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ll a sorti l’album Dans ar dañs en début d’année : une Mon père était carrossier à Quim-
belle manière de fêter cinquante ans de carrière (et soixante per. Ma mère travaillait au secré-
de guitare) qui l’ont vu porter haut les couleurs d’un folk tariat. C’est plutôt par devoir filial
qu’il a repris l’affaire familiale mais
rock interceltique et en ont fait un des artistes majeurs de
ce n’était pas ce à quoi il se desti-
la musique bretonne. Avec humilité et sincérité, Dan ar
nait. Cela a joué un rôle, plus tard,
Braz nous raconte son parcours. quand j’ai voulu faire de la musique
en professionnel. Ma mère, qui
J
e suis né dans un milieu où essayaient de copier) les Anglo- voulait m’en dissuader, a essayé
on écoutait beaucoup de mu- saxons, la musique venant de la de convaincre mon père de m’en
siques, toutes sortes de mu- chambre de mon grand frère a empêcher mais il a dit : « Moi, j’ai
siques. Mes parents n’étaient commencé à prendre sa place dans fait toute ma vie un métier qui ne
pas musiciens à proprement dit, mon univers. Comme lui, je me suis me plaisait pas. Mes enfants feront
mais mon père chantait extrême- mis à écouter Radio Luxembourg ce qu’ils veulent. »
ment bien et on l’appelait Tino à qui était allemande le jour et an- J’ai donc commencé à étudier la
cause de ses interprétations des glaise le soir. Une radio fabuleuse guitare, en prenant des cours au
chansons de Tino Rossi. Ma mère où nous pouvions entendre tout début mais ça ne me plaisait pas
avait pris des cours de piano, elle ce qui naissait à cette fabuleuse trop. J’ai surtout progressé tout
pianotait. Mon père avait une col- époque en Angleterre, à Liverpool seul en apprenant deux ou trois
lection de 78 tours remarquable ; ou ailleurs. accords, puis quatre, cinq… Je pou-
ma fille Yuna les utilise maintenant vais m’entraîner aussi au patronage
dans les soirées vinyles qu’elle Débuts à la guitare de la paroisse. À l’école du Likès,
organise avec ses superbes gramo- il y avait une salle de musique où
phones. Mon grand frère Pierre, À douze ans, j’ai eu ma première on pouvait répéter. On avait formé
de quatre ans mon aîné, écoutait guitare pour ma communion, ache- un groupe de rock. J’ai continué à
lui aussi beaucoup de musique tée dans une boutique d’électro- grattouiller, de plus en plus. Et j’ai
dès le début des années 1960 et ménager de Concarneau, avenue découvert des chanteurs comme
Elvis Presley et Cliff Richard, entre Carnot. J’ai commencé à faire gling- Donovan, Bob Dylan, Paul Simon
autres, ont fait leur entrée dans la glong en écoutant la radio avec et bien d’autres.
maison. J’ai donc baigné dans un trois accords pour jouer « Satis-
univers musical très divers mais faction ». C’est le hasard d’être Escapades parisiennes
dans lequel ne figurait pas la mu- né en ville avec des parents com-
sique bretonne à cette époque. De merçants. Si j’étais né à quelques Une autre personne qui a joué un
Gilbert Bécaud à Gloria Lasso, en kilomètres de Quimper, et si mes rôle important dans mon parcours,
passant par de la musique classique parents avaient été agriculteurs, je c’est ma tante Simone, sœur de ma
et même militaire parfois ! les aurais sûrement aidés pour les grand-mère maternelle. Elle avait
Dans les années 1960, tout a travaux à la ferme, comme le font quitté Douarnenez pour s’installer
drastiquement changé. Après avoir tous les enfants de la campagne, comme coiffeuse à Paris. Elle avait
tellement apprécié la plupart des et j’aurais sans aucun doute parlé ouvert son propre salon de coiffure
groupes français comme les Chats breton. Je serais peut-être devenu à Pigalle. C’était une femme très
Sauvages qui copiaient (enfin qui chanteur de kan-ha-diskan [rires]. libre pour l’époque. Elle m’invitait
à venir à Paris et je venais en train Bernard Estardy, pianiste [studio goût du jour. La demande du public
tout seul, bien que mineur. De là, où ont enregistré Claude François, était de plus en plus pressante pour
très rapidement, je suis allé au Golf Dalida, Gérard Manset, William des rocks, des slows plutôt que des
Drouot*, j’ai acheté des disques Sheller, Nino Ferrer…] et Georges rumbas ou des passos. Les trios
dans les rayons bien garnis des Chatelain [guitariste de Nancy de bal, généralement composés
Galeries Lafayette où j’ai décou- Holloway]. Georges m’a accueilli d’un accordéon, d’une batterie et
vert des pépites extraordinaires : très gentiment. Il était très étonné d’un saxophone, cherchaient alors
Bert Jansch, John Renbourn, John que je connaisse l’existence de des musiciens pour jouer de la
Martin. Dès que je voyais une gui- Bert Jansch. Il m’a montré plein de basse, des claviers et de la guitare
tare sur la pochette du 33 tours, plans à la guitare et c’est à partir avec eux. C’est ainsi qu’avec tous
j’achetais le disque. Je ramenais de là que j’ai commencé à bosser les copains, nous nous sommes
ces trésors chez ma tante et je les dur, comme un fou, tout seul en retrouvés du jour au lendemain à
écoutais sur son pick-up. Quand je écoutant mes disques 33 tours en gagner un salaire d’ouvrier alors
Rencontre
rapportais ces disques en Bretagne, 16 tours pour ralentir la vitesse. que nous étions pour la plupart
dans les années 1964-65, personne mineurs, vivant encore chez nos
n’avait entendu ça. L’école des bals parents.
Il y a quelque chose qui a beau- populaires C’était une très bonne école de
coup compté aussi. Un jour, je suis jouer pendant cinq heures d’affilée
allé frapper, au culot, à la porte À cette époque, les bals commen- du rock and roll dans les bals popu-
du studio CBE à Paris, géré par çaient à évoluer pour se mettre au laires, les matinées dansantes ou
des tombes de Xavier Grall. C’était j’étais sous le charme des pipe
le choc absolu. Je suis rentré chez bands écossais, sans trop sa-
moi. Dans l’urgence, j’ai lu tous voir pourquoi. Plus tard, j’ai
les poèmes et j’en ai composé
les musiques assez rapidement.
Ce n’est qu’après que je suis allé n Les albums Douar Nevez (1977),
Allez le dire à la ville (1978), The
demander l’autorisation au poète Earth’s Lament (1979).
n L’Héritage des Celtes au Festival de Cornouaille en 1995 avec, au-devant de la scène, Dan ar Braz, Elaine Morgan, Ronan Le Bars (photo
Fañch Hemery).
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