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A. NONAT
Résumé
L’objectif de ce chapitre est de rappeler les bases scientifiques et techniques né-
cessaires à la compréhension des phénomènes qui interviennent dès lors que
l’on mélange une poudre de ciment avec de l’eau pour conduire à ce qui consti-
tuera la phase liante du béton. Bien que cette transformation d’une suspension
de particules en un solide dur et résistant soit assez extraordinaire, elle obéit à
des règles simples qu’il convient de bien garder en tête parce qu’elles vont éga-
lement fixer la durabilité du béton.
Après une présentation sommaire du ciment Portland et de ses composés, on dé-
crira le moteur de l’hydratation qui est l’évolution chimique du ciment dans l’eau
et les caractéristiques des produits formés au cours de ces réactions. On montre-
ra comment la microstructure de la pâte de ciment durcie se construit par l’hydra-
tation et pourquoi le solide formé est poreux.
Mots-clés
CIMENT PORTLAND, CINÉTIQUE, CLINKER, DISSOLUTION/PRÉCIPITATION, HYDRATATION,
HYDRATES, MICROSTRUCTURE, THERMODYNAMIQUE.
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. INTRODUCTION
Le ciment est un matériau que tout le monde croit connaître tant il est courant. On
l’emploie en effet pour fabriquer le béton qui est le matériau de construction le
plus utilisé au monde. La raison en est son faible coût, sa facilité de mise en œuvre
et sa disponibilité pratiquement universelle. Il suffit, en effet, de mélanger un peu
de poudre avec de l’eau, du sable et des graviers pour obtenir, à température am-
biante et en quelques heures, un matériau dur. Bien que près de deux milliards de
tonnes de béton soient produites de cette manière par an, tous les processus phy-
sico-chimiques à la base de cette transformation ne sont pas complètement bien
compris et font encore l’objet de recherches. Dans ce chapitre, on s’intéressera es-
sentiellement à l’aspect chimique des transformations, c’est ce qu’on appelle
d’une manière générale l’hydratation. Ce simple nom cache cependant un ensem-
ble de processus physico-chimiques qui obéissent aux lois générales de la thermo-
dynamique et de la cinétique. La complexité de l’hydratation du ciment ne vient
pas de la complexité des processus élémentaires eux-mêmes, ceux-ci sont en gé-
néral bien décrits pour d’autres matériaux, mais de la complexité de la pâte de ci-
ment :
– le ciment est lui-même un matériau polyphasé, chacune des phases constituti-
ves réagissant d’une manière différente ;
– les réactions font intervenir une solution dont le volume est faible et confiné ;
– les phases hydratées formées sont souvent difficiles à caractériser du fait de
leur caractère amorphe ou nanocristallin ;
– l’hydratation de chaque phase modifie la solution dans laquelle réagissent les
autres.
Pour simplifier l’approche, on adopte souvent la démarche d’étudier d’abord sé-
parément chacune des phases qui constituent le ciment. C’est celle que l’on suivra
dans ce chapitre.
26
L’hydratation des ciments
27
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
La notation cimentière
En chimie des ciments, on a l’habitude d’utiliser une nomenclature particulière pour
écrire les transformations chimiques ; celle-ci utilise l’initiale des oxydes en place des
symboles chimiques classiques :
C = CaO S = SiO2 A = Al2O3 F = Fe2O3 M = MgO
S = SO3 C = CO2 H = H2O…
Ainsi les principaux constituants du ciment Portland s’écrivent :
– silicate tricalcique, Ca3SiO5 ou 3CaO, SiO2 : C3S ;
– silicate dicalcique, Ca2SiO4 ou 2CaO, SiO2 : C2S ;
– aluminate tricalcique, Ca3Al2O6 ou 3CaO, Al2O3 : C3A ;
– aluminoferrite tetracalcique, Ca4Al2 O10Fe2 ou 4CaO,Al2O3, Fe2O3 : C4AF ;
– sulfate de calcium, CaSO4 ou CaO, SO3 : C S .
28
Tableau 2.2 : différents types de ciments suivant la norme EN 197-1.
Composition (pourcentage en masse) a
Constituants principaux
Principaux Notation des 27 produits (types Pouzzolanes Cendres volantes Constituants
types de ciment courant) Laitier de Fumée de Schiste secondaires
Clinker naturelle Calcaire
haut-fourneau silice naturelle siliceuse calcique calciné
calcinée
K S Db P Q V W T L LL
CEM I Ciment Portland CEM I 95-100 – – – – – – – – – 0-5
Ciment Portland CEM II/A-S 80-94 6-20 – – – – – – – – 0-5
au laitier CEM II/B-S 65-79 21-35 – – – – – – – – 0-5
Ciment Portland
à la fumée CEM II/A-D 90-94 – 6-10 – – – – – – – 0-5
de silice
CEM II/A-P 80-94 – – 6-20 – – – – – – 0-5
Ciment Portland CEM II/B-P 65-79 – – 21-35 – – – – – – 0-5
à la pouzzolane CEM II/A-Q 80-94 – – – 6-20 – – – – – 0-5
CEM II/B-Q 65-79 – – – 21-35 – – – – – 0-5
CEM II/A-V 80-94 – – – – 6-20 – – – – 0-5
Ciment Portland CEM II/B-V 65-79 – – – – 21-35 – – – – 0-5
CEM II aux cendres
volantes CEM II/A-W 80-94 – – – – – 6-20 – – – 0-5
CEM II/B-W 65-79 – – – – – 21-35 – – – 0-5
Ciment Portland CEM II/A-T 80-94 – – – – – – 6-20 – – 0-5
au schiste
calciné CEM B/T 65-79 – – – – – – 21-35 – – 0-5
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a) Les valeurs indiquées se réfèrent à la somme des constituants principaux et secondaires.
b) La proportion de fumées de silice est limitée à 10 %.
c) Dans le cas des ciments Portland composés CEM II/A-M et CEM II/B-M, des ciments pouzzolaniques CEM IV/A et CEM IV/B et des ciments composés CEM V/A et CEM V/B, les constituants
principaux, autres que le clinker, doivent être déclarés dans la désignation du ciment.
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
3. L’HYDRATATION DU CIMENT
« Hydratation » est un mot utilisé pour décrire de la manière la plus générale, l’en-
semble des réactions qui interviennent dès que l’on mélange le ciment avec de
l’eau. Comme toutes les réactions chimiques, celles- ci obéissent à des lois ther-
modynamiques (voir encadré ci-après) et cinétiques.
3.1. La thermodynamique de l’hydratation
Dès que l’on met un minéral au contact de l’eau, il tend à se dissoudre jusqu’à at-
teindre sa solubilité dans le milieu considéré ; c’est la première étape de l’hydra-
tation. La thermodynamique de la dissolution est définie par le produit de
solubilité : tant que le produit d’activité des ions en solution est inférieur au pro-
duit de solubilité, la solution est sous-saturée par rapport à AB, le minéral AB se
dissout. Au contraire, si le produit d’activité des ions est supérieur au produit de
solubilité, la solution est sursaturée et c’est la réaction inverse, la précipitation,
qui est thermodynamiquement possible. Ce comportement est illustré sur les figu-
res 2.2a et 2.2b.
30
L’hydratation des ciments
Dans le cas de l’hydratation du ciment, les phases anhydres qui le constituent con-
duisent en se dissolvant à une solution sursaturée par rapport à des phases hydra-
tées moins solubles qui vont précipiter (figure 2.2c).
éq
0,02 0,02
État final 1
(B)
uil
(B)
(B)
ibr
0,015
e
0,01 équil 0,01
ibre 0,01 équilib
re
E < 1 : dissolution équilibre 2
État final
0
0 0,01 0,02 0,03 0 0,01 0,02 0,03 0 0,005 0,02 0,025 0,03
État initial État final
État initial (A) (A) (A)
31
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
32
L’hydratation des ciments
Le même enchaînement de réactions entre en jeu dans le cas du C2S pour aboutir
à l’équation bilan :
C2S + H → C-S-H + 0,3 CH
3.2.2. L’hydratation des aluminates de calcium
Le même type de processus que dans le cas des silicates de calcium intervient
lorsque l’aluminate tricalcique est mis au contact de l’eau. Son hydrolyse et sa
dissolution conduisent à :
Ca3Al2O6 + 6 H2O → 3 Ca2+ + 2 Al3+ + 12 OH–
En milieu basique, du fait du caractère amphotère de l’aluminium, celui-ci se
trouve majoritairement sous forme d’anions Al(OH)4–. Contrairement au cas des
silicates de calcium, il existe plusieurs phases aluminates de calcium hydratés
moins solubles que l’anhydre : outre l’hydroxyde d’aluminium, Al(OH)3, il exis-
te, d’une part, Ca2Al2(OH)10,3H2O (C2AH8) et Ca4Al2(OH)14,6H2O (C4AH13)
qui sont en fait les limites d’une solution solide dans laquelle le rapport C/A varie
entre 2 et 4 selon la concentration en hydroxyde de calcium en solution, et, d’autre
part, un hydroxyde mixte Ca3Al2(OH)12 (C3AH6). C’est ce dernier qui est ther-
modynamiquement le plus stable (le moins soluble), c’est donc l’état final vers le-
quel le système C3A-eau doit tendre en l’absence de tout autre constituant.
Pourtant, les premiers se forment d’abord parce que, pour un même degré de sur-
saturation, le temps nécessaire pour former les premiers germes est plus court. Ils
se dissolvent ensuite pour précipiter C3AH6.
On rajoute au clinker du sulfate de calcium sous forme de gypse (CaSO4, 2H2O),
de plâtre ou hémihydrate (CaSO4, 0,5H2O) ou d’anhydrite (CaSO4). Dans ces
conditions, dans une solution contenant les ions Ca2+, Al3+, OH– et SO42–, la pha-
se la moins soluble est le trisulfoaluminate de calcium hydraté
Ca6Al2(SO4)3(OH)12, 26H2O ou ettringite (C6A S 3H32 en notation cimentière).
C’est cette phase qui se forme tant que la concentration en sulfate en solution est
suffisante. Lorsque tous les sulfates sont épuisés, ce sont les hydroaluminates de
calcium comme C4AH13 et ses homologues mono-substitués (monosulfoalumi-
nate de calcium, monocarboaluminate de calcium…) qui précipitent.
En ce qui concerne l’hydratation du C4AF, elle conduit à la précipitation du même
type de composés que ceux qui sont formés à partir de la dissolution du C3A, en
particulier lorsque celle-ci est réalisée en présence d’hydroxyde de calcium. Dans
ce cas, une partie des ions Al3+ dans les hydrates sont substitués par des ions Fe3+.
Dans le cas contraire, une partie importante du fer précipite sous forme d’hy-
33
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
droxyde de fer, Fe(OH)3. C’est pour cette raison que, d’une manière générique,
les hydroaluminates de calcium contenant ou non du fer sont appelés AFm. Une
justification de cette terminologie en relation avec la structure sera donnée au pa-
ragraphe 3.4.3. De même les composés de type ettringite sont appelés AFt.
3.3. La réactivité des autres constituants du ciment
3.3.1. Les ajouts pouzzolaniques
Ces composés sont riches en silice et pauvres en oxyde de calcium ; de ce fait ils
sont très peu solubles dans l’eau. Dans une solution riche en hydroxyde de cal-
cium, du fait du pH élevé, la silice se dissout selon :
SiO2 + 2 OH– → H2SiO42–
En présence des ions calcium de la solution, le C-S-H moins soluble précipite se-
lon la même réaction que dans le cas des silicates de calcium :
x Ca2+ + H2SiO42– + 2(x-1) OH– + y H2O → C-S-H (ou xCaO, SiO2, yH2O)
Cependant en présence de silice solide, le rapport C/S du C-S-H est plus faible que
celui obtenu à partir de la dissolution des silicates calciques. L’équation bilan de ces
réactions de dissolution et précipitation est souvent appelée réaction pouzzolanique
en référence au ciment romain constitué d’un mélange de chaux et de pouzzolannes.
Il convient de se souvenir que ce n’est qu’un bilan de deux réactions et que ce n’est
pas « la portlandite qui réagit avec la silice » comme c’est souvent énoncé.
3.3.2. Les ajouts potentiellement hydrauliques
Les types mêmes de ces ajouts sont les laitiers granulés de haut-fourneau. Ils sont
constitués de CaO, SiO2, Al2O3, MgO. La trempe que le laitier subit à la sortie du
haut-fourneau confère une structure vitreuse à ce matériau. La teneur des diffé-
rents oxydes varie d’un laitier à l’autre ; une fourchette de composition en oxydes
est donnée dans le tableau 2.3.
Tableau 2.3 : composition chimique donnée en pourcentage en poids
des principaux oxydes, d’après [TAY 97].
34
L’hydratation des ciments
cas dans une pâte de ciment Portland dans laquelle le pH est suffisamment basi-
que. La silice contribue à la formation de C-S-H, l’alumine à des aluminates de
calcium et de magnésium. Ces derniers constituent la famille des hydrotalcites
dont la structure dérive de celle de la brucite (Mg(OH)2) selon le même mécanis-
me que les AFm dérivent de celle de l’hydroxyde de calcium.
3.4. Les propriétés des principales phases hydratées
3.4.1. La portlandite
La portlandite est le nom minéralogique de l’hydroxyde de calcium cristallisé.
Son nom vient, bien sûr, du fait qu’on la trouve dans le ciment Portland hydraté.
C’est la phase la plus soluble de la pâte de ciment hydratée.
Sa solubilité dans l’eau est de l’ordre de 22 mmol/L à 25 °C soit environ 1,6 g/L,
ce qui correspond à un pH de 12,6. Sa présence dans la pâte de ciment, par son
équilibre de solubilité maintient le pH élevé de la solution interstitielle. Sa solu-
bilité diminue avec la température.
C’est également une des phases les mieux cristallisées. Elle cristallise sous forme
de cristaux hexagonaux plus ou moins développés dans la pâte de ciment, les po-
res et l’interface pâte/granulat. Sa structure cristalline est de type hexagonal. Elle
est constituée de plans d’ions calcium (plan ab) en environnement octaédrique as-
suré par 3 ions OH– de part et d’autre du plan, ce qui constitue un feuillet d’hy-
droxyde qui est répété selon l’axe c (figure 2.3).
c OH–
Ca++
OH–
a
(a) (b)
35
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
(a) (b)
36
L’hydratation des ciments
par leur morphologie, en particulier, les C-S-H externes (outer product) de morpholo-
gie plutôt fibrillaire, qui se développent à partir de la surface des grains anhydres dans
les pores de la pâte et les C-S-H internes (inner product) de morphologie plus com-
pacte, qui occupent l’espace libéré par le grain d’alite qui se dissout.
30 nm 60 nm
Tétraèdre pontant
Dimère de silicate 5 nm
interfeuillet H C
H
H
Plan de CaO
La densité de sites > Si-OH à la surface est fixée par la structure (4,8 sites/nm2)
[VIA 01].
À haut pH, comme c’est le cas dans la pâte de ciment, la plupart des sites sont
ionisés, ce qui donne une densité de charges de surface parmi les plus élevées des
minéraux. Cette haute densité de charges de surface est à l’origine de la cohésion
du ciment et joue un rôle important dans l’interaction des espèces ioniques avec
la surface [PEL 97, JON 04].
En ce qui concerne sa stabilité le C-S-H est très peu soluble dans une solution sa-
turée par rapport à la portlandite (quelques µmol/L, soit de l’ordre de 1 mg/L), sa
solubilité augmente quand la concentration en hydroxyde de calcium en solution
diminue et si le pH descend en dessous de 10, il se dissout au profit de la silice
qui devient moins soluble [GRE 60].
37
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
(a) (b)
38
L’hydratation des ciments
Par exemple dans C4AH13, qui peut s’écrire encore 2([Ca2Al (OH)6]+OH-,
3H2O), un Ca2+ sur 3 est remplacé par un Al3+, et l’excès de charge est compensé
par un OH-. On obtient le même type de composés avec des ions Fe3+. Pour une
mole d’oxyde Al2O3 ou Fe2O3 substituant deux moles de CaO, il faut une mole
d’anions divalents que l’on peut écrire en notation cimentière : C3A, CX. C’est la
raison pour laquelle on les nomme AFm (A pour Al2O3, F pour Fe2O3 et m pour
mono (1 CX)). Les hydrates les plus stables sont les carboaluminates de calcium
qui se forment dans les ciments contenant des ajouts calcaire ou simplement à par-
tir des carbonates dissous dans la solution interstitielle du fait du contact avec le
CO2 atmosphérique.
Ca (OH)2
interfeuillet
×6
Insertions d'anions
en interfeuillet
pour compenser la charge plans de cations
3.4.4. L’ettringite
La structure de l’ettringite est très différente de celles des AFm. Elle est constituée
de colonnes de cations coordinés par les oxygènes des hydroxydes et des molécules
d’eau (figure 2.8). Les ions sulfate ne participent pas non plus à la coordination des
cations, ils n’assurent que l’électroneutralité. Ils sont accueillis dans les canaux
créés par les colonnes cationiques. Ils peuvent également être remplacés par d’autres
anions tout comme l’aluminium peut également être substitué par du FerIII.
39
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
C6A S 3H32 s’écrit également C3A, 3C S d’où le nom de AFt donné à cette famille
de composés.
octaèdres Al (OH)6
tétraèdres SO42–
molécules H2O
polyèdres CaO8
(a) (b)
Figure 2.8 : (a) structure cristalline de l’ettringite ; (b) image en microscopie électronique
à balayage de cristaux d’ettringite (courtoisie D. Damidot).
40
L’hydratation des ciments
(2)
100
80
% hydratation
60
40 (1)
20
0
0 10 20 30 32 40 50 60
temps (minutes)
41
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Avancement (%)
6
8,0E+04
30 [Ca (OH)2] 22 mmol/L
4 6,0E+04 C–S–H
20
4,0E+04
[Ca (OH)2] 11 mmol/L
2
2,0E+04 10
C–S–H
0 0,0E+00 0
0 200 400 600 800 1 000 1 200 0 200 400 600 800 1 000 1 200
Temps (minutes) Temps (minutes)
(a) (b)
Figure 2.10 : avancement de l’hydratation du C3S.
(a) Dans le cas du C3S, l’avancement de l’hydratation peut facilement être obtenu par intégration du
flux de chaleur dégagé par la réaction et mesuré par calorimétrie. (b) Au cours du processus de dis-
solution du C3S-précipitation du C-S-H, celui-ci se forme par germination hétérogène sur la surface
du C3S [GAR 99] et des particules de C-S-H déjà précipitées, de telle sorte qu’assez rapidement une
couche continue autour du grain d’anhydre va ralentir le processus de dissolution [GAR 01]. Le pour-
centage d’hydratation pour lequel cette couche devient continue dépend de la granulométrie du C3S,
de la température et d’une manière générale de tout ce qui peut faire changer localement la concen-
tration en hydroxyde de calcium.
42
L’hydratation des ciments
premier pic intense observé sur la courbe de flux thermique mesuré par calorimé-
trie présenté sur la figure 2.11a. Une fois que tout le sulfate de calcium a été con-
sommé pour former de l’AFt, on forme à nouveau du C4AH13 très rapidement à
une vitesse contrôlée par la vitesse de dissolution du C3A ; c’est le deuxième pic
sur la courbe de flux thermique de la figure 2.11a. Dans ces conditions, l’ettringite
n’est plus la phase la moins soluble, elle se dissout partiellement, les ions libérés
contribuant à précipiter du mono sulfoaluminate de calcium.
14 1 C 3A
Avancement de l'hydratation
Flux thermique (mW/g)
12
0,8
10
0 0
0 200 400 600 800 1 000 0 500 1 000 1 500
Temps (minutes) Temps (minutes)
(a) (b)
Figure 2.11 : avancement de l’hydratation d’un mélange C3A-gypse.
(a) Évolution du flux thermique libéré au cours de l’hydratation d’un mélange C3A-gypse. (b) Avance-
ment de l’hydratation du C3A seul et du mélange C3A-gypse. On note l’effet ralentisseur introduit par
la formation de l’ettringite. D’après [MIN 03].
43
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
(a) (b)
10 10
8 8
6 6
4 4
2 2
0 0
0 200 400 600 800 1 000 0 200 400 600 800 1 000
Temps (minutes) Temps (minutes)
(c) (d)
De ce fait, l’étude cinétique précise de l’hydratation d’un ciment est toujours dif-
ficile et d’autant plus que l’on y incorpore des ajouts plus ou moins réactifs. Néan-
moins, on peut considérer en première approximation que les mécanismes de
l’hydratation des différentes phases ne sont pas sensiblement modifiés. En parti-
culier en ce qui concerne l’hydratation de l’alite, qui constitue la phase majeure
du ciment Portland, celle-ci suivra le même type d’évolution que celle décrite au
paragraphe 3.2.1. Une partie des C-S-H pourra cependant précipiter sur d’autres
supports solides (fillers…), ce qui modifiera le pourcentage de réaction pour le-
quel l’hydratation est limitée par une couche continue d’hydrate.
En ce qui concerne la nature des phases qui se forment, celles-ci sont les mêmes
que celles qui précipitent lors de l’hydratation de chaque constituant du ciment.
44
L’hydratation des ciments
45
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
hydratation
46
L’hydratation des ciments
(a) (b)
47
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
4. CONCLUSION
L’hydratation du ciment est une somme de processus chimiques qui conduisent à
la transformation de phases anhydres en différentes phases hydratées. Ces trans-
formations chimiques s’accompagnent d’un ensemble de processus physiques qui
participent à la construction de la microstructure de la pâte de ciment. Les lois qui
gouvernent l’hydratation du ciment, c’est-à-dire l’évolution des phases anhydres
au contact de l’eau en phases hydratées, gouvernent de la même manière l’évolu-
tion des phases hydratées si elles sont mises en contact avec un milieu dans lequel
des phases moins solubles sont susceptibles d’exister selon les lois thermodyna-
miques rappelées dans ce chapitre. Dans le premier cas, les réactions entre des
grains en suspension concentrée dans une phase aqueuse conduisent rapidement
à la transformation partielle du produit de départ en phases hydratées et à la for-
mation d’un solide à microstructure complexe. Dans le second cas, c’est-à-dire
l’évolution d’une pâte de ciment durcie soumise à un environnement extérieur,
c’est à travers la surface externe et interne, la surface développée par les pores ca-
pillaires et les nanopores, que les différentes phases hydratées qui constituent le
solide massif vont être en interaction avec le milieu extérieur ; cette interaction
sera donc d’autant plus limitée que la porosité capillaire sera fermée ce qui est une
caractéristique de la microstructure. La durabilité du matériau est donc fortement
liée à la manière avec laquelle il a été élaboré.
48
L’hydratation des ciments
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