Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Galerie Jardin
EX AFRICA
Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui
9 février
— 27 juin 2021
SOMMAIRE
4 Editorial d’Emmanuel Kasarhérou
6 Communiqué de presse
8 Cinq questions à Philippe Dagen, commissaire de l’exposition
11 Parcours de l’exposition
Préambule
Pop
Métamorphoses
Activations
Conclusion
28 Focus sur les espaces personnels
Kader Attia
Romuald Hazoumè
Myriam Mihindou
Pascale Marthine Tayou
34 Les 34 artistes de l’exposition
37 Commissariat / Autour de l’exposition
38 Partenaires / Mécènes
39 Informations pratiques
40 Contacts presse
3
Éditorial
ÉDITORIAL
Évoquant dans ces pages l’exposition Kongo across the Waters, à laquelle il prit part
aux États-Unis en 2015, Steve Bandoma note qu’elle fut pour lui une « exposition
interpellatrice ». L’artiste congolais signifie ici que son regard, sa pratique de
travail, son jugement même ont été profondément questionnés, et renouvelés,
par sa confrontation aux héritages artistiques de la culture Kongo. Il est tentant de
reprendre l’image à notre compte pour dire les opérations de première importance
que l’exposition Ex Africa. Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui recèle et
accomplit.
Interpellatrice, l’exposition l’est pour le public, à qui est offerte pour la première
© musée du quai Branly – Jacques Chirac,
fois l’opportunité d’embrasser d’un œil vaste et articulé la présence de l’art
photo Thibaut Chapotot africain – ses gestes, ses systèmes formels, ses matériaux, ses thèmes – dans la
création d’aujourd’hui. Du travail de Myriam Mihindou à celui d’Annette Messager,
des réalisations de Calixte Dakpogan à celles de Chéri Samba, c’est un champ de
perceptions nouvelles, un canon esthétique élargi qui s’ouvre au visiteur, dans un
dialogue permanent du passé et du présent, du classique et du neuf. Tableaux,
statuaire, photographies, installations : le public est invité à recevoir en chaque
œuvre l’affirmation d’un sujet souverain, celui d’un art africain ne répondant que
de lui-même et valant indépendamment des mérites que lui reconnaissent les
systèmes de légitimation dominants – occidentaux et marchands pour l’essentiel.
4
Éditorial
À l’heure où le musée entend ouvrir plus largement ses espaces et ses collections
au regard des artistes contemporains, africains en premier lieu, Ex Africa. Présences
africaines dans l’art d’aujourd’hui exerce un puissant rôle catalyseur.
Cela est heureux. Le commissaire de l’exposition, Philippe Dagen, en concevra
d’autant plus nettement la sincérité et la profondeur de nos remerciements.
Le travail qu’il a accompli, la confiance et l’estime dont il a tissé sa relation avec
les artistes appellent notre plus franche reconnaissance. J’aimerais saluer d’un
même enthousiasme le professeur Souleymane Bachir Diagne : le texte qu’il a
livré pour le catalogue est remarquable de hauteur et de clarté.
Mes remerciements vont naturellement aux artistes qui ont bien voulu associer
leurs travaux, leurs réflexions, et pour certains la création d’œuvres, à Ex Africa.
Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui. Je tiens également à remercier
l’ensemble des musées, institutions culturelles, galeries, particuliers qui se sont
engagés à nos côtés et ont consenti des prêts généreux. Je songe notamment au
Centre Pompidou, au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, à la Collection
Pinault ou encore à la Tate de Londres. Sans ces différents appuis, l’exposition
n’aurait pu honorer ses ambitions, celle en premier lieu de faire bouger les lignes et
les coordonnées de l’art contemporain. La carte du monde en sera-t-elle renversée
pour autant, comme dans le tableau de Chéri Samba par lequel se clôt l’exposition ?
Qu’importe au fond dès lors qu’y figure en son centre le visage de l’art africain.
Emmanuel Kasarhérou
Président
musée du quai Branly – Jacques Chirac
5
Communiqué
de presse
EX AFRICA
Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui
6
Communiqué
de presse
Ces sujets actuels investissent des formes venues du passé, fortes de significations
nouvelles. Ainsi se vérifie l’hypothèse première : les arts anciens d’Afrique, loin
d’être morts et enfermés dans l’histoire du « primitivisme », sont à nouveau actifs
quand ils en sont libérés. L’abondance et la diversité des œuvres qui, durant ces
Mempo 1, Emo de Medeiros © Courtesy Emo
de Medeiros © musée du quai Branly – Jacques
quatre décennies, se sont saisies de références africaines sont les meilleures preuves
Chirac, photo Pauline Guyon de l’importance du sujet.
*Philippe Dagen dans Ex Africa. Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui, 2020, coédition musée
du quai Branly – Jacques Chirac / Gallimard.
7
Cinq questions à Philippe Dagen,
commissaire de l’exposition
8
Cinq questions à Philippe Dagen,
commissaire de l’exposition
En quoi le regard porté sur les arts anciens d’Afrique s’est-il transformé et
quel est le rôle des musées dans la construction de ce récit ?
Une évolution est en cours, mais elle n’est pas achevée. Le côté « curiosité »,
« exotisme », « pittoresque » - c’est-à-dire au fonds colonial et condescendant -
commence à se dissiper et les objets sont plus fréquemment considérés dans leurs
significations religieuses, sociales et politiques propres. Du moins en est-il ainsi
chaque fois que la présentation muséographique y invite, mais ce n’est pas le cas
dans tous les musées du monde - il s’en faut même de beaucoup. Il suffit de voir
combien la question des restitutions suscite de réactions et de controverses pour
mesurer le chemin encore à parcourir dans cette direction.
9
Sans titre, Nazanin Pouyandeh © Courtesy Nazanin Pouyandeh
10
Parcours de l’exposition
PARCOURS DE L’EXPOSITION
Préambule : Primitifs, Primitivismes
1e section : Pop
The Chapman Family Collection
2e section : Métamorphoses
Têtes d’expression
Rotonde des masques
Fétiches
3e section : Activations
Conclusion
Préambule
Primitifs, Primitivismes
Au cours de la deuxième moitié du 19e siècle naît et se répand en Europe la notion
de « primitif ». Elle réunit les peuples alors dits « sauvages », les fous, les enfants,
les hommes de la préhistoire et ceux qui vivent loin des villes. Par leurs idées, leurs
croyances, leurs mœurs et leurs arts, tous se distinguent de l’homme occidental
moderne, celui des révolutions scientifiques et industrielles.
« Primitif » signifie alors pour le plus grand nombre « grossier » et « risible ».
Mais, pour des artistes, tels Gauguin ou Kandinsky, et des écrivains, tels Lawrence
ou Hesse, qui ont en commun la détestation de ce monde nouveau, de son
matérialisme et de son culte du progrès, ces « primitifs » sont, à l’inverse, les seuls
qui échappent encore à son emprise.
Leur « primitivisme », c’est-à-dire leur prédilection pour les cultures « primitives »,
est l’expression d’un refus simultanément politique, moral et artistique. Il en est
de même des « primitivismes » qui se manifestent, de façon souvent violente ou
satirique, dans les mouvements Dada et surréaliste, chez Tzara et Arp, Breton et
Miró, Leiris et Giacometti. Leurs œuvres sont portées par leur désir de révolution et
leur refus des régimes totalitaires autant que du colonialisme et du racisme. Quand
Basquiat dénonce la condition des afro-américains aux États-Unis, quand Penck en
appelle à renouer avec ce qui reste de la nature, ils sont les derniers artistes de ce
primitivisme fondamentalement protestataire.
11
Parcours de l’exposition
« J’ai peint ce tableau, Hommage aux anciens créateurs, qui m’a fait beaucoup
réfléchir. Quand j’ai entendu dire dans les écoles d’art qu’il y avait eu autrefois des gens
qui maîtrisaient le bois ou l’argile et qui en avaient fait des œuvres, je me suis aperçu
qu’ils étaient méconnus. J’ai moi-même travaillé l’argile et le bois et j’ai vu que ce qui
était facile pour moi c’était la peinture. Aussi me suis-je dit : pourquoi ne pas penser
aux difficultés de ces gens-là ? J’ai pensé qu’il fallait que j’essaie de faire un peu plus
pour eux. S’ils n’avaient pas réussi à sortir de l’ombre, peut-être que moi je pouvais
faire en sorte qu’ils soient reconnus, parce qu’eux n’avaient pas eu la possibilité
d’accéder à cette compréhension dont nous bénéficions, nous, ceux de ma génération. »
Chéri Samba dans Ex Africa. Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui, 2020,
coédition musée du quai Branly – Jacques Chirac / Gallimard.
12
Parcours de l’exposition
1e section : Pop
Au début des années 60, le pop art - Andy Warhol aux États-Unis ou Martial Raysse
en France - se saisit des chefs-d’œuvre de la peinture européenne, de la Renaissance
à Matisse, et montre comment ceux-ci appartiennent désormais à la culture
commune et sont au service du tourisme, de la publicité et du divertissement.
Célébrés, muséifiés et reproduits, ils deviennent des objets de consommation
courante, aux dépens de leur signification originale. Le même processus s’empare
des arts d’Afrique quelques décennies plus tard et demeure actif aujourd’hui.
Quelques-uns de ces procédés sont ici mis à nu, parfois cruellement.
Prolifération et banalisation des copies : David Hammons et Théo Mercier s’en
servent comme d’objets voués au commerce et à la destruction. Métamorphoses
matérielles incongrues : Bertrand Lavier et Franck Scurti les précipitent dans le métal
ou le plastique. Hybridations de cultures inconciliables : Hervé Di Rosa fait exécuter
au Cameroun des bas-reliefs qui associent bande dessinée de science-fiction et style
Bamoun. Mises en scènes muséales effaçant les spécificités des cultures : Sarkis et
Jean-Michel Alberola. Selon des modes différents, ces œuvres montrent comment,
en rejoignant le musée universel, les arts africains sont le plus souvent réduits à
quelques effets plastiques immédiatement identifiables.
Masque Kongo, 2008, Bertrand Lavier White Memories, 2006, Franck Scurti
© musée du quai Branly – Jacques Chirac, © musée du quai Branly – Jacques Chirac,
photo Pauline Guyon / © ADAGP, Paris 2021 photo Pauline Guyon / © ADAGP, Paris, 2021
13
Parcours de l’exposition
Depuis 2015, Théo Mercier s’intéresse aux masques africains « bon marché »
destinés à la décoration des intérieurs européens. « L’import/export de ces
« antiquités contemporaines » africaines raconte une histoire complexe
d’expropriation, d’appropriation et de fantasmes de l’art africain en Europe »,
en dit-il.
L’oeuvre Sans titre (2020) présente un tas de ces masques vermoulus ou brisés durant
leur voyage entre l’Afrique et la France. « J’ai récupéré ces masques anonymes blessés
devenus invendables auprès de revendeurs en région parisienne. Rassemblés en vrac ils
présentent de manière crûment analogique l’immigration rejetée des masques et des
hommes en Europe. »
The Chapman Family Collection restauration Mc Donald : son clown Ronald, ses
Cette installation des frères britanniques Jake produits, ses logos etc. On y relève aussi des
et Dinos Chapman réunit 34 sculptures de bois allusions à Brancusi et au surréalisme. Ainsi les
polychromes. arts anciens africains et l’art moderne sont-ils
Elle serait une collection familiale rassemblée devenus des produits de consommation
dans des régions nommées Camgib, Seirf et courante, comme les hamburgers. Sous couvert
Ekoc au temps de la colonisation britannique et de pastiche et de parodie, cette installation
présentée sur le mode habituel des musées révèle la réalité des industries dites culturelles
d’ethnographie. En vérité, ces sculptures sont et rappelle brutalement que l’art africain
des variations exécutées dans différents styles lui-même n’est pas épargné par ce processus
africains à partir des symboles de la firme de global de désacralisation et commercialisation.
14
Parcours de l’exposition
La contre-attaque Bamoun, 2004, Hervé Di Rosa © Hervé Di Rosa / © ADAGP, Paris, 2021
15
Parcours de l’exposition
2e section : Métamorphoses
Le deuxième temps de l’exposition se définit contre la réification pop des arts
africains constatée dans la section précédente. Il s’agit de montrer désormais
comment ces arts, loin de n’être plus que les vestiges morts d’un passé révolu
et des signes culturels muets, prennent depuis un quart de siècle une part active,
souvent déterminante, dans l’apparition de nouveaux langages plastiques.
Que les artistes soient d’origine familiale africaine, proche ou lointaine, ou ne le
soient pas, le mouvement est le même : des formes que l’on croyait définitivement
figées reprennent vie. Elles quittent le bois des sculptures et des masques anciens
pour se manifester selon des techniques et dans des matériaux très variés :
photographies en noir et blanc et en couleurs, terres cuites polychromes, collages
et assemblages à partir d’images et d’objets trouvés. Elles peuvent aussi bien
réapparaître sur la toile ou le papier du peintre qu’équipées de puces électroniques.
Leur présence est alternativement explicite ou moins visible, selon les
métamorphoses qui s’opèrent et selon les significations qui les habitent. Aussi ne
s’agit-il pas de pastiches mais de mutations dynamiques, ces formes se révèlent
comme les plus actives et inventives d’un art actuel souvent incapable d’échapper
à la production d’artefacts qui ne sont que spectaculaires.
Têtes d’expression
Quand il fut introduit dans l’enseignement des beaux-arts en France au 18e siècle,
l’exercice de la « tête d’expression » avait pour but d’inciter les artistes à développer
l’analyse des signes visibles des émotions et des passions sur le visage humain.
On reprend ici cette notion, qui peut sembler désuète, pour marquer combien sont
expressives et efficaces les stylisations du visage que les arts africains ont inventées.
Disproportions, géométrisations, amplifications, simplifications : autant de moyens
pour rendre mieux perceptibles un état psychique et son intensité sans se laisser
contraindre par l’imitation de type réaliste. Cette puissance de suggestion, que
Picasso a perçu dès le temps du cubisme comme le rappellent Annette Messager
et Léonce-Raphaël Agbodjelou, se manifeste, de manières très différentes, dans les
Self Hybridizations d’ORLAN et dans les sculptures fantastiques et symboliques de
Gloria Friedmann et de Françoise Vergier.
16
Parcours de l’exposition
African Self-Hybridizations, 2003, ORLAN © ADAGP, Paris, 2021 Série des Demoiselles de Porto-Novo, Leonce Raphael Agbodjelou
Courtesy of Jack Bell Gallery, © Léonce Raphael Agbodjelou
17
Parcours de l’exposition
18
Parcours de l’exposition
On the the Breaking Bad’s wallpaper between the Cry and the Masks, 2014, Sarkis © ADAGP, Paris 2021
19
Parcours de l’exposition
Fétiches
Au temps de la colonisation et dans les débuts de l’anthropologie, le mot fétiche
a servi de manière péjorative pour désigner ce que l’on se refusait par mépris à
nommer statues. Le fétiche n’était pas plus digne d’être une sculpture que le
fétichisme ne l’était d’être considéré comme une religion au même titre que les
monothéismes. Emo de Medeiros reprend le mot en toute connaissance de cause,
mais dans une version actualisée par le numérique qui invite à une offrande
dématérialisée. Autre mot du vocabulaire ethnologique, le totem réapparaît avec
Annette Messager, à l’état de collants étirés sur le mur pour dessiner des figures
explicitement sexuées et quelquefois cornues.
20
Parcours de l’exposition
21
Parcours de l’exposition
3e section : Activations
Le troisième et dernier moment de la réflexion est consacré au processus que l’on
nomme « activation » et qui est le contraire de la citation. Il y a activation quand un
langage plastique nouveau se saisit en totale liberté des formes proposées par les
arts anciens et les emploie dans des dispositifs dont ils sont les forces agissantes et
signifiantes. Présentes de façon littérale ou allusive, les formes identifiées comme
africaines sont dès lors investies de sens nouveaux qui sont directement aux prises
avec l’état présent du monde. Débarrassées des lieux communs historico-artistiques
ou ethnographiques dans lesquels elles ont été si longtemps enfermées par les
commentaires, elles prennent la parole en leur nom propre pour prendre position sur
des questions politiques, sociales ou religieuses. Aussi était-il nécessaire que figure
dans cette section l’un des triptyques qu’Agbodjelou a consacré au Code noir,
c’est-à-dire à la mémoire de la traite négrière et de l’esclavage : car c’est naturellement
que s’impose le parallèle entre l’asservissement des populations razziées et
l’asservissement de leurs cultures. Aussi était-il aussi logique que soit proposé à
des artistes d’aujourd’hui - Myriam Mihindou, Kader Attia, Romuald Hazoumè,
Pascale Marthine Tayou - de concevoir pour Ex Africa des œuvres nouvelles de
grande ampleur. Ainsi l’exposition participe-t-elle à sa façon à la création et aux
interrogations les plus actuelles, sans esquiver les sujets difficiles.
Pour en savoir plus : page 27.
22
Parcours de l’exposition
La Corruption, 2012, Kifouli Dossou Sans titre, série “It’s My Kings”, 2012, Pathy Tshindele
© Courtesy galerie Vallois, Paris, photo Philippe Herbillot Courtesy de la galerie Magnin-A, Paris
Politique
Etant donnés le passé et le présent de l’Afrique, on ne sera pas surpris de l’abondance
et de la vigueur des œuvres politiques. Elles sont satiriques quand, en 2012,
Pathy Tshindele travestit les puissants de la planète en grands chefs traditionnels
armés de lames ou quand Kifouli Dossou reprend les principes de construction
du masque Gélédé pour tenir la chronique de la vie quotidienne béninoise, de la
corruption à l’alcoolisme. Elles sont nettement plus inquiétantes quand Gonçalo
Mabunda construit un trône avec les armes et les munitions de la guerre qui a ravagé
le Mozambique et quand Steve Bandoma assied dans un fauteuil présidentiel un
jeune roi coiffé d’un bonnet conique, signe jadis de la folie. Un nkisi planté de clous
est posé près de lui, instrument et source de son pouvoir sans doute.
23
Parcours de l’exposition
Alun Be est seul à proposer une vision plus apaisée. Edification est une suite de
scènes allégoriques dans lesquelles masques et statues sont là pour ce qu’ils
signifiaient initialement : des valeurs et des principes.
« Même quand j’insère les arts anciens d’Afrique dans mes oeuvres, j’ai toujours le
sentiment que c’est plutôt mon travail qui s’introduit dans la demeure du patrimoine
africain.
C’est un processus naturel, mon mental ne le perçoit qu’une fois que l’acte est posé.
Les arts anciens d’Afrique m’habitent, ils réveillent en moi les mystères encastrés dans
la matière. »
Alun Be dans Ex Africa. Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui, 2020,
coédition musée du quai Branly – Jacques Chirac / Gallimard.
24
Parcours de l’exposition
Religion
Les arts anciens d’Afrique étaient inséparables de cosmogonies et de mythologies,
de cultes et de sociétés secrètes. La colonisation, les conversions forcées au
christianisme ou à l’Islam et, depuis plusieurs décennies, l’occidentalisation massive
ont provoqué l’érosion puis l’oubli des mythologies et des rituels : ce phénomène
d’acculturation a été souvent décrit depuis le 19e siècle. En conclure que les formes
artistiques sont désormais définitivement sécularisées ou mortes n’en serait pas
moins péremptoire. Le religieux est susceptible de reprendre vie et autorité. Les
« drapeaux » de Jean-Joseph Jean-Baptiste, font apparaître des figures symboliques
du vaudou, dont l’artiste est prêtre à Haïti. Les Surtentures d’Emo de Medeiros s’y
réfèrent aussi, mais moins directement.
Sexualité
Nudité, disponibilité des corps, culte de la fécondité, exaltation de la sexualité :
on sait dans quels fantasmes, quelles obsessions et quelles imageries s’est complu
l’érotisme colonial et comment celui-ci a cultivé le stéréotype commode de la
femme africaine offerte au bon plaisir du maître. On aimerait pouvoir penser que
celui-ci a disparu, sans pouvoir en être sûr dès que l’on se souvient, par exemple,
de certaines campagnes publicitaires. Déjà présent dans les œuvres d’ORLAN,
Nazanin Pouyandeh, Jean-Jacques Lebel et Steve Bandoma, que l’on a vues précédem-
ment, ce sujet revient ici sur deux modes moins contradictoires qu’ils ne le
paraissent à première vue. L’un est celui du regard critique d’Annette Messager
quand elle associe une poupée Barbie peinte en noir et une figure féminine de style
Attye découpée par elle dans un matériau moderne. L’autre est celui de Seyni Awa
Camara, qui modèle et cuit des statues monumentales de corps nus, à la fois
féminins et masculins, chargés de symboles et de figures animales qui déroutent
l’interprétation.
25
Conclusion
Conclusion
Il appartient à Chéri Samba, présent dès la première salle, de conclure le parcours
d’Ex Africa. « J’aime la couleur » déclare un peintre qui tient entre ses dents un
pinceau dont tombent symboliquement plusieurs gouttes de couleurs différentes.
Mais ce peintre est lui-même une créature de peinture : il est fait d’une sorte de
ruban en spirale, qui laisse voir sa doublure et le ciel par derrière. Il tient donc du rêve
et du mythe, comme l’art lui-même dans un monde qui ne fait que de mauvais rêves
et met à mort les mythes. En ce sens J’aime la couleur est une peinture d’histoire.
La vraie carte du monde l’est plus explicitement encore. Elle a pour héros son auteur,
sous forme d’autoportrait. Il apparaît tel un héros bienveillant ou une divinité,
incrusté dans une mappemonde inversée. Les États-Unis et l’Europe y sont écrasés
contre le bord inférieur de la toile et semblent en train de fondre. Au-dessus se
dressent l’Amérique Latine, l’Asie du sud et l’Afrique. En 1929, les Surréalistes avaient
dessiné la « Carte surréaliste du monde » dont le centre était occupé par l’Océanie et
l’Alaska dans laquelle l’Europe était déjà réduite à une excroissance. Un peu moins
d’un siècle plus tard, c’est une nouvelle géographie et une nouvelle généalogie des
arts que Chéri Samba met en peinture. Elles rappellent avec toute la force nécessaire
quelle part ces régions du monde - et particulièrement l’Afrique - tiennent dans
l’histoire des civilisations.
26
Branch of life, Pascale Marthine Tayou © CLAIRE DORN/ © ADAGP, Paris, 2021
27
Focus
FOCUS
sur les espaces personnels de Kader Attia, Romuald Hazoumè,
Myriam Mihindou, Pascale Martine Tayou.
Kader Attia
Les Entrelacs de l’Objet, 2020
Vidéo et 23 objets (impressions 3D en nylon et copies en bois d’artefacts d’Afrique)
Installation réalisée pour l’exposition.
28
Focus
29
Focus
Romuald Hazoumè
No Return, 2019
Plastique (semelles de tongs), son
Installation commissionnée par le musée du quai Branly – Jacques Chirac
pour l’exposition.
30
Focus
31
Focus
Myriam Mihindou
Trophée, 2020
Métal, verre, tirages numériques, vidéo
Installation commissionnée par le musée du quai Branly – Jacques Chirac pour
l’exposition.
L’installation comprend :
/ une sculpture-dispositif composée d’un enchevêtrement de tiges filetées, fixée sur
une grille en fer forgée ;
/ une vidéo titrée Le miroir des lucioles ;
/ un ensemble de photographies (série N’abandonne pas les images, reprends-les là
où tu les as laissées…)
Pourquoi ce titre, Trophée ? Pourquoi avoir « chiné des clôtures et des barrières
surmontées d’une fleur de lys pour réaliser cette installation » ? « Parce que », répond
l’artiste, « durant des siècles, les monuments, la monnaie, les tissus, les tapisseries, les
sculptures, les statues, les objets d’art, la peinture étaient marqués du sceau du lys.
Durant la Révolution française, ce symbole a été profané, démantelé, vandalisé,
décapité, mutilé, incendié, détruit : l’épuration idéologique sacrifiait tout ce qui
évoquait la royauté. Cette histoire ancienne trouve un écho aujourd’hui. En 2018 la
restitution de l’héritage culturel de l’Afrique fait débat. Le mot restitution sous-entend
la conscience de sa propre identité. Toutes les sociétés passent par des récits de
destruction, de restauration et de construction. Toutes ont leur pratique de pouvoir et
de magie. Il convient donc de comprendre le sens des objets de mémoire, trop souvent
sublimés jusqu’à l’idolâtrie ou effacés. Reprenons le rêve là où nous l’avons laissé. »
32
Focus
Eséka est une ville au centre du Cameroun, dans une région montagneuse et
forestière, à mi-chemin entre Douala et Yaoundé. Le 21 octobre 2016, en gare
d’Eséka, une catastrophe ferroviaire cause la mort de plus de 80 personnes et fait
des centaines de blessés. Peu de temps après se répand la nouvelle que de l’or a été
découvert dans la région, suscitant l’arrivée de nombreux prospecteurs et le
développement très rapide de commerces et de services. Plusieurs gisements sont
identifiés et exploités de façon artisanale. Dans cette histoire prise entre une
catastrophe, un miracle et la métamorphose brutale de la ville, Pascale Marthine
Tayou a reconnu une allégorie exemplaire du présent de l’Afrique. Il la développe
dans une installation où apparaissent ses « poupées Marthine » de verre, prises dans
un dispositif où tout fait sens, de l’architecture en tiges de bambou aux lampes
suspendues et au tapis de feuilles mortes.
33
Les 34 artistes exposés
34
Les 34 artistes exposés
Gloria Friedmann
Vit à Aignay-le-Duc, France Théo Mercier
Lieu de naissance : Kronach, Allemagne Vit à Paris et Mexico
Nationalité allemande Lieu de naissance : Paris, France
Nationalité française
Œuvres pour l’exposition : Installation
David Hammons au sol, 2020 et No Return, 2019
Vit à New York, États-Unis
Lieu de naissance : Springfield, Illinois
Nationalité américaine Annette Messager
Vit à Malakoff, France
Lieu de naissance : Berck, France
Romuald Hazoumè Nationalité française
Vit à Porto Novo, Bénin
Atelier à Paris
Lieu de naissance : Porto Novo, Bénin Myriam Mihindou
Nationalité béninoise Vit à Paris, France
Œuvre de commande pour l’exposition : Lieu de naissance : Libreville, Gabon
No Return, 2019 Nationalité française et gabonaise
Œuvres de commande pour l’exposition :
Trophée, 2020
Jean-Baptiste Jean-Joseph
Vit à Haïti
Lieu de naissance : Bainet, Haïti ORLAN
Nationalité haïtienne Vit à Paris, France
Lieu de naissance : Saint-Étienne, France
Nationalité française
Bertrand Lavier
Vit à Aignay-le-Duc, France
Lieu de naissance : Chatillon sur Seine, A.R Penck
France Né en 1939 à Dresde (Allemagne)
Nationalité française et mort en 2017 à Zürich (Suisse)
Peintre et sculpteur allemand
35
Les 34 artistes exposés
36
Commissariat
Autour de l’exposition
COMMISSARIAT
Philippe Dagen est professeur d’histoire de l’art contemporain à l’université Paris I
Panthéon-Sorbonne et critique d’art pour le quotidien Le Monde. Ses travaux de
recherche portent sur la formation et le développement de la notion de « primitif »
et des primitivismes des avant-gardes dans la deuxième moitié du 19e siècle et la
première du 20e. Il a été, en 2013, le commissaire de l’exposition Charles Ratton et
l’invention des arts «primitifs » au musée du quai Branly – Jacques Chirac.
AUTOUR DE L’EXPOSITION
/ Playlist Ex Africa
Musée
réalisée par l’ethnomusicologue Renaud Brizard en lien avec la thématique de
A.R.
Penck
du quai Leonce Raphael
Branly – Agbodjelou
Jacques Jean-Michel
Kader
Attia
Jean-Michel
Basquiat
James
Seyni Awa
Camara
Jake et Dinos
Chapman
Antoni
Clavé
Calixte
Hervé
Ex
Di Rosa
Kifouli
Dossou
Afri
Edmonds
Gloria
ca
Friedmann
Romuald
Hazoumè
Bertrand
Jean-Jacques
Lebel
Gonçalo
Mabunda
Théo
Mercier
Annette
Messager
Myriam
Mihindou
ORLAN
Nazanin
Pouyandeh
Sarkis
Franck
Scurti
Pascale Marthine
Tayou
Pathy
Tshindele
Françoise
Gallimard Gallimard Vergier
37
Partenaires et mécènes
PARTENAIRES
MÉCÈNES
Avec le soutien de Les interprétations tactiles de l’exposition
ont été réalisées grâce au mécénat de
38
Informations pratiques
INFORMATIONS PRATIQUES
Exposition du 9 février au 27 juin 2021
Galerie Jardin
Visuels disponibles pour la presse : accès fourni sur demande
Suivez l’actualité du musée
www.quaibranly.fr
#ExAfrica
Horaires du musée
Du mardi au dimanche de 10h30 à 19h.
Les nocturnes sont suspendues jusqu’à nouvel ordre.
Fermeture le lundi des petites vacances scolaires
39
Contacts presse
CONTACTS PRESSE
Claudine Colin Communication
Christine Cuny
christine@claudinecolin.com
Alexis Gregorat
alexis@claudinecolin.com
www.claudinecolin.com
T. +33 1 42 72 60 01
Direction de la communication
Thomas Aillagon
Directeur de la communication
Lucie Cazassus
Adjointe au Directeur de la communication
Responsable des relations médias
lucie.cazassus@quaibranly.fr
Serena Nisti
Chargée des relations médias
serena.nisti@quaibranly.fr
40