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Texte intégral :
Les exposés de la première année du séminaire consacré à la sémiotique de l’espace ont fait
apparaître quelques lignes de force qu’il peut être utile de rappeler au moment d’aborder
une seconde année sur la même problématique. Il ne s’agit nullement ici d’une synthèse,
mais d’un document de travail qui peut éclairer les discussions à venir. Les organisateurs
du séminaire avaient proposé que cette première année porte plutôt sur des questions
d’ordre épistémologique et théorique, en réservant pour la seconde les interventions plus
précisément centrées sur les domaines de spécialité des univers spatiaux. C’est en effet, peu
ou prou, ce qui s’est passé. Et lorsque des exposés s’attachaient spécifiquement à des objets
concrets relevant de la peinture, de l’architecture ou de l’urbanisme (cf. entre autres ceux de
P. Boudon, de M. Hammad, de Ph. Nys ou de J. Petitot), c’est bien par les questions
théoriques qu’ils soulevaient que leur apport s’est fait sentir.
Le texte d’intention du séminaire suggérait de centrer ces interrogations sur quatre grands
domaines : celui qui avait été appelé la spatialité matricielle, l’espace assurant dans le
langage la scénographie première du sens ; celui, ensuite, de la spatialité perceptive,
concernant aussi bien les problèmes de cohésion et de fragmentation dans l’aperception que
celui des relations de dépendance soumis à la rection du sujet sensible (à travers la question
du point de vue par exemple) ou ceux, plus généralement, des modalités sensorielles de la
saisie de l’espace sur un horizon sémio-phénoménologique ; puis, en troisième lieu, la
question de la spatialité sémantisée, entre figuralité des traits, iconicité, figurativité et
thématisation spatiales, avec en particulier cette question laissée en suspens des objets
vagues, sans bords, comme les nuages, les halos, les reflets, les atmosphères et les
« climats » ; et enfin, quatrième question, celle de la spatialité narrativisée et passionnée,
peut-être transversale aux précédentes, qui concernait un domaine mieux balisé par les
sémioticiens et qu’on peut résumer par le mot de clôture de Cl. Zilberberg : « Le syntagme
‘espace thymique’ apparaît, strictement mesuré, comme un pléonasme. » Question
transversale et donc « matricielle » si on se réfère à l’affirmation de Cassirer : « Tout ce qui
possède un sens s’enracine dans la couche de l’affect et de l’excitation sensible, et s’y
ramène. »
4. Cette dernière remarque – l’espace qui se transforme en lieu – conduit au quatrième point
annoncé qui a constitué une ligne de force insistante dans les travaux du séminaire :
l’interdéfinition de l’espace et du sujet. On devrait dire plutôt : les modalités très diverses
de cette interdéfinition, selon les attributs et les propriétés que l’on donne à l’actantialité
subjective, depuis la corporéité jusqu’à l’énonciation en acte, depuis le thymisme jusqu’aux
sollicitations et aux variations pluri-sensorielles. L’interdéfinition dont on parle ici
résulterait des modes d’intrication complexe des instances de discours dans les opérations
de spatialisation. Il y a d’un côté l’instance qui s’enracine dans l’espace et l’espace qui
demande à être reconnu comme instance, par l’assomption d’un embrayage qui s’y trouve
projeté. Et il y a d’autre part la pluralité des instances en jeu dans les interactions
spatialisées, les ajustements d’espaces et des intensités dans l’espace, les réglages
proxémiques et le choix des stratégies – d’englobement, de particularisation,
d’accumulation ou d’élection. Il y a la relation tensive entre la cohérence, avec ses deux
volets d’inhérence et d’adhérence, et l’intimité (Bachelard). Il y a encore la sélection d’un
point critique de perception – dans la non-généricité – dont la probabilité de répétition est
nulle et qui, en raison même de son extrême singularité, engendre les émois du sujet
interprétatif. Il y a encore l’espace rapporté à l’acte d’une énonciation créatrice, comme
dans celle du récit de Genèse analysé par L. Panier, où la séparation institue comme en vis-
à-vis et l’espace et le sujet. Et puis il y a l’épaisseur thymique qui commande les valeurs
pathémiques du fermé et de l’ouvert, dilatables jusqu’à l’hermétique et au béant, et qui fait
dire à Cl. Zilberberg ce mot déjà cité : « espace thymique est un pléonasme ».
Qu’est-ce qui peut donc faire unité dans la réalité plurivoque de l’espace ? Le bilan
provisoire du séminaire conduit à cette question, en assumant la tentative que les différentes
contributions illustrent, chacune à leur façon : essayer de reconnaître et d’identifier les
présupposés qui nous font parler d’espace ou que nous attribuons à l’espace. Ce compte
rendu partiel – et partial sans doute – n’a d’autre ambition que d’inviter à poursuivre la
réflexion.