Vous êtes sur la page 1sur 2

Trio pour piano et cordes nº 4 (Dvořák)

Le Trio pour piano et cordes nº 4 «Dumky» opus 90 B 166, est un trio pour
piano, violon et violoncelle d'Antonin Dvořák. Composé entre novembre 1890
et février 1891, il est créé le 11 avril 1891 à Prague par Ferdinand Lachner au
violon, Hanus Wihan au violoncelle et le compositeur au piano. La dumky est
un chant populaire ukrainien proche de la ballade germanique et de la
träumerei (rêverie) germanique.

Bien des années avant Béla Bartók, Leoš Janáček a méthodiquement étudié
et recueilli des musiques et chants populaires d'Europe Centrale. C'est ainsi
qu'il remarqua le caractère particulier d'une chanson ukrainienne, nommée
« duma » ou « dumka ». Il décrivit dans une lettre à son ami Antonín Dvořák
la rêverie nostalgique qui émane de ces chants.

Dvořák, intéressé, utilisa cette description pour composer ses premières


dumky (en tchèque comme en ukrainien, dumky est le pluriel de dumka [1]).
Mais, pour une raison inconnue, elles ne sont pas le reflet des musiques
populaires décrites par Janáček : Dvořák a-t-il mal compris les explications de
son ami, ou bien s'en est-il inspiré pour créer sa propre forme musicale ?

La dumka Dvořákienne reprend le thème de la mélodie nostalgique et y ajoute


d'inattendues transitions vers une joie exubérante. À l'image des rêveries du
promeneur solitaire, elle alterne la tristesse et l'exaltation, joue avec les
modes mineur et majeur, mêle étroitement l'insondable profondeur [2] des
méditations Dvořákiennes et les danses endiablées.

Dvořák utilise la dumka dans de nombreuses compositions : les Danses


Slaves, le second Quatuor avec piano, le Quintette op. 81, et surtout le trio
op. 90 : chacun de ses six mouvements est, en effet, une dumka.

À ceux qui s'étonnent du nombre inhabituel de mouvements de ce trio, on fera


remarquer que la délicate quatrième dumka, à l'intimité troublante, se trouve à
la place de l'habituel mouvement lent. Quant à la cinquième et avant-dernière
- la place du scherzo habituel - c'est la seule de la série à avoir un éclatant
début au piano, suivi d'une véritable invitation à la danse ! Ce trio peut donc
être écouté avec les repères habituels de la sonate. Ce n'est certes pas le
fruit du hasard : à son habitude, Dvořák, qui n'a jamais oublié ses origines
simples, parvient à concilier une forme libre, "populaire", et le cadre savant,
formel, hérité des maîtres viennois.

À ce propos on notera, avec une oeuvre comme le trio Dumky, à quel point il
est absurde de parler de Dvořák comme du Brahms tchèque. Les
compositions de Dvořák n'appartiennent qu'à lui, il leur imprime la marque de
son génie particulier. Seuls des commentateurs jaloux ou ignorants ont pu
commettre l'énormité de voir en Dvořák un Brahms de province, plus dégrossi
et proche du folklore. Brahms faisait du Brahms, et Dvořák du Dvořák, et si
des influences - réciproques - ont existé, elles n'enlèvent rien à l'art original de
leurs auteurs.

Une analyse détaillée de l'œuvre ne serait pas d'une grande utilité. Le trio
Dumky offre le rare privilège d'être l'un de ces chefs d'œuvre accessible à
tous. Là plus qu'ailleurs, il faut savoir s'abandonner à cette musique d'une
beauté indicible, se laisser emporter par le chant spontané des instruments,
aux intonations parfois proches de la voix humaine et dont se souviendra, plus
tard, Leoš Janáček.

Notes
[1] La dumka inspira d'autres compositeurs : Frédéric Chopin dans ses Chants polonais (Pieśni i
piosnki), Piotr Illich Tchaikovksi, auteur d'une pièce pour piano ayant ce titre (opus 59), et de
nombreux auteurs ukrainiens : Mykola Lyssenko, Denis Sitchynsky, Stanislas Lioudkevytch, etc.

[2] Selon le mot de Nikolaus Harnoncourt, depuis longtemps admirateur de l'art du compositeur
tchèque.

Analyse de l'œuvre
1. Dumka I (en mi mineur)
2. Dumka II (en ut dièse mineur)
3. Dumka III (en la majeur)
4. Dumka IV (en ré majeur)
5. Dumka V (en mi bémol majeur)
6. Dumka VI (en ut mineur)

Vous aimerez peut-être aussi