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 JÉRÔME DE MORAVIE
NOTICE DE WIKIPEDIA
Jérôme de Moravie, ou le Morave est un dominicain actif à Paris à la fin du XIII e siècle, auteur d'un
important traité sur la musique.
Le Tractatus de musica
Dominicain, il séjournait au couvent des frères prêcheurs de la rue Saint-Jacques à Paris. Jérôme de
Moravie y est probablement enseignant. Il réalisa une synthèse des connaissances de son temps, non
pas en théorisant, mais en juxtaposant tous les auteurs contemporains qu'il peut et la somme de
toutes les musiques : spéculative, pratique, religieuse, profane, plein chant, musique « mesurable »,
règles de psalmodie et du discantus. L'auteur, résumant lui-même le projet, destine le traité aux
novices, nécessaire à l'enseignement des chantres :
« En sorte que qu'il ne soit pas nécessaire à celui qui cherche un enseignement de parcourir un
grand nombre de livres, la brièveté synthétique lui offre ce qu'il cherche sans peine. »
— Tractatus de musica
Ce projet correspond bien à l'effort dominicain de divulgation du savoir. Mais il ne s'agit en aucun
cas d'une encyclopédie car il manque de grands textes du XIe et des théoriciens, on parlera plutôt d'une
compilation.
Le Tractatus de musica est conservé à Paris B. N, Ms. lat. 16663. C'est l'unique manuscrit connu,
peut-être une copie réalisée « par des maîtres ou des étudiants pour leur propre compte ». Il est
composé de 94 feuillets de format 24,5 x 18 cm. La date de rédaction est postérieure à 1274 et
antérieure à 1306. En effet son premier possesseur connu, Pierre de Limoges, en fait don à la
Sorbonne à son décès. Ensuite le manuscrit figura parmi les livres publics de consultation usuelle, dans
la chapelle du collège jusqu'en 1615, parmi les œuvres d'astronomie, de mathématique, beaucoup
traduits de l'arabe.
Structure et contenu
Le traité est composé de trois parties réparties, en vingt-huit chapitres.
·            Enseignement fondamental (théorie, classification...) : ch. 1-9
·            Une musica plana (théorie des intervalles, modes, tonaire, nuances...) : ch. 10-25
·            Une musica mensurabilis : ch. 26
Outre des éléments structurants du traité (ch. 2 à 9) on retrouve des citations et paraphrases
nombreuses du De musica cum Tanario (v. 1100) de Jean d'Afflighem (appelé aussi John Cotton [2]),
mais souvent approximatives ou fragmentaires ; la reproduction intégrale de la Musica mensurabilis de
Pierre le Picard ; des citations de Jean de Garlande pour sa définition de la musique.
Jérôme emprunte aussi beaucoup à Boèce (v. 480-524/5), bien que l'ouvrage ne soit pas au
programme de la faculté des arts de Paris. Il reproduit notamment les livres deux à quatre du De
institutione musica, et le cite abondamment en ce qui concerne les livres un et cinq (la Sorbonne en
possédait deux copies). Le texte de Boèce a été composé « pour transmettre aux Latins l'essentiel de
la "philosophie" grecque ».
Jérôme tire aussi parti d'autres traités plus modestes en taille, tel le Speculum doctrinale de Vincent de
Beauvais, mais essentielle en référence (elle aussi Boécienne). Au chapitre VII, Subdivisiones musicæ
Ricardum, il cite Hugues de Saint-Victor, ainsi que les Étymologies d'Isidore de Séville (VI e-VIIe
siècles), le livre III (ch. 15-23), étant consacré entièrement à la musique (et déjà cité par Vincent de
Beauvais).
D'un point de vue plus doctrinal, on reconnaîtra l'influence d'Aristote dont les traités sont l'essentiel de
l'enseignement de la philosophia naturalis de la faculté. Il le cite trois fois précisément : De caelo et
mundo, De anima et le livre des Physiques. Il emprunte en outre à Thomas d'Aquin un long
commentaire du De caelo qui refuse toute idée d'harmonie des sphères (ch. 7).
 TRAITÉ DE MUSIQUE (commencement du XIIIe siècle)

« Jérôme de Moravie, ainsi désigné, parce qu’il était né dans la contrée qui porte ce nom, vécut au
commencement du XIIIe siècle, dans le couvent des Frères Prêcheurs de la rue Saint-Jacques, à Paris.
Il est auteur d’un Traité de Musique, resté inédit jusqu’à présent[1] et que l’on peut considérer comme
une sorte d’encyclopédie musicale de ce temps. Le manuscrit unique, qui contient ce traité, aujourd’hui
à la Bibliothèque nationale de Paris, sous le numéro 1817,[2] était autrefois à la Sorbonne. Il est
intitulé: Incipit tractatus a Fr. Hieronimo Moravo, Ordinis fr. Praedicatorum.[3] »

De Coussemaker ajoute plus loin, au sujet de la doctrine rythmique contenue dans l’ouvrage de
Jérôme de Moravie : « Ce qui concerne la valeur temporaire des notes dans le plain-chant pur paraît
avoir été en grande partie abandonné, pendant le moyen âge, à. l’enseignement pratique et
traditionnel, car aucun des écrivains sur la musique antérieure au XIII e siècle n’en parle d’une manière
ni assez complète ni assez détaillée pour qu’il soit possible d’en avoir une idée bien nette, bien précise.
[4] Jérôme de Moravie est le premier, à notre connaissance, qui ait traité cette matière avec
l’importance qu’elle comporte, dans le chapitre XXV de son Traité de Musique. On y trouve des
renseignements abondants et détaillés sur la durée des notes simples, liées et détachées; sur les
groupes de notes liées et détachées, tant en montant qu’en descendant, selon les positions qu’elles
occupaient dans les périodes musicales; à la fin, au milieu ou au commencement d’une période
complète ou incomplète. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que toutes ces modifications n’y sont
marquées par aucun signe séméiologique. Cette doctrine de la durée des notes est ensuite complétée
par celle non moins importante des ornements usités dans le plain-chant au XII e siècle. Ces ornements,
qui ne sont non plus indiqués par aucun signe de notation, la plique exceptée, se composaient de la
plique, de la réverbération et de ses diverses espèces, des fleurs longues, ouvertes et subites, du trille,
appelé nota procellaris. Jérôme de Moravie explique avec le plus grand soin dans quelles circonstances
et sur quelles notes se pratiquaient tous ces ornements.

Cet important chapitre est à lui seul un véritable traité sur le rythme et l’ornementation du chant
ecclésiastique au moyen âge. Il serait impossible d’en faire apprécier toute la valeur dans la faible et
brève analyse que nous pourrions en donner. Aussi ne l’essaierons-nous pas, dans la crainte de
déflorer ce sujet, qui demande un travail spécial et complet. Quand il sera connu dans toute son
étendue et avec les explications dont il a besoin d’être accompagné, alors seulement on pourra avoir
une idée des immenses ressources d’exécution, dont le plain-chant disposait au moyen âge pour
émouvoir ses auditeurs et faire pénétrer dans leur cœur les sentiments les plus nobles et les plus
élevés. Quand on connaîtra la prodigieuse variété de rythmes, les nombreux ornements dont le plain-
chant était pourvu, alors aussi on se figurera ce qu’il a pu être, pendant que ces traditions étaient en
pleine vigueur et à leur apogée. Le traité de Jérôme de Moravie nous révèle en grande partie tous ces
mystères. Quand on se transporte un instant par l’idée au temps où tout cela existait dans son éclat,
l’imagination reste éblouie du degré de grandeur, de noblesse et de sublime auquel avait atteint cet art
véritablement divin. »

J’ai voulu reproduire tout entier ce long passage dithyrambique du savant auteur de l’Histoire de
l’Harmonie au moyen âge, non comme l’expression de la vérité (hélas! qu’il en est loin !), mais parce
qu’il est comme le cri du cœur, chez l’un des partisans les plus déclarés du rythme égal dans le plain-
chant, en présence d’une doctrine déjà ancienne qui suppose, dans l’exécution des mélodies
grégoriennes, tout autre chose que la plate et insipide égalité des notes, sans variété de durées, sans
ornements du chant, sans rien de ce qui est couleur, mouvement et vie en musique. Cela prouve quel
besoin nous avons instinctivement de sentir le rythme dans les mélodies, mais un rythme qui soit
l’expression vraie de nos affections et de nos sentiments intimes, non une suite monochrome de sons
qui nous endorment.

Ce fameux chapitre XXV, je vais le transcrire en entier, avec les explications nécessaires pour le bien
comprendre. Après ce que nous savons de la vraie doctrine des anciens sur le rythme, on reconnaitra
facilement dans Jérôme de Moravie, non le fidèle interprète de cette doctrine qu’il n’a même pas
connue, mais plutôt le témoin inconscient de l’état de décadence et de corruption où était tombée dès
lors la musique ecclésiastique. Son traité n’en prouvera pas moins qu’au XIII e siècle on n’avait point
complètement perdu les traditions du IX e et du Xe en fait de rythme dans les mélodies grégoriennes,
mais que, sous l’in fluence d’habitudes nouvelles nées du contre-point, on s’ingéniait à donner au plain-
chant une variété et des agréments qui lui faisaient défaut, depuis qu’il avait perdu son rythme primitif.
Jérôme de Moravie nous fait connaître sur ce point les usages d’un certain nombre d’églises, en France
et dans les contrées adjacentes ; ailleurs, on faisait autrement, et nous verrons Simon Tunstede, au
siècle suivant, exposer une manière différente de diversifier et d’orner le chant. Hors de la seule vraie
tradition rythmique, que pouvait-il y avoir, sinon caprice et bigarrure ?
 HIERONYMO DE   JÉRÔME DE MORAVIE
MORAVIA
TRAITÉ DE MUSIQUE
DE MUSICA De Musica, a fr. HIERONYMO DE MORAVIA, Ch. XXV.

CAPUT XXV CHAPITRE XXV


Quoniam autem sic
« Entendu comme nous venons de le dire, le plain-chant
cantus, ut jam diximus,
ecclésiastique peut être considéré sous deux aspects
firmus sive planus,
distincts : 1° en tant qu’il subsiste par lui-même, c’est-à-
precipue ecclesiasticus
dire qu’il est exécuté sans aucun dédiant par un, deux, trois
cantus potest considerari
chanteurs ou davantage, ou même par tout le chœur ; 2° en
dupliciter : primo scilicet
tant qu’il est soumis au déchant. Nous parlerons donc
in quantum per se, id est,
d’abord du plain-chant en lui-même, de la manière de le
sine discantu, ab uno,
chanter et d’y former les notes et les pauses. Mais toute
duobus aut a pluribus, vel
manière de chanter, quelle qu’elle soit, se rapportant
etiam a toto choro canitur
nécessairement à la musique mesurée, nous devons
; secundo in quantum
auparavant expliquer ce qu’est cette dernière.
discantui subjicitur; ideo
de primo , id est, de
« La musique mesurée est donc celle qui détermine, selon
modo cantandi et
de justes proportions, la durée de toutes les notes, ou
formandi notas et pausas
encore : la musique mesurée est la science du chant auquel
ecclesiastici cantus
le temps harmonique sert de mesure. Le temps, comme
principaliter hic
nous l’entendons ici, est un son distinct pouvant être divisé
intendimus. Cum autem
en trois instants. L’instant est cette durée très petite et
modus cantandi omnem
indivisible, qui est requise pour qu’un son puisse être
cantum ad musicam
entendu clairement et distinctement. Les anciens
mensurabilem pertineat,
l’appelaient temps premier ; mais les modernes, ce semble,
primo quid ipsa sit, est
ont raison de mettre une succession dans le temps
dicendum.
harmonique, sujet au mouvement ; car tout mouvement est
Musica igitur produit selon une certaine ressemblance.[5]
mensurabilis est que
mensuram notarum « Le temps harmonique doit donc avoir quelque similitude
omnium probabili ratione avec le temps naturel. Or, naturellement parlant, il n’y a de
cognoscit; vel sic: musica succession que là où existe quelque mouvement, et il y a
mensurabilis est peritia succession dans le temps, parce qu’on y trouve un avant et
modulationis sono un après, un passé et un présent. Nous ne percevons le
cantuque consistens, temps, en effet, qu’en comptant dans le mouvement une
armonico tempore durée qui a précédé et une autre qui suit ; et ainsi le temps
mensurata. n’est autre chose que le nombre des avant et des après
dans le mouvement.
Tempus autem, prout
hic sumitur, est distinctus
« Puis donc que le temps harmonique est soumis à un
sonus resolubilis in tres
mouvement progressif, il faut nécessairement qu’il renferme
instantias. Instans vero
une succession, à savoir celle des trois instants, que les
hic sumptus est illud
anciens ne lui reconnaissaient pas, lorsqu’ils faisaient de
minimum et indivisibile,
leur temps premier quelque chose d’indivisible, c’est-à-dire
quod in sono auditus
un seul instant. En un certain sens pourtant, l’instant lui-
clare et distincte potest
même peut être appelé temps ; c’est ainsi qu’on dit
percipere.
vulgairement que le moment présent est un temps très
Quod etiam, apud court. Suivant cette manière de parler, l’opinion des anciens
veteres, dicebatur esse peut être admise, et quelquefois les modernes eux-mêmes
tempus. Sed en font usage, comme nous le verrons plus loin.
modernorum, ut videtur,
melior est opinio, qui « C’est donc le temps harmonique (divisible en trois
scilicet in tempore instants) qui est la commune mesure de toutes les notes en
armonico motui subjecto musique. Elles se divisent en longues et brèves. Mais il y a
successionem ponunt; trois sortes de longues : les premières simplement longues,
nam omnes transferentes les deuxièmes plus longues, et les troisièmes très longues. Il
secundum aliquam y a de même trois sortes de brèves : les brèves simples, les
similitudinem transferunt.
plus brèves ou semi-brèves, et les très brèves ou minimes.
Tempus igitur
annonicum tempori « Les notes longues ont une figure carrée avec une queue à
naturali debet aliqualiter
droite  les brèves, une figure carrée sans queue ■ ; les
assimilari; sed loquendo
semi-brèves ne sont ni queutées, ni carrées, mais en forme
naturaliter, successio non
invenitur, nisi in illis que de losanges .
sunt aliqualiter motui
subjecta ; prius enim et « Dans le chant ecclésiastique, la note longue vaut et doit
posterius causant valoir deux temps des modernes ou six des anciens (c’est-à-
temporis successionem. dire la valeur d’une thésis et d’une arsis réunies[6]) ; la plus
Ex hoc enim quod longue vaut trois temps des modernes et neuf temps des
numeramus prius et anciens ; la très longue, quatre temps des modernes ou
posterius in motu, douze temps des anciens.
apprehendimus tempus,
quod nihil aliud est quam « De même, la note brève, dans le chant ecclésiastique,
numerus prioris et vaut et doit valoir un temps des modernes ou trois temps
posterioris in motu. des anciens (une arsis ou une thésis) ; la semi-brève vaut
deux instants des modernes ou deux temps des anciens ; la
Cum igitur tempus très brève ne vaut qu’un instant des modernes, un temps
armonicum motui des anciens.
progressivo sit
subjectum, oportet « Cela supposé, voici les règles par rapport à ces différentes
omnino in ipso ponere notes Tout plain-chant ecclésiastique est composé
successionem trium premièrement et principalement de notes égales, c’est-à-
scilicet instantiarum, dire valant un temps des modernes ou trois temps des
quam veteres tollunt, anciens ; en d’autres termes, toutes les notes du plain-
ponentes aliquid chant sont brèves de leur nature, excepté cinq cas.
indivisibile tempus, unam
scilicet solam instantiam. « Première exception. — La première note d’un chant, celle
Potesti amen, licet qui le commence et qu’on appelle principale, est toujours
improprie , instantia dici longue. Mais il faut pour cela que le chant commence par la
tempus , sicut et finale du mode, sinon la première note est brève comme les
vulgariter dicitur, nunc autres.
temporis esse quoddam
tempus brevissimum; et « Deuxième exception. — Lorsqu’une syllabe porte plus
secundum hoc quantum d’une note, la deuxième de ces notes, appelée seconde de
ad aliquid antiquorum syllabe, est longue. A moins que cette seconde de syllabe ne
salvatur opinio. soit précédée ou suivie immédiatement d’une autre longue,
car alors elle est brève comme les autres.
Unde a modernis
quidem utitur, sed res
« Troisième exception. — Elle concerne les pliques, noies
ipsa non abjicitur. Sed
carrées avec une queue de chaque côté. Il y en a de deux
interdum recipitur, ut
sortes, les longues et les brèves. Quand la queue de droite
postea ostendetur. Hoc
est plus longue que celle de gauche, soit en montant, soit
igitur tempus armonicum
est mensura omnium
notarum qua scilicet en descendant, v. g. , la plique est longue.
unaqueque mensuratur Elle peut être simple ou liée. Nous venons de dire quelles
nola. Notarum autem alie sont la figure et la valeur de la plique simple. Les pliques
longe, alic breves. liées avec ces mêmes queues longues, soit en montant, soit
Longe : alie longiores, en descendant, à intervalle de tierce au moins et au-delà,
alie longissime. Breves sont dites pliques longues et liées, v. g.
vero : alie breviores, alie
brevissime. . Mais quand, au contraire, c’est
la queue de gauche qui est la plus longue, la plique est
Figura note longe est
quadrata et ex dextra
brève, soit en montant, soit en descendant : .
parte caudala, ut hec : . Sa valeur est donc celle des brèves ordinaires. Elle est
également simple ou liée. Cette dernière, dans le chant
Figura brevis note est
ecclésiastique, est formée de deux notes descendantes
quidem quadrata, sed
reliées l’une à l’autre à un intervalle de ton ou de demi-ton,
non caudata, ut hec : ■.
Figura semibrevis note
nec est quadrata, nec
mais pas au-delà, v. g. . La première note
caudata; habet enim
est brève comme les autres ; la deuxième est longue, si elle
expansos angulos, que et
rentre dans l’un des cinq cas exceptionnels ; sinon elle est
tesseronnata apud
brève, également comme les autres.
quosdam dicitur, ut hec :
♦.
« Quatrième exception. — L’avant-dernière note en toute
Nota longa, in cantu distinction est longue.
ecclesiastico sumpla,
habet et habere debet « Cinquième exception. — La dernière note avant une pose
duo tempora est longue, plus longue ou très longue. Elle est simplement
modernorum, resolvendo longue, c’est-à-dire de deux temps, avant une demi-pause
vero VI tempora ou pause brève d’un temps ; elle est plus longue, c’est-à-
antiquorum; longior, tria dire de trois temps, avant une pause entière ou longue qui
tempora modernorum, vaut deux temps ; elle est très longue, c’est-à-dire de
sed IX tempora quatre temps, avant la pause finale qui vaut trois temps.
antiquorum; longissima
vero quatuor tempora « Quelles sont les clefs[7] en chaque ton, pair ou impair, où
modernorum, sed XII il est permis de faire les pauses, soit librement, soit
tempora antiquorum. rarement, soit très rarement, et quelles sont celles où la
mélodie ne fait jamais de repos, on peut le voir dans la
Item nota brevis,
sumpta in cantu figure suivante.[8] Mais il faut avoir soin que les pauses
imparfaites soient complétées par d’autres pauses, et que
ecclcsiastico, habet et
habere debet unum les notes de repos le soient aussi par les notes qui
précèdent immédiatement (à intervalle de seconde), car
tempus modernorum,
resolvendo vero tria rarement et même très rarement la mélodie arrive à une
pause par intervalle de tierce.[9]
tempora antiquorum;
brevior duas instantias
« Or, voici les règles auxquelles sont soumises toutes les
modernorum vel duo
notes du chant ecclésiastique :
tempora antiquorum ;
brevissima vero unara
« 1° Lorsque, en dehors du texte, la suite des paroles étant
instantiam modernorum,
interrompue (c’est-à-dire dans les mélismes ou vocalises), il
que quidem, secundum
se rencontre quatre notes, soit en montant, soit en
modernos et antiquos,
descendant, liées ou divisées, alors la première est longue,
indivisibilis est, vel unum
la deuxième brève, la troisième, c’est-à-dire la pénultième
tempus antiquorum. De
de pause, et la quatrième ou dernière de pause sont plus
quibus omnibus tales
longues (chacune valant trois temps). Si les quatre notes se
dantur regule : omnis
répètent, c’est alors la première qui est brève, la seconde
cantus planus et
est longue, la troisième et la quatrième comme ci-dessus.
ecclesiasticus (1) notas
Ce changement de mode[10] rompt la monotonie et ajoute
primo et principaliter
au chant un certain ornement.
equales habet unius
scilicet temporis
« S’il se trouve cinq notes, on les variera de même, la
modernorum, sed trium
première étant toujours longue, la deuxième brève, la
temporum antiquorum ,
troisième semi-brève, la quatrième et la cinquième comme
id est, breves, exceplis
ci-dessus.
quinque.
Prima omnium est a « S’il y en a six, alors la première comme auparavant, la
qua unusquisque cantus deuxième, la troisième et la quatrième seront semi-brèves,
incipit, que et la cinquième et la sixième comme ci-dessus.
principaliter dicitur , que
semper est longa. Si « Quant aux notes descendantes, s’il s’en trouve plus de
tamen in finali cantus trois, alors la première, la deuxième, l’avant-dernière et la
existit, alias brevis est, ut dernière se conforment à ce qui a été ci-dessus ; les autres
cetere. seront très brèves.
Secunda est que etiam
« 2° Les notes liées dans la figure le doivent être aussi dans
secunda sillaba dicitur,
le chant, mais on séparera celles qui sont désunies. Cette
quando videlicet aliqua
séparation des notes n’est pas une pause, c’est simplement
sillaba plures habet notas
un soupir, c’est-à-dire une apparence de pause de la valeur
quam unam; tunc enim
secunda post primam est
d’un instant (ou tiers de temps).
longa. Si tamen aliqua ex
predictis V notis ipsam
« 3° Aucune brève ne se fait avec réverbération, mais
non precedit, vel non
seulement celles qui se trouvent dans l’un des cinq cas
subsequitur immediate ,
exceptionnels, et cela de diverses manières. Quelques-unes
alias brevis est, ut cetere.
sont répercutées à intervalle de demi-ton, d’autres à
Tertia nota est intervalle de ton, d’autres enfin de toutes les manières
quadrata quidem, sed usitées. Or, la réverbération consiste à attaquer la note au
utraque parte caudata, et moyen d’une autre note très brève qui la précède
est duplex : quando enim immédiatement.[11]
cauda dextra longior est
sinistra, sive ascendendo, « 4° Aucune note brève n’est florie, mais seulement les cinq
sive descendendo, plica notes exceptionnelles. Quelquefois cependant une note
brève se résout en ses trois instants.
longa dicitur, ut hic: .
« Or, la fioriture harmonique consiste dans une vibration de
Hec autem est duplex, la voix gracieuse, rapide et ondulée. Il y a trois espèces de
scilicet simplexet ligata. fioritures les longues, les ouvertes et les subites. On appelle
fioritures longues celles dont les vibrations sont lentes ;
De simplicibus jam
elles se font toujours à un intervalle de demi-ton. Les
patuit. Ligate vero sunt
fioritures ouvertes sont également des vibrations lentes (ou
cum dictis longioribus
plutôt moyennes, V. infra), mais à. l’intervalle de ton. Les
caudulis, sive in
fioritures subites commencent par des vibrations lentes,
ascendendo, sive in
elles se continuent et se terminent par des vibrations de
descendendo, tamen de
plus en plus rapides à intervalle de demi-ton.
tertia in tertiam ad
minus, et etiam ultraque
« On se rend très bien compte de ce que sont les fioritures
longe plice et ligate
et de leur différence sur les orgues. Lorsque nous jouons
une mélodie sur l’orgue et qu’il s’agit de fiorir une note, par
dicuntur ut hic : .  exemple G grave (SOL), nous tenons cette note ouverte
Quando vero e pour qu’elle continue à résonner, et en même temps nous
converso cauda sinistra faisons vibrer avec elle non la note qui est placée au
longior est dextra, plica dessous, c’est-à-dire le F (FA), mais la note supérieure, le a
brevis dicitur, et hoc sive (la). Il en résulte une harmonie très belle et très douce, que
ascendendo , sive etiam nous appelons fioriture harmonique.[12]
descendendo , ut hic :
« Lors donc que la clef (note) immobile et celle qui doit
vibrer sont distantes d’un demi-ton et que la vibration se
. fait lentement, c’est la fioriture longue. Si l’intervalle entre
les deux clefs est d’un ton, et que la vibration ne soit ni
Quare brevis est ut lente ni rapide, mais moyenne, c’est la fioriture ouverte. Si
cetere, hec similiter enfin l’intervalle est d’un demi-ton, mais que la vibration
duplex: scilicet simplex, d’abord lente, devienne progressivement plus rapide, c’est
utjam patuit, et ligata, alors la fioriture subite.
cum scilicet, due note
descendentes, tamen et « 5° Sur quoi il faut observer que ces fioritures ne se font
non plus quam ad tonum que sur les cinq notes exceptionnelles, et cela de plusieurs
et semitonium in manières. Les fioritures longues ne se font que sur la
ecclesiastico cantu première, l’avant-dernière et la dernière note, lorsqu’il se
trouve en montant un intervalle de demi-ton. La seconde de
ligatur, ut hic : . syllabe peut recevoir la fioriture ouverte, si on y arrive en
Nam prima brevis est, ut descendant par un intervalle autre que le demi-ton. Mais les
cetere, secunda longa; si fioritures subites ne se font que sur les pliques longues, et
tamen locum obtinet l’on place entre elles et la note qui suit immédiatement
dictarura quinque d’autres notes très brèves, pour la beauté de l’harmonie.
notarum, alias est brevis
ut cetere. « 6° La réverbération doit précéder les fioritures à
Quarta nota de l’intervalle de ton ou de demi-ton, ou de toute autre
quinque notis est manière ; excepté seulement la dernière note de pause, qui
penultima. est toujours répercutée à un intervalle de demi-ton et se
termine par une note procellaire, c’est-à-dire par une
Quinta est ultima vibration lente à intervalle de demi-ton, du genre des
uniuscujusque pause que
fioritures longues.[13]
est longa, non semper;
nam solum in pausa
« Or la note procellaire est ainsi appelée parce que, de
imperfecte dictionis, que
même que l’eau d’une rivière agitée par un vent léger
brevis est, ultima nota
ondule sans interruption du courant, ainsi la note procellaire
est longa, id est duorum
doit se faire dans le chant par une sorte de mouvement
temporum ; in pausa
apparent de la voix, mais sans interruption du son.
vero perfecte dictionis,
que est longa, duorum
« Voici maintenant la manière de chanter, usitée dans
scilicet temporum est
plusieurs églises des Gaules, non pour toutes sortes de
longior, scilicet trium
chants, mais pour un certain nombre. Quelques autres
temporum; in pausa
nations l’ont aussi adoptée, comme vraiment bonne. Il ne
autem orationis perfecte ,
nous déplait donc pas de nous y arrêter et d’en exposer les
que longior est, trium
points principaux. Nous n’aurions, d’ailleurs, ni bien ni
scilicet temporum, est
suffisamment traité ce sujet, si nous ne disions quelque
longissima temporum
chose de particulier sur les diverses manières dont une
scilicet quatuor.
mélodie peut être exécutée.
In quibus vero clavibus
libere raro, rarissime vel « 1° Unisson. — Lorsque l’unisson renferme plus de deux
nunquam in unoquoque notes, elles sont toutes brèves, excepté l’avant-dernière et
cantu tam imparis quam la dernière qui sont longues, et celle-ci avec réverbération.
etiam toni paris pausari Il en est de même, quand l’unisson est de deux notes
liceat, sequens figura seulement, sur une syllabe ou sur plusieurs, dans le même
demonstrat (2). mot ou dans des mots différents.
(Nihil deficit hic (3).)
« 2° Seconde. — Lorsque deux notes, unies ou séparées,
Ita tamen quod pause forment un intervalle de ton ou de demi-ton, on les unit en
per pausas et note intercalant une troisième note qui se joint à la seconde et
pausationum per notas qui est appelée note médiane. La note médiane est le plus
immediate antecedentes souvent une semi-brève l’unisson de la première.[14]
perficiantur, cum raro vel Quelquefois cependant on la fait brève ; elle se résout alors
autem rarissime pausari en trois instants et il semble qu’il y ait entre les deux notes
contigerit per tertias principales comme un mouvement descendant très rapide.
antecedentes. Omnes Quelquefois aussi, lorsque les deux notes sont séparées et
autem note ecclesiastici descendantes, ils font de la première une plique longue
cantus talibus regulis supérieure, en ajoutant comme ci-dessus la médiane. Mais
astringuntur. Primo si les notes montent, ils font la réverbération sur la seconde.
quidem quod,
quandocunque extra « 3° Tierce. — Lorsque deux notes liées ou séparées sont
sillabas et dictiones, distantes d’un intervalle de tierce mineure ou majeure, la
metro scilicet interrupto, seconde s’unit à la première par l’intermédiaire de la note
sunt quatuor note sive médiane, qui est une semi-brève ou même une brève se
descendentes, sive etiam résolvant en trois instants. Parfois cependant, de deux notes
ascendentes, solute vel descendantes, la première devient plique longue inférieure
ligate, tunc prima est sur le même degré que la médiane et de celle-ci on fait la
longa, secunda brevis, réverbération sur la seconde, comme auparavant. C’est le
tertia, id est penultima contraire, si les notes sont ascendantes ; ou bien, ce qui est
pause, et quarta, id est le plus ordinaire, on se contente de la réverbération sur la
ultima, sunt longiores. seconde.
Si vero iterato
« 4° Quarte et quinte. — De deux notes descendantes à
geminentur, prima erit
intervalle de quarte, la première est une plique longue
brevis, secunda longa,
inférieure, à l’intervalle de seconde ; la note médiane est
tertia et quarta, sicut
sur la tierce et elle amène la réverbération sur la quarte. En
prius, eo scilicet quod
montant, on ne fait que la réverbération sur la quarte. Pour
varialio modi fastidium
l’intervalle de quinte, quelques-uns font la même chose que
tollit, et ornatum inducit.
pour la quarte ; mais plus communément, en descendant,
Si vero fuerint quinque on fait la réverbération d’un ton plein au-dessus de la
note, tunc similiter quinte. Elle n’a pas lieu en montant, ni pour l’intervalle de
variantur, eo quod quinte ni pour aucun des autres intervalles usités (sixte et
semper prima est longa, octave).
secunda brevis, terlia
semibrevis, quarta et
« Quant aux fioritures, les Français les emploient toutes
quinta, sicut prius.
indifféremment et aussi les pauses, qu’ils font égales, soit
Si autem sex note longues, soit brèves. Les groupes de notes sont séparés par
fuerint, tunc prima, des pauses ; ils séparent de même les prépositions et les
secunda, tertia et quarla conjonctions du reste de la phrase.
sunt semibreves sicut
prius, quinta et sexta, « Une note seule, correspondant à un monosyllabe ou à une
sicut antea. syllabe d’un mot est toujours longue, lorsqu’elle se trouve
entre deux pauses ou entre deux notes de modes
Si vero plures fuerint
rythmiques différents (inter notas moderatas seu variatas).
in descensu trium, tunc
prima, secunda,
« Deux ou trois notes seules sont également longues,
penultima et ultima sicut
lorsqu’elles descendent directement et même avec
prius, cetere existunt
circonflexion. Mais dans les notes montantes, la première
brevissime.
est semi-brève, les autres sont longues.
Secundo, quod note in
figura conjuncte « Lorsque trois notes descendent et qu’à la troisième est
conjungantur in cantu , jointe une quatrième note à l’unisson, la troisième est semi-
sed disjuncte solvantur; brève et aussi la première, d’après quelques-uns. La
que quidem disjunctio seconde et la quatrième sont longues.
non pausa, sed suspirium
dicitur, et nihil aliud est « Lorsque quatre notes montent ou descendent directement,
quam apparentia la première, la troisième et la quatrième sont toujours
pausationis, sive longues ; la seconde est brève ou semi-brève. Ils observent
existentia unius scilicet la même chose, si les quatre notes sont suivies de quatre
instantis. autres, ce qui fait huit notes dans le chant.
Tertio, quod nulla nota
« S’il y a cinq notes qui se suivent, la première est longue,
brevis cum
les autres comme nous venons de le dire. S’il y en a six, les
reverberatione sumatur,
deux premières sont longues et l’on fait une pause, ou bien
nisi dicte quinque note
la seconde est brève ou semi-brève, et les autres comme ci-
que singulariter
dessus. S’il y a sept notes, la première, la troisième, la
mensurantur; que tum
quatrième, la sixième et la septième sont longues, les
diversi mode sumuntur.
autres à l’ordinaire.
Nam alique ex eis cum
reverberatione sub specie « Ils aiment en outre à joindre aux notes ecclésiastiques le
scmitonii, alique sub mode organique, ce qui est praticable avec le premier mode.
specie toni, alique vero [15] Ils se plaisent également au mélange du genre
cum reverberatione diatonique et des deux autres genres, par l’usage qu’ils font
omnium aliorum du dièse enharmonique et du trihémiton chromatique.[16]
modorum.
« Ils remplacent souvent les demi-tons par des tous et les
Est autem reverberatio
tous par des demi-tons ; en quoi ils ne sont pas d’accord
brevissime note ante
avec le reste des nations chrétiennes. Ils rejettent
canendam notam
communément les notes procellaires, prétendant que les
cclerrima anticipatio, qua
autres peuples qui en usent ont tous des voix chevrotantes.
scilicet mediante sequens
assumitur.
« Mais en voilà assez sur la manière dont les Français ont
Quarto, quod nulla coutume de chanter les notes et de faire les pauses dans le
nota brevis floreatur, sed plain-chant ecclésiastique.
solum note singulariter
mensurate; aliquando « Observons, d’ailleurs, que l’une et l’autre manières de
tamen in tres instantias chanter le plain-chant doivent être employées avec une
nota brevis resolvitur. certaine discrétion. Car de s’en servir à tout propos, sans
faire attention ni à la qualité des voix, ni au degré des
Est autem flos
féries, c’est un abus, non un usage raisonnable. On ne doit
armonicus decora vocis
s’en servir qu’aux dimanches et aux jours de fêtes
sive soni celerrima
principales. Dans toute autre circonstance, il faut sans doute
procellarisque vibratio.
garder la même méthode, mais en changeant les notes
Florum autem alii longues en semi-brèves et les semi-brèves en très brèves,
longi, alii aperti, alii vero c’est-à-dire en remplaçant les temps des modernes par les
existunt subiti.
Longi flores sunt
temps des anciens.
quorum vibratio est
morosa, metasque
« Ainsi, pour chanter convenablement le plain-chant à deux,
semitonii non excedit.
à trois ou à plusieurs, cinq choses sont surtout nécessaires
Aperti autem sunt aux chanteurs.
quorum vibratio est
morosa, metasque toni  « 1° Qu’ensemble ils prévoient ce qu’ils devront chanter, et
non excedit. qu’ils conviennent entre eux quelle sera la valeur du temps
harmonique, celle des anciens ou celle des modernes.
Subiti vero sunt
quorum quidem vibratio
« 2° Quelque bons chanteurs qu’ils soient tous, il faut
in principio est morosa, in
néanmoins qu’ils choisissent parmi eux un préchantre,
medio autem et in fine
directeur du chant, auquel ils s’accordent tous avec le plus
est celerrima, metasque
grand soin, ne faisant rien que comma lui, soit dans les
semitonii non excedit.
notes, soit dans les pauses. Cela est d’un très bel effet.
Horum autem florum
qualitas simul et « 3° Pour le plain-chant, on ne doit pas mélanger les voix
diversitas in organis dissemblables, c’est-.-dire celles que l’on appelle
ostenditur, hoc modo. vulgairement voix de poitrine, voix de gosier et voix de tête,
parce que les premiers forment leurs notes dans la poitrine,
Quando enim aliquem
les deuxièmes dans le gosier, les troisièmes dans la tête.
cantum tegimus in
D’ordinaire, les voix basses et fortes sont de poitrine ; les
organis, si aliquam notam
voix légères et élevées sont de tête ; celles du gosier sont
ejusdem cantus florizare
moyennes entre les deux. On ne mêlera donc pas ces trois
volumus, pula G in
sortes de voix dans le chant, mais il faut joindre ensemble
gravibus, tunc ipsa
celles qui sont de même espèce, les voix de poitrine aux
aperta immobiliterque
voix de poitrine, celles de gosier aux voix de gosier, et celles
detenta, non sui
de tête aux voix de tête. — Mais comme c’est de la poitrine
inferiorem inmedietate,
que les voix tirent surtout leur force, il est nécessaire :
puta F grave, sed potius
superiorem a, scilicet
« 4° De ne commencer jamais à chanter sur un ton
acutum, vibramus: ex
tellement élevé — surtout quand ce sont des voix de tête
quo pulcherrima armonia
qui chantent — qu’au moins la note la plus basse du chant
decoraque consurgit,
n’appartienne à la voix de poitrine. On évitera donc de
quam quidem florem
chanter ou trop bas, ce serait mugir, ou trop haut, ce serait
armonicum appellamus.
crier, mais sur un ton moyen, ce qui est vraiment chanter,
Quando igitur claves en sorte que la voix se puisse conformer au chant, et non le
immobiles cum vibratione chant à la voix. Autrement, il est impossible de bien former
semitonium constituunt, les notes.
et ipsa vibratio est
morosa, tunc est flos qui « 5° Si quelqu’un désire apprendre beaucoup de belles
dicitur longus. Quando notes, il se fera une règle de ne mépriser aucun chant, fût-
autem includunt tonum, ce le plus rustique, mais de les écouter tous avec attention.
et vibratio nec est Car, de même que la roue d’un moulin rend parfois un son
morosa, nec subita, sed parfaitement distinct, bien qu’elle ignore ce qu’elle fait ;
media inter ista, est flos ainsi il est impossible qu’un être raisonnable, qui s’efforce
apertus. de rendre bons tous ses actes, n’arrive pas une fois ou
l’autre à former une note juste et belle. Lors donc qu’on
Quando vero
aura entendu une de ces notes agréables, on s’efforcera de
constituunt quidem
la reproduire fréquemment, jusqu’à s’en faire une habitude
semitonium, scd vibratio
et l’avoir toujours à sa disposition.
in agressu sit morosa , in
progressu autem et
« Le plus grand obstacle aux belles notes, c’est la tristesse
egressu sit celerrima,
du cœur ; il n’y a qu’un cœur joyeux à pouvoir bien chanter.
tunc est flos qui subitus
Les caractères mélancoliques possèdent souvent des voix
appellatur.
belles et sonores, mais il ne leur est guère possible de s’en
Quinto igitur est servir pour chanter agréablement. »
notandum, quod dicti
flores non debent fieri in *******************************
aliis notis, preterquam in
V singulariter mensuratis,  
sed differenter. Nam
longi flores fieri debent in
prima, penultima et
ultima nota, in ascensu
semitonium intendente ;
si vero aliquem aliorum
modorum in descensu,
constituunt flores apertos
quos et nota secunda
sillabe debet habere; sed
flores subitos, non alia
quam plica longa. Inter
quam et immediate
sequentem note
brevissime ponuntur ob
armonie decorem.
Sexto, quod ipsos
flores reverberatio
precedere debet sub
specie toni vel semitonii,
sive cujuscunque modi in
omnibus quidem V nolis,
excepta ultima que sub
specie semitonii
reverberatione assumit;
sed in nota procellari
finitur, que quidem nihil
aliud est quam vocis sive
soni sub specie semitonii
lenta vibratio, quare
manat de longarum
genere florura.
Procellaris autem
dicitur, eo quod sicut
procella fluminis aura levi
agitata movetur sine
aque interruptione. Sic
nota procellaris in cantu
fieri debet cum
apparentia quidem
motus, absque tamen
soni vei vocis
interruptione. Hunc
cantandi modum non
quidem in omnibus, sed
in aliquibus quidam
gallicorum observant, in
quo quidem cum plures
delectentur nationes (4),
eoquod solidus sit, de
eodem quedam
substantiatiora non piget
exprimere.
Non videtur autem
alias bene nec sufficienter
fore dictum, nisi de modis
omoibus ex quibus omnis
cantilena contexitur
singulariter specialiterque
diceretur. De unisono
igitur primo et
principaliter est
dicendum: unisonus si
plures quam duas habeat
notas, omnes sunt
semibreves, excepta
penultima et ultima que
cum reverberatione
sumitur ab ipsis; quod
etiam cum due note sunt
unisone, servatur unius
syllabe vel plurium, unius
vel plurium dictionum.
Item cum per
semitonium vel tonum
due note distant, sive
ligate , sive sint solute ,
mediante tertia secunde
conjuncta , junguntur ;
que etiam nota dicitur
mediata, semibrevis est
ut frequenter, primaque
unisona aliquando tamen
est brevis, scilicet cum
resolvitur in tres
instantias ex quo quidam
descensus sensui apparet
inter dictas duas notas
celerius. Aliquando etiam
de prima nota solutarum
descendentium tamen
faciunt plicam longam
sursum, mediatis
interjectis, ut prius. In
ascensu vero
reverberationem faciunt
supra secundam.
Item cum per
semiditonum vel ditonum
distant ligate vel solute
due note, secunda,
mediante semibrevi vel
etiam brevi, cum in tres
resolvitur instantias,
conjunguntur in cantu.
Aliquando tamen in
descensu de prima fit
plica longa deorsum
usque ad mediam a qua
reverberatio sumitur ad
tertiam, ut prius; et e
converso in ascensu. Vel
quod comraunius est, fit
reverberatio supra
tertiam.
Item cum distant per
diatessaron in descensu,
de prima fit plica longa
deorsum usque ad
secundam; a tertia vero
reverberatio fit ad
quartam; in ascensu vero
fit reverberatio supra
quartam. De diapente
apud quosdam idem fit,
quod et diatessaron tam
scilicet in ascensu quam
in descensu, sed
coramunius in descensu
fit reverberatio toni supra
quintam. Nulla vero fit in
ascensu quod et de
omnibus fit modis (5) qui
sequuntur.
Floribus omnibus et
indifferenter utuntur (6)
pausis omnibus equalibus
vel longis vel brevibus.
Notas ligatas pausis
distinguunt; similiter
prepositiones et
conjunctiones a
dictionibus. Una sola nola
dictioni monosillabe, vel
alteri sillabe, inter duas
pausas, vel inter notas
moderatas seu variatas
correspondens, semper
est longa. Due, sive sint
ligate, sive non, similiter;
et etiam tres directe
descendentes, vel etiam
circumflexe. Ascendentes
vero , prima semibrevis,
cetere sunt longe.
Item si tres fuerint
descendentes et tertie
quarta fuerit unisona,
tertia est semibrevis et
etiam prima, secundum
aliquos. Secunda vero et
quarta, ambe sunt longe.
Item cum quatuor nole
directe ascendunt sive
descendunt, semper
prima, tertia et quarta
sunt longe ; secunda
brevis vel etiam
semibrevis. Quod etiam
de quatuor et quatuor
notis faciunt, cum octo
note dicto modo in cantu
existunt.
Quando quinque prima
longa, alie modo quo
diximus.
Quando sex, prime
due sunt longe cum
pausa, vel secunda
brevis, vel semibrevis
sine pausa , cetere ut
prius.
Quando vero sunt
septem , prima , tertia ,
quarta, sexta et septima
sunt longe, cetere ut
prius.
Gaudent insuper cum
modum organicum notis
ecclesiasticis admiscent
quod etiam non abjicit
primus modus , necnon
et de admixtione
modorum duorum
generum relictorum. Nam
diesim enarmonicam (7)
et triemitonium
chromaticum genus
diatonico associant.
Semitonium loco toni
et e converso
commutant, in quo
quidem et a cunctis
nationibus in cantu
discordant.
Notas procellares
communiter abjiciunt (8),
unde et omnes nationes
eisdem utentes voces
tremulas dicuntur habere.
In quibus quidcm dictis
finaliter dictorum modus
cantandi et formandi
notas et pausas cantus
ecclesiastici concluditur.
Hic autem uterque
modus cantandi scilicet et
formandi notas et pausas
ecclesiastici cantus magis
et minus pro tempore
observatur.
Si quis enim
indifferenter utitur ipso,
non discernens vocum
imbecillitates et ipsos
dies feriales, non uti sed
potius abuti dictis modis
diceretur. Solum enim in
dominicis diebus et festis
precipuis, modi, quos
diximus, sunt tenendi. In
pro festis vero diebus
modus quidem omnino
idem quantum, scilicet ad
V notas speciales (9)
formaliter commutatis
tamen longis notis in
semibreves et
semibrevibus in
brevissimas, necnon et
commutatis temporibus
modernorum in tempora
antiquorum est tenendus.
Ut igitur tam ordinate
simul et debite a duobus
vel etiam a pluribus
cantetur cantus
ecclesiasticus, quinque
sunt cantantibus
necessaria.
Primum est, ut cantus
cantandus diligenter
simul ab omnibus
prevideatur, et in ipsa
qualitate sive quantilate
armonici temporis, vel
secundum antiquos, vel
etiam secundum
modernos, unanimiter
conveniant.
Secundum est, ut
quantumcunque sint
omnes equaliter boni
cantores, unum tamen
precentorem et
directorem sui
constituant ad quem
diligentissime attendant;
et non aliud quam ipse,
sive in notis, sive etiam
in pausis, dicant. Hoc
enim est pulcherrimum.
Tertium est, ut voces
dissimiles in tali cantu
non misceant, cum non
naturaliter, sed vulgariter
loquendo , quedam voces
sint pectoris , qucdam
gutluris, quedam vero
sint ipsius capitis.
Voces dicimus pectoris
que formant notas in
pectore ; gulturis que in
gulture ; capitis autem
que formant notas in
capite.
Voces pectoris valent
in gravibus ; gutturis in
acutis; capitis autem in
superacutis.
Nam communiter
voces grosse et basse
sunt pectoris; voces
subtiles et altissime sunt
capitis; voces vero inter
has medie sunt ipsius
gutturis. Nulla igitur ex
his alteri ligatur in cantu,
sed vox pectoris
pectorali, gutturis
gutturali, capitis autem
capitali.
Quoniam autem
omnes voces vigorem
consequuntur ex pectore,
ideo quarto necessarium
est ut nunquam adeo
cantus alte incipiatur,
precipue ab habentibus
voces capitis, quin ad
minus unam notam
ceteris bassiorem pro
fundamento sue vocis
statuant in pectore, et
nec nimis basse, quod est
ululare, nec nimis alte,
quod est clamare , sed
mediocriter quod est
cantare, ita scilicet ut non
cantus voci, sed vox
cantui ducetur, semper
incipiant. Alias pulchre
note formari non possunt.
Si quis autem plures
pulchras notas scire
desiderat, hoc pro regula
teneat, ut nullius etiam
rudissimi cantum
despiciat, sed ad cantum
omnem diligenter
attendat, quia cum
molaris rota discretum
aliquando reddat
stridorem, ipsa quid agat
nesciens, impossibile est
quod aliud rationale
cupiens omnes suos
actus in debitum finem
dirigere, quin aliquando
saltem a casu et a
fortuna debitam et
pulchram notam faciat.
Cumque sibi
placentem notam
audierit, ut ipsam in
habitu habeat, diligenter
retineat. Precipuum
autem impedimentum
faciendi pulchras notas
est cordis tristitia, eo
quod nulla nota valet nec
valere potest; que vero
procedit ex cordis
hilaritate propter quod
melancolici pulchras
quidem voces habere
possunt, pulchre vero
cantare non possunt.
 
 

[1] In margine codicis :


Quod hic dicitur non est
contrarium ei quod dicitur
infra, sicut ibi notatur in
margine (Videatur p. 95,
nota 1).

(2) In margine codicis :


Que habetur in magna
scedula in parte superiori
ipsius scedule , scilicet
specialiter in figura
rotunda octo tonorum
que est in quadam parva
scedula.

(3) Uncinis clausa scripta


sunt ab alia manu.

(4) In margine codicis :


Secundus motus
cantandi.

(5) In margine codicis :


Scilicet diapason et aliis.

(6) Item : Scilicet predicti


Gallici.

(7) In margine codicis .


De quibus supra cap. IX.

(8) Item : Predicti Gallici.

(9) In margine codicis:


De quibus supra, in pag.
99, col. 1, patet.

Tel est le chapitre XXV du traité de Jérôme de Moravie. Il est intéressant à plus d’un
titre, et c’est pourquoi j’ai tenu à le transcrire d’abord tout entier, sans interruption. Il
faut y revenir cependant et noter un certain nombre de points qui ont leur importance
dans l’histoire du rythme grégorien.

On aura remarqué que ce chapitre renferme : 1° une sorte d’introduction sur les
rapports entre la musique figurée et le plain-chant ecclésiastique, au point de vue du
rythme et de la valeur des notes ; 2° un corps de doctrine, ou exposition des systèmes
adoptés au XIIIe siècle pour l’exécution du plain-chant ; 3° quelques observations et
conseils, en forme de conclusion, sur les conditions que doivent remplir tous bons
chanteurs, s’ils veulent réussir à bien chanter. Un mot sur chacune de ces trois parties ne
sera pas sans utilité.

…………………………………………………………………………………………………………..
 

[1] De Coussemaker l’a publié depuis dans le tome I des Script. de Musica, etc., 1865.

[2] Actuellement, il est inscrit: fonds latin, numéro 16663 de Musica tractatus fr.
Hieronymi de Moravia.

[3] De Coussemaker, Hist. de l’Harm., 1ère p., ch. VIII.

[4] Le lecteur sait que penser de cette assertion de Coussemaker. Mais il est vrai qu’à
cette époque (1852) on connaissait fort peu la doctrine des anciens sur le rythme
musical et qu’ainsi les auteurs du moyen âge avant le XIIe siècle restaient obscurs.

[5] AXIOME SCOLASTIQUE : Omnes tranferentes secundum quamdam similitudinem


transferunt.

[6] Voir en fin de texte, le tableau où sont représentées ces valeurs des notes, d’après J.
de Moravie.

[7] Les clefs, c’est-à-dire les lignes où sont placées les lettres indicatrices des sons : clef
de F, ligne du Fa ; clef de C, ligne de l’ut, etc… Les clefs, dont il est question ici, sont
donc les degrés de la gamme modale, sur lesquelles la mélodie fait régulièrement ses
repos. Cette phrase et la suivante, qui la complète, sont insérées ici comme une note, à
propos des pauses du chant.

[8] La figure fait défaut dans le manuscrit ; mais ce point des repos mélodiques est assez
connu par les auteurs qui ont écrit avant Jérôme de Moravie.

[9] Ce passage n’est pas très compréhensible. A moins que l’auteur ne veuille dire qu’il
faut dans le chant conserver toujours la régularité de la mesure, en sorte que les temps
qui manquent d’un côté, soit dans les notes, soit dans les pauses, se retrouvent ailleurs
et qu’ainsi les pauses se complètent par les pauses et les notes par les notes. Mais
comment cela se faisait-il ? Il ne le dit nulle part et je ne le vois pas bien.

[10] Il s’agit du mode rythmique, l’un des cinq ou des six usités alors en musique. Cf.,
plus loin, le traité de J. Hothby.

[11] Voir plus loin, le tableau des valeurs de notes, d’après J. de Moravie.

[12] C’est le trille de notre musique moderne.

[13] Bien qu’assez semblable aux fioritures longues, la nota procellaris n’était cependant
pas considérée comme fioriture et tous ne l’admettaient pas dans le plain-chant, comme
Jérôme de Moravie le dira plus loin.

[14] Voir le tableau des valeurs de note, deuxième manière.

[15] Mode rythmique composé tout de longues.

[16] « Voilà une observation qui eût singulièrement, s’il l’avait connue, confirmé feu
Vincent dans la supposition qu’il avait faite de l’usage du quart de ton dans le plain-
chant. Il se fondait alors sur un passage du manuscrit de Montpellier inexactement
reproduit dans la copie de Th. Nisard, opinion qu’il a dû abandonner lorsque, à vue de
l’original, je l’ai averti de sa méprise. L’abbé Raillard, qui l’avait adoptée, fut plus tenace
que lui. (Voir à ce sujet une note de mon travail sur le chant byzantin.)

« Des observations et recommandations qui suivent, on doit conclure que c’est une
illusion complète de s’imaginer que le peuple, au moyen âge, prenait part à l’exécution
du chant, et que c’est l’introduction de la musique qui le réduisit au silence. » (St.-M.)

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