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Prévention interne, mission d'alerte du commissaire

aux comptes
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July 6, 2012

La détection préventive – 1ère Partie :


La prévention des difficultés peut résulter d’outils internes à l’entreprise et d’intervenants
externes.

Section 1 : La prévention interne


Certaines entreprises disposent d’instruments leur permettant de suivre l’activité et
d’attirer l’attention des dirigeants lorsque les indices de difficulté apparaissent.
On peut citer plusieurs outils :

* Les tableaux de bord :


Ce sont des instruments essentiels de l’information préventive. Ils permettent de suivre
directement l’activité de l’entreprise. Le tableau de bord permet à l’entreprise de
connaître son évaluation par rapport à ses objectifs et éclairer la performance de ses
différentes fonctions :
– le tableau de bord de la direction financière comporte des indicateurs sur l’évaluation de
l’endettement, des fonds propres, de la solvabilité, de la rentabilité, de la structure
financière et du coût du capital ;
– le tableau de bord de la direction commerciale comporte des indicateurs sur les activités
commerciales menées par l’entreprise dont notamment son chiffre d’affaires par produit,
par zone géographique, sa position par rapport à ses concurrents et l’évolution de ses prix

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;
– le tableau de bord des ressources humaines permet d’informer sur l’évolution de
l’effectif, la mobilité du personnel, le taux d’absentéisme, la gestion des carrières, les
programmes de formation, les actions sociales, les moyens de motivation et le besoin en
personnel ;
– le tableau de bord de direction de production comporte des indicateurs techniques tels
que la capacité de production, le taux d’utilisation des équipements et leur âge, la
politique d’investissement et l’évolution de la maintenance.

* L’analyse financière :
Elle consiste dans le calcul de plusieurs ratios significatifs, le suivi de leur évolution en
fonction du niveau d’activité. Elle permet donc de déceler les premiers signes de difficulté.
Nous y reviendrons avec de plus amples détails par la suite.

* Les budgets :
C’est une technique beaucoup plus dynamique que les précédentes dans le sens ou elle est
projetée vers le futur (qui est notre préoccupation essentielle).
Anticiper le chiffre d’affaires, les marges et les dépenses de l’entreprise dans le futur puis
vérifier leur réalisation, mesurer et analyser les écarts (par le biais du contrôle budgétaire)
est très utile pour le suivi de l’activité de l’entreprise.
L’expert comptable, »conseiller privilégié de l’entreprise » peut contribuer à la mise en
place d’un système d’alerte interne par l’installation de ces outils d’information.
Les difficultés décelées à temps, les dirigeants peuvent alors engager les actions
correctives avec de plus grandes chances de réussite.
Pour les entreprises dépourvues de tels outils, la détection des difficultés risque d’être
tardive: le rôle du commissaire aux comptes est plus important.

Section 2 : La mission d’alerte du commissaire aux comptes; outil


de prévention
Le législateur a estimé que le commissaire aux comptes, dans le cadre de sa mission
générale, dispose d’un poste d’observation privilégié: c’est pourquoi il lui a confié cette
mission d’alerte.
En outre, la loi 95-34 a chargé les services de l’inspection du travail, la caisse nationale de
sécurité sociale, les services de comptabilité publique et les institutions financières
d’informer la commission de suivi des entreprises économiques de tous actes constatés
par eux et menaçant la continuité d’activité et notamment en cas de non paiement de ses
dettes six mois après leurs échéances.
La même procédure peut être déclenchée par la commission de suivi des entreprises
économiques lorsqu’elle constate que les pertes subies par une entreprise ont atteint ou
dépassé le tiers de son capital social: elle en informe alors le président du tribunal de
première instance.
» Cette procédure est critiquable car elle met en présence plusieurs intervenants
pouvant se substituer les uns aux autres, bien que en justifiant pas la même technicité.

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Elle prévoit, pour chaque catégorie d’intervenants, l’application de critères spécifiques,
dont la signification, faute d’être équivalente, risque de conduire à des interprétations
divergentes concernant la situation de l’entreprise.
Cette assimilation des rôles des différents intervenants chargés de déclencher l’alerte est
de nature à conduire à une dilution de la responsabilité et par conséquent, à une
marginalisation du rôle du commissaire aux comptes « (1).

P1) Qui est commissaire aux comptes ?


Avant la promulgation du code des sociétés commerciales, seules les sociétés anonymes
étaient dans l’obligation de désigner un commissaire aux comptes. Les SARL, constituant
le plus grand nombre d’entreprises en Tunisie, étaient privées de ce dispositif d’alerte.
En effet, « toute société commerciale doit désigner un commissaire aux comptes, si
durant 3 exercices successifs son chiffre d’affaires ou son capital dépasse un montant fixé
par arrêté du ministère chargé des finances ».(article 13 du code de sociétés
commerciales)
Selon l’article 123 du même code, « lorsque le capital social est égale ou excède 20.000
dinars, les associés délibérant aux conditions de quorum et de majorité propres aux
assemblées générales ordinaires sont tenues de désigner un ou plusieurs commissaires
aux comptes ».
Si le chiffre d’affaire est égale ou supérieur à 3.000.000 dinars (montant fixé par arrêté
du ministre chargé des finances) , la société doit choisir un commissaire inscrit à l’ordre
des experts comptables de Tunisie.
Selon l’article 258 du code de sociétés commerciales, « le commissaire aux comptes
vérifie, sous sa responsabilité, la régularité des comptes de la société et leur sincérité
conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur ».
Les fonctions de commissaires aux comptes peuvent être assurées par des personnes
physiques ou par des sociétés de commissaires aux comptes conformément à la loi relative
à la profession des experts comptables.

P2) Les phases de la mise en œuvre de la procédure d’alerte :


Cette mission d’alerte a un caractère progressif : le commissaire aux comptes s’adresse
d’abord aux dirigeants, puis aux organes d’administration, à l’assemblée générale des
actionnaires et enfin à la commission de suivi des entreprises économiques.

Première phase : Demande d’éclaircissements aux dirigeants

D’après l’art 6 de la loi 95-34, le commissaire aux comptes est chargé de demander par
écrit aux dirigeants, des éclaircissements relatifs à tous actes menaçant l’activité de
l’entreprise, relevés à l’occasion de l’accomplissement de ses fonctions. Ce dernier doit y
répondre dans un délai de 15 jours.
Ces éclaircissements contiennent des explications nécessaires apportées par le dirigeant
ainsi que les mesures de redressement qu’il compte entreprendre pour rétablir ou
améliorer la situation.
La loi française quant à elle parle de faits. S’agit il d’une limitation voulu par notre loi ? Ne
convient il pas de l’étendre aux faits relevés et qui menacent la continuité d’exploitation ?

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A ce stade, la procédure d’alerte reste secrète et confidentielle puisque il s’agit d’un
dialogue entre le commissaire et le dirigeant.
A l’issue de cette première phase, deux situations peuvent se présenter:
a) La Réponse du dirigeant est satisfaisante :
Dans ce cas, la procédure d’alerte est interrompue et le commissaire aux comptes doit
obtenir un degré raisonnable d’assurance que les mesures envisagées par le dirigeant sont
bénéfiques et le tout afin que la situation de l’entreprise s’améliore.
b) Défaut de réponse ou réponse jugée insuffisante :
Dans ce cas, on passe à la deuxième phase.

Deuxième phase : Demande de la réunion du conseil d’administration ou du


conseil de surveillance

Le commissaire aux comptes soumet la question au conseil d’administration de


l’entreprise ou au conseil de surveillance.
A l’issue de cette phase, deux cas peuvent se présenter:
Les mesures prises par le conseil d’administration sont jugées satisfaisantes pour sauver
l’entreprise.
Dans ce cas, le commissaire peut arrêter la procédure.
Le conseil d’administration ne s’est pas réuni ou les mesures prises sont jugées
insuffisantes.
Si le commissaire aux comptes constate que la continuité de l’exploitation demeure
compromise, il doit convoquer d’urgence l’assemblée générale des actionnaires.

Troisième phase : Convocation de l’assemblée générale des actionnaires

Le commissaire aux comptes doit procéder à cette convocation dans un délai ne dépassant
pas un mois de la date de réception de la réponse ou du l’expiration du délai de réponse.
S’il juge que les menaces subsistent ou que les mesures prises par les actionnaires ne sont
pas satisfaisantes, il informe la commission de suivi des entreprises économiques.

Quatrième phase : Information de la commission de suivi des entreprises


économiques

C’est la dernière phase de l’intervention du commissaire aux comptes. Celui ci doit


adresser un rapport à cette commission dans un délai d’un mois de l’accomplissement des
mesures précitées. (article 7 de la loi 95-34)
Cependant, le contenu de ce rapport n’a pas été précisé. Il pourrait contenir les démarches
accomplies par le commissaire ainsi que les faits relevés et qui sont de nature à
compromettre la continuité d’exploitation.

P3) Les difficultés posées par la mission d’alerte du commissaire aux


comptes :
• Difficulté d’appréciation des actes menaçant la continuité d’exploitation en plus de la
confusion du législateur entre « actes » et « faits »:
L’acte juridique est « la manifestation de volonté destinée à produire des effets juridiques
c’est à dire qu’elle va créer, modifier ou éteindre un droit ».

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Les faits juridiques sont « l’ensemble des évènements de la vie sociale emportant des
conséquences juridiques c’est à dire influant sur la création, la transmission et l’extension
des droits »
Or, la limitation du domaine de l’alerte aux seules décisions intentionnelles pouvant
menacer la continuité d’exploitation réduit le rôle du commissaire aux comptes dans la
prévention des difficultés des entreprises.
Il convient de privilégier l’esprit de la loi et d’étendre l’alerte aux faits de nature à
compromettre la continuité de l’exploitation.
Entre autre, l’établissement d’une norme sur le sujet pourrait être envisagé.
• Le délai de 15 jours accordé au dirigent pour donner des réponses satisfaisantes n’est il
pas très court ?
• Le manque de recul et la difficulté d’appréciation des réponses de dirigeants et du
conseil d’administration par le commissaire aux comptes pour évaluer l’utilité des
mesures envisagées et vérifier leur application et leur résultat sachant qu’il dispose d’un
mois seulement ?
Il est vrai que les actions de prévention et de redressement doivent être réalisées le plus
tôt possible mais il ne faut pas tomber dans la précipitation car les solutions
approximatives, arbitraires et insuffisamment réfléchies ont des conséquences
dommageables.(1)
• Ne faut-il pas préciser si le commissaire aux comptes doit être convoqué à l’assemblée et
à la réunion du conseil d’administration ?
• Il y a lieu de s’interroger sur la responsabilité civile du commissaire aux comptes des
conséquences dommageables sur l’entreprise ou des tiers et qui sont en relation directe
avec la faute commise par sa négligence ou défaillance et ce en cas de:
– demande injustifiée d’éclaircissements;
– demande tardive d’éclaircissements;
– absence de demande d’éclaircissements (par manque de diligence ou
intentionnellement);
– absence de saisine du conseil d’administration ou de l’assemblée générale en cas de
défaut de réponse des dirigeants ou de réponse insuffisante.

P4) Incidences de l’alerte sur les principes de commissariat aux


comptes :

1) Le principe de permanence de la mission :

Le commissaire aux comptes doit maintenir un contact permanent avec l’entreprise


contrôlée, il doit être informé de tous les évènements significatifs menaçant la continuité
d’exploitation.
Ce dernier doit veiller au suivi des décisions stratégiques à travers les procès verbaux du
conseil d’administration et de l’assemblée générale, ainsi qu’à la conduite d’enquêtes et
entretiens périodiques avec les dirigeants, le suivi de l’activité à travers les tableaux de
bord, examen analytique, examen des situations comptables périodiques et
prévisionnelles..
En effet, la mission de commissariat aux comptes n’est pas une mission permanente au
sens fonctionnel, c’est à dire une série continue ou exhaustive de contrôles.

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Il n’y a pas d’obligation au contrôle permanent de principe de mission permanente, il
existe simplement un principe de permanence de la mission, modalité particulière de
l’obligation générale de moyens qui pèse sur le commissaire ceux comptes.
Cette obligation générale de moyens implique que le commissaire aux comptes ne procède
pas à un contrôle exhaustif de chaque opération et donc chaque enregistrement.
L’exercice permanent de la mission s’assimile à la faculté laissée au commissaire aux
comptes d’intervenir à tout moment de la période de l’exercice.
La mission d’alerte met simplement un relief la nécessité d’appliquer avec diligence dans
le cadre de la mission générale de moyens, la permanence de la mission. En revanche, elle
risque d’entraîner une remise en cause du principe de non immixtion dans la gestion.

2) Le principe de non immixtion dans la gestion :

La loi 82-62 du 30 juin 1982 portant création du commissariat aux comptes en Tunisie
prévoit que la mission de commissaire aux comptes s’exerce à l’exclusion de toutes
immixtion dans la gestion
Cependant, la frontière est souvent « délicate à tracer entre l’exercice complet de la
mission de contrôle et l’immixtion prohibée par la loi » surtout si on prend en
considération l’impact de la loi 95-34 sur la portée juridique du principe de non
immixtion du commissaire aux comptes dans la gestion.
Le problème s’est posé de même en France par la promulgation de la loi du 1 mars 1984.
Avant cette dernière, le principe de non immixtion était absolu dans la conduite des
affaires sociales et le commissaire aux comptes devait s’abstenir d’apprécier la gestion en
elle même. .
Avec les dispositions de la loi 95-34, l’appréciation des actes ou faits menaçant l’activité,
des réponses des dirigeants ou des mesures prises ont conduit inévitablement le
commissaire aux comptes à porter un jugement sur l’aptitude du choix par les dirigeants,
des objectifs et des moyens de la politique sociale, à renouveler dans le temps la
vérification de l’hypothèse de continuité de l’exploitation.
Certes, le commissaire aux comptes n’a ni à participer à l’élaboration ni à l’approbation ou
l’application des décisions de gestion, il ne fait qu’apprécier à un moment donné les
conséquences possibles de certains faits ou actes menaçant la continuité d’exploitation et
certaines mesures prises pour la maintenir.
En effet, le rôle du commissaire aux comptes se limite à s’assurer que les mesures
envisagées par les dirigeants sont susceptibles de faire face aux risques encourues.
Cependant, cela se traduit nécessairement par l’acceptation ou la sanction des mesures
envisagées par les dirigeants, manifesté par la poursuite de l’alerte ou son interruption.
Il s’agit d’une transgression partielle au principe de non immixtion dans la gestion qui
concerne uniquement la stratégie future de l’entreprise qui n’est permise que dans les
entreprises en difficulté.(1)
Rôle de l’expert-comptable dans la prévention et le traitement des difficultés
des entreprises
Mémoire pour l’obtention de la maitrise en sciences comptables
Institut Des Hautes Etudes Commerciales – Université 7 Novembre De Carthage
____________________________
(1) L’expert N°: 19, année 1998.

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(1)L’expert N°: 19, année 1998.
(1) Mohamed Souissi, «Mission d’alerte du commissaire aux comptes : approche
juridique », mémoire d’expertise comptable, 1998, page 142.

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