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LE NOMBRE PLASTIQUE
Quinze leçons sur
L'ORDONNANCE ARCHITECTONIQUE
par
DOM H. VAN DER LAAN
Traduit du manuscrit hollandais
par dom Xavier Botte
LEIDEN
E. J. BRILL
1960
A tous les amis et étuaiants
Copyright Ig60 by E. ]. BriU, Leiden, Netherlands. qui ont rendu possible la publication
AU rights reserved. No part of this book may be reprod"ced or translated de mon co"rs d'architecture à Bois-le-Duc
in any t orm, by print, Photoprint, microfilm or any other means without
je aédie ce livre
written permission trom the p"blisher.
en signe de reconnaissance
Herculanum et PomPéi étaien t to"t proches, à q,.elq"es toute leur objectivité, les lois fondamentales et intrinsèques
stations à peine sur le traiet de la circumvesuviana, et Cumes, de l'architecture. Mieux que tant d'essais condamnés à l'oubli
et Pouzzoles. Il y avait aussi Paestum et sa trilogie dorique . après une vogue éPhémère, elles semblent devoir apporter une
Et la Sicile, dont ,In geste d'amitié fervente et fraternelle me réPonse durable à bien des questions et fournir réellement la
permit d'accomPlir deux fois le PériPle: la Sicile de Ségeste, clef de possibilités nMtVelles.
de Sélinonte et d'Agrigente; celle de San Cataldo et de Saint- Pour ma part, ie m'estime heureux d' avoir p~f" en trad'uisant
] ean-des-Ermites; celle de Cefalù et de la M artorana. Et Rome, ces pages, apporter l'appui d'une aide fraternelle à une œuvre
bien sûr, et Ostie l'Antique! que fe crois riche de promesses.
Dans ce dialogue avec le visible, dans cette confrontation
assidue avec le concret, les théories de dOtn van der Laan me Dom Xavier BOTTE,
sont apparues sous leur vrai Jo/ur. Abbaye de Saint-André, Bruges,
Quiconque abordera l'étude des textes qui suivent regrettera en la fête de l'Épiphanie,
peut-être de n' y trouver a'ucune illustration, aucune anecdote, le 6 janvier I96o.
aucun exemPle frappant. C'est délibérément que l'a,deur a
VO'lÛU que fût gardée à ses démonstrations toute leur austérité
première, afin qu' auctme diversion ne vienne interrompre
le fil d'une démonstration serrée, et que ne s'égare pas à mi-
chemin, par des aPPlications prématurées, le vrai labeur d'une
réflexion personnelle.
S'adressant donc avant tout à ceux qlte préoccupe le pro-
blème de l'art, l'exposé que voici est de nature à projeter
quelque lumière sur ce qui fait l'objet de tant de recherches
confuses.
Ayant dû nous-même assurer, pendant Plus de dix ans,
la direction d'tme revue d'art et d'architecture, nous n'ignorons
ni les besoins ni les angoisses de bien des artistes, de bien des
architectes surtout, a'l-tx prises avec les imPératifs immédiats
de leur tâche. Non qu'il s'agisse de réinventer pour eux et de
construire des systèmes tout faits, de codifier canons et for-
mules, ou de forger une nouvelle esthétique. Pour ce qui nous
occupe, - et il ne sera pas superflu d' y insister - les
théories de l'ordonnance architectonique ne fournissent aucune
recette; elles ne font appel ni à l'emPloi de modules, ni aux
correctifs toujours arbitraires d'un quelconq"e traci régulate-ur.
Elles semblent pourtant constituer une réPonse authentique à
beaucoup de tâtonn~ments, car elles nous restituent, dans
INTRODUCTION
prelmer - , de lllênle une quantité continue, par exemple connaissance et de vérité? Or cette passion de connaître
l'étendue d'un édifice, ne peut être appréciée comme telle et cette recherche de vérité ne trouvent apaisement total
que pour autant qu'elle entre en relation avec un élément et parfait repos que lorsque l'homme se voit libéré de la
de l'édifice, qui représente l'unité. Par conséquent, la servitude de l'abstraction, et qu'il atteint à une intelligence
relation qui s'établit entre les volumes architectoniques ultime sous l'emprise des apparences concrètes . D'après
et leur unité spatiale répond parfaitement à la notion de Platon, c'est là l'insigne privilège du beau: éclat tombé
nombre. du paradis, jet de lumière irradiant du monde des purs
Or ces rapports abstraits, si clairelnent exprimés dans esprits sur notre condition corporelle.
l'ordonnance architectonique, se trouvent concrétisés dans Chose étonnante, l'homme qui semble se perdre dans la
le visible. Leur parfaite lisibilité nous ravit et littéralement contemplation des harmonies spatiales, s'y retrouve lui-
nous captive. Elle nous force à regarder sans cesse, elle même du fait que, dans le jeu des pleins et des vides, il voit
nous lie au concret, parce qu'elle est comme déposée dans pour ainsi dire projetées sous ses yeux les relations mêmes
les volunles 11lêmes qui déterminent l'édifice dans son qui le situent dans l'espace. Car la fonction de la maison
étendue plastique. est de servir d'approche, de rencontre, de conciliation
C'est pourquoi nous parlons de "nombre" pour expriuler entre le corps, qui semble n'être quasi rien, et l'espace
la claire perception d'un rapport; mais nous disons "nombre illimité de l'univers.
plastique", parce que cette clarté perçue par l'esprit nous Ce n'est pas le moment de développer ici comment la
vient directement des mesures concrètes de l'édifice. maison adapte et réduit aux dimensions humaines l'im-
mensité de l'espace, ni comment, d'autre part, elle devient
En énumérant les facteurs qui contribuent à déterminer l'auréole, le cadre, le prolongement du corps humain;
dans sa plénitude la farule d'un édifice, nous avons cité en conunent la demeure, en tant qu'espace en réduction, est
tout premier lieu les exigences pratiques de ses habitants. réalisée par ses vides, tandis que, par ses éléments massifs,
Cet aspect utilitaire intéresse l'homme de la manière la elle est une sorte de corps "à plus grande échelle". C'est,
plus directe. Mais, par dessus ce facteur premier et sur- en effet, dans la relation plein et vide, clairement exprimée,
passant aussi tous les autres, c'est l'ordonnance de l'espace que devient manifeste à l'homme sa propre situation dans
arcbitectonique qui réclame la primauté. Comme il s'agit l'espace. Lorsqu'il contemple en spectateur ce "jeu spatial",
ici de relations mutuelles qui s'établissent entre les élé- . il expérimente et sait qu'il est lui-même l'enjeu principal
ments de Plein et de viae, il semble que l'homme n'y soit de ce dialogue.
guère impliqué que comme un spectateur du dehors. Et
pourtant, la singulière importance de l' oraonnance se justifie Quoique le nombre plastique ne s'adresse explicitement
et s'explique du fait que, par elle seule, l'homme se voit qu'aux architectes, les mettant sur la voie pour transposer
apaisé dans ses besoins les plus élevés et les plus spécifiques, sur des données spatiales l'ordre et la clarté de l'esprit,
qui sont ceux de l'esprit. C'est là aussi que l'architecture, il est évident que ces considérations s'appliquent d'une
dont l'homme est en même temps l'auteur et le but, donnera manière analogue aux autres arts et aux métiers qui tou-
sa pleine mesure. chent de près ou de loin au domaine de l'activité créatrice.
Car y a-t-il un plus grand besoin chez l'honmle que de Car, si les branches de cette activité diffèrent, tant par le
XIV INTRODUCTION
genre des matériaux que par toutes sortes d 'autres facteurs,
qui limitent les divers champs d 'action en imposant des
restrictions et d es exigences d'ordre pratique, il reste qu'en
TABLE DES MATIÈRES
définitive il s' agit toujours d'une simple donnée physique,
d'une réalité matérielle qui doit, en tant que matière, être
PRÉLIMINAIRES
entièrement dominée et transformée par le "nombre" ,
principe ordonnateur de l'espace et du temps. Leçon I. Nombre et mesure dans la genèse d'un
C'est ainsi que, dans la poésie, l' art du son et la danse, édifice. . . . . . . . . . . 1
a utant que dans les arts plastiques, s'exprime une même Leçon II. Définitions de l'ordonnance et du
sagesse humaine qui prend corps dans l'espace ou dans le nombre plastique. . . . . . 8
temps.
L'enseignement du nombre plastique trouve son applica-
tion bien au delà des limites de J'architecture ; elle nous STADE DE L'OBSERVATION
fait communier à tous les domaines de la création artis-
Leçon III. Un instrument de travail 18
tique, précisément par ce qui constitue, pour chacun
d'eux, leur essence profonde, leur âme. Leçon IV. Types et ordres de grandeur . 27
fr. F . H. Résumé du premier stade . . 32
STADE DE LA RÉFLEXION
ST ADE DE LA CONNAISSANCE
Leçon XI. Caractéristiques des rapports 88 L'harmonie entre les étendues plastiques
n' est jamais l'effet d'un seul, mais toujours
Leçon XII. Cinq exercices ..... . 98 de deux termes moyens. PLATON, Timée, 3zb.
Résumé du quatrième stade. 108
1
STADE DE LA MISE EN ŒUVRE
Leçon XIII. Disposition architectonique 10 9 N omlYre et mesure dans la genèse d'un édifice
Leçon XIV. Juxtaposition et superposition Il8
I. L'architecte, nul n'en disconviendra, est un homme
Leçon XV. Réalisation du nombre plastique 12 9
sans cesse occupé de mesures et de nombres. Ses dessins
Résumé du cinquième stade. . 135 sont couverts de chiffres, et la règle graduée est toujours à
portée de sa main.
Il en est de même, et pll1s encore peut-être, du dessinateur
et du contremaître. Avant que le projet de l'architecte
arrive à réalisation, il s'est produit tout un enchaînement
de m esurages. Ce que l'architecte m et sur papier, le des-
sinateur le relève pour faire des dessins prêts à l'exécution.
A leur tour, le contremaître et les ouvriers relèvent sur ces
dessins les mesures dont ils jalonnent le terrain .
Ce processus comporte deux façons de m esurer qui se
succèdent alternati vement: ce qui est relevé sur un premier
dessin est reporté sur le suivant, jusqu'à ce qu'un dernier
relevé fournisse les mesures pour l'exécution.
Il,2 PRÉLIMINAIRES 9
strations, afin d 'avoir sous les yeux l'ensemble où s'insère
cette première définition.
Voici le texte de ces formules avec, chaque fois, un essai
Il de traduction. Viennent ensuite quelques commentaires.
Définitions de l'ordonnance et du nombre plastique 2. "Ordinatio est modica membrorum operis commo-
ditas separatim universeque proportionis ad symmetriam
1. Pour définir l'ordonnance architectonique, l'antiquité comparatio. Haec componitur ex quantitate.
nous a laissé une excellente formule. Dans son ouvrage sur Quantitas autem est modulorum ex ipsius operis [mem-
l'architecture, écrit au début de notre ère, Vitruve ') com- bris] e singulisque membrorum partibus sumptio universi
mence par urie synthèse magistrale de l'œuvre de l'archi- operis conveniens effectui."
tecte. Il la fait consister en six points, énumérés comme L'ordonnance est le concours équilibré des mesures des
suit : membres d 'un édifice, en chacune des parties considérées
en soi aussi bien que dans l'ensemble, et le rapport qui
l'ordonnance (Tci!;", ordinatio), relie ces proportions entre elles en vue de la symétrie. Elle
la disposition (SLO,6t"", dispositio), naît de la quantité.
l'eurythmie (EÙpu6iJ.("'), La quantité consiste à établir des unités de mesure, em-
la symétrie (CJUiJ.iJ.ETp(,,), p runtées aux membres de l'édifice m êm e, sous forme de
la con venance (decor), parties élémentaires de ces membres et en rapport avec
la distribution (o(xovoiJ.(O:, distributio). l'œuvre dans son ensemble.
Aux six premiers chapitres de son livre premier, Vitruve "Dispositio est rerum apta conlocatio elegansque com-
explique longuement chacun de ces points. Il les introduit positionibus effectus operis cum qualitate."
chaque fois par une formule lapidaire dont le st yle ne laisse La disposition consiste en une juste mise en place des
pas d 'être quelque peu obscur. On pourrait se demander choses l'une par rapport à l'autre. Elle confère à l'édifice
si l'auteur a bien compris lui-même ce qu'il n'a fait sans son heureux effet en vertu d'un agencement de mesures
doute que transcrire. Le fait que, dans son énumération, il en rapport avec la qualité de ces choses.
emploie des mots grecs (cinq termes sur six), semble bien "Eurythmia est venusta species commodusque in com-
indiquer qu'il cite des prédécesseurs antiques. Nous aurions positionibus membrorum aspect us. Haec efficitur, cum
ainsi, dans ces formules, un écho tardif de la quintessence membra operis convenientis sun t altitudinis ad latitudinem,
même de la théorie grecque. latitudinis ad longitudinem, et ad swnmam omnia respon-
Notons que l'ordonnance y tient la première place. C'est dent suae symmetriae."
elle qui retiendra toute notre attention. Nous garderons L'eurythmie est l'aspect agréable et bien proportionné
tou tefois les autres points à l'arrière-plan de nos démon- que présente la composition des membres d'un édifice. Elle
s'obtient lorsque la hauteur d'un membre est en rapport
1) Vitruvii de architecturalibri X. Ed. F. Krohn. Lipsiae, 1912. avec sa largeur et sa largeur en rapport avec sa longueur;
-
lorsque, en somme, tous les membres répondent à leur 4· A considérer de plus près ces rapports entre les
propre symétrie. mesures d'un édifice, il apparaît aussitôt qu'il y a lieu de
"Symmetria est ex ipsius opens membris conveniens distinguer deux mondes de rapports qui, dans toute com-
consensus ex partibusque separatis ad universae figurae position architectonique, vont pourtant de pair et se com-
speciem ratae partis responsus." plètent.
La symétrie ') consiste dans le juste rapport entre les Ce sont, en premier lieu, les rapports entre les différentes
membres de l'édifice et l'accord, selon des proportions mesures d'une même chose: par exemple, le rapport entre
réglées, entre les parties prises séparément et la forme de la hauteur et la largeur d'une porte.
l'ensemble. Ce sont, d'autre part, les rapports entre les mesures
correspondantes de deux choses différentes: par exemple, le
"Decor est emendatus operis aspectus probatis rebus rapport entre la hauteur d'une porte et la hauteur du mur
cornpositi cum auctoritate." où s'inscrit cette porte.
La convenance correspond à l'aspect sans défauts d'un Le premier de ces rapports se présente dans chaque
édifice composé selon les règles, avec des éléments reçus. chose considérée en soi. On peut le lire dans une parhe de
"Disfribufio est copiarum locique commoda dispensatio l'édifice, comme dans l'édifice considéré dans son ensemble.
parcaque in operibus sumptus ratione temperatio. Haec Ainsi, le rapport entre la hauteur et la largeur d'un tri-
ita observabitur, si primum architectus ea non quaeret, glyphe est de la même espèce que celui qui existe entre
quae non poterunt inveniri aut parari Disi magno." la hauteur et la largeur de toute la façade du temple.
La distribution est l'utilisation rationnelle des moyens Toutefois, ce rapport n'établit pas de lien entre les
et de l'espace disponibles, compte judicieusement tenu des mesures de la partie susdite et celles de l'ensemble de
dépenses, lors de l'exécution. Elle sera le fait d'un archi- . ]' édifice. Ce sera le rôle du deuxième genre de rapport.
tecte qui écarte avant tout ce qu'on ne peut trouver ou Celui-ci établira la relation entre la largeur du triglyphe
faire qu'à grands frais. et la largeur du temple (en utilisant comme intermédiaire
la mesure de l'entrecolonnement) ou la relation entre la
3· L'ordonnance se présente donc comme étant la cor- hauteur du triglyphe et la hauteur du temple (en passant
respondance mutuelle des mesures qui déterminent l'édi- par la hauteur du fronton).
fice dans son étendue plastique. Il ne s'agit pas, par con-
séquent, des dimensions matérielles du bâtiment et de ses 5. Ce sont ces deux espèces de rapports que Vitruve
parties, en rapport avec l'habitation ni en fonction de la suggère dans sa définition de l'ordonnance. Il y distingue
technique ou de l'exigence des matériaux. L'ordonnance d'abord le concours équilibré des mesures (modlca com-
vise uniquement les rapports mutuels entre les mesures de moditas)"des membres de l'édifice, en chacune des parties
l'édifice. considérées en soi (separatim), aussi bien que dans l'en-
semble (universeque)". Ceci ne concerne évidemment que
•
1) Notons que, dans son acception antique, la symétrie ne se
les rapports entre hauteur, largeur et longueur, tant des
limite pas, comme on l'entend actuellement, à l'égalité des membres parties que de l'ensemble. Mais ensuite, il groupe sous la
de part et d'autre d'un axe. même notion d'ordonnance le rapport qui relie ces propor-
"
2. Dans l'espace naturel qui nous entoure, se rencon- 5. En établissant cette nouvelle distinction d'où résul-
trent des grandeurs de toute sorte, depuis les plus grandes tent des types de grandeur successifs, l'intelligence introduit
jusqu'aux plus petites, et jamais il ne s'en trouve d'absolu- un genre de discrétion qui permet en quelque sorte de
ment identiques. Or, notre esprit est incapable de se compter les grandeurs continues comme s'il s'agissait de
rendre compte de ces variations infinies. C'est pourquoi la quantité discrète dont les parties ne sont pas liées (voir
nous estimons et d éclarons égales certaines mesures, même II, 8 Note).
lorsque concrètement elles diffèrent.
Un arbre, par exemple, ne porte pas deux feuilles de 6. Pour nous aider à comprendre cette manière spéciale
même grandeur; nous le savons à priori et nous pouvons de compter et pour nous familiariser avec ce nombre plas-
nous en convaincre en les posant l'une sur l'autre. Mais tique qui constitue la base même de l'ordonnance arclli-
il nous est impossible d 'apprécier intellectuellement cette tectonique, je propose un instrument qui ressemble assez
diversité infinie. Elle se présente à nous comme un tout bien à celui qu'utilisaient les Romains pour leurs calculs
amorphe dont l'ordre nous échappe. et dont on voit encore se servir les Arabes et les Chinois.
Cette table à calculer, appelée "abaque" (abacus), leur
3. Nous pouvons toutefois distinguer parmi les feuilles servait à représenter le nombre discret ').
d'un arbre les grandes et les petites, en plus de celles qui
sont de dünension normale. Si elles présentent entre elles 7. Dans une tablette en bois ou en métal (fig. 1) munie
un très grand écart, nous pourrons encore distinguer des d'un cadre, se trouvent deux rangées de rainures: huit
feuilles plutôt grandes et d'autres assez petites. On pourra rainures inférieures auxquelles correspondent huit rainures
même aller jusqu'à mettre à part les extrêmes, les
toutes grandes et les toutes petites, mais pratiquement 1) Daremberg & Saglio, Dictionnaire des Antiquités, Paris: 1877.
ces sept types de grandeur épuiseront les possibilités tome l, pp. 2 ct 430.
•
1
Il
supérieures, plus courtes. Quatre jetons ou billes glissent divisaient pas l'unité en dix mais en douze, ce qui nécessite
dans chacune des rainures inférieures, la huitième exceptée par conséquent, ici, cinq billes au lieu de quatre.
qui a une bille de plus; il n'y a qu'une seule bille dans
chacune des rainures supérieures. 8. L'abaque que nous proposons pour J'étude du nombre
On voit tout de suite que cet abaque est dressé en fonc- plastique est beaucoup plus compliqué que la table à
tion du système décimal; d'ailleurs les sigles gravés entre calculer des anciens. Il lui ressemble pourtant et il a une
la double rangée de rainures le confirment. fonction analogue à remplir.
Le sigle l indique les unités, X les dizaines, C les cen- Sur J'ancien abaque, qui servait à la quantité discrète,
taines, etc., tandis que 0 marque les parties de J'unité. cette quantité était représentée par des billes. Puisque pour
nous la quantité à mesurer est plutôt continue, elle sera
fig. l
représentée dans notre abaque par des bâtonnets. Alors
que les billes valaient par leur nombre, les bâtonnets vau-
dront par leur grandeur.
Il ne nous était pas difficile de découvrir le secret de
J'abaque romain; connaissant le système décimal, nous
131 (((1))) (1)) (1) c x o
pouvions passer tout de suite à J'utilisation de J'instrument.
Mais, étant donné que nous sommes précisément à la
recherche du nombre plastique, nOliS devons nous contenter
pour J'instant d'une description matérielle de ce qui com-
pose cet abaque nouveau. Par la suite, J'abaque lui-même
nous apprendra, à J'usage, les secrets du nombre plastique 1).
Les nombres s'inscrivent en déplaçant les billes vers le g. Notre abaque se compose d'une boîte (fig. 2), munie
milieu de J'abaque. Pour marquer r, on pousse vers le haut de vingt casiers qui contiennent des bâtonnets cylindriques,
une bille de la longue rainure munie du sigle l , deux billes et d'un couvercle dont l'intérieur présente sur toute sa
pour marquer 2, etc. Pour marquer S, on déplace vers le surface une série de rainures.
bas la seule bille de la petite rainure l et on ramène les Les bâtonnets qui remplissent cette boîte sont tous de
quatre billes de la longue rainure à leur place de départ. longueur différente. Le plus petit mesure environ r/so du
Pour marquer 6, on remonte à nouveau une bille dans la plus grand; il se réduit en somme à un petit disque.
longue rainure en laissant avancée celle de la petite rainure. A partir du plus grand, les bâtonnets diminuent chaque
Le nombre 10 met en action les billes des rainures munies Lois ù'environ r/50 l'ar rappurt au précéùent, jusqu'à ce
du sigle X; ces deux paires de rainures permettent donc qu'on obtienne r/7 du plus grand. Après, ils diminuent
de compter jusqu'à roo. A J'aide des rainures suivantes, chaque fois d'environ r/7, jusqu'à ce qu'on obtienne r/so
on peut compter jusqu'à ro.ooo.ooo. du bâtonnet le plus long.
Quant aux rainures marquées 0 et qui servent à indiquer 1) A la leçon XI, nO l 2 - 5, nous serons en mesure de donner de
les parties de J'unité, il faut noter que les Anciens ne cet instrument une explication complète .
22 LE NOMBRE PLASTIQUE III,9 III, 10 STADE DE L'OBSERVATION 23
La répartition des bâtonnets dans les vingt casiers est Chaque bâtonnet est muni d'un signe pour permettre de
faite de la manière suivante. repérer sa longueur. Ces signes se différencient selon leur
Casier n° l : Huit bâtonnets qui, comme on le verra forme et selon leur couleur. Il y a deux formes: le point et
plus loin, constituent un ensemble. Ils diminuent progres- le cercle, et il y a sept couleurs: les six couleurs de l'arc
sivement chacun d'environ 1/4 par rapport au précédent. en ciel et le noir.
Casier n' 2 : Encore huit bâtonnets qui forment égale- Les bâtonnets du casier n' l portent tous, aux deux
ment un ensemble. Leurs longueurs se situent chaque fois bouts, un point noir, ceux du casier n° 2, un cercle noir;
entre les huit bâtonnets du casier n' I. ceux du casier n° 3, jusqu'au casier n° 17 inclus, portent,
Suivent alors quinze casiers contenant des bâtonnets de dans chaque casier, alternativement un point ou un cercle
fig.2 dont la couleur varie pour chacune des six pièces de chaque
c-
r-
r-
B', ::j B r-
20
casier. Ces couleurs sont, selon l'ordre décroissant des pièces:
rouge, orange, j aune, vert, bleu et violet.
~gEl[]LJD
r-
Dans les casiers pairs, dont les bâtonnets sont marqués
d'un cercle, le violet manque. Mais, chaque fois y est ajouté
pourtant un sixième bâtonnet, muni du cercle noir et
u~DDD~
pareil à ceux du casier n° 2. Ces doubles aussi paraîtront
nécessaires à l'usage.
Les bâtonnets des casiers nO' 18 et 19 portent respective-
, 2 3
'-- '-- '---
4 ment le point et le cercle noirs, comme les bâtonnets des
'---
casiers noS l et 2.
Les hors-série du dernier casier n' 20 portent tous le
grandeur toujours décroissante par cinquantièmes: au point noir, parce qu'ils doublent les bâtonnets du casier
casier n' 3, six bâtonnets qui se situent entre le plus long n° I.
du casier il l et le plus long du casier il 0 z; au casier il 4,
0 0
cinq bâtonnets qui se situent entre le plus long du casier 10. L'usage de cet abaqne est multiple.
nO 2 et le second bâtonnet du casier n° 1. Et ainsi de suite, Il permet, en premier lieu, d'induire à partir du concret
jusqu'au casier n° 17 inclus. la notion même du nombre plastique, ensuite, de préciser
Dans chacun des casiers plus étroits, nO' 18 et 19, se celui-ci et d'en acquérir l'intelligence complète; enfin, il
trouvent deux séries de bâtonnets qui diminuent en lon- servira à la mise en œuvre de ce nombre par l'ordonnance
gueur d'environ 1/4 comme ceux des casiers nOS l et 2, architectonique.
mais ils n'ont que 1/7 de la longueur de ceux-ci. Pour l'ordre complet de notre exposé, nous accorderons,
Dans le dernier casier n' 20, se trouvent des doubles en plus, une étape à la réflexion - avant de passer à
dont on verra l'utilité â l'usage. l'intelligence du nombre plastique - et une autre étape à
Les rainures du couvercle sont destinées a recevoir les l'exercice - pour préluder à sa mise en œuvre par l'archi-
bâtonnets l'un â côté de l'autre, afin de pouvoir en appré- tecture.
cier les rapports mutuels. Notre étude comportera donc cinq stades.
•
4
+
2. L'ordre artificiel de la quantité que vise l'ordonnance 5· Pour la quantité continue de l'étendue, la nature
architectouique t ient le milieu, disions-nous, entre l'ordre des choses ne nous fournit pas d'unité exacte. Celle-ci
•
40 LE NOMBRE PLASTIQUE V, I5
distinctes, sont inséparables parce que, ensemble, elles ex-
priment la grandeur d'un seul objet.
La relation avec l'unité linéaire, au moyen de laquelle
s'exprime la grandeur de volume en architecture, est donc
triPle. VI
I5. Le nombre plastique, qui tient compte de cette Détermination du rapport fondamental
manière spécifiquement architectonique d'apprécier l'ex-
tension spatiale, se distingue donc du nombre abstrait de I. La grandeur d'un objet architectonique présente,
deux manières. nous l'avons dit (voir V, I2), plusieurs relations avec l'unité
D'abord, son nnité n'est pas absolue ni fournie par la linéaire. II en résulte que la grandeur architectonique ne
nature même de ce nombre; elle est relative et établie de peut plus s'exprimer au moyen du nombre abstrait.
manière artificielle. Pour se faire une idée exacte de cette grandeur archi-
Ensnite, la relation avec l'unité, qu'exprime le nombre tectonique, qui est en quelque sorte la résultante de plu-
plastique, n'est pas simple mais triple. sieurs mesures concrètes, il faut se reporter aux observations
II apparaîtra dans la suite que, du fait de cette triple expérimentales du premier stade (voir III, I3).
relation, nous serons amenés à distinguer de l'unité un Nous avons alors déclaré égales tout un groupe de
quantum plus petit que celui qu'exprime le double. Nous mesures qui, malgré leur différence matérielle, appar-
rejoindrons ainsi l'expérience du premier stade. tenaient toutes à un même type de grandeur. Ce type de
grandeur n'était pas une mesure concrète, mais une
grandeur que nous nous étions représentée et à laquelle
répondaient toute une série de mesures concrètes.
C'est ainsi que l'objet architectonique peut avoir
plusieurs mesures qui appartiennent pourtant à un même
type de grandeur. La grandeur d' un tel objet pourra donc,
malgré la multiplicité de ses mesures concrètes, s'exprimer
par un seul type de grandeur.
Parler de grandeur unique comportant Plusieurs relations
avec l'unité n'est donc admissible qu'à condition d'entendre
par là, non pas une grandeur concrète, mais une grandeur
typique.
fig. 3
typ e A
type B
quantum minimal
plastique, comme nous avions trouvé le double â la base
du nombre abstrait (voir V, 9 et 10).
Il est évident que cette première grandeur à distinguer
de la grandeur minimale sera déterminée par le type de
grandeur suivant.
part, l'unité en architecture répond à une grandeur liné- En effet, le type B de la figure 4 ne peut pas se distinguer
aire concrète, il faut en conclure que la plus petite grandeur du type A, tant que les termes correspondants des deux
44 LE NOMBRE PLASTIQUE VI,6 VI,7 STADE DE LA RÉFLEXION 45
types ne peuvent être distingués. Le plus petit terme progression géométrique, il y aura nécessairement dans
du type B doit être dit égal àson terme correspondant, c'est- chaque type un nombre égal de bâtonnets.
à-dire au plus petit terme du type A, puisque tous deux
appartiennent au même type A. Les deux types ne seront 7. Pour être en mesure de déterminer le rapport entre
distincts qu'à partir du moment où le plus petit terme de les deux types que nous venons de distinguer l'un de l'autre,
B ne pourra plus être dit égal au plus petit terme du type il faut que ceux-ci soient comparables. Cela revient à dire
A, c'est-à-dire lorsque le plus petit t erme du type B se que ces deux types doivent appartenir au même ordre de
sera identifié au plus grand terme du type A. grandeur. Nous savons en effet que la comparaison entre
les types n'est possible que dans les limites d'un ordre de
fig·5
grandeur (voir IV, 2 et 3).
Pour ce qui est du nombre plastique, tout ordre de gran-
deur devra donc comporter pour le moins deux t ypes.
C'est par là-même que le nombre plastique se distingue du
nombre abstrait, où un seul type épuise tout un ordre de
grandeur (voir IV, 6).
."
E~
.~ ~
.....
-", .-:::
~~
premier quantum
il distinguer du
quantum minimal
Nous pouvons donc renverser cette proposition et dire
que la relation typique dépend du nombre de types con-
tenus dans un ordre de grandeur et que, ce nombre de types
étant donné, le rapport entre les termes extrêmes d'un
lJ type, c'est-à-dire le rapport fondamental, se trouve fixé
par le fait même.
Le premier quantum à distinguer du plus petit sera donc
représenté par le type suivant dont le plus petit terme 9. En admettant que l'ordre de grandeur contient deux
coïncide avec le plus grand terme du plus petit type, et dont types, le rapport fondamental pourra être indiqué, à l'aide
le plus grand terme est au plus petit ce que sont entre de l'abaque, de la façon suivante.
eux les deux termes extrêmes du plus petit type (fig. 5). On aligne une série continue de bâtonnets qui appartien-
Les types, en effet, sont en progression géométrique (voir nent à deux types de grandeur successifs, en supposant
III, 14). provisoirement que ces types sont basés sur le double du
P uisque, dans l'abaque, la grandeur des bHonnets eux- nombre discret (voir V, II). Le plus petit t ype ira donc de
mêmes croît, tout comme les types de grandeur, selon une l'unité au double et le suivant, du double au quadruple.
LE NOMBRE PLASTIQUE VI, 10 STADE DE LA RÉFLEXION 47
Pour que ces deux types forment ensemble un seul ordre du type supérieur y apparaît comme le double de l'unité
de grandeur, il faut que la différence entre les termes ex- (fig. 6).
trêmes du type supérieur soit égale au plus petit terme du Nous devons, par conséquent, tout en gardant la pro-
gression géométrique des termes, diminuer l'étendue des
fig. 6 deux types jusqu'à ce que la différence entre les termes
extrêmes du type II égale l'unité (fig. 7) .
.o ~- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
""2
Pour sauvegarder la progression géométrique, il suffit de
0: donner à chaque t ype un nombre égal de bâtonnets, puis-
-Ii
-, que les bâtonnets eux-mêmes se succèdent selon cette pro-
1
~
gression (voir VI, 6).
~ - - - -- -- --
(n -- -- --- -
Or, un volume est déterminé par plusieurs surfaces
qui ont chacune leur grandeur typique.
Ces grandeurs t ypiques ne sont pas nécessairement
.. identiques, car la troisième mesure, propre au volume,
c'est-à-dire la hauteur, peut différer des deux autres.
E lle pourrait être plus grande que la longueur ou plus
type 1 type Il
petite que la largeur. Si, donc, la longueur et la largeur
déterminent tel t ype de grandeur, la longueur peut,
type inférieur, c'est-à-dire à l'unité. C'est ainsi que nous. avec la hauteur, si celle-ci est plus grande, en déterminer
avons défini l'étendue d'un ordre de grandeur (voir IV, 4). un autre; si la hauteur est plus petite que la largeur, ce
Or, avec des types basés sur le double, ce n'est mani- sont ces deux dernières mesures qui détermineront le
festement pas le cas. La différence entre les termes extrêmes. second type.
T
LE NOMBRE PLASTIQUE VI, II VI, '3 STADE DE LA RÉFLEXION 49
La grandeur du volume architectonique sera donc uéces- Deux types successifs de grandeur ont chaque fois un
sairement déterminée par deux types différents, déterminés terme commun, la plus grande mesure du type inférieur
eux-mêmes par deux mesures concrètes. s'identifiant avec la plus petite mesure du type supérieur.
De ces deux types qui déterminent la grandeur du De même, deux double-types successifs ont en commun
volume, la plus petite mesure du plus grand type est en un type de grandeur, le plus grand type du double-type
même temps la plus grande mesure du plus petit. Douc, inférieur s'identifiant avec le plus petit type du double-
ces deux types se succèdent et forment dès lors un double- type supérieur.
type (voir IV, 13).
'3· S'il est donc établi que le plus petit quantum en
II. La plus petite grandeur architectonique sera donc architecture est représenté par un double-type, le premier
fournie par un double-type de grandeur (fig. 8) et non quantum qui s'en distinguera sera le double-type suivant.
fig. 8 Ces deux double-types auront un type de grandeur com-
mun; ils mettront donc en cause trois types de grandeur
(fig. 9) .
fig. 9
.•
quantum minima!
.<'I.-=:
..
~ §
i)l=-
E~
.'~ [
[J
par un seul, comme nous l'avions supposé d'abord (voir
VI,4)· quantum minimal
~ n -----------------
I5 . La succession typique est maintenant fixée; elle
( "- - -
nous fournit, enfin, le rapport fondamental du nombre
plastique, objet de notre recherche.
En substituant à la relation simple avec l'unité - qu'ex-
prime le nombre abstrait - la triple relation, propre à la
grandeur architectonique - qu'exprime le nombre plasti-
double-type 1 que'- , nous trouvons, an li eu du double qui est à la base
du nombre abstrait, un rapport d'environ trois à quatre,
doublr:-tvoe Il
qui est celui vers lequel nous orientait l'expérience du
premier stade de notre étude (voir V, 2 et II).
Or, nous le savons, l'étendue d'un ordre de grandeur est
déterminée par le fait que la différence entre les t ermes
extrêmes du plus grand type de cet ordre est égale
VII,3 STADE DE LA RÉFLEXION 53
que nous cherchons, il faudrait que le plus petit terme soit
indiqué par la différence entre le quatrième et le troisième
terme (voir IV, 4).
VII
fig . II
, n-----------
1.
Systèmes de mesures
~
dans la série continue des bâtonnets, l'étendue des trois
types de grandeur dont l'ensemble constitue l'ordre res-
treint auquel appartiennent les deux double-types succes-
sifs.
De cette série de bâtonnets, nous pouvons prélever les 2 3 4 2 3 4
'l""Jre termes de ces trois types. Ces quatre bâtonnets,
différences sont, l'une à l'autre, dans un rapport qui est la
portant chacun la même marque, forment une progression
raison même de la progression géométrique.
géométrique dont la raison est le rapport fondamental. La
Si nous considérons maintenant le plus petit des quatre
caractéristique de cette progression est que, de ces quatre
termes comme le plus grand d'une série de quatre termes
termes, la différence entre le quatrième (le plus grand) et
plus petits, les deux différences susdites se retrouveront
le deuxième est égale au premier (fig. IO et II) .
comme premier et second terme de cette nouvelle série.
Or, pour déterminer l'étendue de l'ordre de grandeur
54 LE NOMBRE PLASTIQUE VII,4 VII,6 STADE DE LA RÉFLEXION 55
En effet, puisque dans chaque série de quatre termes la diffé- qu'au point de vue de leur rapport mutuel. Il faudra donc
rence entre le quatrième et le second est égale au premier, leur donner un nom.
la somme du second et du premier terme est égale au Dans toute ordonnance architectonique, la plus grande
- - - - - - -- - - ----
quatrième (fig. 12). mesure est celle de l'ensemble architectural ou de ce qui
fig. '3 se présente comme tel. Nous appellerons donc la plus
n - -------- -- --- -- - -
grande des six mesures le "tout".
Les deux mesures du milieu, en s'ajoutant l'une à l'autre,
forment ensemble ce tout. Elles en sont chacune une "partie".
Nous les appellerons donc la grande et la petite partie.
La mesure entre le tout et la grande partie s'appellera,
par analogie, petit tout; spécifions alors le tout en le nom-
~
mant le grand tout.
li il
La plus petite mesure correspond au fragment que nous
pouvons enlever au grand tout sans que, pour autant, il
cesse d'être un tout. Nous appellerons donc cette petite
2 3 4 5 6
mesure le " fragment".
Nous retrouvons donc la différence des deux plus grands La mesure entre ce fragment et la petite partie sera le
termes de la première série comme deuxième terme de la grand fragment et nous spécifierons la plus petite mesure
plus petite série. L 'ordre normal de grandeur sera donc en l'appelant petit fragment.
déterminé par un système de six mesures et contiendra On exprime donc les six mesures, deux par deux, sous
cinq t ypes ') (fig. 13). les dénominations de : tout, partie et fragment. Chaque
fois, il est question d'un grand et d'un petit spécimen.
4. Dans l'échelle illimitée des possibilités de grandeur Le système se compose donc d'un grand et d'un petit
qu'offre l' étendue continue de l'ordre concret, l'ordonnance tout, d'une grande et d'une petite partie, d'un grand et
architectonique se limitera, en principe, à cet ensemble de d'un petit fragment.
six mesures.
La différence typique, d'une part, rend ces mesures dis- 6. Le petit et le grand fragment forment ensemble la
cernables, tandis que, d'autre part, leur groupement à grande partie, tout comme la grande et la petite partie
l'intérieur d'un ordre permet de les rapporter l'une à l'autre. forment ensemble le grand tout .
Ces six mesures constituent comme les cordes d'une lyre Le grand tout est donc constitué par le petit fragment,
sur lesquelles se joue l'ordonnance. le grand fragment et la petite partie.
Le petit tout, qui diffère du grand tout de la valeur d'un
5. Il importe par conséquent de bien connaître ces six petit fragment , est donc formé par le grand fragment et
mesures, tant au point de vue de ce qui les distingue, la petite partie.
1) Le terme "mesure" se réfère donc au "système", le terme Le grand fragment ne trouve pas d'autre mesure du
. ,type", à l'"ordre" de grandeur. système pour former avec lui le grand tout .
56 LE NOMBRE PLASTIQUE VII,7 VII,9 STADE DE LA R ÉFLEXION 57
7. De par sa triple relation avec l'unité linéaire , la fragment sont, l'une à l' autre, dans un rapport égal au rap-
grandeur architectonique s'exprime au moyen du nombre port des mesures successives de notre système, puisque
plastique, dont le rapport fondamental est fixé par le celles-ci sont en progression géométrique.
fait que cinq types sont contenus dans un même ordre de Les différences entre le double de la petite partie et le
grandeur (voir VII, 3). grand tout, d'une p art, entre ce double et le petit tout,
Le caractère triple de cette relation découle de la répar- d'autre p art, présentent donc entre elles le même rapport
tition de toutes les directions possibles en trois directions qu'entre le grand et le petit tout. Le do uble de la petite
t ypiques, qui sont: la h auteur, la longueur et la largeur partie se situe, par conséquent, au milieu harmonique entre
(voir V, 14). le grand et le petit tout ').
Or, ces trois dimensions ont chacune leur caractère C'est ainsi que, en vert u de ce qu'on entend actuellement
propre en vertu duquel nous devrons apporter au nombre par symétrie, apparaît entre les termes extrêmes de chaque
plastique une dernière précision. t ype une nouvelle mesure que nous avons toutefois déjà
La hauteur se mesure t ouj ours dans une seule direction, relevée au cours de nos expériences du premier stade (voir
c'est-à-dire vers le haut, tandis que la longueur, et surtout IV, II), mais qu'il nous devient possible d'identifier main-
la largeur peuvent se mesurer dans deux directions oppo- tenant comme étant la moyenne h armonique entre les
sées. La largeur est presque toujours la somme de deux deux t ermes et le double d'une des mesures inférieures du
mesures prises l'une vers la droite et l'autre vers la gauche, système.
à partir d'un milieu. Par rapport à la mesure de hauteur-
qui est une - la largeur se présente dès lors comme une 9. Si l'on tient compte de ces mesures intermédiaires qui
mesure double. partagent les t ypes en demi-types, l'ordre de grandeur
pourra, une fois de plus, s'étendre.
8. Or, cette mesure double ne se rencontre pas dans Le plus petit terme du plus petit type pourra maintenant
notre système. Aucune des six mesures qui le composent s'identifier à la différence entre le grand tout et cette
n'est le double d'une autre. nouvelle mesure qui se place entre le grand et le petit t out.
Le double d 'une petite partie, par exemple, sera plus Cette différence, qui correspond à la différence entre la
petit que le grand t out, puisque celni-ci se compose de la grande et la petite partie, est à la grande p artie ce que le
petite et de la grande partie; mais il sera plus grand que petit fragment est au grand tout. Il est donc évident que,
le petit t out, puisque celui-ci se compose de la petite partie
et du grand fragment . 1) La moyenne harmonique entre deux extrêmes se définit, selon
Ce double se situe donc entre le grand et le petit tout. la formule classique, comme étant le milieu qui, avec la même
Sa différence avec le grand tout correspond à la différence partie des extrêmes, dépasse l'un des extrêmes et est dépassé par
l'autre.( P LATON , Timée, 36a).
entre la grande et la petite partie, et sa différence avec le La moyenne géométrique est la quantité moyenne entre de ux
petit tout correspond à la différence entre la petite partie autres quantités, en ce sens qu'elle a avec la première le mê me
et le grand fragment. rapport géométrique que la seconde avec elle.
La moyenne arithmétique est la quantité moyenne entre deux
La différence entre la grande partie et la petite partie, autres quantités qui excède autant la plus petite qu'elle est sur-
ainsi que la différence ent re la petite partie et le grand passée par la plus grande. (Littré)
LE NOMBRE PLASTIQUE VII, la VII, 12 STADE DE LA RÉFLEXION 59
dans la série, ce nouveau plus petit tenne se situe à la 12. Les mesures du système original ne sont évidemment
deuxième place avant le petit fragment, tout comme la pas non plus le milieu géométrique entre deux mesures
grande partie se situe à la deuxième place avant le grand intermédiaires successives. Elles n'y tiennent même pas le
tout (fig. 14) . milieu harmonique mais bien, cette fois, le milieu arithmé-
L'ordre de grandeur, ainsi étendu, sera donc déterminé tique.
par un système de huit mesures et comprendra sept types Ceci se comprend aisément, si l'on considère qu'un petit
de grandeur (voir VII, 3) . tout, par exemple, est la somme d'un grand fragment et
d'une petite partie, alors que les deux mesures intenné-
fig. 14 diaires qui l'entourent sont respectivement égales au double
d'une petite partie et au double d'un grand fragment. Le
petit tout offre donc, par rapport aux deux mesures inter-
médiaires, la même différence.
14. Il faut éependant que ces éléments minimes n'aillent Jeu des marges
pas jusqu'à rendre impossible une comparaison visuelle
avec les éléments architectoniques proprement dits. Leur 1. Jusqu'ici, nous avons exprimé par des nombres
présence n'aurait plus alors aucune raison d'être; n'ou- abstraits toutes les mesures d'un système dans leur rapport
blions pas que l'expression architectonique a toujours avec la plus petite mesure considérée comme unité, réserve
comme point de départ la perception visuelle. faite des marges.
Si donc, le petit élément constitue la plus petite mesure Quant à ces marges, dont les mesures se retrouvent dans
d'un ordre de grandeur, il en résulte que la plus petite les systèmes inférieurs, elles peuvent à leur tour être ex-
mesure des éléments marginaux, dans l'ordre de l'ornemen- primées au moyen du nombre abstrait, réserve faite de
tation, sera constituée par la cinquantième partie de ce nouvelles marges.
petit élément, étant donné que le rapport de 1/50 est à la Les mesures de ces nouvelles marges appartiennent à
limite de ce qni est perceptible à l'œil (voir III, II). des systèmes encore inférieurs. Toutefois, si elles sont
réduites au point de ne plus présenter avec les mesures du
15. La plus petite mesure de l'ornement est donc système premier un rapport que l'œil puisse apprécier, elles
fournie par le petit élément d'un ordre de grandeur deux devront être considérées comme négligeables. Nous savons
fois inférieur. En théorie, toute ordonnance architectonique d'ailleurs qu'il n'y a pas lieu d'envisager à la fois plus de
comprendra par conséquent trois ordres de grandeur succes- trois systèmes successifs. Dorénavant, nous indiquerons
sifs. ces systèmes par les chiffres l, II et III.
Le petit élément du système l est donc identique au
grand tout du système II dont le petit élément s'identifie,
à son tour, au grand tout du système III.
9· Il ne nous reste plus qu'à examiner comment s'ex- II. Nous sommes en mesure d'établir maintenant les
prime au moyen du nombre abstrait le rapport entre le valeurs numériques de toutes les mesures comprises dans
grauù tout et le grand élément.
les trois systèmes , compte t enu de la grandeur des marges.
Nous savons que le petit tout contient quatre fois le Ces dernières peuvent en effet, elles aussi, être exprimées
grand élément, plus le petit tout du système III (voir § 3). par des nombres.
Le grand tout contient le petit tout, plus le petit fragment; Dans le système III, les marges pourront être négligées,
celui-ci se compose d' un grand élément, plus une petite parce qu'elles correspondent à des mesures qui appartien-
partie du système II.
nent à des systèmes encore inférieurs, et que l'ordonnance
LE NOMBRE PLASTIQUE IX, 12 IX, 15 STADE DE LA CONNAISSANCE 77
architectonique se limite pratiquement à trois ordres de Petit élément 14
graudeur. Grand t out 100 (7 X 14) +2
Dans le système II, nous avons à tenir compte uniquement Grande partie 57
des marges qui correspondent à des mesures du système III. Petite partie 43
Quant au système l, toutes les marges doivent y être Petit fragment 241
prises en considération. P etit tout 75t
Grand fragment 321
12. Commençons par le petit élément du système l et Grand élément 18t
attribuons-lui la valeur numérique 100.
Cet élément contient sept fois le petit élément du système 15. Valeur numérique des mesures du système l, compte
II, plus le petit élément du système III et celui du système t enu des marges, lesquelles correspondent à des mesures
IV; mais ce dernier n 'a pratiquement pas de valeur. des systèmes II et III:
Le petit élément du système II contient, lui aussi, sept
Petit élément 100
fois le petit élément du système III, plus le petit élément
du système IV et celui du système V. Ceux-ci sont égale-
Grand tout 716 (7 X 100) + 14 + 2
ment sans valeur. Grande partie 408
En d 'autres mots, le petit élément du système I contient Petite partie 30 8
Petit fragment 1751
sept fois et 1/7 de fois le petit élément du système II.
Celui-ci aura donc la valeur numérique 14. L'élément du Petit tout 540 !
système III aura la valeur 2. Grand fragment 23 2}
Grand élément I3 2 !
13· Les mesures du système III pourront être fixées Toute précision ultérieure serait superflue, puisque l'or-
directement, sans t enir compte des marges (voir VIII, 9 donnance architectonique ne comporte que trois ordres de
et 10): grandeur.
Petit élément 2 Le t ableau suivant nous donne les mêmes mesures dans
Grand tout 14 (7 X 2) leur succession régulière:
Grande partie 8
Petite partie 6
Système 1 Éléments l Fragments 1 Parties Touts
Petit fragment 3i
Petit tout lot l 100 132! 175! 232 , 308 408 54°' 716
Grand fragment 4t II '4 18t 24. 32• 43 57 751 100
Grand élément 2! III 2 2. 3t 4t 6 8 lot '4
32,
, 100
parcourir l'échelle continue des possibilités qui s'étendent
II '4 18t 24t 43 57 75!
III 2 6 8 lot de l'égalité au rapport fondamental, et voir à quel moment
2! 3' 4t '4
IId 12 16 21 28 37 49 65 86 précis se présente le rapport constant.
7
+
authentiques.
4· Quoi qu'il en soit, nous pouvons nous servir de l'ex-
2. Selon la coutume de son temps, Vitruve se réclame pression propre à chacun des trois ordres classiques pour
d'une série de légendes pour expliquer comment les propor- caractériser mieux encore les trois rapports qui constituent
tions de l'ordre ionique diffèrent de celles de l'ordre dorique le noyau du nombre plastique.
(Livre IV, chap. I). Le rapport fondamental exprimerait dès lors la force
Laissons là les légendes, mais retenons de Vitruve que "dorique", ie rapport amplifié (rapport du grand tout à la
l'ordre dorique serait basé sur les proportions du corps grande partie), la grâce "ionienne", et le rapport extrême
masculin et l'ordre ionique sur celles du corps féminin. (celui du grand tout à la petite partie). l'ingénuité "corin-
La différence entre les deux ordres se manifeste surtout thienne" .
dans la proportion des colonnes, dont le diamètre entre Il Y a donc quelque analogie entre les trois rapports.
autant de fois dans la hauteur que la dimension de la tête d'une part, - qui sont au centre du nombre plastique-et
dans celle du corps. Dans l'ordre dorique, la hauteur de les trois ordres classiques, d'autre part, - qui résument
la colonne contient six à sept fois son diamètre, dans toute l'architecture antique.
l'ionique, huit à neuf fois. Nous ne prétendons pas en dire davantage, mais nous
Le rapport entre ces deux hauteurs relatives est en pouvons, tout au plus, constater que les rapports entre la
effet de trois à quatre, à peu près. hauteur et la largeur des chapiteaux dans ces trois ordres
3. Dans son commentaire sur cc passage de Vitruve, antiques présentent une gradation qui correspond à celle
Choisy ') conclut ainsi: de nos trois rapports typiques (fig. I5). De fait, le chapi-
"Dégagée de son enveloppe légendaire, l'idée paraît fig. 15 dorique ionique c:oTinthien
revenir à ceci. Il existe dans la nature deux so~tes d'ex-
pression bien distinctes, réparties entre les deux grandes
1) A. Choisy. Vitruve. Paris 1909. Tome I, pp. 62 et 121.
,.
teau dorique présente en hauteur les 3/4 de sa demi-lar- Si nous répétons cela encore une fois, nous verrons
geur, l'ionique, cette demi-largeur elle-même, et le corin- alors disposés dans un ensemble de trois ensembles toutes
thien, les 4/3 de celle-ci. les mesures d'un système. De cette façon, les rapports de
toutes les mesures avec le grand tout se trouvent mis en
5. Ayant donc établi une notion precise des trois relation avec le noyau premier et, par lui, avec le rapport
rapports premiers, il nous faut encore l'étendre à tous fondamental.
les autres rapports d'un système de huit mesures. fig. ,8
grand tout pe tit tout
Or, il y a lieu de considérer le système complet comme
1
un ensemble formé lui-même de trois ensembles. De même 1
1 1
La fig. 18 nous montre, par exemple, comment le grand
t=1===+===1
grande partie pcbte partie
fragment est mis en rapport avec le grand tout, en passant
par la grande partie; comment le petit élément doit être
d'abord mis en rapport avec le grand fragment (comme
De ce premier ensemble, nous prendrons ensuite le
petite partie d'un grand tout dans l'ensemble III); com-
rapport des deux plus petits termes - qui n'est autre que
ment ensuite celui-ci entre en rapport avec le grand tout,
le rapport fondamental- comme point de départ d'un
en passant par la grande partie.
nouvel ensemble de trois rapports dont nous disposerons
les quatre termes de la même manière que plus haut (fig. 17).
7. Ainsi, le caractère du rapport entre le grand tout
fig. '7 et la grande partie se transmet au rapport entre le grand
grande par Lie petite partie
tout et le grand fragment, puis au rapport entre le grand
1 1
tout et le grand élément.
1 1 De même, le caractère du rapport entre le grand tout
gr. fragm. pd. fragm. et la petite partie se transmet au rapport entre le grand
102 LE NOMBRE PLASTIQUE XII,8 X II,10 STADE DE L'EXERCICE 103
tout et le petit fragment , puis au rapport entre le grand la. Premier exercice (fig. 20)
tout et le petit élément (fig. 19)· Il consiste à comparer entre eux t ous les rapports authen-
fig. '9 tiques, c'est-à-dire les rapports du grand tout aux sept
grand tout
autres mesures d'un système.
1
A cet effet, on disposera j'un à côté de j'autre, dans les
I!Iallde partie
rainures de l'abaque, chaque fois deux bâtonnets, selon les
rapports susdits, le grand tout y figurant toujours comme
1
grand hagm. plus grand terme.
Lî
gr. élém.
Mais l'abaque ne contient pas sept bâtonnets correspon-
fig. 20
grand tout ,
2
1
petite partie 1
8
pet. ffilgm.
d . 'é
•
.•
0
~
0
pet. tJém.
r. •s •
.9
.~
~
u
'i, ~ 1
.~
'"~
E
attribuer aux rapports successifs entre le grand tout et le dant au grand tout du syst ème authentique. On sera donc
grand fragment, le petit fragment, je grand élément et le petit obligé, sauf pour le premier couple, d'utiliser les mesures
élément, les caractères des nombres quatre, cinq, six et sept. diminuées du grand tout; elles se trouvent dans le casier
n ° 3. Pour le second t erme de chaque rapport, on prendra
9. Le rapport du grand tout au grand fragment, qui évidemment la mesure diminuée correspondante, portant
répond au caractère du nombre quatre, est donc très la marque de même forme et d e même couleur.
féminin; celui du grand tout au petit fragment, qui répond Que le grand tout soit chaque fois un peu plus petit n'a
au caractère du nombre cinq, sera plutôt masculin. pas d'importance, puisqu'il s'agit uniquement de rapport;
De même, les rapports du grand tout au grand et au pelil il y a même avantage â comparer des rapports indépen-
élément sont respectivem ent de caractère féminin et damment de la grandeur concrèt e de leurs termes.
masculin (voir XI, 14).
Partant de ces considérations, nous devons tâcher de II. Dans ces exercices, nous suivons en quelque sorte
saisir la physionomie propre de tous les rapports typiques la méthode du maître d' école qui apprend aux enfants à
sur lesquels va se baser l' expression architectonique. compter. Il montre successivement un, deux ou trois doigts
Suivent cinq exercices pour nous y aider. et demande: "Combien?" Ensuite, il fait la contre-épreuve
-
et demande aux enfants de lever autant de doigts. La même authentique (casier n ° 3). Les bâtonnets qui serviront à
méthode est ut ilisée en solfège, pour J'enseignement des indiquer le second terme des rapports devront avoir, cette
intervalles musicaux. fois, la même couleur que le grand tout authentique, mais
C'est ainsi qu'après avoir fixé dans notre esprit chacun non la même forme.
des rapports t ypiques, nous devons essayer de les recon- La contre-épreuve consistera â rechercher les huit rap-
stituer un à un, en choisissant comme d'instinct les bâton- ports parmi la série continue des bâtonnets.
nets dans la série continue. On dispose à cet effet tous
les bâtonnets de J'abaque, l'un à côté de J'autre, selon leur 13. Troisième exercice (fig. 22)
Il consiste à comparer entre eux les r apports authenti-
grandeur décroissante, et l' on choisit alors, à partir d'un
bâtonnet pris au hasard, celui de la série qui formera le ques et les rapports dérivés.
fig. 22
second terme du rapport désiré.
Que le bâtonnet choisi porte la même m arque, quant à
la forme et quant à la couleur, nous y verrons la preuve de
J'exactitude de notre opération.
• ..,.,
1 2.
Il consiste à comparer entre eux tous les rapports dérivés, ."1: "'j
• ~ ~
.~
•
.;; .] "•e "•
1 "1 "'.li·
~
c
c'est-à-dire les rapports du grand tout authentique (casier ; ~
~
•
""
~
nOI) à chacune des huit mesures du système dérivé " ·• • ~
l"
~ ~
.~ c ·E ·0
(casier n Oz) . ~ ~ ~ ~
fig. 21
,•
, fig. 23 .~
" .,9
il
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·u
-i3
',E
~ ." -0 ~ ~ .p ."
~
grand frallm.
L'on disposera encore, deux à deux, les bâtonnets dans authentique
les rainures du couvercle. en se servant comme pour le petit tout d';rivé
premier exercice des mesures diminuées du grand tout
l
Pour rapprocher ces deux espèces de rapport, il existe un Prenant comme point de départ le rapport fondamental,
double procédé. Le petit terme du rapport dérivé peut être on comparera avec lui les trois rapports augmentés.
considéré, soit comme le dérivé d' une mesure authentique, On pourra faire la même chose pour chacun des autres
soit comme le double d'une telle mesure (voir VII, 8). rapports, authentiques et dérivés.
En effet, chaque mesure dérivée correspond au double Au cours du premier et du second exercice, nous avons
d'une des mesures authentiques. Le dérivé du petit tout, dû, par manque de bâtonnets représentant le grand tout,
par exemple, est le double du grand fragment authentique. nous servir de mesures diminuées pour exposer, l'un à
En plaçant les bâtonnet s perpendiculairement l'un à côté de l'autre, les rapports authentiques et dérivés. Il
l'autre, selon la figure 23, il devient possible d'apprécier les nous suffira maintenant, pour obtenir leurs formes aug~
deux rapports (l'authentique et le dérivé) dans une seule mentées, de remplacer le petit terme de chacun de ces
disposition. rapports par celui du rapport suivant.
14. Quatrième exercice (fig. 24) 15. Cinquième exercice (fig. 25)
Il consiste à comparer tous les rapports t ypiques, les Il consiste à comparer tous les rapports typiques, les
authentiques comme les dérivés, avec leurs formes aug- authentiques comme les dérivés, avec leurs formes réduites.
mentées. Dans ces rapports augmentés, le plus petit terme Dans ces rapports réduits, c'est le plus grand terme qui se
est chaque fois une, deux ou trois fois diminué (voir X, I I trouve chaque fois diminué, une, deux ou trois fois.
et 12).
fig. 25
fig. 24
La perception de ces nuances est une question de pure Par ces nuances, les proportions deviennent pour amsi
sensibilité. Tout en appréciant les rapports authentiques ou dire plus massives. Les rapports de caractère féminin y
dérivés, on constate en même temps une légère exagération perdent en grâce, les rapports de caractère masculin y
qui donne à ces rapports une certaine élégance. gagnent en force.
..
2 . Mais ce premier obj ectif, qui est d'ordre purement simultanément au service de l'esprit et du corps, comme
corporel, ne saurait suffire à l'égard de l'homme qui doit nous-mêmes sommes esprit et corps en un seul être.
habiter la maison , ni, non plus, à l'égard du milieu naturel Ce reflet de nous-mêmes dans l'oeuvre de nos mains est
où cette maison doit trou ver place. une source d'admiration et de jouissance élevée, parce
Comme nous l'avons déjà démontré dans la première qu'on y fait abstraction de toute satisfaction directe, soit
leçon, on introduit un trouble dans l'ordre de la nature, du corps, soit de l'intelligence, pour s'attacher uniquement
si l'on construit des maisons dont la forme n'appartient à la rencontre, en une même forme, de ce qui fait l'objet
pas à un ordre artificiel, dépendant de notre intelligence de notre double besoin.
(voir l, I2). La forme de la séparation qui isole l'espace,
c'est-à-dire la forme de la maison, doit se prêter à une
STADE DE LA MISE EN ŒUVRE
certaine ordonnance pour satisfaire, d'une part, aux exi-
gences de l'intelligence et, d'autre part, pour ne pas troubler 5. A ce stade de notre étude, la p remière question qui
la nature. se pose est de savoir quelles sont les étendues que la maison
offre à la réalisation du nombre plastique.
3· La forme de la séparation isolante, qui est le résultat Pour répondre à cette question, il faut se rappeler ce
d 'un bon assemblage de matériaux convenables, est en que Vitruve entend par disposition (voir II, 2 et 9) et
m ême temps occasion et point de déPart pour la réalisation reprendre le point de vue établi au cours de la première
du nombre plastique. Technique et ordonnance se rencon- leçon (voir I, 8).
trent dans une seule et même forme. Cette coïncidence est La maison se présente comme un de ces compléments
possible, parce que le nombre plastique est réalisable en artificiels, nécessaires à notre existence humaine, au moyen
de multiples ordonnances et que la technique de la con- desquels nous nous maintenons physiquement dans une
struction présente, elle aussi, des possibilités nombreuses. nature inhospitalière. La maison nous réconcilie pour ainsi
Vouloir se limiter à t elle ou t elle technique pour des dire avec cette nature, tout en se présentant comme ce
raisons extra-architectoniques peut entraver et même ex- qui en sépare. Servir d'intermédiaire entre l'univers et
clure l'heureuse rencontre des deux, technique et ordon- nous, voilà son rôle propre.
nance, dans une m ême forme. La beauté de l'édifice ne Par rapport au corps, la m aison tient lieu des environs,
pourrait qu'en pâtir. qu'elle reproduit sous une form e tempérée et adaptée.
Il en va de même lorsqu'une connaissance insuffisante du Face à cet environnement. la maison remplace notre corps;
nombre plastique restreint les possibilités d 'ordonnance. à elle de subir pour lui les intempéries.
En vue de cette double substitution, la maison réunit
4· Sans trahir les exigences t echniques et pratiques de en elle deux éléments: elle est une séparation, et elle est un
la maison, la forme de celle-ci devra se soumettre aux espace intérieur séparé ; l'un naît de l'autre. C'est parce
exigences du nombre plastique. La beauté de la maison que l'élément qui nous sépare se ferme autour de nous,
résidera précisément dans l'union harmonieuse de sa fonc- que naît de soi l'espace intérieur; celui-ci n'existe que
tion corporelle et de sa fonction intellectuelle, dans une grâce à la séparation.
seule forme. Produit pleinement humain, la maison est Ainsi donc, l'espace intérieur se présente comme sub-
II2 LE NOMBRE PLASTIQUE XIII,6 XIII,8 STADE DE LA MISE EN ŒUVRE II3
stitut des environs naturels, qui se trouvent par là adaptés immédiatement dans toute son étendue tridimensionnelle.
à la faiblesse de notre corps. La séparation, elle, est notre L'élément séparant, c'est-à-dire l'enceinte entourant
substitut, qui nous adapte en quelque sorte aux environs l'espace qu'elle clôt, se montre uniquement par sa super-
naturels. Ce que la séparation est à notre égard, l'espace ficie et non, par conséquent, comme une donnée plastique,
séparé l'est à l'égard de l'environnement. car son épaisseur reste cachée.
C'est pourquoi, les deux remplaçants se rapportent Même à l'extérieur de la construction, la séparation ne
aussi l'un à l'autre, de la même manière que ce qu'ils se montre que par sa superficie. A considérer la maison
remplacent. Il nous est donc possible de saisir, dans la comme un grand massif, on n'arriverait pas à saisir la
relation entre la séparation et l'espace séparé, l'image objec- relation entre l'espace séparé et la paroi séparante, relation
tive de notre propre relation avec les environs naturels. qui est pourtant à la base de l'expressivité de la maison.
La conciliation avec ces environs, que la maison effectue Il faut donc voir la surface, même à l'extérieur, comme
de manière physique, selon sa fonction proprement cor- surface d'une séparation. Son épaisseur est donc toujours
porelle, parlera donc à l'intelligence dans la forme même cachée, à l'extérieur aussi bien qu'à l'intérieur.
de cette maison, si ses deux composantes, séparation et Pour rendre saisissable, à la vue, la relation plastique
espace séparé, présentent entre elles un accord saisissable. entre les deux termes, séparation et espace séparé, il
En résumé, on peut dire que la séparation et l'espace faudra, de toute nécessité, percer la paroi.
séparé sont les étendues qui doivent servir à réaliser le Cette percée, qui rendra visible l'épaisseur du mur, est
nombre plastique. C'est dans la mesure où la "conciliation" la première intervention artificielle qu'exige l'ordonnance
est représentée dans l'harmonie de ces formes d 'ordre architectonique. Or, nous rejoignons ici une autre nécessité
spatial, que la maison obtient la valeur expressive par qni s'impose, elle, du point de vue corporel. Il faut à une
laquelle elle devient un objet d'architecture proprement dit. maison, pour qu'elle soit habitable, des portes et des
fenêtres. Mais il s'agit de ne pas oublier que celles-ci, en
6. Les deux étendues, séparation et espace séparé, sont tant que percées, sont nécessaires déjà du point de vue
des données de nature spatiale. Leur relation ne s'exprime purement architectonique.
donc pas par un simple rapport de grandeurs liuéaires, La réponse à un besoin pratique ne doit d'aucune manière
mais par un rapport de deux grandeurs architectoniques. nous faire perdre de v ue la fonction architectonique, av~c
Il s'agit d'un rapport plastique de deux grandeurs qui sont ses exigences propres.
chacune en triple relation avec l'unité linéaire (voir V, 14). C'est du reste la con vergence des deux fonctions dans
Les deux termes de ce rapport sont en même temps longs, une même forme qui fonde, comme nous venons de Je voir,
larges et hauts. Plus loin, nous verrons que, de ce fait, le la vraie beauté architectonique (voir § 4).
rapport plastique se présente comme un triple rapport qui
résulte de trois rapports linéaires entre les dimensions 8. La protection du corps, effectuée par la maison,
correspondantes d e deux étendues spatiales en présence. n'inclut pas que l'épaisseur de la séparation soit du même
ordre de grandeur que sa longueur et sa largeur. La note
7. Des deux termes de la relation plastique, savoir la caractéristique de l'élément séparation est précisément que
séparation et l'espace séparé, seul le second se montre son épaisseur est sans valeur par rapport à ce qui est
9
T
Le rapport entre les étendues A et D (fig. 29) s'exprimera Le rapport plastique, fondement même de l'expressivité
donc par trois proportions: le rapport de hauteur entre A architectonique, sera donc réalisé, ici, par l'ensemble des
et B, le rapport de longueur entre B et C, et le rapport de trois rapports qui existent entre:
largeur entre C et D.
fig. 30
Il est donc évident que le rapport plastique se présente
sous forme d 'une triple relation et qu'il exige deux inter-
médiaires.
Ces intermédiaires devront être fournis par de nouveaux
fig. 29 D
c
B
éléments architectoniques qui, eux aussi, auront leur rôle a) la hauteur du chapiteau et celle de la colonne,
à jouer dans la mise en œuvre du nombre plastique (voir bi l'épaisseur de la colonne et la distance d'une colonne
XIII, 5). à l'autre,
Il n'est pas exclu que ces éléments répondent en même c) l'épaisseur de la colonne et la largeur de la galerie.
temps à un besoin technique, mais il y aurait erreur à faire
perdre de vue, à cause de cela, leur raison d'être purement 6. Tout rapport plastique est donc le fait de trois
architectonique. N'oublions pas que seule importe la coïn- rapports linéaires entre les dimensions correspondantes de
cidence des deux fonctions dans une même forme (voir deux' étendues spatiales en présence. Sont comparées chaque
XIII, 4). fois, hauteur avec hauteur, longueur avec longueur et
largeur avec largeur (voir XIII, 6).
5. De ces deux formes intermédiaires qu'exige le rapport Ces rapports sont d'un tout autre genre que ceux qui
plastique, nous trouvons un exemple dans la disposition s'établissent entre les dimensions de chaque étendue plas-
des portiques ou galeries. tique considérée en soi, où l'on compare longueur avec
Le chapiteau joue, ici, le rôle d'élément plastique de largeur, largeur avec hauteur ct hauteur avec longueur.
séparation, tandis que les cellules spatiales qui, par jux- Ceci fait l'objet d e l'eurythmie.
taposition, forment la galerie, constituent les éléments de Mais lorsqu'il s'agit du rapport plastique, on compare
l'espace séparé. respectivement les deux hauteurs, les deux longueurs et les
Chapiteau et cellule ne peuvent entrer en rapport l'un deux largeurs de deux éléments différents. Ces rapports
avec l'autre que moyennant la colonne et l'entrecolonne- font l'objet de la symétrie (voir II, 2 et 7)·
ment (fig. 30).
oq
7· Le rapport plastique, à t riple relation, revient donc de même direction (deu x hauteurs, deux longueurs ou deux
fin alem ent à une question de symétrie, où l'on compare largeurs), il reste qu'elles peuvent être de sens opposé.
toujours des mesures de même direction. Elles peuvent, encore en plus, avoir ou non une base de
Mais, indépendamment de sa direction, il faut reconnaître mensuration commune. Les quatre cas suivants sont dès lors
à toute mesure une orientation. possibles (fig. 31).
Le terme d 'une mesure ne peut être, en effet, déterminé
que par rapport à un point de départ existant, qui lui sert
de base. C'est que toute mesure se prend à partir d'une
fi g. 31
- -
base, vers un terme. De là lui vient son orientation.
La base d ' une mesure doit t oujours être le terme d'une ~
mensuration précédente, tandis que son terme à elle peut
de nouveau servir de base à une mensuration suivante.
,~----I
C'est ainsi que toutes les mesures d 'une construction s'en-
chaînent en un grand tout hiérarchique. Le terme d'une
t
- l
première m ensuration devient chaq ue fois la base d'une
ou de plusieurs mensurations suivantes ; celles-ci se rami-
fient, comme les branches d'un arbre, en un ensemble
orgamque. a) deux mesures prises dans le même sens, à partir d'une
Dans cet enchaînement, le point de départ est fourni base commune; elles se superposent.
par la nature; c'est t el endroit d u sol. Le t erme de la pre- b) deux mesures prises à partir d ' une base commune,
mière mensuration faite par l'architecte, à partir de cette mais dans deux sens contraires; elles s'opposent.
base naturelle, sera la première base proprement architecto- c) deux mesures prises dans le même sens, mais sans
n~qt-t e. base commune, le terme de l'une formant la base de
l'autre ; elles s'enchaînent.
8. Cette orientation propre à chaque détermination de
d) deux mesures sans base commune, mais en sens
mesure, nous l'expérimentons par un effet spécial que
opposé, le t erme de l'une formant la base de l'autre; elles
produit sur nous l' aspect des surfaces d'un édifice.
se retournent l'une sur l'autre.
Toute surface qui délimite une donnée spatiale se présente
nécessairement comme terme de la troisième dimension de
10. Dans deux des cas susdits, savoir en a et en d, les
celle-ci. La mesure de cette troisième dimension a sa base
mesures se placent l'une sur l' autre; elles sont donc en
de mensuration, ou hi~n du r:ôtP. du spectateur, ou bien à
superposition. Dans les deux autres cas, savoir en b et en c,
l'opposé de celui-ci ; ce qui donne à cette mesure deux
elles se trouvent l'une à côté de l'autre, c'est-à-dire en
orientations différent es. Dans le premier cas, on dira que
juxtaposition.
telle surface "nous regarde"; dans l'autre cas, a u contraire,
E n cas de juxtaposition, ce qui distingue les mesures,
que le volume "nous tourne le dos".
c'est leur position même, indépendamment de leur grandeur,
9· Par conséquent, lorsqu'on compare deux mesures qui pourrait donc aussi bien être identique pour les deux.
l
Par contre, en cas de superposition, leur longueur seule de noir et de blanc, le noir correspondant à ce qui est fait
permet de distinguer les mesures, puisque, de par leur positivement, le blanc, à ce qui en résulte.
position, elles se confondent. Dans ce cas en effet, une La figure 32 représente, en a, une superposition de parties
égalité de mesure signifierait identité. noires et blanches. Mais, comme ces parties sont trop iné-
Puisque, en cas de superposition, la seule distinction gales pour entrer en relation l'une avec l'autre, il ne
possible est fournie par la différence des mesures, cette s'agit en somme que d'une juxtaposition de parties blan-
superposition sera d'autant plus marquée que les mesures ches d'égale longueur.
seront plus différentes. Celles-ci devront toutefois demeurer
fig. 32
dans les limites d'un ordre de grandeur, sous peine de
perdre entre elles la possibilité de comparaison.
En juxtaposition, les mesures se distinguent par leur
position même, tout comme en eurythmie, où l'on compare
la longueur, la hauteur et la largeur. La distinction, cette
fois; sera d'autant plus marquée que ces mesures se rappro-
chent plus de la même grandeur. Pour pouvoir cependant En b, se présente une juxtaposition de parties nOires et
constituer un rapport, elles devront appartenir à des types blanches qui, cette fois, sont trop égales pour soutenir entre
de grandeur différents. elles une relation.
Pour que les parties noires de a entrent en relation
II. Les éléments qui s'offrent, en architecture, à la avec les parties blanches, il faudra que toutes deux appar-
réalisation du nombre plastique sont, fondamentalement, tiennent au moins au même ordre de grandeur (fig. 33, a').
la paroi séparante et l'espace séparé. Viennent ensuite tous
les éléments intermédiaires que l'architecte doit introduire fig. 33
les parties noires étaient pour ainsi dire posées sur les En agrandissant les parties noires de a, et en diminuant
parties blanches, tandis qu'en a" elles sont posées l'une celles de b, on passe, à un moment donné, de superposition
à côté de l'autre. en juxtaposition, et vice versa.
En a et en a', les parties blanches se mesurent en partant Supposons un instant les rapports entre le noir et
du milieu des parties noires, tandis qu'en a" elles se mesu- le blanc, au moment de cette transition, telles qu'en
rent entre les termes de celles-ci. c (fig. 35), abstraction faite de l'échelle de la division.
l,
13· Si nous levons, en b (fig. 34), l'égalité des parties, fig. 35
afin de permettre aux parties noires d'entrer en relation
avec les parties blanches, 18 juxtaposition demeurera in- , ==~V:z?/;:z/;;:z/z:z!/.z»1î====~fz=ZZZZ/z~I=====t~Z2?/Z2Z?Z2?2:z??;;j11===
changée pour autant que les parties continuent à appar-
tenir au même type de grandeur (b').
fig. 34
0' =lfZ?2Z'1~nyl=1=n=l~Z?2Z'~f'=:smit==
"~~ZZ?L:j::i=q=~::jzzzV=z;zj::~=
b' =iz'4= Si nous considérons ces divisions comme une super-
position, nous devrons lire l'enchaînement et le rapport
Mais, du moment que le rapport entre les parties s'ap- des mesures comme en c'.
proche des limites d'un ordre de grandeur, il y aura super- La base commune des mesures superposées s'y trouve au
position et l'échelle des divisions sera doublée (b"). milieu des parties noires, tandis que m et n se rapportent
Le fait que la division est portée au double de sa grandeur l'une à·l'autre comme deux mesures d'un même système.
prouve de nouveau que nous avons passé de la juxtaposition Par contre, si nous considérons c comme une juxtaposi-
à la superposition. En juxtaposition, les parties noires et tion, nous devrons lire l'enchaînement et le rapport des
blanches se trouvent pour ainsi dire sur le même plan. En mesures comme en e", où p et q appartiennent maintenant
superposition, les parties blanches constituent en quelque à un même système.
sorte un fond qui passe sous les parties noires; la compo- En c', la partie noire est égale au double de m; elle répond
sition se joue sur deux plans différents. Les parties blanches par conséquent à une mesure du système dérivé. Quant à
se rencontrent au milieu des parties noires. la partie visible du blanc, elle est égale à la différence entre
n et 2 X m, grandeur qui ne figure évidemment pas parmi
14- Ces deux modes de composition apparaissent simul- les mesures d'un système.
tanément dans toute ordonnance architectonique. Il im- Le rapport entre la partie noire (2 X m) et la partie
porte donc de bien les distinguer. blanche entière (n) constitue donc un rapport dérivé.
128 LE NOMBRE PLASTIQUE XIV, 15
En c", les parties blanche et noire appartiennent toutes
deux au 111ême systèn1e; elles forment donc ensemble un
rapport authentique.
134 LE NOMBRE PLASTIQUE XV, 14 XV, Rés. STADE DE LA MISE EN ŒUVRE I3S
Les mesures marginales qui se dégagent au cours des sa présence, de la succession hiérarchique des rapports plas-
divisions successives doivent continuer à parler comme tiques entre le tout et l'élément. C'est dans cette succession
telles. Elles se détachent en qnelque sorte de la hiérarchie de rapports que se réalise le nombre plastique, en une
des rapports pour en faire voir le déroulement. ordonnance déterminée.
Pour ce qui est des formes mêmes que doivent revêtir
14. Pour reconnaître ces marges comme telles, et ne ces marges, l'architecte devra, pour les réaliser, passer la
pas les confondre avec les éléments propres de l'ordonnance, main à d'autres; il devra faire appel au sculpteur, sans
il faudra souvent les "pulvériser" en quelque sorte par une lequel ne pourrait être dit son dernier mot d'architecte.
division tout à fait spéciale.
Du point de vue technique, rien ne peut justifier une Résumé du dernier stade
division poussée ainsi à l'extrême. La technique rompt, ici,
avec l'ordonnance (voir XIII, 3). a) La relation plastique entre la séparation et l'espace
Mais il faudra, au nom de l'esthétique (voir XIII, 4). séparé demande, pour atteindre à son expressivité, des rap-
trouver quand même des prétextes matériels pour justifier ports intermédiaires.
ces divisions extrêmes. Nous débouchons ainsi dans le Ces r apports naissent de l'articulation de l'édifice (voir
domaine de la décoration. XIII, 7-II).
La place qu'occupe la décoration dans un édifice ressem- b) Le rapport plastique est constitué par une triple re-
ble à celle que tient le jeu dans la société. Le jeu se détache lation. Il se ramène à des rapports entre longueurs, largeurs
du mécanisme social pour en donner une sorte de repré- et hauteurs de deux étendues en présence (voir XIV,
sentation réduite. Il en va de même de la décoration. Nous 1-4)·
y retrouvons aussi, d'une certaine manière, la composition Ces rapports appartiennent au domaine de la symétrie
de l'ensemble. C'est dans ce sens que certains auteurs par- (voir XIV, 6).
lent d' "édicules", à propos d'ornements dont les formes
c) Les mesures de ces rapports peuvent se présenter en
sont empruntées à l'architecture même.
superposition ou en juxtaposition (voir XIV, 9-10).
Ces formes peuvent aussi être empruntées à la nature,
Par la juxtaposition seréalisentles rapports authentiques;
comme on le fait en sculpture et en peinture. Mais, en
par la superposition, les rapports dérivés (voir XIV, IS)·
architecture, le mobile de l'emprunt est tout différent.
La décoration architectonique, elle, ne vise pas la repré- d) De l'enchaînement successif des rapports dérivés, nais-
sentation pour elle-même; elle l'utilise seulement; elle sent les rapports augmentés et réduits (XV, II).
n'y prend que prétexte pour pulvériser les marges, en vue e) De ces rapports augmentés ou réduits, comme aussi
de l'ordonnance. de la juxtaposition de parties égales, naissen t des marges
qui, comme telles, appartiennent à l' ordonnance architec-
IS. Nous voici donc, finalement, en présence d'un tonique.
élément architectonique qui, comme tel, appartient réelle- La forme de ces marges relève de la sculpture (voir XV,
ment à l'ordonnance et en est même une composante de IS)·
très grande importance. La marge en effet témoigne, par
ABAQUE
décrit dam "Le Nombre plastique"
par dom H. van der Laan
Éd. E. J. Brill, Leiden, 1960