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PROPOSITION DE CORRIGE –DISCOURS SUR LA MISERE

1-La peinture de la misère

Hugo peint la misère comme une maladie, provoquant la compassion et l’horreur :« La


misère es tune maladie du corps social comme la lèpre était une maladie du corps humain » (l.
6-7). En choisissant de la comparer à la lèpre, Hugo rend implicitement la misère effrayante :
dans l’imaginaire collectif, cette maladie fait peur et répugne en ce qu’elle détruit le corps.
Les « faits » (l. 15, 16) qu’il convoque et qui doivent donner à son discours le détachement et
l’objectivité qui relèvent de l’observation clinique, frappent tout particulièrement
l’imagination. Le décor tout d’abord, avec l’utilisation de nombreuses énumérations :des rues,
des maisons qui sont des « cloaques » (l. 18), la promiscuité des familles qui s’y entassent «
pêle-mêle »(l. 19), des meubles, vêtements, et des couvertures réduites à des « monceaux
infects de chiffons en fermentation » (l. 21), où l’on retrouve le lexique de la maladie avec «
infects » (pour infectés) et « fermentation» (pour évoquer le développement de germes
malins). Dans une économie de moyens qui tient de la liste annoncée par « il y a », les
connotations du lexique des lignes 21 à 23 passent de l’image de l’égout à celle de la mort et
de la putréfaction : « fange », « fumier des villes », « s’enfouissent toutes vivantes ».
Les faits suivants sont évoqués de manière plus lapidaire : un écrivain qui meurt de faim,
démontrant que le peuple n’est pas l’unique victime de cette calamité (l. 24 à 28) ; l’image
insoutenable d’une mère et de ses enfants cherchant de quoi manger dans un charnier. Cette
dernière description dépeint la réalité répugnante de « débris immondes et pestilentiels » (l.
30-31) et associe de nouveau la misère à la maladie : le terme « choléra » (l. 29) frappe
directement l’imagination. L’évocation de« Montfaucon » (l. 31), lieu d’exécution, laisse
imaginer que ce sont cette femme et ses enfants que la misère a condamnés à mort.

2-la stratégie argumentative

Les premiers mots du texte signalent qu’il s’agit là de la transcription d’un discours,
avec l’adresse aux auditeurs « messieurs » et les indications entre parenthèses et en italiques
qui, à la manière de didascalies, décrivent sous la forme de phrases nominales les réactions de
l’auditoire, d’emblée véhémentes : « Réclamations – Violentes dénégations à droite » (l. 4-5).
Ce choix de présentation du texte lui confère une dimension dialogique qui correspond bien à
la situation d’énonciation du discours et que marquent également les nombreuses occurrences
de la première personne en position de sujet (« je ne suis pas […] mais je suis de ceux », l. 1-
2), et l’importance des adresses à l’auditoire avec, par exemple, l’utilisation de l’impératif : «
Remarquez-le » (l. 5).
Tout cela indique un homme seul face aux autres avec l’opposition des pronoms « je » vs
« messieurs »
Victor Hugo a la volonté d’interpeller avec l’utilisation du présent de l’impératif et également
l’anaphore du mot « but » fois pour concentrer l'attention du groupe sur un unique objectif:
celui de combattre la misère
Hugo démontre t-il que c’est bien aux députés qu’incombe la tâche d’éradiquer la misère. Par
des questions rhétoriques soulignées par l’anaphore « voulez- vous savoir » (l. 12), par
l’opposition de formes négatives et affirmatives, « je ne dis pas [...], je dis », (l. 14), Hugo
amène ses collègues à reconnaître la double urgence du problème qui se pose, « À Paris ,et au
temps où nous vivons ». (l. 14-15). Comme on l’a vu précédemment, les faits qu’il cite pour
convaincre de la nécessité d’éradiquer la misère font autant appel à la raison, à l’émotion et à
l’horreur avec notamment la figure de l’hypotypose aux lignes 18 à 21 notamment. La misère
est injuste et insoutenable, ce qu’il démontre par des exemples, des « faits » (l. 15,16). Mais le
député de la droite ne peut agir sur ce seul ressort : de manière incidente, il rappelle aux
députés qui ont craint de ne pas pouvoir rétablir l’ordre civil après les émeutes de mai 1849,
que les quartiers insalubres sont ceux « que le vent de l’émeute soulevait naguère » (l. 17-18).
Il y a donc une nécessité politique à lutter contre la misère pour que la paix civile règne.
Nous sommes donc face à une argumentation davantage persuasive avec la volonté de
choquer afin de provoquer la compassion et la pitié.

3-L’ethos d’Hugo

Comme on l’apprend dans le contexte de cette page, Hugo est un élu de la droite,
c’est-à-dire du groupe de l’Assemblée nationale le moins favorable au peuple, parce qu’il
craint les mouvements populaires et sociaux qui ont agité Paris après la révolution de 1848. Il
lui faut donc convaincre son camp : il met en scène ses convictions, s’engage personnellement
et adopte un point de vue éthique revendiqué notamment par un discours à la première
personne (« je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient… » (l. 1), « mais je suis de ceux qui
pensent », l. 2-3). Il crée une « Sensation universelle » (l. 11) avec un sens de la formule qui
s’impose en règle morale : « tant que le possible n’est pas le fait, le devoir n’est pas rempli »
(l. 10-11). « Détruire la misère ! oui cela est possible », (l. 8-9) s’exclame-t-il dans une
formule autoréalisatrice.
Pédagogue, il souligne les différentes phases de son propos, « j’aborde ici le vif de la
question » (l. 12), « Voici donc ces faits » (l. 16). Il sait aussi dramatiser sa parole à l’exemple
de la« Longue interruption » (l. 28) qui conclut la mise en scène pathétique de l’écrivain
mourant de faim. En 1849, Victor Hugo est un grand écrivain reconnu de tous. Sa parole porte
et il peut renverser l’opinion en assénant ses convictions. C’est ce qu’on peut lire dans sa
longue péroraison, où il se pose en exemple de ce qu’un homme, un député, doit ressentir face
à la misère : « je m’en sens, moi qui parle, complice et solidaire » (l. 36) ; y dominent à
nouveau la première personne, les verbes de parole, la modalité exclamative et de nouvelles
sentences auto-réalisatrices : « je dis que la société doit dépenser toute sa force » (l. 32),
suivie du crescendo mobilisateur, « toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté
» (l. 33-34). Il use à nouveau de ce procédé, du lexique des valeurs morales et de l’hyperbole
pour conclure son propos : « je voudrais que cette assemblée n’eût qu’une seule âme pour
marcher à ce grand but, à ce but magnifique, à ce but sublime : l’abolition de la misère » (l. 38
à 40). Les réactions des députés témoignent de la capacité de l’orateur Hugo à emporter son
auditoire. Alors qu’au début de son propos, il provoque les dénégations de la droite, pourtant
son parti, et le soutien de la gauche, il reçoit à la fin de son discours l’approbation générale et
les applaudissements qui marquent qu’il a su convaincre et emporter l’adhésion de
l’assemblée tout entière : « Bravo ! Applaudissements» (l. 40).

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