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Le plaisir fé
> Orgasmes multiples, point G, éjaculations féminines,
excitation vaginale ou clitoridienne: la sexualité
des femmes est beaucoup plus riche et variée que
celle des hommes. Explications du nouveau responsable
de la Consultation de gynécologie psychosomatique
et sexologie, Francesco Bianchi-Demicheli
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féminin
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un orgasme
«Il n’y a pas
supérieur à l’autre»
La Consultation de gynécologie psychosomatique et sexologie à Genève a un nou-
veau chef en la personne du docteur Francesco Bianchi-Demicheli. Sa spécialité:
la sexualité féminine. L’occasion de faire le point sur un sujet controversé
La sexualité féminine a souffert durant l’éjaculation féminine (lire les encadrés Francesco Bianchi-Demicheli. On peut
des millénaires d’une oppression sans ci-contre), il existe des différences très admettre, bien que cela soit discutable, que
pitié. Aujourd’hui, elle se libère de son importantes non seulement entre les l’homme ait un désir sexuel capable de
carcan et, au lieu du néant ou du diable, femmes, mais aussi selon le moment, la s’éveiller à tout moment. Chez la femme, cela
les sexologues y découvrent une situation et l’âge considérés. Certaines se passe autrement. Elle a davantage besoin
richesse et une diversité surprenantes, ont expérimenté des orgasmes mul- d’intimité, d’un bien-être avec son parte-
obligeant la notion de «normalité» à tiples et d’autres jamais. Mais, à l’occa- naire pour faire naître le désir. Il lui faut un
devenir très élastique. Signe de l’intérêt sion d’un changement de partenaire, climat sentimental particulier. De plus, une
que suscite le sujet, le nombre de contro- par exemple, une femme peut subite- femme sera nettement plus disposée à avoir
verses scientifiques entourant l’excita- ment devenir multi-orgasmique sans un autre rapport avec un homme si elle a été
tion et l’orgasme féminin est important. l’avoir jamais été auparavant. satisfaite, non seulement pendant l’acte,
Fraîchement arrivé à la tête de la «Certains chercheurs ont tenté de modéliser mais aussi après, c’est-à-dire au cours de ce
Consultation de gynécologie psychoso- les différences qui existent dans la sexualité moment de tendresse qui suit les ébats
matique et sexologie à Genève, le doc- des hommes et des femmes, poursuit amoureux. Curieusement, c’est aussi le
teur Francesco Bianchi-
Demicheli fait le point en
regard des dernières connais-
sances scientifiques. L’occasion
également de trier le bon grain
de l’ivraie face à l’avalanche Les orgasmes multiples des femmes multi-orgasmiques qui
d’informations plus ou moins > Les études indiquent que 17% s’ignorent: celles qui n’ont pas encore
fausses déversées chaque jour des femmes peuvent ressentir plusieurs exploré leur sexualité jusqu’au bout ou
14 sur le sujet par la presse fémi- orgasmes de suite, sans pause. qui n’ont peut-être pas encore rencontré
nine. Contrairement à l’homme qui, dans la très le partenaire susceptible de leur apporter
«On a accepté le fait que la femme grande majorité des cas, passe, après ce genre de sensations. Il existe d’ailleurs
ressente un plaisir sexuel compa- la jouissance, par une période réfractaire des femmes qui sont passées de l’état
plus ou moins longue (de quelques anorgasmique à multi-orgasmique uni-
rable à celui de l’homme que très
secondes jusqu’à plusieurs jours, selon quement en changeant de partenaire.
récemment, explique Francesco
l’âge et le degré d’excitation), les femmes
Bianchi-Demicheli. Toutefois, si le
peuvent être multi-orgasmiques. Clitoridienne ou vaginale?
plaisir est comparable, la sexualité Certaines, assez rares, peuvent atteindre
féminine reste beaucoup plus com- > Sigmund Freud prétendait qu’une
le climax plus d’une trentaine de fois femme n’était pas mûre tant qu’elle
plexe.» par jour. n’avait pas de plaisir vaginal. Aujourd’hui
Les controverses scientifiques > La proportion de 17% est toutefois discu- encore, il existe certaines écoles de pensée
sont là pour le montrer. Que ce table, puisqu’elle ne comprend que les qui prétendent la même chose. Pour
soit pour le légendaire point G, femmes ayant effectivement vécu une Francesco Bianchi-Demicheli, il s’agit de
l’excitation clitoridienne ou telle expérience. Selon Francesco Bianchi- revoir cette vision en tenant compte des
vaginale, la multiplicité des Demicheli, ce chiffre pourrait atteindre connaissances scientifiques actuelles.
orgasmes et même pour le phé- 40%, à l’appui de résultats de certaines Ces dernières indiquent que la différence
nomène rare et spectaculaire de études cliniques, si l’on tient compte entre l’orgasme clitoridien et vaginal n’a
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moment où beaucoup d’hommes choisissent ment. Son désir pour un nouveau rapport incomparables, etc. Pour lui, il n’existe
de partir. De fuir comme des voleurs, comme sexuel se nourrit de ces instants.» pas de hiérarchie dans les orgasmes,
le disent beaucoup de mes patientes. Peu de Concernant l’acte sexuel lui-même, le l’un n’est pas supérieur à l’autre. Et le
sexologues s’intéressent à ce qui se passe sexologue genevois s’élève contre toutes fait que celui-ci soit vaginal ou clitori-
après le coït. Pourtant, c’est un moment où les «recettes» et autres «trucs» vendus dien n’a rien à voir avec la maturité de
la femme se ressource tout en faisant une lec- par la presse féminine pour atteindre le la femme, contrairement à ce que la psy-
ture cognitive et émotionnelle de l’événe- «septième ciel», de vivre des orgasmes chanalyse a laissé entendre à ses débuts.
De même, expérimenter des orgasmes
multiples n’est pas forcément plus satis-
faisant que de se contenter d’un seul.
Tous les types de jouissance se valent.
La satisfaction d’une femme ne se
mesure d’ailleurs pas au nombre d’or-
gasmes qu’elle peut vivre. «On confond
souvent la satisfaction globale que l’on retire
d’une relation avec ce que peut être le plaisir
de l’orgasme, note Francesco Bianchi-
Demicheli. Evidemment, l’idéal serait
d’être amoureux et d’avoir un plaisir phy-
sique avec la même personne. Cela existe.
Mais il est tout aussi possible qu’une femme
puisse jouir plusieurs fois sans être satisfaite
dans sa relation. Ou, au contraire, n’avoir
jamais d’orgasmes et être heureuse avec son
partenaire. On le voit, la palette des com-
portements est très large. Il est d’ailleurs dif-
ficile de définir une normalité à partir de
laquelle on peut reconnaître des pathologies.
A mes yeux, tant qu’il n’y a pas de souf-
france, il n’y a pas de pathologie.» ■
rien à voir avec la maturité ou un quel- On retrouve en effet chez certaines varier selon le partenaire sexuel ou l’état
conque degré de féminité. Du point femmes des résidus des cellules embryon- d’esprit. Mais si toutes les conditions sont
de vue de la réponse du cerveau, qui est naires prostatiques – un vestige de prosta- remplies, les femmes semblent alors
le siège du plaisir et des sensations, rien te pourrait-on dire – autour de l’urètre ressentir des sensations beaucoup
ne distingue les deux types d’orgasmes. à peu près à la même hauteur que plus intenses dans la région du point G. 15
> S’il existe des femmes plutôt «clitori- le point G. Leur quantité varie d’une
femme à l’autre. Quelques études ont
diennes» ou plutôt «vaginales», c’est
découvert une plus grande concentration
Ejaculations féminines
certainement dû au développement tout > Certaines femmes voient leurs
au long de la vie de réseaux neuronaux de fibres nerveuses à cet endroit, d’autres
orgasmes accompagnés d’éjaculations
sous l’action de stimuli plutôt que n’ont rien trouvé.
de liquide. Et ce en des quantités parfois
d’autres. Certains de ces réseaux sont > Les choses sont nettement plus claires beaucoup plus importantes que chez
d’ailleurs déjà présents à la naissance du point de vue clinique. La littérature un homme. A tel point que les femmes
pour des raisons autres que sexuelles. scientifique abonde en témoignages sur concernées en éprouvent souvent de
le sujet. Seulement, toutes les femmes la honte. Elles pensent être incontinentes.
Le point G n’y sont sensibles, et celles qui le sont Il est vrai que le liquide est éjecté par
> La controverse se poursuit aujourd’hui ne le sont pas toujours. En d’autres l’urètre (et non par le vagin), mais il est
sur l’existence du point G (décrit pour termes, ce n’est pas un bouton que l’on différent de l’urine dans sa composition.
la première fois par le médecin allemand presse et qui s’active de façon automa- De même, il se distingue du liquide
Ernest Grafenberg en 1953). Du point de tique. La condition préalable pour qu’il secrété durant l’excitation. La question
vue anatomique, il serait localisé quelque fonctionne est que la femme soit déjà en demeure donc ouverte.
part dans le tiers inférieur du vagin. état d’excitation. Ce facteur peut aussi
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«S i l’on veut en savoir davantage sur le l’autre ou selon le moment et l’humeur, femmes atteignant l’orgasme par la
plaisir sexuel féminin, il faut concentrer la explique-t-il. Les sexologues ont eu trop seule pensée (autosuggestion d’images
recherche sur le cerveau.» Pour Francesco tendance à ne s’intéresser qu’à la périphérie érotiques) sans aucune stimulation phy-
Bianchi-Demicheli, responsable de la (point G, orgasme clitoridien ou vaginal…) sique. Les chercheurs ont également
Consultation de gynécologie psychoso- en oubliant que la sexualité est en réalité observé que les caractéristiques de ces
matique et sexologie à Genève, cela ne gérée par le cerveau.» orgasmes (augmentation de la pression
fait aucun doute: c’est dans le système De plus en plus d’études tendent à ren- sanguine, du rythme cardiaque et du
nerveux central que se trouvent les clés forcer cette vision. L’une des plus spec- diamètre de la pupille) sont compa-
de la compréhension de l’orgasme fémi- taculaires a été publiée dans la revue rables à celles des orgasmes provoqués
nin. «C’est pour cela que l’on observe autant Archives of Sexual Behaviour du mois par la masturbation. «Sur la base de ces
de différences chez les femmes, que les d’avril 1992. Beverly Whipple, de résultats, nous affirmons que la stimula-
mêmes stimulations peuvent engendrer des l’Université du New Jersey, et ses col- tion physique des parties génitales n’est à
réponses très variables d’une personne à lègues y présentent l’exemple de l’évidence pas nécessaire pour reproduire un
Le cerveau, organe
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Un homme spécialiste
état correspondant à celui d’un orgasme et de l’orgasme féminin?
qu’il est justifié de redéfinir la nature de
celui-ci», concluent-ils. Dans la même Francesco Bianchi-Demicheli, responsable de la pas parler de sexualité
veine, une étude plus ancienne, menée Consultation de gynécologie psychosomatique et féminine. Je suis chercheur
en 1976, rapporte des cas d’orgasmes sexologie, s’est spécialisé dans la sexualité fémini- et clinicien et cela fait des
nocturnes. ne. Il est souvent questionné sur sa légitimité, en années que je m’occupe
Toutefois, en majorité, le plaisir sexuel tant qu’homme, à s’exprimer sur ce sujet. Voici sa exclusivement des
réponse: «Il existe des hommes qui ne compren- femmes. Je m’y intéresse
est induit par stimulation physique.
nent pas la sexualité féminine. Mais il y en a et je possède une longue
Mais même dans ce cas, on sait que les d’autres qui la comprennent bien. De même, il expérience dans ce domai-
zones érogènes ne se limitent pas aux existe des femmes qui n’y entendent que peu sur ne. Je peux donc fournir
parties génitales. Bien d’autres régions le fonctionnement de leur sexualité. Le fait que des réponses éclairées et
du corps peuvent provoquer une excita- je sois un homme ne signifie pas que je ne puisse légitimes sur la question.»
tion sexuelle. Certains résultats per-
des surprises. Dans l’article paru dans L’orgasme féminin passe donc sans
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Troubles du désir,
une affection toute relative
Le désir sexuel, chez les femmes, ne précède pas toujours l’excitation.
Il peut venir après ou même rester absent durant l’acte sexuel
sans empêcher la femme de parvenir à l’orgasme
Un siècle de sexologie
1898: Parution de Studies in the tut qui sera détruit par les nazis en 1933. Plexus (1952) et Nexus (1959), l’écrivain
Psychology of Sex de Havelock Ellis (USA), Henri Miller devient l’instigateur
ouvrage fondateur de la sexologie scien- 1928: Copenhague accueille la première de la révolution sexuelle.
tifique (28 volumes), mais qui sera large- réunion de la Ligue mondiale pour
ment récusé par la pensée freudienne. la réforme sexuelle dont le but est 1947: Alfred Charles Kinsey, professeur
de lutter pour l’égalité sociale et juri- de zoologie à l’Université de l’Indiana,
1905: Publication des Trois Essais sur la dique des sexes, le droit à la contracep- fonde l’Institute for Sex Research. L’année
théorie de la sexualité de Sigmund Freud, tion et à l’éducation sexuelle. La même suivante, il publie le rapport qui va le
fondement de sa théorie psycho-sexuelle année, le gynécologue berlinois Ernst rendre célèbre dans le monde entier
qui prétend que la libido (l’énergie sexuel- Graffenberg, qui est aussi le «père» (Sexual Behavior in the Human Male).
le) sous-tend toute activité humaine. du «point G», invente le stérilet. Sur la base d’une enquête menée auprès
de 12 000 Américains, ce travail révèle
1919: Magnus Hirschfeld ouvre le pre- 1940: Avec Le Monde du sexe (1940) que 90% des hommes disent pratiquer la
mier institut de sexologie à Berlin, insti- et plus tard sa trilogie Sexus (1949), masturbation; 50 % reconnaissent avoir
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A la base de la sexualité
Des observations relativement récentes
ont également montré que le désir ne
joue pas exactement le même rôle dans
la sexualité de la femme que dans celle
de l’homme, contrairement à ce que lais-
sent entendre les modèles théoriques.
Selon Helen Kaplan, qui a conceptualisé
pour la première fois cette notion, le
désir est en effet à la base de tout le pro-
cessus sexuel. Selon elle, le déroulement
des événements, chez l’homme comme
chez la femme, serait linéaire: d’abord le
désir, suivi de l’excitation puis de l’or-
gasme. Un tel schéma explique com-
ment un désordre du désir est de nature
à affecter la qualité de la réponse
sexuelle, que ce soit au niveau de la
phase d’excitation ou de celle de l’or-
gasme. Mais il ne correspond pas tou-
jours à la réalité.
«L’étude de la sexualité féminine, beaucoup
plus riche et diversifiée que celle de l’homme,
nous enseigne que le désir apparaît ➔
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19
des liaisons extraconjugales; plus d’un 1953: Alfred Charles Kinsey publie son 1966: le gynécologue William H.
tiers ont eu au moins un rapport homo- étude sur la sexualité féminine (Sexual Masters et sa femme Virginia Johnson,
sexuel ayant mené à l’orgasme; 10% des Behavior in the Human Female). Ce docu- psychologue de formation, publient leurs
répondants étaient exclusivement ou ment révèle que 62 % des femmes décla- observations sur les réactions physiolo-
presque exclusivement homosexuels. rent se masturber; que près de la moitié giques durant l’activité sexuelle dans
avouent avoir eu des relations sexuelles Human Sexual Responses. Pour la premiè-
1949: Simone de Beauvoir publie avant le mariage; que 26 % entretiennent re fois, la sexualité est étudiée et contrô-
Le Deuxième Sexe, tandis que une liaison en dehors de leur mariage. lée scientifiquement in vivo sur un large
le gynécologue new-yorkais Robert Latou échantillon de 694 personnes. Les résul-
Dickinson (1861-1950) signe son Atlas 1956: Découverte de la pilule contracep- tats de cette étude assurent une prédo-
of Human Sex Anatomy, ouvrage tive par J. Roch et G. Pincus. Avec la com- minance durable des thérapies du com-
d’avant-garde qui confirme l’hégémonie mercialisation de ce produit au cours des portement sur l’analyse freudienne de
américaine sur la sexologie occidentale. années 1960, procréation et sexualité l’inconscient en matière de sexologie.
deviennent dissociables. Suite en page 22
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La testostérone,
clé du désir
C’est un paradoxe: l’hormone princi- mesures montrent que ces traitements font L’orgasme, quant à lui, est également
pale impliquée dans le désir sexuel fémi- remonter le taux de l’hormone à des niveaux accompagné par un relâchement d’hor-
nin est la testostérone. Les ovaires pro- proches de la normale et les patientes s’esti- mones. Durant cette phase, le cerveau
duisent en effet cette substance à un ment satisfaites.» est littéralement submergé par les
taux non négligeable, plus élevé que Le médecin met néanmoins en garde endorphines qui entraînent un senti-
celui de l’œstrogène, d’ailleurs, qui est, contre toute une série de traitements ment de bonheur et d'euphorie. Il sem-
avec la progestérone, la principale hor- qui circulent sur le marché et qui peu- blerait que l’ocytocine soit également
mone féminine. «On a observé chez les vent s’avérer dangereux. Ainsi, les suc- produite en plus grandes quantités à ce
femmes qu’une chute de la production de la cédanés de testostérone administrables moment. Cette hormone serait donc
testostérone entraîne rapidement des par voie orale et divers
plaintes concernant une diminution de la produits dopants ne doi-
libido, explique Dominique de Ziegler, vent en aucun cas être
professeur adjoint au Département de consommés dans le but Durant l’orgasme,
gynécologie et d’obstétrique. Cela peut se de retrouver son désir
produire à la suite d’une ablation des sexuel. le cerveau est submergé
ovaires, d’une chimiothérapie ou d’une
radiothérapie. Cela dit, cette baisse n’est pas Plaisir hormonal par les endorphines
toujours liée à la testostérone. C’est d’autant Le plaisir sexuel – à ne pas
plus vrai qu’il est difficile de mesurer la cor- confondre avec désir
rélation entre les deux, notamment en rai- sexuel, qui peut exister
son des petites quantités d’hormones en jeu.» indépendamment de la réalisation de également liée à la notion de plaisir,
Cela n’empêche pas le médecin genevois l’acte sexuel – est également piloté par mais les recherches dans ce domaine ne
de proposer à ses patientes un remède à des hormones bien que l’on connaisse sont encore que frémissantes.
base de testostérone. Avec un certain moins bien les mécanismes impliqués. L’ocytocine, connue d’abord pour son
succès. «Nous prescrivons une crème vagi- L’œstrogène et la progestérone y jouent rôle dans la contraction de l’utérus lors
nale que le pharmacien fabrique sur un rôle, mais de manière plutôt méca- de l’accouchement, possède d’ailleurs
demande, précise Dominique de Ziegler. nique. Ce sont elles qui ont modelé le de nombreuses autres fonctions dans
Nous proposons également un patch à la tes- corps féminin et qui maintiennent les des domaines comme l’allaitement, le
tostérone, originellement destiné aux organes génitaux en état de marche. stress, l’affection… ■
hommes, mais qui peut être porté deux Leur manque peut, entre autres, entraî-
heures par jour par les femmes afin de limi- ner un amincissement des muqueuses
ter la dose reçue. (Une firme américaine vaginales, augmenter les risques d’in-
tente actuellement de commercialiser un flammation et donc de douleur. Ce qui
patch adapté aux besoins des femmes.) Nos diminue d’autant le plaisir.
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Le sexe après
l’accouchement
Sylvain Meyer, médecin-chef à l’Hôpital de Morges atteindre. Je précise que les sensations
clitoridiennes ne sont pratiquement
et professeur d’urogynécologie au CHUV, porte un jamais altérées par l’accouchement.
soin particulier à la réponse sexuelle des femmes
Comment peut-on traiter ces pro-
ayant accouché. Il y consacre un chapitre important blèmes?
dans un ouvrage paru récemment. Rencontre > L’une des interventions est la plastie
vaginale. Cela signifie que l’on peut
remodeler le vagin en cas de rupture de
la sangle pubo-rectale ou de béance vul-
Campus: Quels effets l’accouchement perd ainsi sa conduction. Du coup, la vaire. Cela se fait depuis longtemps et ce
par voie basse peut-il avoir sur les tissus tonicité des muscles du périnée dimi- genre d’intervention est remboursé par
et organes impliqués dans la réponse nue. Il arrive aussi que des femmes souf- l’assurance maladie. Les femmes en sont
sexuelle? frent de béance vulvaire, la vulve n’étant satisfaites, plusieurs études le confir-
> Sylvain Meyer: Le passage de l’enfant plus capable d’assurer la coaptation du ment. En remodelant le vagin, on fait en
peut tout d’abord occasionner une rup- pénis lors de la pénétration. Finalement, sorte que le pénis soit dirigé de manière
ture de la sangle pubo-rectale, c’est-à- on rencontre aussi des lésions des petits plus intense contre la paroi antérieure
dire une partie de la musculature du mécanorécepteurs de la paroi anté- du conduit, ce qui peut stimuler davan-
CORBIS
plancher pelvien. Des études par réso- rieure du vagin qui peut conduire à une tage cette région. C’est un avantage,
nance magnétique montrent qu’envi- insensibilité de la région du point G. En pour autant que l’on considère la péné-
ron 20% des femmes qui accouchent pré- général, nous observons une combinai- tration comme le nec plus ultra de la
sentent des lésions à cet endroit. son de un ou plusieurs de ces quatre fac- relation sexuelle. Ce qui n’est pas le cas
Cependant, ces atteintes n’ont pas de teurs. Ces affections peuvent, chez une de tout le monde.
conséquences sur la fonction sexuelle. partie des patientes, diminuer ou élimi- Cela dit, d’autres femmes ayant accou-
La naissance d’un bébé peut aussi pro- ner les sensations érotiques, rendre l’or- ché rapportent des troubles de l’or-
voquer l’étirement du nerf honteux qui gasme difficile, voire impossible à gasme sans que l’on puisse détecter des
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CORBIS
lésions organiques. Dans ce cas, il s’agit que trois fois et, deux fois, les femmes mode à l’autre. L’homme, lui, est plutôt
probablement des fibres sensitives sur ont observé une réponse satisfaisante. monofonctionnel. C’est pour cela qu’il
la paroi antérieure du vagin qui ont été On ne sait pas pourquoi cela peut fonc- interprète souvent, à tort, cette période
touchées. Récemment, j’ai expérimenté tionner, mais on pense qu’en regon- durant laquelle sa partenaire n’exprime
une nouvelle technique. Elle consiste à flant le point G, celui-ci devient turges- pas d’envie pour des rapports sexuels
cent et pourrait bien comme un signe de désamour.
réveiller des méca-
nismes neuronaux qui Est-ce nouveau de la part des gynéco-
ont été désactivés. logues de s’intéresser aux sensations
«Après l’accouchement, la sexuelles des femmes après l’accouche-
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L’accouchement peut-il ment?
plupart des femmes entrent aussi avoir une in- > Le corps médical a longtemps psychia-
fluence sur la libido de trisé le problème. On disait aux femmes
dans le rôle de mère et la femme? qui se plaignaient de troubles d’ordre
> Oui, c’est un phéno- sexuel que c’était normal car elles étaient
oublient celui de maîtresse» mène classique. En devenues mères, qu’un événement
général, après l’accou- comme la naissance d’un enfant faisait
chement, la plupart des ressortir des conflits intérieurs, etc. Aux
femmes entrent dans le femmes qui ne faisaient que poser des
rôle de mère et oublient questions, on répondait d’aller voir le psy-
regonfler la région du point G avec une quelque peu celui de maîtresse. Leur chiatre. Ces propos, parfois ressentis
substance habituellement utilisée dans désir sexuel diminue et il leur faut entre comme insultants, voire dégradants, tra-
la chirurgie esthétique pour masquer six et douze mois pour que les choses hissaient l’ignorance que l’on avait de
les rides. Il n’existe aucune littérature redeviennent comme avant. C’est une cette problématique à cette époque. ■
scientifique sur ce sujet. Je ne l’ai testé grande richesse de pouvoir passer d’un «Osons en parler!», par Sylvain Meyer, Ed Favre, 2005
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L’orgasme
un heureux accident
«P endant les huit premières semaines de la ment admise depuis une douzaine d’an-
gestation, l’embryon mâle et l’embryon nées affirme que l’orgasme féminin
femelle ont la même structure anatomique. produit des contractions qui aspirent le
L’orgasme existe chez la femme parce que sperme pour aider à la conception. «Les
l’homme en aura besoin plus tard, de même données manquent vraiment de rigueur,
que l’homme a des seins parce que la femme explique-t-elle dans le Guardian. Par
en aura besoin plus tard.» L’auteur de cette exemple, dans un des tableaux présentant
réflexion, parue récemment dans le cette théorie, 73% des données proviennent
quotidien britannique The Guardian, est d’une seule et même femme. Il est franche-
Elisabeth Lloyd, biologiste et profes- ment scandaleux que l’on enseigne depuis
seure d’histoire et de philosophie des douze ans cette théorie aux Etats-Unis, au
sciences à l’Université d’Indiana aux Canada et au Royaume-Uni comme étant
Etats-Unis. C’est la conclusion à laquelle avérée.»
elle est arrivée dans un livre sorti de La biologiste précise que le plaisir
presse en mai 2005. Cet ouvrage, qui sexuel, lui, est le résultat de l’adapta-
s’est attiré les foudres des féministes, de tion. Le clitoris, par exemple, favorise le
la communauté scientifique et des reli- rapport, facilite l’excitation, la lubrifi-
gieux, s’attache à évaluer ce que la cation, etc. Tout ce qui fait qu’une
science sait exactement sur la fonction femme a envie d’avoir des rapports
de l’orgasme féminin du point de vue de sexuels est adaptatif. «Mais rien ne prouve
l’évolution. En d’autres termes, l’or- que le réflexe physique de l’orgasme le soit,
gasme féminin est-il une adaptation bio- affirme-t-elle. Si c’était le cas, il y aurait
logique qui apporterait un avantage du une corrélation entre orgasme et taux de
point de vue de la reproduction? Et si reproduction. A l’échelle de l’évolution,
oui, lequel? toutes les femmes devraient avoir des
Elisabeth Lloyd a passé en revue vingt orgasmes. Or, ce n’est pas le cas.»
théories exposées dans la littérature Du coup, pour la biologiste, qui est que la nature a oublié de désactiver. Un
scientifique. Elle s’est aperçue que proche du grand penseur de l’évolution «heureux accident».
celles-ci ne sont absolument pas étayées Stephen Jay Gould décédé en 2002, l’hy-
«The Case of the Female Orgasm: Bias in the Science of
par les faits, qu’elles n’ont aucun fonde- pothèse la plus satisfaisante consiste à Evolution», par Elisabeth Lloyd, Harvard University
ment scientifique. La plus communé- dire que l’orgasme est quelque chose Press, 2005
Physiologie de l’orgasme
«Au sens physiologique, l’orgasme périphériques peuvent aussi apparaître de la pensée dans le ressenti de l’orgas-
survient au plus fort de l’excitation et telles que l’augmentation de la tension me. Ces variations inter- et intra-indivi-
reflète l’expression d’un plaisir intense. artérielle (+20-40 mmHg; systolique et duelles peuvent être en fonction de l’âge
Chez la femme, lorsque l’excitation éro- diastolique), de la fréquence cardiaque (à partir de 40 ans, les femmes ont plus
tique s’intensifie et que la tension sexuel- qui peut atteindre 160 battements d’orgasmes qu’entre 18 et 29 ans),
le et musculaire augmente, le premier par minute ou encore la dilatation du degré d’excitation, du partenaire, du
tiers du vagin se gonfle, resserre l’ouver- des pupilles. Des contractions volontaires contexte, de l’éducation et de la culture.
ture et les deux tiers du fond du vagin et involontaires des grands muscles, La durée d’un orgasme est généralement
s’arrondissent. Le pic de l’orgasme fémi- comme les muscles faciaux et un spasme de quelques secondes (entre 3 et 25), mais
nin est caractérisé par 3 à 15 contractions carpo-pédal sont aussi souvent associés. peut aussi aller jusqu’à deux minutes.» ■
involontaires du tiers externe du vagin Cependant, l’ensemble de ces réactions
et de fortes contractions de l’utérus et physiologiques est variable d’une femme Tiré de l’article «Le cerveau au coeur du plaisir
féminin», par Stéphanie Ortigue et Francesco
des sphincters interne et externe à l’autre. Une même femme peut égale- Bianchi-Demicheli, paru dans la «Revue médicale
de l’anus. Ces contractions se produisent ment ressentir des orgasmes différents suisse» du 22 mars 2006.
à des intervalles de 0,85 seconde. Au pic selon le partenaire et le moment,
de l’orgasme, d’autres manifestations soulignant ainsi le rôle fondamental
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La sexologie genevoise,
fruit de la passion et du hasard
Genève tient une place particulière Souhaitant témoigner de sa reconnais- fesseur Geisendorf, lequel avance que
dans l’histoire de la sexologie contempo- sance à William Geisendorf, doyen de la pour tenter de mieux comprendre les
raine. Première ville d’Europe à avoir Faculté de médecine et promoteur du minorités sexuelles, il faut d’abord
mis sur pied un enseignement universi- planning familial à Genève, le vieil ori- apprendre à connaître la réalité vécue
taire structuré en matière de sexologie gnal choisit de léguer près de 4 millions par la majorité. C’est ainsi que naît
clinique en 1970, elle accueille depuis de dollars à l’Université dans le but de l’unité dite «psychosomatique et sexolo-
1990 le siège de la Fédération euro- créer un centre d’étude sur les «minorités gique», qui ne connaît alors pratique-
péenne de sexologie. Régulièrement érotiques». ment pas d’équivalent, si ce n’est sur
consultés par des instances internatio- le continent américain. En plus
nales, ses chercheurs ont par ailleurs Un «mini-rapport Kinsey» des consultations, mandat lui est confié
tenu un rôle important dans l’adoption Un peu farouche, l’alma mater hésite à de mettre sur pied des projets
par l’OMS, en 1974, de la première défi- se lancer dans l’entreprise, mais elle de recherche, ainsi qu’un cursus d’en-
nition générale de la «santé sexuelle»*. finit par céder aux arguments du pro- seignement académique. Jeune ➔
Deux hommes incarnent
plus particulièrement
cette réussite: Willy Pasini,
qui poursuit aujourd’hui
sa carrière au sein de
l’Université de Milan, et
Georges Abraham qui,
après avoir longtemps
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enseigné à Genève, à
Marseille et à Turin, profite
aujourd’hui de sa retraite
académique. Deux cher-
cheurs qui ont profité d’un
concours de circonstances
plutôt singulier. Le 6 juin
1970, lorsque s’éteint
Maurice Chalumeau,
homosexuel fortuné ne
laissant aucun héritier,
Willy Pasini et Georges
Abraham sont loin de se
douter que cet événement
va radicalement modifier
le cours de leur existence.
Université de Genève
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La sexualité féminine:
un «continent noir»
La révolution sexuelle des années 1970, l’avène- ment, selon le professeur,
ment de la pilule et l’évolution des mœurs lais- par une différence fonda-
sent supposer de grands changements dans la mentale dans la fonction
sexualité féminine. L’expérience de praticien du recouverte par l’orgasme
docteur Abraham le pousse pourtant à un constat chez l’homme et chez la
radicalement différent. Si d’incontestables pro- femme. Pour le premier en
grès ont été réalisés s’agissant des hommes, ne effet, l’orgasme est quasi-
serait-ce que grâce au Viagra, la science peine en ment obligatoire au cours
effet encore à cerner le fonctionnement de la d’un rapport sexuel puisque
sexualité féminine. c’est lui qui permet l’éjec-
«Lorsque nous avons commencé à organiser des tion du sperme. L’orgasme
consultations à Genève, la majorité des hommes féminin n’est en revanche rents centres menant des
qui venait nous voir souffrait de problèmes liés à lié à aucune nécessité biolo- études comportementalistes,
diverses formes d’éjaculation précoce, explique gique et il n’est pas indis- tandis qu’à Saint-Louis, ils pro-
Georges Abraham. On savait qu’il existait égale- pensable à une relation
fitent des lumières du célèbre
ment des éjaculateurs lents et difficiles, mais on ne sexuelle en dehors de sa
les voyaient pratiquement jamais. Aujourd’hui, on valeur érotique. «Cette couple formé par le gynéco-
constate exactement l’inverse. Du côté de la configuration place les logue William H. Masters et sa
femme, par contre, il n’y a pas de grand change- femmes dans une situation femme Virginia Johnson, psy-
ment. Bien sûr, elle est plus émancipée et elle a d’infériorité apparente, com- chologue de formation.
davantage de poids dans la relation de couple, si mente Georges Abraham. La méthode est fructueuse.
bien que c’est souvent elle qui décide quand et Mais plus qu’un handicap, Hors des Etats-Unis, les deux
comment se déroule un rapport sexuel. Mais, en c’est un formidable stimulus chercheurs font bientôt figure
dehors de ces données culturelles, rien n’a vraiment qui doit nous pousser à par- de spécialistes. On les
évolué depuis Freud qui, pour évoquer la sexualité courir des chemins vers la demande un peu partout, en
féminine, parlait d’un continent noir.» sexualité qui n’ont pas enco-
Amérique latine, en Asie, en
Cette plus grande complexité s’expliquerait notam- re été entrevus.»
Europe. «A la manière de mis-
sionnaires, nous promenions
notre bâton de pèlerin pour
répandre la bonne parole,
assistant dans le service du docteur tion, je n’avais pas de vocation particulière s’amuse Georges Abraham.
Gaston Garrone, alors directeur du pour la sexologie, commente le professeur. Mais, contrairement à des gens
Département de psychiatrie, Willy Pasini L’idée est venue comme ça, par une sorte d’in- comme Kinsey dont le but avéré
se porte volontaire pour participer à l’ex- tuition. Et c’était le bon moment.» C’est donc était de libérer la sexualité de
périence. A ses côtés, Georges Abraham assez naturellement qu’il se voit propo- toute forme d’oppression, notre
dispose d’une expérience de huit années ser de participer au projet genevois. objectif consistait surtout à
à l’Hôpital psychiatrique de Malévoz en conforter la sexologie en tant que
Valais. Dans ce cadre, le psychiatre a discipline médicale à part entière.
26 notamment eu l’opportunité d’effectuer Commis voyageurs Car à cette époque, les facultés de
une sorte de «mini-rapport Kinsey», en «Durant les premières années, Willy Pasini et médecine jugeaient généralement
s’intéressant à la vie sexuelle de patients moi sommes devenus des sortes de commis que ces questions n’étaient pas dignes d’un
internés durant de longues périodes. voyageurs de la sexologie, se souvient le grand intérêt.»
«Infirmiers, infirmières, nonnes, patients: professeur. Nous passions énormément de Cultivant l’art de se trouver au bon
tout le monde a participé à l’expérience avec temps à l’étranger, car nous avions tout à endroit au bon moment, l’équipe gene-
une certaine désinvolture, explique le pro- apprendre à cette époque-là.» Pour donner voise est appelée à la rescousse pour
fesseur. Ce qui m’a permis de rassembler un davantage de corps aux recherches et à organiser le premier Congrès mondial
nombre conséquent d’informations sur ce l’enseignement progressivement mis de sexologie qui se tient à Paris en 1974.
sujet encore largement méconnu.» Ce pre- sur pied à Genève, le duo de chercheurs Dans la foulée, ils participent également
mier travail scientifique, plutôt novateur commence par arpenter les Etats-Unis au deuxième, qui se déroule au Canada.
pour l’époque, est très bien reçu par la qui disposent en la matière comme en C’est l’occasion de nouer des contacts
communauté scientifique. Il offre à d’autres d’une bonne longueur d’avance durables avec une région également
Georges Abraham une notoriété que sur le Vieux Continent. A New York, pionnière en matière de sexologie et en
confirme bientôt un premier ouvrage Georges Abraham et Willy Pasini particulier avec l’équipe du professeur
publié à Paris et intitulé Sexologie cli- côtoient l’ancienne psychanalyste Helen Jean-Yves Desjardins, prêtre défroqué et
nique (Douin, 1967). «Psychiatre de forma- Kaplan. En Californie, ils visitent diffé- docteur en psychologie devenu le pre-
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mier directeur du Département de tournés vers nous pour mettre sur place un Georges Abraham. Mais l’arrivée du profes-
sociologie de l’Université du Québec au cursus. J’ai ensuite donné ces cours pendant seur Bianchi-Demicheli en octobre dernier
tout début des années 1970. une dizaine d’années, avec des élèves comme confirme que la flamme n’est pas morte. C’est
l’éthologue Boris Cyrulnik ou Robert Porto, à lui qu’il revient de la raviver.» ■
Raviver la flamme l’actuel président de la Fédération euro-
«Au moment où Simone Weil à été nommée péenne de sexologie.» * En 1974, se tient à Genève le Symposium international
de l’Organisation mondiale de la santé. Il réunit des
ministre de la Santé, elle a envoyé des recom- C’est d’ailleurs à Genève, et à l’initiative sexologues et des experts en santé publique autour de
mandations aux différentes universités fran- du docteur Pasini, que cet organisme qui l’enseignement et des thérapies sexuelles. Outre une
proposition visant à faire de la sexologie une discipline
çaises afin qu’elles mettent sur pied des rassemble une cinquantaine de sociétés autonome, les participants s’entendent pour définir la
cours de sexologie à destination des jeunes scientifiques voit le jour en 1990 confir- notion de santé sexuelle comme «l’intégration des
médecins, complète Georges Abraham. mant une nouvelle fois le rôle moteur aspects somatiques, affectifs, intellectuels et sociaux de
l’être sexué de façon à parvenir à un enrichissement et
Peu de facultés ont réagi à l’époque, mais joué par «l’école» genevoise. «Ces dernières à un épanouissement de la personnalité humaine, de
celle de Marseille a mordu à l’hameçon. années, la sexologie genevoise a peut-être la communication et de l’amour».
Comme ils manquaient terriblement d’expé- connu un petit passage à vide, comme cela se
rience dans ce domaine, ils se sont également produit souvent avec les fins de règne, conclut
Université de Genève