En effet, les charges fixes afférentes à un projet devront être supportées même si le chiffre
d’affaires réel est bien inférieur aux prévisions (risque d’exploitation). Par ailleurs, la
décision d’investissement, une fois prise, est souvent irréversible étant donné la difficulté
à céder des biens, souvent assez spécifiques, en cas de surcapacité.
Toutefois, les études même les plus sophistiquées n’élimineront jamais tout à fait le risque
décisionnel, et ce d’autant plus que le choix portera sur des prévisions à long terme. Cela
n’interdit pas pour autant de minimiser le risque par une meilleure connaissance des
conséquences de l’investissement.
Des méthodes exposées dans ce chapitre doivent y contribuer. Nous proposerons une
analyse des éléments de la décision d’investissement, ainsi que des variables
fondamentales dans la sélection des différents projets.
On cherche trop souvent à voir dans l’acte d’investissement l’acquisition d’un bien
matériel isolé, dont toutes les conséquences peuvent être facilement envisagées et mesurées
(effets sur la trésorerie, sur les coûts, sur la production…).
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A cet investissement matériel seront liées des dépenses pour sa mise en œuvre
(investissement d’accompagnement) ou des dépenses découlant de l’investissement initial
(investissement induit). Il faudra alors raisonner en termes de projets d’investissements
au lieu de biens d’investissements. Chacun de ces projets doit présenter deux
caractéristiques essentielles :
- c’est un ensemble de décisions portant sur un poste principal (biens
d’équipements très souvent mais pas exclusivement) et sur une chaîne d’actions
induites;
- il doit pouvoir être isolé. Cela signifie qu’il concerne une opération
économiquement cohérente dont on peut cerner les différents flux d’entrées et
de sortie.
1.1. DEFINITION
Force est de noter, à ce niveau, qu’il faut bien distinguer entre investissements et charges:
l'investissement modifie durablement le cycle d’exploitation et permet sa croissance, alors
que la charge est "consommée" dans le cycle d’exploitation.
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1.2. NATURE ET CLASSIFICATION DES INVESTISSEMENTS
Les critères de classification des investissements sont nombreux. Leur intérêt est assez
limité et réside essentiellement dans une certaine rigueur dans le traitement d’une décision
d’investissement dans la mesure où chaque catégorie devrait relever de concepts et de
critères homogènes.
Certains se limitent d’ailleurs à deux critères dignes d’intérêt : la nature et les motivations
de l’investissement (Ballada et Coille, 1996).
Selon la nature de l’investissement, on distingue,
- Les investissements intellectuels : formation, recherche ;
- Les investissements financiers : achat de titres de participation ;
- Les investissements industriels et commerciaux : machines, locaux…
Selon les motivations de l’investissement, on distingue :
- Les investissements de remplacement : maintien du potentiel productif et
commercial ;
- Les investissements de productivité : abaissement des coûts ;
- Les investissements d’expansion : augmentation des capacités de production ;
- Les investissements humains et sociaux : recrutement et formation, amélioration
des conditions de travail, cantine pour le personne…
Un autre critère mérite une attention particulière : le niveau de dépendance des projets.
- Les projets mutuellement exclusifs : deux projets sont dits mutuellement exclusifs
(ou incompatibles) si la réalisation de l’un exclut celle de l’autre. Tel est
généralement le cas de deux projets visant à satisfaire le même besoin, mais selon
des technologies différentes (transport du minerai par axe routier ou par chemin
de fer) ou selon des localisations différentes (usine proche des matières ou proche
des consommateurs).
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- Les projets dépendants ou complémentaires : deux projets sont dits dépendants,
ou complémentaires ou encore contingents si l’acceptation ou le rejet de l’un,
entraîne l’acceptation ou le rejet de l’autre. Dans ces conditions, l’analyse doit
finalement porter sur le projet combiné.
Rappelons encore une fois que ces différentes classifications des projets ne sont certes pas
exhaustives.
1.3. LE PROCESSUS DE LA DECISION D’INVESTISSEMENT
La rationalité de la décision d’investissement suppose le respect d’une certaine démarche
à suivre. Au cours du processus de la décision d’investissement, quatre grandes phases se
distinguent :
Le programme d’investissements : élément de la stratégie de l’entreprise. Les
entreprises poursuivent une pluralité d’objectifs (rentabilité, expansion…). Ils sont
plus ou moins importants, à long terme ou à une échéance plus rapprochée, tantôt
complémentaires tantôt opposés.
Au total, certains d’entre eux vont être retenus et hiérarchisés pour tenir compte des
différentes priorités et complémentarités. C’est à partir de cette pyramide d’objectifs que
vont s’élaborer la stratégie de l’entreprise et les politiques qui en découlent. Cela ne
pourra se faire bien évidemment sans un diagnostic préalable de l’entreprise et la prise
en compte de l’environnement tant actuel que futur.
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L’élaboration du plan de financement : une fois sélectionnés sur des critères
économiques et autres, les projets d’investissement sont traduits en termes de
besoins financiers. Ces besoins peuvent être couverts par des moyens internes ou
externes et là aussi il faut choisir en fonction de certaines contraintes (rentabilité,
solvabilité…).
Le capital initialement investi est la dépense que l'entreprise doit supporter pour réaliser
le projet. C’est un coût qui comprend non seulement le prix d’acquisition hors taxes des
immobilisations corporelles, incorporelles et/ou financières mais aussi les frais accessoires
(frais de transport, frais d’installation, de douane, de formations) et l’augmentation de
besoin en fond de roulement d’exploitation BFRE.
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Ainsi, le capital investi doit prendre en compte le supplément initial du BFRE lié au projet
et les augmentations successives qui vont s’échelonner sur la durée de vie du projet. Cette
dépense engagée au titre du BFR est récupérée à la fin de la durée de vie du projet.
2.2. LES FLUX FINANCIERS GÉNÉRÉS PAR LE PROJET
L'entreprise attend d'un projet d'investissement soit qu'il apporte des rentrées nettes
d'argent, soit qu'il réalise des économies au niveau de certains coûts d'exploitation. Ces
rentrées d'argent ou ces économies sont désignées par le terme de cash-flow.
Le calcul des flux de trésorerie générés par un projet résulte de la différence entre les
produits annuels encaissables et les charges annuelles décaissables générés par
l’exploitation du projet :
Notons, à ce niveau, qu’une dotation aux amortissements n’est pas une sortie d’argent.
Les dotations aux amortissements ne sont pas, par conséquent, inclues dans les cash-flows.
avec CF: les cash-flows, R: les recettes du projet, D: les dépenses d’exploitation, A:
l’amortissement et t le taux d’impôt sur les bénéfices.
2.3. LA DUREE DE VIE DU PROJET
D’une manière générale, l’investissement est étudié sur une période déterminée à la fin de
laquelle on doit arrêter tous les flux de trésorerie. La définition de cette période est très
importante car elle va permettre d’évaluer la durée de sécrétion des cash-flows qui
conditionnera elle-même la capacité de remboursement du projet.
Il s’agit en fait de la durée de vie économique qui doit être distinguée de deux autres
notions souvent utilisées à tort :
- La durée de vie fiscale correspond à la durée d’amortissement de l’investissement.
Elle est souvent inférieure à la durée de vie économique ;
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- La durée de vie technique est déterminée en prenant en compte comme seul facteur
de dépréciation l’usure. Elle est généralement supérieure à la durée de vie
économique qui, elle, considère en outre la dépréciation qualitative due à
l’obsolescence.
La durée de vie économique ainsi déterminée peut s’avérer fort longue pour certains
investissements et rendre incertaines les prévisions des flux de trésorerie les plus lointains.
On peut alors être amené à limiter l’effort de prospective à un horizon économique au-
delà duquel les prévisions deviennent très aléatoires.
A la fin de la vie du projet, l’équipement utilisé peut avoir une valeur marchande dont il
faut en tenir compte sans oublier un éventuel impôt sur les plus-values de cession. Donc
la valeur résiduelle en fin de projet est une recette qui doit s’ajouter à l’ensemble des
encaissements. Il est possible, en effet, de céder l’équipement au bout de sa durée de vie
économique ; le prix de cession qui en résulte s’ajoute au cash-flow de la dernière année
du projet.
On utilise les méthodes d’actualisation pour pouvoir comparer les différents flux
monétaires. L’actualisation est une technique qui permet, en effet, de comparer
aujourd’hui des flux qui ne se produisent pas à la même date dans le temps.
Le taux d'actualisation utilisé dans l’évaluation des projets est le taux correspondant aux
exigences de rentabilité des apporteurs de capitaux. Le taux d'actualisation ou coût de
capital est un taux qui correspond à la rentabilité attendue par l'ensemble des apporteurs
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de fonds de l'entreprise (les actionnaires et les créanciers), il est appelé également coût
moyen pondéré du capital (CMPC).