Vous êtes sur la page 1sur 57

Introduction à la mécanique de la rupture

fragile

Pr FERDJANI Hicheme

Université de Blida Algérie

h_ferdjani@univ-blida.dz

November 19, 2018


2
Contents

1 Introduction 7
1.1 Rappels d'élasticité plane: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.1.1 Déformation plane: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.1.2 Contrainte plane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2 Les équations de l'élasticité plane . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.3 Rappels délasticité antiplane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2 Singularité des contraintes en pointe de ssure 11
2.1 Cas de l'élasticité plane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.1.1 Expression asymptotique des contraintes . . . . . . . . 15
2.1.2 Singularité des contraintes en élasticité antiplane . . . 17
2.2 Critère de propagation d'IRWIN en mode I . . . . . . . . . . . 18
2.2.1 Exemple d'application . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.3 Détermination du Facteur d'Intensité de Contrainte . . . . . . 22
2.3.1 Méthode de superposition . . . . . . . . . . . . . . . . 22
3 Théorie énergétique de la rupture 25
3.1 Bilan d'énergie durant la propagation d'une ssure . . . . . . 25
3.1.1 Hypothèse de Grith (1921) . . . . . . . . . . . . . . . 25
3.1.2 Exemple de calcul de G . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
3.2 Diverses expressions de G . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
3.2.1 Formules de la complaisance et de la raideur . . . . . . 29
3.2.2 Relation entre G et K (Formule d'IRWIN) . . . . . . . 31
3.2.3 Intégrale de RICE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
4 Quelques solutions élémentaires 39
4.1 Exemple de problème antiplan . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
4.2 Méthode de la variable complexe en élasticité plane . . . . . . 40
4.2.1 Approche de Westergaard en mode I . . . . . . . . . . 41
4.2.2 Approche de Westergaard en mode II . . . . . . . . . . 41
4.2.3 Fissure dans un milieu inni en mode I . . . . . . . . . 41

3
4 CONTENTS

5 Propagation des ssures en mode mixte 45


5.1 Trajet de la ssure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
5.1.1 Critère de la contrainte d'ouverture maximale . . . . . 46
5.1.2 Critères de Grith et du k2 = 0 . . . . . . . . . . . . . 47
5.1.3 Comparaison entre les trois théories . . . . . . . . . . . 48
5.2 Critère de propagation en mode mixte . . . . . . . . . . . . . 49
5.2.1 Validation expérimentale . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
5.2.2 Exemple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
6 Propagation des ssures par fatigue 53
Préface
Ce document consiste en une compilation des notes du cours Mécanique de la
rupture fragile destiné aux étudiants deuxième année Master options: Con-
struction Mécanique et Fabrication Mécanique et Productique. Les pré requis
pour comprendre ce cours sont la Mécanique des Milieux Continus et la
Théorie de l'élasticité. Je demande au lecteur de me signaler d'éventuelles
erreurs dans ce document, et de proposer des ajouts ou améliorations.

5
6 CONTENTS
Chapter 1
Introduction
La mécanique de la rupture est une discipline relativement récente initiée par
Grith au début du vingtième siècle ([4]). La naissance de cette discipline
a été motivée par l'amélioration constante des techniques de détection des
défauts dans les structures. En eet, cette amélioration a mis en évidence
la présence de ssures et de défauts impossibles à éliminer. Par conséquent,
le besoin de quantier la nocivité de ces ssures est devenu primordial. La
mécanique de la rupture est donc la quantication de la nocivité des s-
sures. C'est à dire introduire des quantités permettant d'évaluer le danger
que représente ces ssures, et introduire également des critères de propaga-
tion.
Une ssure est modélisée par deux surfaces, appelées faces (ou lèvres), dont
la courbe d'intersection est appelée front. En deux dimensions, les deux
surfaces se réduisent à deux lignes se joignant en un point appelé pointe
(Figure 1.1). Nous supposons que les faces (ou lèvres) de la ssure sont
libres de contraintes. Cette hypothèse fondamentale veut dire :

• Primo, nous ne considérons dans ce cours que les ssures ouvertes, sans
contact entre les lèvres. Ceci exclut le cas des ssures en compression.

Front Pointe

Situation tridimensionnelle Situation bidimensonnelle

Figure 1.1: Modèles de ssure

7
8 CHAPTER 1. INTRODUCTION

• Nous négligeons les interactions existantes au voisinage du front, dues


aux interactions atomiques. Cette approximation est raisonnable car
la zone d'interaction est innitésimale (de l'ordre des distances inter-
atomiques). Nous verrons plus loin dans ce cours, que cette approx-
imation induit des singularités des contraintes et des déformations, à
proximité du front, inadmissibles physiquement.
Il existe deux types de rupture : fragile et ductile. Dans ce cours, nous
nous intéressons au premier type. Dans la rupture fragile, la plasticité est
connée au voisinage du front de ssure, le reste de la structure est dans le
domaine élastique. La plasticité est donc négligée et toute la structure est
considérée élastique. Cette hypothèse est valable pour les matériaux fragiles
(verre, céramique, métaux à basse température...).
La modélisation complète de la rupture en trois dimensions est très di-
cile. Certains aspects de cette modélisation sont encore dans le stade de
la recherche. Par conséquent, nous nous contenterons dans ce cours d'une
étude en deux dimensions, valable dans beaucoup de cas pratiques. Deux cas
seront traités : élasticité plane et élasticité anti-plane. Nous en présentons
ci-dessous quelques rappels. Nous précisons également que les matériaux
considérés sont supposés isotropes.

1.1 Rappels d'élasticité plane:


Nous présentons ci-dessous un bref rappel de l'élasticité plane. Nous ré-
duirons au maximum la présentation, en supposant que le lecteur est fami-
lier avec les principaux concepts de la mécanique des milieux continus et de
l'élasticité.
En élasticité plane, il y a deux cas possibles : Déformation plane et Con-
trainte plane. Nous en présentons ci-dessous les dénitions.

1.1.1 Déformation plane:


Une structure est dans un état de déformation plane, dans le plan (x1 , x2 ),
si le déplacement ~u est indépendant de x3 et si u3 = 0. Il en résulte:

ε13 = ε23 = ε33 = 0

La loi de Hooke implique que les contraintes sont aussi indépendantes de x3


et que:
σ13 = σ23 = 0
1.1. RAPPELS D'ÉLASTICITÉ PLANE: 9

x2

x1

x3

Figure 1.2: Solide en déformation plane

x2

x1

x3

Figure 1.3: Solide en état de contrainte plane

L'état de déformation plane existe dans un solide de forme cylindrique soumis


à des eorts normaux à son axe et ne variant pas avec la longueur (Figure 1.2).

1.1.2 Contrainte plane


Un solide est dans un état de contrainte plane, dans le plan (x1 , x2 ), si les
contraintes sont indépendantes de x3 et si:
σ13 = σ23 = σ33 = 0

L'état de contrainte plane existe dans une plaque mince chargée avec des
eorts parrallèles à son plan (Figure 1.3).
10 CHAPTER 1. INTRODUCTION

1.2 Les équations de l'élasticité plane


Les équations d'équilibre (en négligeant les forces de volume) se réduisent à:
(
σ11,1 + σ11,2 = 0
σ21,1 + σ22,2 = 0
Il existe une fonction φ(x1 , x2 ), appelée fonction d'Airy, telle que :

 σ11 = φ,22

σ22 = φ,11

σ12 = −φ,12

En remplaçant les équations précédentes dans les équations de Beltrami, il


vient:
∆∆φ = 0,
2 2
∂ ∂
avec ∆ = 2 + 2 appelé laplacien. Nous disons que la fonction d'Airy
∂x1 ∂x2
est biharmonique.

1.3 Rappels délasticité antiplane


Une structure est en situation antiplane si:
u1 = u2 = 0 et si u3 = u3 (x1 , x2 )
Toutes les composantes du tenseur de déformation sont nulles, sauf:
1 1
ε13 = u3,1 et ε23 = u3,2
2 2
La loi de Hooke implique que toutes les composantes du tenseur de contrainte
sont nulles, sauf:
σ13 = µu3,1 et σ23 = µu3,2
Les équations d'équilibre se réduisent à:
σ31,1 + σ32,2 = 0 ⇔ ∆u3 = 0
Ainsi u3 doit être une fonction harmonique. Nous pouvons donc écrire:
µu3 = <f (z) (1.1)
où f(z) est une fonction holomorphe de z = x1 + ix2 . Nous pouvons montrer
que:
σ31 − iσ32 = f 0 (z) (1.2)
Chapter 2
Singularité des contraintes en
pointe de ssure
L'objet du chapitre est de montrer que les contraintes sont singulières en
pointe de ssure et que la forme asymptotique des contraites est universelle et
ne dépend que de trois coecients appelés Facteurs d'Intensité de contrainte.
Nous distinguons les cas de l'élasticité plane et anti-plane.

2.1 Cas de l'élasticité plane


Considérons une structure ssurée quelconque en élasticité plane. Nous
isolons une partie entourant la pointe de la ssure an d'y déterminer la
forme générale des contraintes (Figure 2.1). Nous rappelons d'abord les re-

σθθ σrr

r σθr
θ

Figure 2.1: Zone entourant la pointe de ssure

11
12CHAPTER 2. SINGULARITÉ DES CONTRAINTES EN POINTE DE FISSURE

lations entre les contraintes et la fonction d'Airy en coordonnées polaires:


1 1


 σ rr = 2 φ,θθ + φ,r


 r r
σθθ = φ,rr
  (2.1)
 1
 σrθ = − r φ,θ



,r

Le problème élastique se réduit à trouver φ(r, θ) vériant les équations


suivantes:
∆∆φ = 0 équation de Beltrami



 Conditions aux limites sur la ssure:

(2.2)


 σθθ (r, ±π) = 0
σrθ (r, ±π) = 0

Remarque 1 Les conditions aux limites du problème (2.2) impliquent l'hypothèse


que les faces de la ssure sont libres de contrainte. Cette hypothèse sera
retenue pour la suite de ce cours.
Cherchons φ(r, θ) sous la forme :
φ(r, θ) = rα+2 ψ(θ), (2.3)
où α et ψ(θ) sont respectivement un réel et une fonction à déterminer.

Calculons d'abord le bilaplacien de φ(r, θ):


1 1
∆φ = φ,rr + φ,r + 2 φ,θθ = rα [(α + 2)2 ψ(θ) + ψ 00 (θ)]
r r
∆∆φ = rα−2 [α2 (α + 2)2 ψ(θ) + (α2 + (α + 2)2 )ψ 00 (θ) + ψ IV (θ)]
L'équation de Beltrami (2.2) donne:
α2 (α + 2)2 ψ(θ) + (α2 + (α + 2)2 )ψ 00 (θ) + ψ IV (θ) = 0 (2.4)
(2.4) est une équation diérentielle linéaire du quatrième ordre. En recher-
chant la solution ψ(θ) sous la forme d'une exponentielle eikθ , nous obtenons
l'équation:
k 4 − [α2 + (α + 2)2 ]k 2 + α2 (α + 2) = 0,
dont les racines sont k = ±α, k = ±(α + 2).
ψ(θ) est donc somme de eiαθ , e−iαθ , ei(α+2)θ , e−i(α+2)θ , ce qui donne (en
prenant la partie réelle):
ψ(θ) = A sin(αθ) + B cos(αθ) + C sin((α + 2)θ) + D cos((α + 2)θ),
2.1. CAS DE L'ÉLASTICITÉ PLANE 13

où A,B,C,D sont quatre constantes réelles.


Les conditions aux limites donnent:

σθθ (r, ±π) = φ,rr (r, ±π) = 0 ⇔ (α + 1)(α + 2)rα ψ(±π) = 0 ⇔ ψ(±π) = 0
1
σrθ (r, ±π) = −( φ,θ ),r (r, ±π) = 0 ⇔ (α + 1)rα ψ 0 (±π) = 0 ⇔ ψ 0 (±π) = 0
r
(2.5)
Remarque 2 Dans les équations (2.5), nous avons suposé que α 6== −1 et
α 6= −2. Nous verrons par la suite que ces hypothèses sont vériées.
En eectuant les calculs, nous obtenons:
(
(A + C) sin(±απ) + (B + D) cos(±απ) = 0
(Aα + C(α + 2)) cos(±απ) − (Bα + D(α + 2)) sin(±απ) = 0
Les quatre équations précédentes peuvent s'écrire de la manière suivante:


 (A + C) sin(απ) = 0

 (B + D) cos(απ) = 0
(2.6)


 (Aα + C(α + 2)) cos(απ) = 0
(Bα + D(α + 2)) sin(απ) = 0

Si α n'est ni entier ni demi-entier, nous avons sin(απ) 6= 0 et cos(απ) 6= 0, et


la solution de (2.6) est A=B=C=D=0. Cette solution est triviale, et elle est
sans intérêt. Les cas intéressants sont donc α entier et α demi-entier.
Si α est entier :
α = n, n ∈ Z ⇒ sin(nπ) = 0,
les équations (2.6) se réduisent à:
( ( n
B+D =0 C = −A
⇔ n+2
An + C(n + 2) = 0 D = −B
Si α est demi-entier :
1 1
α=n+ , n ∈ Z ⇒ cos(n + π) = 0,
2 2
les équations (2.6) se réduisent à:

 
 C = −A
 A+C =0 
 1
1 5 ⇔ n +
 B(n + ) + D(n + ) = 0 D = −B 2
5

2 2

n+


2
14CHAPTER 2. SINGULARITÉ DES CONTRAINTES EN POINTE DE FISSURE

A partir de l'hypothèse que l'énergie élastique est nie1 , il vient:


1
α > −1 ⇔ α ≥ −
2
Remarque 3 Le résultat précédent est une vérication de notre hypothèse
(α 6= −1 et α 6= −2).
Sachant que φ(r, θ) ∼ rα+2 (équation (2.3)), il vient à partir de (2.1)
que σ ∼ rα . Puisque que toutes les valeurs de α ≥ −1/2 entières ou demi-
entières sont admissibles, les contraintes s'écrivent comme une somme de
termes proportionnels à rα à partir de α ≥ −1/2:
+∞
(2.7)
X
σ= ∼ rα
α=−1/2

A partir de la relation précédente, il vient:


limσ = ∞
r→0

Les contraintes sont donc singulières en pointe de ssure.


Remarque 4 Ce résultat pose problème, car aucune structure ne peut sup-
porter des contraintes innies. La cause de ce résultat est un excès de simpli-
cation dans la construction de notre modèle. En eet nous avons fait deux
hypothèses :
• Nous avons supposé que le comportement du matériau est élastique
linéaire. Cette hypothèse est valable loin de la pointe de la ssure.
A proximité de la pointe, le niveau des contraintes est susemment
élevé pour provoquer un écoulement plastique qui va limiter l'intensité
des contraintes.
• Notre modèle de ssure (Figure 2.1) est trop simpliste. En eet, nous
avons modèlisé la ssure par deux lignes se rencontrant en un point.
En réalité, une ssure est beaucoup plus complexe. Loin de la pointe,
les lèvres peuvent être modélisées par des lignes (en négligeant les as-
pérités). Par contre, une ssure réelle ne se termine pas par une pointe.
Il existe une zone de transition (Figure 2.2) entre la ssure et le
matériau sain. Cette zone de transition est mal dénie, et personne ne
sait exactement ce qui s'y passe. Il existe plusieurs modèles de zone de
transiton. Le plus utilisé est le modèle de la zone cohésive ou des forces
cohésives, connu également sous le nom de modèle de Barenblatt.
1 Nous avons préféré ne pas détailler les calculs pour ne pas alourdir la démonstration,

le lecteur intéressé peut consulter [1]


2.1. CAS DE L'ÉLASTICITÉ PLANE 15

Fissure zone de materiau sain


transition

Figure 2.2: Zone de transition

Malgré cette tare, notre modèle reste trés largement utilisé dans les calculs
de l'ingénieur a cause de sa simplicité, et de ses prédictions satisfaisantes en
pratique.

2.1.1 Expression asymptotique des contraintes


Lorsque r −→ 0, le terme proportionnel à r−1/2 devient dominant par rapport
aux autres. L'expression asymptotique des contraintes consiste à ne prendre
en compte que le terme proportionnel à r−1/2 (les autres termes sont négligés).
1 √
En prenant α = − , en utilisant les formules (2.1) et en posant KI = B 2π
√ 2
et KII = A 2π , nous obtenons sans diculté l'expression asymptotique des
contraintes:
KI θ 3θ KII θ 3θ

 σrr = √ (5 cos − cos ) + √ (−5 sin + 3 sin )
2 2 2 2

4 2πr 4 2πr



 KI θ 3θ KII θ 3θ
σθθ = √ (3 cos + cos ) + √ (−3 sin − 3 sin ) (2.8)
 4 2πr 2 2 4 2πr 2 2
K θ 3θ K θ 3θ

 I II
 σrθ = √ (sin + sin ) + √

 (cos + 3 cos )
4 2πr 2 2 4 2πr 2 2

Les coecients KI et KII (MPa m) sont appelés facteurs d'intensité de
contrainte (FIC) en mode I et II respectivement.
A partir du développement des contraintes en somme de termes proportion-
nels à rα (2.7), on peut montrer qu'on a les relations suivantes :
 √ √
 KI = lim 2πrσrr (r, θ = 0) = lim 2πrσθθ (r, θ = 0)
r→0 √ r→0
(2.9)
 KII = lim 2πrσrθ (r, θ = 0)
r→0

Remarque 5 Les expressions asymptotiques (2.8) sont universelles, c'est


dire valables en pointe de ssure dans toute structure ssurée. Les paramètres
qui dépendent de la géométrie et du chargement sont les FIC.
16CHAPTER 2. SINGULARITÉ DES CONTRAINTES EN POINTE DE FISSURE

x2
x2

x1 x1

Mode I Mode II

Figure 2.3: Modes d'ouverture en élasticité plane.

A partir des contraintes (2.8), nous pouvons calculer les déformations puis
les déplacements. Le résultat en déformations planes est donné par:
 r r
K I r θ K II r θ
 u1 = (3 − 4ν − cos θ) cos + (5 − 4ν + cos θ) sin


2µ r 2π 2 2µ r 2π 2
K I r θ K II r θ
 u2 = (3 − 4ν − cos θ) sin + (−1 + 4ν − cos θ) cos


2µ 2π 2 2µ 2π 2
(2.10)
A partir de (2.16), nous pouvons calculer les ouvertures, normale [[u2 ]] et
tangentielle [[u1 ]], de la ssure:
 r
4(1 − ν) r
 [[u1 ]] = u1 (r, +π) − u1 (r, −π) = KII


µ r 2π
4(1 − ν) r
(2.11)
 [[u2 ]] = u2 (r, +π) − u2 (r, −π) = KI


µ 2π

Modes d'ouverture de la ssure


En élasticité plane, l'ouverture de la ssure peut se décomposer en une super-
position de deux modes simples, appelés : Mode I et Mode II (Figure 2.3). A
partir de cette Figure, nous observons que l'ouverture tangentielle est nulle
en mode I, et que l'ouverture normale est nulle en mode II. Par conséquent,
KII = 0 en mode I et KI = 0 en mode II.

Remarque 6 • L'ouverture normale ne peut jamais être négative (pas


d'interpénétration des lèvres de la ssure). Par conséquent, KI est
toujours positif (équation (2.11)).
• L'ouverture tangentielle peut changer de signe, KII est donc de signe
quelconque.
2.1. CAS DE L'ÉLASTICITÉ PLANE 17

2.1.2 Singularité des contraintes en élasticité antiplane


Nous prenons dans (1.1) la fonction holomorphe suivante:
f (z) = Cz α+1 où C = A + iB A, B ∈ R. (2.12)
En injectant (2.12) dans (1.2), nous obtenons:
(
σ31 = <f 0 (z) = (α + 1)(A cos(αθ) − B sin(αθ))rα
(2.13)
σ32 = −=f 0 (z) = −(α + 1)(A sin(αθ) + B cos(αθ))rα

Les conditions aux limites sur les lèvres de la ssure s'écrivent:


(
A sin(αθ) = 0
σ32 (±π) = 0 ⇔ A sin(±αθ)+B cos(±αθ) = 0 (α 6= −1) ⇔
B cos(αθ) = 0
(2.14)

Remarque 7 Nous avons supposé dans (2.14) que α 6= −1, nous verrons
ci-dessous que cette hypothèse est justiée.
Si α n'est ni entier ni demi-entier, sin(αθ) 6= 0 et cos(αθ) 6= 0 d'où
A=B=0. La solution obtenue est triviale sans intérêt. Nous devons donc
considérer que les cas où α est entier ou demi-entier:
• Si α = n ∈ Z, sin(αθ) = 0 donc B=0 et A quelconque.
1
• Si α = n + , n ∈ Z, cos(αθ) = 0 donc A=0, B quelconque.
2
Nous pouvons montrer que l'hypothèse de l'énergie élastique nie, implique
1
α > −1, et puisque α est entier ou demi-entier, nous devons avoir α ≥ − .
2

Expressions asymptotiques des contraintes en élasticité anti-plane


1
Lorsque r −→ 0, le terme correspondant à α = − devient dominant par
2
2K
rapport aux autres. En posant B = − √ III , les expressions asymptotiques

des contraintes sont données par:
 KIII θ
 σ31 = − √
 sin
2πr 2 (2.15)
KIII θ .
 σ32 = √
 cos
2πr 2
18CHAPTER 2. SINGULARITÉ DES CONTRAINTES EN POINTE DE FISSURE

x1

x3

x2

Figure 2.4: Ouverture de la ssure en mode III.

Le coecient KIII est appelé Facteur d'intensité de contrainte en mode


III. A partir de (2.15), nous pouvons montrer qu'il peut être calculé avec
l'expression suivante:

KIII = lim 2πrσ23 (r, θ = 0)
r→0

D'autre part, le déplacement peut être calculé à l'aide de (1.1):


r
2KIII r θ
u3 = sin (2.16)
µ 2π 2

Ouverture de la ssure en mode III


L'ouverture de la ssure, dans le cas de l'élasticité anti-plane, est appelée
mode III (Figure 2.4). L'ouverture de la ssure dans ce mode est calculée en
utilisant (2.16). Nous obtenons:
r
4KIII r
[[u3 ]] = u3 (r, +π) − u3 (r, −π) = (2.17)
µ 2π
A partir de (2.17), nous observons que le signe de KIII est quelconque.

2.2 Critère de propagation d'IRWIN en mode


I
Ce paragraphe traite du problème de la propagation des ssures. Pour le
mode I (le plus dangereux), Irwin postule l'existence d'une grandeur appelée
2.2. CRITÈRE DE PROPAGATION D'IRWIN EN MODE I 19

D=4m
50
MPa

Figure 2.5: Récipient sous pression

tenacité et notée KIc , caractéristique du matériau, telle que :

pas de propagation
(
KI < KIc ⇒
(2.18)
KI = KIc ⇒ propagation possible
La tenacité KIc est déterminée expérimentalement. Il existe toutefois une
dispersion de 20% sur la mesure de KIc . Pour les√ aciers, les valeurs sont
comprises dans un intervalle typique 50 - 150 MPa m ([1]).

2.2.1 Exemple d'application


Considérons un récipient cylindrique fermé de rayon R = 2m devant sup-
porter une pression interne maximale de 50 MPa (Figure 2.5). Il s'agit de
déterminer l'épaisseur e qu'il convient d'attribuer au récipient pour qu'il sup-
porte cette pression. Le récipient peut se rompre suivant deux mécanismes :

• En l'absence de ssure lorsque la contrainte équivalente de Von Mises


atteint la limite élastique du matériau σe (ruine par plasticité).
• Par propagation d'une ssure lorsque KI atteint KIc

Les procédures de détection de ssures ne permettent de repérer que des s-


sures de longueur ≥ 5mm. En supposant qu'aucune ssure ne soit détectée,
le matériau ne peut donc contenir que des ssures de longueur ≤ 5mm. Il
faut garantir l'impossibilité de la propagation de ces ssures. Le construc-
teur a le choix entre 3 aciers A,B,C dont les caractéristiques sont les suivantes:
20CHAPTER 2. SINGULARITÉ DES CONTRAINTES EN POINTE DE FISSURE

1
0
0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
p 0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
R 0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
0e
1
0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
0
1
σzz σzz
Figure 2.6: Equilibre de la moitié supérieure du récipient


Acier Limite élastique (MPa) Tenacité (MPa m)
A 1250 90
B 900 120
C 650 190

Estimation des contraintes σrr , σθθ , σzz


A partir de l'équilibre de la moitié supérieure du récipient (Figure 2.6), nous
calculons σzz :
pR
pπR2 = σzz 2πRe ⇒ σzz =
2e
A partir de l'équilibre de la moitié droite (ou gauche) du récipient (Fig-
ure 2.7), nous calculons σθθ :

pR
p2R = σθθ 2e ⇒ σθθ =
e

L'épaisseur du récipient étant très faible, σrr est négligé devant σzz et σθθ .
Le tenseur des contrainte et le tenseur déviateur sont donnés dans la base
(er , eθ , ez ) par:
   
0 0 0 −1/2 0 0
pR  pR 
[σ] = 0 1 0  =⇒ [s] = 0 1/2 0
e e
0 0 1/2 0 0 0
2.2. CRITÈRE DE PROPAGATION D'IRWIN EN MODE I 21

σθθ

σθθ

Figure 2.7: Equilibre de la moitié droite du récipient

Ruine par plasticité


Nous appliquons le critère de Von Mises:
r √ √
3 3pR 3pR
σeq = tr(s2 ) = ≤ σe ⇒ emin = .
2 2e 2σe

Nous obtenons, respectivement pour les aciers A, B et C, les valeurs suivantes:


6,9cm; 9,6cm; 13,3cm.

Ruine par propagation de ssure


La plus grande contrainte étant σθθ , les ssures les plus dangereuses sont
celles perpendiculaires à eθ . De plus, une ssure débouchante étant plus dan-
gereuse qu'une ssure centrale, on suppose qu'il existe une ssure débouchante

de 5 mm perpendiculaire à eθ . On peut montrer que KI = 1.12σθθ πa. Le
critère d'Irwin (2.18) donne:
√ √
pR πa 0 pR πa
KIc = 1, 12 0 ⇒ emin = 1, 12 .
emin KIc

On obtient respectivement pour les aciers A,B,C : 15,6 cm; 11,7 cm; 7,4 cm.
Finalement, l'épaisseur minimale (compte tenu des deux mécanismes de ru-
ine) imposée par les aciers A,B et C est respectivement: 15,6 cm; 11,7 cm;
13,3 cm. Il convient donc de choisir l'acier B.
22CHAPTER 2. SINGULARITÉ DES CONTRAINTES EN POINTE DE FISSURE

x2
σ∞

−a x1
a

σ∞

Figure 2.8: Fissure dans une plaque innie

2.3 Détermination du Facteur d'Intensité de Con-


trainte
D'une manière générale le FIC dépend de la contrainte appliquée σ , de la
taille de la ssure a, et de la géométrie:

K = Y σ πa,

où Y est un facteur adimensionnel tenant compte de la géométrie et appelé


facteur de forme
√ . Pour une ssure dans une plaque innie (Figure 2.8) Y=1
(KI = σ∞ πa). Pour √ une ssure au bord d'un demi-plan (Figure 2.9),
Y=1.12 (KI = 1, 12σ∞ πa).
Pour une géométrie donnée, la détermination de Y est un problème de cal-
cul des structures. Cette détermination se fait avec des méthodes numériques
(méthode des éléments nis). Pour les géométries courantes les facteurs de
forme ont été calculés, leurs valeurs se trouvent dans les ouvrages de mé-
canique de la rupture (voir [2] par exemple).

2.3.1 Méthode de superposition


La linéarité des lois d'élasticité implique que le FIC pour une combinaison
de chargements A, B, C peut être obtenu par simple superposition:

K = KA + KB + KC
2.3. DÉTERMINATION DU FACTEUR D'INTENSITÉ DE CONTRAINTE 23

σ∞

σ∞

Figure 2.9: Fissure au bord d'un demi-plan.

a
P W P

M M

Figure 2.10: Poutre ssurée.

Exemple
Soit une poutre ssurée de section rectangulaire et d'épaisseur B (a/w=0.2)
(Figure 2.10). Elle subit une sollicitation composée traction+exion. En
appliquant le principe de superposition, le FIC est donné par:
KI = KIf lexion + KItraction

Pour KItraction , on utilise la formule du facteur de forme donnée par [3]:


0.857 + 0.265a/w
Y (a/w) = 0.265(1 − a/w)4 + .
(1 − a/w)3/2

On obtient : KItraction = 1, 38 ∗ BW
P
πa
D'après le Tableau donné par [2] :
6M √
KIf lexion = 1.055 πa
BW 2
24CHAPTER 2. SINGULARITÉ DES CONTRAINTES EN POINTE DE FISSURE
Chapter 3
Théorie énergétique de la rupture

3.1 Bilan d'énergie durant la propagation d'une


ssure
Considérons un solide ssuré (Figure 3.1). On envisage un accroissement dS
de la surface de la ssure sous chargement constant. L'écriture du principe
de conservation de l'énergie donne:
dW = dUE + dΓ + dK,

avec:
dW : Travail des forces extérieures



 dU : Variation de l'énergie de déformation

E
 dΓ : Variation de l'énergie de ssuration

dK : Variation de l'énergie cinétique

L'énergie potentielle élastique est dénie par:


Π = UE − W

Le bilan énergétique est réécrit sous la forme:


dW − dUE − dΓ = −dΠ − dΓ = dK (3.1)

3.1.1 Hypothèse de Grith (1921)


Grith a supposé que l'énergie de ssuration est proportionnelle à l'aire de
la ssure :
Γ = γs S,

25
26 CHAPTER 3. THÉORIE ÉNERGÉTIQUE DE LA RUPTURE

a da

Figure 3.1: Accroissement de la ssure

où γs est une constante matérielle, S est l'aire de la surface de la ssure. En


reportant dans (3.1) (dS=2Bda, B épaisseur), on obtient:
1 ∂Π
−dΠ − γs 2Bda = Bda(− − 2γs ) = dK (3.2)
B ∂a
On dénit le taux de restitution de l'énergie potentielle par:
1 ∂Π
G=−
B ∂a
Remarque 8 On peut montrer que Π(a) est une fonction décroissante. G
est donc toujours positif.
La relation (3.2) devient:
(G − 2γs )Bda = dK (3.3)
On pose Gc = 2γs , Gc est appelé densité surfacique d'énergie de ssura-
tion. La relation (3.3) montre qu'on a trois cas:

 G > Gc ⇒ dK > 0 propagation instable,




G = Gc ⇒ dK = 0 propagation stable (3.4)
G < Gc ⇒ dK < 0 propagation impossible

Les relations (3.4) représentent le critère de propagation de Grith.


3.1. BILAN D'ÉNERGIE DURANT LA PROPAGATION D'UNE FISSURE 27

Points experimentaux

(MPa)
5
4
σr
3

2
10 15 20 ( √1m )
√1
a

Figure 3.2: Résultats expérimentaux de Grith [4]

Validation expérimentale
Dans le cas d'une plaque mince innie contenant une ssure de longueur 2a
et chargée en traction (Figure 2.8), G est donné par:
2
σ∞ aπ
G= E: module de Young
E
La contrainte de rupture σr correspond au seuil de la propagation. En
appliquant le critère de Grith, on obtient:
r
Gc E
σr = . (3.5)
πa
Grith [4] a eectué des essais sur des tubes et sphères ssurés en verre.
Les résultats obtenus sont présentés sur la Figure 3.2. La ligne continue
correspond à l'équation (3.5). D'après la courbe, on peut déduire Gc =
3, 2J/m2 pour le verre.

Stabilité de la propagation
La propagation est stable (instable), si G est une fonction décroissante (crois-
sante) de a.
28 CHAPTER 3. THÉORIE ÉNERGÉTIQUE DE LA RUPTURE

v h
a x

Figure 3.3: Essai DCB.

3.1.2 Exemple de calcul de G


On considère l'essai DCB (Double Cantilever Beam) (Figure 3.3). La poutre
est d'épaisseur B. L'énergie de déformation est donnée par:
a Mf2 (x) F 2 a3
Z
UE = dx, Mf (x) = F x, ⇒ UE = ,
0 2EI 6EI

où E est le module de Young et I = Bh est le moment d'inertie de la section.


3
12
La êche v est liée à la force par la relation suivante:
F a3
v=
3EI
Nous distinguons maintenant deux cas : force imposée et déplacement im-
posée.

Force imposée
Dans ce cas, la force F est constante. Le travail des forces extérieurs est
donné par:
F 2 a3
W = Fv =
3EI
L'énergie potentielle élastique est donnée par:
F 2 a3 1 ∂Π F 2 a2
Π = 2(UE − W ) = − ⇒G=− =
3EI B ∂a BEI
On constate que G(a) est une fonction croissante. La propagation de la
ssure est donc instable.
3.2. DIVERSES EXPRESSIONS DE G 29

P
u

u
P

Figure 3.4: Structure ssurée

Déplacement imposé
Dans ce cas, le déplacement v est constant. On exprime l'énergie potentielle
en fonction de v:
3EIv 2 ∂Π 9EIv 2
Π = 2UE = G=− =
a3 B∂a B4a4
On constate que G(a) est une fonction décroissante, la propagation est donc
stable.

Remarque 9 Ces conclusions (propagation stable à déplacement imposé, in-


stable à force imposée) sont valables dans le cas envisagé, mais ne présentent
pas de caractère général ([1]).

3.2 Diverses expressions de G


3.2.1 Formules de la complaisance et de la raideur
La complaisance d'une structure dépend du chargement et de la géométrie.
Pour un solide élastique linéaire avec une ssure de longueur a, il vient:
u = C(a)P, (3.6)
où P est le chargement et u le déplacement correspondant (Figure 3.4). De
30 CHAPTER 3. THÉORIE ÉNERGÉTIQUE DE LA RUPTURE

même, on peut dénir la rigidité d'une structure par la relation suivante:


P = Q(a)u. (3.7)
Remarque 10 C(a) est une fonction croissante de a, alors que Q(a) est
décroissante.
On peut également montrer que pour une structure élastique linéaire:
Pu
UE =
2

Force contrôlée
Dans ce cas, le travail des forces extérieures est donné par:
W = Pu

L'énergie potentielle élastique est donnée par:


1 1
Π = UE − W = − P u = − P 2 C(a)
2 2
Finalement, on obtient le taux de restitution d'énergie potentielle:
P du
G=
2B da
En utilisant (3.6), nous obtenons la formule de la complaisance :
P 2 dC
G= .
2B da
En utilisant (3.7), on obtient la formule de la raideur :
u2 dQ
G=−
2B da

Déplacement contrôlé
Dans ce cas, le travail des forces extérieures est nul. L'énergie potentielle
élastique est donnée par:
1 1
Π = UE = P u = Q(a)u2
2 2
On obtient nalement la formule de la raideur:
u2 dQ
G=− ,
2B da
3.2. DIVERSES EXPRESSIONS DE G 31

B
a

a+ ∆a
H

u
O
K

Figure 3.5: Courbe eort-déplacement

sachant que Q(a) = 1/C(a), en reportant dans la formule précédente, on


retrouve la formule de la complaisance:
P 2 dC
G= .
2B da
Remarque 11 Le taux de restitution de l'énergie potentielle ne dépend pas
du mode de chargement (force imposé ou déplacement imposé).

Détermination expérimentale de Gc
Les formules de la raideur et de la complaisance possèdent une interprétation
graphique trés simple sur la courbe eort-déplacement (Figure 3.5), d'où dé-
coule une méthode de mesure de G (donc de Gc , puisque G = Gc lorsqu'il y
a propagation). En eet, on a d'après la gure:
Aire OAB w Aire OAH - Aire OHK (en négligeant ABH car ∆a est trés
petit).
1 1 1 dQ
Aire OAB w u2 Q(a) − u2 Q(a + ∆a) = u2 ∆a = Gc ∆aB
2 2 2 da

3.2.2 Relation entre G et K (Formule d'IRWIN)


On va montrer que les FIC (notion locale) et le taux de restitution d'énergie
potentielle G (notion globale) sont reliés par la formule suivante :
2
1 KIII
G= (K 2
+ K 2
) + , (3.8)
E0 I II

32 CHAPTER 3. THÉORIE ÉNERGÉTIQUE DE LA RUPTURE

x2 x2
Etat I Etat II

∆a
x1 x1

Figure 3.6: Fermeture d'une ssure.

où:
en contraintes planes

 E
E0 = E
 en déformations planes
1 − ν2
La relation (3.8) est appelée formule d'Irwin.

Démonstration (Intégrale de fermeture)


G∆a représente l'énergie potentielle élastique restituée par la structure lors
d'un accroissement de ssure de ∆a. Il est aussi égal au travail eectué pour
refermer la ssure de ∆a. Nous allons démontrer (3.8), à l'aide de l'intégrale
de fermeture en mode I et en déformations planes. La démonstration peut
être facilement généralisée à tous les autres cas.
Soit une ssure d'une certaine longueur (Etat I). Supposons que la ssure se
referme d'une petite longueur ∆a (Etat II) (Figure 3.6). Calculons le travail
eectué lors de cette fermeture:
∆a
1
Z
W = G∆a = II
σ22 [[u2 ]]I dx1 , (3.9)
2 0
où σ22
II
est la contrainte dans l'état II et [[u2 ]]I est l'ouverture de la ssure
dans l'état I. Puisque ∆a est petit, on prend les expressions asymptotiques
pour les contraintes (2.8) et les déplacements (2.16):
II KI
σ22 =√ ,
2πx1
r
I 4(1 − ν) ∆a − x1
[[u2 ]] = KI ,
µ 2π
r
∆a − x1 ∆aπ
sachant que : , on obtient à partir de (3.9):
R ∆a
0
dx1 =
x1 2
KI2 (1 − ν 2 )
G=
E
3.2. DIVERSES EXPRESSIONS DE G 33

x2

x1
Γ

Figure 3.7: Contour d'intégration pour l'intégrale de RICE

Remarque 12 La formule d'Irwin (3.8) n'est valable que lorsque la ssure


se propage en ligne droite.

3.2.3 Intégrale de RICE


Considérons une ssure rectiligne dans un solide. Soient x1 et x2 les axes
de coordonnées, avec x1 parallèle à la ssure. Soit un contour quelconque Γ
entourant la pointe de la ssure (Figure 3.7). L'intégrale de RICE, notée J,
est dénie par :
Z
J= (wn1 − σij ui,1 nj )ds, (3.10)
Γ

où w est la densité d'énergie de déformation, et n est la normale unitaire


extérieure au domaine entouré par le contour.

Remarques 1 • Dans l'expression (3.10), le contour doit être parcouru


dans le sens trigonométrique.

• On peut montrer que l'intégrale de RICE est indépendante du contour


(voir [1] par exemple).

• On peut montrer que J=G.

• Pour calculer J (et donc G) numériquement, l'indépendance de J par


rapport au contour permet de choisir des contours éloignés de la pointe
an d'éviter la singularité des contraintes.
34 CHAPTER 3. THÉORIE ÉNERGÉTIQUE DE LA RUPTURE

x2
eθ n=er

r
e2
θ
x1
e1

Figure 3.8: Contour choisi pour démontrer que J=G

Démonstration de J=G
On va eectuer la démonstration en mode III (élasticité anti-plane, u1 =
u2 = 0 u3 = u(x1 , x2 )). On peut montrer que dans ce cas:
µ
w= 5 u · 5u,
2
où 5u représente le gradient de u. On a aussi:
∂u
σij ui,1 nj = µ u,1
∂n
Donc, l'intégrale de Rice en élasticité anti-plane devient :
µ ∂u
Z
J= ( 5 u · 5un1 − µ u,1 )ds
Γ 2 ∂n
On choisit comme contour Γ un cercle de rayon r trés petit autour de la
pointe (Figure 3.8). Le gradient en coordonnées polaires s'écrit:
∂u 1 ∂u
5u = e~r + e~θ
∂r r ∂θ
Puisque r est petit, on prend le premier terme (asymptotique) de u:
r
2KIII r θ
u= sin
µ 2π 2
Il vient également:
KIII θ
u,1 = 5u · e~1 = − √ sin
µ 2πr 2
3.2. DIVERSES EXPRESSIONS DE G 35

x2

δ : deplacement

h
x1

Figure 3.9: Bande innie et contour.

∂u ∂u KIII θ
= = √ sin
∂n ∂r µ 2πr 2
2
KIII
5u · 5u =
µ2 2πr
En remplaçant dans J, obtient après simplication :
2 Z π
KIII 1 θ
J= ( cos θ + sin2 )dθ
µ2π −π 2 2
2
(3.11)
K
= III = G

Exemple d'application
On considère une bande innie en déformation plane. La bande contient une
ssure semi-innie. Sur les bords x2 = ±h sont imposés des déplacements
u1 = 0 et u2 = ±δ (Figure 3.9).
Calculons G en utilisant J avec le contour Γ (les portions verticales sont
très éloignées à droite et à gauche).Sur les portions horizontales, n1 = 0
et ui,1 = 0 donc l'intégrand est nul. Sur la portion verticale de gauche les
contraintes sont nulles donc l'intégrand est également nul. Sur la portion
δ
verticale de droite, on a ε22 = , autres εij = 0; de plus ui,1 = 0 et n1 = 0.
h
L'intégrand se réduit à:
λ 1−ν δ2
w= (trε)2 + µtrε2 = E ,
2 2(1 + ν)(1 − 2ν) h2
36 CHAPTER 3. THÉORIE ÉNERGÉTIQUE DE LA RUPTURE

d'où:
E(1 − ν)δ 2
J =G=
(1 + ν)(1 − 2ν)h
On en déduit KI par la formule d'Irwin:
r
EG Eδ
KI = 2
=
1−ν
p
(1 + ν) (1 − 2ν)h
3.2. DIVERSES EXPRESSIONS DE G 37

Formules et résultats essentiels


• Energie potentielle : Π = UE − w

1 ∂Π
• Taux de restitution de l'énergie potentielle : G = − ≥0
B ∂a
(
G < Gc pas de propagation
• Critère de Grith :
G ≥ Gc propagation

P 2 dC
• Formule de la complaisance : G =
2B da
u2 dQ
• Formule de la raideur : G = −
2B da
2
1 KIII
• Formule d'Irwin : G = (K 2
+ K 2
) +
E0 I II

E0 = E en contraintes planes
E
E0 = en déformations planes
1 − ν2
38 CHAPTER 3. THÉORIE ÉNERGÉTIQUE DE LA RUPTURE
Chapter 4
Quelques solutions élémentaires
Dans ce chapitre, nous présentons quelques solutions analytiques classiques
concernant une ssure dans un milieu inni. Nous présentons la résolution
analytique de ces problèmes et nous en déduisons le FIC.

4.1 Exemple de problème antiplan


Etudions une ssure rectiligne de longueur 2a placée dans un milieu inni
soumis à un cisaillement antiplan uniforme τ à l'inni (Figure 4.1). On
veut calculer le FIC. Pour cela, nous devons d'abord résoudre le problème
élastique. Les conditions aux limites s'écrivent:
(
lim σ23 (z) = τ
z→∞ . (4.1)
σ23 (z) = 0 z ∈] − a, a[

Pour calculer les contraintes, on utilise la relation (1.2) avec la fonction holo-
morphe suivante:

f (z) = −iτ z 2 − a2 ,

on obtient:
iτ z
σ31 − iσ32 = − √ . (4.2)
z 2 − a2
On peut montrer que l'expression (4.2) vérie les conditions aux limites (4.1).
Pour z = x1 (x1 > a), on obtient:
τ x1
σ32 = p 2 . (4.3)
x 1 − a2

39
40 CHAPTER 4. QUELQUES SOLUTIONS ÉLÉMENTAIRES

τ
x2
a a
x1
x3

Figure 4.1: Fissure dans un milieu inni en mode III

On recherche la forme asymptotique de (4.3) lorsque x1 −→ a. En posant


x1 = r + a avec r << a, on obtient:

τ a
σ32 w √
2r
En comparant avec la forme asymptotique (2.15):
KIII
σ23 (r, 0) = √ ,
2πr
on en déduit: √
KIII = τ πa

4.2 Méthode de la variable complexe en élas-


ticité plane
On peut montrer que la fonction d'Airy Φ(x1 , x2 ) peut s'exprimer à l'aide de
deux fonctions holomorphes φ(z) et ψ(z):
2Φ = Re[z̄φ(z) + ψ(z)]

Les contraintes sont données par:


1 00 1 00

0
σ 11 = Re[φ − z̄φ − ψ ]



 2 2
1 00 1 00

0
σ22 = Re[φ + z̄φ + ψ ] (4.4)
 2 2
 σ12 = 1 Im[z̄φ00 + ψ 00 ]



2
4.2. MÉTHODE DE LA VARIABLE COMPLEXE EN ÉLASTICITÉ PLANE 41

x2
P2
P1

P1 x1
P2

Figure 4.2: Fissure chargée dans un milieu inni

4.2.1 Approche de Westergaard en mode I


En mode I, on a σ12 = 0 pour x2 = 0. Ceci peut être obtenu en posant
ψ” = −zφ”. Dans ce cas ψ 0 = −zφ0 + φ + C , et les contraintes s'écrivent:

0 00
 σ11 = Reφ − x2 Imφ

σ22 = Reφ0 + x2 Imφ00 (4.5)
σ12 = −x2 Reφ00

4.2.2 Approche de Westergaard en mode II


En mode II, on a σ22 = 0 pour x2 = 0. Ceci peut être obtenu en posant
ψ” = −2φ0 − zφ00 . Dans ce cas ψ 0 = φ0 − zφ0 + C , et les contraintes s'écrivent:

0 00
 σ11 = 2Reφ − x2 Imφ

σ22 = x2 Imφ00
σ12 = −Imφ0 − x2 Reφ00

4.2.3 Fissure dans un milieu inni en mode I


Soit une ssure droite dans un milieu inni, avec un chargement appliqué sur
ses faces (Figure 4.2). Dans ce cas, p1 = 0 et l'on a:
42 CHAPTER 4. QUELQUES SOLUTIONS ÉLÉMENTAIRES

x2
σ∞ σ∞
x2 x2
σ∞
=
x1 +
−a a x1
x1 σ∞
σ∞

Probleme 2
Probleme I

Figure 4.3: Principe de superposition

a

1 a2 − t2
Z
0
φ = √ p2 (t) dt (4.6)
π z 2 − a2 −a z−t
Nous considérons le problème d'une ssure avec une chargement σ∞ . An
de ramener le problème à une ssure chargée, nous utilisons le principe de
superposition (Figure 4.3). Pour le problème 1, la solution est évidente σ22 =
σ∞ (problème homogène). Pour le problème 2, (4.6) donne, avec p2 (t) = σ∞ :
a

σ∞ a2 − t 2 σ∞ z
Z
0
φ = √ dt = √ − σ∞
π z 2 − a2 −a z−t z 2 − a2

φ = σ∞ z 2 − a2 − σ∞ z + C
En superposant les solutions des deux problèmes, et en utilisant (4.5), on
obtient:
σ22 = Reφ0 + x2 Imφ00 + σ∞
z2 (4.7)
    
z 1
= σ∞ Re √ + x2 Im √ −
z 2 − a2 z 2 − a2 (z 2 − a2 )3/2
pour z = x1 > a :
σ ∞ x1
σ22 = p 2 (4.8)
x 1 − a2
La forme asymptotique de (5.1) s'obtient en écrivant x1 = a + r avec r << a:

σ∞ a
σ22 ≈ √
2r
En comparant avec la forme asymptotique (2.8):
KI
σθθ (r, 0) = √ ,
2πr
4.2. 43
MÉTHODE DE LA VARIABLE COMPLEXE EN ÉLASTICITÉ PLANE

on obtient: √
KI = σ∞ πa
44 CHAPTER 4. QUELQUES SOLUTIONS ÉLÉMENTAIRES
Chapter 5
Propagation des ssures en mode
mixte
Ce chapitre est largement inspiré de [5]. On entend par mode mixte, une
superposition des modes I et II. Nous dénissons le taux de mixité M par:
2 KII
M= tan−1
π KI
M=0⇒ Mode I, M = 1 ⇒ Mode II

5.1 Trajet de la ssure


Il a été observé qu'une ssure en mode mixte ne se propage pas en ligne droite
mais bifurque d'un certain angle θ (Figure 5.1). Pour déterminer l'angle θ,
trois critères présentant un bon accord avec les résultats expérimentaux on
été proposés:
1. La ssure bifurque dans la direction de la contrainte d'ouverture σθθ
maximale (Erdogan Sih).
2. La ssure bifurque dans la direction du G maximal (Grith).

Figure 5.1: Bifurcation de la ssure en mode mixte

45
46 CHAPTER 5. PROPAGATION DES FISSURES EN MODE MIXTE

3. La ssure bifurque dans la direction de zéro Mode II local, c'est à dire


dans la direction telle que k2 = 0.

5.1.1 Critère de la contrainte d'ouverture maximale


La contrainte d'ouverture est σθθ , dont nous réécrivons ci-dessous la forme
asymptotique:
KI KII
σθθ = √ cos3 (θ/2) + √ [−3 sin(θ/2) cos2 (θ/2)]
2πr 2πr

∂σθθ (r, θ̂)


L'angle de bifurcation θ̂ correspond à σθθ
max
, on a donc = 0, et on
∂θ
obtient:
! " # !
3 θ̂ θ̂ θ̂ θ̂ θ̂ 3 θ̂
KI − cos2 sin + KII 3 sin cos sin − cos3 =0
2 2 2 2 2 2 2 2
" #
3 θ̂ θ̂ θ̂ θ̂ 1 θ̂
KI cos2 sin = 3KII cos sin2 − cos2
2 2 2 2 2 2 2

On peut montrer que

θ̂ 1 θ̂ 1
sin2 − cos2 = (1 − 3 cos θ̂),
2 2 2 4

et la relation ci-dessus devient :

θ̂ θ̂ 1
KI cos sin = KII (1 − 3 cos θ̂)
2 2 2 (5.1)
KI sin θ̂ = KII (1 − 3 cos θ̂)

De l'équation précédente, on voit que lorsque KII = 0 (Mode I), θ̂ = 0 cela


veut dire qu'il n'y a pas de bifurcation.
Pour le cas KI = 0 (Mode II), 1 − 3 cos θ̂ = 0 ⇒ θ̂ = ±70.5◦ . Nous devons
distinguer deux cas:

• Si KII > 0, la solution qui donne σθθ > 0 est θ = −70.5◦

• Si KII < 0, la solution qui donne σθθ > 0 est θ = +70.5◦


5.1. TRAJET DE LA FISSURE 47

Solution générale pour KII 6= 0


On réécrit la deuxième équation (5.1) de la manière suivante:
KI
1 − 3 cos θ̂ − sin θ̂ =0 (5.2)
KII
En utilisant les relations trigonométriques suivantes:
2 tan α

 sin 2α =

1 + tan2 α ,
2
 cos 2α = 1 − tan α

1 + tan2 α
l'équation (5.2) devient (en posant t = tan(θ̂/2)):
KI
2t2 − t−1=0
KII
L'équation précédente admet deux solutions:
• Si KII > 0, la solution qui donne σθθ > 0 est:
 s 
2
1 KI KI
tan(θ̂/2) =  − + 8
4 KII KII

• Si KII < 0, la solution qui donne σθθ > 0 est:


 s 
2
1 KI KI
tan(θ̂/2) =  + + 8
4 KII KII

5.1.2 Critères de Grith et du k2 = 0


On note KI et KII les FIC avant bifurcation, et k1 (θ) et k2 (θ) les FIC après
bifurcation (Figure 5.2). On peut montrer que:
(
k1 (θ) = a(θ)KI + b(θ)KII
.
k2 (θ) = c(θ)KI + d(θ)KII
Les expressions analytiques de a,b,c et d en fonction de θ n'ont pas été
obtenues, on utilise donc des valeurs numériques. Pour calculer G, on utilise
la formule d'IRWIN: 2 2
k1 (θ) + k2 (θ)
G(θ) =
E0
La recherche des angles θ̂ correspondants à Gmax et à k2 = 0 s'eectue
numériquement.
48 CHAPTER 5. PROPAGATION DES FISSURES EN MODE MIXTE

k1 , k2

KI , KII
θ

Figure 5.2: FIC avant et après bifurcation

π/2
k2 = 0
θ̂ Griffith
Contrainte d’ouverture max
Pts experimentaux
π/4

0 1
0.5
M
Figure 5.3: Comparaison entre les trois théories et résultats expérimentaux

5.1.3 Comparaison entre les trois théories


Une comparaison entre les trois théories est montré sur la Figure 5.3. Sur
la même Figure, sont présentés des résultats expérimentaux sur l'alumine
(céramique fragile). D'après les résultats, on constate:

• Une bonne concordance entre les trois théories.

• La théorie de la contrainte d'ouverture maximale donne le meilleur


accord avec les résultats expérimentaux.

• Une grande dispersion des résultats expérimentaux.


5.2. CRITÈRE DE PROPAGATION EN MODE MIXTE 49

5.2 Critère de propagation en mode mixte


Le critére de bifurcation permet de déterminer l'angle θ̂, mais ne permet pas
de déterminer la contrainte maximale. C'est le but du critére de propagation.
Supposons que l'angle de branchement θ̂ soit déjà déterminé, on a donc:
1  
σθθ (θ̂) = √ KI fI (θ̂) + KII fII (θ̂) ,
2πr
avec :
fI (θ̂) = cos3 (θ̂/2), fII (θ̂) = −3 sin(θ̂/2) cos2 (θ̂/2).
Il y a rupture lorsque la contrainte d'ouverture atteint une valeur critique,
σc , à une distance critique rc . On a donc:
1
(KI fI (θ̂) + KII fII (θ̂)) √ = σc
2πrc
KIc est la ténacité lorsque KII = 0, θ̂ = 0, par conséquent:

2πrc σc = KIc
En remplaçant, on obtient:
KI KII
fI (θ̂) + fII (θ̂) = 1 (5.3)
KIc KIc
L'équation précédente est le critère de propagation en mode mixte.

5.2.1 Validation expérimentale


La Figure 5.4 montre une comparaison entre les résultats expérimentaux et
ceux obtenus par (5.3). On y constate :
• Une grande dispersion des résultats expérimentaux
• Le critère de la contrainte d'ouverture maximale est plus conforme aux
résultats expérimentaux

5.2.2 Exemple
Soit une ssure dans un milieu inni chargé par une traction bi-axiale (Fig-
ure 5.5). On demande :
1. L'angle de bifurcation de la ssure
2. La contrainte maximale σmax que peut supporter la structure sans prop-
agation de la ssure.

On donne : KIc = 45M P a m, 2a=0.02 m, φ = 30◦ .
50 CHAPTER 5. PROPAGATION DES FISSURES EN MODE MIXTE

1.0
Griffith
0.8 Contrainte d’ouverture maximale

Pts experimentaux
0.6
KI
KIc
0.4

0.2

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0


KII
KIc

Figure 5.4: Résultats théoriques et expérimentaux pour l'alumine

Y y
X

2σ 2a φ x

Figure 5.5: Fissure dans un milieu inni en traction bi-axiale


5.2. CRITÈRE DE PROPAGATION EN MODE MIXTE 51

Solution
Pour calculer KI et KII , on doit d'abord calculer les contraintes dans la base
(X,Y). La matrice de passage est donnée par:
 
cos φ sin φ
[P ] =
− sin φ cos φ

La matrice des contraintes dans la base (x, y) s'écrit:


 
2σ 0
[σ](x,y) =
0 σ

Les contraintes dans la base (X, Y ) se déduisent par changement de base:


2σ cos2 φ + σ sin2 φ
 
t −σ sin φ cos φ
[σ](X,Y ) = [P ][σ](x,y) [P ] =
−σ sin φ cos φ 2σ sin2 φ + σ cos2 φ

Les FIC sont donnés par:


( √ √
KI = σY Y πa = (2σ sin2 φ + σ cos2 φ) πa
√ √
KII = σXY πa = −σ sin φ cos φ πa

Puisque KII est négatif, θ̂ est donné par:


 s 
2
1  KI KI
tan(θ̂/2) = + + 8
4 KII KII

En utilisant (5.3), σmax est déduite de la relation suivante:


σmax √  2 2 ˆ

πa (2 sin φ + σ cos φ)fI ((θ) − sin φ cos φfII (θ̂) = 1
KIc
52 CHAPTER 5. PROPAGATION DES FISSURES EN MODE MIXTE

Formules et résultats essentiels


• Critère de
 bifurcation
 :s 
 2

 1  KI KI
− + 8 KII > 0


4 K K


θ̂  II II
tan =  s 
2   1  KI KI
2
+ + 8 KII < 0


 4 KII KII

• Critère de propagation :
KI KII
fI (θ̂) + fII (θ̂) = 1
KIc KIc
fI (θ̂) = cos3 (θ̂/2), fII (θ̂) = −3 sin(θ̂/2) cos2 (θ̂/2)
Chapter 6
Propagation des ssures par
fatigue
Ce chapitre est largement inspiré de [6]. Toute structure soumise à des
chargements variables de faible amplitude nit par se ssurer et la ssure une
fois créée continue à se propager jusqu'à la rupture compléte. Les critères
d'Irwin et de Grith ne permettent pas de rendre compte de ce phénomène. Il
faut donc une nouvelle loi de propagation. C'est Paris, un ingénieur américain
travaillant dans l'aéronautique, qui le premier a proposé une loi empirique
sur la base de résultats expérimentaux. Les essais consistent à mesurer sur
des eprouvettes normalisées l'avancée d'une ssure à chaque cycle en fonction
de l'amplitude du chargement, la structure étant sollicitée en mode I. Les ré-
sultats sont représentés dans un diagramme (da/dN,∆KI ), a représentant
la longueur de la ssure, N le nombre de cycles et ∆KI = KImax − KImin
est l'amplitude du chargement. Dans un diagramme log-log, on obtient des
courbes dont l'allure est représentée sur la Figure 6.1. Sur la courbe, on
distingue plusieurs régions :
• En dessous d'une certaine valeur ∆K0 de ∆KI , il n'y a pas d'evolution
de la ssure. C'est le domaine d'endurance.
• Pour des valeurs de ∆KI légèrement supérieures à ∆K0 , la courbe est
concave, avec des variations rapides de la pente, mais l'avancée de la
ssure à chaque cycle reste faible. C'est le domaine à très grand nombre
de cycles (stade I).
• Pour des valeurs de ∆KI plus importantes, la courbe est pratiquement
rectiligne. La loi d'évolution est donnée par (loi de Paris):
da
= C(∆KI )m ,
dN
53
54 CHAPTER 6. PROPAGATION DES FISSURES PAR FATIGUE

da
log dN

III

II
I

KImax = KIc

log∆KI
log∆K0

Figure 6.1: Courbe expérimentale typique obtenue dans un essai de fatigue


sous chargement cyclique

avec C et m des constantes matérielles. C'est le domaine de la fatigue


à grand nombre de cycles (stade II).
• Quand KImax devient proche de KIc , la courbe devient convexe avec
une variation très rapide de la pente, jusqu'à la rupture totale. C'est
le domaine à petit nombre de cycles (stade III).
• Pour des valeurs de KI supérieures à KIc , il y a rupture de l'éprouvette
lors du premier cycle.

Exemple
Une grande plaque contenant une ssure centrale de longueur 2a0 = 10mm
est soumise à une traction cyclique (σmax = 200M P a et σmin = 100M P a).
En supposant que la croissance de la ssure suit la loi suivante :
da
= C(∆KI )3 C = 0.42 × 10−11 (cycle.M P a3 .m1/2 )−1
dN
1. Calculer le taux de croissance de la ssure quand la longueur de la
ssure a les valeurs suivantes : 2a = 10 mm, 30 mm, 50 mm.

2. En supposant KIc = 60M P a m, estimer le nombre de cycles à la
rupture.
55

Solution
√ √
1. 2a = 10 mm, ∆KI = ∆σ πa = 12.53M P a m
da
= 0.42 × 10−11 (12.53)3 = 8.26 × 10−9 (m/cycle)
dN √ √
2a = 30 mm, ∆KI = ∆σ πa = 21.7M P a m
da
= 0.42 × 10−11 (21.7)3 = 4.29 × 10−8 (m/cycle)
dN √ √
2a = 50 mm, ∆KI = ∆σ πa = 28M P a m
da
= 0.42 × 10−11 (28)3 = 9.24 × 10−8 (m/cycle)
dN

2. longueur critique de la ssure ac :



KImax = σmax πac = KIc ⇒ ac = 28.7 × 10−3 m
NR ac 28.7×10−3
da da
Z Z Z
NR = dN = = −10
= 6.76×105 cycles
0 a0 C(∆KI )3 5×10−3 7.39 × 10 a 3/2
56 CHAPTER 6. PROPAGATION DES FISSURES PAR FATIGUE
Bibliography
[1] Jean-Baptiste Leblond. Mécanique de la rupture fragile et ductile.
Lavoisier, 2003.
[2] C.H. Wang. Introduction to Fracture Mechanics. DSTO-GD-0103. De-
partment of Defence.
[3] Alan T. Zehnder. Lecture Notes on Fracture Mechanics. Cornell Univer-
sity, 2009.
[4] A.A. Grith. The phenomena of rupture and ow in solids. Philosophical
Transactions of the Royal Society of London Series A, 221, 163-198 (1921).
[5] N. O'Dowd. Advanced Fracture Mechanics. Imperial College London
(2002-2003).
[6] J-J. Marigo. Plastcité et Rupture. Ecole Polytechnique 2010.

57

Vous aimerez peut-être aussi