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CeROArt

Numéro 3  (2009)
L'erreur, la faute, le faux

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Isabelle Gerardy
La datation par thermoluminescence
face à la production d’un nouveau type
de faux
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Référence électronique
Isabelle Gerardy, « La datation par thermoluminescence face à la production d’un nouveau type de faux »,
 CeROArt [En ligne], 3 | 2009, mis en ligne le 21 avril 2009. URL : http://ceroart.revues.org/index1089.html
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Éditeur : CeROArt asbl


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La datation par thermoluminescence face à la production d’un nouveau type de faux 2

Isabelle Gerardy

La datation par thermoluminescence face à


la production d’un nouveau type de faux
Introduction
1 La thermoluminescence (TL) définit la capacité de certains matériaux non conducteurs
préalablement exposés à des radiations ionisantes, de développer une luminescence suite à une
élévation de température1. Les principes de la thermoluminescence sont complexes mais sont
souvent décrits par un schéma en bandes d’énergies (voir figure 1). En effet, considérons un
matériau non conducteur possédant une bande de conduction (B.C.) et une bande de valence
(B.V.) séparées par une bande interdite (B.I.) possédant toutefois des pièges spécifiques (des
atomes étrangers, des défauts dans le matériau). Initialement, les électrons se trouvent dans la
bande de valence. Le phénomène de thermoluminescence peut être diffusé en deux phases :
Figure 1. Schéma en bande d’énergie du phénomène de TL

2 Une phase de remplissage des pièges où sous l’effet des rayonnements, les électrons passent
de la bande de valence à la bande de conduction puis « tombent » dans les pièges situés dans
la bande interdite.
3 Une phase d’émission de luminescence où, sous l’effet d’une augmentation de la température,
les électrons repassent dans la bande de conduction puis redescendent dans la bande de valence
en émettant des photons lumineux. Ceux-ci constituent le signal de thermoluminescence.
4 L’intensité de la thermoluminescence est directement liée à la dose de rayonnement reçue par
le matériau.

La méthode de datation par thermoluminescence


Les principes de datation
5 Dès 1953, les travaux de Daniel, Boyd et Saunders ont montré que certains matériaux
géologiques tels que des argiles ou des roches éruptives pouvaient montrer le phénomène de

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La datation par thermoluminescence face à la production d’un nouveau type de faux 3

thermoluminescence2. En effet, ces matériaux possèdent la capacité de piéger des électrons


lorsqu’ils sont soumis à des radiations ionisantes et un chauffage provoque une émission de
photons. De plus, les argiles contiennent des isotopes radioactifs tels que les isotopes 238 et
235 de l’uranium, le thorium 232 (ainsi que leurs produits de décroissance), le rubidium 87 et
le potassium 40, tous ces radioisotopes étant naturellement présents dans la croûte terrestre en
concentration légèrement variable. C’est à peu près à la même époque qu’on a pensé à  utiliser
la TL pour dater différents objets archéologiques. Les matériaux pouvant être étudiés doivent
pourtant répondre à certains critères :
• Être non conducteur et posséder des pièges de luminescence ;
• Avoir été chauffé préalablement pour assurant le vidage des pièges et permettant la
remise à zéro du chronomètre ;
• Avoir été exposé à des radiations ionisantes.
• Plusieurs types de matériaux peuvent répondre à ces critères :
• Les poteries, terres cuites, tuiles (souvent chauffées à plus de 500°C lors de leur
fabrication) ;
• Les objets en métal pour peu qu’il reste un résidu du noyau de celui-ci ;
• …
6 Pour ces matériaux, la dose de rayonnement sera donnée par les radioisotopes contenu dans
le matériau de base comme décrit plus haut mais aussi par ceux contenus dans le lieu
d’enfouissement ainsi que par les rayonnements cosmiques.

L’application de la méthode
7 Pour définir l’âge de l’échantillon, il faudra déterminer deux grandeurs :
• La dose accumulée par l’objet depuis sa dernière remise à zéro c'est-à-dire sa cuisson.
On réalisera un chauffage sur un échantillon de l’objet à dater (quelques milligrammes
de poudre) et on définira la paléodose.
• La dose annuelle reçue du fait des radioisotopes contenus dans l’objet ainsi que celle
provenant du milieu d’enfouissement et des rayonnements cosmiques.
8 L’âge estimé de l’échantillon sera donné par la formule :
9 La paléodose sera donc évaluée en mesurant l’intensité du signal de thermoluminescence
c’est-à-dire le nombre de photons qui avaient été piégés (voir figure 2). Nous savons que
ce nombre est proportionnel à la dose mais il dépend aussi du matériau et de la densité de
pièges disponibles donc, de la sensibilité du matériau au phénomène de thermoluminescence.
Pour définir cette sensibilité, on utilise la méthode d’addition qui consiste à irradier certains
échantillons à des doses connues afin de déterminer l’intensité du signal par unité de dose
reçue. Cette irradiation artificielle se fera à l’aide dune source calibrée de rayonnement.
On portera ensuite en graphique l’intensité du signal de TL en fonction de la dose pour
l’échantillon brut ainsi que pour ceux ayant subis des doses additionnelles croissantes.
L’extrapolation de la droite ajustant les différents points permet d’évaluer la paléodose
(voir figure 3). La détermination de la dose annuelle est assez difficile, surtout pour les
échantillons pour lesquels l’information concernant les conditions d’enfouissement n’est pas
disponible. Cette dose dépend aussi des concentrations en différents radioisotopes naturels
dans l’échantillon ; ces données peuvent être évalués par analyses chimiques ou physiques
(fluorescence X) mais nécessite une assez grande quantité de matière qui n’est pas toujours
disponible. Pour une évaluation plus grossière de l’ancienneté, on peut adopter une dose
annuelle communément acceptée de 5 milligray par an3.

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Figure 2 courbe de luminescence pour l’échantillon brut et ayant subit deux irradiations à
des doses croissantes

Figure 3. Evaluation de la paléodose par la méthode d’addition

Créer de vrai faux


10 Comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent, l’évaluation d’ancienneté par la
méthode de thermoluminescence est basée sur la mesure de la dose de rayonnement accumulée

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par l’échantillon depuis sa dernière cuisson. Si on donne artificiellement une dose à une pièce
moderne, on peut donc gruger le test. Le tout est de réaliser cette manœuvre de la manière la
plus convaincante possible. Dans le cas des œuvres d’art, quatre moyens principaux de fausser
le test ont pu être identifiés :
• L’irradiation artificielle d’un objet moderne ; dans ce cas, la dose de rayonnement est
donnée de manière externe par une irradiation à l’aide de rayonnement gamma ou X tels
qu’on peut les trouver dans les installations médicales, principalement dans les centres
de traitement de cancer par radiations ionisantes.
• La réutilisation de tessons vrais mais sans intérêt archéologique et provenant de
différents objets afin de reconstituer une pièce complète (un puzzle).
• L’utilisation de poudre de tessons authentiques provenant de fouilles qui, intégrée dans
un liant permettent une fabrication de pièce.
• L’utilisation d’une partie inférieure d’objet réelle sur laquelle on refaçonne un objet.
11 Mais détaillons un peu les différentes techniques ainsi que les moyens principaux de les
détecter.

L’irradiation artificielle d’objet moderne.


12 Il s’agit de la plus ancienne technique utilisée  ; elle est en fait née quasi en même temps
que la méthode de datation  ; les faussaires sont effectivement souvent en phase avec les
techniques utilisées pour les confondre. Les premiers cas de faux irradiés ont été découvert il y
a environ trente ans et concernaient des objets provenant du bassin méditerranéen. Toutefois,
les analyses de style n’étaient pas compatibles avec l’âge présumé. De plus, l’âge évalué par
thermoluminescence   était totalement en dehors des fourchettes acceptables pour l’époque
annoncée ; les faussaires n’avaient pas encore trouvé le bon dosage…
13 Il y a plus ou moins 15 ans, le phénomène s’est reproduit avec des objets provenant de
fouilles chinoises. Et dans ce cas, les faussaires semblaient mieux documentés car les doses
données étaient plus en rapport avec l’âge supposé. Toutefois, dans un premier temps, les
utilisateurs de la TL ont trouvé une parade pour séparer les irradiations artificielles des
irradiations progressives : dans le cas des irradiations récentes à haute dose (quelques Gray
en seulement quelques secondes), on observe un pic de luminescence autour de 100°C, pic
qui disparaît spontanément dans les irradiations progressives et à faible dose (comme dans le
cas d’une pièce archéologique irradiée seulement à quelques milli Gray par an). La présence
sur la courbe de luminescence de ce pic indiquait donc un faux irradié. Malheureusement,
les fraudeurs ont aussi trouvé une échappatoire en chauffant l’objet aux alentours de 100°C
après irradiation pour annihiler ce pic. On remarque que les  faux irradiés sont souvent réalisés
à partir du même type de terre. En effet, pour donner la dose correspondant à l’ancienneté
désirée, il faut connaître la sensibilité de la terre au phénomène de TL. Un type de terre
a donc été soigneusement étudié. Pour ces objets, un test de thermoluminescence positif
n’est plus un indicateur suffisant pour authentifier un objet mais un test négatif certifie que
l’objet est de facture récente. Pour confirmer ou infirmer le caractère archéologique d’un
échantillon, il faudra réaliser une observation à l’aide d’un binoculaire et rechercher les traces
d’enfouissement telle que des traces de concrétions minérales, organiques, végétales  

 La reconstitution à partir de divers tessons


14 Dans le cas ou on a des tessons qui proviennent du même lieu de fouille et donc d’âges
semblables, la TL donnera forcément un date acceptable et en accord avec l’âge supposé.
Pourtant, l’objet lui-même est un faux. On pourra tout de même mettre en évidence la
reconstitution en utilisant un scanner, semblable aux scanners médicaux, qui va révéler les
« coutures » mais aussi les différences de densités et de structures inhérentes à ce genre de
technique.

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L’utilisation de poudre de tesson


15 Il s’agit de réutiliser non pas des tessons entiers mais des tessons broyés afin de « récupérer »
la TL accumulée par le matériau ancien. Afin de reconstituer un objet vendables, cette poudre
doit être agglomérée avec un liant. Deux types de liants peuvent être utilisés : un liant minéral
ou organique. Chacune de ces techniques présentes néanmoins des défauts. L’utilisation du
liant organique est décelable lors de la prise de l’échantillon pour le test de TL lui-même. Lors
de l’utilisation du foret, on remarque une plasticité inhabituelle (copeau plutôt que poudre)
ainsi qu’une odeur de matière qui se consume. Mais, ce type de liant ne modifie pas le signal
de TL. Le liant minéral pour sa part n’est pas détectable à la prise d’échantillon mais, comme
il s’agit d’un argile non cuit, il amène sa propre luminescence qui n’a jamais été remise à zéro
(jamais de cuisson) ; cet échantillon montre alors une TL très importante et augmente l’âge
de l’échantillon de manière considérable. Un tel manque de concordance entre l’âge évalué et
l’âge présumé rend le test non concluant.

L’utilisation d’une base inférieure d’un objet archéologique


16 Sur cette base réellement archéologique, on monte un objet de facture récente. Dans ce cas,
les contrefacteurs partent du principe que le prélèvement de l’échantillon de matériau pour le
test de TL se fera dans un endroit peu visible comme la face cachée de la base de l’objet. On
prélève de ce fait dans un morceau d’objet ancien et permet l’authentification de la pièce toute
entière. Dans ce dernier cas, une observation au binoculaire sera aussi une manière de mettre
ou non en évidence des traces d’enfouissement.

Conclusion
17 La thermoluminescence est une technique permettant l’évaluation d’ancienneté de certains
types d’objets tels des poteries, des tuiles… Malgré certaines techniques utilisées par des
faussaires pour détourner le test, il s’avère toutefois encore utile en compléments d’autres
analyses telles des analyse du style de l’objet ou la recherches de traces d’enfouissement par
observation au binoculaire. De plus, ces faux présentant un signal de thermoluminescence se
retrouve principalement dans les civilisations chinoises ou certaines civilisations africaines (le
Nok par exemple. Le test est donc toujours utilisable pour les autres civilisations.

Notes
1  McKeever S., Moscovitch M., Towsend P. “Thermoluminescence dosimetry material: properties and
uses”, Nuclear technology Publishing, 1995
2   Aitken M.J. “Thermuluminescence dating”, Academic press ,1985  ; Fleming S.,
”Thermoluminescence in archaeology”, Clarendon press Oxford, 1979
3  Le Gray (et le milligray) est une mesure de l’énergie déposée par un rayonnement ionisant dans la
matière.

Pour citer cet article


Référence électronique
Isabelle Gerardy, « La datation par thermoluminescence face à la production d’un nouveau type de
faux »,  CeROArt [En ligne], 3 | 2009, mis en ligne le 21 avril 2009. URL : http://ceroart.revues.org/
index1089.html

Isabelle Gerardy
Ingénieur Industriel en Energie Nucléaire  ( ISIB, 1991) et titulaire d’un DES en radioprotection
et application de rayonnements ionisants , orientation Contrôle Physique en Radioprotection
(UCL, 1997) Isabelle Gerardy  poursuit un doctorat à l'université Polytechnique de Valence (Sujet:

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Dosimétrie en brachythérapie). Elle est actuellement Maitre Assistant à la Haute Ecole P-H Spaak
(Belgique), département technique ISIB.

Droits d'auteur
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Résumé / Abstract

 
La thermoluminescence a été utilisée depuis plus de 30 ans pour évaluer l’ancienneté de
certains échantillons archéologiques. Depuis plusieurs années, certains faussaires essayent de
tromper le test en utilisant différentes techniques telles que l’irradiation artificielles de poteries
récentes ou la réutilisation de tessons anciens pour fabriquer des faux présentant un signal
de TL. Toute fois, certaines techniques telles que la recherche de traces d’enfouissement par
binoculaire et l’analyse stylistique permettent de mettre les faux à jour.
Mots clés :  archéologie, faux, thermoluminescence

 
The thermoluminescence phenomenon has been use since more than 30 years to evaluate the
age of certain archaeological samples. Since a couple of year, some try to pass over this test
using different techniques like the artificial irradiation of recent objects or the re-use of some
pieces of ancient potteries to manufacture object showing a real TL signal. Fortunately, some
other analysis techniques like binocular observation or an analyse of the object style are able
to distinguish true from false.
Keywords :  thermoluminescence, fake, archeology

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