un équipement. Par exemple, une machine
à laver avec un contrat de fourniture de lessive, ou un lubrifiant spécifique d’une
machine.
Notons que la plupart de ces données sont normalement saisies dès la demande
d’achat (ou d’enlèvement) et confirmées à la livraison, à condition qu’une organi-
sation adéquate ait été mise en place. La tenue d’une base de données permet
notamment à un acheteur de détecter les demandes redondantes et de prévoir
d’éventuelles ruptures de stock.
Il faut ensuite recenser tous les produits « générés » par l’activité : vapeurs, poussières,
fumées, etc. Les déchets chimiques doivent aussi être identifiés et donner lieu
à des « sorties ». Les produits générés par l’activité ne peuvent être repérés que par
l’observation du travail, aidée par le questionnement des opérateurs et éventuelle-
ment par une métrologie adaptée. Il n’est pas forcément judicieux de les placer
dans la même liste que les produits chimiques classiques, mais plutôt dans une
base spécialisée en raison de leur lien avec une activité particulière.
Sachant qu’un agent chimique peut se retrouver dans de nombreuses tâches et dans
de nombreux procédés, sans parler de l’approche environnementale, il est indispen-
sable que la base de données de tous les agents chimiques présents, même tempo-
rairement, contienne toutes les informations utiles concernant chaque produit.
Ces informations sont très nombreuses ; en voici un inventaire possible :

m Les éléments d’identification

– les différents noms possibles d’un agent chimique ;


– le numéro CAS ou EINECS ou le numéro d’index de l’UE ;
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

– la référence interne à l’entreprise, si nécessaire ;


– le grade de pureté ou la concentration.

m Les informations réglementaires de sécurité

– les symboles de dangers ;


– les phrases R ;
– les phrases S ;
– le code SGH ;
– le numéro ONU pour le classement transport.

305
7 • Organisation de la démarche 7.3 Recensement des agents chimiques

m Les données opérationnelles


– les conditionnements ;
– les lieux de dépôt et d’utilisation ;
– les usages prévus ou les procédés concernés ;
– la consommation annuelle ;
– la fréquence de mise en œuvre (par an ou par mois).

m Les données physiques


– le point d’ébullition ;
– la pression de vapeur ;
– le point d’éclair ;
– les LIE et LSE ;
– la granulométrie ;
– le point de fusion ;
– les sensibilités particulières.

m Les données toxicologiques


– les VLEP ;
– les DL50 et CL50 ;
– les classements CMR et CIRC ;
– l’existence de tableaux MP ;
– les données écotoxicologiques.
Cela fait beaucoup d’informations, mais elles serviront dans plusieurs domaines :
sécurité, environnement, gestion, achats, etc. Cette base présente l’énorme avan-
tage de regrouper des informations habituellement dispersées. Elles proviennent
du fournisseur, des services analytiques, de santé au travail, d’achats, de logistique
et d’ordonnancement, selon l’organisation de l’entreprise. Le second avantage est
que ces données peuvent alors être facilement accessibles à tous, dès lors qu’un réseau
informatique est disponible. Cette centralisation peut aussi avoir des retombées
telles que des échanges d’informations entre destinataires des produits et, parfois,
une réduction du nombre de produits référencés.
Dans le cas particulier des intermédiaires de synthèse de l’industrie chimique (voir
paragraphe 5.2), l’entreprise doit agir en tant que fournisseur et faire de la classifi-
cation volontaire. Quant aux agents générés par l’activité sous forme de vapeurs,
les dangers à mentionner sont ceux des produits à l’origine de l’émission. S’il s’agit
de poussières ou de fumées, il faut toujours identifier leur origine et procéder à des
analyses. Quand le produit d’origine n’est pas étiquetable, comme dans le cas des
matériaux (bois, ciment, verre, fibres, etc.), le caractère dangereux est indiqué par
l’existence d’une valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP). On peut se référer
au tableau du paragraphe 2.3.5. ou à l’annexe 4. Il serait judicieux dans ce cas d’attri-
buer à cette émission une phrase de risque adéquate, que l’on fera figurer dans la base
de données. Pour les déchets, on se réfère aux produits à l’origine de leur généra-
tion, ce qui suppose un suivi rigoureux du devenir de tous les produits entrants.
D’autres documents permettent de compléter ou de vérifier les informations de
danger. Le premier d’entre eux est la bien connue fiche de données de sécurité (FDS).

306
7 • Organisation de la démarche 7.4 Repérage des urgences

Parmi les 16 rubriques qui la composent, 11 ont un intérêt particulier dans notre
démarche :
– 1) identification ;
– 2) dangers ;
– 3) composition ;
– 7) précautions (stockage, emploi, manipulation) ;
– 8) VLEP et protections individuelles ;
– 9) propriétés physico-chimiques ;
– 10) stabilité et réactivité ;
– 11) toxicologie ;
– 12) informations écologiques ;
– 15) réglementation ;
– 16) autres informations.
Une autre source très riche d’informations est constituée par les fiches toxicologiques
de l’INRS, maintenant disponibles sur le site Internet. Malheureusement, elles ne
concernent qu’un nombre limité de substances. Les fournisseurs de produits chimi-
ques proposent souvent en plus des FDS des dossiers plus ou moins complets sur
leurs produits. Il existe en outre beaucoup d’ouvrages spécialisés dans les données
de sécurité qui permettent de recouper les informations. Mais le plus simple est
encore de se référer à la liste officielle de classement des substances, par accès au
site de l’UE1, qui en comporte aujourd’hui près de 3 500.
La base des agents chimiques, si elle est bien organisée, permet de rendre toutes ces
informations accessibles rapidement et de faciliter ainsi la progression du projet.
Elle sera mise à jour au fur et à mesure que de nouvelles informations paraissent.

7.4 Repérage des urgences


Les risques identifiés, et donc les actions de prévention, peuvent être suffisamment
nombreux et coûteux pour que leur traitement demande plusieurs années. C’est du
moins ce qui peut se passer si l’on organise l’analyse selon l’une des trois méthodes
évoquées au début de cet ouvrage. Il est donc indispensable de savoir rapidement
où peuvent se situer les risques les plus importants pour orienter le planning des
études vers les plus urgentes. D’où la nécessité de disposer d’une méthode de pré-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

estimation rapide. Une telle méthode existe ; elle est basée sur le « potentiel de risque »
de chaque agent chimique.
Le potentiel de risque associé à un agent chimique exprime sa capacité théorique à
générer une situation à risque. En effet, il a été observé que les risques chroniques
ou accidentels les plus élevés étaient souvent en rapport avec le niveau de danger, la
quantité consommée et la fréquence de mise en œuvre de l’agent chimique. D’où
l’idée d’un potentiel de risque fonction de ces trois paramètres, issue des travaux de
l’INRS2. Son intérêt réside dans un repérage rapide de situations à risque important,

1. http://ecb.jrc.it/classification-labelling/
2. Note documentaire de l’INRS : Méthodologie d’évaluation simplifiée du risque chimique, ND 2233.

307
7 • Organisation de la démarche 7.4 Repérage des urgences

avant de procéder aux études de terrain. Pour calculer le potentiel de risque, il faut
suivre le mode opératoire suivant, qui est une variante simplifiée de celui de l’INRS :
– 1) déterminer le niveau de danger ND de chaque agent ;
– 2) classer les produits par quantité consommée décroissante, et leur attribuer le
rang R1 ;
– 3) classer les produits par fréquence de mise en œuvre décroissante, et leur attri-
buer le rang R2 ;
100
– 4) calculer un indice d’utilisation selon la formule : i = ------------------- .
R1 × R2
– 5) classer les indices d’utilisation par valeur décroissante et leur attribuer un
niveau de mise en œuvre NO de 1 à 5 ;
– 6) combiner ce niveau de mise en œuvre avec le niveau de danger du produit
selon la formule : potentiel de risque = (niveau de danger) ¥ 2 + (niveau de mise
en œuvre). Cette formule privilégie le danger par rapport à l’exposition.
EXEMPLE :
Une entreprise a relevé les informations suivantes concernant ses agents chimiques consommés :

Consommation Phrases Nombre de mises


Agent chimique
annuelle (kg) de risque en œuvre par mois

Huile pour machine 200 néant 1

Peinture solvantée 500 R10, R20/21, R38 20

Xylène 200 R10, R20/21, R38 20

Acétonitrile 50 R11, R23/24/25 80

Soude 20 R35 10

Bicarbonate de sodium 100 néant 20

Poussières de bois 50 2

Fumées de soudure 2 10

Le mode opératoire s’applique ainsi, pas à pas :


Niveaux de danger (selon annexe 4) :

Agent chimique Phrases de risque ND

Huile pour machine néant 1

Peinture solvantée R10, R20/21, R38 3

Xylène R10, R20/21, R38 3

Acétonitrile R11, R23/24/25 4

308
7 • Organisation de la démarche 7.4 Repérage des urgences

Soude R35 4

Bicarbonate de sodium néant 1

Poussières de bois (VLEP) 4

Fumées de soudure (VLEP) 3

Quantités consommées :

Consommation
Agent chimique R1
annuelle (kg)

Peinture solvantée 500 1

Huile pour machine 200 2

Xylène 200 2

Bicarbonate de sodium 100 4

Acétonitrile 50 5

Poussières de bois 50 5

Soude 20 7

Fumées de soudure 2 8

Fréquence de mise en œuvre :

Nombre de mises
Agent chimique R2
en œuvre par mois

Acétonitrile 80 1

Peinture solvantée 20 2
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Xylène 20 2

Bicarbonate de sodium 20 2

Soude 10 5

Fumées de soudure 10 5

Poussières de bois 2 7

Huile pour machine 1 8

309
7 • Organisation de la démarche 7.4 Repérage des urgences

Indices d’utilisation et niveaux de mise en œuvre :

Agent chimique i = 100/R1 ¥ R2 NO

Peinture solvantée 50,0 5

Xylène 25,0 4

Acétonitrile 20,0 4

Bicarbonate de sodium 12,5 3

Huile pour machine 6,3 2

Poussières de bois 2,9 1

Soude 2,9 1

Fumées de soudure 2,5 1

Potentiel de risque :

Agent chimique ND NO PR

Acétonitrile 4 4 12

Peinture solvantée 3 5 11

Xylène 3 4 10

Soude 4 1 9

Poussières de bois 4 1 9

Fumées de soudure 3 1 7

Bicarbonate de sodium 1 3 5

Huile pour machine 1 2 4

Ce tableau indique clairement l’ordre à suivre pour conduire les analyses de risque, sachant qu’elles
peuvent, une fois réalisées, montrer des urgences différentes. Cet exemple est très simple, mais on
imagine l’intérêt de la méthode sur une liste de plusieurs centaines de produits. Le calcul peut être
automatisé, la seule difficulté, s’il en est, étant de recueillir les données nécessaires.

À partir de la liste de tous les agents chimiques par potentiel de risque décroissant,
il est facile de déterminer l’ordre des unités de travail ou des procédés dans lequel
on conduira le processus complet d’évaluation des risques. Si un potentiel de
risque devait se détacher nettement, il faudrait le traiter immédiatement. Bien
entendu, le potentiel de risque n’indique qu’une probabilité de risque élevé, qu’un
examen rapide peut fort bien invalider. C’est pourquoi ce choix des priorités
tiendra aussi compte de la connaissance de terrain des participants.

310
7 • Organisation de la démarche 7.5 Application de la méthode

7.5 Application de la méthode


Il faut d’abord réunir quelques documents qui aideront à la réalisation de cette
étape :
– un organigramme complet, pour savoir qui fait quoi et qui est où ;
– un plan détaillé de l’établissement pour situer les équipements, les actions et les
risques ;
– un descriptif général des procédés, indiquant les équipements, les produits et les
fonctions.
Le chapitre 3 décrit la réalisation de l’analyse des risques, qui demande un examen
de toutes les actions ou des phases par personne ou par procédé, mais à l’intérieur
d’une grande unité de travail. Ces actions sont choisies en suivant les priorités
définies précédemment. L’approche par produit, indispensable, ne peut se faire
que globalement, au niveau de l’établissement. Toutes les données sur les risques sont
enregistrées dans la base créée à cet effet. Il est souhaitable d’organiser des réunions,
notamment avec le service de santé au travail, pour faire le point et communiquer
avec l’ensemble du personnel. Cette étape se termine par un rapport global sur
tous les risques détectés et estimés, qui conduit à des priorités de prévention.
La recherche des mesures de prévention fait appel à des compétences différentes. Il
faut à ce stade une large concertation de façon à faciliter les changements possibles.
Toutes les compétences extérieures à l’entreprise peuvent enrichir la recherche. On
peut consulter les spécialistes en prévention, mais aussi les syndicats profession-
nels, les fournisseurs spécialisés, les consultants et la presse professionnelle. Des
études peuvent être envisagées et, pour cela, les partenaires et les moyens de finan-
cement sont assez nombreux. Une fois les choix arrêtés, ils sont enregistrés et
communiqués à tous les intéressés. Si un consensus est obtenu, toujours grâce à la
dynamique du chef de projet, les choix, avec les délais prévus pour la réalisation,
entrent dans le plan de prévention, qui précise les échéances et le budget et, autant
que possible, le rôle de chacun. Les mesures de prévention ne peuvent pas être
décidées partout en même temps, c’est pourquoi le plan de prévention est évolutif
et fait l’objet de mises à jour régulières.
Le chef de projet met aussi en place une organisation susceptible d’assurer la mise
en œuvre des mesures de prévention décidées, dans les délais impartis et avec les
performances fixées. À cet effet, la réservation d’un budget de prévention des
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

risques est essentielle. Cela nécessite la rédaction de cahiers des charges, réalisés
avec les apports de compétences internes ou externes utiles et incluant des objectifs
de résultats. Les travaux sont ensuite suivis avec des outils appropriés et les réajus-
tements éventuellement nécessaires réalisés. La réception des travaux doit se faire
par toutes les parties prenantes.
Une fois les mesures de prévention rendues opérationnelles, un temps d’observation
est défini, au terme duquel une validation est opérée sur des critères techniques,
organisationnels et humains, répondant notamment aux exigences citées au para-
graphe 4.4.2. En particulier, on pourra réaliser de nouveaux prélèvements, diffé-
rents types de métrologie (ventilation, bruit…), ainsi que de nouvelles observations
des situations de travail pour détecter tout éventuel déplacement de risque. En cas

311
7 • Organisation de la démarche 7.6 Adaptation au domaine
d’activité de l’entreprise

de non-atteinte, partielle ou totale, des objectifs de prévention, la démarche devra


être réitérée pour définir des nouvelles mesures.
L’ensemble de ces conseils montre que le démarrage d’une démarche de prévention
des risques est une opération lourde et éventuellement perturbatrice. Quand le
projet est bien lancé et bien organisé, il se déroule sans trop de difficultés. Ensuite,
c’est de plus en plus facile : l’expérience a montré qu’après les premières mises en
place de mesures, un regain de confiance apparaît chez les employés, suivi par une
motivation à aller plus vite et plus loin. Il s’avère que les opérateurs sont alors eux-
mêmes la source d’un progrès constant dans ce domaine.

7.6 Adaptation au domaine d’activité de l’entreprise


On ne peut pas conduire la même démarche dans une entreprise artisanale et une
multinationale, de même que dans le bâtiment et dans l’alimentaire. Il y a donc
nécessité d’adapter la méthodologie au profil de l’entreprise. On remarque partout
un réflexe qui consiste à dire : « une méthode légère pour un petit effectif et une
lourde pour un gros effectif ». Ce raisonnement ne tient pas à l’examen. L’application
rigoureuse de la méthodologie n’est fonction que de deux paramètres : la compé-
tence du chef de projet et le temps qu’il peut y consacrer. Il ne faut pas se laisser
impressionner par le terme chef de projet. Il désigne simplement la personne qui a
été désignée pour faire vivre la démarche selon la volonté affichée du décideur.
Dans une petite structure, cela peut être par exemple un technicien, auquel on
affecte un crédit de quinze heures par mois pour s’en occuper, sachant que ce n’est
pas lui qui fait tout.
Ensuite, la lourdeur de la méthode ne sera fonction que de la précision que l’on
veut obtenir dans l’analyse des risques. C’est donc le nombre et la « rareté » des
agents chimiques présents qui sera déterminante. Avec une vingtaine de produits,
on peut aller vite et bien, comme le montre l’étude de cas du chapitre 6. Avec
plusieurs centaines de produits, on tombe dans une confusion générale si l’on n’est
pas assez précis. La précision est une garantie de choix judicieux, c’est d’ailleurs
une règle universelle. Plus concrètement, l’adaptation de la méthodologie consiste
à respecter un cadre invariable et à jouer sur la partie variable.
La partie invariable se résume aux points suivants :
– 1) Analyser les risques avant de choisir les mesures.
– 2) Analyser les risques poste par poste, dans toutes les activités.
– 3) Repérer pour chaque poste l’aspect chronique et l’aspect accidentel.
– 4) Faire une estimation des risques pour ne pas se tromper de priorité.
– 5) Estimer les risques en combinant toujours : danger-exposition ou gravité-
probabilité.
– 6) Chercher les mesures dans l’ordre produit-exposition-dommage ou produit-
situation-événement-dommage.
La partie variable porte sur la précision des paramètres qui permettent de respecter les
points invariables. Ainsi, plutôt que de détailler l’activité par actions élémentaires,
on peut ne considérer que les opérations globales. On peut regarder comment
un polluant se dégage dans l’atmosphère, plutôt que de faire de la métrologie.

312
7 • Organisation de la démarche 7.6 Adaptation au domaine
d’activité de l’entreprise

On peut se limiter aux activités les plus fréquentes. On peut aussi supposer, a
priori, une exposition pour tout produit utilisé. On peut lister les situations
dangereuses à partir d’une liste type. Et surtout, on peut décliner la méthodologie
mentalement, ou oralement en réunion, pour ne transcrire que ses conclusions. Ces
simplifications aident à franchir le pas, ce qui est positif. Mais elles aboutissent
souvent à un rapport assez formel, pour ne pas dire réglementaire, et qui risque
d’être voué à l’oubli.
En conclusion, la clé de l’efficacité n’est pas la simplicité d’une méthode en quatre
pages, pour limiter le temps passé à l’appliquer, mais la clarté et la cohérence des
concepts. C’est pourquoi nous espérons que ce livre rendra service à toutes les
entreprises et tous les organismes, grands et petits, tentés de faire un enjeu de la
protection de la santé humaine et de l’environnement.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

313
8 • ANNEXES

Annexe 1 – Code du travail – Phrases de risque « R »


(Santé et sécurité)

CODE PHRASES DE RISQUE

R1 Explosif à l’état sec.

R2 Risque d’explosion par le choc, la friction, le feu ou autres sources d’ignition.

R3 Grand risque d’explosion par le choc, la friction, le feu ou d’autres sources d’ignition.

R4 Forme des composés métalliques explosifs très sensibles.

R5 Danger d’explosion sous l’action de la chaleur.

R6 Danger d’explosion en contact ou sans contact avec l’air.

R7 Peut provoquer un incendie.

R8 Favorise l’inflammation des matières combustibles.

R9 Peut exploser en mélange avec des matières combustibles.

R10 Inflammable.

R11 Facilement inflammable.


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

R12 Extrêmement inflammable.

R14 Réagit violemment au contact de l’eau.

R14/15 Réagit violemment au contact de l’eau en dégageant des gaz extrêmement inflammables.

R15 Au contact de l’eau, dégage des gaz extrêmement inflammables.

R15/29 Au contact de l’eau, dégage des gaz toxiques et extrêmement inflammables.

R16 Peut exploser en mélange avec des substances comburantes.

315
8 • Annexes Annexe 1 – Code du travail –
Phrases de risque « R »

CODE PHRASES DE RISQUE

R17 Spontanément inflammable à l’air.

R18 Lors de l’utilisation, formation possible de mélange vapeur-air inflammable/explosif.

R19 Peut former des peroxydes explosifs.

R20 Nocif par inhalation.

R20/21 Nocif par inhalation et par contact avec la peau.

R20/21/22 Nocif par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion.

R20/22 Nocif par inhalation et par ingestion.

R21 Nocif par contact avec la peau.

R21/22 Nocif par contact avec la peau et par ingestion.

R22 Nocif en cas d’ingestion.

R23 Toxique par inhalation.

R23/24 Toxique par inhalation et par contact avec la peau.

R23/24/25 Toxique par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion.

R23/25 Toxique par inhalation et par ingestion.

R24 Toxique par contact avec la peau.

R24/25 Toxique par contact avec la peau et par ingestion.

R25 Toxique en cas d’ingestion.

R26 Très toxique par inhalation.

R26/27 Très toxique par inhalation et par contact avec la peau.

R26/27/28 Très toxique par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion.

R26/28 Très toxique par inhalation et par ingestion.

R27 Très toxique par contact avec la peau.

R27/28 Très toxique par contact avec la peau et par ingestion.

R28 Très toxique en cas d’ingestion.

R29 Au contact de l’eau, dégage des gaz toxiques.

R30 Peut devenir facilement inflammable pendant l’utilisation.

316
8 • Annexes Annexe 1 – Code du travail –
Phrases de risque « R »

CODE PHRASES DE RISQUE

R31 Au contact d’un acide, dégage un gaz toxique.

R32 Au contact d’un acide, dégage un gaz très toxique.

R33 Danger d’effets cumulatifs.

R34 Provoque des brûlures.

R35 Provoque de graves brûlures.

R36 Irritant pour les yeux.

R36/37 Irritant pour les yeux et les voies respiratoires.

R36/37/38 Irritant pour les yeux, les voies respiratoires et la peau.

R36/38 Irritant pour les yeux et la peau.

R37 Irritant pour les voies respiratoires.

R37/38 Irritant pour les voies respiratoires et la peau.

R38 Irritant pour la peau.

R39 Danger d’effets irréversibles très graves.

R39/23 Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation.

Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation et par contact
R39/23/24
avec la peau.

R39/23/24/ Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation, par contact
25 avec la peau et par ingestion.

R39/23/25 Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation et par ingestion.

R39/24 Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par contact avec la peau.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par contact avec la peau
R39/24/25
et par ingestion.

R39/25 Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par ingestion.

R39/26 Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation.

Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation et par contact
R39/26/27
avec la peau.

R39/26/27/ Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation, par contact
28 avec la peau et par ingestion.

317
8 • Annexes Annexe 1 – Code du travail –
Phrases de risque « R »

CODE PHRASES DE RISQUE

R39/26/28 Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation et par ingestion.

R39/27 Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par contact avec la peau.

Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par contact avec la peau
R39/27/28
et par ingestion.

R39/28 Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par ingestion.

R40 Effet cancérogène suspecté – preuves insuffisantes.

R41 Risque de lésions oculaires graves.

R42 Peut entraîner une sensibilisation par inhalation.

R42/43 Peut entraîner une sensibilisation par inhalation et contact avec la peau.

R43 Peut entraîner une sensibilisation par contact avec la peau.

R44 Risque d’explosion si chauffé en ambiance confinée.

R45 Peut causer le cancer.

R46 Peut causer des altérations génétiques héréditaires.

R48 Risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée.

R48/20 Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par inhalation.

Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par inhalation
R48/20/21
et par contact avec la peau.

R48/20/21/ Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par inhalation,
22 contact avec la peau et ingestion.

Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par inhalation
R48/20/22
et par ingestion.

Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par contact
R48/21
avec la peau.

Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par contact
R48/21/22
avec la peau et par ingestion.

R48/22 Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par ingestion.

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée


R48/23
par inhalation.

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée


R48/23/24
par inhalation et par contact avec la peau.

318
8 • Annexes Annexe 1 – Code du travail –
Phrases de risque « R »

CODE PHRASES DE RISQUE

R48/23/24/ Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée
25 par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion.

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée


R48/23/25
par inhalation et par ingestion.

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par contact
R48/24
avec la peau.

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par contact
R48/24/25
avec la peau et par ingestion.

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par
R48/25
ingestion.

R49 Peut causer le cancer par inhalation.

R60 Peut altérer la fertilité.

R61 Risque pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfant.

R62 Risque possible d’altération de la fertilité.

R63 Risque possible pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfant.

R64 Risque possible pour les bébés nourris au lait maternel.

R65 Nocif : peut provoquer une atteinte des poumons en cas d’ingestion.

R66 L’exposition répétée peut provoquer dessèchement ou gerçures de la peau.

R67 L’inhalation de vapeurs peut provoquer somnolence et vertiges.

R68 Possibilité d’effets irréversibles.

R68/20 Nocif : possibilité d’effets irréversibles par inhalation.


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

R68/20/21 Nocif : possibilité d’effets irréversibles par inhalation et par contact avec la peau.

R68/20/21/ Nocif : possibilité d’effets irréversibles par inhalation, par contact avec la peau
22 et par ingestion.

R68/20/22 Nocif : possibilité d’effets irréversibles par inhalation et par ingestion.

R68/21 Nocif : possibilité d’effets irréversibles par contact avec la peau.

R68/21/22 Nocif : possibilité d’effets irréversibles par contact avec la peau et par ingestion.

R68/22 Nocif : possibilité d’effets irréversibles par ingestion.

319
8 • Annexes Annexe 2 – Code du travail –
Phrases « S »

Annexe 2 – Code du travail – Phrases « S »

CODE CONSEILS DE PRUDENCE

S1 Conserver sous clé.

S2 Conserver hors de la portée des enfants.

S3 Conserver dans un endroit frais.

S4 Conserver à l’écart de tout local d’habitation.

S5 Conserver sous… (liquide approprié à spécifier par le fabricant).

S6 Conserver sous… (gaz inerte à spécifier par le fabricant).

S7 Conserver le récipient bien fermé.

S8 Conserver le récipient à l’abri de l’humidité.

S9 Conserver le récipient dans un endroit bien ventilé.

S12 Ne pas fermer hermétiquement le récipient.

S13 Conserver à l’écart des aliments et boissons y compris ceux pour animaux.

S14 Conserver à l’écart des… (matière(s) incompatible(s) à indiquer par le fabricant).

S15 Conserver à l’écart de la chaleur.

S16 Conserver à l’écart de toute flamme ou source d’étincelles – Ne pas fumer.

S17 Tenir à l’écart des matières combustibles.

S18 Manipuler et ouvrir le récipient avec prudence.

S20 Ne pas manger et ne pas boire pendant l’utilisation.

S21 Ne pas fumer pendant l’utilisation.

S22 Ne pas respirer les poussières.

Ne pas respirer les gaz/vapeurs/fumées/aérosols (terme(s) approprié(s) à indiquer


S23
par le fabricant).

S24 Éviter le contact avec la peau.

S25 Éviter le contact avec les yeux.

En cas de contact avec les yeux, laver immédiatement et abondamment avec de l’eau
S26
et consulter un spécialiste.

320
8 • Annexes Annexe 2 – Code du travail –
Phrases « S »

CODE CONSEILS DE PRUDENCE

S27 Enlever immédiatement tout vêtement souillé ou éclaboussé.

Après contact avec la peau, se laver immédiatement et abondamment avec… (produits


S28
appropriés à indiquer par le fabricant).

S29 Ne pas jeter les résidus à l’égout.

S30 Ne jamais verser de l’eau dans ce produit.

S33 Éviter l’accumulation de charges électrostatiques.

S34 Éviter le choc et le frottement.

Ne se débarrasser de ce produit et de son récipient qu’en prenant toute précaution


S35
d’usage.

S36 Porter un vêtement de protection approprié.

S37 Porter des gants appropriés.

S38 En cas de ventilation insuffisante, porter un appareil respiratoire approprié.

S39 Porter un appareil de protection des yeux/du visage.

Pour nettoyer le sol ou les objets souillés par ce produit, utiliser… (à préciser par le
S40
fabricant).

S41 En cas d’incendie et/ou d’explosion, ne pas respirer les fumées.

Pendant les fumigations/pulvérisations, porter un appareil respiratoire approprié


S42
(terme(s) approprié(s) à indiquer par le fabricant).

En cas d’incendie, utiliser… (moyens d’extinction à préciser par le fabricant. Si l’eau


S43
augmente les risques, ajouter « Ne jamais utiliser l’eau »).

S44 En cas de malaise, consulter un médecin (si possible lui montrer l’étiquette).

En cas d’accident ou de malaise, consulter immédiatement un médecin (si possible lui


S45
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

montrer l’étiquette).

En cas d’ingestion, consulter immédiatement un médecin et lui montrer l’emballage


S46
ou l’étiquette.

S47 Conserver à une température ne dépassant pas… ˚C (à préciser par le fabricant).

S48 Maintenir humide avec… (moyen approprié à préciser par le fabricant).

S49 Conserver uniquement dans le récipient d’origine.

S50 Ne pas mélanger avec… (à spécifier par le fabricant).

321
8 • Annexes Annexe 2 – Code du travail –
Phrases « S »

CODE CONSEILS DE PRUDENCE

S51 Utiliser seulement dans des zones bien ventilées.

S52 Ne pas utiliser sur de grandes surfaces dans des locaux habités.

S53 Éviter l’exposition, se procurer des instructions spéciales avant l’utilisation.

Éliminer ce produit et son récipient dans un centre de collecte des déchets dangereux
S56
ou spéciaux.

S57 Utiliser un récipient approprié pour éviter toute contamination du milieu ambiant.

Consulter le fabricant ou le fournisseur pour des informations relatives à la récupération


S59
ou au recyclage.

S60 Éliminer le produit et son récipient comme un déchet dangereux.

Éviter le rejet dans l’environnement. Consulter les instructions spéciales/la fiche de


S61
données de sécurité.

En cas d’ingestion, ne pas faire vomir : consulter immédiatement un médecin et lui


S62
montrer l’emballage ou l’étiquette.

Phrases combinées

S1/2 Conserver sous clé et hors de portée des enfants.

S3/7 Conserver le récipient bien fermé dans un endroit frais.

Conserver dans un endroit frais et bien ventilé à l’écart des… (matières incompatibles
S3/9/14
à indiquer par le fabricant).

Conserver uniquement dans le récipient d’origine dans un endroit frais bien ventilé
S3/9/14/49
à l’écart des… (matières incompatibles à indiquer par le fabricant).

S3/9/49 Conserver uniquement dans le récipient d’origine dans un endroit frais et bien ventilé.

Conserver dans un endroit frais à l’écart des… (matières incompatibles à indiquer


S3/14
par le fabricant).

S7/8 Conserver le récipient bien fermé et à l’abri de l’humidité.

S7/9 Conserver le récipient bien fermé et dans un endroit bien ventilé.

Conserver le récipient bien fermé et à une température ne dépassant pas…˚C


S7/47
(à préciser par le fabricant).

S20/21 Ne pas manger, ne pas boire et ne pas fumer pendant l’utilisation.

S24/25 Éviter le contact avec la peau et les yeux.

322
8 • Annexes Annexe 2 – Code du travail –
Phrases « S »

CODE CONSEILS DE PRUDENCE

Ne pas jeter les résidus à l’égout, éliminer ce produit et son récipient dans un centre
S29/56
de collecte des déchets dangereux ou spéciaux.

S36/37 Porter un vêtement de protection et des gants appropriés.

Porter un vêtement de protection approprié, des gants et un appareil de protection


S36/37/39
des yeux/du visage.

Porter un vêtement de protection approprié et un appareil de protection des yeux/du


S36/39
visage.

S37/39 Porter des gants appropriés et un appareil de protection des yeux/du visage.

Conserver uniquement dans le récipient d’origine à température ne dépassant pas… ˚C


S47/49
(à préciser par le fabricant).
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323
8 • Annexes Annexe 3 – ADR – Signification des numéros
d’identification du danger

Annexe 3 – ADR – Signification des numéros


d’identification du danger

20 gaz asphyxiant ou qui ne présente pas de risque subsidiaire

22 gaz liquéfié réfrigéré, asphyxiant

223 gaz liquéfié réfrigéré, inflammable

225 gaz liquéfié réfrigéré, comburant (favorise l’incendie)

23 gaz inflammable

239 gaz inflammable, pouvant produire spontanément une réaction violente

25 gaz comburant (favorise l’incendie)

26 gaz toxique

263 gaz toxique, inflammable

265 gaz toxique et comburant (favorise l’incendie)

268 gaz toxique et corrosif

matière liquide inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises)


ou matière liquide inflammable ou matière solide à l’état fondu ayant un point d’éclair
30
supérieur à 61 ˚C, chauffée à une température égale ou supérieure à son point d’éclair,
ou matière liquide auto-échauffante

323 matière liquide inflammable réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

matière liquide inflammable réagissant dangereusement avec l’eau en dégageant des gaz
X323
inflammables

33 matière liquide très inflammable (point d’éclair inférieur à 23 ˚C)

333 matière liquide pyrophorique

X333 matière liquide pyrophorique réagissant dangereusement avec l’eau

336 matière liquide très inflammable et toxique

338 matière liquide très inflammable et corrosive

X338 matière liquide très inflammable et corrosive, réagissant dangereusement avec l’eau

339 matière liquide très inflammable, pouvant produire spontanément une réaction violente

matière liquide inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises),


36
présentant un degré mineur de toxicité, ou matière liquide auto-échauffante et toxique

324
8 • Annexes Annexe 3 – ADR – Signification des numéros
d’identification du danger

362 matière liquide inflammable, toxique, réagissant avec l’eau en émettant des gaz inflammables

matière liquide inflammable, toxique, réagissant dangereusement avec l’eau en dégageant


X362
des gaz inflammables

368 matière liquide inflammable, toxique et corrosive

matière liquide inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises),


38
présentant un degré mineur de corrosivité, ou matière liquide auto-échauffante et corrosive

matière liquide inflammable, corrosive, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz
382
inflammables

matière liquide inflammable, corrosive, réagissant dangereusement avec l’eau en dégageant


X382
des gaz inflammables

39 liquide inflammable, pouvant produire spontanément une réaction violente

40 matière solide inflammable ou matière autoréactive ou matière auto-échauffante

423 matière solide réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

matière solide inflammable, réagissant dangereusement avec l’eau en dégageant des gaz
X423
inflammables.

43 matière solide spontanément inflammable (pyrophorique)

44 matière solide inflammable qui, à une température élevée, se trouve à l’état fondu

446 matière solide inflammable et toxique qui, à une température élevée, se trouve à l’état fondu

46 matière solide inflammable ou auto-échauffante, toxique

462 matière solide toxique, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

X462 matière solide, réagissant dangereusement avec l’eau en dégageant des gaz toxiques

48 matière solide inflammable ou auto-échauffante, corrosive

482 matière solide corrosive, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables
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X482 matière solide, réagissant dangereusement avec l’eau en dégageant des gaz corrosifs

50 matière comburante (favorise l’incendie)

539 peroxyde organique inflammable

55 matière très comburante (favorise l’incendie)

556 matière très comburante (favorise l’incendie), toxique

558 matière très comburante (favorise l’incendie) et corrosive

325
8 • Annexes Annexe 3 – ADR – Signification des numéros
d’identification du danger

matière très comburante (favorise l’incendie) pouvant produire spontanément une réaction
559
violente

56 matière comburante (favorise l’incendie), toxique

568 matière comburante (favorise l’incendie), toxique, corrosive

58 matière comburante (favorise l’incendie), corrosive

matière comburante (favorise l’incendie) pouvant produire spontanément une réaction


59
violente

60 matière toxique ou présentant un degré mineur de toxicité

606 matière infectieuse

623 matière toxique liquide, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

63 matière toxique et inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises)

matière toxique et inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises)


638
et corrosive

matière toxique et inflammable (point d’éclair égal ou inférieur à 61 ˚C), pouvant produire
639
spontanément une réaction violente

64 matière toxique solide, inflammable ou auto-échauffante

642 matière toxique solide, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

65 matière toxique et comburante (favorise l’incendie)

66 matière très toxique

663 matière très toxique et inflammable (point d’éclair égal ou inférieur à 61 ˚C)

664 matière très toxique solide, inflammable ou auto-échauffante

665 matière très toxique et comburante (favorise l’incendie)

668 matière très toxique et corrosive

669 matière très toxique, pouvant produire spontanément une réaction violente

68 matière toxique et corrosive

matière toxique ou présentant un degré mineur de toxicité, pouvant produire


69
spontanément une réaction violente

70 matière radioactive

78 matière radioactive, corrosive

326
8 • Annexes Annexe 3 – ADR – Signification des numéros
d’identification du danger

80 matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité réagissant dangereusement


X80
avec l’eau

823 matière corrosive liquide, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et inflammable (point


83
d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises)

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et inflammable (point


X83
d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises) réagissant dangereusement avec l’eau

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et inflammable (point


839 d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises), pouvant produire spontanément une
réaction violente

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et inflammable (point


X839 d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises), pouvant produire spontanément une
réaction violente et réagissant dangereusement avec l’eau

84 matière corrosive solide, inflammable ou auto-échauffante

842 matière corrosive solide, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et comburante (favorise


85
l’incendie)

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et comburante (favorise


856
l’incendie) et toxique

86 matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et toxique

88 matière très corrosive

X88 matière très corrosive réagissant dangereusement avec l’eau

883 matière très corrosive et inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeur limites comprises)

884 matière très corrosive solide, inflammable ou auto-échauffante


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885 matière très corrosive et comburante (favorise l’incendie)

886 matière très corrosive et toxique

X886 matière très corrosive et toxique, réagissant dangereusement avec l’eau

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité, pouvant produire


89
spontanément une réaction violente

90 matière dangereuse du point de vue de l’environnement, matières dangereuses diverses

99 matières dangereuses diverses transportées à chaud

327
8 • Annexes Annexe 4 – Niveaux de danger
des agents chimiques

Annexe 4 – Niveaux de danger des agents chimiques


Le tableau suivant est la synthèse des niveaux affectés aux phrases de risque de tous
types, pour la réglementation actuelle.

Niveau
de Phrases de risque
danger

Type toxicologique Type physico-chimique

R26 R27 R28 R26/27 R26/28 R26/27/28 R27/28


R1 R2 R3 R4 R5 R6
5 R32
R32
R39 R39/26 R39/27 R39/28 R39/26/27 R39/26/28

R15/29
R23 R24 R25 R23/24 R23/25 R23/24/25 R24/25
R29 R31 R35
R39/23 R39/24 R39/25 R39/23/24 R39/23/25 R39/24/25 R7 R12 R14 14/15 R15 R15/29
R39/23/24/25
4 R16 R17 R19 R29 R31
R41 R45 R46
R35 R41
R48 R48/23 R48/24 R48/25 R48/23/24 R48/23/25 R48/24/25
R48/23/24/25
R49
R60 R61

R20 R21 R22 R20/21 R20/22 R20/21/22 R21/22


R33 R34 R40 R42 R43 R42/43
R48/20 R48/21 R48/22 R48/20/21 R48/20/22 R48/21/22
3 R48/20/21/22 R8 R9 R11 R18 R30 R34 R44
R62 R63 R64 R65 R67
R68 R68/20 R68/21 R68/22 R68/20/21 R68/20/22 R68/21/22
R68/20/21/22

R36 R37 R38 R36/37 R36/38 R36/37/38 R37/38


2 R10
R66

1 aucune aucune

328
8 • Annexes Annexe 4 – Niveaux de danger
des agents chimiques

Pour les agents chimiques générés par l’activité et non étiquetables, il y a lieu
d’utiliser le tableau suivant :

Niveau
Nature de l’agent chimique
de danger

Bois et dérivés, plomb métallique, amiante et matériaux en contenant,


4
goudrons et brais, mercure, essence (carburant)

Fumées de soudure inox, fumées de fonderie, fibres céramiques, fibres


3 végétales, déchets de peintures au plomb, poussières de meules, sables,
huiles d’usinage et de coupe

Fer, fibres de verre, céréales et dérivés, graphite, matériaux de construction,


talc, ciment, matériaux composites, fumées de combustion de bois traités,
2 gaz de combustion, fumées de soudure de métaux ou plastiques, fumées
de vulcanisation, matières végétales ou animales, décapage au jet, huiles de
décoffrage

1 Pas de danger connu


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329
8 • Annexes Annexe 5 – SGH – Classification

Annexe 5 – SGH – Classification


Tableau A 3.1.1 – Codes des mentions de danger pour les dangers physiques

Mentions de danger Classe de danger Catégorie


Code
pour les dangers physiques (chapitre du SGH) de danger

Matières et objets explosibles Explosif


H200 Explosif instable
(chapitre 2.1) instable

H201 Explosif ; danger d’explosion en masse Explosives (chapitre 2.1) Division 1.1

Matières et objets explosibles


H202 Explosif ; danger sérieux de projection Division 1.2
(chapitre 2.1)

Explosif ; danger d’incendie, d’effet Matières et objets explosibles


H203 Division 1.3
de souffle ou de projection (chapitre 2.1)

Matières et objets explosibles


H204 Danger d’incendie ou de projection Division 1.4
(chapitre 2.1)

Danger d’explosion en masse en cas Matières et objets explosibles


H205 Division 1.5
d’incendie (chapitre 2.1)

H220 Gaz extrêmement inflammable Gaz inflammables (chapitre 2.2) 1

H221 Gaz inflammable Gaz inflammables (chapitre 2.2) 2

H222 Aérosol extrêmement inflammable Aérosols inflammables (chapitre 2.3) 1

H223 Aérosol inflammable Aérosols inflammables (chapitre 2.3) 2

Liquide et vapeurs extrêmement


H224 Liquides inflammables (chapitre 2.6) 1
inflammables

H225 Liquide et vapeurs très inflammables Liquides inflammables (chapitre 2.6) 2

H226 Liquide et vapeurs inflammables Liquides inflammables (chapitre 2.6) 3

H227 Liquide combustible Liquides inflammables (chapitre 2.6) 4

Matières solides inflammables


H228 Matière solide inflammable 1, 2
(chapitre 2.7)

Matières autoréactives
Risque d’explosion en cas
H240 (chapitre 2.8) et peroxydes Type A
d’échauffement
organiques (chapitre 2.15)

Matières autoréactives (chapitre


Risque d’incendie ou d’explosion en cas
H241 2.8) et peroxydes organiques Type B
d’échauffement
(chapitre 2.15)

330
8 • Annexes Annexe 5 – SGH – Classification

Mentions de danger Classe de danger Catégorie


Code
pour les dangers physiques (chapitre du SGH) de danger

Matières autoréactives (chapitre


Types C, D, E,
H242 Risque d’incendie en cas d’échauffement 2.8) et peroxydes organiques
F
(chapitre 2.15)

Liquides pyrophoriques (chapitre


S’enflamme spontanément au contact 2.9)
H250 1
de l’air Matières solides pyrophoriques
(chapitre 2.10)

Matière auto-échauffante ; peut Matières auto-échauffantes


H251 1
s’enflammer (chapitre 2.11)

Matière auto-échauffante en grandes Matières auto-échauffantes


H252 2
quantités ; peut s’enflammer (chapitre 2.11)

Dégage au contact de l’eau des gaz Matières qui, au contact de l’eau,


H260 inflammables qui peuvent s’enflammer dégagent des gaz inflammables 1
spontanément (chapitre 2.12)

Matières qui, au contact de l’eau,


Dégage au contact de l’eau des gaz
H261 dégagent des gaz inflammables 2, 3
inflammables
(chapitre 2.12)

Peut provoquer ou aggraver un


H270 Gaz comburants (chapitre 2.4) 1
incendie ; comburant

Liquides comburants (chapitre 2.13)


Peut provoquer un incendie ou une
H271 Matières solides comburantes 1
explosion ; comburant puissant
(chapitre 2.14)

Liquides comburants
(chapitre 2.13)
H272 Peut aggraver un incendie ; comburant 2, 3
Matières solides comburantes
(chapitre 2.14)

Gaz sous pression (chapitre 2.5)


Contient un gaz sous pression ; peut
H280 Gaz comprimé Gaz dissous
exploser sous l’effet de la chaleur
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Gaz liquéfié

Contient un gaz réfrigéré ; peut causer Gaz liquide


H281 Gaz sous pression (chapitre 2.5)
des brûlures ou blessures cryogéniques réfrigéré

Matières corrosives pour


H290 Peut être corrosif pour les métaux 1
les métaux (chapitre 2.16)

331
8 • Annexes Annexe 5 – SGH – Classification

Tableau A 3.1.2 – Codes des mentions de danger pour les dangers pour la santé

Mentions de danger Classe de danger Catégorie


Code
pour les dangers pour la santé (chapitre du SGH) de danger

H300 Mortel en cas d’ingestion Toxicité aiguë – orale (chapitre 3.1) 1, 2

H301 Toxique en cas d’ingestion Toxicité aiguë – orale (chapitre 3.1) 3

H302 Nocif en cas d’ingestion Toxicité aiguë – orale (chapitre 3.1) 4

H303 Peut être nocif en cas d’ingestion Toxicité aiguë – orale (chapitre 3.1) 5

Peut être mortel en cas d’ingestion et de


H304 Danger par aspiration (chapitre 3.10) 1
pénétration dans les voies respiratoires

Peut être nocif en cas d’ingestion et de Danger par aspiration


H305 2
pénétration dans les voies respiratoires (chapitre 3.10)

H310 Mortel par contact cutané Toxicité aiguë – cutanée (chapitre 3.1) 1, 2

H311 Toxique par contact cutané Toxicité aiguë – cutanée (chapitre 3.1) 3

H312 Nocif par contact cutané Toxicité aiguë – cutanée (chapitre 3.1) 4

H313 Peut être nocif par contact cutané Toxicité aiguë – cutanée (chapitre 3.1) 5

Provoque des brûlures de la peau Corrosion cutanée/irritation


H314 1A, 1B, 1C
et des lésions oculaires graves cutanée (chapitre 3.2)

Corrosion cutanée/irritation
H315 Provoque une irritation cutanée 2
cutanée (chapitre 3.2)

Corrosion cutanée/irritation
H316 Provoque une légère irritation cutanée 3
cutanée (chapitre 3.2)

Sensibilisation cutanée
H317 Peut provoquer une allergie cutanée 1
(chapitre 3.4)

Lésions oculaires graves/irritation


H318 Provoque des lésions oculaires graves 1
oculaire (chapitre 3.3)

Lésions oculaires graves/irritation


H319 Provoque une sévère irritation des yeux 2A
oculaire (chapitre 3.3)

Lésions oculaires graves/irritation


H320 Provoque une irritation des yeux 2B
oculaire (chapitre 3.3)

Toxicité aiguë – inhalation


H330 Mortel par inhalation 1, 2
(chapitre 3.1)

332
8 • Annexes Annexe 5 – SGH – Classification

Mentions de danger Classe de danger Catégorie


Code
pour les dangers pour la santé (chapitre du SGH) de danger

Toxicité aiguë – inhalation


H331 Toxique par inhalation 3
(chapitre 3.1)

Toxicité aiguë – inhalation


H332 Nocif par inhalation 4
(chapitre 3.1)

Toxicité aiguë – inhalation


H333 Peut être nocif par inhalation 5
(chapitre 3.1)

Peut provoquer des symptômes


Sensibilisation respiratoire
H334 allergiques ou d’asthme ou des difficultés 1
(chapitre 3.4)
respiratoires par inhalation

Toxicité pour certains organes cibles


H335 Peut irriter les voies respiratoires – Exposition unique – Irritation des 3
voies respiratoires (chapitre 3.8)

Toxicité pour certains organes cibles


Peut provoquer somnolence
H336 – Exposition unique – Effets 3
et des vertiges
narcotiques (chapitre 3.8)

Peut induire des anomalies génétiques


(indiquer la voie d’exposition s’il est
Mutagénicité pour les cellules
H340 formellement prouvé qu’aucune autre 1A, 1B
germinales (chapitre 3.5)
voie d’exposition ne conduit au même
danger)

Susceptible d’induire des anomalies


génétiques (indiquer la voie d’exposition
Mutagénicité pour les cellules
H341 s’il est formellement prouvé qu’aucune 2
germinales (chapitre 3.5)
autre voie d’exposition ne conduit au
même danger)

Peut provoquer le cancer (indiquer la voie


d’exposition s’il est formellement prouvé
H350 Cancérogénicité (chapitre 3.6) 1A, 1B
qu’aucune autre voie d’exposition ne
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

conduit au même danger)

Susceptible de provoquer le cancer


(indiquer la voie d’exposition s’il est
H351 Cancérogénicité (chapitre 3.6) 2
formellement prouvé qu’aucune autre voie
d’exposition ne conduit au même danger)

Peut nuire à la fertilité ou au fœtus


(indiquer l’effet s’il est connu) (indiquer
Toxicité pour la reproduction
H360 la voie d’exposition s’il est formellement 1A, 1B
(chapitre 3.7)
prouvé qu’aucune autre voie d’exposition
ne conduit au même danger)

333
8 • Annexes Annexe 5 – SGH – Classification

Mentions de danger Classe de danger Catégorie


Code
pour les dangers pour la santé (chapitre du SGH) de danger

Susceptible de nuire à la fertilité ou


au fœtus (indiquer l’effet s’il est connu)
(indiquer la voie d’exposition s’il est Toxicité pour la reproduction
H361 2
formellement prouvé qu’aucune autre (chapitre 3.7)
voie d’exposition ne conduit au même
danger)

Toxicité pour la reproduction – Catégorie


Peut être nocif pour les bébés nourris
H362 Effets sur ou via l’allaitement supplé-
au lait maternel
(chapitre 3.7) mentaire

Risque avéré d’effets graves pour les


organes (ou indiquer tous les organes
affectés, s’ils sont connus) (indiquer la Toxicité pour certains organes cibles
H370 1
voie d’exposition s’il est formellement – Exposition unique (chapitre 3.8)
prouvé qu’aucune autre voie d’exposition
ne conduit au même danger)

Risque présumé d’effets graves pour les


organes (ou indiquer tous les organes
affectés, s’ils sont connus) (indiquer la Toxicité pour certains organes cibles
H371 2
voie d’exposition s’il est formellement – Exposition unique (chapitre 3.8)
prouvé qu’aucune autre voie d’exposition
ne conduit au même danger)

Risque avéré d’effets graves pour les


organes (indiquer tous les organes
affectés, s’ils sont connus) à la suite
d’expositions répétées ou d’une Toxicité pour certains organes cibles
H372 1
exposition prolongée (indiquer la voie – Expositions répétées (chapitre 3.9)
d’exposition s’il est formellement prouvé
qu’aucune autre voie d’exposition
ne conduit au même danger)

Risque présumé d’effets graves pour


les organes (indiquer tous les organes
affectés, s’ils sont connus) à la suite
d’expositions répétées ou d’une Toxicité pour certains organes cibles
H373 2
exposition prolongée (indiquer la voie – Expositions répétées (chapitre 3.9)
d’exposition s’il est formellement prouvé
qu’aucune autre voie d’exposition
ne conduit au même danger)

334
8 • Annexes Annexe 5 – SGH – Classification

Tableau A 3.1.3 Codes des mentions de danger pour les dangers


pour l’environnement

Mentions de danger pour les dangers Catégorie


Code Classe de danger (chapitre du SGH)
pour l’environnement de danger

Très toxique pour les organismes Dangers pour le milieu aquatique,


H400 1
aquatiques toxicité aiguë (chapitre 4.1)

Dangers pour le milieu aquatique,


H401 Toxique pour les organismes aquatiques 2
toxicité aiguë (chapitre 4.1)

Dangers pour le milieu aquatique,


H402 Nocif pour les organismes aquatiques 3
toxicité aiguë (chapitre 4.1)

Très toxique pour les organismes


Dangers pour le milieu aquatique,
H410 aquatiques, entraîne des effets néfastes 1
toxicité chronique (chapitre 4.1)
à long terme

Toxique pour les organismes aquatiques, Dangers pour le milieu aquatique,


H411 2
entraîne des effets néfastes à long terme toxicité chronique (chapitre 4.1)

Nocif pour les organismes aquatiques, Dangers pour le milieu aquatique,


H412 3
entraîne des effets néfastes à long terme toxicité chronique (chapitre 4.1)

Peut être nocif à long terme Dangers pour le milieu aquatique,


H413 4
pour les organismes aquatiques toxicité chronique (chapitre 4.1)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

335
8 • Annexes Annexe 6 – SGH – Classement des mentions
selon le niveau de danger

Annexe 6 – SGH – Classement des mentions de danger


selon le niveau de danger
Dangers pour la santé

Niveau Cat. de
Code Mentions de danger pour la santé Chapitre
danger danger

H333 Peut être nocif par inhalation 3.1 5

H303 Peut être nocif en cas d’ingestion 3.1 5

H313 Peut être nocif par contact cutané 3.1 5


2
H316 Provoque une légère irritation cutanée 3.2 3

H320 Provoque une irritation des yeux 3.3 2B

H335 Peut irriter les voies respiratoires 3.8 3

H302 Nocif en cas d’ingestion 3.1 4

Peut être nocif en cas d’ingestion et de pénétration


H305 3.10 2
dans les voies respiratoires

H312 Nocif par contact cutané 3.1 4

H332 Nocif par inhalation 3.1 4

H315 Provoque une irritation cutanée 3.2 2

H319 Provoque une sévère irritation des yeux 3.3 2A

H317 Peut provoquer une allergie cutanée 3.4 1

Peut provoquer des symptômes allergiques ou d’asthme


H334 3.4 1
3 ou des difficultés respiratoires par inhalation

H341 Susceptible d’induire des anomalies génétiques (note) 3.5 2

H351 Susceptible de provoquer le cancer (note) 3.6 2

Susceptible de nuire à la fertilité ou au fœtus (indiquer l’effet


H361 3.7 2
s’il est connu) (note)

Catég.
H362 Peut être nocif pour les bébés nourris au lait maternel 3.7
suppl.

H336 Peut provoquer somnolence et des vertiges 3.8 3

Risque présumé d’effets graves pour les organes (indiquer


H373 tous les organes affectés. s’ils sont connus) à la suite 3.9 2
d’expositions répétées ou d’une exposition prolongée (note)

336
8 • Annexes Annexe 6 – SGH – Classement des mentions
selon le niveau de danger

Niveau Cat. de
Code Mentions de danger pour la santé Chapitre
danger danger

H301 Toxique en cas d’ingestion 3.1 3

H311 Toxique par contact cutané 3.1 3

H331 Toxique par inhalation 3.1 3

Provoque des brûlures de la peau et des lésions oculaires 1A, 1B,


H314 3.2
graves 1C

H318 Provoque des lésions oculaires graves 3.3 1

4 H340 Peut induire des anomalies génétiques (note) 3.5 1A, 1B

H350 Peut provoquer le cancer (note) 3.6 1A, 1B

H360 Peut nuire à la fertilité ou au fœtus (note) 3.7 1A, 1B

Risque présumé d’effets graves pour les organes (ou indiquer


H371 3.8 2
tous les organes affectés, s’ils sont connus) (note)

Risque avéré d’effets graves pour les organes (indiquer tous


H372 les organes affectés, s’ils sont connus) à la suite d’expositions 3.9 1
répétées ou d’une exposition prolongée (note)

Peut être mortel en cas d’ingestion et de pénétration dans les


H304 3.1 1
voies respiratoires

H300 Mortel en cas d’ingestion 3.1 1, 2

5 H310 Mortel par contact cutané 3.1 1, 2

H330 Mortel par inhalation 3.1 1, 2

Risque avéré d’effets graves pour les organes (ou indiquer


H370 3.8 1
tous les organes affectés, s’ils sont connus) (note)
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337
8 • Annexes Annexe 6 – SGH – Classement des mentions
selon le niveau de danger

Dangers physiques

Niveau Catégorie
Code Mentions de danger physique Chapitre
de danger de danger

Matière auto-échauffante en grandes quantités ;


H252 2.11 2
peut s’enflammer

H226 Liquide et vapeurs inflammables 2.6 3

H227 Liquide combustible 2.6 4


2
H228 Matière solide inflammable 2.7 1, 2

H272 Peut aggraver un incendie ; comburant 2.13 ; 2.15 2, 3

Types C, D,
H242 Risque d’incendie en cas d’échauffement 2.8 ; 2.17
E, F

H204 Danger d’incendie ou de projection 2.1 Division 1.4

H205 Danger d’explosion en masse en cas d’incendie 2.1 Division 1.5

H251 Matière auto-échauffante ; peut s’enflammer 2.11 1

H261 Dégage au contact de l’eau des gaz inflammables 2.12 2, 3

H290 Peut être corrosif pour les métaux 2.16 1

H221 Gaz inflammable 2.2 2

H223 Aérosol inflammable 2.3 2


3 H270 Peut provoquer ou aggraver un incendie ; comburant 2.4 1

Gaz
Contient un gaz sous pression ; peut exploser sous comprimé
H280 2.5
l’effet de la chaleur Gaz liquéfié
Gaz dissous

Contient un gaz réfrigéré ; peut causer des brûlures Gaz liquide


H281 2.5
ou blessures cryogéniques réfrigéré

H225 Liquide et vapeurs très inflammables 2.6 2

Risque d’incendie ou d’explosion en cas


H241 2.8 ; 2.16 Type B
d’échauffement

H240 Risque d’explosion en cas d’échauffement 2.8 ; 2.15 Type A


4
Explosif ; danger d’incendie, d’effet de souffle
H203 2.1 Division 1.3
ou de projection

338
8 • Annexes Annexe 6 – SGH – Classement des mentions
selon le niveau de danger

Niveau Catégorie
Code Mentions de danger physique Chapitre
de danger de danger

Dégage au contact de l’eau des gaz inflammables qui


H260 2.12 1
peuvent s’enflammer spontanément

H220 Gaz extrêmement inflammable 2.2 1

H222 Aérosol extrêmement inflammable 2.3 1


4
H224 Liquide et vapeurs extrêmement inflammables 2.6 1

Peut provoquer un incendie ou une explosion ;


H271 2.13 ; 2.14 1
comburant puissant

H250 S’enflamme spontanément au contact de l’air 2.9 ; 2.10 1

H201 Explosif ; danger d’explosion en masse 2.1 Division 1.1


5
H202 Explosif ; danger sérieux de projection 2.1 Division 1.2

Explosif
Hors sujet H200 Explosif instable 2.1
instable
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339
8 • Annexes Annexe 7 – REACH – Catégories de produits
soumis à restriction

Annexe 7 – REACH – Catégories de produits soumis


à restriction
(Annexe XVII du règlement 1907/2006)

N° Désignation n˚ CAS n˚ EINECS Remarques

1 Polychloroterphényles (PCT)

Chloro-1-éthylène (chlorure de vinyle


2 75-01-4
monomère)

Substances ou préparations liquides Concerne les objets


qui sont considérées comme dangereuses décoratifs, ludiques et les
3
au sens des définitions de la directive combustibles pour lampes
67/548/CEE décoratives

4 Phosphate de tri (2,3 dibromopropyle) 126-72-7

5 Benzène 71-43-2

6 Fibres d’amiante

7 Oxyde de triaziridinylphosphine 5455-55-1

8 Polybromobiphényle (PBB) 59536-65-1

Poudre de Panama (Quillaja saponaria)


et ses dérivés contenant des saponines
Poudre de racine d’Helleborus viridis
et d’Helleborus niger 92-87-5 202-199-1
Poudre de racine de Veratrum album
9 et de Veratrum nigrum
Benzidine et/ou ses dérivés

o-nitrobenzaldéhyde 552-89-06

Poudre de bois

Sulfure d’ammonium 12135-76-1

10 Hydrogénosulfure d’ammonium 12124-99-1

Polysulfure d’ammonium 9080-17-5 232-989-1

Les esters volatils de l’acide bromacétique :

Bromacétate de méthyle 96-32-2 202-499-2

11 Bromacétate d’éthyle 105-36-2 203-290-9

Bromacétate de propyle 35223-80-4

Bromacétate de butyle

340
8 • Annexes Annexe 7 – REACH – Catégories de produits
soumis à restriction

N° Désignation n˚ CAS n˚ EINECS Remarques

12 2-naphtylamine et ses sels 9-1-59-8 202-080-4

13 Benzidine et ses sels 92-87-5 202-199-1

14 4-nitrodiphényle 92-93-3 202-204-7

15 4-aminodiphényle, xénylamine et ses sels 92-67-1 202-177-1

Carbonates de plomb :

a) Carbonate anhydre neutre (PbCO3) 598-63-0 209-943-4


16
b) Dihydroxybis (carbonate) de triplomb
1319-46-6 215-290-6
2 PbCO3 Pb (OH) 2

Sulfates de plomb

17 a) PbSO4 (1:1) 7446-14-2 231-198-9

b) Pbx SO4 15739-80-7 239-831-0

18 Composés du mercure

19 Composés de l’arsenic

20 Composés organostanniques

Di-µ-oxo-di-
nbutylstanniohydroxyborane ; 401-040-5
21 75113-37-0
hydrogénoborate de dibutylétain (ELINCS)
C8H19BO3Sn (DBB)

22 Pentachlorophénol et ses sels et esters 87-86-5 201-778-6

23 Cadmium et ses composés 7440-43-9 231-152-8

Mono-
24 méthyltétrachlorodiphénylméthane 76253-60-6
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Nom commercial : Ugilec 141

Mono-méthyldichlorodiphénylméthane
25 inconnu
Nom commercial : Ugilec 121, Ugilec 21

Mono-méthyldibromodiphénylméthane
bromobenzylbromotoluène, mélange
26 99688-47-8
d’isomères
Nom commercial : DBBT

27 Nickel et ses composés 7440-02-0 231-111-4

341
8 • Annexes Annexe 7 – REACH – Catégories de produits
soumis à restriction

N° Désignation n˚ CAS n˚ EINECS Remarques

Substances figurant à l’annexe I de la


directive 67/548/CEE classées
« cancérogène catégorie 1 ou
cancérogène catégorie 2 » et étiquetées Il s’agit des substances et
au moins « Toxique (T) », avec la phrase préparations « CMR ».
de risque R45 : « Peut provoquer le Elles sont interdites sur le
cancer » ou la phrase de risque R49 : marché grand public. Les
28 « Peut provoquer le cancer par emballages doivent
inhalation », et reprises comme suit : porter la mention
Les substances cancérogènes de « réservé aux utilisateurs
catégorie 1 sont énumérées à professionnels ».
l’appendice 1.
Les substances cancérogènes de catégo-
rie 2 sont énumérées à l’appendice 2.

Substances figurant à l’annexe I de la


directive 67/548/CEE classées « mutagène
catégorie 1 ou mutagène catégorie 2 »
et étiquetées avec la phrase de risque
R46 : « Peut provoquer des altérations
29 génétiques héréditaires », et reprises
comme suit :
Les substances mutagènes de catégorie 1
sont énumérées à l’appendice 3.
Les substances mutagènes de catégorie 2
sont énumérées à l’appendice 4.

Substances figurant à l’annexe I de la


directive 67/548/CEE classées « toxiques
pour la reproduction catégorie 1 ou
toxiques pour la reproduction catégorie
2 » et étiquetées avec la phrase de risque
R60 : « Peut altérer la fertilité » et/ou
R61 : « Risque pendant la grossesse
30 d’effets néfastes pour l’enfant », et
reprises comme suit :
Les substances toxiques pour la
reproduction de catégorie 1 sont
énumérées à l’appendice 5.
Les substances toxiques pour la
reproduction de catégorie 2 sont
énumérées à l’appendice 6.

a) Créosote ; huile de lavage 8001-58-9 232-287-5 Ne peuvent être utilisés


en tant que substances
ou constituants de
31
b) Huile de créosote ; huile de lavage 61789-28-4 263-047-8 préparations pour
le traitement du bois.
…/…

342
8 • Annexes Annexe 7 – REACH – Catégories de produits
soumis à restriction

N° Désignation n˚ CAS n˚ EINECS Remarques

c) Distillats de goudron de houille, huiles


84650-04-4 283-484-8 En outre, la mise sur le
de naphtalène ; huile naphtalénique marché du bois ainsi
traité est interdite, sauf
d) Huile de créosote, fraction
90640-84-9 292-605-3 s’il existe une dérogation.
acénaphtène ; huile de lavage
L’emballage doit
e) Distillats supérieurs de goudron de mentionner :
houille (charbon) ; huile anthracénique 65996-91-0 266-026-1 « Réservé aux
lourde installations industrielles
31 ou aux utilisateurs
f) Huile anthracénique 90640-80-5 292-602-7 professionnels ».

g) Huiles acides de goudron de houille


65996-85-2 266-019-3
brutes ; phénols bruts

h) Créosote de bois 8021-39-4 232-419-1

i) Résidus d’extraction alcalins (charbon), 122384-78-


310-191-5
goudron de houille à basse température 5

32 Chloroforme 67-66-3 200-663-8 Ne peuvent être utilisés


en concentration
Tétrachlorure de carbone
33 56-23-5 200-262-8 supérieure ou égale à
tétrachlorométhane 0,1 % dans les substances
34 1,1,2-trichloroéthane 79-00-5 201-166-9 et préparations destinées
à la vente au grand public
35 1,1,2,2-tétrachloroéthane 79-34-5 201-197-8 et/ou aux applications
conduisant à une
36 1,1,1,2-tétrachloroéthane 630-20-6 diffusion, telles que le
nettoyage des surfaces et
37 Pentachloroéthane 76-01-7 200-925-1 le nettoyage des tissus.

38 1,1-dichloroéthylène 75-35-4 200-864-0 L’emballage doit


mentionner : « Réservé
1,1,1-trichloroéthane, aux installations
39 71-55-6 200-756-3
méthylchloroforme industrielles ».

Substances conformes aux critères


d’inflammabilité définis dans la directive
67/548/CEE et classées comme inflamma-
40
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

bles, facilement inflammables ou extrê-


mement inflammables, qu’elles figurent
ou non à l’annexe 1 de ladite directive

41 Hexachloroéthane 67-72-1 200-6664

Alcanes en C10-C13, chloro (paraffines


42 287-476-5
chlorées à chaîne courte SCCP)

43 Colorants azoïques

Diphényléther, dérivé pentabromé


44
C12H5Br5O

343
8 • Annexes Annexe 7 – REACH – Catégories de produits
soumis à restriction

N° Désignation n˚ CAS n˚ EINECS Remarques

Diphényléther, dérivé octabromé


45
C12H2Br8O

46 a) Nonylphénol C6H4 (OH) C9H19

b) Éthoxylate de nonylphénol (C2H4O)


nC15H24O

47 Ciment Limite en chrome VI

48 Toluène 108-88-3

49 Trichlorobenzène 120-82-1

Hydrocarbures aromatiques
polycycliques (HAP)

1.Benzo (a) pyrène (BaP) 50-32-8

2.Benzo(e) pyrène (BeP) 192-97-2

3.Benzo (a) anthracène (BaA) 56-55-3


50
4.Chrysène (CHR) 218-01-9

5.Benzo (b) fluoranthène (BbFA) 205-99-2

6.Benzo (j) fluoranthène (BjFA) 205-82-3

7.Benzo (k) fluoranthène (BkFA) 207-08-9

8.Dibenzo (a, h) anthracène (DBAhA) 53-70-3

Les phtalates suivants (ou les autres numé-


ros CAS et EINECS couvrant la substance) :

51 di (2-éthylhexyl) phtalate (DEHP) 117-81-7 204-211-0

dibutyl phtalate (DBP) 84-74-2 201-557-4

butyl benzyl phtalate (BBP) 85-68-7 201-622-7

Les phtalates suivants (ou les autres numé-


ros CAS et EINECS couvrant la substance) :

28553-12-0 249-079-5
di- « isononyl » phtalate (DINP) et 68515- et 271-
52 48-0 090-9

26761-40-0 247-977-1
di- « isodecyl » phtalate (DIDP) et 68515- et 271-
49-1 091-4

di-n-octyl phtalate (DNOP) 117-84-0 204-214-7

344
8 • Annexes Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites
d’exposition professionnelle contraignantes

Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition


professionnelle contraignantes
Art. R. 4222-10 - Dans les locaux à pollution spécifique, les concentrations
moyennes en poussières totales et alvéolaires de l’atmosphère inhalée par un
travailleur, évaluées sur une période de huit heures, ne doivent pas dépasser respec-
tivement 10 et 5 milligrammes par mètre cube d’air.
Art. R. 4412-104 - La concentration moyenne en fibres d’amiante dans l’air
inhalé par un travailleur ne doit pas dépasser 0,1 fibre par centimètre cube sur une
heure de travail.
Art. R. 4412-149 - Les concentrations des agents chimiques présents dans
l’atmosphère des lieux de travail figurant dans le tableau suivant ne doivent pas
dépasser, dans la zone de respiration des travailleurs, les valeurs limites d’exposi-
tion professionnelle définies ci-après (tableau pages suivantes).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

345
VALEUR LIMITE d’exposition VALEUR LIMITE d’exposition

346
professionnelle professionnelle
Numéro Numéro
DÉNOMINATION OBSERVATIONS
CE (1) CAS (2) 8 h (3) Court terme (4)

mg/m3 (5) ppm (6) Fibres par cm3 mg/m3 ppm Fibres par cm3

Acétate d’isopentyle 204-662-3 123-92-2 270 50 540 100

Acétate de 2-méthoxy-1-éthyléthyle 203-603-9 108-65-6 275 50 550 100 Peau (7)

Acétate de 1-méthylbutyle 210-946-8 626-38-0 270 50 540 100

Acétate de pentyle 211-047-3 628-63-7 270 50 540 100


8 • Annexes

Acétone 200-662-2 67-64-1 1 210 500 2 420 1 000

Acétonitrile 200-835-2 75-05-8 70 40 Peau (7)

Acide chlorhydrique 231-595-7 7647-01-0 7,6 5

2-aminoéthanol 205-483-3 141-43-5 2,5 1 7,6 3 Peau (7)

Ammoniac anhydre 231-635-3 7664-41-7 7 10 14 20

Acide de sodium 247-852-1 26628-22-8 0,1 0,3 Peau (7)

Benzène 200-753-7 71-43-2 3,25 1 Peau (7)

Bois (poussières de) 1

Brome 231-778-1 7726-95-6 0,7 . 0,1

Butanone 201-159-0 78-93-3 600 200 900 300 Peau (7)


Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites
d’exposition professionnelle contraignantes

Chlore 231-959-5 7782-50-5 1,5 0,5


Chlorobenzène 203-628-5 108-90-7 23 5 70 15

Chloroforme 200-663-8 67-66-3 10 2 Peau (7)

Chlorure de vinyle monomère 200-831-0 75-01-4 2,59 1

Cumène 202-704-5 98-82-8 100 20 250 50 Peau (7)

Cyclohexane 203-806-2 110-82-7 700 200

Cyclohexanone 203-631-1 108-94-1 40,8 10 81,6 20

1,2-dichlorobenzène 202-425-9 95-50-1 122 20 306 50 Peau (7)

N, N-diméthylacétamide 204-826-4 127-19-5 7,2 2 36 10 Peau (7)


8 • Annexes

Diméthylamine 204-697-4 124-40-3 1,9 1 3,8 2

Diéthylamine 203-716-3 109-89-7 15 5 30 10

Éthylamine 200-834-7 75-04-7 9,4 5 28,2 15

Éthylbenzène 202-849-4 100-41-4 88,4 20 442 100 Peau (7)

0,1
Fibres céramiques réfractaires (0,5 fibres par
classées cancérogènes. cm3 jusqu’au
30 juin 2009)

(1) Inventaire européen des substances chimiques existantes (EINECS).


(2) Numéro du Chemical Abstract Service (American Chemical Society).
(3) Mesurée ou calculée par rapport à une période de référence de huit heures, moyenne pondérée dans le temps.
(4) Valeur limite au-dessus de laquelle il ne doit pas y avoir d’exposition et qui se rapporte à une période de quinze minutes sauf indication contraire.
(5) mg/m3 : milligrammes par mètre cube d’air à 20 ˚C et 101,3 kPa (760 mm de mercure).
(6) ppm : partie par million en volume dans l’air (ml/m3).
Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites
d’exposition professionnelle contraignantes

(7) La mention « peau » accompagnant la limite d’exposition professionnelle indique la possibilité d’une pénétration cutanée importante.

347
VALEUR LIMITE d’exposition VALEUR LIMITE d’exposition

348
professionnelle professionnelle
Numéro Numéro
DÉNOMINATION OBSERVATIONS
CE (1) CAS (2) 8 h (3) Court terme (4)

mg/m3 (5) ppm (6) Fibres par cm3 mg/m3 ppm Fibres par cm3

Fluorure d’hydrogène 231-634-8 7664-39-3 1,5 1,8 2,5 3

n-heptane 205-563-8 142-82-5 1 668 400 2 085 500

Heptane-2-one 203-767-1 110-43-0 238 50 475 100 Peau (7)

Heptane-3-one 203-388-1 106-35-4 95 20 –


8 • Annexes

n-hexane 203-777-6 110-54-3 72 20

Méthanol 200-659-6 67-56-1 260 200 Peau (7)

(2-méthoxyméthyléthoxy)-
252-104-2 34590-94-8 308 50 Peau (7)
propanol

1-méthoxypropane-
203-539-1 107-98-2 188 50 375 100 Peau (7)
2-ol

4-méthylpentane-2-one 203-550-1 108-10-1 83 20 208 50

Morpholine 203-815-1 110-91-8 36 10 72 20

Oxyde de diéthyle 200-467-2 60-29-7 308 100 616 200

Pentachlorure de phosphore 233-060-3 10026-13-8 1

Pentane 203-692-4 109-66-0 3 000 1 000


Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites
d’exposition professionnelle contraignantes

Phénol 203-632-7 108-95-2 7,8 2 15,6 4 Peau (7)


Phosgène 200-870-3 75-44-5 0,08 0,02 0,4 0,1

Phosphine 232-260-8 7803-51-2 0,14 0,1

Limite pondé-
Plomb métallique et ses composés 0,1 rale définie en
plomb métal (Pb)

Silice (poussières alvéolaires de


0,1
quartz).

Silice (poussières alvéolaires de


0,05
cristobalite)

Silice (poussières alvéolaires de


8 • Annexes

0,05
tridymite)

Sulfotep 222-995-2 3689-24-5 . 0,1 Peau (7)

Tétrahydrofurane 203-726-8 109-99-9 150 50 300 100 Peau (7)

Toluène 203-625-9 108-88-3 192 50 384 100 Peau (7)

1,2,4-trichlorobenzène 204-428-0 120-82-1 15,1 2 37,8 5 Peau (7)

1,1,1-trichloroéthane 200-756-3 71-55-6 555 100 1 110 200

Triéthylamine 204-469-4 121-44-8 4,2 .1 12,6 3 Peau (7)

(1) Inventaire européen des substances chimiques existantes (EINECS).


(2) Numéro du Chemical Abstract Service (American Chemical Society).
(3) Mesurée ou calculée par rapport à une période de référence de huit heures, moyenne pondérée dans le temps.
(4) Valeur limite au-dessus de laquelle il ne doit pas y avoir d’exposition et qui se rapporte à une période de quinze minutes sauf indication contraire.
(5) mg/m3 : milligrammes par mètre cube d’air à 20 ˚C et 101,3 kPa (760 mm de mercure).
(6) ppm : partie par million en volume dans l’air (ml/m3).
Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites
d’exposition professionnelle contraignantes

(7) La mention « peau » accompagnant la limite d’exposition professionnelle indique la possibilité d’une pénétration cutanée importante.

349
350
VALEUR LIMITE d’exposition VALEUR LIMITE d’exposition
professionnelle professionnelle
Numéro Numéro
DÉNOMINATION OBSERVATIONS
CE (1) CAS (2) 8 h (3) Court terme (4)

mg/m3 (5) ppm (6) Fibres par cm3 mg/m3 ppm Fibres par cm3

1,2,3-triméthylbenzène 208-394-8 526-73-8 100 20 250 50

1,2,4-triméthylbenzène 202-436-9 95-63-6 100 20 250 50


8 • Annexes

1,3,5-triméthylbenzène
203-604-4 108-67-8 100 20 250 50
(mésitylène).

m-xylène 203-576-3 108-38-3 221 50 442 100 Peau (7)

o-xylène 202-422-2 95-47-6 221 50 442 100 Peau (7)

p-xylène 203-396-5 106-42-3 221 50 442 100 Peau (7)

Xylène : mélange d’isomères 215-535-7 1330-20-7 221 50 442 100 Peau (7)

(1) Inventaire européen des substances chimiques existantes (EINECS).


(2) Numéro du Chemical Abstract Service (American Chemical Society).
(3) Mesurée ou calculée par rapport à une période de référence de huit heures, moyenne pondérée dans le temps.
(4) Valeur limite au-dessus de laquelle il ne doit pas y avoir d’exposition et qui se rapporte à une période de quinze minutes sauf indication contraire.
(5) mg/m3 : milligrammes par mètre cube d’air à 20 ˚C et 101,3 kPa (760 mm de mercure).
(6) ppm : partie par million en volume dans l’air (ml/m3).
(7) La mention « peau » accompagnant la limite d’exposition professionnelle indique la possibilité d’une pénétration cutanée importante.
Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites
d’exposition professionnelle contraignantes
8 • Annexes Annexe 9 – Code du travail – Valeurs limites
d’exposition professionnelle indicatives

Annexe 9 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition


professionnelle indicatives
Art. R. 4412-150 - Des valeurs limites d’exposition professionnelle indicatives,
constituant des objectifs de prévention, peuvent être fixées par arrêté conjoint des
ministres chargés du travail et de l’agriculture.

Arrêté du 30 juin 2004, modifié par les arrêtés du 9 février 2006 et du 26 octobre
2007.

Voir tableau pages suivantes.


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

351
352
VALEUR LIMITE d’exposition professionnelle
Numéro CAS
DÉNOMINATION Numéro CE (1) 8 heures (3) Court terme (4) OBSERVATIONS
(2)
mg/m3 (5) ppm (6) mg/m3 ppm

Acétate de2-butoxyéthyle 203-933-3 112-07-2 13,3 2 199,8 30 Peau (7)

Acétate de 3-pentyle – 620-11-1 270 50 540 100 –

Acide bromhydrique 233-113-0 10035-10-6 – – 6,7 2 –

Acide phosphorique 231-633-2 7664-38-2 1 0,2 2 0,5 –

Acide formique 200-579-1 64-18-6 9 5 – – –


8 • Annexes

Acide oxalique 205-634-3 144-62-7 1 – – – –

Acide propionique 201-176-3 79-09-4 31 10 62 20 –

Acide nitrique 231-714-2 7697-37-2 – – 2,6 1 –

Acrylate de n-butyle 205-480-7 141-32-2 11 2 53 10

Alcool allylique 203-470-7 107-18-6 0,48 0,2 4,8 2 Peau (7)

Amylacétate, tert – 625-16-1 270 50 540 100 –

Argent métallique 231-131-3 7440-22-4 0,1 – – – –

Argent (composés solubles en Ag) 231-131-3 – 0,01 – – – –

Baryum (composés solubles) – – 0,5 – – – –

2-butoxyéthanol 203-905-0 111-76-2 9,8 2 147,6 30 Peau (7)

2- (2-butoxyéthoxy) éthanol 203-961-6 112-34-5 67,5 10 101,2 15 –

?-caprolactame (poudre et vapeur) 203-313-2 105-60-2 10 – 40 – –


Annexe 9 – Code du travail – Valeurs limites
d’exposition professionnelle indicatives
Chlorodifluorométhane 200-871-9 75-45-6 3600 1000 – – –

Chloroéthane 200-830-5 75-00-3 268 100 – – –

Chrome métal, composés de chrome


inorganiques (II) et composés de – – 2 – – – –
chrome inorganiques (insolubles) (III)

Cyanamide 206-992-3 420-04-2 1 0,58 – – Peau (7)

1,4-dichlorobenzène 203-400-5 106-46-7 4,5 0,75 306 50 –

1,1-dichloroéthane 200-863-5 75-34-3 412 100 – – Peau (7)

Dioxyde de carbone 204-696-9 124-38-9 9 000 5 000 – – –


8 • Annexes

Éthylène-glycol 203-473-3 107-21-1 52 20 104 40 Peau (7)

Fluor 231-954-8 7782-41-4 1,58 1 3,16 2 –

Fluorures inorganiques – – 2,5 – – – –

Isopentane 201-142-8 78-78-4 3 000 1 000 – –

2- (2-méthoxyethoxy) éthanol. 203-906-6 111-77-3 50,1 10 – – Peau (7)

5-méthylhexane-2-one 203-737-8 110-12-3 95 20 475 100 Peau (7)

5-méthylheptane-3-one 208-793-7 541-85-5 53 10 107 20 –

Néopentane 207-343-7 463-82-1 3 000 1 000 – – –

(1) Inventaire européen des substances chimiques existantes (EINECS).


(2) Numéro du Chemical Abstract Service (American Chemical Society).
(3) Mesurée ou calculée par rapport à une période de référence de 8 heures, moyenne pondérée dans le temps.
(4) Valeur limite au-dessus de laquelle il ne devrait pas y avoir d’exposition et qui se rapporte à une période de quinze minutes sauf indication contraire.
(5) mg/m3 : milligrammes par mètre cube d’air à 20 oC et 101,3 kPa (760 mm de mercure).
(6) ppm : partie par million en volume dans l’air (ml/m3).
Annexe 9 – Code du travail – Valeurs limites
d’exposition professionnelle indicatives

(7) La mention « peau » accompagnant la limite d’exposition professionnelle indique la possibilité d’une pénétration cutanée importante.

353
354
VALEUR LIMITE d’exposition professionnelle
Numéro CAS
DÉNOMINATION Numéro CE (1) 8 heures (3) Court terme (4) OBSERVATIONS
(2)
mg/m3 (5) ppm (6) mg/m3 ppm

Nicotine 200-193-3 54-11-5 0,5 – – – Peau (7)

Nitrobenzène 202-716-0 98-95-3 1 0,2 – – Peau (7)

Oxyde de diméthyle 204-065-8 115-10-6 1920 1000 – – –

Pentaoxyde de disphosphore 215-236-1 1314-56-3 1 – – – –

Pentasulfure de disphosphore 215-242-4 1314-80-3 1 – – – –


8 • Annexes

2-phénylpropène 202-705-0 98-83-9 123 25 492 100 Peau (7)

Phosphine. 232-260-8 7803-51-2 – – 0,28 0,2 –

Pipérazine (poudre et vapeur) 203-808-3 110-85-0 0,1 – 0,3 – –

Pyrèthre (après suppression


– 8003-34-7 1 – – – –
des lactones sensibilisantes)

Résorcinol 203-585-2 108-46-3 45 10 – – Peau (7)

Séléniure de dihydrogène 231-978-9 7783-07-5 0,07 0,02 0,17 0,05 –

(1) Inventaire européen des substances chimiques existantes (EINECS).


(2) Numéro du Chemical Abstract Service (American Chemical Society).
(3) Mesurée ou calculée par rapport à une période de référence de 8 heures, moyenne pondérée dans le temps.
(4) Valeur limite au-dessus de laquelle il ne devrait pas y avoir d’exposition et qui se rapporte à une période de quinze minutes sauf indication contraire.
(5) mg/m3 : milligrammes par mètre cube d’air à 20 oC et 101,3 kPa (760 mm de mercure).
(6) ppm : partie par million en volume dans l’air (ml/m3).
(7) La mention « peau » accompagnant la limite d’exposition professionnelle indique la possibilité d’une pénétration cutanée importante.
Annexe 9 – Code du travail – Valeurs limites
d’exposition professionnelle indicatives
8 • Annexes Annexe 10 – Sécurité sociale – Tableau
des maladies professionnelles

Annexe 10 – Sécurité sociale – Tableau des maladies


professionnelles
(Régime général)
Extrait limité aux agents chimiques

RG 1 Affections dues au plomb et à ses composés

RG 2 Maladies professionnelles causées par le mercure et ses composés

RG 3 Intoxication professionnelle par le tétrachloréthane

RG 4 Hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en renfermant

Affections gastro-intestinales provoquées par le benzène, le toluène, les xylènes


RG 4BIS
et tous les produits en renfermant

Affections professionnelles liées au contact avec le phosphore et le sesquisulfure


RG 5
de phosphore

RG 8 Affections causées par les ciments (aluminosilicates de calcium)

RG 9 Affections provoquées par les dérivés halogénés des hydrocarbures aromatiques

Ulcérations et dermites provoquées par l’acide chromique, les chromates et bichromates


RG 10
alcalins, le chromate de zinc et le sulfate de chrome

Affections respiratoires provoquées par l’acide chromique, les chromates et bichromates


RG 10BIS
alcalins

Affections cancéreuses causées par l’acide chromique et les chromates et bichromates


RG 10TER
alcalins ou alcalinoterreux ainsi que par le chromate de zinc

RG 11 Intoxication professionnelle par le tétrachlorure de carbone

Affections professionnelles provoquées par les hydrocarbures aliphatiques halogénés


énumérés ci-après : dichlorométhane ; trichlorométhane ; tribromométhane ;
triiodométhane ; tétrabromométhane ; chloroéthane ; 1,1-dichloroéthane ;
1,2-dichloroéthane ; 1,2-dibromoéthane ; 1,1,1-trichloroéthane ; 1,1,2-trichloroéthane ;
1,1,2,2-tétrabromoéthane ; pentachloroéthane ; 1-bromopropane ; 2-bromopropane ;
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

RG 12
1,2-dichloropropane ; trichloroéthylène ; tétrachloroéthylène ; dichloro-acétylène ;
trichlorofluorométhane ; 1,1,2,2-tétrachloro-1,2-difluoroéthane ; 1,1,1,2-tétrachloro-
2,2-difluoroéthane ; 1,1,2-trichloro-1,2,2-trifluoroéthane ; 1,1,1-trichloro-2,2,2-
trifluoroéthane ; 1,1-dichloro-2,2,2-trifluoroéthane ; 1,2-dichloro-1,1-difluoroéthane ;
1,1-dichloro-1-fluoroéthane

Intoxications professionnelles par les dérivés nitrés et chloronitrés des hydrocarbures


RG 13
benzéniques

Affections provoquées par les dérivés nitrés du phénol (dinitrophénols, dinitro-


RG 14 orthocrésols, dinosebe), par le pentachlorophénol, les pentachlorophénates
et par les dérivés halogénés de l’hydroxybenzonitrile (bromoxynil, ioxynil)

355
8 • Annexes Annexe 10 – Sécurité sociale – Tableau
des maladies professionnelles

Affections provoquées par les amines aromatiques, leurs sels et leurs dérivés notamment
RG 15
hydroxylés, halogénés, nitrés, nitrosés et sulfonés

Affections de mécanisme allergique provoquées par les amines aromatiques, leurs sels,
RG 15BIS leurs dérivés notamment hydroxylés, halogénés, nitrés, nitrosés, sulfonés et les produits
qui en contiennent à l’état libre

Lésions prolifératives de la vessie provoquées par les amines aromatiques et leurs sels
RG 15TER
et la N-nitroso-dibutylamine et ses sels

Affections cutanées ou affections des muqueuses provoquées par les goudrons


de houille, les huiles de houille (comprenant les fractions de distillation dites
RG 16
« phénoliques », « naphtaléniques », « acénaphténiques », « anthracéniques »
et « chryséniques »), les brais de houille et les suies de combustion du charbon

Affections cancéreuses provoquées par les goudrons de houille, les huiles de houille
(comprenant les fractions de distillation dites phénoliques, naphtaléniques,
RG 16BIS
acénaphténiques, anthracéniques et chryséniques), les brais de houille et les suies
de combustion du charbon

RG 20 Affections professionnelles provoquées par l’arsenic et ses composés minéraux

Cancer bronchique primitif provoqué par l’inhalation de poussières ou de vapeurs


RG 20BIS
arsenicales

Cancer bronchique primitif provoqué par l’inhalation de poussières ou de vapeurs


RG 20TER
renfermant des arsénopyrites aurifères

RG 21 Intoxication professionnelle par l’hydrogène arsénié

RG 22 Sulfocarbonisme professionnel

Affections consécutives à l’inhalation de poussières minérales renfermant de la silice


RG 25 cristalline (quartz, cristobalite, tridymite), des silicates cristallins (kaolin, talc), du
graphite ou de la houille

RG 26 Intoxication professionnelle par le bromure de méthyle

RG 27 Intoxication professionnelle par le chlorure de méthyle

RG 30 Affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante

RG 30BIS Cancer broncho-pulmonaire provoqué par l’inhalation de poussières d’amiante

Maladies professionnelles engendrées par les aminoglycosides, notamment


RG 31
par la streptomycine, la néomycine et leurs sels

Affections professionnelles provoquées par le fluor, l’acide fluorhydrique et ses sels


RG 32
minéraux

RG 33 Maladies professionnelles dues au béryllium et à ses composés

Affections provoquées par les phosphates, pyrophosphates et thiophosphates d’alcoyle,


RG 34 d’aryle ou d’alcoylaryle et autres organophosphorés anticholinestérasiques ainsi que
par les phosphoramides et carbamates hétérocycliques anticholinestérasiques

RG 36 Affections provoquées par les huiles et graisses d’origine minérale ou de synthèse

356
8 • Annexes Annexe 10 – Sécurité sociale – Tableau
des maladies professionnelles

Affections cutanées cancéreuses provoquées par les dérivés suivants du pétrole : extraits
RG 36BIS aromatiques, huiles minérales utilisées à haute température dans les opérations
d’usinage et de traitement des métaux, suies de combustion des produits pétroliers

RG 37 Affections cutanées professionnelles causées par les oxydes et les sels de nickel

RG 37BIS Affections respiratoires causées par les oxydes et les sels de nickel

RG 37TER Cancers provoqués par les opérations de grillage des mattes de nickel

RG 38 Maladies professionnelles engendrées par la chlorpromazine

RG 39 Maladies professionnelles engendrées par le bioxyde de manganèse

RG 43 Affections provoquées par l’aldéhyde formique et ses polymères

Affections consécutives à l’inhalation de poussières minérales ou de fumées, contenant


RG 44
des particules de fer ou d’oxyde de fer

RG 44BIS Affections consécutives au travail au fond dans les mines de fer

RG 47 Affections professionnelles provoquées par les poussières de bois

Affections cutanées provoquées par les amines aliphatiques, alicycliques


RG 49
ou les éthanolamines

Affections respiratoires provoquées par les amines aliphatiques, les éthanolamines


RG 49BIS
ou l’isophoronediamine

RG 50 Affections provoquées par la phénylhydrazine

RG 51 Maladies professionnelles provoquées par les résines époxydiques et leurs constituants

Affections provoquées par le chlorure de vinyle monomère. Durée d’exposition : six


RG 52
mois

RG 59 Intoxications professionnelles par l’hexane

RG 61 Maladies professionnelles provoquées par le cadmium et ses composés

Cancer broncho-pulmonaire provoqué par l’inhalation de poussières ou fumées


RG 61BIS
renfermant du cadmium
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RG 62 Affections professionnelles provoquées par les isocyanates organiques

RG 63 Affections provoquées par les enzymes

RG 64 Intoxication professionnelle par l’oxyde de carbone

RG 65 Lésions eczématiformes de mécanisme allergique

RG 66 Rhinites et asthmes professionnels

RG 66BIS Pneumopathies d’hypersensibilité

357
8 • Annexes Annexe 10 – Sécurité sociale – Tableau
des maladies professionnelles

Lésions de la cloison nasale provoquées par les poussières de chlorure de potassium


RG 67
dans les mines de potasse et leurs dépendances

RG 70 Affections professionnelles provoquées par le cobalt et ses composés

Affections respiratoires dues aux poussières de carbures métalliques frittés ou fondus


RG 70BIS
contenant du cobalt

Affections cancéreuses broncho-pulmonaires primitives causées par l’inhalation


RG 70TER
de poussières de cobalt associées au carbure de tungstène avant frittage

RG 72 Maladies résultant de l’exposition aux dérivés nitrés des glycols et du glycérol

RG 73 Maladies professionnelles causées par l’antimoine et ses dérivés

RG 74 Affections professionnelles provoquées par le furfural et l’alcool furfurylique

Affections professionnelles résultant de l’exposition au sélénium et à ses dérivés


RG 75
minéraux

Affections provoquées par le chlorure de sodium dans les mines de sel et leurs
RG 78
dépendances

RG 81 Affections malignes provoquées par le bis (chlorométhyle) éther

RG 82 Affections provoquées par le méthacrylate de méthyle

Affections engendrées par les solvants organiques liquides à usage professionnel :


hydrocarbures liquides aliphatiques ou cycliques saturés ou insaturés et leurs mélanges ;
hydrocarbures halogénés liquides ; dérivés nitrés des hydrocarbures aliphatiques ;
RG 84
alcools, glycols, éthers de glycol ; cétones ; aldéhydes ; éthers alipathiques et cycliques,
dont le tétrahydrofurane ; esters ; diméthylformamide et diméthylacétamine ;
acétonitrile et propionitrile ; pyridine ; diméthhylsulfone et diméthylsulfoxyde

Affection engendrée par l’un ou l’autre de ces produits : N-méthyl N’nitro


RG 85 N-nitrosoguanidine ; N-éthyl N’nitro N-nitrosoguanidine ; N-méthyl N-nitrosourée ;
N-éthyl N-nitrosourée. Durée d’exposition : six mois

RG 89 Affection provoquée par l’halothane

RG 90 Affections respiratoires consécutives à l’inhalation de poussières textiles végétales

RG 91 Broncho-pneumopathie chronique obstructive du mineur de charbon

Lésions chroniques du segment antérieur de l’œil provoquées par l’exposition


RG 93
à des particules en circulation dans les puits de mine de charbon

RG 94 Broncho-pneumopathie chronique obstructive du mineur de fer

Affections professionnelles de mécanisme allergique provoquées par les protéines


RG 95
du latex (ou caoutchouc naturel)

358
8 • Annexes Annexe 11 – INRS – Liste
des guides de ventilation

Annexe 11 – INRS – Liste des guides de ventilation


(disponibles au 1er mars 2008)

Dernière
Référence
N° Titre année
ED
d’édition

0 Principes généraux de ventilation 695 1989

1 L’assainissement de l’air des locaux de travail 657 1989

2 Cuves et bains de traitement de surface 651 2001

3 Mise en œuvre manuelle des polyesters stratifiés 665 1989

4 Postes de décochage en fonderie 662 2003

5 Ateliers d’encollage de petits objets (chaussures) 672 1987

6 Captage et traitement des aérosols de fluides de coupes 972 2005

7 Opérations de soudage à l’arc 668 2007

8 Espaces confinés 703 2004

9.1 Cabines d’application par pulvérisation de produits liquides 839 2000

9.2 Cabines d’application par projection de peintures en poudre 928 2004

9.3 Pulvérisation de produits liquides. Objets lourds ou encombrants 906 2003

10 Le dossier d’installation de ventilation 6008 2007

11 Sérigraphie 6001 2006

12 Deuxième transformation du bois 750 2001

13 Fabrication des accumulateurs au plomb 746 2007

14 Décapage, dessablage, dépolissage au jet libre en cabine 768 2004


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

15 Réparation des radiateurs automobiles 752 2007

16 Ateliers de fabrication de prothèses dentaires 760 2003

17 Emploi des matériaux pulvérulents 767 2003

Usines de dépollution des eaux résiduaires et ouvrages


18 820 2002
d’assainissement

AMT* Cabines ventilées pour le travail de la pierre 947 2005

* Aide-mémoire technique

359
8 • Annexes Annexe 12 – Code de l’environnement – Propriétés
qui rendent les déchets dangereux

Annexe 12 – Code de l’environnement – Propriétés


qui rendent les déchets dangereux
(Annexe I du décret n˚ 2002-540 du 18 avril 2002
relatif à la classification des déchets, JO du 20 avril 2002)

Code Danger Descriptif

Substances et préparations pouvant exploser sous l’effet de la flamme ou


H1 Explosif
qui sont plus sensibles aux chocs ou aux frottements que le dinitrobenzène.

Substances et préparations qui, au contact d’autres substances, notamment


H2 Comburant de substances inflammables, présentent une réaction fortement
exothermique.

Substances et préparations :
– à l’état liquide (y compris les liquides extrêmement inflammables),
dont le point d’éclair est inférieur à 21 ˚C ;
ou
– pouvant s’échauffer au point de s’enflammer à l’air à température
ambiante sans apport d’énergie ;
ou
Facilement
H3-A – à l’état solide, qui peuvent s’enflammer facilement par une brève action
inflammable
d’une source d’inflammation et qui continuent à brûler ou à se consumer
après l’éloignement de la source d’inflammation ;
ou
– à l’état gazeux, qui sont inflammables à l’air à une pression normale, ;
ou
– qui, au contact de l’eau ou de l’air humide, produisent des gaz facilement
inflammables en quantités dangereuses.

Substances et préparations liquides, dont le point d’éclair est égal ou


H3-B Inflammable
supérieur à 21 ˚C et inférieur ou égal à 55 ˚C.

Substances et préparations non corrosives qui, par contact immédiat,


H4 Irritant prolongé ou répété, avec la peau et les muqueuses, peuvent provoquer
une réaction inflammatoire.

Substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration


H5 Nocif
cutanée, peuvent entraîner des risques de gravité limitée.

Substances et préparations (y compris les substances et préparations très


H6 Toxique toxiques) qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent
entraîner des risques graves, aigus ou chroniques, voire la mort.

Substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration


H7 Cancérogène
cutanée, peuvent produire le cancer ou en augmenter la fréquence.

Substances et préparations qui, en contact avec des tissus vivants, peuvent


H8 Corrosif
exercer une action destructrice sur ces derniers.

360
8 • Annexes Annexe 12 – Code de l’environnement – Propriétés
qui rendent les déchets dangereux

Code Danger Descriptif

Matière contenant des micro-organismes viables ou leurs toxines, dont


H9 Infectieux on sait ou dont on a de bonnes raisons de croire qu’ils causent la maladie
chez l’homme ou chez d’autres organismes vivants.

Substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration


Toxique
cutanée, peuvent produire ou augmenter la fréquence d’effets indésirables
H10 pour la
non héréditaires dans la progéniture ou porter atteinte aux fonctions
reproduction
ou capacités reproductives.

Substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration


H11 Mutagène cutanée, peuvent produire des défauts génétiques héréditaires ou en
augmenter la fréquence.

Générateur
Substances et préparations qui, au contact de l’eau, de l’air ou d’un acide,
H12 potentiel
dégagent un gaz toxique ou très toxique.
de gaz toxique

Substances et préparations susceptibles, après élimination, de donner


Générateur
naissance, par quelque moyen que ce soit, à une autre substance, par
H13 potentiel
exemple un produit de lixiviation, qui possède l’une des caractéristiques
de polluant
énumérées ci-avant.

Substances et préparations qui présentent ou peuvent présenter des risques


H14 Écotoxique immédiats ou différés pour une ou plusieurs composantes de
l’environnement.
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361
Agitation et mélange Index

INDEX

A cotation 142, 154


critères de choix 215
absorption 288
achats 305 D
adduction d’air 205
ADR 22 danger 9
adsorption sur charbon actif 287 chimique 16
anoxie 93 d’un agent chimique 11
appareil respiratoire autonome 207 décompositions 82
arbre détoxication 291
des causes 94 directive
des défaillances 152 67/548 7
asphyxie 90, 137 98/24 7
atmosphère explosive 153, 191 98/24/CE 225
autonomie 204 DNEL 21, 32, 118
dommage 3, 15, 63, 92, 294
B dose cumulée 65
bains 270 E
base de données 304
bilan matière 126 écran anti-projection 250
bioaccumulation 65 éloignement 171
emballages 237, 252, 265
C enceintes ventilées 180
enregistrement des données 130, 140, 157, 226
cabines ventilées 184
cancérogènes 41 EPICEA 109
captage des émissions 177 épuration
caractérisation des risques 117 des COV 286
catégories de dangers 27 des poussières 285
chimie fine 99, 262 estimation
chromage 270 de l’exposition 117
circulation 251 du risque 10, 142
classes de dangers 23, 25 chimique 15
CMR 37, 39, 115, 222 étiquetage 16, 29, 277
CNAMTS 1, 111 événement dangereux 13, 15, 70, 136
code explosions 83, 153, 191
de classification 23 exposition 12, 14, 60
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de danger 52 aiguë 103


du travail 16, 218 massive 75
combustion 290 multiple 146
compensation de l’air 188
composantes du risque chimique 14 F
condensation 289 fabrication pharmaceutique 258
confinement 174, 259, 273, 293 facteur
conseils de prudence 31 d’exposition 147
contact de protection 208
cutané 60, 63, 133, 166, 256 faits déclencheurs 73
massif 92 familles de dangers 54
oculaire 60 fermentation 77, 91

363
Agitation et mélange Index

fiche de données de sécurité 20, 118 de danger 34, 44, 144


filtre 202, 286 de gravité 102, 150
formation 212, 304 de probabilité 104, 151
norme
G ISO 12100 9
gants 210 ISO 14121 10, 13, 101
gaz inerte 90, 193 numéro
gestion des stocks 252 CAS 20, 305
granulométrie 87 d’identification de danger 24
groupe d’emballage 24 ONU 21, 24, 305

I O
identification des risques 130 organe cible 64
importance du risque 69, 107, 283 outils aspirants 185
incendies 83
indicateurs biologiques 64, 146 P
indice d’exposition 65, 145 pathologie 12
industrie chimique 253 PBT 32, 115
information 212, 246, 304 peinture 268, 295
ingestion 133, 137 péremption 252
inhalation 63, 92, 133, 137 phasage
intermédiaires de synthèse 254, 306 d’un procédé 126
inventaire 305 des tâches 124
phase exposante 169
J phrases de risque 17, 39, 55, 306
jet de liquide 172 pictogrammes 18, 29
piégeage des vapeurs 289
L PNEC 21, 33, 118, 283
limite inférieure d’explosivité (LIE) 85 pollution 276
accidentelle 281, 293
M chronique 280, 284
polymérisation 82
maintenance préventive 201 potentiel de risque 307
maîtrise des procédés 260 poudres 256
maladie professionnelle 14 poussières 62, 89, 165, 194, 269
matériel atex 198 prévention intrinsèque 217
matrice de combinaison 154 principes
mention actifs 258
d’avertissement 29 de précaution 119
de danger 29 généraux de prévention 220
mesures priorités d’action 159
individuelles 215 probabilité 104
organisationnelles 214 procédés continus 262
techniques 214 process chimique 100
méthode de l’INRS 110 processus
métrologie 146 accidentel 13
modélisation 12 chronique 12
produits incompatibles 240
N protection
niveau collective 134
d’exposition 149 individuelle 202

364
Agitation et mélange Index

R symboles de danger 17, 30


système clos 174, 254, 273
REACH 6, 32, 108, 113
réaction dangereuse 78, 136
réactivité chimique 77
T
redondance 217 température d’auto-inflammation 195
repérage des risques 123 temps de claquage 204
rétention 247, 266 traitement biologique 291
risque 9 transport des matières dangereuses 22, 47
biologique 233 transvasement 238, 243
chimique 11 trémie aspirante 182
ergonomique 232 tunnel 183, 275
mécanique 231
physique 228 V
S ventilation 179, 186, 273
vêtements de protection 211
scénario d’exposition 116 VLEP 21, 34
SGH 25, 40, 50, 277 voie
situation dangereuse 12, 14, 70, 134 digestive 60
source d’ignition 89, 195 respiratoire 60, 63
sous-oxygénation 90
vPvB 32, 115
statistiques 1
vrac 238, 246, 252
stockage
d’inflammables 242
Z
des agents chimiques 237
des produits 264 zone
substitution 162, 168, 253, 268, 272 dangereuse 62, 70, 151, 163
surveillance des atmosphères 190 de dispersion 132
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365
TECHNIQUE ET INGÉNIERIE GESTION INDUSTRIELLE

Série Chimie
CONCEPTION

FROID ET GÉNIE CLIMATIQUE

MÉCANIQUE ET MATÉRIAUX

Guy Gautret de la Moricière


CHIMIE

LE RISQUE CHIMIQUE ENVIRONNEMENT ET SÉCURITÉ

Concepts • Méthodes • Pratiques EEA

La mise en place du règlement REACH va intensifier la demande de AGROALIMENTAIRE


clarification et de structuration de la gestion du risque chimique. Cet
ouvrage rassemble tous les éléments composant une théorie complète
et propose des outils méthodologiques permettant la maîtrise du
GUY GAUTRET
risque chimique dans les types d’activités les plus fréquemment DE LA MORICIÈRE
rencontrés. Il présente successivement : est ingénieur-docteur en
• La pratique de l’analyse des risques chimiques : les méthodes de chimie. Ingénieur-conseil,
ancien responsable
repérage, l’identification et l’estimation ainsi que la fixation des du service R&D à la Caisse
priorités d’action. régionale d’assurance
• La pratique de la prévention des risques : les objectifs, la recherche maladie d’Île-de-France
(CRAMIF) et formateur
de mesures possibles, etc. à l’INRS.
• Les applications particulières : stockage, industrie chimique et
pharmaceutique, traitements de surface, protection de
l’environnement.
• Des études de cas : description, analyse des risques et mesures.
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moyens, recensement des agents chimiques, repérage des urgences,
application de la méthode et adaptation au domaine d’activité de
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Illustré par de nombreux exemples, schémas et tableaux de données,
cet ouvrage propose également un descriptif des avantages et
inconvénients des principaux types de mesures rencontrées dans des
secteurs très divers. Les conseils pour organiser la démarche permettent
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réglementation.
Outil de travail indispensable par son contenu à la fois théorique et
pratique, cet ouvrage s’adresse à tous ceux qui conduisent le chan-
gement vers la maîtrise des risques ainsi qu’à ceux qui l’enseignent
dans toutes les instances publiques ou privées.

ISBN 978-2-10-053565-1 www.dunod.com

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