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marocain
2018
PUBLICATIONS
DE LA REVUE MAROCAINE
D’ADMINISTRATION LOCALE
ET DE DEVELOPPEMENT
118
Contentieux administratif
marocain
Michel ROUSSET
Professeur émérite à la Faculté de Droit de Grenoble
2018
Publications de la REMALD
Collection « Manuels et Travaux Universitaires »
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Maroc Etranger
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Publications de la REMALD
Collection « Manuels et Travaux Universitaires »
o N° 1, 1997
L’action publique
Miloudi HAMDOUCHI
o N° 2, 1997
Le droit de la santé au travail
Ahmed BOUHARROU
o N° 3, 1998
L’agent comptable au Maroc
Abdelfettah BENNANI
o N° 4, 1998
La nouvelle Constitution marocaine
Abdelaziz LAMGHARI
o N° 5, 1998
La Chambre des conseillers : seconde chambre du parlement
Mohammed BENYAHYA
o N° 6, 1998
Le loyer des locaux à usage professionnel et d’habitation
Larbi MYAD
o N° 7, 1998
L’expertise judiciaire à la lumière du code de procédure civile et de la jurisprudence
Khalid CHERKAOUI SMOUNI
o N° 8, 1999
Histoire de l’Etat et des institutions au Maroc
Mohammed EL YAAGOUBI
o N° 9, 1999
La santé au Maroc entre le service public et la profession libérale
Lhassane BOUZIANI
o N° 10, 1999
Le régime juridique de l’enquête policière
Miloudi HAMDOUCHI
o N° 11, 1999
Droit judiciaire privé
Hammadi MANNI
o N° 12, 1999
L’Administration décentralisée au Maroc
Abdellah EL MOUTAOUAKIL
o N° 13, 1999
Les grands services publics
Abdellah MOUTAOUAKIL
o N° 14, 2000
La Région à l’heure de la décentralisation
Abderrahim FADIL
o N° 15, 2000
Le régime juridique des associations au Maroc
Abdelaziz MIAGE
o N° 16, 2000
Entreprise et gestion de la taxe sur la valeur ajoutée au Maroc
Mohamed BOUSSETTA et Mohammed RIYAD
o N° 17, 2000
Le logement de fonction
Larbi MYAD
o N° 18, 2000
Droit constitutionnel et situations de crise
Abdelaziz LAMGHARI
o N° 19, 2000
L’Administration marocaine et les exigences de développement
Abdallah CHANFAR
o N° 20, 2000
Pouvoirs et Etat au Maroc
Mohamed GALLAOUI
o N° 21, 2001
La gestion des biens publics en droit marocain
Maria HOUEM
o N° 22, 2001
Le régime fiscal local en droit marocain et comparé
Ahmed HADRANI
o N° 23, 2001
La fiscalité du chiffre d’affaires de la société (taxe sur la valeur ajoutée, TVA)
Soufiane DRIOUACH
o N° 24, 2001
Les partis politiques marocains à l’épreuve du pouvoir
Jean-Claude SANTUCCI
o N° 25, 2001
La fonction législative dans les Etats du Maghreb arabe
Sidi Mohamed OULD SIDEBBE
o N° 26, 2001
Les mémorandums constitutionnels
Abdelaziz LAMGHARI
o N° 27, 2001
La réforme constitutionnelle marocaine dans la durée
Najib BA MOHAMMED
o N° 28, 2001
La structure financière des entreprises au Maroc
Saâdia BOUTAHLIL-BEKKALI
o N° 29, 2001
Le Conseil constitutionnel au Maroc
Abdelaziz NOUAYDI
o N° 30, 2001
Evolution du mouvement syndical au Maroc
Yahya BOUQENTAR
o N° 31, 2001
La responsabilité du banquier dans l’octroi du crédit aux entreprises en difficulté en droit
marocain
Abdelhak NACIRI BENNANI
o N° 32, 2002
Entreprise privée et économie sociale au Maroc
Saâdia BOUTAHLIL-BEKKALI
o N° 33, 2002
Economie : fondements et équilibres
Abdallah ALAOUI AMINI
o N° 34, 2002
La Sûreté nationale marocaine
Miloudi HAMDOUCHI
o N° 35, 2002
Le taux d’imposition marginal effectif au Maroc
Saâdia BOUTAHLIL-BEKKALI
o N° 36, 2002
La protection du consommateur au Maroc
Abderrahim BENDRAOUI
o N° 37, 2002
Droits de l’Homme et libertés publiques au Maroc, entre les aspirations au changement et la
contrainte de la conjoncture politique
Ali KARIMI
o N° 38, 2002
Essai de modélisation de la fiscalité au Maroc
Saâdia BOUTAHLIL-BEKKALI
o N° 39, 2002
Le régime politique marocain. Approche de l’expérience de la Constitution de 1996
Ahmed HADRANI
o N° 40, 2002
Politiques des prix, environnement concurrentiel et compétitivité des entreprises
El Mostapha BAHRI
o N° 41, 2003
Histoire de la pensée économiqu
Saïd DKHISSI
o N° 42, 2003
Droits de l’Homme et libertés publiques
M’faddel SMIRES
o N° 43, 2003
Droit de la concurrence et circuits de distribution au Maroc
Lahsen LOUCHAHI
o N° 44, 2003
L’Etat à l’épreuve du social, cas du Maroc
Fouad M. AMMOR
o N° 45, 2003
L’ambivalence salutaire : essai sur la logique du conflit et de la coopération au Maghreb
Hassan HAMI
o N° 46, 2003
Droits de l’Homme et libertés publiques au Maroc
Ali KARIMI
o N° 47, 2003
Les procédures administratives non contentieuses
Mohamed EL AARAJ
o N° 48, 2003
Le délit de presse en droit marocain
Miloudi HAMDOUCHI
o N° 49, 2003
Le droit fiscal marocain
Mohamed CHAKIRI
o N° 50, 2003
Recherches sur les nouveautés de la justice administrative
Jilali AMAZID
o N° 51, 2004
L’administration en droit public musulman
Abdallah HARSI
o N° 52, 2004
Modes de gestion des services publics au Maroc
Mohamed EL AARAJ
o N° 53, 2004
Droit de l’attroupement
Miloudi HAMDOUCHI
o N° 54, 2004
Eléments de la théorie générale de droit constitutionnel
Ahmed ESSALMI EL IDRISSI
o N° 55, 2004
L’astreinte comme moyen d’exécution des décisions juridictionnelles en matière administrative
Ahmed SAYEGH
o N° 56, 2004
Le nouveau Code de procédure pénale annoté
Habib BIHI
o N° 57, 2004
Droit de la manifestation
Miloudi HAMDOUCHI
o N° 58, 2005
L e régime des contrats administratifs selon les décisions et jugements de la justice
administrative marocaine
Mohamed EL AARAJ
o N° 59, 2005
Le droit fiscal marocain
Mohamed CHAKIRI
o N° 60, 2005
Contribution à la doctrine du droit constitutionnel marocain
Mohammed Amine BENABDALLAH
o N° 61, 2005
La peine privative de liberté en droit marocain et comparé
Laila ABOULOULA
o N° 62, 2005
L e contentieux relatif à l’assiette et au recouvrement de l’impôt devant les juridictions
administratives
Mohamed KASRI
o N° 63, 2005
Territorialisation des politiques publiques
Fatima CHAHID
o N° 64, 2006
Introduction au droit public musulman
Abdallah HARSI
o N° 65, 2006
Les méthodes de travail du juge constitutionnel au Maroc. Etude socio-juridictionnelle
(en langue arabe)
Abderrahim EL MANAR ESSLIMI
o N° 66, 2006
La responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle dans le droit marocain du protectorat
(1913-1956) (en langue française)
Michel MUSONS
o N° 67, 2006
Le contrôle de l’action gouvernementale au Maroc (en langue arabe)
Abdelghani AABIZA
o N° 68, 2006
La responsabilité civile, pénale et disciplinaire du médecin au Maroc (en langue française)
Leïla BEN SEDRINE ECH CHERIF EL KETTANI
o N° 69, 2006
L’organisation administrative (en langue française)
Abdallah HARSI
o N° 70, 2007
Economie : fondements et équilibres (en langue française)
Abdallah ALAOUI AMINI
o N° 71, 2007
Le régime juridique du mariage
Al Hassan RHOU
o N° 72, 2007
La problématique de l’investissement foncier entre les exigences du droit et les enjeux
du développement (en langue française)
Latifa BAHOUS
o N° 73, 2007
Le régime des contrats administratifs et des marchés publics selon les décisions et jugements
de la justice administrative marocaine
Mohamed LAARAJ
o N° 74, 2007
La délégation de pouvoirs en droit du travail
Miloudi HAMDOUCHI
o N° 75, 2007
La condition du parlementaire au Maroc entre la notion juridique et la conception de la société
El Habib EDDAQAQ
o N° 76, 2007
Le droit de l’emploi au Maroc (en langue française)
Ahmed BOUHARROU
o N° 77, 2008
Contribution à la doctrine du droit administratif marocain (Tome I, en langue française)
Mohamed Amine BENABDALLAH
o N° 77 bis, 2008
Contribution à 1a doctrine du droit administratif marocain (Tome II, en langue française)
Mohamed Amine BENABDALLAH
o N° 78, 2008
Interférence des compétences de l’Etat et des collectivités locales entre le droit et la pratique
(en langue arabe)
Mohamed BOUJIDA
o N° 79, 2008
La protection juridique et judiciaire de la concurrence dans les marchés de l’Etat (en langue
arabe)
Jilali AMAZID
o N° 80, 2009
La justice administrative marocaine (en langue arabe)
Hassan SAHIB
o N° 81, 2009
Droit du domaine public au Maroc (en langue arabe)
Mounia BENLAMLIH
o N° 82, 2009
Les actes du pouvoir exécutif insusceptible du recours juridictionnel en droit marocain et
comparé (en langue arabe)
Mohammed Ahmed JILANI
o N° 83, 2010
Histoire des relations internationales du Maroc des origines au début du XXe siède – Essai de
synthèse (en langue française)
Abdellah RAGALA OUAZZANI
o N° 84, 2010
Découpage du territoire et politique régionale au Maroc : vers le fondement d’une
régionalisation politique (en langue arabe)
Abdelkbir YAHYA
o N° 97, 2013
L’assurance maladie obligatoire dans le secteur public entre les ambitions du texte et les défis
du contexte (en langue arabe)
Soukaïna EL EDGHIRI
o N° 98, 2013
Lecture dans les décisions du Conseil constitutionnel rendues dans le cadre de la nouvelle
Constitution (en langue arabe)
Hamid RBII
o N° 99, 2013
Responsabilité de l’Etat et des collectivités territoriales dans la pratique de la justice
administrative au Maroc (en langue arabe)
Mohammed EL AARAJ
o N° 100, 2013
L’institution du Wali et Gouverneur et les perspectives de la déconcentration administrative au
Maroc (en langue arabe)
Abdelfattah EL BJIOUI
o N° 101, 2013
Les modes de gestion des services publics au Maroc (en langue arabe)
Mohammed EL AARAJ
o N° 102, 2013
La police administrative et la problématique de la proportionnalité entre le maintien de l’ordre
public et la protection des libertés (en langue arabe), 2e édition
Mohamed EL BAADDIOUI
o N° 103, 2014
Contentieux administratif marocain (en langue française)
Michel ROUSSET et Mohammed Amine BENABDALLAH
o N° 104, 2014
L’activité administrative
Mohammed EL AARAJ
o N° 105, 2014
Le Printemps arabe et le constitutionnalisme
Lecture dans les expériences : le Maroc, la Tunisie et l'Egypte
Mohammed EL AARAJ
o N° 106, 2014
Interpellation sur les réformes. Rôle de l’intelligentsia
Mohamed HADDY
o N° 107, 2015
Contributions politiques et constitutionnelles marocaines et comparées
Najib BA MOHAMMED
o N° 108, 2015
Responsabilité de l'Etat et des collectivités territoriales dans la pratique de la justice
administrative au Maroc
Mohammed EL AARAJ
o N° 109, 2015
Le service public au Maroc
Michel ROUSSET et Mohammed Amine BENABDALLAH
o N° 110, 2016
Les instances de gouvernance dans la Constitution : contexte, structures et fonctions
Hassan TARIQ
o N° 111, 2016
La problématique du règlement intérieur du Parlement à la lumière de la Constitution :
étude constitutionnelle analytique
Rachid MEDOUAR
o N° 112, 2016
Droit à la santé : état des lieux et perspectives : étude comparée
Saâd REGRAGUI
o N° 113, 2016
L’organisation administrative marocaine à la lumière des nouveautés de la nouvelle Constitution
Mounia BENLAMLIH
o N° 114, 2017
Les particularités de la faute médicale
Docteur Boubekri MOHAMMADIN
o N° 115, 2017
Etudes et commentaires de certains contentieux de la justice administrative marocaine
Mohamed BAHI
o N° 116, 2018
o N° 117, 2018
Mohammed EL AARAJ
Première partie
Le juge de l’administration et la procédure
administrative contentieuse
Chapitre I : Histoire de la juridiction compétente en matière
administrative
Section I : Le système traditionnel de protection des administrés
Section II : Les réformes judiciaires de 1913
Section III : Les réformes de l’indépendance
Section IV : La création des tribunaux administratifs
Section V : La création des cours d’appel administratives
Chapitre II : La procédure administrative contentieuse
Section I : Les caractères généraux de la procédure
Section II : L’instance
Section III : Les voies de recours
Section IV : Les procédés non juridictionnels de règlement des litiges
Deuxième partie
Le domaine du contentieux administratif
Chapitre I : Le problème du critère de compétence
Section I : Le critère organique
Section II : Le critère matériel
Chapitre II : Le critère du service public
Section I : La gestion privée du service public
Section II : La gestion du service public par des personnes privées
Chapitre III : Les exceptions au critère du service public
Section I : Le problème de la voie de fait
Section II : L’exception d’illégalité
Section III : Les exceptions diverses
20 Contentieux administratif marocain
Troisième partie
Les recours contentieux
Titre I : Le recours en annulation pour excès de pouvoir
Chapitre I : Les caractères généraux du recours en annulation pour
excès de pouvoir
Section I : C’est un recours qui existe de plein droit
Section II : Le recours n’est pas suspensif
Section III : Le recours pour excès de pouvoir est un recours en annulation
Chapitre II : Les conditions de recevabilité du recours pour excès de
pouvoir
Section I : Les conditions tenant à la qualité du requérant
Section II : Les conditions tenant à la nature de l’acte attaqué
Section III : L’exception de recours parallèle
Chapitre III : Les moyens d’annulation : les cas d’ouverture du recours
pour excès de pouvoir
Section I : L’irrégularité externe de l’acte administratif
Section II : L’irrégularité interne de l’acte administratif
Titre II : Le recours en indemnité
Chapitre I : Les problèmes généraux de la responsabilité en matière
administrative
Section I : La naissance de la responsabilité de la puissance publique
Section II : L’interprétation des textes et le problème du régime de la
responsabilité de la puissance publique
Chapitre II : Les cas de responsabilité
Section I : La responsabilité pour faute de service
Section II : La responsabilité sans faute
Chapitre III : La réparation du préjudice
Section I : L’action en indemnité
Section II : L’imputabilité
Chapitre IV : La responsabilité personnelle des fonctionnaires
Section I : La faute personnelle
S ection II : Les rapports de la responsabilité personnelle et de la
responsabilité administrative
justice et puisse défendre « ses droits et ses intérêts protégés par la loi »,
ainsi que le rappelle l’article 118-1° alinéa de la Constitution.
Le succès même des juridictions administratives de premier degré et,
par voie de conséquence, celui de l’appel, a été tel qu’il a rendu nécessaire
la création des cours administratives d’appel par la loi n° 80-03 du
14 février 2006 afin de mettre un terme au retard des jugements en appel
qui incombaient alors à la seule Chambre administrative de la Cour
suprême, devenue Cour de Cassation. Désormais, deux Cours
Administratives d’Appel ont reçu cette mission sous le contrôle de la
Chambre administrative qui pourra désormais être saisie par la voie du
recours en cassation créé par la même loi.
Enfin la loi n° 08-05 du 30 novembre 2007 a donné naissance à
l’arbitrage et à la médiation, nouveaux procédés de règlement des
différends qui peuvent se produire dans les relations des personnes
publiques et de leurs partenaires et usagers des services publics. Cette
innovation vient ainsi compléter la panoplie des mécanismes de règlement
des litiges nés de l’action administrative.
L’importance du développement institutionnel de la justice administrative
au Maroc ne doit pas masquer un autre fait majeur de ces deux dernières
décennies : l’enrichissement de la jurisprudence. Celle-ci a enregistré
d’incontestables progrès dans la défense des droits des justiciables ; qu’il
s’agisse de la censure de l’excès de pouvoir ou de l’admission de la
responsabilité des collectivités publiques, tandis que le commentaire des
décisions dans les revues spécialisées en assurait la diffusion et en facilitait
la compréhension.
Tout ceci nous conforte dans l’opinion que nous avions sur l’utilité de
la connaissance des mécanismes du contentieux administratif ; en effet, si
sa cause est fondée et si ses conseils savent utiliser les mécanismes de la
procédure et le raisonnement juridique qui les sous-tend, le requérant peut
obtenir satisfaction en s’adressant au juge.
Il est désormais établi que la régularité du fonctionnement de
l’administration fera de grands progrès grâce à la banalisation du recours
au juge. Mais pour atteindre cet objectif il faut largement diffuser cette
réalité et la connaissance des techniques qui permettent de la saisir afin
que l’usage des recours ne soit pas seulement réservé à une minorité. Il
est évident que la connaissance de la jurisprudence est essentielle parce
Grenoble – Rabat,
Février 2014
Eléments de définition
Le terme contentieux vient du mot latin contentiosus qui signifie
« querelle », « débat », « discussion », donc contestation. En langue arabe,
l’idée de contestation est également présente, on parle de « nizaâ » dont le
pluriel est « mounazaâte » ; le terme évoque le litige, le conflit, le différend,
et, par là, la notion de contestation.
L’expression « contentieux administratif » désigne donc, dans une
première acception, l’ensemble des litiges qui peuvent naître de l’activité
administrative ; que cette activité soit juridique, acte unilatéral ou contrat,
ou matérielle, par exemple, travaux publics.
Mais, dans un sens plus large, l’expression « contentieux administratif »
désigne l’ensemble des procédés juridiques permettant d’obtenir la solution
juridictionnelle des litiges que suscite l’activité administrative, et c’est
dans ce sens large que nous l’étudierons ici.
L’étude du contentieux présente un intérêt à deux points de vue.
1. Le contentieux permet en effet de découvrir ce que l’on peut
qualifier de pathologie de l’administration ; l’administration commet des
abus, des erreurs ; elle fait preuve d’ignorance, d’inertie ou au contraire de
précipitation excessive, etc. ; ainsi, elle cause des préjudices qui peuvent
être la conséquence d’une illégalité ou d’une activité matérielle. C’est
alors de l’activité de l’administration et de son déroulement anormal que
naît le contentieux qui se présente comme le révélateur des irrégularités
d’un système, voire de l’arbitraire de ceux qui en sont responsables et,
partant, en rapport avec les administrés.
Sans aucun doute, l’étude de cette pathologie est fort utile ; cependant
elle ne doit pas faire perdre de vue l’autre aspect de l’administration, son
26 Contentieux administratif marocain
côté positif, celui d’une administration qui fait face à ses obligations dans
de bonnes conditions : l’administration qui enseigne, soigne, construit,
assure l’ordre, la sécurité et le bien-être de ses usagers. Mais il n’en reste
pas moins qu’en s’acquittant de toutes ces obligations, elle peut causer des
préjudices juridiques ou matériels qui, inévitablement, donnent lieu à
contentieux.
2. D’un autre côté, l’étude du contentieux présente également un intérêt
du point de vue juridique puisqu’elle nous conduit à analyser les techniques
juridiques mises en œuvre pour assurer le règlement des litiges par le
recours au juge.
Ces techniques juridiques sont constituées par des recours juridictionnels,
des procédures qui permettent d’organiser le procès et la confrontation
équitable des points de vue ; c’est aussi le jugement et les règles qui
permettent d’en obtenir l’exécution.
C’est enfin le recours à l’arbitrage récemment admis par la loi n° 08-05
du 30 novembre 2007 intégrée dans le chapitre VIII du titre V du code de
procédure civile.
Sous cet angle, le contentieux administratif s’identifie à la justice
administrative, c’est-à-dire aux procédés juridictionnels qui ont pour but
d’assurer la protection de l’administré contre l’administration.
Le recours au juge apparaît ainsi comme un moyen d’obtenir justice
contre l’administration.
Ceci dit, le recours au juge n’est pas le seul moyen de résoudre les
litiges qui peuvent naître de l’action de l’administration. Il existe en effet
des procédés non juridictionnels de solution des différends : ce sont les
recours administratifs, gracieux ou hiérarchiques, ou les recours devant les
organismes d’appel qui examinent les réclamations des administrés,
fréquents en matière fiscale, ou encore devant Wali Al Madhalim, devenu
le médiateur, et qui permettent de donner satisfaction aux réclamants. Les
litiges ainsi réglés n’iront pas devant le juge.
Néanmoins, si l’utilité de ces procédés est incontestable, il est essentiel
que l’administré puisse, s’il le souhaite, faire appel au juge, à un juge
indépendant, notamment de l’administration, pour lui soumettre le litige
qui l’oppose à l’autorité administrative.
(1) C’est sur la base du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires que
s’est édifiée toute la justice administrative, laquelle a donné naissance au droit administratif.
Proclamé au lendemain de la Révolution française par la loi des 16-24 août 1790, puis réitéré par le
décret du 16 fructidor an III, ce principe avait interdit au juge judiciaire de connaître de quelque
manière que ce soit des opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs
pour raisons de leurs fonctions. C’est la pratique de la théorie de l’administration-juge consistant à
soumettre tout litige avec l’administration à celle-ci elle-même en la personne du chef de l’Etat, qui
combla le vide créé par l’interdiction au juge de troubler l’action administrative. En 1806, sous
Napoléon, est créée la section contentieuse du Conseil d’Etat qui exerça la justice retenue jusqu’en
1872 où c’est la loi du 24 mai de la même année qui institua la justice déléguée et le tribunal des
conflits, faisant ainsi du Conseil d’Etat une juridiction statuant souverainement sur les recours en
matière contentieuse administrative et sur les demandes d’annulation pour excès de pouvoir. C’est
alors la confirmation de la dualité de juridiction et l’amorce d’une jurisprudence féconde où le
Tribunal des conflits et le Conseil d’Etat, sous l’œil approbateur ou critique d’une doctrine
vigilante, ont tous deux créé les règles et les principes qui constituent les composantes de cette
discipline qu’est le droit administratif. Sur le marché des échanges internationaux des inventions
juridiques, ce droit s’avéra un des meilleurs produits d’exportation.
(2) C’est évidemment en application du traité du 30 mars 1912 et par le biais du protectorat que le
droit administratif est apparu au Maroc. Les réformes entreprises se sont traduites par des
changements immenses et profonds de la configuration du système en place. Dans ce cadre, un
dahir du 12 août 1913 institua l’organisation judiciaire et posa les premiers jalons du droit
administratif marocain. L’article 8 de ce dahir, dont l’esprit n’était pas sans rappeler celui de la loi
française des 16-24 août 1790, interdisait aux tribunaux civils d’ordonner des mesures dont l’effet
serait d’entraver l’action administrative et confiait les litiges y afférant aux juridictions françaises
instituées à l’époque. Par la force des choses, sous l’influence si ce n’est le poids de la nombreuse
législation dont le déversement n’avait, comme on disait, de limites de celles de l’imprimerie
officielle, et à la faveur des textes fortement marqués par ceux qui servaient d’inspiration à leurs
auteurs, ces juridictions nouvellement mises en place ont jeté les bases d’un droit administratif aux
traits bien identiques à ceux du droit administratif français.
(3) A. Demichel, Le droit administratif: Essai de réflexion théorique, L.G.D.J. 1978.
(4) A. Mahiou, Cours de contentieux administratif, Office des publications universitaires, Alger,
1981.
Il faut donc améliorer la formation des futurs avocats et, à cet égard,
on peut s’étonner de constater que l’enseignement du contentieux
administratif soit absent des programmes suivis en filière de science
juridique (droit privé) d’où proviennent principalement avocats et
magistrats !
– Ceci nous conduit alors à une troisième remarque relative aux
exigences de formation aux techniques du contentieux administratif que
l’on peut imposer aux futurs avocats et qui sont à plus forte raison valables
pour les futurs magistrats. Nous verrons en effet que dans le procès
administratif, le juge a un rôle accru qu’il ne peut jouer correctement que
s’il est parfaitement au fait du droit applicable – le droit administratif –
mais aussi de la vie administrative, des conditions concrètes dans lesquelles
fonctionnent les appareils administratifs et les organes qui les composent.
Si le juge méconnaît ces diverses données, la “justice” rendue s’en
ressentira naturellement et les justiciables, administrés mais aussi
administrations, en concluront qu’ils n’ont pas été bien jugés. La méfiance
du justiciable ne peut ainsi que nuire au développement du contrôle
juridictionnel de l’administration et à la protection de l’administré.
Ces diverses considérations conduisent à affirmer que, malgré les
défauts qu’il peut présenter, le système de contrôle juridictionnel de
l’administration est indispensable pour assurer cette protection ; le système
peut être perfectionné, il doit aussi être “popularisé” afin de pouvoir
remplir le double rôle de défense de l’individu et de “conscience” de
l’administration.
C’est dans cette optique que l’on présentera le système de contrôle
juridictionnel de l’administration en trois parties :
– Première partie : Le juge de l’administration et la procédure
administrative contentieuse.
– Deuxième partie : Le domaine du contentieux administratif.
– Troisième partie : Les recours contentieux :
• le recours en annulation pour excès de pouvoir ;
• le recours en indemnité.
Section I
Le système traditionnel de protection
des administrés
Dans le système de droit public musulman, la protection des administrés
repose sur le principe de la justice retenue dans les mains du chef de la
40 Contentieux administratif marocain
(7) « Enquête sur les corporations musulmanes d’artisans et de commerçants au Maroc », Revue du
monde musulman, Paris, 1925, p. 104.
(8) R. Iraqi, La protection des administrés en droit public musulman : le cas du Maroc avant le
protectorat, mémoire de D.E.S., Casablanca, 1983, p. 167.
Section II
Les réformes judiciaires de 1913
Les réformes introduites par le protectorat vont naturellement s’inspirer
du système juridique français, mais il ne s’agit pas d’une inspiration
exclusive et encore moins d’une transplantation pure et simple des
institutions judiciaires de la France, mais plutôt d’une transposition. C’est
ce que l’on vérifiera en examinant les réformes qui ont donné naissance à
la nouvelle organisation judiciaire et posé les bases du contentieux
administratif.
(9) O. Azziman, « Les institutions judiciaires » in la Grande encyclopédie du Maroc, tome I, Les
institutions 1987, p. 151.
C. Le droit applicable
L’interprétation littérale des textes que nous avons cités ne conduisait
pas de façon évidente à appliquer à l’administration des règles différentes
du droit commun ; l’expression « en matière administrative » pouvait fort
Section III
Les réformes de l’indépendance (11)
La sagesse consistait à procéder à une évaluation réaliste de ce qui,
dans l’administration et le système juridictionnel mis en place par le
protectorat, devait être supprimé ou modifié sans délai, ce qui pouvait
subsister pendant une période transitoire et, enfin, ce qui devait être
conservé. Ce fut la méthode choisie par les premiers gouvernements du
Maroc de nouveau indépendant sous la direction de Mohammed V.
En ce qui nous concerne, la décision fut prise de conserver le système
mis en place en 1913 dans toute la mesure où cela était compatible avec la
souveraineté nationale.
Le système juridictionnel de 1913 va être complété en 1957, il sera
nationalisé et rationalisé en 1965-1967, il sera enfin perfectionné en 1974.
Ce sont ces trois étapes qu’il convient de retracer.
Mais la dernière étape constituée par la création des tribunaux
administratifs, puis, plus tard, par celle des cours d’appel administratives,
fera l’objet d’une quatrième section en raison de son importance.
(11) Indépendance nationale et système juridique : l’exemple du Maroc, Actes du colloque des
27-28 mars 1998 en hommage au professeur Michel Rousset, Presses universitaires de Grenoble et
éditions la Porte, Rabat 2000 ; M.J. Essaïd, Introduction à l’étude du droit, 4e éd. 2010, p. 343.
suprême dira qu’il est ouvert de façon générale contre de telles décisions,
sauf s’il fait l’objet d’une exclusion expresse par le législateur (12).
B. La deuxième raison résulte de la création du recours en annulation
pour excès de pouvoir.
Ce recours peut être porté devant la Cour suprême ; il peut être dirigé
contre les décisions des autorités administratives et, dans ces conditions,
l’interdiction faite aux juridictions ordinaires d’accueillir des recours
tendant à faire annuler les actes administratifs trouve un fondement
logique.
Au sein de la Cour suprême, sont créées des chambres spécialisées, et
notamment une chambre administrative qui est saisie des recours en
cassation en matière administrative et des recours en annulation pour
excès de pouvoir. Mais cette chambre, comme les autres d’ailleurs, malgré
leur spécificité, ne constituent pas des juridictions ; le législateur a
d’ailleurs pris le soin d’indiquer que « toute chambre peut valablement
statuer sur tous recours ».
La division en chambres correspond seulement aux exigences de la
division du travail et de la spécialisation des magistrats. Elle ne met
absolument pas en cause l’unité de la Haute juridiction.
C. Enfin la troisième raison réside dans le fait que le dahir de 1957
laisse intact le dahir de 1913 et le principe de séparation des autorités
judiciaire et administrative.
La Cour suprême ne va d’ailleurs pas tarder à consacrer l’autonomie
du contentieux administratif.
C’est en effet ce qu’elle fait dans un arrêt Consorts Félix (13) dans
lequel elle rappelle que les juridictions doivent déterminer au début de
l’instance, in limine litis, si elles se trouvent ou non en matière ordinaire
ou en matière administrative.
(12) C.S.A. 18 mars 1977, Abdelhafid Kadiri, rapporté en sommaire dans le Guide des agents
d’autorité, tome II, p. 773. Cette exclusion serait vraisemblablement déclarée contraire à la
constitution si le Conseil constitutionnel était saisi en raison de l’atteinte portée à un principe
fondamental de l’organisation judiciaire. Et nous verrons qu’il en serait de même si le législateur
s’avisait d’exclure le recours pour excès de pouvoir en raison cette fois de l’atteinte à un principe
constitutionnel, le principe de légalité.
(13) C.S.A. 4 décembre 1958, Consorts Félix, R. p. 164.
justice au nom du Roi et que le pouvoir de juger est l’un des attributs
essentiels de la souveraineté étatique.
Ce sont ces diverses considérations qui ont conduit certaines formations
politiques à déposer une proposition de loi qui fut votée à l’unanimité.
Cette loi prévoit l’unification, la marocanisation et l’arabisation de la
justice ; en revanche, l’unification du droit ne pouvait être que partiellement
réalisée.
B. La marocanisation
Elle signifie que désormais nul ne peut exercer la fonction de magistrat
s’il ne possède la nationalité marocaine.
Il y avait alors une centaine de magistrats étrangers en fonction dans
les juridictions, ils continueront pendant un certain temps à travailler
comme conseillers techniques auprès de certains magistrats et dans
certaines juridictions.
C. L’arabisation de la justice
Désormais « seule la langue arabe est admise devant les tribunaux
marocains, tant pour les débats et les plaidoiries que pour la rédaction des
jugements ».
Cette disposition va avoir des conséquences sur l’exercice de la
profession d’avocat ; les avocats étrangers ne pourront plaider que s’ils
s’expriment en arabe ; certains seront contraints de partir, d’autres resteront
associés à des avocats marocains, d’autres enfin, connaissant l’arabe,
continueront à exercer.
Mais l’arabisation, parfaitement légitime dans son principe, n’a pas eu
l’influence bénéfique que l’on escomptait dans sa mise en œuvre. Le
nombre de magistrats convenablement formés était insuffisant pour faire
face à ce qui représentait le fonctionnement d’une justice complexe. Outre
cela, elle a eu un effet plutôt négatif sur la quasi publication des décisions
de justice, et plus encore sur les commentaires et les études doctrinales qui
étaient jusqu’alors le fait de recueils ou de revues paraissant en langue
française ; elles cessèrent de paraître, et il a fallu attendre un certain temps
avant que le relais ne soit pris par des revues en langue arabe ou de
nouvelles revues en langue française. Cela dit, il est entendu que ce n’est
pas l’arabisation qu’il faut incriminer, mais plutôt la manière dont elle a été
conduite et qui s’est avérée complètement dépourvue de soins dans son
application.
D. L’unification du droit
En raison du caractère religieux du statut personnel, l’unification du
droit ne pouvait pas être totale.
Mais en dehors de ce domaine, c’est le droit moderne qui va continuer
à s’appliquer et spécialement le droit administratif dans les affaires
relevant de la matière administrative.
La réforme qui entre en application le 1er janvier 1966 va se heurter à
différents obstacles qu’elle n’a pas réussi à surmonter.
– Insuffisance du nombre des magistrats.
§3. L
es réformes de 1974 et leurs incidences sur le contentieux
administratif
Le diagnostic porté sur le système juridictionnel aboutit au constat
suivant :
Les magistrats sont trop peu nombreux et témoignent d’une insuffisante
familiarité avec le droit et la procédure modernes.
Les juridictions sont trop peu nombreuses pour permettre aux
justiciables potentiels de les saisir ; la carte judiciaire rend la justice
difficilement accessible, et son caractère complexe l’éloigne plus encore
du justiciable. Le seuil géographique et le seuil socioculturel se conjuguent
pour écarter le justiciable du prétoire.
Enfin, la lenteur de la justice et son caractère trop souvent vénal
entraînent une « fuite » devant la justice officielle et le recours aux divers
procédés informels de règlement des litiges tels l’arbitrage et les règlements
coutumiers. La justice privée l’emporte désormais sur la justice officielle.
Les réformes ont pris la mesure du problème et vont tenter d’y faire face.
Les textes :
– dahir portant loi relatif aux juridictions communales et d’arrondis-
sement, 15 juillet 1974, B.O. 1974, p. 1090 ;
– dahir portant loi sur l’organisation judiciaire, 15 juillet 1974, B.O.
p. 1081 ;
1. La compétence
L’article 18-1° du C.P.C. fait du tribunal de première instance le juge
de droit commun en toute matière, y compris en matière administrative.
Cette attribution de compétence est formulée en termes généraux à la
différence de ce qui résultait de l’article 8 du D.O.J. qui procédait par
énumération, nécessairement limitative, des chefs de compétence des
juridictions de 1913. Sans doute, cette énumération ne laissait-elle pas
grand chose en dehors de la compétence du juge, mais il s’était parfois
produit quelques difficultés portant notamment sur le point de savoir si les
marchés ou l’expression “tous actes” recouvrait les contrats de fonction
publique et les conventions d’assistance technique. Avec donc la formule
plus globale de l’article 18 du C.P.C., de tels problèmes ne peuvent plus se
poser.
Cette compétence générale n’est cependant reconnue aux nouvelles
juridictions que dans les mêmes limites qu’auparavant. Certes, l’article 8
du D.O.J. est abrogé, mais l’article 25 du C.P.C. reprend le principe de
séparation des autorités administratives et judiciaires dans des termes
voisins :
(19) Il faut dire qu’avec l’institution du contrôle de la constitutionnalité des lois par la révision
constitutionnelle de 1992, cette interdiction a trouvé une justification tout à fait compréhensible
dans la mesure où il y a désormais une instance spécialisée en la matière.
(20) M.A. Benabdallah, Du contrôle de la constitutionnalité des décrets réglementaires autonomes,
REMALD n° 53, 2003, p. 9 et Contribution à la doctrine du droit administratif marocain,
REMALD, Coll. « Manuels et Travaux universitaires » n° 77, vol. II, p. 295.
2. La procédure
La réforme entraîne peu de changements, car en matière administrative
elle demeure écrite, comme auparavant, même en première instance. On
doit cependant souligner l’inconvénient du juge unique qui n’offre
naturellement pas les mêmes garanties de qualité qu’une juridiction
collégiale.
On signalera une innovation dans le contentieux de l’excès de pouvoir
qui résulte de la disparition de l’obligation du recours administratif
préalable dans le délai extrêmement bref d’un mois.
Désormais, le recours administratif est facultatif, et le délai du recours
contentieux est porté à 60 jours à compter de la publication ou de la
notification de la décision administrative. Naturellement, si le recours
administratif est intenté dans ce délai, celui-ci est prorogé dans les mêmes
conditions qu’auparavant, et le délai de recours contentieux ne commence
à courir que du jour où la décision de rejet du recours administratif est
acquise.
C. L
a constitution de 2011 et le renforcement de l’indépendance du
pouvoir judiciaire
La Constitution consacre un Titre VII au Pouvoir judiciaire et non plus
seulement à l’autorité judiciaire voulant ainsi marquer l’importance toute
particulière qui lui est désormais attachée face aux autres autorités
constitutionnelles. Deux lois organiques mettent en œuvre les principes
posés par la constitution : la loi organique n° 106-13 du 24 mars 2016, B.O.
2016, p. 1313, portant statut des magistrats, et la loi organique n° 100-13 du
24 mars 2016, B.O. 2016, p. 1299 relative au Conseil supérieur du pouvoir
judiciaire. Sans entrer dans le détail de ces deux lois, il convient toutefois
d’insister sur le fait que l’indépendance du pouvoir judiciaire et
(21) En effet, par l’article 50 de la loi n° 41-90 instituant les tribunaux administratifs, le législateur
a abrogé le deuxième alinéa de l’article 25 en le remplaçant par la formule suivante : « Il est
également interdit aux juridictions de se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi ». Il n’est plus
question de décret !
Section IV
La création des tribunaux administratifs (22)
La création des tribunaux administratifs constitue une innovation très
importante dans la mesure où elle semble avoir pour conséquence la
disparition d’un trait caractéristique du système juridictionnel marocain
qu’est l’unité de juridiction (23). Celle-ci avait survécu aux diverses
réformes introduites depuis le recouvrement de l’indépendance et semblait
avoir acquis droit de cité en raison de sa simplicité. Le même juge
accueillait les recours en matière ordinaire et en matière administrative.
Le système juridictionnel marocain faisait en quelque sorte figure de
modèle-type ; il avait d’ailleurs inspiré de nombreuses expériences
étrangères, notamment en Côte d’Ivoire et en Algérie.
Il est d’autre part certain qu’il était perfectible et que des solutions
auraient pu être trouvées aux défauts qu’il présentait.
(22) Dahir du 10 septembre 1993 portant promulgation de la loi n° 41-90 instituant les tribunaux
administratifs, B.O. n° 4227 du 3 novembre 1993, p. 595.
(23) M.A. Benabdallah, Les tribunaux administratifs : à propos d’une loi en gestation, R.J.P.E.M.
n° 24, 1990, p. 177 ; M. Rousset, La création des tribunaux administratifs au Maroc : vers la fin de
l’unité de juridiction, R.J.P.I.C. n° 2-3, 1991, p. 245 ; du même auteur, La création des tribunaux
administratifs et le système marocain de protection des administrés face à l’administration, RJPIC,
n° 1, 1995, p. 1.
Une des critiques qui était invoquée à son encontre, depuis longtemps
déjà, consistait à dire que l’unité était plus postulée que réelle.
Les juridictions statuant en matière administrative présentaient des
particularités sur le plan organique et sur le plan de la procédure qui
conduisaient ses détracteurs à affirmer qu’il y avait en réalité dualité de
juridiction. A. de Laubadère l’avait observé, et il avait écrit que les
juridictions marocaines abritaient en réalité deux juges selon qu’elles
statuaient en matière ordinaire ou en matière administrative. Il est vrai
qu’il n’y a pas identité du procès en matière ordinaire et administrative :
– l’appel est toujours possible en matière administrative ;
– le recours en cassation jusqu’en 1956 n’était ouvert que dans
certaines conditions au seul ministère public ;
– il n’existe pas de voie d’exécution à l’encontre des collectivités
publiques ;
– les administrations n’ont pas l’obligation de recourir à l’office d’un
avocat, etc.
Il existe en matière administrative une obligation de communiquer au
Ministère public les causes impliquant une personne publique.
Certains ont même estimé, après 1957, que la création de la chambre
administrative de la Cour suprême traduisait l’existence « camouflée »
d’une dualité de juridiction négligeant l’affirmation législative selon
laquelle « toute chambre peut valablement juger toute affaire ».
Ce qu’il faut retenir de cela, c’est qu’unité de juridiction n’a jamais
signifié identité du contentieux ordinaire et administratif.
Malgré des différences incontestables dans le procès, il demeure
profondément vrai que l’on avait affaire à un seul ordre de juridiction qui
présentait le grand avantage pour le plaideur de n’avoir face à lui qu’un
seul juge.
Certes, il était possible de se tromper sur la nature de l’affaire. Mais
cela ne se produisait que dans les cas les plus délicats et, en outre, les
conséquences de l’erreur n’étaient pas graves ; c’est le juge qui redressait
l’erreur puisqu’il devait déterminer in limine litis s’il statuait en matière
ordinaire ou administrative afin de savoir quelles étaient les règles de
procédure applicables à la direction du procès et les règles de fond
applicables à la solution du litige.
(24) M.A. Benabdallah, La notification de la mise ne demeure en cas d’abandon de poste, R.M.D.
n° 13, 1987, p. 141 et in Contribution à la doctrine du droit administratif, REMALD, Coll.
« Manuels et Travaux universitaires » n ° 77, 2008, vol. I, p. 33.
B. L
es justifications de politique juridictionnelle et de politique
administrative
« Si nous voulons réellement construire l’Etat de droit, il est de notre
devoir de prendre en considération les droits des citoyens vis-à-vis de
l’autorité, de l’administration et de l’Etat », déclarait Sa Majesté Hassan II
dans le discours du 8 mai 1990. Le problème est d’autant plus important
aux yeux du Roi, qu’il est conscient du défi que doit relever le Maroc du
fait des mutations des relations du Maroc avec le monde extérieur et
spécialement avec l’Europe.
La concurrence au sein de la zone de libre échange prévue à Barcelone,
ne se limitera pas à l’industrie et à l’agriculture ; il s’agira plus largement
d’une concurrence qui mettra en présence des sociétés qui seront jugées
sur leur capacité à s’adapter à un monde ouvert, tolérant, respectueux de
principes d’essence universelle parce qu’ils sont l’acquis d’un combat
millénaire pour le triomphe des libertés, de la dignité et des droits de
l’individu. En d’autres termes, c’est le combat pour le triomphe de l’Etat
de droit, c’est-à-dire d’une société organisée sur la base de règles
objectives, établies démocratiquement et respectées par tous dans tous les
domaines de la vie sociale.
Pour atteindre cet objectif, le Roi pense qu’il faut perfectionner
l’instrument de contrôle de l’administration et favoriser le développement
de son utilisation.
Mais cela suppose un certain nombre de réformes.
(25) M.A. Benabdallah, Bref regard sur la Cour suprême à l’occasion de son quarantième
anniversaire, in Quarante ans de jurisprudence administrative, REMALD, Thèmes actuels n° 14,
1998, p. 7 et Contribution à la doctrine du droit administratif, REMALD, Coll. « Manuels et
Travaux universitaires » n° 77, 2008, p. 331.
B. L
e tribunal administratif abrite une institution nouvelle : le
commissaire royal à la loi et au droit
Cette innovation s’inspire directement de l’institution française du
commissaire du gouvernement auprès des juridictions administratives,
devenu aujourd’hui rapporteur public dont la mission est d’éclairer la
juridiction sur les données de fait et de droit de l’affaire et de lui proposer
une ou plusieurs solutions en mettant en valeur les avantages et
éventuellement les inconvénients de chacune d’elles.
C’est cette mission qui est confiée au commissaire royal dont l’article 5
définit les attributions :
– Il expose ses conclusions oralement en audience publique ; sa présence
est donc obligatoire.
– Ces conclusions sont écrites et remises au tribunal.
– Ces conclusions peuvent être communiquées aux parties si elles en
font la demande.
– Le commissaire royal ne prend pas part au jugement. S’il est vrai que
dans de nombreux cas où il s’agit d’affaires simples dans lesquelles la
jurisprudence est parfaitement établie, le rôle des conclusions du
commissaire royal sera limité ; en revanche, dans les affaires délicates, son
rôle peut être fondamental. La réflexion à laquelle il se livrera, les
recherches jurisprudentielles et doctrinales en droit local et en droit comparé
devraient permettre à la juridiction administrative de progresser et à la
spécialisation du juge de s’affirmer.
Cette fonction est particulièrement importante si l’on considère que la
loi du 12 juillet 1991 n’a pas prévu de solution pour de nombreux problèmes
que le législateur ne connaissait d’ailleurs probablement pas et que les
auteurs du texte méconnaissaient sans doute également. Ce sera notamment
le cas en ce qui concerne la question de la délimitation du contentieux
administratif qui concerne désormais deux ordres de juridictions et met en
cause une question de compétence. Ce sera aussi le problème de la
compétence à l’égard des décisions intéressant l’organisation et le
fonctionnement de la justice, la compétence en matière de voie de fait, les
éventuelles contradictions au fond des décisions rendues dans une même
affaire par les deux ordres de juridictions, etc.
En France, la plupart des décisions importantes rendues depuis un
siècle et demi sont autant connues par leur contenu intrinsèque que par les
conclusions des commissaires du gouvernement qui les ont accompagnées,
même si, quelquefois, ces décisions ont été rendues contrairement aux
conclusions du commissaire du gouvernement.
penser qu’il s’agira d’une licence mention droit public. Il n’y a aucune
distinction entre tous les candidats admis qui ont suivi la formation « dans
l’établissement de formation des magistrats conformément à la législation
en vigueur ». Cet établissement est actuellement l’Institut supérieur de la
Magistrature dont la formation a été adaptée à des magistrats dont
l’exercice des futures fonctions impliquent non seulement une bonne
connaissance du droit public mais aussi une bonne compréhension de ce
qu’est l’administration.
Toutefois au cours de la décennie qui a suivi la création des tribunaux
administratifs la situation faite à ces magistrats n’a pas été totalement
satisfaisante malgré les aménagements que le législateur lui avait apportés
par la loi 5-98 du 22 septembre 1998 (B.O. 1998, p. 527).
Cette insatisfaction s’est traduite pendant un certain temps, par une
réelle désaffection des magistrats devant la carrière dans les juridictions
administratives au moment où, compte tenu de la croissance du contentieux
et la création des Cours d’appel administratives, il était nécessaire de
développer les effectifs des magistrats servant dans les juridictions
administratives (26). Aujourd’hui, le législateur a parfaitement pris
conscience de cette situation dans la mesure où le nouveau statut des
magistrats établit une égalité absolue des magistrats en ce qui concerne les
conditions de recrutement, d’avancement et de nomination aux différentes
postes judiciaires ou aux fonctions de responsabilité judiciaire ainsi qu’en
ce qui concerne les avantages attachés à ces diverses situations, le tout
sous l’autorité et le contrôle du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire
organisé par la loi organique n° 100-13 du 24 mars 2016 (B.O. 2016,
p. 1299).
On ajoutera que tous les magistrats sont tenus de participer aux sessions
et programmes de formation continue organisés au profit des magistrats et
qu’en outre, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire prend en
considération dans la gestion de la carrière des magistrats un certain
nombre de critères généraux parmi lesquels figurent « la formation
spécialisée du magistrat » ainsi que la participation effective aux sessions
et programmes de formation continue.
(26) Actuellement, le nombre des magistrats des tribunaux administratifs est de 115 et celui des
cours d'appel administratives est de 35.
saisir des questions relevant du droit privé (27), sauf dans le cas où,
comme le dit en France le Conseil constitutionnel dans sa décision du
23 janvier 1987, Conseil de la concurrence (GAJA, Dalloz, 13 e éd.,
p. 688), cela peut être favorable à “une bonne administration de la justice” ;
tel est le cas, par exemple, pour le traitement des litiges intéressant les
personnels des Offices.
Ce n’est cependant pas cette formule qui a été retenue malgré le précédent
du Code de procédure civile qui, en 1974, dans son article 18 disposait que
le tribunal de première instance est compétent en matière administrative.
Ainsi, avons-nous un article 8 de la loi de 1991 qui est rédigé comme
l’article 8 du D.O.J. et qui procède à une énumération par hypothèse
limitative et donc susceptible dans l’avenir de se prêter à des interprétations
plus ou moins restrictives qui se traduiront par des exceptions
d’incompétence dont le résultat le plus clair est de compliquer et de
ralentir le cours de la justice.
Le principe est donc que le tribunal administratif est compétent pour
juger en premier ressort :
– les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les
décisions des autorités administratives ;
– les litiges relatifs aux contrats administratifs ;
– les actions en réparation des dommages causés par les actes ou les
activités des personnes publiques.
Mais cette compétence comporte des exceptions.
B. La compétence territoriale
Les règles posées par le code de procédure civile en matière de
compétence territoriale ont pour finalité de simplifier la tâche du
défendeur ; c’est pourquoi, dans de nombreux cas, la juridiction compétente
sera celle du domicile du défendeur ; mais en matière administrative, le
(29) C.S.A., 21 novembre 1969, Y. Mas, les Arrêts de la Cour suprême 1966-1970, p. 204, voir
M. Rousset, Développements récents de l’exception d’illégalité au Maroc, R.J.P.I.C., n° 3, 1966,
p. 380.
(30) Pour une étude critique de l’article 44 de la loi instituant les tribunaux administratifs, voir
M.A. Benabdallah, Sur l’appréciation de la légalité des actes administratifs par les juridictions
ordinaires, REMALD n° 12, 1995, p. 78 et Contribution à la doctrine du droit administratif
marocain, REMALD, Coll. « Manuels et Travaux universitaires » n° 77, vol. I, p. 165.
Section V
La création des cours d’appel administratives
C’est la dernière évolution du contentieux administratif ces dernières
années. Annoncées dans le discours royal du 15 décembre 1999 (31), leur
(31) Dans ce discours royal du 15 décembre 1999, on peut relever une phrase qui énonce tout un
programme : « … Nous avons décidé la création de Cours d’appel administratives dans la
perspective de mettre en place un Conseil d’Etat pour couronner la pyramide judiciaire et
administrative de notre pays ».
création a lieu six années plus tard par la loi n° 80-03 du 14 février 2006 (32)
qui précise que leurs sièges et leurs ressorts seront fixés par décret. Ainsi,
deux cours ont été créées, respectivement à Marrakech et Casablanca (33).
Avant d’évoquer les conditions d’organisation, de fonctionnement et de
procédure, on rappellera les raisons de leur création.
(32) Dahir du 14 février 2006 portant promulgation de la loi n° 80-03 instituant des cours d’appel
administratives, B.O. n° 5398 du 23 février 2006 p. 490 (éd. en langue arabe) et B.O. n° 5400 du
2 mars 2006 p. 332 (éd. en langue française), modifiée par la loi n° 46-08 du 18 février 2009, B.O.
2009, p. 372.
(33) Décret du 25 juillet 2006, B.O., éd. en langue arabe du 14 août 2006, p. 2002.
(34) C.S.A., 23 janvier 1997, Lamrabet, REMALD n° 24, 1998, p. 135, note Benabdallah.
rescousse. C’est dire que, par rapport au passé, le justiciable n’hésite plus
à saisir le juge administratif et a exprimé un parfait démenti à cette
déduction planant du temps où seule la Cour suprême était compétente en
matière de recours pour excès de pouvoir insinuant que « ... le peu de
pourvois en annulation des actes administratifs, et la baisse constante de
leur nombre prouvent que l’administration marocaine suit la bonne
voie » (35) !
Ainsi, à titre d’exemple, entre 2006 et 2007, le nombre des affaires
administratives s’est accru de 14,67 % pour atteindre, en 2007, 13 680 affaires
enregistrées pour 20 684 affaires en cours et 12.968 affaires jugées et un
reliquat d’affaires non jugées de 7419 dossiers ; ce qui représente un
pourcentage d’affaires jugées par rapport aux affaires en cours de 62,70 %
selon les statistiques du ministère de la Justice.
Cette augmentation moyenne des affaires enrôlées s’est principalement
manifestée pour les tribunaux de Casablanca (+30,53 %), Agadir
(+25,47 %), Oujda (+33,02 %) et Marrakech (+56,25 %).
En revanche, les trois autres juridictions ont connu une diminution
parfois très importante de leur activité. Rabat (– 0,10 %), Fès (– 2,99 %),
Meknès (– 49,31 %) (36).
Le nombre croissant des décisions rendues en première instance par les
tribunaux administratifs a engendré une croissance corrélative du nombre
de recours en appel portés devant la Cour suprême. En soi, le nombre des
pourvois en appel n’était sans doute pas considérable, mais en valeur
absolue, la charge que cela représentait pour la Chambre administrative de
la Cour suprême s’est rapidement révélée extrêmement lourde à assurer.
En dix ans le nombre des affaires portées en appel devant la Cour suprême
a plus que triplé, ce qui s’est naturellement traduit par de très longs délais
pour obtenir une décision.
En 2006, on estimait qu’il fallait en moyenne environ quatre années
pour obtenir une décision en appel. Or, on sait qu’une des revendications
(35) Allocution du procureur général de la Cour suprême prononcée le 22 octobre 1969 à l’occasion
de l’audience solennelle d’ouverture de l’année judiciaire 1969-1970.
(36) Au cours de l’année 2013, le nombre des affaires traitées par les sept tribunaux administratifs
est comme suit : Rabat, 6 363, Casablanca, 5 071, Meknès, 1 535, Fès, 1 273, Oujda, 1 271,
Marrakech, 1 902, Agadir, 2 379. Soit un total de 19 794 jugements.
A. Organisation
Les cours sont composées d’un Premier président, de présidents de
chambres et de conseillers parmi lesquels le Premier président désigne
pour une durée de deux ans un Commissaire royal à la loi et au droit.
La Cour peut être divisée en chambres spécialisées selon la nature des
affaires qui lui sont soumises.
Les magistrats qui lui sont affectés sont soumis au statut de la
magistrature comme le sont d’ailleurs tous les magistrats qui servent dans
les juridictions administratives. Cette unité statutaire ne signifie évidemment
pas la méconnaissance de leur indispensable spécialisation qui est d’ailleurs
prise en compte dans les épreuves du concours de recrutement des attachés
de justice et dans le cursus qu’ils doivent suivre au sein de l’Institut
Supérieur de la Magistrature (décret du 21 avril 2006, B.O. 2006,
(37) On pourrait imaginer, à l’instar de ce qui existe France pour les conseillers de tribunaux
administratifs en début de carrière, la création d’une obligation de mobilité de trois ans auprès
d’une administration d’Etat, d’une collectivité locale ou, dans certains cas, d’une juridiction
supérieure.
(38) M.A. Benabdallah, Justice administrative et dualité de juridictions, RJPEM n° 27, p. 37 et
Contribution à la doctrine du droit administratif marocain, REMALD, Coll. « Manuels et Travaux
universitaires » n° 77, vol. I, p. 113.
B. Fonctionnement
Le fonctionnement des cours d’appel administratives est régi par des
règles posées par la loi et principalement par celles du Code de procédure
civile et de la loi 41-90 créant les tribunaux administratifs applicables
devant elle sauf disposition législative contraire.
Compte tenu de ses caractéristiques, cette procédure de type
inquisitorial qui a fait depuis longtemps la preuve de son efficacité est
parfaitement adaptée au fonctionnement des cours d’appel administratives
comme elle l’est aussi à celui des tribunaux administratifs. Cela n’interdit
évidemment pas de renforcer certains de ses mécanismes, notamment en
perfectionnant le recours en référé de façon à améliorer les possibilités
d’intervention du juge dans tous les cas d’urgence. Ce qui, à coup sûr,
serait particulièrement utile pour la protection des droits de l’individu ou
de la propriété privée contre les irrégularités de l’action administrative.
Les audiences sont publiques et les décisions sont rendues également
publiquement par trois conseillers dont un président, assistés par un
greffier.
Le Commissaire Royal à la loi et au droit doit obligatoirement assister
à l’audience au cours de laquelle il expose en toute indépendance les faits
et le droit applicable au litige. Il peut développer oralement ses conclusions
dont les parties peuvent demander copie ; mais il ne prend pas part aux
délibérations de la formation de jugement.
Le Premier président exerce le pouvoir de récusation des magistrats
dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues par le Code de
procédure civile au profit du Premier président de cour d’appel.
L’assistance judiciaire peut être demandée au Premier président
conformément aux conditions prévues par le dahir portant loi du 1 er
novembre 1966 relatif à l’assistance judiciaire. Par ailleurs, la Cour
d’appel administrative peut être saisie du refus du Président d’un tribunal
administratif d’accorder l’assistance judiciaire. La requête en appel doit
être déposée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de
la décision de refus et la Chambre du conseil de la Cour d’appel doit
statuer dans un délai de quinze jours à compter de la saisine.
C. Procédure
La procédure de l’appel est régie par les dispositions du Code de
procédure civile.
La requête doit être déposée dans un délai de trente jours à compter de
la notification du jugement de première instance et c’est un délai identique
qui s’impose lorsqu’il s’agit de l’appel des ordonnances rendues par le
président d’un tribunal administratif.
L’appel est reçu au greffe du tribunal administratif qui a rendu le
jugement. La requête écrite doit être signée par un avocat. Mais le recours à
l’avocat est facultatif si l’appel est interjeté par l’Etat ou une administration
publique.
La requête d’appel et les pièces qui l’accompagnent sont transmises au
greffe de la Cour d’appel compétente dans un délai de quinze jours à
compter du dépôt au greffe du tribunal administratif. L’affaire est alors
suivie par un conseiller rapporteur désigné par le premier président.
L’appel est dispensé du paiement de la taxe judiciaire.
Les difficultés qui peuvent apparaître en ce qui concerne la compétence
matérielle de la Cour d’appel administrative relèvent du même traitement
que celui qui concerne la compétence matérielle des tribunaux administratifs ;
c’est la Cour suprême qui tranche la question de compétence et qui désigne
la juridiction compétente.
L’appel contre les décisions du tribunal administratif ordonnant le
sursis à exécution d’une décision administrative n’a pas d’effet suspensif
contrairement à l’effet suspensif de l’appel contre les jugements rendus en
première instance par le tribunal administratif. Mais la Cour d’appel
administrative doit statuer dans un délai de soixante jours sur la requête
d’appel relative au sursis à exécution d’une décision administrative.
Les décisions de la Cour d’appel rendues par défaut sont susceptibles
d’opposition.
L’exécution des décisions des cours d’appel administratives relève des
tribunaux administratifs qui ont rendu le jugement dont il a été fait appel.
Enfin les décisions des cours d’appel administratives peuvent faire
l’objet d’un recours en cassation devant la Cour suprême.
(39) M.D. Halabi Kettani, La procédure contentieuse administrative, devant les tribunaux
administratifs, REMALD, coll. « Thèmes actuels », n° 12, 1997 (en langue arabe).
88 Contentieux administratif marocain
administratif est tout de même marqué par une spécificité qui se traduit au
plan de la procédure par quelques particularités.
Mais spécificité ne veut pas dire différence complète. Et, c’est en ce
sens que l’on peut affirmer que l’unité de juridiction, bien que battue en
brèche par la création des tribunaux administratifs, conserve une certaine
réalité qui se manifeste de trois façons :
– l’unité de la Cour suprême – Cour de Cassation –, juridiction
régulatrice des compétences et du droit applicable ;
– l’unité du corps de la magistrature, parfaitement compatible avec la
spécificité des fonctions de juge de l’administration ;
– l’unité, enfin, de la procédure qui n’exclut pas certaines particularités
des règles qui régissent le procès administratif.
On étudiera cette procédure en examinant d’abord ses caractères
généraux (Section I), puis l’instance (Section II), enfin les voies de recours
(Section II).
Section I
Les caractères généraux de la procédure
La procédure dite “civile” a encadré pendant près de quatre-vingts ans
le fonctionnement du système juridictionnel construit sur le principe de
l’unité de juridiction.
Aujourd’hui, malgré la mise en place des tribunaux administratifs, c’est
toujours, pour l’essentiel en tout cas, la même procédure civile qui est
appelée à régir le procès administratif ; et, d’après la jurisprudence récente
de ces tribunaux, il semble que les magistrats administratifs font une
utilisation audacieuse des ressources que leur offre le code de 1974. Il
convient donc de préciser ce que sont les traits caractéristiques de cette
procédure. On peut en distinguer trois.
Cette une procédure écrite, inquisitoire et contradictoire.
Toutefois, avant de développer ces trois traits, il ne serait pas inutile de
revenir sur les conditions dans lesquelles elle est apparue, c’est-à-dire sur
les sources du dahir du 12 août 1913 portant code de procédure civile.
(40) G. Default, A propos d’une expérience vécue : le rôle du juge rapporteur dans la procédure
marocaine, Revue trimestrielle de droit civil, 1968, p. 25.
(41) Ainsi en décide la Cour suprême, C.S.A. 31 mai 1968, Chérifi, R., p. 143, (en langue arabe).
(42) C.S.A., 27 juillet 1984, Ami, R.M.D. 1987, p. 172, note M.A. Benabdallah : il ne suffit pas que
le destinataire de la mise en demeure n’ait pas retiré la lettre recommandée envoyée par
l’administration pour le mettre en demeure pour prouver que la formalité exigée par la loi a bien été
respectée ; la Cour suprême exige de l’administration qu’elle prouve qu’elle a remis cette mise en
demeure personnellement à son destinataire – cette exigence peut sembler excessive et peu réaliste
car de nature à favoriser les comportements dilatoires et de mauvaise foi. C’est, d’ailleurs, en raison
de ce risque que l’article 75 bis du statut général de la Fonction publique a été modifié pour donner
à l’administration la possibilité de bloquer le salaire du fonctionnaire qui ne se manifeste pas après
l’envoi de la mise en demeure.
(43) C.A.A., Rabat, 19 novembre 2008, Etat marocain et consorts c/ Charfi, REMALD, n° 93, 2010,
p. 137, note Benabdallah
Section II
L’instance
Les caractères généraux de la procédure que l’on vient de voir donnent
déjà une idée de ce que sont les principaux moments du procès
administratif. Il s’agit, à présent, de reprendre les différentes étapes qui la
constituent en examinant l’introduction de l’instance, puis l’instruction et
le jugement.
(44) T.A., Meknès, 22 février 1996, Regragui, REMALD, n° 16, 1996, p. 171, note Benabdallah.
(45) M.A. Benabdallah, Le caractère facultatif du recours administratif préalable, note sous T.A.
Meknès, 25 novembre 1995, REMALD n° 18, 1997, p. 175 et Contribution à la doctrine du droit
administratif marocain, REMALD, Coll. « Manuels et Travaux universitaires » n° 77, vol. I, p. 377.
(46) T.A. Marrakech, 26 décembre 1995, Merdoukh, REMALD, n° 16, 1996, p. 135.
• La capacité
Pour les personnes physiques, il s’agit de la capacité juridique qui
dépend de l’âge et de la possession des droits civils ; le mandataire doit
justifier l’existence du mandat.
Pour les personnes morales, la capacité découle des règles statutaires
qui déterminent les organes capables de représenter valablement
l’institution en justice.
Pour les personnes publiques, il faut distinguer l’Etat pour lequel
l’article 515 du Code de procédure civile prévoit qu’il doit être assigné en
(47) En France, la situation est différente. Lorsque l’administration a fait connaître sa position par
une décision, le délai court à partir de la date de cette décision, sauf en matière de travaux publics
où ne sont exigés ni décision préalable, ni délai.
(48) C.S.A., 25 février 1977, Agent judiciaire du Maroc c/ Ahmed Thami Ben Hamou.
• L’intérêt à agir
Le grand principe en procédure, c’est que nul ne peut agir en justice s’il
n’a pas intérêt à le faire. “Pas d’intérêt pas d’action” ! Mais cet intérêt n’est
pas un intérêt abstrait ou idéal. Cet intérêt doit se rattacher à un fondement
juridique que le juge apprécie plus ou moins rigoureusement selon le type
de recours dont il est saisi.
La définition de l’intérêt à agir peut ainsi être plus ou moins large, et,
par voie de conséquence, le recours plus ou moins largement ouvert.
En résumé, on dira simplement ici que le recours en annulation est
largement ouvert parce que le juge exige seulement du requérant la preuve
qu’il possède un simple intérêt à agir, alors que dans le contentieux de
pleine juridiction, le juge exige du requérant qu’il possède un droit lésé :
droit lié à un contrat, droit de propriété, droit à l’intégrité physique, etc.
(49) La transformation de l’Office en Société Nationale des Transports et de la logistique par la loi
du 23 novembre 2005 (Bull. Off. 2005, p. 787) ne devrait pas entraîner de changement en ce qui
concerne cette compétence qui semble devoir être transférée à la nouvelle société.
A. L’instruction
Nous savons déjà qu’elle est largement dominée par l’office du juge
rapporteur qui dirige le procès.
La procédure est ici commune au procès administratif et au procès qui
se déroule devant le juge ordinaire dans certaines matières énumérées par
l’article 45 du C.P.C.
Les parties présentent leurs arguments dans les délais fixés par le juge
rapporteur et sous forme écrite.
Le juge prescrit d’office, ou à la demande des parties, les mesures
d’instruction qu’il estime de nature à éclairer le tribunal. A l’issue des
délais qu’il a fixés, le silence des parties vaut acquiescement aux arguments
de l’adversaire.
Enfin, à l’issue des délais qu’il a également fixés, le juge prononce par
ordonnance la clôture de l’instruction, c’est-à-dire son dessaisissement ; il
rédige son rapport et transmet le dossier au tribunal ; il fixe la date de
l’audience.
Jusqu’à la mise en œuvre de la réforme de 1991, le principe était que,
dans les affaires où était en cause l’ordre public, l’Etat, les collectivités
locales et les établissements publics, le Ministère public devait être saisi,
et son intervention était obligatoire ; la mention de son intervention devait
d’ailleurs figurer au jugement (article 9 du C.P.C.).
B. L’audience
A la différence du tribunal de première instance qui statue à juge
unique, le tribunal administratif comporte trois membres dans sa formation
de jugement. Il siège publiquement, sauf exception prévue à l’article 43 du
C.P.C. dans la mesure où il peut décider que les débats se déroulent à
huis-clos « si l’ordre public ou les bonnes mœurs l’exigent ».
Le tribunal procède à l’audition du rapporteur, du commissaire royal,
des avocats et des représentants de l’administration.
Dans les instances tendant à faire déclarer débitrices les administrations
publiques, un office ou un établissement public, l’article 514 du C.P.C.
prescrit l’audition de l’agent judiciaire du Maroc qui est chargé de la
défense des intérêts financiers de l’Etat ; sa mise en cause est obligatoire.
Dans les instances ayant la même finalité mais dirigées contre une
collectivité territoriale, commune préfecture province région ou leurs
groupements, il faut appeler en cause l’Agent judiciaire des collectivités
territoriales nommé par le ministre de l’Intérieur sous peine d’irrecevabilité
de la requête
L’affaire peut alors être jugée, mais dans la plupart des cas elle sera
mise en délibéré. Le juge renvoie à une audience ultérieure le prononcé du
jugement. Dans les affaires complexes, il faut en effet que le juge – le
tribunal – ait la possibilité de peser soigneusement la décision qu’il va
prendre sans oublier la nécessité de la rédiger de façon minutieuse.
Le jugement sera enfin rendu en audience publique après avoir été rédigé
en réunion non publique ; c’est ce que l’on appelle le secret du délibéré.
C. Le jugement
Le jugement doit comporter un certain nombre d’énonciations prévues
par l’article 50 du C.P.C.
(51) M. Hassen, A propos du vote par le Parlement du projet de loi supprimant le sursis à exécution
et l’évocation devant la Cour suprême, R.M.D., n° 12, 1987, p. 98.
(52) Trib. Première instance, Rabat, 16 décembre 1985, C.O.M.A.G.R.I. c/ Henri Bonin, R.M.D.,
n° 4, 1986, p. 234, note Ouazzani Chahdi, p. 183.
(53) S.M. Hassan II fait référence à cette décision qui représente, à ses yeux « l’application, comme
principe de droit, de la règle islamique : la vocation de la loi à la liberté », Le génie de la
modération, Plon, 2000, p. 276.
(54) M. El Yaâgoubi, L’inexécution des décisions de justice, une atteinte intolérable aux droits de
l’homme, REMALD, n° 28, 1999, p. 67.
(55) Ordonnance du 24 septembre 1997, El Ansri c/ ORMVA du Loukos, REMALD, n° 23, 1998,
p. 171, note Antari.
(56) C.S.A., 7 novembre 2002, O.N.C.F. c/ A.L. et Consorts, REMALD n° 69, 2006, p. 73, note
Rousset et Benabdallah.
(57) A. Sayegh, L’astreinte comme moyen d’exécution des décisions juridictionnelles en matière
administrative, REMALD, Coll. « Manuels et travaux universitaires » n° 55, 2004, en langue arabe.
(58) T.A., Rabat, 6 mars 1997, Héritiers El Achiri, REMALD n° 20-21, 1997, p. 247, note
Benabdallah.
(59) C.S.A., 25 septembre 1997, Agent judiciaire c/ Héritiers El Achiri, REMALD, n° 23, 1998,
p. 139, en langue arabe.
(60) T.A., Meknès, Ordonnances de référé du 3 avril 1998, Attaoui et 23 juin 1998, Ismaïli Alaoui,
REMALD n° 27, 1999, p. 111, note Benabdallah, et in Contribution à la doctrine du droit
administratif marocain, REMALD, Coll. « Manuels et Travaux universitaires » n° 77, vol. II, p. 117 ;
M. Rousset, Le juge administratif marocain et l’exécution des décisions de justice prononcées
contre l’administration, RJPIC, n° 2, 1999, p. 197.
(61) T.A., Fès, 23 septembre 1997, Laraki, REMALD n° 23, 1998, p. 93, note Benabdallah et in
Contribution à la doctrine du droit administratif marocain, REMALD, Coll. « Manuels et Travaux
universitaires » n° 77, vol. II, p. 31.
(62) M. Rousset, Vertus et limites du C.P.C. pour obtenir de l’administration le respect de l’autorité
de la chose jugée, REMALD, n° 23, 1998, p. 153.
(63) C.S.A., 11 mars 1999, Commune rurale de Tounfit c/ Attaoui, REMALD n° 31, 2000, p. 127,
note Rousset et Benabdallah.
Section III
Les voies de recours
Les voies de recours sont de deux sortes : les voies tendant à la
rétractation du jugement et les voies de recours tendant à sa réformation.
Ce sont les secondes qui sont les plus utilisées : l’appel et la cassation.
Les voies de rétractation sont tout d’abord l’opposition qui est ouverte
à celui qui n’était pas présent à l’instance. Le jugement rendu par défaut
peut faire l’objet d’une opposition ; mais celle-ci n’est possible que si
l’appel n’est pas ouvert ; l’opposition suspend l’exécution du jugement.
La tierce opposition est un recours qui permet à une personne, ni
présente ni représentée dans une instance, de s’opposer à un jugement qui
préjudicie à ses droits.
On mentionnera enfin le recours en rectification d’erreur matérielle
devant la Cour suprême et le recours en rétractation (article 379 du C.P.C.)
lorsque l’arrêt a été rendu sur pièce fausse, ou bien encore si la partie a
été condamnée faute d’avoir pu présenter des pièces détenues par son
adversaire, etc.
§1. L’appel
Jusqu’à la réforme introduite par la loi du 12 juillet 1991, l’appel ne
concernait que les décisions rendues en matière administrative par les
tribunaux de première instance ; il était alors porté devant les cours
d’appel ; par hypothèse, il n’y avait pas d’appel pour les décisions rendues
par la Cour suprême (64) sur recours en annulation pour excès de pouvoir.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 41-90 en mars 1994, et sur la
base de ce texte, les jugements des tribunaux administratifs étaient portés
en appel devant la Cour suprême selon les formes et délais prévus aux
articles 134 à 139 du Code de procédure civile.
(64) M.A. Benabdallah, L’absence de recours en cassation contre les arrêts de la Cour suprême,
note sous C.S.A., 23 janvier 1997, Lamrabet, REMALD n° 24, 1998, p. 135 et in Contribution à la
doctrine du droit administratif marocain, REMALD, Coll. « Manuels et Travaux universitaires »
n° 77, vol. II, p. 67.
Section IV
Les procédés non juridictionnels de règlement des litiges
Si le recours aux juridictions administratives est le procédé normal de
règlement des conflits qui peuvent survenir entre l’administration et ses
usagers, ou les personnels qu’elle emploie ou ses cocontractants, il existe un
certain nombre de procédés, les uns traditionnels, les autres plus récents, qui
permettent de mettre un terme au litige sans avoir recours au juge. C’est tout
d’abord les recours administratifs et, depuis peu, le recours à l’arbitrage et,
éventuellement, à la médiation.
§2. L’arbitrage (67)
Pendant longtemps, l’arbitrage qui était admis entre les personnes
privées était interdit aux collectivités publiques par l’article 527-2° du
dahir du 2 août 1913 ; cette interdiction avait même été maintenue lors de
la révision du code de procédure civile en 1974, dont l’article 306 excluait
de l’arbitrage « les questions intéressant l’ordre public et notamment les
litiges concernant des actes ou des biens soumis à un régime de droit
public ». Le recours à l’arbitrage n’était possible que pour résoudre des
litiges relatifs à des situations relevant du droit privé, c’est-à-dire de la
gestion privée des collectivités publiques. Cette position était critiquée par
ceux qui faisaient valoir que l’arbitrage pouvait être un excellent moyen
de résoudre les différents opposant l’administration à ses partenaires ou
ses usagers alors même que dans de nombreux pays, y compris au
Maghreb, se développait un mouvement en faveur des modes de règlement
alternatif des litiges. Il s’agissait en effet de répondre à la critique des
milieux d’affaires qui déploraient la lenteur de la justice, l’inadaptation
des juges à des questions souvent très techniques posées par les conflits,
et, parfois aussi, la fiabilité douteuse du fait du phénomène de corruption
parfois observé.
Ces diverses raisons ont sans aucun doute joué leur rôle dans la
préparation puis la promulgation de la loi n° 08-05 du 30 novembre 2007
sur l’arbitrage (B.O. 2007, p. 1369) qui substitue au texte ancien du C.P.C.
un nouveau chapitre VIII du titre V consacré à l’arbitrage et à la médiation
conventionnelle.
Anticipant cette réforme, l’article 9 de la loi du 14 février 2006 relative
à la délégation de service public avait prévu que les litiges survenant entre
le délégant et le délégataire pourraient être soumis à l’arbitrage interne ou
international alors même que la délégation est réalisée par une convention
de droit public.
Le nouvel article 310 du C.P.C. admet désormais le principe du recours
à l’arbitrage de la part des personnes publiques à l’exception des litiges
relatifs aux actes unilatéraux de l’Etat, des collectivités territoriales ou
autres organismes publics dotés de prérogatives de puissance publique.
Cette exclusion ne concerne cependant que les recours destinés à remettre
en cause ces décisions ; en revanche, l’arbitrage demeure possible pour
régler toutes les contestations pécuniaires soulevées par ces actes, sauf
celles concernant l’application de la loi fiscale. Ces exceptions visent à
protéger les fonctions régaliennes confiées aux autorités administratives ou
exercées pour leur compte par des personnes privées investies du pouvoir
d’agir en leur nom.
Section I
Le critère organique (69)
C’est le critère qui paraît le plus simple puisqu’il suffit de savoir à qui
l’on a affaire pour déterminer la compétence. Si l’acte ou l’opération ou
l’activité cause du litige est sous le contrôle d’une personne publique, la
compétence est administrative.
Seulement, le mérite de simplicité de ce critère est plus apparent que
réel ; il n’a en tout cas pas été retenu par les juridictions de 1913 qui ont
privilégié le critère matériel, malgré la formule utilisée par l’article 8 du
D.O.J.
Cette attitude durera jusqu’en 1966, date à laquelle la Cour suprême
s’est, pour partie au moins, orientée vers l’utilisation du critère organique
avec l’arrêt Abassi Abdelaziz.
(74) T.A., Rabat, 19 mars 1998, Dahani, REMALD, n° 24, 1998, p. 139, note M.A. Benabdallah et
p. 147, note M. Antari.
(75) M. Rousset, Les incidences du critère organique sur le traitement du contentieux administratif,
R.J.P.E.M. 1981, p. 39.
(76) C.S.A., 31 octobre 1991, Saâd Ben Haj Saigh c/ Fédération royale marocaine de foot-ball, note
M. Rousset, Du critère de la matière administrative au critère de compétence des tribunaux
administratifs, R.J.P.E.M. n° 25, 1991, p. 101.
(77) CSA, 5 janvier 1996, Ligue sud de Football c/ Mouloudia club de Marrakech et consorts,
REMALD, n° 25, 1998, p. 129, note M. Rousset.
Section II
Le critère matériel
Recourir au critère matériel pour déterminer la nature d’une affaire
portée devant le juge consiste à analyser son contenu, les caractères de la
décision ou de l’activité qui a donné naissance au litige.
Le juge, dès lors qu’il refuse d’utiliser de façon exclusive le critère
organique, fait naturellement appel à ce critère matériel à l’instar de ce
qu’a fait, dans le passé, le juge administratif français dont il n’est pas
inutile de rappeler brièvement la démarche avant d’exposer ce qu’est la
jurisprudence marocaine à cet égard.
§1. R
appel de la jurisprudence française relative au critère
matériel
Ce rappel est utile dans la mesure où il montre comment l’on est passé
d’une conception de la compétence du juge administratif conçue comme
privilège de juridiction à la conception moderne qui fait découler la
compétence du juge administratif de la spécificité du litige, donc du droit
applicable ; ce qui conduit, par voie de conséquence, à la spécialisation du
juge.
Au lendemain de l’adoption de la loi d’organisation judiciaire de 1790
qui pose le principe de séparation des autorités judiciaires et
administratives, c’est le critère organique qui fut utilisé pour distinguer les
litiges relevant du juge de droit commun et ceux dont il lui était interdit de
connaître.
Tout acte et toute activité relevant d’une personne publique échappaient
ainsi à la compétence des tribunaux judiciaires.
Cette application stricte du critère organique devait conduire à des
conséquences qui choquaient les juristes de l’époque ; ainsi, le procureur
général près la Cour de cassation s’étonnait de ces « conceptions bizarres
qui font que des actes quelconques, des contrats ordinaires, des baux,
échappent désormais à la connaissance du juge judiciaire et soient
considérés comme des actes d’administration ».
(78) Dans son traité, Edouard Laferrière écrivait, « D’après une doctrine universellement admise,
les actes prévus par les lois de 1790 et de l’an III sont seulement les actes et les opérations qui se
rattachent à l’exercice de la puissance publique », Traité de la juridiction administrative et des
recours contentieux, Berger-Levrault, 1896, 2e édition, p. 477.
(79) Il faut dire que les prémices de cet arrêt sont apparues dans un arrêt plus ancien et très peu cité
(C.E. 6 décembre 1855, Rotschild) dans lequel le juge, tout en adoptant le critère de l’Etat débiteur,
s’appuyait déjà sur les principes qui, plus tard furent consacrés, dans la jurisprudence Blanco.
2. L
e rattachement au service public est-il suffisant pour entraîner
l’application du droit administratif ?
On sait aujourd’hui que la réponse est négative ; l’administration peut
en effet utiliser, dans la gestion du service public, des procédés de droit
public, mais ce n’est pas la règle générale ; dès lors que ceux-ci ne lui
paraissent pas nécessaires, elle peut se placer dans les conditions du droit
privé, et ce sera fréquemment le cas lorsqu’il lui est nécessaire de procéder
à l’acquisition de biens ou de services. On dit qu’elle fait appel aux
procédés de la gestion privée du service public.
Bien mieux, la gestion privée peut aussi être utilisée de façon
systématique chaque fois que l’activité gérée revêt un caractère industriel
et commercial ; le régime juridique normal du service public industriel et
commercial c’est précisément le droit privé, notamment le droit commercial.
On constate ainsi que le rattachement au service public d’un litige joue
comme une condition nécessaire pour que l’on soit en matière
administrative, mais que cela n’est pas suffisant ; il faut aussi que
l’administration utilise un procédé du droit administratif, un procédé de
gestion publique.
Ceci revient à dire que la distinction matière administrative – matière
ordinaire passe par le recours au critère gestion publique – gestion privée
qui est un critère matériel.
En outre, avec le développement de l’interventionnisme, il arrive très
fréquemment que l’administration qui cherche à contrôler une activité se
borne à poser des règles et charge un organisme privé, souvent professionnel,
du soin d’en assurer le respect ; parfois elle confie à l’organisme privé la
gestion même de l’activité dans des conditions qu’elle détermine. Dans ces
différents cas, les acteurs sont certes des personnes privées, mais l’activité
est organisée par l’administration et constitue une activité de service public
gérée parfois selon des procédés de gestion publique. On comprend ainsi
que la détermination du domaine du contentieux administratif pose problème
en cas de gestion privée du service public (section I) ou bien encore lorsque
la gestion du service public est assurée par des personnes privées (section II).
Section I
La gestion privée du service public
La gestion privée du service public peut être un procédé occasionnel
ou bien, au contraire, un procédé normal.
Section II
La gestion du service public par des personnes privées
La gestion du service public par des personnes privées est peu
développée au Maroc en dehors de la concession, mais elle a connu un
large développement en France, notamment dans le domaine de
l’intervention économique de l’Etat, puis dans celui de l’organisation
professionnelle ainsi que dans le domaine des activités socio-culturelles et
sportives. Actuellement, il semble que les pouvoirs publics marocains y
aient plus fréquemment recours que par le passé.
Section I
Le problème de la voie de fait
Apparue dans la jurisprudence française à la fin du XIXe siècle dans les
années 1890-1900 pour s’éclipser pendant près de quarante ans puis
réapparaître à travers le contentieux des réquisitions de logements au
lendemain de la seconde guerre mondiale, la théorie de la voie de fait est
purement jurisprudentielle.
C’est une notion non pas conceptuelle mais fonctionnelle (84). Sa
fonction est de déchoir l’administration des privilèges qu’elle détient dans
(84) G. Vedel, La juridiction compétente pour prévenir, réparer ou faire cesser la voie de fait
administrative, JCP 1950, 851.
144 Contentieux administratif marocain
(85) M.A. Benabdallah, La voie de fait administrative en droit marocain, REMALD, 2008, n° 80, p. 9.
(86) M.A. Benabdallah, Bref regard sur la Cour suprême à l’occasion de son quarantième
anniversaire, REMALD, Thèmes actuels n° 4, 1998, p. 7 et suiv.
(87) Néanmoins, il y a lieu de signaler qu’il n’y pas très longtemps, la jurisprudence française, tant
du Conseil d’Etat, C.E., 23 janvier 2013, Commune de Chirongui, A.J.D.A., n° 4, 2013, p. 199, que
du Tribunal des conflits, T.C., 17 Juin 2013, M. Bergoend c/ Sté. ERDF Annecy Léman, A.J.D.A.,
n° 22, 2013, p. 1245, note M-C de Monteclerc, s’est engagée dans une orientation tout à fait
nouvelle, qui, sans doute, ne manquera pas de faire école, tendant à faire relever « l’atteinte grave et
manifestement illégale au droit de propriété, lequel a le caractère d’une liberté fondamentale,
quant bien même cette atteinte aurait le caractère d’une voie de fait », de la juridiction civile. Dans
sa décision citée du 17 juin 2013, le Tribunal des conflits a conclu que « il n’y a voie de fait de la
part de l’administration, justifiant, par exception au principe de la séparation des autorités
administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour en ordonner
la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l’administration soit a procédé à l’exécution
forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la
liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui
a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui
est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’autorité
administrative ». Voir X. Domino et A. Bretonneau, La voie de fait mise au régime sec, A.J.D.A.
n° 27, 2013, p. 1568. Sur la voie de fait en France, par comparaison au Maroc, M. Rousset et
M.A. Benabdallah, Le traitement de la voie de fait en France ; une évolution jurisprudentielle
positive, REMALD, 2013, n° 111, p. 185.
(88) M. Rousset, « Le juge administratif et la voie de fait au Maroc », RJPIC n° 1, 1995, p. 9 ;
Consécration et évolution de la notion de voie de fait dans le contentieux administratif marocain,
même revue, n° 1, 1997, p. 12.
C’est dans cette voie que s’est d’ailleurs orienté le juge des référés du
Tribunal administratif de Casablanca dans sa décision du 26 avril 1994,
Kadalia Rachel et consorts c/ Commune urbaine de Sidi Belyout.
Après avoir constaté que la loi n° 41-90 a opéré une profonde
transformation des frontières de la compétence des deux ordres de
juridictions en transférant aux tribunaux administratifs l’essentiel des
recours mettant en cause l’administration, il relève que leur rôle qui est de
rendre justice aux administrés, implique « notamment la sauvegarde de la
propriété privée contre les actes de l’administration » ; il ajoute enfin que
du fait des dispositions de l’article 19 de la loi, le tribunal administratif
comporte un juge des référés qui doit donc, en cette qualité, « exercer les
mêmes pouvoirs que ceux dont disposait le juge ordinaire… parmi lesquels
celui de statuer sur la demande tendant à faire cesser une voie de fait ».
Il restait une question que le juge n’avait pas à trancher, qui était celle
de la réparation du dommage éventuel et du droit applicable à la cause.
Après quelques hésitations, la Cour suprême a pris une position sans
aucune équivoque. Infirmant une décision du Tribunal administratif
d’Agadir qui s’était déclaré incompétent pour connaître du litige né d’une
voie de fait, au motif qu’il n’y avait pas acte administratif, la Cour
suprême décide que la loi n° 41-90 a transféré aux tribunaux administratifs
la compétence en matière de réparation des dommages causés par les actes
et activités des personnes de droit public, y compris la réparation des
dommages résultant d’une voie de fait, et qu’elle a également transféré au
président de ces juridictions les attributions du président du tribunal de
première instance en matière de référé et donc la compétence pour statuer
sur les demandes incidentes, en l’occurrence la demande de levée de la
voie de fait ; la Cour en déduit que l’article 8 de la loi « peut couvrir ledit
cas et autres formes de voie de fait tant en ce qui concerne l’indemnisation,
qu’en ce qui concerne la levée de cette atteinte… »
Ainsi la voie de fait est “rapatriée” dans l’ordre juridictionnel
administratif en ce qui concerne tant sa constatation et sa cessation, que la
responsabilité et la réparation des dommages qui peuvent en résulter :
C.S.A., 20 mai 1996, Ammouri Hafid, RJPIC, précité.
Ayant commis une faute d’une extrême gravité, l’administration perd le
bénéfice du privilège de l’article 25 du Code de Procédure civile sans
qu’il soit besoin de faire appel à la fiction d’une prétendue dénaturation ;
(89) C.S.A. 30 décembre 1999, Inspection générale des forces auxiliaires c/ Bousfir, note
Benabdallah et Rousset, REMALD, n° 35, p. 149.
Section II
L’exception d’illégalité
A la différence du recours pour excès de pouvoir qui est intenté aux
fins de l’annulation d’un acte administratif, l’exception d’illégalité a pour
objet l’appréciation de la légalité de l’acte administratif dans le but
d’écarter son application au cas soumis à une juridiction. La différence
entre les deux procédures est que le juge n’annule pas l’acte mais se
contente de relever son illégalité.
Il y a alors exception d’illégalité lorsque, au cours d’une procédure
engagée devant une juridiction, une partie récuse l’application d’un acte
administratif en estimant qu’il est illégal. Cela ne donnera pas lieu à
l’annulation de l’acte, mais uniquement à son inapplication. Ce sera, par
exemple, le cas si le contrevenant à une réglementation administrative
estime que celle-ci étant illégale, il n’y a pas de contravention. En général,
il existe un principe de procédure destiné à accélérer le cours de la justice
en vertu duquel le juge de l’action est également juge de l’exception.
Mais ce principe connaît des limites lorsque l’exception est en dehors de
la compétence matérielle du juge saisi au principal ; ce pourra être le cas, par
exemple, si le juge se voit interdire d’entraver l’action des administrations
publiques en portant obstacle à l’exécution des actes administratifs ; dans ce
cas, le principe de plénitude de juridiction du juge saisi au principal se
heurte à un autre principe, celui de la séparation des autorités judiciaires et
administratives.
Telles sont les données du problème dont la solution a évolué en trois
étapes:
Avant 1957, depuis 1957, et, enfin, depuis la loi n° 41-90 du 12 juillet
1991 instituant les tribunaux administratifs.
(90) A. de Laubadère, Le contrôle de légalité par les tribunaux judiciaires au Maroc, G.T.M., 1943,
p. 122 ; M. Rousset, Développements récents de l’exception d’illégalité, R.J.P.I.C., 1966, p. 379.
(91) Sur ce point, M.A. Benabdallah, Du contrôle de la constitutionnalité des décrets réglementaires
autonomes, REMALD, n° 53, 2003, p. 9 et suiv.
(92) M.A. Benabdallah, Sur l’appréciation de la légalité des actes administratifs, REMALD, n° 7-8,
1994, p. 9.
B. Le juge répressif
L’article 44 de la loi pose le principe de la plénitude de juridiction du
juge répressif pour apprécier la légalité de tous les actes administratifs, qu’ils
soient invoqués comme moyens de poursuite ou comme moyens de défense.
A cet égard, la solution marocaine est plus libérale que celle qui est
retenue en France par le tribunal des conflits dans l’arrêt Avranches et
Desmarets, (5 juillet 1951, GAJA, 10e éd., 1993, p. 456) : le juge pénal n’a
plénitude de compétence qu’à l’égard des actes réglementaires ; mais il n’a
aucune compétence en ce qui concerne les actes individuels.
Sans doute, la Cour de cassation allait plus loin ; mais elle n’acceptait
cependant la plénitude de compétence du juge pénal qu’à l’égard des actes
administratifs non réglementaires invoqués comme fondement des poursuites.
Cette situation a toutefois été modifiée du fait de l’entrée en vigueur du
nouveau code pénal en février 1994, qui dispose que « les juridictions
pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs,
réglementaires ou individuels, et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet
examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis » (art. III-5°).
C. Le juge administratif
On notera que dans l’article 44 de la loi n° 41-90 instituant les tribunaux
administratifs, le législateur ne parle que des juridictions ordinaires non
répressives et des juridictions répressives.
Une lecture purement littérale de cet article porterait à penser que si
l’appréciation de la légalité d’un acte administratif conditionne le jugement
d’une affaire pendante devant le juge administratif, celui-ci ne pourrait pas
en apprécier la légalité ou la renvoyer devant la Cour de cassation, naguère
Cour suprême, s’il s’agit d’un acte réglementaire ou individuel du Chef du
gouvernement ou d’une décision administrative dont le champ d’application
s’étend au-delà du ressort territorial d’un tribunal administratif.
Reconnaissons qu’un tel raisonnement serait totalement insensé du seul
fait qu’il aboutirait sur la situation absolument inacceptable que la
juridiction qui fait l’objet de toute la loi se verrait exclue d’une compétence
qui curieusement ne reviendrait qu’aux juridictions ordinaires. En d’autres
termes, on serait moins protégé devant le juge administratif que devant le
juge ordinaire.
Nous disons cela parce que tout simplement la Cour d’appel administrative
de Marrakech s’était justement fourvoyée dans ce sens.
Dans un arrêt du 8 octobre 2008, Agence autonome du transport urbain
d’Agadir c/ Bakkouri, cette Cour avait décidé que le tribunal administratif
n’avait pas la compétence pour apprécier la légalité des décisions
administratives comme le prévoit l’article 44 de la loi n° 41-90. Elle avait
estimé que cette appréciation ne revenait qu’aux juridictions ordinaires.
Mais la barre a été redressée en cassation par l’arrêt du 17 juin 2010,
Bakkouri c/ l’Agence autonome du transport urbain d’Agadir, par lequel la
Cour suprême a conclu à la pleine compétence du tribunal administratif
pour l’appréciation de la légalité d’un acte administratif. Autrement dit,
s’il s’agit d’une décision administrative relevant de sa compétence, il peut
lui-même le faire et s’il s’agit d’un acte réglementaire ou individuel du
Section III
Les exceptions diverses
Certaines jouent en faveur de la juridiction ordinaire et d’autres au
profit de la juridiction administrative ; naturellement, la loi de 1991 a
quelque peu modifié la situation antérieure.
A. P
ourquoi faut-il distinguer le contentieux de l’annulation du
contentieux de pleine juridiction ?
Jusqu’au vote de la loi du 12 juillet 1991, l’intérêt de cette distinction
était particulièrement évident car le recours pour excès de pouvoir était de
la compétence exclusive de la Cour suprême, tandis que le recours de
pleine juridiction relevait en premier ressort des tribunaux de première
instance avec appel devant les Cours d’appel et éventuellement recours en
cassation devant la Cour suprême.
Il fallait donc distinguer soigneusement les deux types de recours afin
de ne pas saisir une juridiction incompétente et cela d’autant plus que la
166 Contentieux administratif marocain
Cour suprême avait jugé que le fait d’avoir saisi une juridiction
incompétente ne permettait pas de prolonger le délai du recours pour
excès de pouvoir.
Pour l’heure, l’importance de cette distinction subsiste, bien qu’à un
moindre degré, pour deux raisons :
• La Cour suprême, aujourd’hui la Cour de Cassation, conserve une
compétence d’attribution en matière d’excès de pouvoir en vertu de
l’article 9 de la loi qui lui confie le soin de juger les recours en
annulation dirigés contre les décrets et les actes réglementaires dont
le champ d’application dépasse le ressort territorial d’un tribunal
administratif. En outre l’article 144 de la Constitution dispose que les
décisions individuelles du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire
relèveront de la compétence de la plus haute juridiction
administrative, en l’espèce la Chambre administrative de cette
juridiction.
• L’article 23 de cette loi maintient, en outre, ce que l’on appelle
l’exception de recours parallèle en vertu de laquelle « le recours en
annulation n’est pas recevable contre les décisions administratives
lorsque les intéressés disposent pour faire valoir leurs droits du
recours ordinaire de pleine juridiction ».
Enfin, il y a une raison pratique au maintien de la distinction de ces
contentieux qui découle de ce que le recours en annulation est dispensé de
la taxe judiciaire en vertu de l’article 22 de la loi.
B. Le critère de la distinction
Il peut sembler naturel de se pencher sur l’objet de la demande en ce
sens que le recours en annulation consiste en une demande d’annulation
d’un acte pour violation de la règle de droit ; le moyen est alors d’ordre
objectif.
Par contre, dans la pleine juridiction, le requérant demande au juge
l’attribution d’une indemnité en réparation du préjudice que lui cause
l’administration soit du fait de la violation d’un contrat ou de la survenance
d’un accident de travaux publics, etc., préjudice matériel ou physique,
c’est-à-dire du fait de l’atteinte à un droit qui lui appartient
personnellement ; on se trouve ainsi dans un contentieux subjectif.
Elle étendra cette position aux agents des services publics industriels et
commerciaux dès lors qu’ils sont gérés dans le cadre d’un établissement
public : 21 janvier 1977, Badaoui Mohamed, R.J.P.E.M., 1978, p. 274.
Il en est de même pour une décision de résiliation d’un contrat passé
avec un architecte et régi par le droit privé : 13 juin 1985, Saïd El Fassi
Fihri.
Evidemment, la création des tribunaux administratifs peut conduire à
remettre en cause cette jurisprudence dans la mesure où il est conforme à
la logique de la dualité de juridiction que les tribunaux administratifs ne
soient saisis que de recours comportant l’application du droit administratif
et réciproquement. C’est donc sous cette réserve que l’on étudiera en deux
titres, le recours en annulation pour excès de pouvoir et le recours en
indemnité.
(94) Sur toutes ces questions on consultera avec profit l’étude quasiment exhaustive de la
jurisprudence récente des juridictions administratives présentée par le professeur El Yaâgoubi, Le
juge protecteur de l’administré, au colloque de Grenoble les 27-28 mars 1998 : Indépendance
nationale et système juridique : l’exemple du Maroc. Les actes de ce colloque ont été publiés par les
Presses universitaires de Grenoble, 2000, et les éditions la Porte de Rabat, 2000.
(95) M.A. Benabdallah, Les prérogatives de l’Etat dans le recours pour excès de pouvoir, Le
littoral, 1982.
Chapitre I
Les caractères généraux du recours en annulation
pour excès de pouvoir
Section I
C’est un recours qui existe de plein droit
Article 1er du dahir du 27 septembre 1957 : Il est institué une Cour
suprême « chargée de statuer, sauf si un texte l’exclut expressément, sur :
1. les pourvois en cassation ;
2. les recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions
émanant des autorités administratives... ».
Cette formule a d’ailleurs été textuellement reprise par l’article 353 du
C.P.C. de 1974 ; quant à l’article 8 de la loi du 12 juillet 1991, il est plus
laconique et dispose simplement que les tribunaux administratifs sont
172 Contentieux administratif marocain
§1. A
ffirmation de la primauté du recours en annulation sur
tous les textes antérieurs excluant tout recours
C’est dans l’arrêt du 23 février 1961, Société balnéaire, R. p. 38, que la
Cour décide que l’exclusion de tout recours formulée par un texte antérieur
à la création du recours pour excès de pouvoir, en l’espèce le dahir relatif
à l’occupation du domaine public de 1918, ne peut en aucune façon
s’opposer à l’admission du recours en annulation qui, depuis 1957, existe
de plein droit à l’encontre des décisions des autorités administratives quel
que soit leur objet.
Cette décision ne faisait que tirer les conséquences de l’innovation
législative qui, naturellement, entraîne la caducité de toutes les dispositions
antérieures contraires à la loi nouvelle. Il est en effet difficile d’admettre
qu’un texte ait pu exclure la possibilité d’un recours qui n’existait pas.
(96) M. Antari, « Le recours pour excès de pouvoir, une garantie dans un Etat de droit », REMALD,
n° 27, 1999, p. 99 ; M. Rousset, Note sur l’arrêt de la Cour suprême du 19 juin 1997, ministre de
l’Intérieur c/ Bizakarrne Ahmed, excluant certains actes administratifs du recours pour excès de
pouvoir, REMALD, n° 28, 1999, p. 121. M.A. Benabdallah, Sur une “régression jurisprudentielle” :
l’exclusion de certains actes administratifs du recours pour excès de pouvoir, même revue, p. 125.
Concernant le retour sur cette jurisprudence.
(97) M. Rousset et M.A. Benabdallah, Retour sur une « régression jurisprudentielle » : Le recours
pour excès de pouvoir contre les décisions du conseil de tutelle des terres collectives, Note sous
CSA, 7 juin 2006, Agent judiciaire du Royaume c/ Aït Mouli, REMALD n° 71, 2006, p. 141.
§2. A
ffirmation de la prééminence du recours en annulation
pour excès de pouvoir sur les textes postérieurs tendant à en
limiter le champ d’action
La Cour suprême s’est trouvée en présence de dispositions législatives
postérieures à 1957 formulées de façon à prêter à discussion.
Par exemple, il est dit dans certains textes que les décisions prises en
application de leurs dispositions sont insusceptibles de tout recours. La
pratique d’une telle formule a eu par ailleurs tendance à se développer à
une certaine époque ; la Haute juridiction a trouvé la parade dans un arrêt
du 18 février 1963, William Wall, R. p. 126 :
« Attendu que l’expression dont use le législateur ne peut être
interprétée, en l’absence d’une volonté clairement manifestée, comme
excluant le recours en annulation pour excès de pouvoir devant la Cour
suprême, recours ouvert contre tout acte émanant d’une autorité
administrative et qui a pour effet d’assurer, conformément aux principes
généraux du droit, le respect de la légalité. »
Ainsi, il faut désormais que le législateur exclue expressément « le
recours pour excès de pouvoir ». Ce problème est ainsi résolu dans un sens
favorable au contrôle de légalité. On peut même penser que cette exclusion,
concevable en 1957, ne l’est plus guère depuis que la Constitution de
1962 a fait du principe de légalité un principe constitutionnel maintenu en
1972, et, à plus forte raison, depuis la création du Conseil constitutionnel
chargé de vérifier la conformité de la loi à la Constitution. Plus proche de
nous, aujourd’hui, le problème d’une quelconque exclusion s’avère
impensable avec la Constitution de 2011 dont l’article 118 précise en son
deuxième alinéa que « tout acte de nature réglementaire ou individuelle,
pris en matière administrative, peut faire l’objet de recours devant la
juridiction administrative compétente ».
Cependant, avant aujourd’hui, on aurait pu penser, et tout le monde le
croyait, que le problème était définitivement réglé lorsque la Cour
suprême, infirmant en appel une décision du Tribunal administratif
d’Agadir qui se reconnaissait compétent pour statuer sur un recours dirigé
contre une décision du conseil de tutelle des terres collectives, déclara ce
recours irrecevable car ces décisions « ne sont pas motivées et ne sont
(98) CSA, 8 avril 1966, Aït Aflah et Aït Lahcen, ministère des Affaires administratives, les arrêts de
la Cour suprême, 1983, p. 10.
Mais il faut aussi ajouter qu’en rendant cet arrêt, la Cour suprême a
perdu de vue l’objet de sa mission que lui rappelait le Roi Hassan II dans
le message adressé aux participants au colloque organisé à l’occasion du
quarantième anniversaire de sa création qui insistait sur son rôle « en tant
qu’instance d’interprétation et d’adaptation de la loi… », afin « que la
justice soit en mesure d’accompagner les mutations économiques et
sociales » (message du 17 décembre 1997). Et, ce n’est certainement pas
en se référant à des textes ou des principes remontant aux origines du
protectorat que la Cour suprême fera progresser l’affermissement de l’Etat
de droit.
Section II
Le recours n’est pas suspensif
Cette règle a été posée par l’article 15 du dahir du 27 septembre 1957
et reprise par l’article 361 du C.P.C.
Actuellement, l’article 24 de la loi créant les tribunaux administratifs la
reprend sous une autre forme : « Sur demande expresse du requérant, le
tribunal peut ordonner qu’il soit sursis à l’exécution des décisions
administratives contre lesquelles a été introduit un recours en annulation
pour excès de pouvoir. »
Cette règle découle du privilège du préalable dont bénéficie l’acte
administratif qui, en tant que décision exécutoire, est présumé régulier.
Mais il est naturel de prévoir le cas où les inconvénients de cette
présomption peuvent l’emporter sur les avantages, et c’est ce qui a conduit
à prévoir cette possibilité de sursis.
(99) M.A. Benabdallah, Les prérogatives de l’Etat dans le recours pour excès de pouvoir, Le
Littoral, 1982, p. 139.
(100) C.S.A. 30 juillet 1998 ; Agent judiciaire c/ Zahara Mouhtaraf, REMALD n° 37, 2001, p. 163,
note Benabdallah.
(101) C.A.A, Rabat, 19 novembre 2008, Etat Marocain et cts c/ Charfi, REMALD n° 93, 2010,
p. 137, note Benabdallah.
(102) T.A., Casablanca, 24 avril 1996, Sté d’exploitation des plages du Maroc, note M. Rousset,
REMALD, n° 19, 1997, p. 165.
(103) A. Bounite, Le sursis à exécution des décisions administratives à la lumière de la
jurisprudence marocaine, Mémoire, en langue arabe, Faculté des sciences juridiques économiques
et sociales, Souissi-Rabat, 2007
Section III
Le recours pour excès de pouvoir
est un recours en annulation
Le juge saisi du recours n’a qu’un seul pouvoir, mais il est d’importance,
puisqu’il peut annuler la décision exécutoire.
Cette annulation peut être totale ou seulement partielle en fonction de
la demande mais aussi de la nature et de l’ampleur de l’illégalité.
Il annulera les dispositions d’un acte réglementaire dont l’illégalité a
fait l’objet du recours et laissera subsister le reste de l’acte pour autant du
moins que les dispositions annulées ne fassent pas perdre toute cohérence
au texte. De même, il annulera une décision dans sa portée rétroactive en
laissant subsister l’acte pour l’avenir à la condition qu’il ne résulte pas de
l’instruction que son auteur avait uniquement en vue la portée rétroactive
de la décision lorsqu’il l’a édictée. Naturellement, le juge peut aussi rejeter
le recours. Il faut donc examiner en détail les effets de l’arrêt puis les
conditions de son exécution.
Ceci soulève deux questions, d’une part, l’effet de l’arrêt pour le passé
et, d’autre part, l’autorité absolue de chose jugée.
Mais si le tiers n’a pas utilisé cette possibilité, il pourra, une fois l’arrêt
rendu, utiliser la tierce opposition : article 379 du C.P.C. Cependant, les
conditions sont plus restrictives.
Il faut en effet que le demandeur justifie de la possession d’un droit, et
pas seulement d’un intérêt, auquel la décision préjudicie.
Il faut en outre qu’il n’ait été ni présent, ni représenté à l’instance
principale, ce qui est logique : C.S.A. 8 juin 1964, Benhaïm c/ Président du
conseil (104) par lequel il est décidé que les membres d’une société
coopérative sont irrecevables dans leur tierce opposition contre un arrêt
rendu sur recours intenté par la société coopérative à laquelle ils
appartiennent. La loi de 1991 ne fait pas allusion à la tierce opposition,
mais l’on sait qu’en application de son article 7, les règles du code la
procédure civile sont applicables devant les tribunaux administratifs sauf
dispositions contraires prévues par la loi.
(104) C.S.A. 8 juin 1964, Benhaïm c/ Président du conseil, R.A.C.A.M. 1964, p. 451.
(106) Trib. Première instance, Rabat, 16 décembre 1985, C.O.M.A.G.R.I. c/ H. Bonin, RMD 1986,
p. 234, note Ouazzani Chahdi, p. 183)
(107) M.A. Benabdallah, Justice administrative et inexécution de justice, REMALD n° 25, 1998,
p. 9.
Section I
Les conditions tenant à la qualité du requérant
(108) M.D. Halabi Kettani, La condition d’intérêt dans le recours en annulation, in REMALD, coll.
« Thèmes actuels », n° 12, 1997, p. 29 (en langue arabe).
(109) C.E. 13 juillet 1948, Sté des amis de l’Ecole polytechnique, R. 330
Il est vrai que dans certains cas il n’y a aucune difficulté, car le
groupement défend des intérêts qui lui sont propres et correspondent à son
objet social. Nous en avons eu un exemple avec l’association des anciens
élèves de tel établissement.
Une association, un syndicat, un organisme professionnel (ordre des
médecins, des architectes, etc.) peut agir sans difficulté pour la défense
des intérêts moraux ou matériels qui sont communs à l’ensemble de ses
membres. Exemples : la Fédération nationale des transporteurs routiers, la
Société hippique et des courses marocaines, la Fédération nationale des
agents généraux d’assurances, etc.
Dans ces différents cas, l’organisme collectif utilise ce que l’on appelle
l’action corporative pour défendre un intérêt collectif. Mais si les
groupements peuvent agir pour défendre l’intérêt collectif, ils ne peuvent
pas agir pour défendre des intérêts individuels, ce qui relève de l’initiative
de chaque individu et se traduit en procédure par l’adage : « Nul ne plaide
par procureur ».
Toutefois, il peut être difficile de distinguer entre l’intérêt collectif et
l’intérêt individuel, sans oublier que, parfois, il existe des intérêts
individuels à répercussion collective.
La distinction est aisée lorsque l’on est en présence d’un acte
réglementaire ou collectif, car ces actes touchent le plus souvent l’ensemble
des membres du groupement, donc l’intérêt collectif :
Exemples :
• C.S.A., 29 janvier 1987, Association des inspecteurs adjoints du
Ministère des Finances qui annule l’alinéa 3 de l’article 13 du décret
du 28 septembre 1983 relatif au calcul du quota budgétaire permettant
l’accès au grade d’inspecteur (échelle 10).
• C.S.A., 16 juillet 1959, Association tangéroise interprofessionnelle
économique et sociale, R. 72, recours dirigé contre un décret étendant
à la zone de Tanger la réglementation fiscale applicable dans l’ex-
zone Sud.
Mais, en revanche, une fédération de syndicats locaux ne peut agir si
l’acte contesté ne concerne que les adhérents d’un syndicat régional,
C.S.A., 23 mars 1964, Fédération nationale des syndicats de transporteurs
routiers du Maroc. Il s’agissait d’actes individuels à répercussion
Section II
Les conditions tenant à la nature
de l’acte attaqué
La Cour suprême en 1957 et les tribunaux administratifs selon le texte
de la loi de 1991 statuent sur les recours en annulation dirigés contre les
décisions des autorités administratives.
Il faut donc déterminer ce que l’on doit entendre par décision des
autorités administratives. Parfois d’ailleurs, le législateur utilise une
expression légèrement différente en parlant de « décision administrative », ce
qui n’est pas équivalent : article 8-3° à propos de l’appréciation de la légalité,
article 21-6° à propos de l’exception de recours parallèle, ou bien encore
article 22 à propos du sursis. L’identification de l’acte administratif semble
apparemment un problème simple, et tel est le cas le plus fréquent.
Mais il peut arriver qu’il soit plus complexe parce que certaines
autorités administratives, en raison du dédoublement fonctionnel, peuvent
être conduites à prendre des actes qui ne sont pas administratifs ou parce
que certains actes qui émanent des autorités administratives ne constituent
pas des actes faisant grief au requérant.
Il faut enfin tenir compte du fait que de nombreux organismes ou
personnes privés assurant des missions de service public sur la base de la
loi, prennent des décisions dans le cadre de ces missions ; celles-ci sont
des décisions administratives dès lors qu’elles se rattachent à l’exécution
de la mission de service public et qu’elles mettent en œuvre des
prérogatives propre à l’action administrative comme le pouvoir d’action
unilatérale ; c’est ce que nous avons exposé à propos du critère matériel de
la matière administrative et que la Cour suprême a confirmé dans la
décision du 30 octobre 1991, Saâd Ben Haj Saigh c/ Fédération royale
marocaine de foot-ball.
(110) Une telle exclusion serait certainement censurée par le Cour constitutionnelle comme
contraires aux principes fondamentaux d’organisation judiciaire et surtout à l’article 118-2° de la
Constitution.
C’est en fonction des réponses que l’on peut apporter à ces diverses
questions que le jugement pourra conclure dans un sens ou dans l’autre
sur la question de la nature juridictionnelle ou administrative de
l’organisme.
Une dernière question doit être soulevée en raison de la création des
tribunaux administratifs.
Il s’agit de savoir s’il ne conviendra pas désormais de faire une
distinction entre les actes qui relèvent de l’organisation du service public
de la justice et ceux qui concernent le fonctionnement des juridictions.
En effet, dans le système de l’unité de juridiction, il n’y avait aucun
inconvénient, du point de vue de l’indépendance des juges, à ce que la
Cour suprême, qui coiffait l’ensemble des juridictions, connaisse par la
voie du recours pour excès de pouvoir les décisions liées à l’exercice de la
fonction du juge. Tel est par exemple le cas de l’arrêt de la C.S.A.,
25 février 1983, R.J.P.E.M. 1984, p. 103, par lequel la Haute juridiction
statue sur le recours en annulation dirigé contre la décision par laquelle le
premier Président de la Cour d’appel s’oppose à ce que le dossier d’une
affaire soit transmis au tribunal de première instance pour exécution.
Aujourd’hui, peut-on admettre que de tels actes soient déférés au
tribunal administratif ? Ne conviendra-t-il pas de distinguer entre les actes
touchant l’organisation du service public de la justice (création de
juridiction, affectation de magistrats ou création d’emplois, etc.) qui
peuvent faire l’objet d’un recours en annulation, et les actes touchant
l’exercice de la fonction juridictionnelle qui ne devraient pas pouvoir faire
l’objet d’un recours devant le tribunal administratif ? C’est une question
qui devra être tranchée.
(111) T.A., Rabat, 8 mars 2011, Belouad, REMALD n° 41, 2001, p. 133, note Benabdallah
(114) T.A., Agadir, 2 juillet 2008, Boudlal, REMALD n° 96, 2011, p. 168, note Benabdallah.
(115) P. Decroux, La délégation de pouvoir au Maroc », R.J.P.I.C., p. 357 ; cf. R. 1966-1970, p. 145
et 223.
(116) C.S.A., 5 juin 2003, Commune urbaine de Aïn Sebba c/ Moussadik Habiba, REMALD n° 60,
2005, p. 70, note Benabdallah
Section III
L’exception de recours parallèle
« Le recours pour excès de pouvoir n’est pas recevable contre les
décisions administratives lorsque les intéressés disposent pour faire valoir
leur droit du recours ordinaire de pleine juridiction. »
Cette exigence résulte de l’article 14-6° du dahir de 1957, repris par le
C.P.C. ; elle figure enfin dans l’article 23-6° de la loi de 1991.
Il y a donc recours parallèle lorsque le requérant peut faire pleinement
valoir ses droits grâce au recours devant le juge ordinaire. Telle est du
moins la conception de cette exception qui a prévalu depuis la création du
recours en 1957. La question que l’on peut se poser est celle de savoir si
elle demeurera inchangée avec la mise en place des tribunaux administratifs.
Section I
L’irrégularité externe de l’acte administratif
Ces irrégularités sont celles qui peuvent affecter la compétence ou la
forme de l’acte administratif.
208 Contentieux administratif marocain
§1. L’incompétence
C’est l’irrégularité qui concerne l’auteur de l’acte ; elle peut se
manifester de trois façons : usurpation de pouvoir, incompétence à raison
de la matière, incompétence temporelle.
A. L’usurpation
C’est la forme la plus grave d’incompétence. Une personne étrangère à
l’administration prend une décision ; dans ce cas, on peut observer que la
décision est juridiquement inexistante. Elle peut être attaquée à tout moment.
Une autre forme plus délicate apparaît lorsque l’on a affaire à ce que
l’on appelle le fonctionnaire de fait, c’est-à-dire un agent qui n’a jamais été
nommé dans ses fonctions, ou qui l’a été irrégulièrement, et qui prend des
décisions ; le juge a imaginé la théorie du fonctionnaire de fait pour remédier
aux conséquences redoutables qui auraient découlé de l’annulation de
décisions qui ont toute l’apparence de la régularité pour leurs destinataires ;
dès lors que l’auteur des décisions présentait toutes les apparences d’un
fonctionnaire régulièrement nommé, ses décisions seront maintenues.
Cette théorie qui n’a jamais eu l’occasion d’être mise en œuvre par le
juge marocain est utilisée par le législateur en matière de comptabilité
publique.
Exemple de l’article 16 du dahir du 21 avril 1967 sur la comptabilité
publique :
« Toute personne qui effectue sans titre des opérations de recettes, de
dépenses ou de mouvements de valeurs intéressant un organisme public est
constitué comptable de fait ; le comptable de fait est soumis aux mêmes
obligations et assume les mêmes responsabilités qu’un comptable public. »
Naturellement, tout ceci ne joue qu’en l’absence de circonstances
exceptionnelles.
(118) La loi du 12 octobre 1971 sur la réglementation et le contrôle des prix a été abrogée et
remplacée par la loi n° 06-99 promulguée par dahir du 5 juin 2000, B.O. 2000, p. 645.
(119) M.A. Benabdallah, Des droits acquis et de la non-rétroactivité des actes administratifs,
REMALD, 2009, n° 86, p. 97.
(120) M.A. Benabdallah, Principe de non-rétroactivité des actes administratifs favorables ou
défavorables, Note sous T.A., Rabat, 17 juin 2008, El Asfar, REMALD, 2010, n° 90-91, p. 75.
(121) T.A., Casablanca, 21 juin 2011, Bouhouli, REMALD n° 104, 2012, p. 214, note Benabdallah.
(122) B.O. n° 5030 du 15 août 2002.
Section II
L’irrégularité interne de l’acte administratif
Elle peut atteindre les différents éléments de l’acte administratif : but,
objet, motifs.
Il est donc normal qu’ils soient contrôlés par le juge. Mais, d’une part,
leur contrôle peut être délicat, tel est le cas du détournement de pouvoir ;
et, d’autre part, son ampleur est variable selon que le pouvoir dont dispose
l’autorité administrative est plus ou moins encadré par la règle de droit.
C’est le problème du pouvoir lié et du pouvoir discrétionnaire qui reparaît
ici.
B. L
e détournement de pourvoir dans un intérêt général différent
de celui que permet d’atteindre l’acte
Le pouvoir de police existe dans le but de maintenir ou de rétablir
l’ordre public ; son utilisation dans le but de résoudre un conflit familial
constitue un détournement de pouvoir ; C.S.A., 26 mai 1960, Lahcen
Ben Abdelmalek Soussi, R. 105. Il s’agissait d’une décision de fermeture
de café prise par le caïd de Khémisset.
Un cas très voisin se présente dans l’affaire jugée par la Cour suprême
(C.S.A., 14 janvier 1988, RMD 1988, p. 105) où la suspension des travaux
de construction avait été ordonnée par le président d’un conseil communal
non pas pour infraction aux règles d’urbanisme, mais en raison d’une
C. Le détournement de procédure
Variété de détournement de pouvoir (Hauriou), le détournement de
procédure consiste dans le recours à une procédure à une fin autre que
celle pour laquelle elle doit être utilisée. C.S.A. 30 janvier 1970, Mohamed
Fraj, R. 1966/1970, p. 214 : la sanction prononcée par le gouverneur de
Fès pour hausse illicite des prix est illégale parce que la décision se fonde
sur le texte relatif à la répression des fraudes ; la Cour annule parce que
ces deux textes organisent des procédures de répression différentes,
notamment au point de vue des garanties données aux intéressés (expertise,
droits de la défense).
En France, une affaire fameuse : C.E., 24 juin 1960, Sté Frampar, p. 585,
illustre ce détournement. Le juge constate le détournement de procédure
réalisé par un préfet qui se fonde sur ses pouvoirs de police judiciaire en
matière d’atteinte à la sécurité de l’Etat pour procéder à la saisie d’un
journal alors qu’il aurait dû, en l’espèce, utiliser les pouvoirs de police
administrative, car il n’y avait aucune atteinte à la sécurité de l’Etat. Mais
l’utilisation des pouvoirs de police administrative supposait qu’il y ait
menace grave à l’ordre public et urgence, à défaut de quoi la saisie aurait
constitué une voie de fait.
Il y a également détournement de procédure lorsque le supérieur
hiérarchique utilise le procédé de la mutation dans l’intérêt du service
plutôt que la procédure disciplinaire pour sanctionner le comportement
fautif d’un agent en privant ainsi ce dernier des garanties disciplinaires
prévues par son statut.
En définitive, le grand problème du détournement de pouvoir, c’est la
preuve ; on sait que le but à atteindre relève souvent de ce que l’on appelle
les mobiles de l’acte, ou plutôt de l’auteur de l’acte ; celui-ci ne les
explicite généralement pas sauf les cas très rares d’aveux naïfs ou
(124) M.A. Benabdallah, La preuve du détournement de pouvoir, R.M.D. 1987, n° 12, p. 124.
(125) M. Rousset et M.A. Benabdallah, Contrôle des motifs et détournement de pouvoir en matière
de mutation de fonctionnaires, Note sous C.A.A., Rabat, 9 mars 2011, Agence Maghreb Presse
c/ Harrak, REMALD n° 97-98, 2011, p. 215.
les motifs de la décision qu’elle veut prendre et que les expliciter ne lui
pose aucun problème.
Il est clair enfin qu’il appartient au juge de trancher les contestations
qui peuvent s’élever s’agissant de la légalité des motifs des décisions de
l’administration (127).
Il est des cas où, disposant d’un pouvoir discrétionnaire, l’administration
n’a pas l’obligation de motiver sa décision par exemple lorsqu’elle relève
de ses fonctions un agent occupant un « emploi de responsabilité » c’est-à-
dire un emploi supérieur dont la nomination est à la discrétion de l’autorité
investie du pouvoir de nomination ; elle peut nommer un tel agent et le
relever de ses fonctions sans avoir à indiquer les motifs de sa décision ;
mais si elle précise les motifs d’une décision le relevant de ses fonctions,
alors le juge est en droit d’en vérifier la réalité en fait et en droit : T.A. de
Rabat, 5 mai 2015, Bouchra Ouachou, REMALD, n° 125, 2015, p. 371,
Note M. Rousset et M.A. Benabdallah.
a. L’erreur de fait
Il s’agit de vérifier que les faits allégués comme motifs de la décision
existent réellement.
On voit ici l’importance des différents procédés procéduraux qui
permettent de constater, de vérifier l’existence matérielle des faits :
expertise, enquête, visite des lieux. Exemple de la fermeture du garage à
Fès pour tapage ; ou bien encore vérification des raisons qui ont entraîné le
non-respect d’une obligation de construire dans un certain délai de la part
de l’acquéreur de terrain vendu par l’administration, C.S.A., 17 juillet
1969, Union hôtelière de l’Afrique du Nord : les causes du défaut de
construction sont mises en évidence à la suite d’une expertise ordonnée
par la Cour suprême qui fait apparaître que la cause réside dans l’inertie
de l’administration qui n’a pas procédé à la délivrance du permis de
construire, Union hôtelière d’Afrique du Nord (annulation de la décision
de résiliation de la vente).
De même, dans une décision du 14 janvier 1988 (R.M.D. 1988, p. 105),
le juge annule une décision de suspension de travaux de construction prise
au motif qu’il y aurait eu infraction aux règles d’urbanisme ; or, cette
infraction n’existait pas (en fait il y avait détournement de pouvoir car le
président du conseil communal cherchait à régler une contestation portant
sur la propriété du terrain).
Dans une décision du 31 janvier 1985, la Cour annule une décision
d’augmentation d’une redevance pour occupation du domaine communal
parce qu’elle ne repose sur « aucun critère objectif » : C.S.A., 31 janvier
1985, Sté Benkhaled frères c/ Président du conseil communal de
Marrakech, RMD n° 12, 1987, p. 105.
Elle annule également une décision de sanction au motif que
l’administration « n’a pas appuyé ses allégations sur des faits détaillés et
précis, se bornant à des généralités insuffisantes pour incriminer le
requérant » : C.S.A., 31 octobre 1991, Saâd Ben Haj Saigh c/ Fédération
royale marocaine de foot-ball (dont il convient de remarquer qu’elle est
une association de droit privé investie d’une mission de service public
délégataire de prérogative de puissance publique).
De même, après expertise il apparaît que le garage ne causait aucun
trouble au voisinage ; la décision du pacha de Fès ordonnant la fermeture
de l’établissement doit être annulée car le motif manque en fait : C.S.A.,
8 mai 1970, Hachoumi Ben Abdesslam, Jurisprudence de la Cour suprême,
1966-1970, p. 153 (en langue arabe).
Le juge peut d’ailleurs demander à l’administration de lui communiquer
le dossier afin de vérifier la réalité des faits invoqués à l’appui de la
décision. Dans l’affaire Sté de transport rural de Fès, la Cour annule la
décision de sanction au motif que l’autorité administrative ne lui a fourni
aucun élément lui permettant d’exercer son contrôle sur la réalité des faits
constitutifs de l’infraction imputée à la Société.
Si la décision repose sur plusieurs motifs et si l’un d’eux seulement est
illégal, la décision ne sera pas nécessairement annulée, car le juge fait la
distinction entre le motif déterminant et le motif surabondant. La validité
du premier est suffisante pour entraîner le maintien de la décision : 9 mars
1964, Kanouni Driss, R. 196 (deux faits étaient invoqués à l’appui d’une
sanction ; l’un des deux manque en réalité ; mais le second, bien réel, est
suffisant pour justifier la sanction).
b. L’erreur de droit
Chaque décision doit reposer sur un motif qui est juridiquement prévu ;
il faut donc respecter le lien établi légalement entre la décision et le motif.
Une révocation suppose une faute disciplinaire ; or n’importe quel fait
ne constitue pas une faute.
Par ailleurs, dès lors qu’un fait a été dénié par une décision juridictionnelle
passée en force de chose jugée, il ne peut plus servir de fondement légal à
une sanction disciplinaire : C.S.A., 8 août 1985, Kabiri Seddik Ahmed Ben
Al Fakak c/ Directeur général des douanes et impôts indirects.
Un licenciement peut être la conséquence soit d’une insuffisance
professionnelle, soit d’une impossibilité de réintégration à l’issue d’une
période de congé pour longue maladie, soit enfin pour suppression
d’emploi, etc.
Le refus du permis de construire n’est justifié que si le demandeur ne
respecte pas les règles prévues par le dahir sur l’urbanisme.
Le retrait d’agrément pour les entreprises de transport routier ne peut
être prononcé que pour des motifs prévus par la loi : 23 mars 1964, Hadi
Lyoubi, R. 200 ; il en est de même pour le retrait ou le refus d’octroi d’une
licence de taxi : 21 décembre 1961, Ville de Casablanca c/ Magro, R. 225.
La Cour suprême a également annulé pour erreur de droit la décision
du gouverneur de Fès prononçant la fermeture d’une librairie pour atteinte
à l’ordre public du fait qu’avaient été exposés à la vente les Evangiles ; la
Cour observe que ces textes sont enseignés dans les facultés de Charia et
que, dans ces conditions, il ne peut y avoir d’atteinte à l’ordre public :
Dans tous ces cas, le juge se livre à ce que l’on appelle un contrôle
normal.
Mais il existe une troisième série de situations dans lesquelles l’autorité
administrative se voit reconnaître une très large liberté d’appréciation des
motifs des décisions qu’elle peut être amenée à prendre ; le juge n’exerce
alors qu’un contrôle réduit sur la liaison motif-décision. On dit alors qu’il
ne s’agit que d’un contrôle minimum.
C.S.A., 9 janvier 1960, Loc, R. 95 : L’appréciation des mérites des
candidats à l’inscription au tableau des experts agréés auprès des tribunaux
relève du pouvoir discrétionnaire de l’autorité administrative ; il en est de
même des appréciations que porte un jury de concours ou d’examen sur
les mérites des candidats ; ou bien encore de l’utilité publique dans la
procédure d’expropriation.
En France, le juge a essayé d’élargir son contrôle dans ce genre de
situation, en faisant appel à la notion de proportionnalité ou à celle d’erreur
manifeste de façon à censurer des erreurs grossières commises par
l’administration dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.
Il fait appel au principe de proportionnalité dans une décision de
principe C.E. 28 mai 1971, Ville nouvelle Lille-Est (G.A.J.A. 639) en
jugeant qu’une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité
publique « que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et
éventuellement les inconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont
pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ».
Le juge applique par ailleurs la notion d’erreur manifeste dans une
série de cas où il n’exerce qu’un contrôle dit minimum (contrôle de
l’irrégularité externe, de l’erreur de fait et de droit, du détournement de
pouvoir) ; en revanche, il ne contrôle pas l’adaptation motif-décision sauf
le cas d’erreur grossière : il utilise cette technique de contrôle en matière
de remembrement, 6 novembre 1970, Guyé, R.D.P. 1977, 517.
En matière d’urbanisme à propos d’un plan d’occupation des sols :
Association pour la sauvegarde du pays de Rhuys, 19 octobre 1979,
A.J.D.A. 1980, p. 110.
Pour l’expulsion d’un étranger : Sieur Pardov, 3 février 1975, A.J.D.A.
1975, p. 131.
(129) M. Tozy, Monarchie et islam politique au Maroc, 2e éd. Presses de sciences politiques, 1999,
p. 195, 240 et 280.
Section II
La naissance de la responsabilité
de la puissance publique
La responsabilité de la puissance publique traduit en termes juridiques
l’obligation d’équité qui incombe à toute personne de réparer le dommage
qu’elle a causé à autrui.
Cette obligation, que le droit privé a pratiquement toujours connue,
constitue une institution récente en droit administratif. En effet, c’est un
principe d’irresponsabilité de l’Etat qui, pendant longtemps, a prévalu
dans la plupart des systèmes juridiques.
234 Contentieux administratif marocain
(130) C’est dire que, déjà à l’époque, alors qu’il n’y avait pas de contrôle de constitutionnalité des
lois et que n’était pas encore admis le principe selon lequel le législateur ne pouvait exprimer sa
volonté que dans le respect de la constitution, mais tout le contraire, l’auteur avait trouvé à la
responsabilité administrative un fondement d’ordre constitutionnel dans la mesure où la Déclaration
des Droits de l’Homme et du Citoyen était la base de tout ce qui a suivi après la Révolution de 1789.
(131) J. Moreau, La responsabilité administrative, Que sais-je ? n° 2292, PUF, p.7 et suiv.
Section II
L’interprétation des textes et le problème du régime
de la responsabilité de la puissance publique
Les textes de 1913 ont posé dès leur édiction un problème d’interprétation
pour deux raisons.
La première résulte du fait que ces articles sont intégrés dans un code
qui est tout entier consacré au droit privé : le dahir sur les obligations et
contrats. Ce fait pose la question de l’autonomie de la responsabilité de la
puissance publique.
La deuxième est liée à la rédaction de l’article 79 ; il met en cause les
modalités d’engagement de cette responsabilité : découle-t-elle d’une faute
ou du risque ?
(132) C.C.A, 12 février 2013, Agent judiciaire du Royaume c/ Chelkha, REMALD, 2013, n° 109-110,
note Rousset et Benabdallah.
Cette interprétation fondée sur le bon sens tient cependant compte d’un
certain nombre de facteurs tirés du contexte historique.
Il faut conserver à l’esprit que le rédacteur des articles 79 et 80 n’est
autre que le Conseiller d’Etat Georges Teissier, l’auteur de l’ouvrage cité
plus haut relatif à la responsabilité de la puissance publique en France en
1906, responsabilité qui reposait sur la fameuse formule de l’arrêt Blanco
selon laquelle la responsabilité qui peut incomber à l’Etat pour les
dommages causés par les services publics n’est « ni générale ni absolue »
qu’elle a ses règles spéciales découlant de la nécessité de concilier les
exigences des services publics avec les droits légitimes des particuliers.
A l’époque, ainsi que nous l’indiquions ci-dessus, la responsabilité sans
faute n’a été consacrée que dans un cas, celui de l’arrêt Cames ; elle
n’occupe donc qu’une place tout à fait limitée à côté du régime principal
de responsabilité qui repose sur la faute.
Rapidement, les juridictions se rangèrent à cette opinion. Toutefois, le
Premier Président de la Cour suprême revint sur cette question dans un
discours d’ouverture de l’année judiciaire à propos d’une décision de la
Cour suprême accordant une réparation à la veuve d’un agent mort en
service sur la base de la responsabilité sans faute (C.S.A., 3 juillet 1968,
Aboubou, G.T.M. 1969, p. 5).
Le Haut magistrat se prononçait pour une responsabilité objective en se
fondant exclusivement sur des idées de justice et d’équité qui lui
semblaient plus en accord avec les bases philosophiques et historiques du
droit musulman.
Cette tentative de modifier les bases du système de responsabilité a
certainement introduit un flottement dans les décisions des juridictions
inférieures (133) ; mais, en fait, il semble que la Haute juridiction ait
surtout cherché à donner une plus grande extension à la responsabilité
pour risque chaque fois que l’équité le commandait, mais sans remettre en
cause le principe de la responsabilité pour faute.
Certains commentateurs ont cependant exprimé l’opinion que le
flottement constaté dans les décisions des tribunaux ordinaires provenait
(134) M. Rousset, Interprétation et progrès du droit, Mélanges M.J. Essaid, T. I, Rabat 2005, p. 265.
Section I
La responsabilité pour faute de service
La faute de service peut se définir comme le manquement constaté aux
obligations qui pèsent sur le service. Cette faute n’est absolument pas
assimilable à la notion courante de faute ; elle ne présente aucun caractère
moral ou subjectif ; il s’agit d’une faute « objective » qui s’apprécie par
rapport à ce qu’implique le fonctionnement normal du service.
Chaque administration a en effet une mission déterminée qu’elle assume
avec des moyens matériels, des personnels et des moyens juridiques. Elle
assume ainsi des obligations et des droits qui constituent ce que l’on peut
appeler la charte du service ; ainsi on peut dire que la faute de service, c’est
le manquement aux obligations qui incombent aux services.
Il est ainsi évident que la faute de service peut prendre toute sorte de
visages ou de formes. C’est une notion variable, selon le service en cause
puisque chaque service a une mission propre, une organisation spécifique
et des obligations spéciales.
Mais c’est aussi une notion relative car elle s’apprécie en fonction des
circonstances qui peuvent être plus ou moins aisées et qui, à la limite,
peuvent être des circonstances exceptionnelles.
Il nous faut donc revenir sur la nature de la faute, avant de préciser
qu’elle peut être d’une gravité variable ; il restera alors à examiner le
problème de sa preuve.
(135) M. Antari, Les dommages causés par le silence de l’administration peuvent-ils être réparés,
REMALD n° 33, 2000, p. 37.
choix des modes de preuve des faits dont se prévalent les parties… »
C.S.A. 7 mai 1960, Etat c/ Dejoie, R. 218.
2. La procédure civile offre au juge de nombreuses possibilités
d’intervention au cours de l’instance : référé, expertise, enquête, transport
sur les lieux, peuvent être utilisés par le juge soit de sa propre initiative
soit à la demande des parties.
3. Mais ce qui est encore plus favorable c’est le renversement de la
charge de la preuve par l’établissement de ce que l’on appelle une
présomption de responsabilité à la charge de l’administration.
Dans ce cas, l’administration ne peut s’exonérer de sa responsabilité
qu’en démontrant qu’elle a fait tout ce qui lui incombait pour empêcher la
survenance du dommage.
Cette présomption a été imposée à l’administration en matière de
travaux publics : l’administration doit établir qu’elle a satisfait à
l’obligation d’entretien normal de l’ouvrage public (Etat c/ Dejoie). La
Cour suprême adopte la même attitude à propos de la responsabilité de
l’O.N.C.F. à l’égard des tiers : 13 avril 1977, Kbira Bent Kacem
c/ O.N.C.F., R.J.P.E.M., 1979, p. 173 : « Qu’il est suffisant pour que sa
responsabilité soit dégagée que le service prouve qu’il a fait tout ce qu’il
devait faire conformément à la loi et aux normes judiciaires… »
Par ailleurs, le juge utilise cette présomption en ce qui concerne les
accidents causés par les véhicules automobiles, estimant qu’il s’agit d’une
activité dangereuse à l’égard de laquelle les piétons, lorsqu’ils en sont les
victimes, doivent être protégés. Mais aujourd’hui, ce sont les juridictions
ordinaires qui ont conservé la connaissance de ces litiges.
Section II
La responsabilité sans faute
Dans un certain nombre de situations, l’application du système de la
responsabilité pour faute pourrait conduire à l’impossibilité pour la victime
d’obtenir réparation du préjudice en raison de son incapacité à démontrer
l’existence d’une faute à la charge de l’administration. Cette situation peut
se présenter :
• soit parce que la preuve de la faute est impossible : c’est le cas des
activités dangereuses : explosion, incendie, usage d’arme à feu,
avalanche ou éboulement, etc.
• s oit parce que la preuve de la faute peut être inopportune si le
dommage est causé par un acte de gouvernement.
• soit parce qu’il n’y a pas de faute : l’activité administrative ne peut pas
ne pas produire de dommage : c’est souvent le cas de dommages de
travaux publics qui résultent nécessairement de la réalisation du travail
public ou de l’existence de l’ouvrage public ; ce pourra aussi être le
cas dans le domaine de l’activité juridique d’un acte administratif
régulier qui ne touche négativement qu’un nombre limité d’individus.
Pour faire face à ces diverses éventualités, le juge a imaginé de faire
appel à un autre système de responsabilité de façon à parvenir à indemniser
les victimes. C’est le système de la responsabilité sans faute.
La responsabilité sans faute repose naturellement sur le fondement
général de toute responsabilité : le principe d’égalité des citoyens devant
les charges publiques qui est un principe de justice et d’équité. Mais il
repose aussi sur un mécanisme spécifique qui est le risque que l’activité
administrative peut engendrer et qui oblige la collectivité publique à
réparer les dommages causés même en l’absence de faute.
Cette responsabilité sans faute a connu un assez large développement
en France ; elle est sans doute moins développée au Maroc, mais les
juridictions lui font une place qui ne peut que s’étendre dès lors que se
présenteront des situations où il sera équitable de s’y référer.
Il faut d’ailleurs indiquer que le législateur est parfois intervenu soit
pour institutionnaliser les solutions retenues par le juge, soit pour
compléter la jurisprudence.
Il est difficile de classer de façon logique les différents cas dans lesquels
cette responsabilité est retenue. La cause de l’appel à ce système peut être
le caractère dangereux de l’activité et du risque qu’elle implique, que
celui-ci soit matériel, juridique ou social. Dans d’autres cas, ce sera
purement et simplement la rupture du principe d’égalité qui obligera à
réparer le préjudice causé sans faute. On a parfois fait également appel à
l’idée d’enrichissement sans cause lorsque le collaborateur de service public
est victime d’un accident alors qu’il œuvre au profit de l’administration.
2. Le dommage accidentel
Le dommage accidentel est le résultat fortuit de l’exécution du travail
public. Ce résultat n’est pas normal ; il aurait dû être évité ; il s’agit d’un
accident. Les exemples sont naturellement très nombreux :
• effondrement d’un mur en construction ;
• absence de balisage d’une tranchée, d’un chantier, d’un dépôt de
matériel qui provoque un accident ;
• éboulement dû à un tir de mine ;
• chute d’un câble électrique, etc.
La jurisprudence distingue selon que la victime est un usager ou un
tiers.
a. Le mode de réparation fait ici appel à la faute si la victime est un
usager bénéficiaire de l’opération ou de l’ouvrage public ; toutefois, il
s’agit d’une responsabilité pour faute présumée.
La justification – contestable – de ce système repose sur l’idée que
l’usager de l’ouvrage public est bénéficiaire de l’opération, qu’il tire un
avantage de l’existence de l’ouvrage public et que, dans ces conditions, il
est logique qu’il soit soumis à un régime de responsabilité pour faute
comme tout usager des services publics.
Dans une décision du 18 mai 1961, Etat c/ Mayent, R. 137, la Cour
suprême rappelle que l’usager bénéficiaire de l’ouvrage public peut être
indemnisé dès lors que le dommage « excède les sujétions que les riverains
§5. L
a responsabilité du fait des décisions administratives
générales régulières
En France, cette responsabilité touche également les actes législatifs,
dans des cas il est vrai exceptionnels : c’est le cas dans l’arrêt du 14 janvier
1938, La Fleurette, G.A.J.A. p. 325.
Une mesure d’ordre général peut en fait ne toucher que quelques
personnes, voire une seule ; dans l’affaire La Fleurette, la loi interdisant
l’utilisation de produits de substitution aux produits laitiers ne touchait que
l’entreprise La Fleurette qui dut fermer ses portes alors que la loi était
prise dans l’intérêt général ; de telles situations se sont par la suite
produites à propos de mesures réglementaires.
Dans ce type de situation, l’autorité législative ou réglementaire ne
commet pas de faute ; mais il y a pour celui qui supporte les conséquences
négatives de la mesure rupture de l’égalité devant les charges publiques.
La Cour suprême a admis, a contrario, le principe de cette
responsabilité sans faute dans une décision du 21 décembre 1961, Sieur
Magro c/ Ville de Casablanca, R. 225. Il s’agissait d’une décision de retrait
de licence de taxi fondée sur une réglementation générale relative à la
délivrance des licences d’exploitation des voitures de place.
La Cour a rejeté la demande d’indemnité en se fondant sur le fait que
le préjudice allégué ne présentait pas les caractères qui en auraient fait un
« préjudice indemnisable ».
Attendu que le préjudice subi « n’a pas le caractère de gravité ni
d’anormalité nécessaire pour que la responsabilité de la collectivité puisse
être considérée comme engagée, même en l’absence de faute, à la suite
d’une mesure d’ordre général ».
La Cour constate en effet que les licences ont « un caractère
essentiellement précaire et révocable ».
Section I
L’action en indemnité
Il n’existe pas d’obligation d’obtenir une décision administrative
préalable qui ferait suite à une demande d’indemnisation adressée à
l’administration. Ce qui n’exclut pas qu’il est préférable de tenter d’obtenir
satisfaction à l’amiable avant de venir devant le juge.
L’action doit respecter un certain nombre d’obligations :
1. Si l’action est dirigée contre une collectivité locale, elle doit
obligatoirement, à peine d’irrecevabilité, être précédée d’un mémoire
exposant l’objet et le motif de la demande adressée soit au wali ou
gouverneur, soit au ministre de l’Intérieur ainsi qu’au conseil de la
collectivité concernée ; l’action ne pourra être intentée que dans les deux
mois du dépôt de ce mémoire.
2. Il n’existe pas de délai pour intenter l’action ; mais il ne faut pas
oublier la prescription de l’article 106 du DOC qui est de cinq années :
270 Contentieux administratif marocain
Section II
L’imputabilité
Elle détermine le lien de causalité entre le dommage et l’activité
administrative. Cette détermination existe dans tous les systèmes de
responsabilité, pour faute et sans faute.
Elle pose un double problème : le problème de l’existence du lien de
causalité et de son éventuelle rupture ; le problème de la détermination du
patrimoine qui supportera finalement la charge de l’indemnité.
A. La force majeure
Elle peut avoir un effet exonératoire, mais, comme dans le contentieux
contractuel, le juge se montre très exigeant pour accepter de reconnaître
un événement de force majeure. Il faut que le fait soit imprévisible,
irrésistible et étranger à l’action et à la volonté de l’administration. C.A.
de Rabat 9 décembre 1947 : « Ces pluies extraordinaires ont eu des effets
irrésistibles caractérisant la force majeure… »
C. La faute de la victime
Elle doit faire l’objet d’une analyse identique à celle du tiers. La faute,
ou le fait de la victime, peut être à l’origine exclusive du dommage ou
avoir seulement contribué à sa survenance ou à son aggravation.
Dans le premier cas, il est logique que l’administration soit totalement
exonérée de sa responsabilité et que, dans le second, celle-ci soit atténuée,
et cela dans les deux systèmes de responsabilité.
Section III
L’indemnisation
Deux questions essentielles se posent : tous les préjudices sont-ils
réparés ? Comment sont-ils réparés ?
(137) Le principe de la réparation intégrale est illustré par l’arrêt CSA 8 juillet 1968, Veuve
Abboud, G.T.M. 1968, n° 5, commenté par le Premier président Bahnini dans le discours de rentrée
de la Cour suprême, le 7 octobre 1968.
Section I
La faute personnelle
La détermination de la faute personnelle est dans certains cas tout à fait
aisée.
C’est la faute qui se détache matériellement et fonctionnellement ou
intellectuellement du service, soit parce qu’elle est commise en dehors de
l’exercice des fonctions, soit parce qu’elle n’a aucun rapport avec
l’exercice de celles-ci.
En revanche, lorsque la faute personnelle est une faute lourde dans
l’exercice des fonctions, le problème de son identification peut être plus
difficile à résoudre.
§2. Le dol
Le dol est constitué par tout acte qui implique une intention de nuire et
qui dénote la malveillance de son auteur.
Le dol peut être commis dans l’exercice des fonctions, mais il s’en
détache intellectuellement car celles-ci n’impliquent jamais la malveillance
et la volonté de nuire.
Les coups et violences seront considérés comme des actes dolosifs :
c’est ce que décide le tribunal de Rabat à propos des brutalités commises
sur un prévenu par un officier de police : 6 juillet 1960, Filali Bachir (138).
(139) M. Rousset et M.A. Benabdallah, Peut-on assimiler une voie de fait à une faute de service ?
Note sous T.A., Rabat, 21 décembre 2009, Jalal, REMALD n° 94-95, 2010, p. 179.
Section II
Les rapports de la responsabilité personnelle
et de la responsabilité administrative
Le législateur de 1913 a établi clairement le caractère exclusif des deux
responsabilités. Soit il y a responsabilité administrative, soit il y a
responsabilité personnelle et dans ce cas les collectivités publiques ne
peuvent être poursuivies qu’en cas d’insolvabilité de l’agent responsable.
La victime a donc toujours l’assurance d’être indemnisée. Il faut
observer que le texte de l’article 80 utilise l’expression : « être poursuivies »
et non pas être déclarées responsables. Les collectivités publiques sont
seulement substituées à leurs agents dans l’obligation de payer et non pas
dans la responsabilité ; la cause de cette obligation c’est la substitution, qui
constitue une sorte de garantie législative établie au profit des victimes ;
mais ce n’est pas une responsabilité de la collectivité.
Deux questions peuvent se poser :
• Peut-il y avoir cumul de fautes ?
• Peut-il y avoir cumul de responsabilité ?
Annexe I
Textes principaux
Annexe II
Loi n° 41-90
instituant des tribunaux administratifs (140)
Chapitre premier
Dispositions générales
Section première
Création et composition
Article premier
Il est créé des tribunaux administratifs dont le siège et le ressort sont
fixés par décret.
Les magistrats des tribunaux administratifs sont régis par les
dispositions du dahir portant loi n° 1-74-467 du 26 Chaoual 1394
(11 novembre 1974) formant statut de la magistrature, sous réserve des
dispositions particulières qui y sont édictées pour tenir compte de la
spécificité de leurs fonctions.
Article 2
Le tribunal administratif comprend :
• un président et plusieurs magistrats ;
• un greffe.
Le tribunal administratif peut être divisé en sections suivant la nature
des affaires.
Le président du tribunal administratif désigne, pour une période de
deux ans, parmi les magistrats de celui-ci, sur proposition de l’assemblée
générale, un ou plusieurs commissaires royaux de la loi et du droit.
Section deuxième
De la procédure devant les tribunaux administratifs
Article 3
Le tribunal administratif est saisi par une requête écrite signée par un
avocat inscrit au tableau de l’un des barreaux du Maroc et contenant, sauf
disposition contraire, les indications et énonciations prévues par l’article
32 du code de procédure civile.
Il est délivré par le greffier du tribunal administratif récépissé du dépôt
de la requête. Ce récépissé est constitué par une copie de la requête sur
laquelle sont apposés le timbre du greffe et la date du dépôt et énoncées
les pièces jointes.
Le président du tribunal administratif peut accorder le bénéfice de
l’assistance judiciaire conformément à la procédure en vigueur.
Article 4
Après enregistrement de la requête, le président du tribunal administratif
transmet, immédiatement, le dossier à un juge rapporteur qu’il désigne et
au commissaire royal de la loi et du droit visé à l’article 2 ci-dessus.
Les articles 329 et 333 à 336 du code de procédure civile sont
applicables aux actes de procédure effectués par le juge rapporteur ; les
attributions dévolues par les dits articles à la cour d’appel, à son premier
président et au conseiller rapporteur étant exercées respectivement par le
tribunal administratif, son président et le juge rapporteur.
Article 5
Les audiences des tribunaux administratifs sont tenues et leurs
jugements rendus publiquement par trois magistrats assistés d’un greffier.
La présidence de l’audience est assurée par le président du tribunal
administratif ou par un magistrat désigné à cette fonction par l’assemblée
générale annuelle des magistrats du tribunal administratif.
La présence du commissaire royal de la loi et du droit à l’audience est
obligatoire.
Le commissaire royal de la loi et du droit expose à la formation de
jugement, et en toute indépendance, ses conclusions écrites et orales sur
Article 6
En matière de récusation, les attributions dévolues par le chapitre V du
titre V du code de procédure civile à la cour d’appel, à son premier
président et aux présidents des tribunaux de première instance sont
exercées, lorsqu’il s’agit des magistrats des tribunaux administratifs,
respectivement par la chambre administrative de la Cour suprême, son
président et le président du tribunal administratif.
Article 7
Les règles du code de la procédure civile sont applicables devant les
tribunaux administratifs, sauf dispositions contraires prévues par la loi.
Chapitre 2
De la compétence des tribunaux administratifs
Section première
De la compétence en raison de la matière
Article 8
Les tribunaux administratifs sont compétents, sous réserve des
dispositions des articles 9 et 11 de la présente loi, pour juger en premier
ressort les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les
décisions des autorités administratives, les litiges relatifs aux contrats
administratifs et les actions en réparation des dommages causés par les
actes ou les activités des personnes publiques, à l’exclusion toutefois de
ceux causés sur la voie publique par un véhicule quelconque appartenant à
une personne publique.
Les tribunaux administratifs sont également compétents pour connaître
des litiges nés à l’occasion de l’application de la législation et de la
Article 9
Par dérogation aux dispositions de l’article précédent, la Cour suprême
demeure compétente pour statuer en premier et dernier ressort sur :
• les recours en annulation pour excès de pouvoir dirigés contre les
actes réglementaires ou individuels du Premier ministre ;
• les recours contre les décisions des autorités administratives dont le
champ d’application s’étend au-delà du ressort territorial d’un
tribunal administratif.
Section deuxième
De la compétence territoriale
Article 10
Les règles de compétence territoriale prévues par les articles 27 à 30
du code de procédure civile sont applicables devant les tribunaux
administratifs sauf dispositions contraires de la présente loi ou d’autres
textes particuliers.
Toutefois, les recours en annulation pour excès de pouvoir sont portés
devant le tribunal administratif du domicile du demandeur ou devant celui
dans le ressort territorial duquel la décision a été prise.
Article 11
Sont de la compétence du tribunal administratif de Rabat le contentieux
relatif à la situation individuelle des personnes nommées par dahir ou par
décret et le contentieux relevant de la compétence des tribunaux
administratifs mais né en dehors du ressort de ces tribunaux.
Section troisième
Dispositions communes
Article 12
Les règles de compétence à raison de la matière sont d’ordre public.
L’incompétence à raison de la matière peut être soulevée par les parties à
tout stade de la procédure. Elle est relevée d’office par la juridiction
saisie.
Article 13
Lorsque l’exception d’incompétence à raison de la matière est soulevée
devant une juridiction ordinaire ou administrative, celle-ci ne peut la
joindre au fond et doit statuer sur sa compétence par une décision séparée
dont les parties peuvent interjeter appel.
L’appel de décision relative à la compétence à raison de la matière est
porté, quelle que soit la juridiction qui l’a rendue, devant la Cour suprême
qui doit statuer dans le délai de 30 jours à compter de la réception du
dossier par son greffe.
Article 14
Les dispositions des articles 16 (les 4 premiers alinéas) et 17 du code
de procédure civile sont applicables aux exceptions d’incompétence à
raison du lieu soulevées devant les tribunaux administratifs.
Article 15
Le tribunal administratif saisi d’une demande entrant dans sa
compétence territoriale est également compétent pour connaître de toute
demande accessoire ou connexe et de toute exception qui ressortiraient
normalement à la compétence territoriale d’un autre tribunal administratif.
Article 16
Lorsqu’un tribunal administratif est saisi d’une demande présentant un
lien de connexité avec une demande relevant de la compétence de la Cour
suprême en premier et dernier ressort ou de la compétence du tribunal
administratif de Rabat en application des articles 9 et 11 ci-dessus, il doit,
soit d’office, soit à la demande de l’une des parties, se déclarer incompétent
et transmettre l’ensemble du dossier à la Cour suprême ou au tribunal
administratif de Rabat. Ces juridictions sont alors saisies de plein droit des
demandes principale et connexe.
Article 17
La Cour suprême saisie d’une demande relevant de sa compétence en
premier et dernier ressort est également compétente pour connaître de
toute demande accessoire ou connexe et de toute exception ressortissant en
premier degré à la compétence des tribunaux administratifs.
Article 18
Par dérogation à l’alinéa 1 de l’article 15 du code de procédure civile,
la juridiction ordinaire saisie de la demande principale est compétente
pour statuer sur toute demande reconventionnelle ayant pour objet de
déclarer une personne publique débitrice.
Article 19
Le président du tribunal administratif, ou la personne déléguée par lui,
est compétent en tant que juge des référés et des ordonnances sur requêtes,
pour connaître des demandes provisoires et conservatoires.
Chapitre 3
Des recours en annulation pour excès de pouvoir
devant les tribunaux administratifs
Article 20
Une décision administrative est entachée d’excès de pouvoir soit en
raison de l’incompétence de l’autorité qui l’a prise, soit pour vice de
forme, détournement de pouvoir, défaut de motif ou violation de la loi. La
personne à laquelle une telle décision fait grief peut l’attaquer devant la
juridiction administrative compétente.
Article 21
La requête en annulation pour excès de pouvoir doit être accompagnée
d’une copie de la décision administrative attaquée. Au cas où un recours
administratif préalable a été formé, la requête doit être également
accompagnée d’une copie de la décision rejetant ce recours ou, en cas de
rejet implicite, d’une pièce justifiant son dépôt.
Article 22
La requête en annulation pour excès de pouvoir est dispensée du
paiement de la taxe judiciaire.
Article 23
Les recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions
des autorités administratives doivent être introduits dans un délai de
soixante jours à compter de la publication ou de la notification à l’intéressé
de la décision attaquée.
Toutefois, les intéressés ont la faculté de saisir, avant l’expiration du
délai visé à l’alinéa précédent, l’auteur de la décision d’un recours gracieux
ou de porter devant l’autorité administrative supérieure un recours
hiérarchique. Dans ce cas, le recours au tribunal administratif peut être
valablement présenté dans le délai de soixante jours à compter de la
notification de la décision expresse de rejet, total ou partiel, du recours
administratif préalable.
Le silence gardé plus de soixante jours par l’autorité administrative sur
le recours gracieux ou hiérarchique vaut rejet. Si l’autorité administrative
est un corps délibérant, le délai de soixante jours est prolongé le cas
échéant, jusqu’à la fin de la première session légale qui suivra le dépôt du
recours.
Lorsque la réglementation en vigueur prévoit une procédure particulière
de recours administratif, le recours en annulation n’est recevable qu’à
l’expiration de ladite procédure et dans les mêmes conditions de délais
que ci-dessus.
Article 24
Sur demande expresse de la partie requérante, le tribunal administratif
peut, à titre exceptionnel, ordonner qu’il soit sursis à l’exécution des
décisions administratives contre lesquelles a été introduit un recours en
annulation pour excès de pouvoir.
Article 25
La saisine d’une juridiction incompétente, même de la Cour suprême,
interrompt le délai de recevabilité du recours en annulation pour excès de
pouvoir qui ne recommence à courir qu’à compter de la notification au
demandeur de la décision statuant définitivement sur la juridiction
compétente.
Chapitre 4
Des recours en matière électorale devant
les tribunaux administratifs
Article 26
Les tribunaux administratifs sont compétents pour connaître :
1. Aux lieu et place des tribunaux de première instance, des recours
prévus par :
• Le dahir n° 1-59-161 du 27 Safar 1379 (1er septembre 1959) relatif à
l’élection des conseils communaux, et en conséquence les mots
“tribunal administratif’ et “président du tribunal administratif” se
substituent aux mots “tribunal de première instance” et “président du
Article 27
Les recours en matière électorale sont introduits et jugés selon les
règles de procédure prévues par les textes visés à l’article 26 ci-dessus.
Chapitre 5
Compétence des tribunaux administratifs en matière
fiscale et de recouvrement des créances du trésor
et autres créances assimilées
Article 28
Est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes le 2e alinéa de
l’article 4 du dahir du 24 Rebia Il 1343 (22 novembre 1924) sur le
recouvrement des créances de l’Etat :
« Article 4 (alinéa 2). – Si le contribuable n’accepte pas la décision ainsi
rendue, il doit, dans le délai de 30 jours à dater de la notification de celle-ci,
provoquer une solution judiciaire de l’affaire en introduisant une demande
devant le tribunal administratif du lieu où l’impôt est dû ; la décision du
tribunal administratif est susceptible d’appel devant la Cour suprême. »
Article 29
Est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes l’article 24 du
dahir du 24 Rebia II 1343 (22 novembre 1924) sur le recouvrement des
créances de l’Etat :
« Article 24. — Les contestations qui naîtraient de l’application du
présent dahir sont de la compétence du tribunal administratif compétent en
raison du lieu où la créance doit être recouvrée. »
Article 30
Est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes l’article 69 du
dahir du 20 Joumada I 1354 (21 août 1935) portant règlement sur les
poursuites en matière d’impôts directs, taxes assimilées et autres créances
recouvrées par les agents du Trésor :
« Article 69. — Les contestations qui naîtraient de l’application du
présent dahir sont de la compétence du tribunal administratif compétent à
raison du lieu où l’impôt ou la créance est dû. »
Article 31
Le contentieux né de l’application des dispositions du décret n° 258-1151
du 12 Joumada II 1378 (24 décembre 1958) portant codification des textes
Article 32
Par tribunal compétent, ont doit entendre pour l’application de l’article
16 de la loi n° 30-89 relative à la fiscalité des collectivités locales et de
leurs groupements, le tribunal administratif du lieu où l’impôt est dû.
Article 33
Sont portées devant les tribunaux administratifs les contestations dont
le règlement par voie judiciaire est prévu par :
• l’article 46 de la loi n° 30-85 relative à la taxe sur la valeur ajoutée
promulguée par le dahir n° 1-85-347 du 7 Rebia II 1406 (20 décembre
1985) ;
• l’article 41 de la loi n° 24-86 instituant un impôt sur les sociétés,
promulguée par le dahir n° 1-86-239 du 28 Rebia II 1407
(31 décembre 1986) ;
• l’article 107 de la loi n° 17-89 relative à l’impôt général sur le
revenu, promulguée par le dahir n° 1-89-116 du 21 Rebia II 1410
(21 novembre 1989) ;
• l es articles 13 bis, 38, 50, 51 et 52 du livre premier du décret
n° 2-58-1151 du 12 Joumada II 1378 (24 décembre 1958) portant
codification des textes sur l’enregistrement et le timbre.
Article 34
Sont de la compétence du tribunal administratif à raison du lieu de
l’immeuble concerné, les recours dirigés contre les décisions de la
commission arbitrale instituée par l’article 20 de la loi n° 37-89 relative à
la taxe urbaine, promulguée par le dahir n° 1-89-228 du 1er Joumada II
1410 (30 décembre 1989).
Article 35
Sont de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel
se trouve le siège de la commission préfectorale ou provinciale les recours
Article 36
Les recours visés au présent chapitre sont introduits et jugés selon les
procédures édictées par les textes relatifs aux impôts, taxes et créances
concernés.
Chapitre 6
Compétence des tribunaux administratifs en matière
d’expropriation pour cause d’utilité publique
et d’occupation temporaire
Article 37
La compétence des tribunaux de première instance pour recevoir les
actes de procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique et
d’occupation temporaire prévus par la loi n° 7-81 promulguée par le dahir
n° 1-82-254 du 11 Rajeb 1402 (6 mai 1982) et pour juger le contentieux né
de l’application de ladite loi est transférée aux tribunaux administratifs.
En conséquence, les mots “tribunal administratif”, “greffe du tribunal
administratif’ et “président du tribunal administratif” se substituent
respectivement aux mots “tribunal de première instance”, “juge de
l’expropriation”, “greffe du tribunal de première instance” et “président du
tribunal de première instance” dans les articles 12 (alinéa 3), 18 (alinéas 1
et 2), 19, 20 (§3), 21, 23, 24, 28, 42 (alinéa 2), 43, 45, 47, 55, 56 et 64 de
la loi n° 7-81 précitée.
Article 38
La procédure applicable devant les tribunaux administratifs statuant en
matière d’expropriation est celle fixée par la loi n° 7-81 précitée, les
compétences reconnues au juge des référés étant exercées par le président
du tribunal administratif ou le juge qu’il délègue à cet effet.
Article 39
L’article 33 de la loi n° 7-81 précitée est abrogé et remplacé par les
dispositions suivantes :
« Article 33. — L’appel prévu au 3e alinéa de l’article précédent est
porté devant la Cour suprême statuant comme juridiction d’appel des
décisions des tribunaux administratifs et doit être interjeté, dans les 30
jours suivant celui de la notification, au greffe du tribunal administratif. Il
n’est pas suspensif. »
Article 40
L’article 62 de la loi n° 7-81 précitée est abrogé et remplacé par les
dispositions suivantes :
« Article 62. — Les intéressés qui n’auront pas accepté l’accord prévu
à l’article précédent seront cités à la requête de l’administration devant le
tribunal administratif pour que soit déterminée la plus-value acquise au
jour de la requête et que soit fixée l’indemnité exigible. La requête de
l’administration devra être déposée dans un délai maximum de huit ans à
dater de la publication des actes administratifs prévus à l’article 60
ci-dessus.
Les règles de procédure fixées par les articles 45 et 47 de la présente
loi sont applicables à ces instances. L’appel est toujours possible.. »
Chapitre 7
De la compétence des tribunaux administratifs
en matière de pensions
Article 41
Les tribunaux administratifs sont compétents pour connaître des litiges
nés à l’occasion de l’application :
– de la loi n° 011-71 du 12 Kaada 1391 (30 décembre 1971) instituant
un régime de pensions civiles, à l’exception des litiges relatifs à
l’application de l’article 28 de ladite loi ;
Article 42
Le dernier alinéa de l’article 56 du dahir portant loi n° 1-77-216 du
20 Chaoual 1397 (4 octobre 1977) créant un régime collectif d’allocations
de retraite est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :
« Article 56 (dernier alinéa). — Les décisions de la commission d’appel
peuvent faire l’objet d’un recours porté devant le tribunal administratif de
Rabat. »
Article 43
Le recours contentieux prévu à l’article 57 du dahir portant loi
n° 1-77-216 du 20 Chaoual 1397 (4 octobre 1977) précité est porté devant
le tribunal administratif de Rabat.
Chapitre 8
De l’examen de la légalité des actes administratifs
Article 44
Lorsque l’appréciation de la légalité d’un acte administratif conditionne
le jugement d’une affaire dont une juridiction ordinaire non répressive est
saisie, celle-ci doit, si la contestation est sérieuse, surseoir à statuer et
renvoyer la question préjudicielle au tribunal administratif ou à la Cour
suprême selon la compétence de l’une ou de l’autre juridiction telle quelle
est définie aux articles 8 et 9 ci dessus. La juridiction de renvoi se trouve
de ce fait saisie de plein droit de la question préjudicielle.
La juridiction répressive a plénitude de juridiction pour l’appréciation
de la légalité de tout acte administratif invoqué devant elle soit comme
fondement de la poursuite soit comme moyen de défense.
Chapitre 9
De l’appel des jugements des tribunaux
administratifs devant la cour suprême
Article 45
Les jugements des tribunaux administratifs sont portés en appel devant
la Cour suprême (chambre administrative). L’appel doit être présenté dans
les formes et délais prévus aux articles 134 à 139 du code de procédure
civile.
Article 46
La Cour suprême, saisie de l’appel, exerce la plénitude des compétences
dévolues aux cours d’appel en application des articles 329 à 336 du code
de procédure civile, les attributions dévolues par ces articles au premier
président de la cour d’appel et au conseiller rapporteur étant exercées
respectivement par le président de la chambre administrative de la Cour
suprême et par le conseiller rapporteur nommé par ce dernier à cette fin.
Article 47
Sont applicables devant la Cour suprême statuant sur appel des
décisions des tribunaux administratifs les articles 141 et 354 à 356 du
code de procédure civile.
Article 48
Les appels portés devant la Cour suprême en vertu de la présente loi
sont dispensés du paiement de la taxe judiciaire. Ils peuvent être présentés
par un avocat non agréé auprès de la Cour suprême.
Chapitre 10
Dispositions diverses et transitoires
Article 49
L’exécution des décisions des tribunaux administratifs s’effectue par
l’intermédiaire de leur greffe. La Cour suprême peut charger de l’exécution
de ses arrêts un tribunal administratif.
Article 50
L’alinéa 2 de l’article 25 du code de procédure civile est abrogé et
remplacé par les dispositions suivantes :
« Article 25 (2e alinéa) . — Il est également interdit aux juridictions de
se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi. »
Article 51
Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur le premier jour
du 4e mois suivant celui de sa publication au Bulletin officiel.
Toutefois, la Cour suprême et les juridictions ordinaires demeurent
saisies des requêtes relevant de la compétence des tribunaux administratifs
en vertu de la présente loi, mais qui ont été enregistrées devant elles avant
la date de son entrée en vigueur.
A
Accès à la justice 21, 31
Actes d’autorité et de gestion 129
Actes de gouvernement 194, 198, 200, 236
Actes des autorités administratives (voir décisions) 51, 52, 72, 73, 74,
104, 120, 125, 172, 194, 290, 291, 294
Actes du Roi 196
Actes juridictionnels 194, 197
Actes législatifs 194, 195, 263
Agent judiciaire des collectivités territoriales 103
Agent judiciaire du Trésor 259, 270
Appel 22, 26, 28, 31, 32, 37, 39, 43, 44, 46, 47, 48, 50, 52, 53, 58, 63,
67, 68, 72, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 87, 89, 90, 91, 104, 109, 110,
120, 124, 126, 128, 130, 134, 137, 138, 140, 141, 145, 146, 149, 150,
157, 160, 165, 173, 178, 183, 196, 197, 198, 203, 206, 221, 226, 228,
239, 241, 248, 253, 255, 257, 258, 259, 260, 261, 262, 264, 265, 270,
284, 289, 290, 292, 297, 300, 302, 303
Appréciation de légalité 64, 75, 153, 154, 155
Arbitrage 22, 26, 43, 55, 111, 112, 113, 114, 115
Arrêt d'annulation
– autorité de la chose jugée 60, 107, 108
– effets 179
exécution 181
Arrêt de rejet 179
Assistance judiciaire 32, 84, 289
Associations 138, 139, 158, 159, 190, 229
Astreintes 108, 145
306 Contentieux administratif marocain
B
Bonne administration de la justice 73, 83, 126, 160, 206
Bureau des requêtes 42
C
Cadi 40, 41, 43, 196
Capacité 66, 98, 188
Commissaire royal à la loi et au droit 69, 90, 103
Compétence : matière administrative et matière ordinaire
– critère matériel 123, 130
– critère organique 121, 123, 125, 126
Connexité 79, 293
Contentieux administratifs 73
Contentieux annulation – contentieux pleine juridiction (distinction) 205
Contrôle administratif 29, 42
Contrôle juridictionnel 29, 30, 33, 39, 42, 177, 222, 227
Cour suprême 22, 28, 31, 32, 37, 50, 51, 53, 60, 63, 65, 67, 68, 72, 73,
74, 75, 76, 78, 79, 80, 81, 83, 85, 86, 88, 92, 93, 97, 104, 106, 108,
109, 110, 120, 123, 124, 125, 126, 127, 137, 139, 141, 146, 147, 149,
150, 153, 154, 155, 156, 157, 160, 165, 166, 167, 169, 171, 172, 173,
174, 175, 177, 178, 180, 182, 183, 184, 194, 196, 197, 198, 200, 202,
204, 205, 206, 210, 212, 215, 217, 223, 224, 227, 228, 229, 230, 240,
244, 246, 249, 251, 252, 255, 256, 257, 259, 260, 262, 263, 264, 266,
270, 272, 274, 275, 280, 283, 285, 290, 291, 292, 293, 295, 297, 300,
302, 303, 304
D
Déchéance quadriennale 98, 270
Décision faisant grief 245
Décision préalable 98, 100
Décisions des autorités administratives 51, 52, 72, 73, 74, 104, 120, 125,
172, 194, 290, 291, 294
Décision unilatérale 202, 203
Demande reconventionnelle 79, 293
Dessaisissement (ordonnance) 95
Détournement de pouvoir 152, 207, 214, 215, 216, 217, 223, 226, 293
Détournement de procédure 214, 216
E
Erreur judiciaire 237, 266, 267
Etat de droit 30, 64, 66, 105, 150, 172, 175, 184, 230
Exception de recours parallèle 65, 166, 194, 204, 206
Exception d’illégalité a pour objet l’appréciation de la légalité 151
F
Formalités substantielles 210, 213
G
Gestion publique – gestion privée 130, 134
I
Incompétence 73, 75, 78, 159, 181, 207, 208, 209, 210, 211, 241, 280,
292, 293
Instruction 92, 94, 95, 102, 179
Intérêt pour agir 190, 193
Intervention 48, 84, 102, 107, 137, 139, 180, 184, 193, 227, 249, 251,
252
J
Jugement (exécution) 26
Juge rapporteur 90, 91, 94, 95, 102, 289
Juridiction
– dualité 29
– unité 37, 39, 49, 50, 62, 63, 64, 65, 67, 78, 88, 110, 119, 121, 147, 160,
198, 285
Juridictions collégiales 53
Juridictions communales et d’arrondissement 56, 287
Juridictions consulaires 43, 44, 89
Juridictions de proximité 57, 90, 120, 287
Justice des Madhalim 41
Justice (loi d’unification) 52
Justice officielle 32, 55
Justice rabbinique 44
Justice retenue 29, 39, 40, 42, 144
M
Magistrats 33, 48, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 68, 69, 74, 82, 83,
84, 88, 110, 177, 197, 198, 238, 241, 288, 289, 290
Médiation 22, 111, 112, 115, 116
Mémoire 41, 57, 90, 91, 94, 95, 96, 160, 188, 269
Ministère public 48, 49, 58, 63, 103, 159, 261
Mohtassib 41
Motifs
– contrôle 219
– erreur de droit 222, 224
– erreur de fait 222, 226
– erreur de qualification 65, 222, 225, 280
– erreur manifeste d'appréciation 226, 227
O
Opposition 43, 85, 100, 109, 179, 181
Organismes privés gérant un service public 138
P
Prescription 98, 188, 220, 221, 269
Procédure contentieuse
– caractère contradictoire 94
– caractère écrit-oral 58, 90, 91
– caractère inquisitoire 91
– code de procédure civile de 1974 87
– dahir sur la procédure civile de 1913 89
R
Recours
– administratif 27, 61, 97, 188, 294
– administratifs 26
– cassation 22, 37, 44, 49, 50, 51, 63, 80, 85, 86, 104, 109, 110, 165
– délai 61, 104, 166
– excès de pouvoir 27, 32, 33, 49, 51, 60, 72, 73, 77, 93, 96, 97, 109, 120, 124,
139, 145, 147, 152, 154, 165, 167, 168, 169, 171, 172, 173, 175, 230, 231,
261, 290, 291, 293, 294, 295
– parallèle : exception 65, 166, 194, 204, 206
– pleine juridiction 104, 165, 202, 203, 204, 205, 231
Rectification d’erreur matérielle 109
Référé 84, 93, 106, 145, 146, 149, 183, 252
Requête 84, 85, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 110, 177, 188, 189, 270, 289,
294, 300
Responsabilité de la puissance publique
– des services publics hospitaliers 249
– pour dommages de travaux publics 253
– pour faute de service 244
– pour faute lourde 184, 235
– principe 236
– sans faute 240, 243, 252, 253, 257, 259, 260, 261, 262, 263, 265, 272, 274
Responsabilité des fonctionnaires pour faute personnelle 107
Rétractation 109
S
Science administrative 27
Séparation des autorités administratives et judiciaires 29, 47, 48, 59, 144,
146, 148
Service public 48, 121, 124, 125, 127, 129, 130, 131, 133, 134, 135, 136,
137, 138, 139, 140, 141, 143, 182, 191, 194, 198, 220, 223, 232, 238,
239, 243, 248, 253, 265, 282
Sursis à exécution 85, 93, 104, 176, 178
T
Tierce opposition 109, 179, 181
Tribunaux administratifs
– compétence 72, 73, 120, 127, 290, 292, 293, 298, 300, 304
– compétence territoriale 76, 78, 291, 292
Tribunaux de première instance 31, 46, 47, 56, 57, 67, 109, 119, 165,
290, 295, 299
Tribunaux français 43, 44, 45, 46, 50, 131
V
Véhicules automobiles 99, 252
Vice de forme 181, 207, 210, 211, 245, 293
Violation de la loi 207, 217, 218, 293
Vizir Achikayat 41
Voie de fait 70, 93, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 157, 216,
280, 284
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Eléments de définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
A. Le point de vue de la science administrative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
B. Le point de vue de la science juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Deuxième partie
Le domaine du contentieux administratif
Section II : La gestion du service public par des personnes privées . . . 129
§1. L’appel aux personnes privées en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
§2. L’appel aux organismes privés au Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
Troisième partie
Les recours contentieux
Janvier 2018