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Université d’Alger 2

Faculté des Sciences Sociales


Département de Psychologie

Premier Cours/TD (3éme Année Clinique) Groupes (5) (6) (11) (12)
Elaboré par : Dr K.Toutaoui 01 Janvier 2021
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La mère et la construction du moi infantile


dans la pensée de Winnicott

Les psychanalystes reconnaissent largement la fameuse citation


de Winnicott «  le bébé, ça n’existe pas  », qui a tant soulevé des
débats autour de l’importance de la fonction de la mère au début
de la vie du bébé. Contrairement à la thèse de Freud qui parle
plus précisément lors de la phase orale, de l’importance du jeu
conflictuel des pulsions de vie et/ou de mort, et de l’auto-érotisme,
dans la constitution du narcissisme primaire, Winnicott est le
premier psychanalyste à statuer sur la fonction maternelle auprès
du bébé dès la naissance. La mère en tant qu’environnement
primaire contenant l’organisation somatique duelle bébé-mère,-  à
l’instar de la symbiose de Mahler-, la mère et le bébé constituent
une matrice Psycho-organique qui maintient le bébé dans un état
de dépendance absolue. Cette matrice est animée de mouvements
de vie qui conduisent au détachement progressif du corps
maternel. arrivé secondairement à un état un état de dépendance
relative, l’enfant accède à une conscience de soi primaire, il
distingue bien ses limites corporelles de celles de sa mère, il est
capable de manipuler les objets, de jouer, … si les frontières entre
le monde interne et le monde externe sont établies ,la relation aux
objets demeure en ce second temps de dépendance, purement
subjective, c’est-à-dire que l’enfant se représente le monde objectal
comme une pure création de son imagination, rien n’existe
séparément de lui ,il interagit avec les objets du monde avec
omnipotence et il se croit être le créateur de la réalité.

En fait, l’activité mentale précoce du bébé crée une sorte de


bulle d’illusion ou il tente de s’approprier son unité, son sentiment
d’exister et de continuité. Il y a là une question fondamentale sur

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la construction et l’évolution du self à partir de la dyade mère-


enfant, que Winnicott a introduit dans la pensée psychanalytique.
Auparavant, les psychanalystes orthodoxes admettaient
l’hypothèse de Freud qui affirme qu’à l’origine de la psyché, c’est
le jeu pulsionnel remettant les traces mnésiques de la satisfaction
orale du bébé en marche, qui fonde la première forme de vie
psychique et ébauche progressivement une intériorité psychique
même si de façon automatique, mais garante de la survie du Moi.
Aussi, le travail de répétition qui reproduit e fantasme de la
satisfaction hallucinatoire du désir en l’absence relative du sein de
la mère, aboutit à la représentation de prémisses d’un objet
« nourricier », et l’établissement des autoérotismes organisateurs
du narcissisme primaire. Pour Winnicott, il s’agit d’emblée d’une
dyade mère-enfant qui compte sur la proximité originaire corps-à-
corps ou s’inscrit les soins maternels du bébé, à la « capacité
maternelle de rêverie », la communication intersubjective, dans le
fondement du self et du sentiment d’identité primaire.

1- Les fonctions maternelles et le Moi infantile

Winnicott décrit la mère en termes de qualités et aptitudes à


développer auprès de son bébé, pour lui prodiguer les soins de
maternage et lui permettre de grandir : dans le langage
Winnicottien, on retrouve deux notions qualifiant la mère: une mère
« suffisamment bonne » et une mère «  insuffisamment bonne  ».  

Avant d’en faire une description, il ait un état psychique particulier


que toute mère « normalement équilibrée  » est censée traverser
après la mise au monde de son bébé : c’est l’état de « la
préoccupation maternelle primaire ». Winnicott le considère aussi
comme une « maladie normale », ou « une dissociation, presque un

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état schizoïde». La mère devient alors hypersensible développe une


extrême intuition et empathie pour prévenir et comprendre les
besoins de son bébé. Elle s’adapte de façon « magique » aux
demandes les moins déchiffrables de son bébé. Cette période
correspond à l’état de dépendance absolu où règne la confusion
des éprouvés psychiques du bébé et de la mère: ces états
chaotiques sont immédiatement évacués par la mère qui aura
tendance à le surprotéger pour lui éviter toute angoisse ou détresse
intolérable.

Revenons aux deux notions winnicottiennes décrivant la mère.


La « mère suffisamment bonne  », est capable de comprendre les
besoins de son enfant et de les satisfaire au temps opportun  ; il ne
s’agit pas de la mère qui s’absente trop longtemps, qui tarde à
donner le sein à l’enfant, à répondre immédiatement à son appel, à
prévenir même ses besoins avant qu’il n’est le temps de les sentir,
il ne s’agit pas non plus d’une mère très protectrice, possessive ou
envahissante qui projette ses propres besoins sur l’enfant pour
ensuite les satisfaire, c’est une mère qui sait quand et comment
répondre à la  « demande  » de son enfant, ni à l’excès ni à défaut.
Winnicott utilise la formulation suivante pour décrire cette mère
idéale : elle est douée d’une «  capacité de rêverie » qui lui permet
d’éprouver intuitivement une empathie et compréhension
immédiate des besoins et des éprouvés de son enfant. Celui-ci se
sent avec elle, contenu et compris et se voit dans ses yeux comme
un « sujet  », il entame alors avec de moindres angoisses
primaires, le processus d’individuation qui l’introduit de l’état de
fusion primaire à la construction du self autonome.

«  La mère insuffisamment bonne  » n’est pas douée de cette


« capacité de rêverie», elle a du mal à développer de l’empathie
nécessaire pour déchiffrer les messages de son enfant, elle n’a pas
assez bien intériorisé les identifications maternelles dans son
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enfance. En effet, certaines défaillances de la fonction maternelle


reviennent aux difficultés d’élaborer la relation d’objet à la mère,
ses représentations conflictuelles mal intégrées dans la vie
psychique s’infiltrent de nouveau dans la relation actuelle de la
mère à son enfant, et sont souvent à l’origine d’une culpabilité ou
d’une dépression maternelle sévère. Elle ne devient plus réceptive
aux besoins de l’enfant qui s’en trouve perdu dans un état
chaotique: Winnicott en a décrit des angoisses primitives
traumatiques qui menacent le Moi embryonnaire d’annihilation. Il
nomme cet état d’  « agonie primitive  », Il s’agit d’angoisses qui
demeurent en-deçà du langage, indicibles et qui peuvent faire
effraction dans la vie psychique des sujets souffrants de fragilités
narcissiques et identitaires ou de troubles psychosomatiques.

Il est admis en psychogénèse de la Personnalité, qu’on n’advient


sujet pour soi que si l’on a été quelqu’un aux yeux d’un autre. Pour
Winnicott, C’est dans les bras de la mère que nait progressivement
le sujet la fonction maternelle s’avère déterminante e maternel
vient fonder la position du sujet. De la naissance à la conscience
de soi et l’accès à l’autonomie, un processus de maturation
psychologique se déploie en fonction de la qualité de
l’environnement « maternel  ». L’enfant n’accède à la position de
sujet que si la mère «  suffisamment bonne  » (Winnicott, --) ait
activement participé à ce développement. Winnicott attribue à la
mère le statut d’organisateur du processus de maturation chez
l’enfant. Il a aussi décrits trois concepts qui représentent de façon
pratique, la qualité de l’intervention de la mère dans la vie précoce
de l’enfant : le Holding, la Handling et l’object-presenting.

- Le Holding  : est la manière de porter l’enfant dans ses bras, de


le bercer, de communiquer avec lui.., de façon à lui assurer le
sentiment d’être contenu, protégé et sécurisé. La mère
« suffisamment bonne » qui comprend les émotions de son bébé,
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qui sait calmer ses angoisses archaïques, joue le rôle de pare-


excitation qui va calmer les tensions émotionnelles du bébé, et lui
permettre progressivement de tempérer les excitations
angoissantes et de les transformer en représentations de mots, à
la base des paroles de la mère. Au niveau psychique, le holding
maternel sera intégré au sein du Moi en tant que fonction de
contenance du self, dont découle le sentiment d’exister.

- Le Handeling : c’est la manière de prodiguer les soins à


l’enfant  : le laver, le changer ou l’habiller. La façon de
« manipuler » physiquement le bébé, impressionnent son moi-peau
ou son enveloppe corporelle  : le bain chaud qui coule sur la
surface du corps, l’habillage qui aide à figurer les parties
symétriques du corps..., toutes ces expériences perceptivo-
sensorielles précoces permettent de différencier les limites
corporelles et de constituer une intériorité et des frontières du corps
propre sur lesquelles, il peut compter pour « être  » et agir. Il s’agit
de la même métaphore que celle utilisée par Anzieu, lorsqu’il a
proposé son modèle de « Moi-peau  ». On est loin de faire une
similitude entre la pensée de Winnicott et de celle d’Anzieu, il reste
bien à considérer certaines différences théoriques autour du
concept de « pulsion  » : Anzieu parle de «  pulsion
d’attachement  » alors que Winnicott n’utilise pas ce concept dans
le processus de maturation précoce de l’enfant. C’est à la part de
la mère-environnement, en tant qu’agent externe, que Winnicott
attribue la force agissante dans le processus de différenciation des
enveloppes corporelle et psychique du self chez l’enfant.

- L’object presenting : c’est la façon de la mère de présenter


l’objet et le monde à l’enfant. La manière de la mère de donner le
sein au bon moment, au bébé lorsqu’il réclame sa satisfaction, les
paroles qu’elle émet en lui présentant aussi d’autres objets
lorsqu’il les réclame, sont d’une grande importance pour le
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développement de la pensée chez l’enfant. D’un côté, l’enfant


commence à développer ses identifications primaires et une
ébauche de connaissance de soi se constitue progressivement: il se
sent «  exister » et entendu par la mère qui vient satisfaire
adéquatement ses besoins. De l’autre côté, la présence de l’objet à
la demande de l’enfant lui donne l’illusion de l’avoir créé. A ce
moment-là, l’enfant entre dans une « Aire Transitionnelle  » ou il
accède à la connaissance de la réalité « objective ».On en viendra
ultérieurement, à éclaircir la portée de cette «  aire transitionnelle »
dans le développement psychique infantile, en référence au jeu et
la construction du vrai-self.

2- La fonction-miroir de la mère et la constitution du


noyau du self

Le visage de la mère est un miroir qui réfléchit à l’enfant l’état


d’être de la mère et sa propre image de soi. En effet, il joue le rôle
d’une «fonction identifiante» pour l’enfant, en la regardant le bébé
se voit dans les yeux de sa mère, aimé ou mal aimé, capable
d’attirer son attention, son sourire, sa joie, ou à au contraire, il peut
susciter sa peine, son indifférence, sa froideur ou enfin son rejet.
En fait, la qualité d’échanges verbaux ou infra-verbaux de la mère,
ses états émotionnels et/ou affectifs, réfléchissent au bébé son
image de soi ainsi que la qualité de son investissement par elle.
C’est au sein des interactions mère-enfant que se structurent les
identifications primaires du bébé et l’installation du noyau
rudimentaire du self précoce. Un bébé a besoin d’être vu, entendu,
touché et porté par le regard, les mains et tous les sens de la mère
pour qu’il puisse advenir en tant qu’unité totale puis en tant que
sujet autonome. Ce que le visage de la mère réfléchit à son bébé,
celui-ci va s’en approprier pour en faire sa propre identité primaire.

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Sans doute, l’exemple le plus célèbre dans la littérature


psychanalytique des troubles identitaires, qui rende compte de
manière exhaustive de cette fonction identifiante du miroir de la
mère chez l’enfant et chez l’adulte en souffrance mentale, est celui
du peintre Francis bacon, et que Winnicott lui-même rappelle dans
son ouvrage, ce peintre a eu tendance marquée à produire des
tableaux de visages humains déformés. Winnicott en a fait une
interprétation intéressante en disant que Francis Bacon « se voit
lui-même dans le visage de sa mère, mais avec une torsion, en lui
ou en elle, qui nous rend fous, et lui, et nous ».

Dans toute son œuvre, Winnicott accorde un intérêt fondamental


à la fonction de la mère qui détermine le devenir humain et la
santé psychique du sujet. Les carences maternelles qui peuvent
survenir au début de la vie de l’enfant, quel que soit l’état de santé
de la mère, si elles ne sont pas très vite remédiées, constituent des
heurts, des interruptions du sentiment d’identité primitif et des
violations du self de l’enfant. Voici ce qu’en affirme Winnicott  : «
Les carences maternelles provoquent des réactions aux heurts et
ces réactions interrompent le « continuum » de l’enfant. Un excès de
réaction n’engendre pas la frustration mais représente une «
menace d’annihilation ».
On connait bien l’effet traumatisant des frustrations affectives
précoces qui peuvent entrainer la mort du bébé .Spitz en a rendu
compte à travers une expérience clinique « triste» rapportée dans
son ouvrage « Hospitalisme », même s’il ne comptait pas au
moment de son édition, parmi les psychanalystes qui approuvaient
le point de vue de Winnicott sur la fonction précoce structurante de
la mère. Winnicott décrit les interactions précoces négatives de la
dyade mère-enfant à valeur de heurts interrompant le sentiment de
continuité ou d’empiétement de l’environnement sur le monde
interne de l’enfant. Dans ou le cas où ces heurts sont continus ou

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répétitifs, ils peuvent générer une discontinuité du sentiment


d’exister, ou déformer sa ligne de développement, plus
particulièrement celle de son self  : l’enfant est poussé alors à
développer des réactions face à cet empiétement, qui contribuent à
l’établissement d’un « faux-self », nécessaire pour faire face à un
environnement potentiellement négatif, hostile et qui va l’encontre
du développement du «  vrai-self  ». Mais dans le cas extrême,
Winnicott décrit «  une angoisse d’annihilation  » la plus précoce
des angoisses primitives, qui peut émerger à l’âge adulte et dans
les organisations dépressives-narcissiques pour dans le cadre d’un
vécu traumatique de «  crainte d’effondrement ».C’est un cas de
figure négatif qui prend source justement de l’actualisation
d’expérience d’un holding défaillant que l’environnement maternel
n’y a jamais remédié.

Finalement, on peut être tenté de penser que l’hypothèse


majeure de la pensée winnicotienne vient formuler une
interprétation sur l’origine de l’organisation du self à partir d’une
intersubjectivité qui, elle n’est pas une donne de la naissance. Un
processus est bel et bien engagé dès le début de la vie, vers le
stade d’«  hominisation  » ou de la construction subjective
autonome, mais il n’est lancé que sous le signe du Maternel de
bonne qualité ou à capacité de contenance psychique suffisante.
Les fonctions maternelles organisent le les processus de
différenciation des Frontières Moi/Non-Moi, sujet/Objet,
réel/Imaginaire. On ne peut être sujet pour soi-même avant de
l’avoir été pour un autre (maternel). La mère est fondatrice du
noyau du self, elle transmet le « féminin pur » au bébé qui
constitue la matrice de l’être, puis il advient un sujet autonome en
relation avec autrui, et puis une personne qui se conforme à la loi
du père, régulateur du registre du désir.

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En effet, winnicott inscrit cette évolution «humaine  » au long


d’un processus de maturation qui est censé propulsé l’enfant vers
une autonomie relative. Le détachement de la mère va
proportionnellement avec « la capacité d’être seul» en présence
même de la mère. Pour l’enfant, ce processus de détachement
évoque naturellement une perturbation émotionnelle et/ou affective
aussi minime soit-elle, cela se comprend dans le langage freudien
en terme d’ «  angoisse de séparation » ou d’  »angoisse de
perte ». Le fameux jeu de la bobine du neveu de Freud illustre bien
ce travail de lutte antidépressive face à l’absence de la mère:
Freud interprète ce jeu en terme de tentative de contrôle de l’objet
externe jusqu’à ce qu’il soit intériorisé, et pour les psychologues
piagétiens, il serait le temps d’une tentative d’assimilation
abstraite de l’objet absent, ou la construction de la permanence de
l’objet. Winnicott admet l’interprétation freudienne du jeu, dans le
processus de psychothérapie de l’enfant, mais il y rajoute
l’importance de la destructivité de l’enfant qui soumet son jouet
(représentant de la mère) à son amour « impitoyable »: l’expérience
répétée de jeter la spatule à terre sans la casser, et donc sans la
détruire par sa propre destructivité, et sans confronter une attitude
rétorsive ou de retrait d’amour de l’objet (la mère), cette expérience
donc est une mise à l’épreuve de la constance de l’investissement
affectif maternel, elle est aussi déculpabilisante et ouvre le champs
à l’intégration symbolique de l’objet, la reconnaissance de l’objet
sous un statut objectif va conjointement avec l’apparition
d’attitudes de «  sollicitude » qui traduisent le désir de soin ou
l’intérêt porté à cet objet nouvellement crée/trouvé et réel.

On parle ici des processus psychiques apparaissant à l’âge du


jeu et que Winnicott nomme «Aire transitionnelle » ou « Aire
intermédiaire»  ; cet aire se situe entre l’illusion et la réalité, entre
dedans/dehors de la relation intersubjective primaire. La fonction
de cet espace intermédiaire avec la mère est de faciliter le
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détachement de la mère et l’accès à l’autonomie. L’enfant en phase


de transitionnalité, choisit un objet « transitionnel » qu’il croit avoir
créé magiquement. « Ce n’est pas l’objet qui est transitionnel, l’objet
représente la transition du petit enfant qui passe de l’état d’union
avec sa mère à l’état où il est en relation avec elle, en tant que
quelque chose d’extérieur et de séparé ». (« Jeu et Réalité », p. 26)
cet objet « subjectif » crée selon la volonté de l’enfant, subie le jeu
de force, de manipulation, d’attaque, de destruction, au sein de
l’espace transitionnel, lieu d’une expérience subjective ou l’enfant
tente d’exercer son omnipotence sur ses objets, projeter son amour
« cruel ». L’enfant a besoin de vivre dans une telle bulle illusoire
pour développer son espace psychique et la représentation d’un
self tout-puissant. En effet, le déploiement de fantasmes du Self
grandiose face à l’objet dans cette aire intermédiaire, à la manière
de la création du sein de la mère, procure un sentiment de
triomphe sur l’objet, et permet d’acquérir une confiance en ses
limites corporelles et psychiques. S’investir narcissiquement passe
d’abord par la création de l’objet « subjectif », puis sa découverte
en tant qu’objet réel qui existe indépendamment de lui, et la
restitution de ses qualités nouvellement perçues  ». En fait,
l’expérience transitionnelle contribue à la découverte du statut de
réalité, des limites propres au self et de l’accès au sentiment de
continuité et de la découverte de l’autre réel et différend de soi (la
mère en premier lieu). Les objets «  subjectifs  » crées magiquement
dans la pensée illusoire de l’enfant, se transforment aussi en
objets réels et objectifs ayants un statut autonome. Au terme de
cette transitionnalité, l’enfant accède à la fois à son indépendance
relative et découvre l’existence du monde objectal qui se meut
indépendamment de sa volonté, son désir et ses intentions. C’est
ainsi que la pensée abstraite murit, parallèlement à l’intégration
heureuse du principe de réalité qui n’empiéter pas sur le «  vrai-
self » ou la personnalité authentique de l’enfant.

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L’accès aux phénomènes transitionnels ouvre devant l’enfant une


porte d’entrée à la réalité culturelle et le partage des expériences
de vie collective, autant qu’elle structure sa subjectivité et son sens
de réalité. Sur le plan cognitif et symbolique, c’est l’axe de la
mentalisation qui s’enrichie dans son épaisseur, de
représentations d’objets soumises au à la temporalité, au contrôle
de l’objet, aux identifications passive-actives, à la complexification
du jeu de représentations symboliques, et enfin à l’élargissement
de l’espace psychique tout en protégeant ses objets de la
destructivité pulsionnelles de l’enfant. Manifestement, la stabilité
relative de la vie émotionnelle de l’enfant vient signifier la bonne
intégration des objets intériorisés avec une moindre ambivalence,
ce que Winnicott traduit en termes de «  Capacités de sollicitude  ».
En réalité, l’enfant reprend les qualités de soin de la bonne mère à
laquelle s’identifie, pour réparer l’objet, prendre soin de lui et
reconnaitre enfin sa «différence  », autrement dit, dans cette aire
transitionnelle , s’effectue la liaison des pulsions destructrices–
libidinales qui s’atténuent encore pour être au service du processus
de subjectivation œuvrant dans le mouvement de créativité de soi
et de la réalité externe.
Il reste à considérer que le plus important des destins du
phénomène transitionnel dans la vie entière du sujet, est le
déploiement des processus de la créativité primaire ; d’ailleurs,
Winnicott semble confondre le jeu de la vie à la créativité
continuelle qu’il pose comme élan de vie naturel de l’humain.

Dans le versant psychopathologique, l’échec du processus


d’indépendance ouvre la voie aux pathologies du narcissisme
primaires : l’état de confusion mentale, la dissociation psychique,
la crainte de l’effondrement, les tentatives de suicides. Il est vrai
que la pensée de Winnicott a posé le jalon de la théorie du self, elle
fournit des éléments d’interprétations psychanalytiques des

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troubles identitaires, narcissiques, dépressifs, des organisations-


limites, de la vulnérabilité psychique communément associée à la
précarité, des troubles autistiques de l’enfance et de l’adolescence
et des conduites addictives et des passages à l’acte violents.

Références conseillées à lire :


WINNICOTT, D.-W., (1945), Le développement affectif primaire in
De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris, Petite bibliothèque Payot,
1983, p. 33-47.

Winnicott, D.-W., (1957), L'enfant et le monde extérieur. Paris,


Petite bibliothèque Payot, 1972.

Winnicott, D.-W., (1957), L'enfant et sa famille. Paris, Petite


bibliothèque Payot, 1981.

Winnicott, D.-W., (1965), Processus de maturation chez l’enfant.


Paris, Payot, 1989.

Winnicott, D.-W., (1969), De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris,


Petite bibliothèque Payot, 1983.

Winnicott, D.-W., (1971), Jeu et réalité. Mayenne, Gallimard, 1999.

Winnicott, D.-W., (1974), La crainte de l’effondrement in


International Review of Psycho-Analysis, n°1.

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