En 1948, un juge espagnol prononça un jugement de faillite à l’égard de la Barcelona
Traction, qui était, à l’époque, la plus importante entreprise d’électricité d’Espagne Cette société, constituée selon le droit canadien, comportait, cependant, une majorité d’actionnaires belges. Aussi, la Belgique crut devoir défendre les intérêts de ses ressortissants. Elle intervint, ainsi, auprès des autorités espagnoles. Devant l’échec de ces négociations, la Belgique porta l’affaire devant la Cour Internationale de Justice, mais de nouvelles négociations étant entreprises, la Belgique se désista en 1961. Les négociations n’ayant pas abouti, la Belgique saisit, à nouveau, la Cour, en 1962. Dans l’arrêt au fond (arrêt portant sur la substance de l’affaire et non sur les problèmes de compétences et de procédure), la CIJ, examinant les systèmes de droit interne, reconnaissant la société anonyme, remarque qu’il faut distinguer deux entités séparées : la société et l’actionnaire, chacune dotée de droits distincts. Or, dans cette affaire, la Société était canadienne et les actionnaires, pour lesquels la Belgique entendait agir, étaient belges. Mais, les actes dommageables, imputables à l’Espagne, visaient les droits de la société et non les droits propres des actionnaires. Ceux-ci voyaient seulement leurs intérêts affectés. Cela ne justifiait donc pas la réclamation de la Belgique, dès lors que la Société existait toujours et que le Canada pouvait, ainsi, prendre fait et cause pour elle. Dans ces conditions, la Cour contesta à la Belgique la qualité pour agir et rejeta sa requête.
Apport de l’arrêt :
- Exercer la protection diplomatique est une compétence discrétionnaire de l’Etat.
- Définition de trois critères d’attribution de la nationalité aux personnes morales : Lieu du siège social Lieu d’incorporation Contrôle de la société Pas de préséance de principe. - Evocation des normes erga omnes (c’est-à-dire qui s’imposent à tous avec ou sans traité), notion proche du jus cogens → normes existants en dehors de la volonté des Etats. L’interdiction de l’agression, du génocide, le respect des principes fondamentaux de la personne humaine (protection contre l’esclavage et le discrimination raciale…) sont des obligations erga omnes. - La violation d’une norme erga omnes donne à tous les Etats la qualité pour agir. (C’est-à-dire la possibilité de le faire, sinon un Etat doit avoir un intérêt particulier : avoir été lésé ou qu’un de ses nationaux l’ait été → d’où l’intérêt de pouvoir déterminer quelle est la nationalité d’une personne et si cette nationalité est opposable au tiers).