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EducationAfrique 21/02/2021 11:18

L'AFRIQUE NOIRE ÉTAIT "MAL PARTIE" (René Dumont 1962), MAIS ELLE PERSISTE...

Préservée, semble-t-il, du Corona virus, puisque ce "Robin des bois" n'attaque que les riches,
L'Afrique souffre d'une pandémie spécifique: L'occidentalite !

Cette maladie a des effets secondaires dans le domaine éducatif également.

LE RETOUR DES BOUNTY

De nombreux pédagogues, formés dans les écoles occidentales, en particulier en Europe et


au Canada, retournent dans leurs pays respectifs, remplis de bonnes intentions et de projets,
pétris de technologies, de stratégies et de mystérieux acronymes pédagogiques, souvent
inadaptés.
C'est tout à leur honneur que de vouloir contribuer au développement de leur continent.
Tant d'autres préfèrent poursuivre leur carrière dans les pays qui les ont accueillis pour leurs
études.
L'ennui, c'est qu'ils semblent avoir oublié non seulement la situation économique mais aussi
le réel état des lieux de ce qui est pourtant leur pays d'origine.
Ont-ils été éblouis par le "modèle" occidental, qui pourtant nous montre chaque jour un peu
plus ses limites, (ne serait-ce que sur le plan écologique), au point d'avoir perdu de vue les
réalités du terrain ?
A moins qu'ils ne soient eux-mêmes issus d'une haute caste, coupée de la vie des
intouchables, dans leur propre pays ?

Je le dis d'autant plus franchement que j'ai moi-même commis cette erreur, en 1968, quand
j'étais jeune coopérant au Gabon. Je me suis rendu compte après coup, que j'avais voulu
transformer mes élèves en bons petits blancs !
C'est pourquoi en 2010 au Burkina Faso j'ai présenté Moodle au colloque organisé par le 2iE,
en insistant sur le fait qu'ils doivent s'approprier l'outil tout en l'adaptant à leur propre
culture plutôt que d'y insérer des contenus pédagogiques "clés en main" mais souvent
inadaptés.
Je n'ai rien dit d'autre d'ailleurs que ce qu'a dit Abdullah Cissé, le jeune recteur de
l'Université de Bambey, chargé d'ouvrir la conférence, brillant mais incompris.

Or, les questions que l'on nous pose actuellement à propos de projets en Afrique, nous
montrent, que les problèmes sont vus, une fois de plus, par le mauvais bout de la lorgnette.

Ce n'est pas une insulte de dire qu'au delà de la vitrine que représentent les beaux
immeubles climatisés des capitales, à peu de distance, la majorité de la population vit sans
internet dans des cabanes aux toits de tôle, parfois sans électricité, tout comme en 1968 au
Gabon.
Ainsi, au lieu d'attendre de Bill Gates et de sa "pseudo-fondation pompe à fric" la solution
miracle qui les guérira du paludisme (plutôt que de cultiver en local de l'artémisia africa ou
annua), il est tout aussi important d'adapter les stratégies pédagogiques aux réels besoins du
pays, plutôt que de reproduire "nos" solutions à destination d'une population qui dispose déjà
de la plupart des atouts pour se former. Cette dernière classe privilégiée peut très bien le
faire sans nous.

Le creusement de l'écart entre riches et pauvres ne peut que conduire à des tensions futures
et transformer ce continent en gigantesque champ de bataille, qu'il est déjà en partie par
ailleurs.

TECHNO-PEDAGOGIE

En premier lieu il faut se rendre compte que l'infrastructure des réseaux ne sera au niveau de
celle des pays occidentaux que dans deux générations au moins. Peut-être un peu moins si
l'on évite de prendre les routes que nous avons nous-mêmes empruntées. Des raccourcis
existent. Ainsi tous ces projets sont à prévoir pour vos enfants, voire vos arrières petits

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enfants. Visez plutôt le présent !


Les grandes infrastructures étant à la charge des États, nous en sommes dépendants pour
monter nos projets pédagogiques. Que font ces États sur ce plan ? Trop peu et trop
lentement. C'est un autre sujet de discussion tout aussi intéressant d'ailleurs...
Qu'on ne nous dise pas par exemple qu'il fait trop chaud en Afrique pour y installer les
serveurs des fournisseurs d'hébergements, quand on voit la pléthore de climatiseurs qui
fleurissent sur les façades des immeubles "modernes". J'ai déjà signalé dans un autre texte la
difficulté de trouver des fournisseurs d'hébergement en Afrique. La plupart des écoles ne
disposant pas de services propres étant hébergées en Europe ou en Amérique.

Plutôt que de nous demander combien Moodle peut-il accueillir d'étudiants en simultané, ou
combien de personnes pourra-t-on faire cohabiter dans une salle de visioconférence, on
ferait mieux de se demander comment on va diffuser la formation dans les salles de brousse
aux toit de tôle (quand ils existent) et sans électricité. Celles où les élèves se rendent à pied
sur des kilomètres car il n'y a pas de ramassage scolaire. Et ou, en plus, l'école est payante !
C'est là que des produits nomades comme la MoodleBox peuvent jouer leur rôle, puisqu'au
minimum tout le monde dispose d'un smartphone ou d'une tablette. Parfois d'un ordinateur.
Elle peut même être alimentée sur la prise 12V du véhicule de l'enseignant ou une
powerbank.

Les formations simultanées synchrones sont quasiment à bannir puisque les réseaux
supportent mal la charge. Privilégions donc les outils asynchrones: Les forums ou les chats au
lieu des appels en visio. Pas de début ni de dates de fin ni d'exercices en temps limité, pas de
formations en simultané ... Affranchissons-nous de l'horloge.
Outre le fait qu'on est aussi en mode synchrone, une simple visioconférence utilisant Jitsi ou
Zoom avec un centre de formation situé seulement à 30km de N'djamena est déjà une
prouesse technique.
Dans les civilisations orales, convertissons par exemple les documents en audio ?
Comment faire pour former à l'agriculture des personnes analphabètes et parlant une langue
peu répandue ?

CONCLUSION

Si la fascination/répulsion envers les solutions occidentales sont à ce point imprégnées, je


conseille de relire l'ouvrage du psychiatre Frantz Fanon "peau noire masques blancs". C'est
un excellent moyen de soigner cette pathologie dont les symptômes se traduisent tout à la
fois par un éblouissement en face de tout ce qui vient de l'occident, couplé à une soif
viscérale de préserver son identité, et en tentant de se libérer du complexe d'infériorité
enfoui au plus profond de soi-même par des siècles de manipulation mentale et de
domination.
Cet ouvrage, soit dit en passant, peut aussi être très utile pour les africaines qui tentent par
tous les moyens de s'éclaircir la peau ou de se défriser les cheveux !

Daniel Méthot
Février 2021

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