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Cours Psychosomatique 12-2018 1

LA PSYCHOSOMATIQUE ET SON OBJET

1. De la causalité
L’histoire de la psycho-somatique commence avec Anaxagore (-500) en passant par
Platon, Aristote ,Thomas d’Aquin ,Leibnitz, puis viennent Freud, Alexander, Grodeck,
Ferenczi, Marty...Pendant longtemps le terme psychosomatique désignait une doctrine
supportée par un présupposé causaliste selon le quel la psyché serait la cause des
manifestations somatiques, s’opposant à mens sana in corpore sano.
En 1818 Heinroth a introduit le terme « psychosomatique ». Déjà la réunion en un seul mot du
corps et de l’âme, avait suscité chez ses contemporains un certain étonnement. La dichotomie,
du corps et de l’âme, inscrite dans l’épistémé occidentale, judéo-chrétienne qui séparait l’âme
et le corps.

Le terme a pu rassembler chercheurs et cliniciens non sans véhiculer ses espoirs et ses mythes.
Ce furent les envolées de Grodeck et de ses épigones, Reich en tête. En marge de la
psychanalyse, cette marge de la marge faisait le bonheur d’une littérature populaire qui ne
retenait de ces recherches, et à son insu, que le concept freudien de conversion (phobies dans
« L’art du crime »).

Les médecins eux-mêmes n’échappaient pas à la vague, et renvoyaient à leurs malades


« fonctionnels » , à ceux qui n’avaient « rien » que « c’était nerveux » , autrement dit
hystérique . Mais l’esprit avait enfin pouvoir sur le corps.

La causalité psychique rassure


• En Mésopotamie la maladie était le résultat du surnaturel.
• Chez les hébreux (et les chrétiens) la conséquence d’une faute personnelle ou familiale.
• Avec le positivisme (dichotomie) la maladie était devenue un effet du réel (qui prenait la
place du surnaturel).
• Avec la psychosomatique le sujet est responsable de sa maladie, non pas sur le plan moral
mais sur le plan de l’hygiène psychique

La colère des dieux, la punition du créateur , et la malédiction tout court, pouvaient être
reléguées dans les oubliettes du passé, l’homme se réappropriait sa destinée. Si l’acausalité
confère à la maladie un caractère implacable et maléfique dont la raison tente l’exorcisme, la
psychosomatique, en unifiant le corps et l’âme, venait faire écho à la demande de l’homme
malade d’ordonner sa souffrance dans une relation de causalité. Ce nouvel ordre débarrassait
tout autant la maladie du caractère insupportable de l’immérité, surgit du corps. Ainsi la
psychosomatique s’est elle longuement attachée à mettre en lumière les processus de la psyché
qui altéraient le corps. Il faut bien reconnaître que le questionnement était fécond en
découvertes mais ne pouvait rendre compte de nombreuses situations cliniques.

L’avènement des doctrines psychosomatiques peut en ce sens être perçu comme un retour du
symbolique, comme une tentative de redonner une place (compromise) à celui-ci. Dans cette
perspective il n’est pas surprenant que le concept ait été utilisé par les églises new-age, par les
sectes, voire même par certains adeptes du renouveau chrétien trop heureux de retrouver dans
la maladie un signe du manque de foi ou du péché.

D. BLET 5 décembre 2018


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Quoiqu’il en soit la maladie demeurait la conséquence de l’Autre. La maladie c’était


l’autre, et pour Reich et ses adeptes elle était le résultat d’une société « mauvaise » selon une
vision rousseauiste du monde (le pollueur, l’agresseur, le harcelleur, …).
Après la domination intellectuelle du positivisme et des conceptions mécanicistes le
pendule avait inversé sa course et oscillait du côté des sciences humaines. L’ordre
psychosomatique avait étendu son règne. Avec beaucoup d’espoirs les chercheurs
s’attendaient à découvrir dans le psychisme, enfin, la cause des maladies organiques. Hélas,
les saints, les yogis, les naturophiles, les bien-pensants et les psychanalysés meurent, et des
mêmes maladies que les ignorants. Dans l’après- coup, ne peut-on voir, dans ces travaux
soutenus par un présupposé psycho-génétique une tentative humaine pour s’émanciper de la
radicalité du réel. Poser une relation de causalité entre corps et esprit n’était-ce pas refouler le
caractère accablant de l’insaisissable? (La question du sens qui surgit avec la sensation
douloureuse)
Mais, la psycho-somatique exprime un raté : la généralisation du processus de
conversion décrit par Freud : les sciences dures ont depuis longtemps renoncé à ce vestige du
discours religieux que l’on nomme une cause.
L’inférence causale comme postulat psychosomatique semble issu de la théorie
freudienne de la conversion hystérique (proposition tenue pour vraie) et participe à masquer
d’autres catégories de rapports.

On pourrait repérer plusieurs enchaînements :


 Une maladie avec une cause déterminée : la grippe en période d’épidémie, une
fracture, …
 Une maladie « atypique », fonctionnelle, pour laquelle il n’est pas retrouvé de
lésion
o Renvoie à la conversion (ex. : certaines phobies)
o Renvoie à une somatisation non hystérique : psychotraumatisme,
 Une maladie « psy » : génétique (schizophrénie, PMD) ou réactionnelle
(épuisement professionnel).
En réalité, l’analyse de toutes ces situations est plus complexe et des états pathologiques tels
que la douleur ou le trouble mental ne peuvent désormais être appréhendés hors d’une théorie
biopsychosociale. Celle-ci peut être une manière de répondre à la question : qu’est-ce que la
psychosomatique ?

Actuellement la psychosomatique figure plus comme un de ces champs de réflexion


toléré au sein du groupe des médecins ou des psychanalystes que comme un corps de doctrine
à part entière.

Avant d’évacuer les corps de doctrine qui sont maintenant dépassés, je voudrais vous
en présenter quelques uns qui ont eu leurs heures de gloire. Tous reposent sur l’hypothèse que
l’esprit modifie le corps.
Théorie d’Alexander : qui constate à l’évidence que
la colère entraîne tachycardie et rougeur ou pâleur du visage
la tristesse génère un repli sur soi
la dépendance pousse à consommer alcool ou tabac, ou autres
les stress agitation, hyperactivité, …
Théorie freudienne : les symptômes sont un déplacement : la conversion.

D. BLET 5 décembre 2018


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Théorie de Pierre Marty : la somatisation est un effet de la dépression fondamentale,


d’une défaillance de l’appareil psychique
Théorie de Aisenstein et Claude Smadja : les symptômes physiques sont le résultat
d’un travail d’élaboration soit après un traumatisme soit après un deuil.

Cette étude n’instaure pas l’a priori du sens comme en psychanalyse (mais n’en rejette
pas l’éventualité), et ne cherche pas, comme en médecine, à établir un lien de causalité.
Entre l’interdit du sens en biologie et son a priori en psychanalyse, la
psychosomatique pose la question de l’existence même de celui-ci.

Les liens qui unissent les symptômes somatiques et les événements psychiques d’un
individu malade constituent l’objet de la psychosomatique
La question posée à l’intérieur du champ psychosomatique n’est pas tant celle de
l’origine des symptômes que celle de leurs liens actuels et passés.

EX : un hygroma du genou.
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D. BLET 5 décembre 2018

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