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jeudi 16 juin 2016 LE FIGARO

8 L’HISTOIRE L’Euro 2016 vu par les écrivains


semaine
de la
Droit au but. L’Euro, ce sont King pour l’Angleterre, Víctor tendre le ballon toucher le filet de coups par des voyous rus-
peut-être les écrivains qui en del Árbol pour l’Espagne, Sam jusqu’au fond de l’Irlande. » Pour ses ? » Et puis il y a l’ovni, Olivier
parlent le mieux. Allez voir la re- Millar pour l’Irlande, Jean-Bernard Angleterre-Russie, John King a Norek, flic écrivain qui avoue
vue culturelle en ligne Délibéré, Pouy, Thomas B. Reverdy, Ber- les mots justes : « Comment sans vergogne : « Je me cogne
SUR LA PAGE « DÉLIB’EURO » qui a lancé il y a quelques jours nard Chambaz pour la France. penser à un match alors qu’un du foot. Pas un peu. Pas juste

EN MARGE
DE DÉLIBÉRÉ.FR, DES ÉCRIVAINS Délib’euro. Au programme, les Le but de l’Irlande contre la homme se bat pour sa vie à comme ça. Je me cogne du foot
EUROPÉENS COMMENTENT

littéraire
LES MATCHS DANS LESQUELS matchs commentés par les écri- Suède, vu par Millar : « Le Stade l’hôpital, victime d’un malaise viscéralement. » Carton !
LEUR PAYS EST ENGAGÉ. vains des pays engagés. John de France explose ; on peut en- cardiaque après avoir été roué BRUNO CORTY

Bruno Fuligni,
curieux universel
2

PORTRAIT Depuis vingt ans, cet 1

historien dilettante a recensé quatre


cents micronations fondées par des
fous, des excentriques et des rebelles.
SÉBASTIEN LAPAQUE
slapaque@lefigaro.fr 4

J’
3

«
AI BEAU FAIRE, Comme si l’écrivain s’était fait le Cette utopie belle et désastreuse que
tout m’intéresse », serment de leur rester fidèle jus- nous avons réveillée dans les années
jurait Paul Valéry. qu’au bout et de périr avant elles. 1970 se perpétue. Je reçois sans cesse
De ce mot, Bruno « Vieillir, c’est se renier », jurait des demandes de naturalisation. “Il y
Fuligni ferait sans Georges Bernanos. a plus de Patagons qu’on ne le croit”,
doute une maxime. Écrivain, pro- me confiait un jour André Frossard.
fesseur, chercheur, maître de Communauté d’âmes Il avait raison. Nous formons une

VIM/ABACAPRESS.COM ET ÉDITIONS LES ARÈNES


conférences à l’Institut d’études Un lecteur attentif de Bruno Fuligni communauté d’âmes. »
politiques de Paris, où il enseigne dont l’âme d’enfant vieillit moins Ce qui est frappant, c’est l’actua-
l’histoire des institutions, érudit, vite que ses artères, c’est Jean Ras- lité de tous les pays de cocagne que
rêveur et curieux de tout, il a publié pirates qu’il avait publié en 1997 aux pail, l’auteur du Jeu du roi et de Sire, se sont inventés les hommes pour
depuis deux décennies pas moins de Éditions de Paris. consul général d’une Patagonie à échapper à un ordre mondial trop
vingt-cinq livres touchant à des do- Dix-neuf ans, une portion consi- laquelle Royaumes d’aventure bien climatisé — leur puissance en
maines variés : l’aventure, la litté- dérable d’une vie mortelle, comme consacre une large place. « Cela fait acte. Royaumes ou républiques,
rature, l’utopie, la folie, la police, dirait Tacite en son Agricola. C’est longtemps que je connais Bruno Fuli- seigneuries, grands-duchés, îles,
l’espionnage, le bagne, le Parti assez pour permettre à un nouveau gni, confie le romancier. Et je dé- communes libres ou principautés,
communiste. À la fois chez de livre de naître sur les ruines du pre- jeune justement avec lui dans quel- les micronations qui veulent très
grands éditeurs et dans de petites mier. Sur la carte jointe au volume ques jours. Je ferais une distinction sérieusement faire entendre leur
maisons qui font un travail souvent richement illustré dans lequel entre la Patagonie et les royaumes voix et valoir leurs droits sont sans
remarquable et presque invisi- Bruno Fuligni fait le point sur la d’aventure dont il parle dans son li- cesse plus nombreuses. Mêlant les
ble. Ainsi Plein Chant, imprimeur- prolifération contemporaine des vre. Dans notre Patagonie dont les empires défunts aux États actuels,
éditeur établi à Bassac, non loin États privés, on relève le très éton- sujets sont toujours plus nombreux, Bruno Fuligni en avait recensé 200
de Cognac et Jarnac, au cœur de nant royaume gay et lesbien de la Un drapeau, un hymne, mais 1. Bruno Fuligni. rien n’est virtuel mais tout est sym- en 1997. Aujourd’hui, il en compte
la Charente secrète et rêveuse mer de Corail, une principauté mi- aussi des timbres, une monnaie, un 2. Billet émis bolique. Et cet État souverain est 400. « Un nombre impressionnant,
qu’aimèrent tant Jacques Chardon- nuscule perdue dans la mer de Tas- protocole, un passeport, un sceau, dans les îles du Frioul, fondé sur des bases histo- sachant que les États universelle-
ne et François Mitterrand. man, à l’est de l’Australie. Bienve- un uniforme pour les douaniers : les au large de Marseille. riques, puisque Antoi- ment reconnus ne représentent
En 1997, Bruno Fuligni a publié nue dans l’histoire du futur, loin des micronations recensées par l’histo- 3. Devise de l’ancien ne de Tounens a ré- quant à eux que 193 sièges à l’As-
chez Plein Chant Les Constituants de splendides chimères d’Antoine de rien revendiquent la plupart des at- royaume sédang gné sur le royaume semblée générale de l’ONU. » On
l’Eldorado ou la République de Tounens, le roi patagon que Jean tributs de la souveraineté au mo- (Indochine française). d’Araucanie-Pa- peut en sourire. Mais aussi com-
Counani. Un livre comme on n’en Raspail a naguère vu passer dans ment où tant de chers et vieux pays 4 et 5. Timbre tagonie en 1860, prendre que ces 400 pays très mys-
fait plus, même si la typographie son rêve. les abandonnent. Au nom de la li- et monnaie de Lundy, six semaines ou térieux nous disent beaucoup de
n’est pas au plomb. Cousu, broché berté de rêver. Et de l’espoir, note la plus oubliée six mois, on ne sait choses sur le monde tel qu’il va.
et non découronné, comme on dit Vogue le « Gayflower » Bruno Fuligni, façon de Tintin à qui des îles britanniques. 5 pas, peu importe. Et surtout tel qu’il ne va pas. ■
dans les imprimeries à l’ancienne : il « Le royaume gay et lesbien de la mer il doit arriver, dans ses songes, de
faut, pour le lire, en séparer de Corail a rompu avec l’Australie en se faire remettre l’ordre du Pélican
les feuillets avec un
coupe-papier. Bruno
2004, après le refus
d’une proposition de loi
d’or par Muskar XII. « L’espoir,
c’est justement ce dont manquent
CES MYSTÉRIEUX MICROPAYS
Fuligni est un nostalgi- tendant à légaliser le nos sociétés modernes, depuis que le
que dans son genre. ROYAUMES mariage homosexuel, pire a été commis. Après les folies de Il faut se plonger dans cet au beau milieu de la future Son roi s’autoproclamera
Comme Ulysse et les D’AVENTURE. explique Bruno Fuli- l’État totalitaire, l’État démocrati- Atlas des micronations. C’est frontière entre la France tout naturellement
anciens Grecs, il res- ILS ONT FONDÉ gni. À l’initiative de que lui-même s’est mis en berne, un voyage aussi instructif et la Suisse. Le « magasin Max Ier d’Arbézie… On partira
sent vivement la dou- LEUR PROPRE ÉTAT l’activiste Dale Ander- comme honteux de se sentir encore que désopilant. Connaissez- Ponthus » était né et avec lui aussi à la découverte de
De Bruno Fuligni,
leur (algos) de ne son, un groupe de mili- étatique et de l’être souverainement. vous, par exemple, l’Arbézie le royaume de la Ponthusie la République indépendante
Les Arènes,
pas être de retour (nos- 314 p., 24,80 €. tants s’embarque à Bannières chamarrées, panaches de libre ? Ignorée de tous, cette auquel succédera en 1921 de Figuerolles, RIF, près
tos). Dans Royaumes bord d’un bateau ironi- plumes, emblèmes rutilants de la petite enclave triangulaire l’Arbézie, lorsqu’un certain de La Ciotat. Elle mérite aussi
d’aventure, qui paraît quement baptisé le puissance ont été remisés au maga- d’à peine dix ares, entre Jules-Joseph Arbez le détour. Créée en 1956 par
aujourd’hui aux Édi- Gayflower pour pren- sin des accessoires, tandis que les le Jura et la Suisse, fut créée reprendra l’affaire. C’est des Russes blancs, elle a pour
tions Les Arènes, le dre possession de l’île de élites en costumes gris ont délaissé à l’origine par un certain le facétieux député maire monnaie et emblème la figue.
voici cependant de re- Cato, au-delà de la blasons et parades pour les dossiers Ponthus, contrebandier de Saint-Claude, Edgar On y conduit aussi à gauche
tour vers ses premières Grande Barrière de ardus des réformes économiques et qui comprit très vite l’intérêt Faure, qui donnera son nom et le décalage horaire avec la
amours, avec un livre corail ; “l’empereur” sociales. » de construire un bâtiment au domaine des Arbez. France est d’une heure… B. C.
qui reprend de fond en Dale Ier hisse le drapeau On sent les attachements de ce
comble L’État c’est arc-en-ciel au son de curieux universel profondément Le Figaro littéraire prend ses quartiers d’été mais il sera encore question
moi, histoire des mo- l’hymne national — enracinés dans les grandes pas- de livres et d’écrivains au cours des prochaines semaines
narchies privées, prin- I Am What I Am de sions de son enfance et de son ado-
cipautés de fantaisie Gloria Gaynor — avant lescence. On n’est pas sérieux
dans Le Figaro et sur lefigaro.fr. Retrouvez votre supplément à la rentrée,
et autres républiques de sceller une plaque. » quand on a quarante-huit ans. dans nos éditions du jeudi 1er septembre.

Les Escales Littéraires Sofitel Olivier Weber SOFITEL LEGEND


SANTA CLARA CARTAGENA
Le lézard qui pleure par Olivier Weber Le Sofitel Legend Santa Clara, au cœur de la
Caraïbe colombienne, est symbole d’élégance,
« Au commencement était la bouteille. En principe, cela finit souvent comme de sobriété et de distinction. Construit en 1621,
ça, avec un verre ou davantage dans le gosier, mais là il s’agit du début, il Olivier Weber est écri- l’ancien Cloître des sœurs Clarisses abrite au-
s’agit vraiment du commencement. La mer était chamboulée, les vagues un vain et journaliste. Il a jourd’hui cet hôtel légendaire dans lequel l’inno-
été correspondant aux
peu rebelles, et le rivage de Carthagène se chargeait d’embruns qui vation, la modernité et l’histoire se rencontrent.
Etats-Unis puis repor- L’hospitalité locale et le savoir-faire français
fouettaient les rares badauds alors que le soleil tombait littéralement d’un
ter de guerre en Afrique, en Asie et au offrent aux hôtes une expérience unique, au
puit creusé dans le noir des nuages tropicaux. J’avais décidé d’aller jeter un Moyen-Orient pour The Sunday Times, The centre de la ville fortifiée de Carthagène.
oeil contre vents et marées, surtout contre les vents, sur la petite langue de Guardian, Libération et Le Point. Ecrivain
terre au-delà de la forteresse des Espagnols. Les remparts sont d’éternels engagé dans l’action humanitaire, il a été
lieux de passage. Les portes ouvrant sur la mer vous donnent l’espoir des vice-président d’AMI (Aide Médicale Inter-
confins. Les amoureux ne s’y trompent pas, qui s’engouffrent entre les parois nationale) puis pendant cinq ans ambas-
autant pour se cacher que pour rêver le grand large. Et là, suivi par Katarina sadeur de France itinérant, chargé notam-
en sandales de cuir abîmé, devant une petite guérite de pierres arrondies ment de la lutte contre la traite des êtres
destinées à protéger jadis la côte de l’Eldorado, j’aperçus ce que je cherchais, humains. Il est lauréat du Prix Joseph
Kessel, du Prix Abert Londres, du Prix de
un objet flottant qui jouait avec les vagues... »
l’Aventure et du Prix Amerigo Vespucci
Lisez la suite sur : www.escales-litteraires.evene.fr pour ses livres et ses reportages.
A

© Christopher Kewish

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