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Dossier de presse

Galerie Jardin

EX AFRICA
Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui
9 février
— 27 juin 2021
SOMMAIRE
4 Editorial d’Emmanuel Kasarhérou
6 Communiqué de presse
8 Cinq questions à Philippe Dagen, commissaire de l’exposition
11 Parcours de l’exposition
Préambule
Pop
Métamorphoses
Activations
Conclusion
28 Focus sur les espaces personnels
Kader Attia
Romuald Hazoumè
Myriam Mihindou
Pascale Marthine Tayou
34 Les 34 artistes de l’exposition
37 Commissariat / Autour de l’exposition
38 Partenaires / Mécènes
39 Informations pratiques
40 Contacts presse

3
Éditorial

ÉDITORIAL
Évoquant dans ces pages l’exposition Kongo across the Waters, à laquelle il prit part
aux États-Unis en 2015, Steve Bandoma note qu’elle fut pour lui une « exposition
interpellatrice ». L’artiste congolais signifie ici que son regard, sa pratique de
travail, son jugement même ont été profondément questionnés, et renouvelés,
par sa confrontation aux héritages artistiques de la culture Kongo. Il est tentant de
reprendre l’image à notre compte pour dire les opérations de première importance
que l’exposition Ex Africa. Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui recèle et
accomplit.

Interpellatrice, l’exposition l’est pour le public, à qui est offerte pour la première
© musée du quai Branly – Jacques Chirac,
fois l’opportunité d’embrasser d’un œil vaste et articulé la présence de l’art
photo Thibaut Chapotot africain – ses gestes, ses systèmes formels, ses matériaux, ses thèmes – dans la
création d’aujourd’hui. Du travail de Myriam Mihindou à celui d’Annette Messager,
des réalisations de Calixte Dakpogan à celles de Chéri Samba, c’est un champ de
perceptions nouvelles, un canon esthétique élargi qui s’ouvre au visiteur, dans un
dialogue permanent du passé et du présent, du classique et du neuf. Tableaux,
statuaire, photographies, installations : le public est invité à recevoir en chaque
œuvre l’affirmation d’un sujet souverain, celui d’un art africain ne répondant que
de lui-même et valant indépendamment des mérites que lui reconnaissent les
systèmes de légitimation dominants – occidentaux et marchands pour l’essentiel.

L’interpellation vaut également pour les 34 artistes réunis par l’historien et


critique d’art Philippe Dagen, commissaire de l’exposition. Vivants pour la plupart,
originaires d’Afrique ou non, ces artistes ont été invités à réfléchir aux généalogies
africaines qu’ils admettent dans leur travail, ou plus exactement aux généalogies
dans lesquelles ils souhaiteraient être admis, si l’on considère avec Alun Be
qu’« insérer les arts anciens d’Afrique » dans l’œuvre contemporaine revient
d’abord et avant tout à « s’introdui[re] dans la demeure du patrimoine africain ».
Il en résulte une gamme de relations complexes, riches, évolutives, traversées
d’allégeances et de contrariétés parfois, qui font la trame extrêmement
vivante d’Ex Africa. Présences africaines dans l’art aujourd’hui. Cette vitalité des
questionnements et des pratiques s’exprime particulièrement dans les cartes
blanches qui ont été confiées, au sein du parcours d’exposition, à Kader Attia,
Romuald Hazoumè, Pascale Marthine Tayou et Myriam Mihindou. À travers leurs
propositions, les quatre créateurs interrogent les moyens qu’a l’art africain de
faire présence, c’est-à-dire de s’inscrire dans un temps et dans un espace qui lui
appartiennent en propre.

4
Éditorial

Où l’on en vient à la troisième force interpellatrice de l’exposition, la plus


importante peut-être puisqu’elle s’exerce à l’endroit même qui la suscite, et
l’exacerbe : l’institution muséale. Comment en effet ne pas entendre ce que
les œuvres et les artistes réunis dans l’exposition ont à nous dire sur l’impérieuse
nécessité de faire vivre ici et maintenant les présences africaines, dont l’art
contemporain est un mode d’activation puissant et libérateur, a fortiori lorsqu’il
fait pont avec les arts anciens ? On mesurera sans mal combien l’exposition,
comme son catalogue au demeurant, a sur ce point valeur de manifeste. Car les
questionnements qui s’y expriment sur la vie des œuvres, leur provenance, leur
statut, leurs modalités de conservation et de monstration, leur actualité, sont
autant d’échos aux réflexions qui animent aujourd’hui le musée du quai Branly – 
Jacques Chirac et lui assignent de nouvelles responsabilités.

À l’heure où le musée entend ouvrir plus largement ses espaces et ses collections
au regard des artistes contemporains, africains en premier lieu, Ex Africa. Présences
africaines dans l’art d’aujourd’hui exerce un puissant rôle catalyseur.
Cela est heureux. Le commissaire de l’exposition, Philippe Dagen, en concevra
d’autant plus nettement la sincérité et la profondeur de nos remerciements.
Le travail qu’il a accompli, la confiance et l’estime dont il a tissé sa relation avec
les artistes appellent notre plus franche reconnaissance. J’aimerais saluer d’un
même enthousiasme le professeur Souleymane Bachir Diagne : le texte qu’il a
livré pour le catalogue est remarquable de hauteur et de clarté.

Mes remerciements vont naturellement aux artistes qui ont bien voulu associer
leurs travaux, leurs réflexions, et pour certains la création d’œuvres, à Ex Africa.
Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui. Je tiens également à remercier
l’ensemble des musées, institutions culturelles, galeries, particuliers qui se sont
engagés à nos côtés et ont consenti des prêts généreux. Je songe notamment au
Centre Pompidou, au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, à la Collection
Pinault ou encore à la Tate de Londres. Sans ces différents appuis, l’exposition
n’aurait pu honorer ses ambitions, celle en premier lieu de faire bouger les lignes et
les coordonnées de l’art contemporain. La carte du monde en sera-t-elle renversée
pour autant, comme dans le tableau de Chéri Samba par lequel se clôt l’exposition ?
Qu’importe au fond dès lors qu’y figure en son centre le visage de l’art africain.

Emmanuel Kasarhérou
Président
musée du quai Branly – Jacques Chirac

5
Communiqué
de presse

Exposition / Galerie Jardin


Du 9 février au 27 juin 2021

EX AFRICA
Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui

La vraie carte du monde, Chéri Samba © Patrick Gries

Dans un dialogue visuel inédit, l’exposition Ex Africa met en regard plus de


Commissaire 150 œuvres d’artistes contemporains de toutes générations et origines pour
Philippe Dagen, critique d’art et historien décrypter les relations qui unissent la scène actuelle et les arts africains
de l’art
anciens depuis la fin du 20e siècle.
Scénographie
Atelier Maciej Fiszer En quoi les arts africains, dits aujourd’hui « classiques », demeurent-ils présents
et actifs dans la création contemporaine ? Pour le critique et historien d’art Philippe
Dagen, commissaire de l’exposition, il s’agit de montrer que les idées et formes
propres à ces arts sont aujourd’hui plus vivantes que jamais, alors que quarante ans
plus tôt, une exposition telle que Primitivism au Museum of Modern Art de New York
les réduisait au rôle de modèles plastiques pour les avant-gardes occidentales de la
première moitié du 20e siècle, les privant de leurs histoires et de leurs significations
originales pour n’y voir que des jeux de belles formes exotiques.

Installations, peintures, sculptures, photographies, dessins et vidéos : au travers


de la grande diversité des artistes et des œuvres présentés, l’exposition Ex Africa
évoque les multiples modes de reprises de ces références anciennes inventés par
34 artistes contemporains. Elle accueille des créations nouvelles d’Annette Messager,
Gloria Friedmann, Myriam Mihindou, Kader Attia, Pascale Marthine Tayou, Romuald
Hazoumè, Théo Mercier ou Emo de Medeiros, spécifiquement conçues pour
l’exposition.

En préambule, le parcours d’Ex Africa confronte des œuvres de A.R. Penck,


Jean-Michel Basquiat, Antoni Clavé et James Brown à celles de Chéri Samba,
afin de remettre clairement en cause la notion même de « primitivisme » et
ses sous-entendus.

6
Communiqué
de presse

La première section « Pop » présente des œuvres qui témoignent à la fois de


l’omniprésence des références africaines dans l’art et leur transformation en
produits de consommation. Leur récupération dans l’esprit du pop art illustre
comment, loin de leur signification initiale, ces œuvres sont considérées comme
des signes visuels employés à des fins de divertissement, de publicité ou de parade
sociale. Les installations de Dinos et Jake Chapman (The Chapman Family Collection)
et de Jean-Michel Alberola (Masses africaines et Commerce), les statues africaines
chromées de Bertrand Lavier ou encore les bas-reliefs de bois sculpté au Cameroun
par Hervé Di Rosa sur des motifs venus de la bande dessinée, nous conduisent
jusqu’aux « manipulations sacrilèges » de David Hammons et Jean-Jacques Lebel et
aux masques blancs thermoformés de Franck Scurti.

La seconde section dite des « Métamorphoses » s’attache à montrer comment


les formes africaines qu’on a vues précédemment transformées en objets d’art
et produits de consommation, sont peu à peu ranimées et, si l’on peut dire
« réhumanisées »*, par les artistes. Des formes que l’on croyait définitivement figées
reprennent vie et deviennent moins immédiatement identifiables parce qu’elles
accueillent du « vivant », du vivant qui les habite et les transforme.
Dans des variations constantes de styles, de formats, de dimensions, de matériaux
et de techniques, l’exposition met en scène les deux formes tenues pour
emblématiques de l’art africain ancien. D’une part, le travail sur le visage avec les
masques d’ORLAN, Sarkis, Romuald Hazoumè, Steve Bandoma, Pascale Marthine
Tayou, Calixte Dakpogan, Gonçalo Mabunda, Emo de Medeiros ou Kader Attia ; et
d’autre part, le travail sur le corps avec les statues de Gloria Friedmann et Françoise
Vergier ou les « collants totémiques » d’Annette Messager, les Demoiselles de Porto
Novo photographiées par Léonce Raphaël Agbodjelou, jusqu’aux peintures de
Nazanin Pouyandeh, Steve Bandoma et Jean-Michel Alberola.

La troisième section « Activations » donne à voir comment les éléments plastiques


issus de l’art africain sont réactivés et rechargés de significations nouvelles par
les artistes qui y apportent des sujets contemporains. Ils s’emparent des grands
enjeux actuels : le drame des réfugiés avec Romuald Hazoumè, la surexploitation
des ressources avec Pascale Marthine Tayou, la démocratie avec Alun Be ou Pathy
Tshindele, la force du pouvoir avec Myriam Mihindou, la restitution du patrimoine
pillé à ses pays d’origine avec Kader Attia.

Ces sujets actuels investissent des formes venues du passé, fortes de significations
nouvelles. Ainsi se vérifie l’hypothèse première : les arts anciens d’Afrique, loin
d’être morts et enfermés dans l’histoire du « primitivisme », sont à nouveau actifs
quand ils en sont libérés. L’abondance et la diversité des œuvres qui, durant ces
Mempo 1, Emo de Medeiros © Courtesy Emo
de Medeiros © musée du quai Branly – Jacques
quatre décennies, se sont saisies de références africaines sont les meilleures preuves
Chirac, photo Pauline Guyon de l’importance du sujet.

*Philippe Dagen dans Ex Africa. Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui, 2020, coédition musée
du quai Branly – Jacques Chirac / Gallimard.

7
Cinq questions à Philippe Dagen,
commissaire de l’exposition

CINQ QUESTIONS À PHILIPPE DAGEN,


COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION
Pouvez-vous nous raconter la genèse de cette exposition ?
Elle est née à la convergence de mes deux activités principales. Historien de l’art
des 20e et 21e siècles, j’ai travaillé depuis mes premières recherches sur ce qu’on
appelle - très mal selon moi- le primitivisme, c’est-à-dire les relations entre les arts
des peuples non occidentaux et les avant-gardes artistiques occidentales depuis le
dernier tiers du 19e siècle. Ces analyses m’ont conduit à la déconstruction critique
de la notion de « primitif », inséparable du contexte colonial d’une part, d’une
supposée hiérarchie de ce qu’on appelait des « races » d’autre part ; et à montrer
la genèse et les équivoques - pour ne pas dire plus - de ce « primitivisme », de
Gauguin à Matisse, de Nolde à Picasso et jusqu’au surréalisme. L’autre activité
est celle de critique d’art : j’ai été frappé depuis deux décennies par l’apparition
d’œuvres qui, de plus en plus fréquemment, se saisissent des formes des arts
africains anciens dans des perspectives contraires à tout « primitivisme ». Il n’y avait
plus qu’à faire le lien entre les deux : le passé et le présent.

L’exposition rassemble des artistes contemporains d’horizons multiples.


Comment s’est fait le choix de ces artistes et de quelles manières ont-ils été
impliqués dans l’exposition ?
Le choix s’est imposé de lui-même : toute œuvre où peut être repérée une relation
aux arts d’Afrique m’intéresse, quelle que soit la relation, le type d’œuvre, les
supports, les formes, etc. Il était impossible d’espérer être exhaustif, en raison
même de l’amplification de ce processus dans l’art aujourd’hui ; mais il semblait
possible de mettre en évidence des cohérences, des continuités ou, à l’inverse,
de créer des dialogues plus contradictoires. Il n’y a aucun autre critère. Tout artiste,
femme ou homme, d’ascendance africaine ou non, jeune ou moins jeune, vidéaste
ou sculpteur ou peintre qui s’est arrêté sur ces questions est concerné par le projet.
Toutes celles et tous ceux que j’ai sollicités se sont engagés très vite : je n’ai eu à
déplorer aucun refus de participer, à partir du moment où le sens du projet était
clairement énoncé. Les degrés d’implication ont ensuite varié selon les situations :
au degré le plus simple par des prêts d’œuvres et les réponses au questionnaire
aux artistes qui est l’une des parties du catalogue ; mais aussi, fréquemment,
par des créations nouvelles, que j’ai vues apparaître dans les ateliers. Il y a d’une
part dans Ex Africa des créations sollicitées dès le début du projet et d’autres qui
sont venues à l’initiative des artistes. Ce deuxième cas, c’est celui d’Annette Messager,
Gloria Friedmann, Emo de Medeiros ou Théo Mercier.

8
Cinq questions à Philippe Dagen,
commissaire de l’exposition

En quoi le regard porté sur les arts anciens d’Afrique s’est-il transformé et
quel est le rôle des musées dans la construction de ce récit ?
Une évolution est en cours, mais elle n’est pas achevée. Le côté « curiosité »,
« exotisme », « pittoresque » - c’est-à-dire au fonds colonial et condescendant -
commence à se dissiper et les objets sont plus fréquemment considérés dans leurs
significations religieuses, sociales et politiques propres. Du moins en est-il ainsi
chaque fois que la présentation muséographique y invite, mais ce n’est pas le cas
dans tous les musées du monde - il s’en faut même de beaucoup. Il suffit de voir
combien la question des restitutions suscite de réactions et de controverses pour
mesurer le chemin encore à parcourir dans cette direction.

Quelles nouvelles relations aux arts anciens d’Afrique les œuvres


contemporaines présentées dans cette exposition révèlent-elles ?
Cela dépend des œuvres, évidemment. En simplifiant, on peut dire que les unes
montrent comment les arts africains appartiennent désormais au dictionnaire
universel des formes artistiques et font l’objet de récupérations, recyclages et
hybridations de toutes sortes, exactement comme tout style appartenant au
panthéon planétaire : c’est ce qui est appelé « pop » dans l’exposition.
Et que les autres, à l’inverse, réinjectent de la vie, de la pensée, du désir et du
mouvement. C’est alors que les masques redeviennent des visages - des portraits,
des autoportraits, des caricatures etc.- et que les statues redeviennent des corps
féminins et masculins, avec tous leurs attributs et toutes leurs fonctions. Dans ces
métamorphoses, des formes et des styles qui étaient enfermés dans le passé
d’une histoire achevée - celle des musées et des livres d’histoire - reprennent vie
et expriment des pensées et des émotions d’aujourd’hui.

La dernière partie de l’exposition met en lumière ce que vous appelez des


« activations ». Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?
Très simplement, dans la suite de ce que je viens de dire : ce sont des créations
spécifiques dans lesquelles Myriam Mihindou, Kader Attia, Romuald Hazoumè
et Pascale Marthine Tayou traitent, à travers ces formes, de sujets d’aujourd’hui :
la mémoire de la traite négrière, l’émigration de la jeunesse africaine vers l’Europe
et ses drames, la surexploitation des ressources naturelles, la restitution du patrimoine
africain aux pays d’origine des œuvres. Des langages plastiques que l’on a cru
morts redeviennent puissamment expressifs, pour s’interroger sur le monde actuel.

9
Sans titre, Nazanin Pouyandeh © Courtesy Nazanin Pouyandeh

10
Parcours de l’exposition

PARCOURS DE L’EXPOSITION
Préambule : Primitifs, Primitivismes
1e section : Pop
The Chapman Family Collection
2e section : Métamorphoses
Têtes d’expression
Rotonde des masques
Fétiches
3e section : Activations
Conclusion

Préambule
Primitifs, Primitivismes
Au cours de la deuxième moitié du 19e siècle naît et se répand en Europe la notion
de « primitif ». Elle réunit les peuples alors dits « sauvages », les fous, les enfants,
les hommes de la préhistoire et ceux qui vivent loin des villes. Par leurs idées, leurs
croyances, leurs mœurs et leurs arts, tous se distinguent de l’homme occidental
moderne, celui des révolutions scientifiques et industrielles.
« Primitif » signifie alors pour le plus grand nombre « grossier » et « risible ».
Mais, pour des artistes, tels Gauguin ou Kandinsky, et des écrivains, tels Lawrence
ou Hesse, qui ont en commun la détestation de ce monde nouveau, de son
matérialisme et de son culte du progrès, ces « primitifs » sont, à l’inverse, les seuls
qui échappent encore à son emprise.
Leur « primitivisme », c’est-à-dire leur prédilection pour les cultures « primitives »,
est l’expression d’un refus simultanément politique, moral et artistique. Il en est
de même des « primitivismes » qui se manifestent, de façon souvent violente ou
satirique, dans les mouvements Dada et surréaliste, chez Tzara et Arp, Breton et
Miró, Leiris et Giacometti. Leurs œuvres sont portées par leur désir de révolution et
leur refus des régimes totalitaires autant que du colonialisme et du racisme. Quand
Basquiat dénonce la condition des afro-américains aux États-Unis, quand Penck en
appelle à renouer avec ce qui reste de la nature, ils sont les derniers artistes de ce
primitivisme fondamentalement protestataire.

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Parcours de l’exposition

Hommage aux anciens createurs, Chéri Samba


© Florian Kleinefenn / Courtesy Chéri Samba / Galerie Magnin-A, Paris

« J’ai peint ce tableau, Hommage aux anciens créateurs, qui m’a fait beaucoup
réfléchir. Quand j’ai entendu dire dans les écoles d’art qu’il y avait eu autrefois des gens
qui maîtrisaient le bois ou l’argile et qui en avaient fait des œuvres, je me suis aperçu
qu’ils étaient méconnus. J’ai moi-même travaillé l’argile et le bois et j’ai vu que ce qui
était facile pour moi c’était la peinture. Aussi me suis-je dit : pourquoi ne pas penser
aux difficultés de ces gens-là ? J’ai pensé qu’il fallait que j’essaie de faire un peu plus
pour eux. S’ils n’avaient pas réussi à sortir de l’ombre, peut-être que moi je pouvais
faire en sorte qu’ils soient reconnus, parce qu’eux n’avaient pas eu la possibilité
d’accéder à cette compréhension dont nous bénéficions, nous, ceux de ma génération. »
Chéri Samba dans Ex Africa. Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui, 2020,
coédition musée du quai Branly – Jacques Chirac / Gallimard.

En 1984, le Museum of Modern Art de New-York présente l’exposition Primitivism.


Son principe est de dépister des ressemblances de formes entre des œuvres
« primitives » et celles des avant-gardes. Cette méthode permet de passer sous
silence les enjeux politiques des « primitivismes », réduits à des jeux de reflets, et de
taire les conditions même de l’arrivée des objets d’Afrique ou d’Océanie en Occident,
c’est-à-dire la situation coloniale. Ainsi considère-t-elle ces arts du seul point de vue
occidental, leur déniant existence et sens propre. Une statue africaine vaudrait ainsi
principalement parce qu’elle aurait contribué au cubisme et non en elle-même.
Cette façon de raconter l’histoire maintient un rapport d’appropriation et de sujétion
entre les arts que Primitivism nommait improprement « tribaux » et ceux de la
modernité occidentale, comme le rappellent ici les toiles de Chéri Samba et ses
mentions ironiques de Picasso. Ex Africa a pour dessein d’en finir avec ce récit.

12
Parcours de l’exposition

1e section : Pop
Au début des années 60, le pop art - Andy Warhol aux États-Unis ou Martial Raysse
en France - se saisit des chefs-d’œuvre de la peinture européenne, de la Renaissance
à Matisse, et montre comment ceux-ci appartiennent désormais à la culture
commune et sont au service du tourisme, de la publicité et du divertissement.
Célébrés, muséifiés et reproduits, ils deviennent des objets de consommation
courante, aux dépens de leur signification originale. Le même processus s’empare
des arts d’Afrique quelques décennies plus tard et demeure actif aujourd’hui.
Quelques-uns de ces procédés sont ici mis à nu, parfois cruellement.
Prolifération et banalisation des copies : David Hammons et Théo Mercier s’en
servent comme d’objets voués au commerce et à la destruction. Métamorphoses
matérielles incongrues : Bertrand Lavier et Franck Scurti les précipitent dans le métal
ou le plastique. Hybridations de cultures inconciliables : Hervé Di Rosa fait exécuter
au Cameroun des bas-reliefs qui associent bande dessinée de science-fiction et style
Bamoun. Mises en scènes muséales effaçant les spécificités des cultures : Sarkis et
Jean-Michel Alberola. Selon des modes différents, ces œuvres montrent comment,
en rejoignant le musée universel, les arts africains sont le plus souvent réduits à
quelques effets plastiques immédiatement identifiables.

Masque Kongo, 2008, Bertrand Lavier White Memories, 2006, Franck Scurti
© musée du quai Branly – Jacques Chirac, © musée du quai Branly – Jacques Chirac,
photo Pauline Guyon / © ADAGP, Paris 2021 photo Pauline Guyon / © ADAGP, Paris, 2021

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Parcours de l’exposition

Sans titre, 2020, Théo mercier


Masques en bois brisés
Courtesy de l’artiste et galerie mor charpentier, Paris 2021

Depuis 2015, Théo Mercier s’intéresse aux masques africains « bon marché »
destinés à la décoration des intérieurs européens. « L’import/export de ces
« antiquités contemporaines » africaines raconte une histoire complexe
d’expropriation, d’appropriation et de fantasmes de l’art africain en Europe »,
en dit-il.
L’oeuvre Sans titre (2020) présente un tas de ces masques vermoulus ou brisés durant
leur voyage entre l’Afrique et la France. « J’ai récupéré ces masques anonymes blessés
devenus invendables auprès de revendeurs en région parisienne. Rassemblés en vrac ils
présentent de manière crûment analogique l’immigration rejetée des masques et des
hommes en Europe. »

The Chapman Family Collection restauration Mc Donald : son clown Ronald, ses
Cette installation des frères britanniques Jake produits, ses logos etc. On y relève aussi des
et Dinos Chapman réunit 34 sculptures de bois allusions à Brancusi et au surréalisme. Ainsi les
polychromes. arts anciens africains et l’art moderne sont-ils
Elle serait une collection familiale rassemblée devenus des produits de consommation
dans des régions nommées Camgib, Seirf et courante, comme les hamburgers. Sous couvert
Ekoc au temps de la colonisation britannique et de pastiche et de parodie, cette installation
présentée sur le mode habituel des musées révèle la réalité des industries dites culturelles
d’ethnographie. En vérité, ces sculptures sont et rappelle brutalement que l’art africain
des variations exécutées dans différents styles lui-même n’est pas épargné par ce processus
africains à partir des symboles de la firme de global de désacralisation et commercialisation.

14
Parcours de l’exposition

La contre-attaque Bamoun, 2004, Hervé Di Rosa © Hervé Di Rosa / © ADAGP, Paris, 2021

15
Parcours de l’exposition

2e section : Métamorphoses
Le deuxième temps de l’exposition se définit contre la réification pop des arts
africains constatée dans la section précédente. Il s’agit de montrer désormais
comment ces arts, loin de n’être plus que les vestiges morts d’un passé révolu
et des signes culturels muets, prennent depuis un quart de siècle une part active,
souvent déterminante, dans l’apparition de nouveaux langages plastiques.
Que les artistes soient d’origine familiale africaine, proche ou lointaine, ou ne le
soient pas, le mouvement est le même : des formes que l’on croyait définitivement
figées reprennent vie. Elles quittent le bois des sculptures et des masques anciens
pour se manifester selon des techniques et dans des matériaux très variés :
photographies en noir et blanc et en couleurs, terres cuites polychromes, collages
et assemblages à partir d’images et d’objets trouvés. Elles peuvent aussi bien
réapparaître sur la toile ou le papier du peintre qu’équipées de puces électroniques.
Leur présence est alternativement explicite ou moins visible, selon les
métamorphoses qui s’opèrent et selon les significations qui les habitent. Aussi ne
s’agit-il pas de pastiches mais de mutations dynamiques, ces formes se révèlent
comme les plus actives et inventives d’un art actuel souvent incapable d’échapper
à la production d’artefacts qui ne sont que spectaculaires.

Têtes d’expression
Quand il fut introduit dans l’enseignement des beaux-arts en France au 18e siècle,
l’exercice de la « tête d’expression » avait pour but d’inciter les artistes à développer
l’analyse des signes visibles des émotions et des passions sur le visage humain.
On reprend ici cette notion, qui peut sembler désuète, pour marquer combien sont
expressives et efficaces les stylisations du visage que les arts africains ont inventées.
Disproportions, géométrisations, amplifications, simplifications : autant de moyens
pour rendre mieux perceptibles un état psychique et son intensité sans se laisser
contraindre par l’imitation de type réaliste. Cette puissance de suggestion, que
Picasso a perçu dès le temps du cubisme comme le rappellent Annette Messager
et Léonce-Raphaël Agbodjelou, se manifeste, de manières très différentes, dans les
Self Hybridizations d’ORLAN et dans les sculptures fantastiques et symboliques de
Gloria Friedmann et de Françoise Vergier.

La déesse de la lune verte, 2016 - 2017,


Françoise Vergier
Collection de l’artiste
© ADAGP, Paris 2021

16
Parcours de l’exposition

African Self-Hybridizations, 2003, ORLAN © ADAGP, Paris, 2021 Série des Demoiselles de Porto-Novo, Leonce Raphael Agbodjelou
Courtesy of Jack Bell Gallery, © Léonce Raphael Agbodjelou

17
Parcours de l’exposition

Iroquois, 2010, Romuald Hazoumè


© Florian Kleinefenn Courtesy Galerie Magnin-A, Paris
© Romuald Hazoume © ADAGP, Paris 2021

Rotonde des masques


Sur un mode d’accrochage parodiquement emprunté aux musées d’ethnographie
d’autrefois qui les accrochaient aux murs comme des tableaux, ce sont les masques
d’aujourd’hui. Ils ont été obtenus avec des bidons recyclés ou des débris d’armes.
Ils sont fondus en verre précieux ou bricolés avec des verroteries et des plastiques bon
marché. Ils sont parés de plumes ou recouverts de fragments de miroirs. Ils viennent
de Cotonou ou de Berlin, de Gand ou de Maputo. Ils parlent de guerres interminables,
de trafics illégaux. Ils racontent l’état des sociétés et les relations entre les sexes.
Ils font aussi allusion à l’histoire du masque dans l’art moderne. Ils sont tragiques,
comiques ou tragi-comiques. Chacune et chacun d’entre nous peut se reconnaître
dans l’un ou l’autre.

18
Parcours de l’exposition

Mirrors and Mask, 2013 – 2015, Kader Attia


Courtesy de l’artiste et Galerie Nagel Draxler, Berlin © ADAGP, Paris 2021

On the the Breaking Bad’s wallpaper between the Cry and the Masks, 2014, Sarkis © ADAGP, Paris 2021

19
Parcours de l’exposition

Mes collants totémiques, 2015, Annette Messager © ADAGP, Paris, 2021

« Il y a quelques années, j’achetais des collants de femme dans un magasin et j’eus


envie de les étirer, de les tordre, ils m’ont semblé alors ressembler à des effigies
africaines, comme des totems, appartenant tous au même clan. C’est la série Mes
collants totémiques. »
Annette Messager dans dans Ex Africa. Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui,
2020, coédition musée du quai Branly – Jacques Chirac / Gallimard.

Fétiches
Au temps de la colonisation et dans les débuts de l’anthropologie, le mot fétiche
a servi de manière péjorative pour désigner ce que l’on se refusait par mépris à
nommer statues. Le fétiche n’était pas plus digne d’être une sculpture que le
fétichisme ne l’était d’être considéré comme une religion au même titre que les
monothéismes. Emo de Medeiros reprend le mot en toute connaissance de cause,
mais dans une version actualisée par le numérique qui invite à une offrande
dématérialisée. Autre mot du vocabulaire ethnologique, le totem réapparaît avec
Annette Messager, à l’état de collants étirés sur le mur pour dessiner des figures
explicitement sexuées et quelquefois cornues.

20
Parcours de l’exposition

Électrofétiches (10 pièces), 2020, Emo de Medeiros


Courtesy Emo de Medeiros © musée du quai Branly – Jacques Chirac,
photo Pauline Guyon

21
Parcours de l’exposition

3e section : Activations
Le troisième et dernier moment de la réflexion est consacré au processus que l’on
nomme « activation » et qui est le contraire de la citation. Il y a activation quand un
langage plastique nouveau se saisit en totale liberté des formes proposées par les
arts anciens et les emploie dans des dispositifs dont ils sont les forces agissantes et
signifiantes. Présentes de façon littérale ou allusive, les formes identifiées comme
africaines sont dès lors investies de sens nouveaux qui sont directement aux prises
avec l’état présent du monde. Débarrassées des lieux communs historico-artistiques
ou ethnographiques dans lesquels elles ont été si longtemps enfermées par les
commentaires, elles prennent la parole en leur nom propre pour prendre position sur
des questions politiques, sociales ou religieuses. Aussi était-il nécessaire que figure
dans cette section l’un des triptyques qu’Agbodjelou a consacré au Code noir,
c’est-à-dire à la mémoire de la traite négrière et de l’esclavage : car c’est naturellement
que s’impose le parallèle entre l’asservissement des populations razziées et
l’asservissement de leurs cultures. Aussi était-il aussi logique que soit proposé à
des artistes d’aujourd’hui - Myriam Mihindou, Kader Attia, Romuald Hazoumè,
Pascale Marthine Tayou - de concevoir pour Ex Africa des œuvres nouvelles de
grande ampleur. Ainsi l’exposition participe-t-elle à sa façon à la création et aux
interrogations les plus actuelles, sans esquiver les sujets difficiles.
Pour en savoir plus : page 27.

Code noir, 2014, Léonce Raphael Agbodjelou


Courtesy Jack Bell Gallery, Londres

22
Parcours de l’exposition

La Corruption, 2012, Kifouli Dossou Sans titre, série “It’s My Kings”, 2012, Pathy Tshindele
© Courtesy galerie Vallois, Paris, photo Philippe Herbillot Courtesy de la galerie Magnin-A, Paris

Politique
Etant donnés le passé et le présent de l’Afrique, on ne sera pas surpris de l’abondance
et de la vigueur des œuvres politiques. Elles sont satiriques quand, en 2012,
Pathy Tshindele travestit les puissants de la planète en grands chefs traditionnels
armés de lames ou quand Kifouli Dossou reprend les principes de construction
du masque Gélédé pour tenir la chronique de la vie quotidienne béninoise, de la
corruption à l’alcoolisme. Elles sont nettement plus inquiétantes quand Gonçalo
Mabunda construit un trône avec les armes et les munitions de la guerre qui a ravagé
le Mozambique et quand Steve Bandoma assied dans un fauteuil présidentiel un
jeune roi coiffé d’un bonnet conique, signe jadis de la folie. Un nkisi planté de clous
est posé près de lui, instrument et source de son pouvoir sans doute.

23
Parcours de l’exposition

Série « Edification » © Alun Be / Courtesy of LouiSimone Guirandou Gallery

Alun Be est seul à proposer une vision plus apaisée. Edification est une suite de
scènes allégoriques dans lesquelles masques et statues sont là pour ce qu’ils
signifiaient initialement : des valeurs et des principes.

« Même quand j’insère les arts anciens d’Afrique dans mes oeuvres, j’ai toujours le
sentiment que c’est plutôt mon travail qui s’introduit dans la demeure du patrimoine
africain.
C’est un processus naturel, mon mental ne le perçoit qu’une fois que l’acte est posé.
Les arts anciens d’Afrique m’habitent, ils réveillent en moi les mystères encastrés dans
la matière. »
Alun Be dans Ex Africa. Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui, 2020,
coédition musée du quai Branly – Jacques Chirac / Gallimard.

24
Parcours de l’exposition

Religion
Les arts anciens d’Afrique étaient inséparables de cosmogonies et de mythologies,
de cultes et de sociétés secrètes. La colonisation, les conversions forcées au
christianisme ou à l’Islam et, depuis plusieurs décennies, l’occidentalisation massive
ont provoqué l’érosion puis l’oubli des mythologies et des rituels : ce phénomène
d’acculturation a été souvent décrit depuis le 19e siècle. En conclure que les formes
artistiques sont désormais définitivement sécularisées ou mortes n’en serait pas
moins péremptoire. Le religieux est susceptible de reprendre vie et autorité. Les
« drapeaux » de Jean-Joseph Jean-Baptiste, font apparaître des figures symboliques
du vaudou, dont l’artiste est prêtre à Haïti. Les Surtentures d’Emo de Medeiros s’y
réfèrent aussi, mais moins directement.

Sexualité
Nudité, disponibilité des corps, culte de la fécondité, exaltation de la sexualité :
on sait dans quels fantasmes, quelles obsessions et quelles imageries s’est complu
l’érotisme colonial et comment celui-ci a cultivé le stéréotype commode de la
femme africaine offerte au bon plaisir du maître. On aimerait pouvoir penser que
celui-ci a disparu, sans pouvoir en être sûr dès que l’on se souvient, par exemple,
de certaines campagnes publicitaires. Déjà présent dans les œuvres d’ORLAN,
Nazanin Pouyandeh, Jean-Jacques Lebel et Steve Bandoma, que l’on a vues précédem-
ment, ce sujet revient ici sur deux modes moins contradictoires qu’ils ne le
paraissent à première vue. L’un est celui du regard critique d’Annette Messager
quand elle associe une poupée Barbie peinte en noir et une figure féminine de style
Attye découpée par elle dans un matériau moderne. L’autre est celui de Seyni Awa
Camara, qui modèle et cuit des statues monumentales de corps nus, à la fois
féminins et masculins, chargés de symboles et de figures animales qui déroutent
l’interprétation.

Sans titre, 2019, Seyni Awa Camara

25
Conclusion

Conclusion
Il appartient à Chéri Samba, présent dès la première salle, de conclure le parcours
d’Ex Africa. « J’aime la couleur » déclare un peintre qui tient entre ses dents un
pinceau dont tombent symboliquement plusieurs gouttes de couleurs différentes.
Mais ce peintre est lui-même une créature de peinture : il est fait d’une sorte de
ruban en spirale, qui laisse voir sa doublure et le ciel par derrière. Il tient donc du rêve
et du mythe, comme l’art lui-même dans un monde qui ne fait que de mauvais rêves
et met à mort les mythes. En ce sens J’aime la couleur est une peinture d’histoire.
La vraie carte du monde l’est plus explicitement encore. Elle a pour héros son auteur,
sous forme d’autoportrait. Il apparaît tel un héros bienveillant ou une divinité,
incrusté dans une mappemonde inversée. Les États-Unis et l’Europe y sont écrasés
contre le bord inférieur de la toile et semblent en train de fondre. Au-dessus se
dressent l’Amérique Latine, l’Asie du sud et l’Afrique. En 1929, les Surréalistes avaient
dessiné la « Carte surréaliste du monde » dont le centre était occupé par l’Océanie et
l’Alaska dans laquelle l’Europe était déjà réduite à une excroissance. Un peu moins
d’un siècle plus tard, c’est une nouvelle géographie et une nouvelle généalogie des
arts que Chéri Samba met en peinture. Elles rappellent avec toute la force nécessaire
quelle part ces régions du monde - et particulièrement l’Afrique - tiennent dans
l’histoire des civilisations.

La vraie carte du monde, Chéri Samba © Patrick Gries

26
Branch of life, Pascale Marthine Tayou © CLAIRE DORN/ © ADAGP, Paris, 2021

27
Focus

FOCUS
sur les espaces personnels de Kader Attia, Romuald Hazoumè,
Myriam Mihindou, Pascale Martine Tayou.

Kader Attia
Les Entrelacs de l’Objet, 2020
Vidéo et 23 objets (impressions 3D en nylon et copies en bois d’artefacts d’Afrique)
Installation réalisée pour l’exposition.

En donnant la parole à différents interlocuteurs sur la question de la restitution en


présence de copies de sculptures, Kader Attia met en évidence la complexité de
celle-ci. « Je rêve - écrit-il - qu’un jour l’Université fasse de la restitution un espace de
travail pour toutes les personnes qui font honneur aux objets : étudiants, anthro-
pologues, ethnologues, amateurs, etc… qui souhaitent participer à cette immense et
interminable conversation, car elle est continue ». Contre les simplismes, il affirme
combien « il faut reconstruire du discours et donc de l’écoute : la réparation, c’est aussi
écouter. » Et ne pas oublier que « les objets nous regardent passer. Nous pensons
collectionner les objets et les conserver, mais ce sont eux qui nous collectent. Avant
nous et après nous, d’autres ont aimé et aimeront regarder, sont et seront fascinés par
ces objets qui eux sont et seront toujours là ; nous ne faisons que passer, les objets
restent… mais ils nous fuient aussi. Ils sont l’incarnation d’une jouissance inaccessible
et invisible, qui nous attire indéfiniment. »

28
Focus

Les Entrelacs de l’Objet, 2020, Kader Attia


Vue de l’exposition Remembering the Future, Kunsthaus, Zürich, Suisse, 2020
Commissionné par la Kunsthaus Zürich. Avec le soutien du musée du quai Branly – Jacques Chirac
Courtesy de l’artiste

« Le projet que je vais présenter dans l’exposition Ex Africa traitera de la restitution,


dans tous ses paradoxes, sans prendre aucun parti. Elle cherchera en revanche à
déployer une cartographie des formes politiques, émotionnelles, esthétiques de cette
question de la restitution. Elle se présentera sous la forme de deux films qui seront
installés des deux côtés d’un écran, de sorte que le spectateur puisse voir une partie sur
le recto et une autre partie sur le verso. Les images seront projetées sur l’écran avec des
vidéoprojecteurs. Entre l’écran et les images, des objets – masques, sculptures, seront
disposés comme des spectateurs qui regardent les interviews se dérouler. La dimension
technique de cette installation vidéo aura pour particularité de prendre soin des objets,
au sens propre comme au sens figuré. Au sens propre, en utilisant des fac-similés
réalisés en impression 3D à partir de scans d’objets réels, de manière à ne pas les
endommager par une exposition trop prolongée à la lumière du vidéoprojecteur.
D’autre part, au sens figuré, ils posent la question, évoquée dans le film par certains
intervenants, de la pertinence de la présence d’objets fac-similés pour subvenir à la
multiplicité des besoins de restitution. En effet, de part et d’autre, soit dans le cas
d’un objet présent dans une institution occidentale, soit dans le cas d’un objet restitué,
une part manquante, tel un membre fantôme, réclame le retour de l’objet absent. »

29
Focus

Romuald Hazoumè
No Return, 2019
Plastique (semelles de tongs), son
Installation commissionnée par le musée du quai Branly – Jacques Chirac
pour l’exposition.

L’installation No Return est constituée de plus de 5000 tongs en plastique récupérées


sur 150 km de plage au Bénin. Elles sont disposées en « écaille » de manière à former
un motif symbolique associant une ligne et une spirale.
« Les tongs que j’ai utilisées - explique l’artiste - au Bénin, on les appelle communément
Djimakplon. En langue goun, cela signifie « mal élevé ». Elles ont été ramassées sur les
plages. Pour moi, c’est l’allégorie de ce qui reste quand le corps a disparu. Des milliers
d’enfants, de femmes, d’hommes disparaissent en mer, on retrouve ces simples
chaussures sur les côtes, on retrouve une part des êtres perdus. Mais la vie continue,
les pêcheurs pêchent, les enfants jouent sur les plages, au milieu de ces tongs.
Mises ensemble, elles forment un symbole, le serpent. Dans beaucoup de
communautés, d’ethnies africaines, chez les Baluba, les Luba, les Fon, le serpent
représente la continuité, il est donneur de vie. C’est cela la dynamique de la vie, le
mouvement
des âmes, dans la création et l’expansion du monde. »

30
Focus

No Return, 2019, Romuald Hazoumè


Courtesy de l’artiste et Galerie Magnin-A, Paris

31
Focus

Myriam Mihindou
Trophée, 2020
Métal, verre, tirages numériques, vidéo
Installation commissionnée par le musée du quai Branly – Jacques Chirac pour
l’exposition.

L’installation comprend :
/ une sculpture-dispositif composée d’un enchevêtrement de tiges filetées, fixée sur
une grille en fer forgée ;
/ une vidéo titrée Le miroir des lucioles ;
/ un ensemble de photographies (série N’abandonne pas les images, reprends-les là
où tu les as laissées…)

Pourquoi ce titre, Trophée ? Pourquoi avoir « chiné des clôtures et des barrières
surmontées d’une fleur de lys pour réaliser cette installation » ? « Parce que », répond
l’artiste, « durant des siècles, les monuments, la monnaie, les tissus, les tapisseries, les
sculptures, les statues, les objets d’art, la peinture étaient marqués du sceau du lys.
Durant la Révolution française, ce symbole a été profané, démantelé, vandalisé,
décapité, mutilé, incendié, détruit : l’épuration idéologique sacrifiait tout ce qui
évoquait la royauté. Cette histoire ancienne trouve un écho aujourd’hui. En 2018 la
restitution de l’héritage culturel de l’Afrique fait débat. Le mot restitution sous-entend
la conscience de sa propre identité. Toutes les sociétés passent par des récits de
destruction, de restauration et de construction. Toutes ont leur pratique de pouvoir et
de magie. Il convient donc de comprendre le sens des objets de mémoire, trop souvent
sublimés jusqu’à l’idolâtrie ou effacés. Reprenons le rêve là où nous l’avons laissé. »

32
Focus

Pascale Marthine Tayou


Eséka, 2020
Bambou, raphia, feuilles mortes, cristaux, poupées, lampes, néon
Courtesy de l’artiste et de la Galleria Continua, San Gimignano
Installation commissionné par le musée du quai Branly – Jacques Chirac pour
l’exposition.

L’installation Eséka se présente en deux parties :


/ un « toit » formé d’une structure et d’une charpente en bambou auquel des
abat-jour en raphia et des ampoules de couleurs sont suspendus, ainsi que des néons
suspendus « comme des enseignes ».
/ un espace tapissé de feuilles mortes sur lequel sont posés des poupées et des
« grigris ».

Eséka est une ville au centre du Cameroun, dans une région montagneuse et
forestière, à mi-chemin entre Douala et Yaoundé. Le 21 octobre 2016, en gare
d’Eséka, une catastrophe ferroviaire cause la mort de plus de 80 personnes et fait
des centaines de blessés. Peu de temps après se répand la nouvelle que de l’or a été
découvert dans la région, suscitant l’arrivée de nombreux prospecteurs et le
développement très rapide de commerces et de services. Plusieurs gisements sont
identifiés et exploités de façon artisanale. Dans cette histoire prise entre une
catastrophe, un miracle et la métamorphose brutale de la ville, Pascale Marthine
Tayou a reconnu une allégorie exemplaire du présent de l’Afrique. Il la développe
dans une installation où apparaissent ses « poupées Marthine » de verre, prises dans
un dispositif où tout fait sens, de l’architecture en tiges de bambou aux lampes
suspendues et au tapis de feuilles mortes.

33
Les 34 artistes exposés

LES 34 ARTISTES EXPOSÉS


Léonce Raphael Agbodjelou James Brown
Vit à Londres, UK Né à Los Angeles (Californie) en 1951
Lieu de naissance : Porto-Novo, Bénin et mort au Mexique en 2020.
Nationalité béninoise Nationalité américaine

Jean-Michel Alberola Seyni Awa Camara


Vit à Paris, France Vit à Bignona, Sénégal
Lieu de naissance : Saïda, Algérie Lieu de naissance : Bignona, Sénégal
Nationalité française Nationalité sénégalaise

Kader Attia Jake & Dinos Chapman


Vit à Berlin, Allemagne Vivent à Londres, Royaume-Uni
Lieu de naissance : Saint-Denis, Lieu de naissance : Londres et
Ile de France Cheltenham, Royaume-Uni
Nationalité française et algérienne Nationalité britannique

Steve Bandoma Calixte Dakpogan


Vit à Kinshasa, République Vit à Porto-Novo, Bénin
Démocratique du Congo Lieu de naissance : Pahaou, Bénin
Lieu de naissance : Kinshasa, Nationalité béninoise
République Démocratique du Congo
Nationalité congolaise
Emo De Medeiros
Vit à Paris, France, et Cotonou, Bénin
Jean-Michel Basquiat Lieu de naissance : Cotonou, Bénin
Né en 1960 et mort en 1988 à New York, Nationalité française et béninoise
États-Unis Œuvres pour l’exposition : Cymbalics,
Artiste peintre américain Mempo, Electrofétiches, Surtenture, 2020

Alun Be Hervé Di Rosa


Vit à Paris, France Vit à Lisbonne, Portugal
Lieu de naissance : Dakar, Sénégal Lieu de naissance : Sète, France
Nationalité française et sénégalaise Nationalité française

34
Les 34 artistes exposés

Kifouli Dossou Jean-Jacques Lebel


Vit à Covè, Bénin Vit à Paris, France
Lieu de naissance : Covè, Bénin Lieu de naissance : Paris, France
Nationalité béninoise Nationalité française

John Edmonds Gonçalo Mabunda


Vit à New York, États-Unis Vit à Maputo, Mozambique
Lieu de naissance : Washington DC., USA Lieu de naissance : Maputo,
Nationalité américaine Mozambique
Nationalité mozambicaine

Gloria Friedmann
Vit à Aignay-le-Duc, France Théo Mercier
Lieu de naissance : Kronach, Allemagne Vit à Paris et Mexico
Nationalité allemande Lieu de naissance : Paris, France
Nationalité française
Œuvres pour l’exposition : Installation
David Hammons au sol, 2020 et No Return, 2019
Vit à New York, États-Unis
Lieu de naissance : Springfield, Illinois
Nationalité américaine Annette Messager
Vit à Malakoff, France
Lieu de naissance : Berck, France
Romuald Hazoumè Nationalité française
Vit à Porto Novo, Bénin
Atelier à Paris
Lieu de naissance : Porto Novo, Bénin Myriam Mihindou
Nationalité béninoise Vit à Paris, France
Œuvre de commande pour l’exposition : Lieu de naissance : Libreville, Gabon
No Return, 2019 Nationalité française et gabonaise
Œuvres de commande pour l’exposition :
Trophée, 2020
Jean-Baptiste Jean-Joseph
Vit à Haïti
Lieu de naissance : Bainet, Haïti ORLAN
Nationalité haïtienne Vit à Paris, France
Lieu de naissance : Saint-Étienne, France
Nationalité française
Bertrand Lavier
Vit à Aignay-le-Duc, France
Lieu de naissance : Chatillon sur Seine, A.R Penck
France Né en 1939 à Dresde (Allemagne)
Nationalité française et mort en 2017 à Zürich (Suisse)
Peintre et sculpteur allemand

35
Les 34 artistes exposés

Nazanin Pouyandeh Pascale Marthine Tayou


Vit à Paris, France Vit à Gand, Belgique
Lieu de naissance : Téhéran, Iran Lieu de naissance : Nkongsamba,
Nationalité iranienne Cameroun
Nationalité camerounaise
Œuvre de commande pour l’exposition :
Chéri Samba Eséka, 2020
Vit à Kinshasa,
République Démocratique du Congo
Lieu de naissance : Kinto M’Vuila, Pathy Tshindele
République Démocratique du Congo Vit à Kinshasa,
Nationalité congolaise République Démocratique du Congo
Lieu de naissance : Kinshasa, République
Démocratique du Congo
Sarkis Nationalité congolaise
Vit à Paris, France
Lieu de naissance : Istanbul, Turquie
Nationalité française Françoise Vergier
Vit à Paris et Grignan (Drôme)
Lieu de naissance : Grignan, France
Franck Scurti Nationalité française
Vit à Paris, France
Lieu de naissance : Lyon, France
Nationalité française

36
Commissariat
Autour de l’exposition

COMMISSARIAT
Philippe Dagen est professeur d’histoire de l’art contemporain à l’université Paris I
Panthéon-Sorbonne et critique d’art pour le quotidien Le Monde. Ses travaux de
recherche portent sur la formation et le développement de la notion de « primitif »
et des primitivismes des avant-gardes dans la deuxième moitié du 19e siècle et la
première du 20e. Il a été, en 2013, le commissaire de l’exposition Charles Ratton et
l’invention des arts «primitifs » au musée du quai Branly – Jacques Chirac.

AUTOUR DE L’EXPOSITION
/ Playlist Ex Africa
Musée
réalisée par l’ethnomusicologue Renaud Brizard en lien avec la thématique de
A.R.
Penck
du quai Leonce Raphael
Branly – Agbodjelou

Jacques Jean-Michel

l’exposition. Diffusée sur le compte Deezer du musée à partir du 5 février.


Alberola
Chirac Alun
Be

Kader
Attia

/ Audioguide (français et anglais)


Steve
Bandoma

Jean-Michel
Basquiat

James

/ Visite guidée (à partir de 12 ans / durée 1h30)


Brown

Seyni Awa
Camara

Jake et Dinos
Chapman

/ Catalogue 256 pages, 42 euros


Chéri
Samba

Antoni
Clavé

Calixte

Coédition : musée du quai Branly – Jacques Chirac / Gallimard


Dakpogan

Hervé

Ex
Di Rosa

Kifouli
Dossou

/ Nocturne éphémère Pop-up


John

Afri
Edmonds

Gloria

ca
Friedmann

le jeudi 15 avril 2021 de 19h à 22h


David
Hammons

Romuald
Hazoumè

Bertrand

/ Soirée événementielle BEFORE


Lavier

Jean-Jacques
Lebel

Gonçalo
Mabunda

le vendredi 11 juin 2021 de 19h à minuit


Emo
de Medeiros

Théo
Mercier

Annette
Messager

Myriam
Mihindou

ORLAN

Nazanin
Pouyandeh

Sarkis

Franck
Scurti

Pascale Marthine
Tayou

Pathy
Tshindele

Françoise
Gallimard Gallimard Vergier

© musée du quai Branly – Jacques Chirac /


Gallimard, création graphique Wijntje van
Rooijen & Pierre Péronnet

37
Partenaires et mécènes

PARTENAIRES

MÉCÈNES
Avec le soutien de Les interprétations tactiles de l’exposition
ont été réalisées grâce au mécénat de

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Informations pratiques

INFORMATIONS PRATIQUES
Exposition du 9 février au 27 juin 2021
Galerie Jardin
Visuels disponibles pour la presse : accès fourni sur demande
Suivez l’actualité du musée

www.quaibranly.fr
#ExAfrica

37, quai Branly 75007, Paris


218, rue de l’Université 75007, Paris
Métro : ligne 9 - station Alma-Marceau (traverser le Pont de l’Alma).
RER C : station « Pont de l’Alma ».
Bus : 42-63-72-80-92
Navette fluviale : arrêt tour Eiffel (Batobus, Bateaux Parisiens, Vedettes de Paris).
En voiture : parking payant accessible depuis le 25 quai Branly.

Horaires du musée
Du mardi au dimanche de 10h30 à 19h.
Les nocturnes sont suspendues jusqu’à nouvel ordre.
Fermeture le lundi des petites vacances scolaires

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Contacts presse

CONTACTS PRESSE
Claudine Colin Communication
Christine Cuny
christine@claudinecolin.com
Alexis Gregorat
alexis@claudinecolin.com
www.claudinecolin.com
T. +33 1 42 72 60 01

musée du quai Branly – Jacques Chirac


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Directeur de la communication
Lucie Cazassus
Adjointe au Directeur de la communication
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