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La chimie verte: la chimie transformée (réinventée)

pour un environnement plus propre

1. introduction
L'industrie chimique s'est considérablement développée au cours du vingtième siècle, et
plus particulièrement après la deuxième guerre mondiale. La chimie fait aujourd'hui partie de
notre quotidien : l'essentiel des produits que nous consommons ou utilisons ont, au moins à
une étape de leur fabrication, un lien avec l'industrie chimique (« Et si les chimistes arrêtaient
tout ».)
Cependant, l'image de la chimie auprès du public s'est progressivement dégradée au rythme de
catastrophes aux conséquences humaines ou écologiques lourdes. Par exemple, on découvre
en 1961 que la thalidomide, prescrite comme antinauséeux, provoque des malformations du
nouveau-né lorsqu'elle est administrée aux femmes enceintes durant les premiers mois de la
grossesse. Vers la même période, le DDT (insecticide longtemps considéré comme une
solution miracle dans la lutte contre le paludisme en raison de son efficacité dans
l'éradication des moustiques vecteurs de la maladie) se révèle être un polluant organique
persistant: on en retrouve dans l'environnement longtemps après l'épandage et il s'insère dans
la chaîne alimentaire de l'homme ; son utilisation est aujourd'hui très réglementée, il est
interdit dans de nombreux pays. De plus, les accidents industriels comme ceux de Seveso
(Italie 1976), Bhopal (Inde 1984), l'explosion de l'usine AZF (Toulouse 2001), … etc.

Cependant, la fréquence de ces évènements était et reste encore très faible. En revanche, tout
au long de sa phase d'expansion intense, l'industrie chimique a libéré des substances de
manière non-contrôlée dans les airs, les eaux ou les sols. En effet, la dilution était alors
considérée comme la meilleure solution aux problèmes de pollution ! La prise de conscience
relativement récente de l'étendue et des effets de cette pollution a imposé la nécessité de
changer le mode de développement de l'industrie chimique. Une réflexion sur une « réforme
de la chimie » s'est engagée, réflexion qui s'insère dans le cadre de travaux de plus grande
ampleur sur l'impact des activités humaines sur l'environnement.

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Industrie chimique
• croissance estimée (de 1995 à 2020) : 85%
• records de croissance (derniers 50 ans)
Facteur E = déchets/produits
-production industrielle de produits chimiques raffineries de pétrole (plusieurs Mt) : E < 0,1
Essence, huile, dihydrogène, éthylène, produits organiques de base,…
-Chimie lourde (plusieurs Mt) : E < 1 à 5
soude, chlore, ammoniac, engrais (urée), acides chlorhydrique et sulfurique,.…
-Chimie fine (milliers de t) : E = 5 à >50
pesticides, industrie phytosanitaire, produits de beauté,…
-Médicaments (≈ millier de t) : E = 25 à >100
(chimie pharmaceutique)
Bienfaits de la chimie (des produits chimiques) :
-Amélioration de la qualité de vie (santé, confort …)
-Augmentation de la durée de vie :
-traitement de maladies
-diminution de décès de jeunes enfants et de personnes âgées

Méfaits de la chimie (des produits chimiques) :

Pollution, accidents (explosions, libération de substances toxiques) (mortalité, maladies) …

La chimie : Quelque catastrophes


-Bhopal (Inde) le 3 décembre 1984 : explosion d'une usine Union Carbide produisant des
pesticides et qui a dégagé 40 tonnes d’isocyanate de méthyle dans l’atmosphère de la ville
:12 000 morts et 300 000 malades.
-Saint-Basile-le-Grand, 23 août 1988: feu de barils d'huile contenant des biphényles
polychlorés (BPCs)épais nuage toxique composé de BPCs et dedibenzofuranes polychlorés
(DFPCs)
-12décembre1999: naufrage de l'Erika, pétrolier, au large des côtes françaises. 12000 tonnes
de pétrole lourd répandues.
-30 janvier 2000:déversement accidentel de100000 m3d'eau contenant du cyanure dans un
affluent roumain de la Tisza, anéantissant toute vie aquatique dans le cours hongrois.
- 13mai 2000:explosion de l'usine de stockage de feux d'artifices à Enschede de Pays-Bas.

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- 21septembre2001:l'explosion de l'usine chimique AZF à Toulouse, France 500 blessés tout
en causant des destructions importantes à Toulouse.
-14novembre2002: naufrage du Prestige, pétrolier, au large des côtes Espagnoles.77000
tonnes de pétrole lourd sont répandues.

Depuis la prise de conscience des répercussions des activités humaines sur les
systèmes naturels qui a conduit à la première conférence mondiale sur l’environnement en
juin 1972 à Stockholm, divers programmes pour l’environnement ont été mis en place.
Le concept de développement durable a été élaboré en 1987 par la Commission
mondiale sur l’environnement et le développement, présidée par le Premier ministre
norvégien, Mme Brundtland.
La chimie verte apparaît comme un outil privilégié, la plaçant au cœur même du
développement durable.
D’autres concepts où la chimie verte joue un rôle central concernent l’écologie
industrielle, issue de l’analogie avec les écosystèmes naturels. et définie classiquement
comme l’ensemble des pratiques industrielles destinées à réduire la pollution. Il s’agit en fait
d’un ensemble d’opérations de rationalisation de la production permettant une réduction
importante des consommations d’énergie et de matière, une minimisation des déchets, une
réutilisation des rejets pour servir de matières premières à d’autres processus de
production.

2. Définition de la chimie verte (green chemistry )


La chimie verte, ou chimie durable, selon la définition de Paul Colonna, se définit « comme
la conception, le développement et l’utilisation de produits chimiques et de procédés
visant à réduire ou éliminer l’usage ou la formation de substances dangereuses ou
toxiques pour la santé et l’environnement». Stéphane SARRADE complète cette
définition : la chimie verte, c’est concevoir des produits et des procédés industriels à partir du
génie des procédés avec un impact minimum sur trois domaines majeurs :
1- La santé des opérateurs,
2- La qualité de l’environnement et,
3-La santé des consommateurs.

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3. Principes de chimie verte
En 1991, Anastas qui était alors le responsable de la Direction générale de la Chimie
industrielle à l’Agence pour la protection de l’environnement des États-Unis, a énoncé le
concept de Green Chemistry. L’objectif de la chimie verte, également nommée «chimie
en faveur du développement durable» ou «chimie éco-compatible» ou encore «chimie
durable», est de prévenir la pollution en concevant les produits et les procédés chimiques
permettant de réduire ou d’éliminer à la source l’utilisation et la synthèse de substances
dangereuses. Ces premières initiatives de recherches répondaient à quatre concepts
fondamentaux, qui seront plus tard repris et détaillés en 1998 par Paul Anastas et John
Warner, chercheurs à l’Agence américaine pour l’environnement (EPA), ont jeté les bases
théoriques de cette nouvelle discipline en publiant un ouvrage énonçant 12 principes
fondateurs de la chimie verte. Aujourd’hui mondialement reconnus comme les bases de
la chimie verte.
.
En 1998, Anastas et Warner ont proposé douze principes pour mettre en pratique la
chimie verte, une chimie moderne respectueuse de l’environnement. Tous ces principes
visent à diminuer les rejets, la quantité de matière utilisée, en particulier les ressources non
renouvelables, la dépense énergétique ainsi que les risques et les dangers.
Pour être vraiment verte, la chimie doit satisfaire complètement les douze principes. Si un
seul est satisfait, on peut être très loin de la chimie verte. On s’en approche si la grande
majorité des principes sont satisfaits, mais il est clair qu’il faudra se munir d’indicateurs
précis pour évaluer la vertitude (une verte attitude, greenness en anglais) des procédés
chimiques.
Dans une industrie chimique idéale, les produits seraient conçus pour avoir le
minimum d’impact sur l’environnement, les matières premières seraient d’origine
renouvelable (biomasse), les réactions seraient faites avec des catalyseurs recyclables et non
des promoteurs stœchiométriques, les procédés n’utiliseraient aucun solvant ou des solvants
n’ayant pas d’impact sur l’environnement et recyclables, les synthèses se feraient dans
des réacteurs de petites dimensions afin de minimiser tout risque, la dépense
énergétique serait maîtrisée, les sous-produits seraient minimisés et si possible recyclés, enfin,
les produits seraient manufacturés au voisinage de leur lieu d’utilisation pour minimiser les
transports.

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Les quatre concepts de base (selon la définition de Stéphane SARRADE)
A. Mieux utiliser la matière première Utiliser au maximum les matières premières, qui
transformées, doivent se retrouver le plus largement possible dans le produit final,
limitant ainsi la production de sous-produits. Ceci sousentend d’appauvrir au maximum la
matière première utilisée et les déchets résiduels produits (devenant ainsi plus inoffensif
pour l’environnement)
B. Utilisé des solvants propres, non toxiques et compatibles avec l’environnement
Abandonner, par exemple, certains solvants organiques tels que le benzène au profit
d’utilisation croissante de fluides supercritiques.
C. Utiliser au mieux l’énergie, en termes de rendement, d’économies, de sources et de
rejets. Exemple d’application : recherche et développement d’agro-carburants de première
et de seconde génération, maîtrise des rejets gazeux des véhicules (utilisation des catalyseurs
dans les pots d’échappement, filtres à particule…).
D. Produire des quantités minimales de déchets dans des formes adaptées (solide, liquide ou
gazeuse) qui limitent leur dissémination potentielle et facilitent le recyclage .

4. Énoncé des 12 principes de chimie verte


1. Prévention : il vaut mieux produire moins de déchets qu'investir dans l'assainissement ou
l'élimination des déchets.
2. Économie d'atomes : les synthèses doivent être conçues dans le but de maximiser
l'incorporation des matériaux utilisés au cours du procédé dans le produit final.
3. Synthèses chimiques moins nocives : lorsque c'est possible, les méthodes de synthèse
doivent être conçues pour utiliser et créer des substances faiblement ou non toxiques pour les
humains et sans conséquences sur l'environnement.
4. Conception de produits chimiques plus sécuritaires : les produits chimiques doivent être
conçus de manière à remplir leur fonction primaire tout en minimisant leur toxicité.
5. Solvants et auxiliaires plus sécuritaires : lorsque c'est possible, il faut supprimer
l'utilisation de substances auxiliaires (solvants, agents de séparation...) ou utiliser des
substances inoffensives.
6. Amélioration du rendement énergétique : les besoins énergétiques des procédés
chimiques ont des répercussions sur l'économie et l'environnement dont il faut tenir compte et
qu'il faut minimiser. Il faut mettre au point des méthodes de synthèse dans les conditions de
température et de pression ambiantes.

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7. Utilisation de matières premières renouvelables : lorsque la technologie et les moyens
financiers le permettent, les matières premières utilisées doivent être renouvelables plutôt que
non-renouvelables.
8. Réduction de la quantité de produits dérivés : lorsque c'est possible, toute déviation
inutile du schéma de synthèse (utilisation d'agents bloquants, protection/déprotection,
modification temporaire du procédé physique/chimique) doit être réduite ou éliminée.
9. Catalyse : les réactifs catalytiques sont plus efficaces que les réactifs stœchiométriques. Il
faut favoriser l'utilisation de réactifs catalytiques les plus sélectifs possibles.
10. Conception de substances non-persistantes : les produits chimiques doivent être conçus
de façon à pouvoir se dissocier en produits de dégradation non nocifs à la fin de leur durée
d'utilisation, cela dans le but d'éviter leur persistance dans l'environnement.
11. Analyse en temps réel de la lutte contre la pollution : des méthodologies analytiques
doivent être élaborées afin de permettre une surveillance et un contrôle en temps réel et en
cours de production avant qu'il y ait apparition de substances dangereuses.
12. Chimie essentiellement sécuritaire afin de prévenir les accidents : les substances et la
forme des substances utilisées dans un procédé chimique devraient être choisies de façon à
minimiser les risques d'accidents chimiques, incluant les rejets, les explosions et les incendies.
Aujourd'hui, dans de nombreux pays, sont financés des programmes de recherche qui visent à
incorporer un ou plusieurs de ces 12 principes lors de la mise en oeuvre d'une synthèse ou
d'un procédé chimique. Ils sont parfois développés dans le cadre d'instituts spécialement
dédiés à la chimie verte dont l'objectif premier est son développement, la diffusion de ses
procédés et leur incorporation en recherche fondamentale et industrielle.

5. Critères de chimie verte


On peut définir quatre niveaux hiérarchiques d’indicateurs allant des indicateurs les
plus globaux aux indicateurs les plus précis.
5.1. Au niveau sociétal
Les critères à ce niveau peuvent se classer dans les cinq catégories suivantes:
- l’assurance de pouvoir toujours disposer d’énergie, qui conduit à deux indicateurs:
l’efficacité énergétique (rapport entre énergie produite et énergie dépensée) et le
caractère renouvelable de l’énergie utilisée;
- la qualité de l’air, qui rend compte des émissions polluantes et des COV (composés
organiques volatils);

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- le changement climatique lié notamment à l’émission de gaz à effet de serre
(principalement CO2, CH4 et N2O) et de gaz détruisant la couche d’ozone.
- la disponibilité en eau potable, qui peut être liée au cycle de l’eau et à son usage
plus ou moins intensif.
- la maîtrise des sols qui comprend leur disponibilité et leur éventuelle contamination.
5.2. Au niveau d’une infrastructure
Au niveau d’une infrastructure, cela concerne essentiellement la disponibilité des
terrains et des ressources allant des matières premières au produit fini. Il existe deux indices.
Le premier (MIPS-Material Intensity Per unit Service) correspond au poids des entrants par
rapport à l’unité de service, le second correspond à la part de matériaux renouvelables par
rapport à ceux utilisés.
5.3. Au niveau d’une compagnie À ce niveau, les indicateurs sont de trois sortes:
-La disponibilité énergétique.
- Les émissions engendrées par l’outil de production.
- La quantité d’eau utilisée par rapport à la valeur ajoutée.
5.4. Au niveau des procédés :
Ces indicateurs peuvent se classer en trois catégories
- L’efficience énergétique, rapport entre l’énergie théorique requise et l’énergie
effectivement dépensée
- Les facteurs liés aux produits engendrés et à leur fin de vie, quant à leur toxicité, leur
écotoxicité, leur recyclabilité, leur valorisation ultime, leur biodégradabilité.
- Les indicateurs liés aux ressources, tenant compte des masses utilisées (entrants).

(Suite)

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