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Ekou Nuama
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/economierurale/1892
DOI : 10.4000/economierurale.1892
ISSN : 2105-2581
Éditeur
Société Française d'Économie Rurale (SFER)
Édition imprimée
Date de publication : 30 décembre 2006
Pagination : 39-53
ISSN : 0013-0559
Référence électronique
Ekou Nuama, « Mesure de l’efficacité technique des agricultrices de cultures vivrières en Côte-
d’Ivoire », Économie rurale [En ligne], 296 | Novembre-décembre 2006, mis en ligne le 28 octobre 2009,
consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/1892 ; DOI : 10.4000/
economierurale.1892
nées, DEA (Data Envelopment Analysis). été utilisée pour évaluer les scores d’effi-
Les indices d’efficacité obtenus ont été uti- cacité technique des producteurs brésiliens.
lisés comme variable dépendante dans un L’étude a montré que les facteurs sur les-
autre modèle Tobit pour expliquer le taux de quels les producteurs brésiliens doivent agir
morbidité du paludisme entre les producteurs s’ils veulent accroître significativement leur
de coton et leur famille ainsi que la cohésion efficacité sont la taille des exploitations, le
sociale et les comportements culturels. Cette mode d’accès à la terre, l’accès au marché,
étude montre que la densité d’infection para- à la vulgarisation et aux intrants modernes.
sitaire a un impact négatif direct et indirect Coelli et Fleming (2004) ont étudié l’ef-
sur l’efficacité dans la production de coton. ficacité technique des petits producteurs de
L’étude montre également que plusieurs café et de patate douce en Papouasie et
producteurs de coton ont amélioré leur score Nouvelle Guinée au cours de deux années.
d’efficacité technique et que dans les villages Une frontière stochastique de coût est uti-
où la production de coton est importante, lisée pour vérifier si la diversification, la
l’on observe une plus faible cohésion spécialisation dans la production de café ou
sociale. la production d’aliments ou d’autres cul-
Au Cameroun, Nyemeck et al. (2004) tures de rente influencent significativement
ont évalué l’efficacité technique de 450 l’efficacité technique des ménages inclus
petits producteurs d’arachide et de maïs en dans leur échantillon. Les indices d’effi-
monoculture et de ces cultures en association cacité en intrants obtenus ont été utilisés
à travers 15 villages. Le niveau moyen d’ef- comme variable dépendante dans un autre
ficacité technique obtenu par les trois types modèle expliquant l’inefficacité. Les
de producteurs est respectivement de 0,77, variables exogènes de ce deuxième modèle
0,73 et 0,75. Les causes des écarts obtenus sont le mode d’accès à la terre, l’âge des
au niveau de leur efficacité technique sont femmes chefs de ménage, le niveau d’ins-
essentiellement dues au crédit, à la fertilité truction des hommes et des femmes chefs
des sols, l’accès à l’encadrement et à la de ménage et les obligations sociales des
route. chefs de ménage.
Battese et Coelli (1995) ont utilisé un Thiam et al. (op. cit.) ont étudié, à l’aide
modèle stochastique avec des données de d’une méta-analyse, les facteurs qui influen-
panel à effets fixes individuels et tempo- cent l’efficacité technique dans les pays en
rels. Dans ce modèle, le terme non négatif développement. L’analyse a porté sur un
représentant l’inefficacité technique est sup- échantillon de 51 observations à travers 32
posé être une fonction des variables spéci- études. Le principal résultat est que la forme
fiques aux entreprises et du temps. Il suit une fonctionnelle de type Cobb-Douglas et l’uti-
distribution normale tronquée de variance lisation des données de coupe transversale
constante et dont la moyenne est une fonc- ont tendance à minimiser le niveau d’effi-
tion linéaire des variables observées incluses cacité technique. Cependant, d’autres élé-
dans le modèle. Les données empiriques ments tels que l’ajout de nouvelles variables
portent sur les exploitations agricoles de au modèle, la fonction de production, la
riz paddy en Inde. Ces données de panel nature de la frontière (stochastique ou
couvrent une période de dix ans. déterministe) et la taille de l’échantillon
Helfand et Levine (2004) ont étudié les n’affectent pas significativement les scores
déterminants de l’efficacité technique et le d’efficacité technique.
lien entre la taille des exploitations et l’ef- Audibert et al. (1999) ont analysé l’effi-
ficacité technique des producteurs dans le cacité technique d’un échantillon de pro-
centre-ouest du Brésil. L’approche non para- ducteurs de coton dans le nord de la Côte-
métrique a été choisie. La méthode DEA a d’Ivoire à l’aide d’un modèle stochastique
de frontière de production à effets d’inef- est celle qui obtient le même volume de
ficacité incorporés. Les résultats de cette production avec un volume moindre d’in-
étude montrent, d’une part que l’éducation trants et l’indice d’efficacité en intrants est
induit un effet d’allocation détournant les le rapport entre le volume optimal d’in-
exploitants les plus instruits vers des acti- trants et le volume d’intrants effectivement
vités moins contraignantes mais tout aussi utilisé.
rentables du point de vue de leur utilité et, En ce qui concerne l’estimation de la
d’autre part, que le paludisme, principale frontière de production, elle constitue une
cause de morbidité dans cette zone est une étape centrale dans toute analyse de l’effi-
cause importante de l’inefficacité technique cacité technique et différentes méthodologies
des exploitants. ont été développées (Fried et al, 1993). La
littérature mentionne deux principales
2. La méthode d’estimation de l’efficacité approches : l’approche non paramétrique et
Pour mesurer le niveau d’efficacité tech- l’approche paramétrique.
nique d’une exploitation quelconque, il faut La spécification ou non d’une forme
d’abord estimer la frontière de production ou fonctionnelle de la frontière de production
de coût qui représente des points indiquant est l’élément distinctif de ces approches.
la quantité maximale de produits ou le coût Quelle que soit l’approche choisie, plusieurs
minimum qui peut être obtenu pour un méthodes d’estimation de la frontière exis-
volume donné d’intrants. Ainsi, la frontière tent. Ces méthodes peuvent être classées
de production ou de coût est obtenue par selon la forme présumée de la frontière de
l’ensemble des points décrivant les déci- production ou de coût, selon la technique
sions optimales des agricultrices de pro- d’estimation utilisée pour l’obtenir et selon
duits vivriers. Dans le cas de la frontière de la nature et les propriétés supposées de
production, chaque point de l’espace pro- l’écart entre la production observée et la
duction-intrants a pour coordonnées le production optimale. L’approche paramé-
volume du produit considéré et le volume trique est celle qui présente une fonction
d’intrants (terre, capital, travail) utilisé par comportant des paramètres explicites. On
l’exploitante. peut, par exemple, utiliser une forme fonc-
Une fois la frontière de production fixée, tionnelle de type Cobb-Douglas ou trans-
l’échantillon d’exploitantes est situé soit en logarithmique.
deçà de cette frontière soit sur elle mais Dans le cas d’une fonction paramétrique,
jamais au-delà. Celles qui sont situées sur la plusieurs techniques économétriques et non
fonction frontière sont les plus efficaces et économétriques permettent d’estimer les
leur score d’efficacité est égal à un. En paramètres de la frontière de production ou
revanche, d’autres s’en éloigneront et, pour de coût : la méthode des moindres carrés ou
ces dernières, leur score d’efficacité est la méthode du maximum de vraisemblance,
compris entre zéro et un. La deuxième tâche la programmation linéaire et la program-
concerne l’évaluation du niveau d’effica- mation quadratique. Aigner et Chu (1968)
cité technique. Ce niveau se mesure de deux ont été les initiateurs des frontières de pro-
manières différentes : duction paramétriques notamment l’ap-
– si l’analyse se fait du côté de la production, proche déterministe non économétrique
il est évalué comme étant l’écart entre le selon laquelle l’écart entre la production
niveau de production observé et le niveau frontière et la production observée est dû à
maximal de production déterminé par la l’inefficacité de l’exploitant. L’inconvé-
frontière de production, nient de cette méthode est qu’elle ne prend
– si l’analyse s’effectue du côté des intrants, pas en compte les phénomènes aléatoires qui
l’exploitante la plus efficace techniquement peuvent influencer le niveau d’efficacité.
La nature des écarts entre la produc- (1984) avec comme seule hypothèse, la
tion observée et la production maximale libre disposition des productions et des
différencie les frontières stochastiques des intrants d’où son nom Free Disposal Hull
frontières déterministes. Le choix entre la (FDH). Selon cette méthode, pour les
frontière stochastique et la frontière déter- exploitations de mono-produit et de multi-
ministe est purement optionnel. Il dépend intrants, une exploitation est qualifiée d’in-
du chercheur. Certains chercheurs suppo- efficace s’il est possible de trouver une
sent que tout écart observé est unique- autre appartenant à l’échantillon dont la
ment dû à l’inefficacité du producteur, et quantité produite est supérieure et le volume
ils qualifient la frontière de nature déter- d’intrants utilisés est inférieur.
ministe. Si en revanche, les chercheurs
estiment que les écarts sont expliqués à la 3. Déterminants de l’efficacité
fois par l’inefficacité du producteur et par À travers la littérature, de nombreuses études
des éléments aléatoires qui échappent au ont montré que certains facteurs ont un
contrôle de l’exploitant, on dit que la fron- impact sur le niveau d’efficacité. Ces fac-
tière de production ou de coût est de nature teurs peuvent être la taille de l’exploitation,
stochastique (N’Gbo, 1994). L’effet aléa- le niveau d’instruction, l’âge du chef de
toire a été introduit par Aigner et al. (1977) ménage, l’accès au crédit et l’appartenance
et Meeusen et Van den Broek (1977) pour à un groupement d’intérêt économique.
tenir compte des facteurs qui échappent au
contrôle de l’exploitant. L’estimation de la La taille de l’exploitation
frontière stochastique peut se faire à l’aide Il a été montré son influence positive sur
des méthodes économétriques (la méthode le niveau d’efficacité par exemple par
des moindres carrés corrigés et la méthode Alvarez et Arias (2004), Thiam et al. et
du maximum de vraisemblance). Nyemeck et al. En revanche, l’étude de
L’approche non paramétrique a la par- Helfand et Levine au Brésil a établi une
ticularité de n’imposer aucune forme pré- relation en forme de U entre la taille de
établie à la frontière de production ou de l’exploitation et l’efficacité technique.
coût. Farrell (1957) fut le premier à pro- Ainsi, pour les exploitations brésiliennes
poser la frontière non paramétrique dont la taille est comprise entre 1 000 et
convexe dans le cadre d’une étude visant 2 000 hectares, l’efficacité est négative-
à envelopper les activités de production ment corrélée à la taille. Mais, les exploi-
observées de manière à ce que l’ensemble tations ayant une superficie hors de cette
des possibilités de production ainsi formé classe ont une efficacité technique corré-
soit convexe. L’idée de Farrell a été déve- lée positivement à la taille.
loppée par Charnes et al. (1978) puis Ban-
ker et al. (1984) à travers la méthode DEA Le niveau d’instruction
qui prend en compte les rendements L’instruction évaluée en terme du nombre
d’échelle. La méthode de Farrell a imposé d’années d’études primaires, secondaires ou
des rendements d’échelle constants, mais supérieures, est une variable qui a un impact
cette hypothèse a été relâchée par Charnes positif sur les indices d’efficacité dans le
et al. (op. cit). L’évaluation des indices sens qu’un producteur instruit a facilement la
d’efficacité est faite par la programma- maîtrise des techniques modernes de pro-
tion linéaire ou la programmation quadra- duction et il a aussi l’opportunité d’avoir les
tique qui minimise l’écart entre la pro- informations nécessaires sur les prix de mar-
duction observée et la production optimale. ché et d’acheter ses inputs à moindre prix.
L’approche non paramétrique non Selon Coelli et Fleming, par exemple le
convexe a été proposée par Deprins et al. niveau d’instruction a un impact positif sur
Après les sous-préfectures, les villages dans ploitante, son état matrimonial, l’accès aux
lesquels l’enquête devait avoir lieu ont été services de vulgarisation, l’appartenance
tirés de façon aléatoire. Il s’agit de dix-neuf ou non à un groupement d’intérêt écono-
villages. Ils se répartissent ainsi : neuf vil- mique et l’obtention ou non du crédit.
lages dans la sous-préfecture de Dimbokro,
deux à Bongouanou, deux à Arrah, trois à 2. Les variables utilisées dans l’analyse
Daoukro et trois à Ettrokro. L’enquête a été Parmi les variables quantitatives, certaines
réalisée en mars et avril 2005. (la production évaluée en kilogramme, la
Pour les exploitations agricoles, sélec- superficie des exploitations, le temps de tra-
tionnées de façon aléatoire, nous avons vail, le capital fixe et le capital variable)
choisi de nous intéresser seulement aux entrent dans la frontière de production. La
parcelles dont le propriétaire est une femme. production de manioc ou d’igname repré-
Ainsi, l’unité statistique est la parcelle de sente la variable dépendante, et la superficie,
cultures vivrières dirigée par une femme. le temps de travail, le capital fixe et le capi-
Les deux types de parcelle considérés sont tal variable sont les variables exogènes du
celui de manioc et d’igname. La taille de modèle de frontière de production.
l’échantillon est de 458 productrices com- Les variables qualitatives sont utilisées
posées de 301 cultivatrices de manioc et 157 pour expliquer les causes des inefficacités
d’igname réparties comme suit (tableau 1). techniques des femmes productrices de
crédit, l’accès à la terre et la situation matri- ménage est grande, plus la productrice dis-
moniale). Elles sont prises en compte pose d’une importante force de travail. En
comme des variables muettes. Ces variables revanche, la variable « accès à la terre par
muettes sont définies de la façon suivante : don » doit être corrélée positivement à
– le niveau d’instruction est égal à 1 si la l’inefficacité technique dans la mesure où
productrice de vivriers est analphabète et 0 cette forme d’accès à la terre n’entraîne
si non ; pour la productrice ni de charge financière
– la situation matrimoniale est égale à 1 si la à payer au propriétaire terrien, ni de partage
productrice de vivriers est mariée selon la de récolte entre elle et le propriétaire ter-
coutume et 0 si non. En effet, l’analyse de rien. Ainsi, l’exploitante n’a pas d’incita-
la situation matrimoniale indique environ tions à produire plus efficacement pour lui
80 % des productrices de vivriers dans la permettre de payer son loyer.
zone d’étude ont scellé leur union par le
mariage coutumier et que la deuxième 3. Le modèle d’analyse
modalité la plus significative est la modalité L’évaluation de l’efficacité technique passe
célibataire ; par l’estimation de la frontière de production
– l’appartenance à un groupement d’intérêt des productrices de vivriers. Nous avons
économique est égal à 1 si la productrice estimé une frontière de production pour
appartient à l’un, 0 si non ; chaque culture vivrière. Le type de fron-
– l’accès à la vulgarisation est égal à 1 si elle tière choisi est la frontière de production
a accès aux services de vulgarisation et 0 si stochastique (appelée frontière à erreurs
elle n’a aucun contact avec eux ; composées) et à effets d’inefficacité incor-
– l’accès au crédit est égal à 1 si elle a accès porés proposée par Battese et Coelli (op.
à des crédits formels ou informels existant cit.). Ce modèle a été introduit dans la lit-
dans la zone d’étude et 0 si non ; térature par Aigner et al. (op. cit.) et Meeu-
– l’accès à la terre est égal à 1 si elle a accès sen et Van den Broeck (op. cit.). L’avantage
à la terre qu’elle cultive par don et 0 pour les de ce type de frontière de production est
autres formes d’accès à la terre. que ce modèle permet d’expliquer les dévia-
tions observées entre la frontière de pro-
Les signes attendus de tous les déter- duction aléatoire et les productions réelle-
minants de l’inefficacité technique doivent ment observées par, d’une part, l’inefficacité
être négatifs sauf les variables « âge », technique de l’exploitante et, d’autre part, les
« niveau d’instruction » et « situation facteurs aléatoires tels que les facteurs cli-
matrimoniale » dont les signes devraient matiques et l’omission de certaines variables
être positifs. En effet, plus la productrice est explicatives.
âgée, moins elle est techniquement effi- Mathématiquement, si l’on considère une
cace. La productrice mariée coutumière- exploitante qui combine des facteurs de
ment est moins efficace que la célibataire production (terre, main-d’œuvre, capital
ou la veuve, car elle a la lourde tâche de fixe et capital variable) pour produire un
travailler d’abord dans la parcelle de son bien Y (manioc ou igname), la frontière de
époux avant de s’occuper de sa propre par- production stochastique est représentée par
celle. La productrice instruite est techni- la formule suivante :
quement plus efficace que la productrice
analphabète car elle a la possibilité de tirer LnYi = Ln f (Xi ; β) exp (Vi-Ui) (1)
profit des opportunités de formation et des avec Ui = δ0 + ∑ δi Zi + Wi, (2)
informations existantes. La variable « taille
du ménage » a un impact négatif sur l’in- exp est la fonction exponentielle ;
efficacité technique, car plus la taille du Y i est la production de l’exploitante i;
Xi représente les facteurs de production uti- σ2u + σ2v ; γ = σ2u / (σ2u + σ2v). γ mesure la
lisés par l’exploitante i. Ces facteurs de pro- part de l’inefficacité technique dans la
duction comprennent : variation totale observée entre les points sur
a) la terre représentée par la superficie cul- la frontière de production et les données.
tivée ;
b) le temps total des travaux des hommes, Soit Y* la frontière de production maxi-
des femmes et des enfants relatifs aux dif- male : Y* = f (Xi ; β) exp (Vi) (3)
férentes opérations culturales représentant le
temps de travail total de la main-d’œuvre Partant de cette fonction, l’indice d’effica-
évaluée en hommes jours ; cité technique de l’exploitant i est donné
c) le capital représenté par les quantités de par la formule suivante :
semences en valeur utilisées sur chaque
exploitante, la valeur d’autres intrants, la Ii = Yi / Y*
valeur des équipements, etc., il est décom- alors Ii = f (Xi ; β) exp (Vi-Ui) / f (Xi ; β) exp (Vi)
posé en capital fixe et capital variable. ainsi Ii = exp (-Ui) (4)
β est le vecteur des paramètres à estimer ; il Mais, dans le cas des frontières de pro-
représente les élasticités quand la fonction duction stochastiques, il est impossible d’es-
de production est de type Cobb-Douglas ; timer directement le terme d’erreur qui
Vi est le terme d’erreur aléatoire ; représente l’inefficacité technique. En effet,
Ui est le terme d’erreur qui traduit l’ineffi- il est difficile de dissocier dans l’écart entre
cacité technique de l’exploitant i. la production effective et la production opti-
male, la part due à l’inefficacité technique de
Zi représente les caractéristiques socio-éco- la part purement aléatoire. Pour estimer l’in-
nomiques qui expliquent l’inefficacité tech- dice d’efficacité technique, Jondrow et al.
nique des productrices avec : (1982)2 suggèrent d’utiliser une distribu-
Z1 : la taille du ménage ; tion conditionnelle de l’inefficacité étant
Z2 : l’âge de l’exploitante ; donné l’écart entre la production effective et
Z3 : le niveau d’instruction de l’exploitante la production optimale.
(variable muette) ; La fonction frontière de production est
Z4 : la situation matrimoniale de l’exploitante estimée par la méthode du Maximum de
(variable muette) ; vraisemblance (MV) à l’aide du logiciel
Z5 : l’appartenance à un groupement d’in- Frontier 4.1 (Coelli, op. cit.). Elle consiste
térêt économique (variable muette) ; à construire la fonction de vraisemblance
Z6 : l’accès aux services de vulgarisation puis à déterminer les paramètres qui maxi-
(variable muette) ; misent cette fonction. Le logiciel de Fron-
Z7 : l’accès au crédit (variable muette) ; tier 4.1 fournit par itération les élasticités de
Z8 : l’accès à la terre (variable muette) ; la frontière de production, les scores d’ef-
Wi est le terme d’erreur habituel. ficacité technique et les coefficients des
déterminants.
Deux hypothèses sont à considérer
concernant les termes d’erreurs : on sup-
pose que Ui suit une loi normale de para- 1. Coelli T. A guide to Frontier Version 4.1: A
mètres N(µ ; σ2u) et Vi suit une distribution computer program for stochastic frontier produc-
normale tronquée c’est-à-dire N(0 ; σ2v). tion and cost function estimation. Centre for Effi-
ciency and productivity Analysis, University of
Sur la base de ces hypothèses, on obtient à New England, midale, NSW, 2351, Australia. CEPA
partir du logiciel de Frontier, version 4.1 de Working Paper 96/07.
Coelli (1996) 1 , les coefficients et σ 2 = 2. Voir Coelli et al. (1998).
et pour chaque culture considérée. Pour la Tableau 3. Score moyen d’efficacité technique par
culture de l’igname, ces niveaux moyens département et par culture
des trois départements sont respective- Culture Igname Manioc
ment : 0,83 ; 0,91 et 0,92. Quant aux pro- Département
ductrices de manioc dans les trois dépar- Dimbokro 0,83 0,71
tements, leur score moyen d’efficacité Bongouanou 0,91 0,82
technique est respectivement de 0,71 ; Daoukro 0,92 0,87
0,81 et 0,87 (tableau 3). Source : l’auteur, données d’enquête de mars et avril 2005.
Un test de Student est effectué pour voir du N’Zi Comoé est une activité à forte
si l’efficacité technique reste stable à travers intensité de main-d’œuvre et à faible inten-
les départements. Il s’agit d’un test de Stu- sité de capital. Les superficies sont assez
dent d’égalité des moyennes d’efficacité réduites parce que la pression sur la main-
pour chaque culture à travers les trois dépar- d’œuvre à répartir entre les différentes acti-
tements. Ainsi, le test d’hypothèse concer- vités agricoles est forte, chaque produc-
nant la culture d’igname est le suivant: trice pratique à la fois plusieurs activités
agricoles.
H0 : m1 = m2
Quant à l’analyse des déterminants de
H1 : m1 # m2
l’efficacité technique, elle montre que les
H0 : m2 = m3 variables telles que la taille du ménage,
H1 : m2 # m3 l’accès à la vulgarisation et au crédit (pour
la culture d’igname seulement) et l’appar-
H0 : m1 = m3
tenance à un groupement économique (pour
H1 : m1 # m3
la culture de manioc seulement) amélio-
rent l’efficacité technique des productrices
Le même test de Student est effectué pour
dans la zone d’étude.
la culture de manioc. m1 représente la cul-
Au vu de ces résultats, l’étude fait des
ture d’igname à Dimbokro, m2 la même
recommandations à deux niveaux : au
culture à Bongouanou et m3 la même culture
niveau des services de vulgarisation et au
à Daoukro. Le résultat du test montre que
niveau des institutions formelles de micro-
les productrices d’igname de Daoukro sont
finance.
en moyenne plus efficaces que celles de
Dimbokro au seuil de 1 %. Mais il n’y a pas
Les services de vulgarisation : il est
de différence significative entre les niveaux
recommandé que ces services intensifient
moyens d’efficacité technique dans la pro-
l’encadrement technique. Sur le plan de la
duction d’igname des départements de
production, l’accent doit être mis sur l’uti-
Daoukro et de Bongouanou. Concernant la
lisation des techniques les plus rentables
production de manioc, Daoukro a le score
telles que le respect des périodes de semis
moyen d’efficacité technique le plus élevé,
pour l’igname, l’apport des amendements
tandis qu’il n’y a pas de différence signifi-
au sol dans la zone de savane de Dimbokro
cative entre Bongouanou et Dimbokro (voir
où l’on a constaté l’appauvrissement du
annexes 1 et 2).
sol dans certains secteurs. De plus, les ser-
vices de vulgarisation doivent encourager
Conclusion et recommandations les productrices de manioc de la zone
Le présent article avait pour objectif, d’une d’étude à adhérer à des groupements d’in-
part d’évaluer le niveau d’efficacité tech- térêt économique.
nique des exploitations de cultures vivrières Les institutions formelles de micro-
dans la région du N’Zi Comoé et, d’autre finance : la réduction de la pauvreté chez
part, d’analyser les déterminants de cette les femmes rurales, une des couches les
efficacité productive. plus défavorisées, nécessite une action
Au terme des investigations, il ressort vigoureuse. Dans ce cadre, l’aide finan-
que les productrices sont en moyenne tech- cière apportée par le projet local de déve-
niquement efficaces dans les cultures loppement agricole aux productrices de
vivrières considérées. En effet, les indices vivriers de Daoukro a permis d’utiliser de
moyens d’efficacité technique sont respec- la main-d’œuvre agricole salariée. L’utili-
tivement de 0,88 et 0,80 pour l’igname et le sation d’une telle main-d’œuvre étant le
manioc. La culture vivrière dans la région facteur clé de la production vivrière de la
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p. 115-127.
ANNEXES
Test d’égalité des indices moyens d’efficacité technique entre Dimbokro et Daoukro
Taille de
Moyenne Écart type F
l’échantillon
Dimbokro 58 0,835 0,1296 28,128***
Daoukro 50 0,917 0,0428
Test d’égalité des indices moyens d’efficacité technique entre Bongouanou et Daoukro
Taille de
Moyenne Écart type F
l’échantillon
Bongouanou 49 0,916 0,6858 1,221
Daoukro 50 0,917 0,0428
*** Significatif à 1 %.
Test d’égalité des indices moyens d’efficacité technique entre Dimbokro et Bongouanou
Taille de
Moyenne Écart type F
l’échantillon
Dimbokro 100 0,712 0,1630 8,087
Bongouanou 101 0,818 0,1460
Test d’égalité des indices moyens d’efficacité technique entre Dimbokro et Daoukro
Taille de
Moyenne Écart type F
l’échantillon
Dimbokro 100 0,712 0,1630 103,902***
Daoukro 100 0,873 0,0447
Test d’égalité des indices moyens d’efficacité technique entre Bongouanou et Daoukro
Taille de
Moyenne Écart type F
l’échantillon
Bongouanou 101 0,818 0,1460 24,662***
Daoukro 100 0,873 0,0447
*** Significatif à 1 %.