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Signac TEXTES DE SALLES

TEXTES DE SALLES

1. Paul Signac, un homme de convictions

Surnommé par Thadée Natanson le « saint Paul du néo-impressionnisme », Paul Signac est l'apôtre des théories néo-
impressionnistes. Avec Camille Pissarro, il est un des tout premiers artistes à adopter la technique de la division des
tons mise au point par Georges Seurat au cours de l'hiver 1885-1886. Tous trois participent en avril 1886 à la huitième
et dernière exposition impressionniste, où leurs œuvres sont réunies dans l’ultime salle du parcours. La nouvelle école
est alors qualifiée d'impressionnisme scientifique, par opposition à la génération précédente. Le terme de « néo-
impressionniste » n'apparaît qu'en septembre 1886, sous la plume du critique Félix Fénéon.
Aussi expansif que Seurat est secret, Signac initie à la technique de la division des couleurs de nombreux artistes qui
ne tardent pas à figurer parmi les plus brillants représentants de l'école néo-impressionniste. Parmi ceux-ci, citons
Maximilien Luce, rencontré à l'occasion du Salon des artistes indépendants en 1887 et le peintre belge Théo van
Rysselberghe, dont il fait la connaissance la même année, à l'occasion de la présentation de Un dimanche après-midi à
l'île de la Grande Jatte de Georges Seurat, 1884-1886, au Salon des XX à Bruxelles. Sans oublier Henri-Edmond Cross
qui expose ses premiers tableaux néo-impressionnistes en 1891, l'année même de la mort de Seurat. Comme Camille
Pissarro ou Félix Fénéon, ces artistes partagent les idéaux anarchistes de Signac et comptent parmi ses amis les plus
proches. Signac est aussi l'auteur du manuel théorique D'Eugène Delacroix au néo-impressionnisme, qui situe la théorie
de la division des tons dans une perspective historique. Publié en 1899 et plusieurs fois réédité en français et en
allemand, cet ouvrage est consulté par toute une génération de jeunes artistes intéressés par la couleur au tournant du
siècle.
Des premières marines peintes avec une vigueur et une liberté impressionnistes aux amples architectures portuaires
d’après-guerre, la description de l’eau et du ciel offre à Paul Signac un inépuisable prétexte à multiplier ses harmonies
chromatiques. Ardent défenseur de la couleur pure, il y trouve une illustration naturelle de ses théories artistiques, car la
réflexion de la lumière à la surface du fleuve et de la mer fragmente le réel en une myriade de taches colorées. Epris de
plein air, Signac fut aussi un navigateur averti et il sut conférer au genre de la marine une modernité radicale, sans
renoncer à sa force d’évocation. Au-delà de l’exigeante technique de la division des couleurs qui tend naturellement à
l’abstraction, son œuvre véhicule en effet une puissante poétique du voyage et de l’évasion.
(M. F. B.)

2. Pour la couleur, de l'impressionnisme au néo-impressionnisme

C’est la visite de la première exposition monographique de Claude Monet en juin 1880 dans les locaux de la revue La
Vie moderne qui décide de la vocation de peintre du jeune Signac. D’emblée, il choisit d’évoquer l'eau et ses reflets, et
dès 1882, il s’essaye en autodidacte au genre de la marine à Port-en-Bessin. Proches de l’art de Monet, les paysages
de jeunesse se distinguent par le choix de couleurs fortes et de compositions frontales. Le tempérament énergique de
Signac, son amour du plein air et de la couleur le portent naturellement à une approche de type impressionniste qui
persistera jusqu'à la fin dans sa carrière, par le biais de la pratique de l’aquarelle ou dans le traitement très libre de ses
études peintes sur le motif.
En mai 1884, Signac rencontre Georges Seurat à l'occasion de la première exposition du Groupe des artistes
indépendants. Les deux peintres se lient d'amitié et Signac, qui reste fidèle à l'impressionnisme, participe dès lors aux
recherches de Seurat sur l’harmonie des lignes et la perception des couleurs. En 1885, ils visitent ensemble la
rétrospective consacrée à Eugène Delacroix à l’Ecole des Beaux-Arts. Ils se rendent aussi à la manufacture des
Gobelins pour assister à quelques expériences en application des théories d'Eugène Chevreul. Au cours de l’hiver
1885-1886, Seurat reprend entièrement une grande toile commencée l'année précédente, Un dimanche après-midi à
l’île de la Grande Jatte (1884-1886, Chicago, The Art Institute), en appliquant pour la première fois la théorie du
mélange optique. Pour éviter de ternir l'harmonie chromatique du tableau en mélangeant les tons sur la palette, il pose
des petites touches de couleur pure côte à côte sur la toile, en laissant à l’œil du spectateur le soin de recomposer les
tons. Signac adopte rapidement cette technique à laquelle il sera définitivement fidèle. La touche divisée confère aux
toiles néo-impressionnistes un effet de vibration délicate qui se prête à l’analyse des variations de la lumière. Les
paysages d’eau peints alors expriment une poésie quasi abstraite, que Signac souligne en leur attribuant des titres
d’inspiration musicale.
Grâce à Pissarro, séduit lui aussi par la théorie de la division, Signac et Seurat participent en 1886 à la huitième et
dernière exposition du groupe impressionniste.
(M. F. B.)

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3. Signac au temps d'harmonie

Quand Georges Seurat meurt prématurément en 1891, les destinées du néo-impressionnisme paraissent compromises.
Camille Pissarro a déjà renoncé à la nouvelle technique pour revenir à un impressionnisme plus orthodoxe. Signac,
conscient que l'avenir du mouvement repose désormais uniquement sur ses épaules, continue à défendre la théorie de
la division des tons et ne tardera pas à faire évoluer le néo-impressionnisme. Il rend hommage à l'ami disparu en
organisant l'exposition posthume du Salon des artistes indépendants en 1892. Puis, lassé des intrigues de la vie
parisienne, il suit les conseils de son ami Henri-Edmond Cross, installé depuis peu au Lavandou, et découvre le petit
port de Saint-Tropez. Il y loue puis achète une villa qu'il baptise La Hune, où il passe désormais la belle saison, quittant
Paris dès que l'exposition du Salon des artistes indépendants est en place.
A Saint-Tropez, il s'essaye à l'aquarelle, qui devient dès lors une de ses techniques de prédilection. Si certaines de ses
aquarelles exécutées sur le motif lui permettent de mettre en place une toile peinte à l'huile, nombreuses sont traitées
de façon indépendante, datées, signées et exposées dès 1892. Au cours des trois années qui suivent, Signac peint
exclusivement les paysages du petit port varois et, progressivement, use plus librement de la division des tons. La
touche s’élargit et, dans ses œuvres toujours plus colorées, il privilégie les effets de contraste pour donner davantage
d'impact à la couleur. Cessant aussi d’attribuer un numéro d’opus à ses tableaux, il entreprend la rédaction de son
journal. C’est le début d’une réflexion théorique et d’une mise en perspective du néo-impressionnisme qui aboutira à la
publication en 1899 du traité D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme.
Au tournant du siècle, les peintres sont de plus en plus nombreux à fréquenter Saint-Tropez. Cross, qui s'y rend en
voisin, a accompagné l'évolution de Signac et tous deux attirent une nouvelle génération d'artistes passionnés par la
couleur. En 1904, Henri Matisse y séjourne près de Signac. L'année suivante, Henri Manguin, Charles Camoin et Albert
Marquet passent l'été dans le petit port varois où ils sont rejoints par Cross et Van Rysselberghe. A la rentrée, leurs
toiles, exposées près de celles de Matisse et de Derain au Salon d'automne, créent l'événement : le fauvisme est né.
(M. F. B.)

4. Le temps des voyages

Dès 1896, Signac voyage en Hollande et ne tarde pas à retrouver ensuite les sites qui ont inspiré ses œuvres de
jeunesse, notamment les plages de la Manche au Mont-Saint-Michel et les bords de la Seine près de Paris. Elu
président de la Société des artistes indépendants en 1908, il devient une figure incontournable de la scène artistique
européenne. Il expose toujours à Bruxelles où la Libre Esthétique a remplacé le Salon des XX, mais il est désormais très
présent également en Allemagne où son ami Henry van de Velde diffuse les œuvres des peintres néo-impressionnistes.
A cette époque, Signac visite les grands ports européens : Venise en 1904 et 1908, Rotterdam en 1906, Istanbul en
1907. Sans oublier les ports français, notamment Marseille et La Rochelle. Au cours de ses voyages, il note ses
impressions à l'aquarelle avant d’élaborer ses tableaux à l’atelier. A partir de 1900, il interprète de plus en plus
librement la couleur des paysages observés, tandis que ses compositions équilibrées et rythmées par d’amples
arabesques prennent des accents classiques. Elles sont précédées par un nombre croissant de travaux préparatoires.
Aux études peintes sur le motif s'ajoute une importante production, de dessins et d’aquarelles. A partir de 1907, Signac
exécute au lavis d’encre de Chine de grands cartons mis au carreau pour être transposés sur la toile. Dès 1910,
l’aquarelle prend définitivement le pas sur sa production peinte à l’huile. Les œuvres graphiques constitueront dès lors
une part toujours plus conséquente de son travail.

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En 1913, Signac quitte Saint-Tropez pour Antibes où il s'installe avec sa nouvelle compagne, le peintre Jeanne
Selmersheim-Desgrange. La Première Guerre mondiale le fixe à Antibes où il travaille peu, profondément déprimé par
les événements qui heurtent ses convictions pacifistes. Empêché de travailler dans les ports où les artistes risquent
d'être soupçonnés d'espionnage, il se réfugie dans l'étude de l'œuvre de Stendhal.
(M. F. B.)

5. Signac aquarelliste et nomade

Après-guerre, en 1921, Signac quitte Antibes pour Saint-Paul-de-Vence et sillonne les routes de France. Le néo-
impressionnisme est depuis longtemps entré dans l'histoire, ce qui signifie qu'il n'appartient plus à l'avant-garde
artistique. S'il continue d'exposer chaque année au Salon des artistes indépendants des tableaux néo-
impressionnistes, Signac consacre la plupart de son temps au dessin et à l'aquarelle. L’ampleur décorative très
mesurée des grands lavis peints à l'encre de Chine s’oppose au traitement libre et coloré des notes prises sur le motif.
Car au cours de ses pérégrinations, Signac privilégie l’aquarelle qu’il pratique depuis 1892 et qui lui permet de travailler
en plein air. Elle est, depuis le XVIIIe siècle, l'instrument d'élection des artistes voyageurs et ses maîtres en ce domaine
sont Eugène Delacroix, William Turner et Johan Barthold Jongkind. En 1927, il consacre à ce dernier une monographie
dans laquelle il exprime ses propres convictions d'aquarelliste.
S'il peint toujours avec passion les quais de la Seine à Paris, on le trouve souvent dans la vallée du Rhône où il
recherche les sites évoqués par Stendhal et rêve d'illustrer Mémoires d'un touriste, « le plus beau livre du monde ».
Mais c'est en Bretagne, à Lézardrieux, sur les bords du Trieux, qu'il s'installe en 1924. Il se rend souvent à Saint-Malo
où l'attirent les terre-neuvas et assiste à la partance des « Islandais » qu'il observe inlassablement.
Son dernier projet artistique est la série consacrée aux ports de France dans la lignée des grands peintres et graveurs
de marines tels que Joseph Vernet, Nicolas Marie Ozanne et Louis Garneray. De 1929 à 1931, grâce au soutien
financier de l’homme d’affaires Gaston Lévy, Signac alors largement sexagénaire entreprend de parcourir la France de
port en port et d’en rapporter des vues à l’aquarelle. Il décrit avec un plaisir toujours renouvelé la diversité des ciels,
des gréements et des architectures portuaires, sans savoir que ces séduisants paysages ne tarderont pas à connaître
de sévères destructions.
(M. F. B.)

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