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L'induction
Franz Grégoire
Grégoire Franz. L'induction. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, tome 62, n°73, 1964. pp. 108-151;
doi : https://doi.org/10.3406/phlou.1964.5246
https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1964_num_62_73_5246
Avant-propos
O Citons un exemple connu. Les apôtres Pierre, Jacques, Jean, etc., étaient
présents au Cénacle ; or ces douze personnages étaient les seuls à être des apôtres ;
par conséquent l'on peut dire que tous les apôtres étaient présents au Cénacle. Et
voici un autre exemple: les montagnes de l'Antarctique que nous connaissons ne
dépassent pas telle hauteur ; or nous connaissons à présent toutes les montagnes de
l'Antarctique avec précision; nous pouvons donc énoncer qu'aucune montagne de
l'Antarctique ne dépasse cette hauteur. Tout ce qu'on appelle, et dans toutes les
sciences, des relevés absolument complets (c'est-à-dire complets non seulement
par rapport & un certain ensemble partiel d'unités mais par rapport à la totalité
des unités) donne lieu à un raisonnement du même genre (sans préjudice d'autres
sortes de raisonnement).
1 10 Franz Grégoire
<S) Comme l'a bien fait voir J. NlCOD {Le problème logique de l'induction,
Paris, 1924), il n'est pas possible de s'occuper exclusivement de l'induction à cas
unique sans tomber dans des sophismes.
<a> Les données et les faits ont en commun d'être des objets d'expérience.
L'expérience elle-même peut être définie comme l'aperception immédiate (c'est-
à-dire sans raisonnement) de termes individuel*.
L'induction 1 11
cipe que nous avons rencontré déjà) et, en dernière analyse, d'une cause dont
l'existence est nécessaire par soi seule (en vertu d'une démonstration classique).
Or une cause nécessaire par soi seule est éternelle. Par conséquent, si ce qui
commence est contingent, il dérive, en dernière analyse, d'une cause antérieure.
Au total, que ce qui commence soit nécessaire ou contingent, il dérive de
quelque cause antérieure.
(S) Cette nécessité ne sera comprise, tout au moins dans une certaine mesure,
que lorsqu'une loi expérimentale pourra être établie, en même temps que par
l'Induction, par déduction à partir d'autres lois expérimentales ou à partir d'une
conjonction de prémisses expérimentales et de prémisses mathématiques ou encore
à partir de simples suppositions donnant lieu à des < théories ». Dans la doctrine
de l'induction, la nécessité des lois est déjà, il est vrai, déduite, mais non par
une déduction propre à chaque loi, une déduction aboutissant à chaque loi en
particulier. Ce qui est déduit, c'est l'existence de lois nécessaires en général et.
partant, de constances également en général. La vérité de telle ou telle loi en
particulier requiert, comme nous le verrons, l'examen de certaines constances de
fait, examen qui ne fournit pas la raison à priori propre d'une loi particulière.
Des nécessités inductive» seraient également comprises si elles relevaient, en
plus de l'induction, de ce que M. MERLEAU-PONTY appelle l'c Intuition de
coexistence essentielle » (Phénoménologie de la perception, Paris, 4* éd., 1945.
p. 360) et qu'on peut nommer aussi « intuition de nécessité concrète », soit qu'une
114 Franz Grégoire
telle intuition porte sur l'objet même de l'induction soit que celui-ci puisse se
démontrer par un raisonnement ayant pour prémisses uniquement des propositions
fondées respectivement sut des intuitions de ce genre. (Nous n'avons pas à prendre
ici position sur la question de savoir s'il existe de telles intuitions qui
expliqueraient et justifieraient l'effet d'évidence immédiate que font certaines propositions
universelles ni, à plus forte raison, sur la question de savoir si toute proposition de
ce genre doit, pour être recevable, se fonder sur le genre d'intuition en question.)
(•) Pour ceux qui sont ralliés à ce semi-occasionalistne selon lequel la Cause
première a par un décret libre uni entre elles les diverses « popriétés » des
substances (ou tout au moins certaines d'entre elles) et, par voie de conséquence,
les faits entre eux, un fait cesse d'être nécessitant par nature à l'égard d'un
autre fait, mais il est encore nécessitant par suite précisément du décret de la
Cause première. De telle sorte que, pour les tenants du semi-occasionalisme, notre
énoncé reste valable moyennant la suppression de l'expression « par nature ».
(7> Et quoi qu'il en soit, d'ailleurs, de la position de ces systèmes
philosophiques concernant le problème du libre-arbitre.
L'induction 115
classe de ceux pour qui les événements ne sont que des causes
secondes, nous avons inséré la parenthèse en question.
<•' Le système de la liaison nécessaire par nature entre faits laisse place a une
et même à plusieurs façons de concevoir les miracles éventuels (que l'on
dénomme d'une manière imprécise des « exceptions aux lois de la nature »). Selon
une de ces conceptions, et seulement une, les miracles devraient être envisagés
comme des exceptions au principe de causalité scientifique. Ce n'est pas ici le
lieu de nous expliquer davantage sur la question.
116 Franz Grégoire
est cause, c'est la donnée qui apparaît, et elle est cause d'une autre
donnée qui apparaît. Il en va de même de l'aspect positif des
nouvelles phases de la variation d'une donnée. La disparition, comme
telle, n'est pas cause, elle est la cessation d'une cause. Et il en va
de même de l'aspect négatif des nouvelles phases de la variation
d'une donnée (chaque nouvelle phase équivalant à la disparition
d'une donnée). Mais en ces cas également, pour faire court, on
parle de l'apparition, de la disparition et de la variation d'une
donnée comme si elles étaient, en tant que telles, des causes. En
tant que telles elles sont seulement, moyennant certaines conditions
que nous exposerons par la suite, le signe de la causalité d'une
donnée.
bien entendu pour celui qui admet la nécessité ou, tout au moins,
la légitimité et l'utilité de ce genre de fondement <10). Or,
précisément, la recherche d'un tel fondement répond, comme nous l'avons
noté au départ, à une tendance naturelle de l'esprit qui le porte à
déduire de quelque point de départ consistant en un jugement de
nécessité immédiatement évident tout ce qui n'est pas un tel
jugement. La tendance en question s'exprime par un principe qu'on
peut nommer, parmi d'autres, « principe de raison suffisante » et
qui énonce précisément que tout ce qui n'est pas un jugement de
nécessité immédiatement évident doit pouvoir se déduire de tels
jugements. Cette tendance doit être, si l'on peut dire, surveillée et
le principe correspondant doit être précisé. Car autrement, ils
mèneraient tout droit à la négation du libre-arbitre. Or le
libre-arbitre humain constitue une « donnée immédiate de la conscience »
et, quant au libre-arbitre de la Cause première, il s'établit par raison
propre. Le principe de raison suffisante en question devra donc
s'énoncer : tout ce qui n'est pas l'objet d'un jugement de nécessité
immédiatement évident doit, sauf lorsqu'il s'agit d'une décision
libre et de ce qui en résulte, pouvoir se déduire de tels jugements
(qu'une telle déduction soit ou ne soit pas accessible à l'homme) (11).
C'est moyennant la légitime confiance en ce principe que l'esprit
entreprend de rechercher l'origine des constances de la nature dans
quelque fondement métaphysique et découvre ainsi la voie
principale aboutissant au principe de causalité scientifique (13).
<"> II n'y a pas ici de cercle vicieux. Il y aurait cercle vicieux si chacun des
deux termes considérés (dans un cas, d'une part, les lois naturelles et, d'autre part,
le principe de causalité scientifique et, dans l'autre cas, d'une part, le principe
de causalité scientifique et, d'autre part, l'ensemble de son fondement
métaphysique) était uniquement fondé l'un sur l'autre. Mais telle n'est pas la situation.
Chacun des deux principes a ton attise propre, et c'est par surcroît que chacun
peut également se démontrer par l'autre, une fois l'autre admis à titre propre. Une
telle démonstration (réciproque est un cercle, il est vrai, mais non un cercle
vicieux.
(n) Nous ne voulons pas dire que, parmi les jugements de nécessité
immédiatement évidents pour l'esprit humain, doit figurer celui qui affirme l'existence de
la Cause première (argument ontologique). Nous voulons dire que, en tout cas,
l'affirmation de l'existence de la Cause première doit inclure parmi ses prémisses
quelque jugement de nécessité immédiatement évident (axiome) permettant une
démonstration à posteriori de la Cause première.
(I3> On voudra bien observer que, en fait d'explication des constances de la
nature, nous n'avons pas écarté en vertu d'un rejet de tout libre-arbitre celle qui
1 18 Franz Grégoire
recourt à un décret de la Cause première liant librement les faits les uns aux
autres, mais uniquement en vertu d'inconvénients de l'occasionalisme qui ne
résident pas dans le caractère libre de la Cause première.
(1S) Cette « réussite » est autre chose, pour le principe de causalité scientifique,
que le fait, signalé plus haut, d'être c impliqué » dans les lois naturelles.
(14) II s'agit de causes (ou, ce qui revient au même, de séries de causes) pra-
L'induction 1 19
Dans chacun de ces cas, il peut arriver que l'effet, ou les effets,
que l'on considère soient une décision libre. Nous n'allons nous
occuper que des effets qui ne vérifient pas ce caractère.
Cela étant, on peut énoncer comme une évidence presque im-
finition du hasard. En effet l'idée de causes aboutissant dans leurs effets respectifs
à des coïncidences dont la nécessité propre est inaccessible se vérifie et se vérifie
seulement de deux causes autonomes sans périodicité régulière. C'est cette dernière
notion du hasard qui, nous l'avons dit, servira dans l'exposé.
Dans le cas de deux causes autonomes périodiques et régulières on peut, il est
vrai, parler de hasard. Mais ce qui est fortuit, c'est la rencontre même des deux
causes. La coïncidence entre leurs effets individuels respectifs, une fois supposées
les deux causes, n'est pas fortuite puisqu'elle jouit d'une nécessité déterminable
et donne, en conséquence, lieu à prévision.
La notion fondamentale du hasard, son essence, est la quatrième idée que
nous avons mentionnée (rencontre de deux causes autonomes dont au moine une
est dépourvue de périodicité régulière). La première idée (coïncidence sans
explication décelable entre deux faits) et la deuxième (coïncidence sans nécessité
apparente) constituent des propriétés exclusives de la quatrième. Et elles ont à
leur tour une propriété exclusive dans la troisième (coïncidence imprévisible).
C'est par suite de ces relations entre elles que ces quatre idées procurent autant
de définitions valables du hasard dans l'ordre des rapports entre deux faits dont
aucun n'est une décision libre.
Venons-en brièvement au domaine des relations entre deux faits dont au
moins l'un est une décision libre. Les diverses définitions du hasard et du non-
hasard qui ont été recensées plus haut se montrent sans difficultés valables pour ce
nouveau domaine, sauf celle qui se fait par l'imprévisibilité des coïncidences entre
faits. La difficulté ne surgit pas concernant toutes les sections de ce domaine.
Ainsi elle épargne la section du rapport entre une décision libre et son effet
immédiat sur le comportement (cas de non-hasard, car cette relation est
nécessitante et, partant, prévisible) ou celle de la relation entre une décision libre et un
fait autonome, consistant lui-même ou non dans une décision libre (cas de hasard,
selon la quatrième définition). Mais «Ile se manifeste à propos de la section du
rapport entre le motif d'une décision libre et cette décision même. (Dans ce cas
rentre celui de décisions concertées chez plusieurs personnes.) En effet, d'une part,
on ne qualifie pas ce rapport de c fortuit », on ne l'attribue pas au c hasard ».
Et ceci est conforme à la première définition mentionnée plus haut, car le motif
d'une décision constitue la raison, le principe d'explication, de cette décision.
Mais, d'autre part, il s'agit d'une raison non déterminante, non nécessitante, et le
rapport en question, étant contingent, ne donne pas lieu à une prévision ferme
des cas individuels. Ainsi donc, en tant que fournissant une raison, ce rapport
n'est pas < fortuit », mais il est « fortuit » en tant que dépourvu de nécessité et ne
prêtant point à prévision. Il faut par conséquent conclure que la définition du
hasard par l'imprévisibilité, qui convient au domaine de la coïncidence entre faits
déterminés, ne convient pas au domaine de la coïncidence entre deux faits dont au
moins un est une décision libre ou, tout au moins, ne convient pas a une section
de ce domaine.
L'induction 121
(**' Cette mention des circonstances sera étudiée ex profeaso plus loin.
(Ir) Dans le cas de la liaison causale directe et indirecte ainsi que dans celui
de deux causes autonomes périodiques à phases régulières et égales d'une cause
à l'autre, la constance dans la coïncidence entre deux faits est stricte, c'est-
à-dire qu'elle se produit terme à terme. Dans le cas de causes périodiques a
périodes régulières mais inégales d'une cause à l'autre, la constance est lâche.
Il y a, par exemple, simultanéité seulement entre un fait d'une série et un fait
d'un autre rang dans l'autre série. Ou encore un fait appartenant à une série
tantôt précède, tantôt suit le fait correspondant de l'autre série et tantôt lui est
simultané, mais tout ceci selon une formule récurrente.
("> On voudra bien remarquer que, dans notre raisonnement, nous n'avons
pas fait usage d'une proposition énonçant que tout événement donne origine a
quelque autre événement. Nous avons seulement prouvé que certains événements
se trouvent dans ce cas. Pour faire voir que tout événement a un effet, il faudrait
montrer que les événements se trouvent avec leurs causes respectives dans un
rapport tel qu'aucun antécédent ne puisse être, si l'on peut dire, considéré comme
inoccupé, comme dépourvu d'effet.
122 Franz Grégoire
version, deux propositions (ce sont les propositions que nous avons
soulignées) qui énoncent où il faut voir l'origine des constances et
des non-constances entre faits. Ces deux propositions, et
particulièrement la seconde, constituent les principes prochains (les
majeures) du raisonnement inductif, le principe éloigné n'étant autre
que le principe scientifique de causalité qui est intervenu dans les
conversions que nous venons de mentionner. Plus précisément la
seconde des deux propositions en question constitue le principe des
propositions expérimentales positives et la première le principe des
propositions expérimentales négatives. Ces dernières, importantes
par elles-mêmes (19), jouent en outre, comme nous le verrons, un
rôle essentiel dans l'amplification, la généralisation progressive des
lois expérimentales <20). Les principes prochains de l'induction
donnent lieu à une règle, un précepte, que l'on peut nommer « règle
de coïncidence constante » et qui s'énoncera comme suit : pour
pouvoir décider s'il existe ou non entre deux faits une liaison
causale (directe ou indirecte) ou aussi une simple concordance causale,
il faut examiner si ces deux faits se trouvent ou non en coïncidence
constante d'apparition, de disparition ou de variation.
("> II importe, par exemple, de savoir que tel aliment ou tel médicament qui,
chez un malade, exercent une influence bienfaisante sur tel organe ne seront pas
nocifs pour un autre organe.
<••> Par l'expression < loi expérimentale » comme par l'expression « loi
naturelle » ou < scientifique » ou « empirique », nous désignerons, sauf avis contraire,
non les processus de la nature considérés en eux-mêmes, mais les propositions
qui les expriment.
L'induction 123
'"> Une < loi statistique » dans un autre sens du terme, synonyme en ce
cas de « loi des grands nombres », est une proposition mathématique établie par
le calcul des probabilités (théorie des ensembles collectifs) et ne constitue donc pas
une loi inductive.
Etant donné qu'une loi statistique, dans l'un ou dans l'autre des sens de ce
terme, ne permet pas la prévision ferme des cas individuels de coïncidence, elle
est dite « loi du hasard >.
L*
induction 125
comme visant la dépendance de deux faits par rapport à une cause commune;
d'autres enfin, comme des lois simplement fonctionnelles mais dont on ne peut
aucunement exclure qu'elles puissent un jour être précisées en l'une ou l'autre
forme des lois causales. Au total, croyons-nous, aucun des six types de lois
indiqués ne peut être déclaré irréductible en principe à l'idée de causalité.
Nous devons nous contenter ici d'examiner des exemples de quelques-uns des
six types en question. Ainsi, dans la classe des lois < portant sur une liaison
permanente de caractères », l'auteur cite, entre autres, le cas des c concomitances
organiques » (par exemple, « le pied fourchu du ruminant »). Mais de telles
concomitances dérivent évidemment, comme d'une cause (médiate) commune à
plusieurs faits, de la cellule œuf du groupe biologique considéré. D'autre part, dans
la classe des lois énonçant des c répétitions d'un même processus », l'auteur fait
place *à la karyokinèse. Mais la régularité de la karyokinèse est l'objet d'une
simple loi fonctionnelle et l'on ne peut aucunement exclure que soient décelables
un jour les causes qui se trouvent à l'origine des diverses phases du phénomène.
Dans la section des lois ayant pour objet des « déterminations de constances
numériques », on trouve l'exemple de la vitesse de la lumière. Mais la lumière,
avec sa vitesse, est un effet direct de la source lumineuse, quelle que soit la
manière dont on conçoive celle-ci ainsi que le milieu de transmission. A propos
des « lois de vection », telles que l'évolution géologique et l'évolution paléontolo-
gique, l'auteur note lui-même, à juste titre, qu'elles sont c peut-être réductibles à
l'idée de causalité ».
D'ailleurs on peut se demander si certains exemples de la classe des « formes
baconiennes », tel que celui de la théorie cellulaire, ne relèvent pas de l'induction
complète, plutôt que de l'induction amplifiante, cas auquel on ne pourrait, en
toute rigueur, lea appeler des c lois » (bien entendu, aussi longtemps que l'on
n'aurait pu établir par expérimentation ou par déduction que, en tout cas à une
certaine dimension, la vie est impossible autrement que sous la forme de cellules;
en cas de déduction, il ne s'agirait d'ailleurs plus d'une simple c loi
expérimentale »).
126 Franz Grégoire
saire » prête a équivoque, nous emploierons les termes équivalents qui viennent
d'être indiqués.
L'induction 133
'**' Lorsque l'on dit «ans autre précision qu'un antécédent ett suffisant mais
non nécessaire, on veut dire qu'il n'est pas absolument nécessaire, nécessaire en
toute situation, qu'il n'est pas strictement irremplaçable. Et quand on dit qu'un
antécédent est nécessaire mais non suffisant, on veut dire qu'il n'est pas
absolument suffisant, suffisant a lui seul, suffisant en toute situation, qu'il suppose d'autres
antécédents.
134 x Franz Grégoire
<"> A la manière dont, pour un polygone, le caractère d'être régulier est plu*
particulier que celui d'être polygone et celui d'être quadrangulaire plu* particulier
encore.
'"' S'il s'agit de données contemporaines aux observations, dont on tait
qu'elles sont indéfiniment présentes, il ne sera pas nécessaire, pour la valeur
pratique de la loi, de s'assurer si elles sont requises ou non pour l'apparition de la
seconde donnée.
136 Franz Grégoire
diats. Cet ensemble, qui remonte loin .... devrait seul, à la rigueur,
se nommer « la cause » d'un fait, c'est-à-dire la cause complète
(dans le domaine des faits). En pratique on dit « la cause » d'un
fait celui des antécédents immédiats ou médiats qui attire spéciale-
ment l'attention pour une raison ou pour une autre, en particulier
parce que c'est le seul sur lequel on puisse aisément agir. Quand
il s'agit d'une chaîne d'antécédents, ce sera assez souvent le
dernier chaînon, l'antécédent immédiat (84).
Au fur et à mesure que l'on écarte de la dignité d'antécédent
essentiel d'un conséquent, dans une même situation, un plus grand
nombre de données, la loi, la proposition concernant la dérivation
de cet événement se généralise davantage. En effet, la
compréhension du sujet logique de cette loi diminuant par l'élimination de
certaines notes, son extension s'accroît en proportion <S5>. Pour
<**' Cet alinéa s'inspire en partie de justes remarques qu'on peut lire chez
A. Lalande, Lea théorie» de l'induction et de l'expérimentation, Paris. 1929,
pp. 189-190.
<"' Ainsi, supposons que l'on ait constaté qu'un mélange chimique,
composé des corps A, B, C, D, en telles proportions respectives, a eu régulièrement
tel conséquent. Si, après cela, on peut se rendre compte que la suppression d'un
des éléments du mélange, soit A, Teste sans effet sur le conséquent, le sujet
logique de la loi: «un mélange composé des corps A, B, C, D », se généralise
puisqu'il devient: «un mélange composé simplement des corps B, C, D ». De
même si on peut observer que la proportion du corps B dans le mélange initial,
laquelle était de 20 %, peut recevoir toutes les proportions comprises entre 5 %
et 30 %, le sujet de la loi qui, au départ, indiquait c B, dans la proportion de
20 % » peut à présent indiquer: c B, dans n'importe quelle proportion comprise
entre 5 % et 30 % ». Ce sujet s'est donc généralisé. Examinons encore un autre
exemple. Supposons que l'on ait constaté que la présence d'acide chlorhydrique
procure tel effet, le sujet de la loi est: c l'acide chlorhydrique ». Si le même effet
peut être obtenu par n'importe quel acide appartenant à telle classe d'acide, le
sujet de la loi devient: c tout acide de cette classe ». Et si, d'aventure, n'importe
quel acide, appartenant ou non k cette classe, donne le même résultat, le sujet
de la loi devient encore plus général : c tout acide ».
Comme ces exemples le font voir, par le groupe initial de circonstances,
d'antécédents, dont on va s'efforcer de montrer, pour le plus grand nombre
possible d'entre eux, qu'Us ne sont pas antécédent essentiel, il faut entendre non
pas seulement des antécédents distincts l'un de l'autre à la manière de corps
concrets, non pas seulement non plus les diverses doses particulières d'un même
corps, etc., mais aussi les traits plus ou moins généraux d'une donnée. Aussi bien,
comme on l'a vu aussi par ces mêmes exemples, tout lea élimenta particuliers et
tous lea caractères qualitatifs et quantitatifs concevables peuvent a' exprimer en
notes plua ou moins générales d'un sujet logique.
On a pu remarquer que nous avons traité l'antécédent et non le conséquent
138 Franz Grégoire
comme le sujet logique d'un* loi. Il est toujours possible de procéder de cette
façon. Car énoncer que, dans telles circonstances, B a dans A son antécédent
nécessaire et suffisant, c'est équivalemment énoncer que, dans ces circonstances,
A est l'antécédent nécessaire et suffisant de B.
<"' En dépit de certaines apparences, la première de ces deux règles ne
coïncide pas avec les méthodes classiques de différence et de variation
concomitante et la deuxième pas davantage avec la méthode de concordance. Les méthodes
de Mill concernent, non l'induction à cas répétés, mais l'induction à cas unique,
comme, par exemple, £. GOBLOT l'a fortement souligné (Traité de logique, 3* éd.,
Paris, 1922, p. 293).
L'induction 139
("> Dans les énonces qu'on vient de 'lire, nous forçons quelque peu le sens du
terme « loi », qui s'applique bien aux propositions expérimentales positives mais
assez mal aux propositions négatives.
('*> Lorsqu'il s'agit de prévoir, à partir de la loi énoncée, des faits particuliers,
il faudra, par surcroît, vérifier avec un très grand soin si tous les antécédents
essentiels, positifs et négatifs, mentionnés par la loi sont réalisés.
142 Franz Grégoire
<*0) En matière quantitative, une loi plus précise, plus approchée, est une loi
qui mentionne plus de décimales. En matière qualitative, c'est une loi qui indique
un type plus spécifié, par exemple, en biologie, une espèce déterminée et pas
seulement un genre.
Il faut se garder de confondre une loi générale et une loi imprécise. Une loi
générale peut être précise. C'est lorsqu'on l'a vérifiée de toutes les classes de
cas qu'elle englobe. Elle n'est imprécise que si l'on ne peut affirmer l'avoir ainsi
contrôlée. Ainsi une loi énonçant que tel genre biologique présente tel caractère
est précise si l'on veut dire que la loi est valable pour toutes les espèces de ce
genre. Elle est vague si elle énonce que certaines espèces de ce genre, sans
indiquer lesquelles, offrent telle caractéristique. De même une loi disant que
1,6 gramme de tel corps procure tel effet est précise si l'on entend affirmer qu'elle
est valable pour toutes les décimales plus petites et donc que l'influence de ces
décimales est nulle ou négligeable sur l'effet désiré. Mais un énoncé est imprécis
s'il dit que tel effet est obtenu par certaines décimales de 1 ,6 gramme sans indiquer
lesquelles.
Une loi générale qu'on n'a vérifiée en réalité que de quelques-unes des
classes qu'elle englobe et qu'on se représente d'emblée comme valable de toutes
les classes est, .il est vrai, précise dans son intention mais entachée de généralisation
hâtive, sauf dans les cas où l'on peut considérer une certaine extrapolation comme
légitime.
L'induction 143
(41> Pour le moins dans l'ordre logique {cf. nupra, tout le 5°). Pour la facilité,
on peut se contenter de songer au cas de la cause, laquelle est condition
nécessaire et suffisante non seulement logique mais réelle.
L'induction 145
observés A, A', A"... réalise ces conditions par rapport aux faits
singuliers B, B', B"...
La conclusion est que A, A', A"... sont respectivement
antécédents nécessaires et suffisants à l'égard de B, B', B"...
Ce raisonnement se présente donc d'abord simplement comme
un syllogisme à mineure et conclusion singulières. Mais la
conclusion, qui est un jugement de relation, possède ce caractère
remarquable que son attribut : pour A, être antécédent nécessaire et
suffisant de B, signifie : se trouver avec B dans un rapport tel que,
chaque fois, — de façon universelle, illimitée, — que, dans une
situation semblable à la situation actuelle (c'est-à-dire en l'absence
d'un autre antécédent effectif que A), existe un fait semblable à B,
c'est qu'un fait semblable à A a précédé et que, chaque fois
qu'existe un fait semblable à A, un fait semblable à B suit. Cette
note d'universalité, d'illimitation, fait partie de la notion même de
l'antécédent nécessaire et suffisant telle qu'elle figure dans la
majeure du raisonnement et dont celui-ci a fait voir qu'elle se vérifie
pour le fait singulier A par rapport au fait singulier B. La même
observation vaut pour A' par rapport à B' et pour chacun des
couples de termes de la série des faits singuliers observés.
Ce caractère spécial de son attribut ferait à tort considérer la
conclusion du raisonnement expérimental comme une proposition
universelle qu'on tirerait de propositions singulières par on ne sait
quel mystérieux processus et envisager en conséquence ce
raisonnement comme irréductible au syllogisme. La conclusion serait
universelle si son sujet était universel. Or ce n'est pas le cas. En effet,
l'universalité que l'on trouve dans cette conclusion réside
uniquement dans l'attribut, dans la matière de l'attribut.
Toutefois, grâce à la matière de l'attribut, on peut, par simple
équivalence, par inference immédiate, tirer de cette conclusion
singulière une ou plus exactement deux propositions universelles :
tout fait identique à B est, dans une situation identique à la situation
actuelle, précédé d'un fait identique à A ; tout fait identique à A
est, dans cette même situation, suivi d'un fait identique à B.
Dans ces conditions, on peut dire que le raisonnement
expérimental n'est, quant à la forme, qu'une déduction d'application à
conclusion singulière. Mais de cette conclusion singulière la matière
du raisonnement fait une conclusion équivalemment universelle, une
proposition immédiatement transformable en universelle. C'est, et
c'est uniquement, ce que ce raisonnement possède d'original.
146 Franz Grégoire
II
Annexe
<"> II peut s'agir du domaine logique, comme tel, et du domaine réel. Dans
le premier cas, les notions en question s'appliquent aux rapports entre un concept
et les concepts subordonnés, entre les termes d'un jugement, entre les prémisses
d'un raisonnement et la conclusion. Dans le domaine réel, elles se vérifient, pour
employer les expressions aristotéliciennes, dans le cas de la cause efficiente, de la
cause finale, de la cause matérielle et de la cause formelle. Elles s'appliquent
également aux relations spatiales et temporelles. D'une manière générale, lesdites
notions se vérifient dans tous les cas de relation.
'"' On songe ici & là condition suffisante de tout ce qui n'est pas une
décision libre (cf. supra, note 27).
L'induction 151