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LA DIFFERENCIATION PEDAGOGIQUE

ASPECTS THEORIQUES

I. Définitions : Qu’est-ce que la différenciation pédagogique ?

La pédagogie différenciée est une pédagogie qui :

• Privilégie l’enfant, ses besoins et ses possibilités.


• Se différencie selon les besoins des enfants.
• Lui propose des situations d’apprentissage et des outils variés.
• Ouvre à un maximum d’enfants les portes du savoir, du savoir-faire, du savoir-
être.

On trouve de nombreuses définitions pour cette notion mais toutes répondent à une même
préoccupation : celle d’ajuster l’enseignement à la diversité des élèves.

En effet, tout enseignant constate, dans la pratique quotidienne, combien le groupe d’élèves
(la classe) est hétérogène : hétérogénéité d’âge, de niveau de développement (moteur,
cognitif, affectif), d’origine socioculturelle.

1. « La pédagogie différenciée désigne l’ensemble des actions et des méthodes diverses


susceptibles de répondre aux besoins des apprenants ». (Legrand, L. (1995). Les
différenciations de la pédagogie. Paris : PUF).

2. La pédagogie différenciée est une pédagogie proposant des apprentissages qui


respectent l’évolution de la pensée enfantine, respectueuse du type d’intelligence de
chaque enfant, afin que chacun, par des voies qui lui sont propres, puisse atteindre le
maximum de responsabilités. P. Meirieu
3. Différencier, c’est « avoir le souci de la personne sans renoncer à celui de la collectivité,
s’appuyer sur la singularité pour permettre l’accès à des outils communs, en un mot :
être en quête d’une méditation toujours plus efficace entre l’élève et le savoir ». P,
Meirieu
4. Différencier c’est « mettre en œuvre un cadre souple où les apprentissages sont
suffisamment explicités et diversifiés pour que les élèves apprennent selon leurs
propres itinéraires d’appropriation de savoirs ou de savoir-faire ». H. Przesmycki
5. La pédagogie différenciée « est une démarche qui cherche à mettre en œuvre un
ensemble diversifié de moyens, de procédures d’enseignement et d’apprentissage, afin
de permettre à des élèves d’âges, d’aptitudes, de comportements, de savoir-faire
hétérogènes mais regroupés dans une même division, d’atteindre, par des voies
différentes, des objectifs communs, ou en partie communs ». (Raymond, H. (1989).
Du « soutien » à la différenciation. Cahiers Pédagogiques, « Différencier la pédagogie
», p. 47).
6. Différencier c’est « …rompre avec la pédagogie frontale, la même leçon, les mêmes
exercices pour tous ; c’est surtout mettre en place une organisation du travail et des
dispositifs didactiques qui placent régulièrement chacun, chacune dans une situation
optimale. » Philippe Perrenoud

II. Pourquoi différencier ?

La raison principale en est l’« hétérogénéité ». (Parce que tous les élèves sont différents).
Mais en quel sens peut-on dire des classes qu’elles sont hétérogènes ? Plus précisément,
qu’est-ce qui fait que les élèves sont dits « hétérogènes » ?

Les postulats de Burns :

1. Il n’y a pas 2 apprenants qui progressent à la même vitesse.


2. Il n’y a pas 2 apprenants qui soient prêts à apprendre en même temps.
3. Il n’y a pas 2 apprenants qui utilisent les mêmes techniques d’étude.
4. Il n’y a pas 2 apprenants qui résolvent les problèmes exactement de la même manière.
5. Il n’y a pas 2 apprenants qui possèdent le même répertoire de comportements.
6. Il n’y a pas 2 apprenants qui possèdent le même profil d’intérêt.
7. Il n’y a pas 2 apprenants qui soient motivés pour atteindre les mêmes buts.
D’après ces postulats, nous voyons que l’hétérogénéité peut porter sur différents axes :

❖ Sur le plan cognitif :

Il existe chez les élèves une grande hétérogénéité dans le degré d’acquisition des
connaissances exigées et dans la richesse de leurs processus mentaux où se combinent
représentations, stades de développement, images mentales (On se réfère là essentiellement à
la théorie des « profils pédagogiques » d’Antoine de la Garanderie : certains ont une
intelligence visuelle tandis que d’autre en ont une auditive voire kinesthesiste ou
manipulatoire), mode de pensée, stratégie d’apprentissage.

❖ Sur le plan socio-culturel :

Les élèves ont des valeurs, croyances, habitudes, histoires familiales, codes de langages, types
de socialisation différents

❖ Sur le plan psychologique et affectif :

Le vécu, ainsi que la personnalité de chaque apprenant, influent sur leur motivation, volonté,
attention, créativité, curiosité, énergie, plaisir, équilibre, rythmes, relation maître/élève
(relation pédagogique), relation élève/élève.
Ainsi on différencie :

➢ Pour répondre à des besoins préalablement identifiés chez les élèves (parce que les
élèves ne progressent pas à la même vitesse, parce qu’ils ne possèdent pas le même
répertoire de comportements, parce qu’ils ne sont pas motivés pour atteindre les
mêmes buts…).
➢ Pour permettre à chaque élève de maîtriser les connaissances et les compétences du
socle commun.
➢ Pour lutter contre le décrochage scolaire, mais aussi amener chaque élève au
maximum de son potentiel.

III. Pour qui différencier ?


IV. Comment différencier ?

Il existe deux modes dans la mise en œuvre de la différenciation en classe :

1 – différenciation successive : (appelée pédagogie diversifiée ou variée)


Il s’agit d’utiliser différents outils et différentes situations d’apprentissage de manière à ce que
chaque élève ait le maximum de chances de trouver une méthode lui convenant. Là, le maître
conserve une progression collective mais alterne les méthodes utilisées. Il s’agit de ne pas
infliger aux élèves la même chose toute la journée.
Par exemple le maître pourra varier les supports, les situations (travail collectif, individuel,
monitorat…)

2 – différenciation simultanée
Elle consiste à distribuer à chaque élève un travail correspondant précisément à un moment donné du
programme, à ses besoins et à ses possibilités. Ainsi, on fait travailler en même temps des élèves qui
s’adonnent à des activités diverses, utilisent des ressources variées, voir différentes, afin
d’atteindre un objectif commun en termes de construction du savoir.

Complexe à mettre en œuvre car nécessite une évaluation des élèves afin de déterminer le
niveau de chacun sur un des points du programme, on pourra éviter la dispersion en instaurant
des plans de travail individuel ou des contrats.

V. Quand différencier ?

Les modalités de différenciation peuvent se succéder selon l’organisation du temps


d’enseignement découpé en trois phases : avant, pendant et après les apprentissages

❖ Différencier avant les apprentissages

1. Tester : avant de mettre un objet d’enseignement à l’étude, il peut être utile de tester les
pré requis de certains élèves pour lesquels on ne situe pas précisément le niveau.

2. Réactiver : le fait de réactiver les notions utiles pour l’enseignement qui va suivre peut
constituer une aide efficace pour certains élèves.
3. Préparer : l’enseignant peut préparer certains élèves à une activité en leur fournissant des
clés d’accès, des repères avant l’activité (ex : table d’appui).

La table d’appui repose sur l’idée de matérialiser dans la classe un espace – table spécifique
où l’enseignant pourra réunir un sous-groupe d’élèves pour un besoin spécifique. La table
d’appui permet : de recueillir des informations précieuses sur les forces et faiblesses des
élèves afin de les faire progresser (analyse des erreurs pour proposer une régulation,
entretien d’explicitation pour que les élèves commentent leurs démarches de résolution a
posteriori, description à voix haute des actions en temps réel) et d’accompagner les élèves
vers l’autonomie en leur fournissant des clés pour apprendre et en stimulant chez eux une
réflexion sur les méthodes d’apprentissage et les démarches de résolution.

❖ Différencier pendant les apprentissages

1. Soutenir : l’enseignant peut soutenir/étayer les élèves (ex : aide individuelle ou interaction
guidée)

L’aide individuelle est la forme d’aide différenciée la plus courante. Elle permet d’offrir une
aide à certains élèves lors de la réalisation d’exercices individuels. L’enseignant peut
procéder à des adaptations de la tâche (repères complémentaires, consignes allégées) et
planifier le retrait progressif de ces aides.
Dans un premier temps, l’interaction guidée laisse les élèves débuter seuls une tâche
individuelle. Dans un deuxième temps, l’enseignant regroupe les élèves « repérés » en
difficultés qui poursuivent l’activité sous la forme d’une interaction guidée. Les interventions
de l’enseignant ont pour but de favoriser les échanges, les comparaisons et le débat entre
élèves sur la tâche en jeu.

2. Adapter : l’adaptation des conditions de réalisation d’une tâche englobe à la fois


l’aménagement des supports (matériel), de la consigne, des exigences, de la qualité de travail
ou encore du temps mis à la disposition.

3. Évaluer : il n’est pas toujours nécessaire de recueillir l’information pour chaque élève,
mais de cibler les élèves dont la progression pose problème.

❖ Différencier après les apprentissages

1. Exercer : tous les élèves ne sont pas égaux face à l’automatisation des procédures apprises
et certains auront besoin d’un temps de consolidation (ex : plan de travail).

Le plan de travail consiste à mettre en place une série de tâches/activités en lien direct avec
des contenus déjà travaillés en classe. L’aspect différencié tient au fait que chaque élève est
libre de choisir dans quel ordre et à quel rythme les effectuer, à condition de respecter
l’échéance fixée. L’enseignant peut qualifier certaines tâches d’obligatoires et d’autres de
facultatives. Durant ce travail individuel, l’enseignant peut se rendre disponible pour aider
les élèves en difficulté. Il offre ainsi un mode de travail autogéré pour la majorité des élèves
et un format d’interaction proche de l’enseignement individualisé pour les élèves en difficulté.
2. Revoir : les difficultés d’un élève ne sont pas celles d’un autre et la révision de certains
éléments non acquis sera ciblée sur les difficultés effectives des élèves (ex : groupes de
besoins).

Le dispositif de groupes de besoins consiste à répartir ponctuellement les élèves en sous-


groupes homogènes. Cette organisation permet de mettre en place une action pédagogique
efficace car ciblée sur des besoins partagés. Pour que cette action fonctionne, il est nécessaire
que le temps passé en groupes homogènes repose au préalable sur l’évaluation d’une
compétence précise, que ces groupements soient flexibles et que leur pertinence soit
régulièrement réévaluée en fonction des progrès des élèves. Le principal écueil à ce dispositif
est la stigmatisation et la démotivation si un élève est affecté durablement à un groupe de besoin
constitué d’élèves de niveau bas.

VI. Que peut-on différencier ? Et comment ?


Selon la recherche, la différenciation peut porter sur des objets différents :

❖ La différenciation des contenus d’apprentissage

 C’est ce sur quoi la tâche va porter. « La différenciation des contenus réfère au


programme de formation, au matériel, aux sujets et au niveau de complexité. »

En effet, tous les élèves ne font pas la même chose au même moment (certains consolident des
objectifs non maîtrisés et d’autres poursuivent une tâche en cours), le matériel mis à la
disposition des élèves n’est pas le même pour tous (ex : proposer des textes différents sur un
même sujet) dans le but de rendre accessibles à tous les savoirs visés.

❖ La différenciation des structures (de travail)

 Ce sont les modalités d’organisation de la tâche. « On entend par structures la manière


dont on organise le déroulement d’une situation d’apprentissage par l’organisation du temps,
des lieux, des regroupements d’élèves et par le choix des ressources matérielles.». on peut
différencier les structures en aménageant dans la classe des espaces pour travailler dans le calme
ainsi que des espaces propices à la collaboration entre élèves, fournir des textes qui reflètent
une variété de cultures et de modèles familiaux, établir des routines qui permettent aux élèves
d’obtenir de l’aide.

❖ La différenciation des processus


 C’est intervenir sur le « comment » de la tâche. « Le processus correspond à la possibilité
qu’ont les élèves de comprendre le contenu de cheminements différents qui reposent, entre
autres, sur les rythmes d’apprentissage et les stratégies. » Ainsi, Différencier les processus
d’apprentissage revient à proposer des modalités d’apprentissage multiples. L’enseignant peut
ainsi faire varier les outils mis à disposition des élèves (ex : contrat individuel, guide de
production), les démarches (ex : démarche déductive/inductive, enseignement explicite), le
degré de guidage (ex : guidage serré ou tâche réalisée en autonomie) ou encore le type
d’organisation sociale (ex : travail individuel, groupes de travail homogènes/hétérogènes).

❖ La différenciation des productions

 Ce sont les produits ou les résultats de la tâche. « C’est le choix du véhicule de


communication pour démontrer l’apprentissage des élèves ». Différencier les
productions/résultats, signifie offrir aux élèves différentes options pour attester de leur
progression (ex : autoriser un compte-rendu écrit ou un exposé oral en considérant les forces de
chaque élève).

Comment Comment différencier Comment Comment


différencier différencier différencier
les processus ?
les contenus ? les productions ? les structures ?

• En proposant • En prévoyant des • En • En variant les


pour une même formes différentes différenciant regroupements
tâche des textes de guidance. les outils de d’élèves
variés. • En utilisant des production (besoins,
• En proposant centres (exposé, niveaux, intérêts,
pour une même d’apprentissage. diaporama, approches,
tâche des • En proposant des blog, affiche, démarches,
logiciels ateliers à vocations maquette,…) projets, etc.).
différents. différentes : • En • En alternant les
• En établissant exploration, différenciant activités
pour certains formation de base, les contenus. individuelles, les
élèves des remédiation, • En variant les activités de sous-
contrats enrichissement. productions groupes et les
d’apprentissage. • En offrant à des en regard des activités
• En adaptant les élèves la formule intelligences collectives.
travaux stage au sein d’une multiples. • En formant des
personnels à la autre classe. • En jouant groupes de
maison (choix • En présentant le avec un besoins à partir
entre tâches et travail assigné par échéancier d’élèves
exigences). étapes. mobile pour la provenant de
• En utilisant des • En accompagnant présentation différentes
ressources certains élèves dans des classes.
audiovisuelles l’approbation des productions. • En modifiant
variées. contenus par des • En négociant l’aménagement
• En exploitant les organisateurs des critères de de la classe.
ressources graphiques, des production • En utilisant tantôt
imprimées de la schémas, des quant à la un horaire
vie courante. diagrammes. longueur ou à souple, tantôt un
• En proposant • En proposant, pour la complexité. horaire centré,
des recherches un même objet • En favorisant etc.
autonomes. d’apprentissage, les projets • En proposant aux
une tâche qui d’équipe pour élèves des outils
sollicite la lecture pour gérer le
• En valorisant les et une autre qui réaliser des temps : plan de
projets demande productions. travail à éléments
personnels. d’interagir • ouverts, tableau
• En développant oralement. de
à l’intention des • En proposant pour programmation,
élèves un plan un même objet contrat de travail,
de travail à d’apprentissage une grille de
éléments. tâche qui fait appel planification.
• En proposant à une compétence • En mettant en
aux élèves des transversale place dans la
problématiques différente (par classe des
reliées aux exemple : mettre en structures
domaines œuvre sa pensée d’entraide et de
généraux de créatrice et utiliser coopération.
formation. son jugement • En variant les
critique). formules de
• En utilisant le correction :
monitorat et le autocorrection,
tutorat avec correction par un
certains élèves. pair ou en sous-
• En planifiant des groupe.
tâches
d’enrichissement
comme
prolongement à la
situation initiale.
• En mettant en place
dans la classe un
atelier de traitement
d’erreurs à
l’intention d’élèves
en arrêt dans leur
processus.
• En utilisant les
modules
d’apprentissage de
remédiation dans
un contexte de
décloisement entre
des groupes de
base.
Apprivoiser les différences © Editions de la Chenelière inc.
Références

* Legrand, L. (1995). Les différenciations de la pédagogie. P.U.F.

* Peretti, A. de (1987). Pour une école plurielle. Paris : Larousse.

* Meirieu, P. (1987). Apprendre, oui mais … comment ? E.S.F.

* Peretti, .A. de (1991). Organiser des formations. Paris : Hachette.

* Astolfi, J.P. (1992). L’école pour apprendre. E.S.F.

* Bour Pol. Vers la mise en œuvre des pratiques de pédagogie différenciée. L’éducateur, n° 9,
avril 2002, 68 p

* T.F.E. : section primaire : Ecole Normale du Sacre Cœur, 1995-1996.

* Davignon Nathalie. Les cahiers pédagogiques de l’école normale : la pédagogie différenciée


au service de l’orthographe. 49 f dactyl.

* T.F.E. : section primaire : ENC du Brabant Wallon, 1994.

* Rey, Bernard & Issy-les Moulineaux : ESF (1998). Faire la classe à l'école élémentaire.
(Pratiques & enjeux pédagogiques, 15). - ISBN 2-7101-1258-2 371B REY F. Comprend un
chapitre sur la pédagogie différenciée : p.105-123.

* Przesmycki, Halima & Peretti, André de.- Paris : Hachette (1991). Pédagogie différenciée.
(Pédagogies pour demain. Nouvelles approches). - ISBN 2-01-017963-3 371A PRZ P.

* Perrenoud, Philippe & Issy-les Moulineaux : ESF (2004). Pédagogie différenciée : des
intentions à l'action. (Pédagogies). - ISBN 2-7101-1674-X. Ce livre tente de faire le point sur
l'état des principaux chantiers de la pédagogie différenciée. Chacun est confronté au même
dilemme : comment tenir compte des différences sans enfermer chacun dans sa singularité, son
niveau, sa culture d'origine ? 370A PER P.

* Meirieu, Philippe, Hameline, Daniel [préf.] & Issy-les Moulineaux : ESF (2004). L'école,
mode d'emploi : des "méthodes actives" à la pédagogie différenciée ; Postface : la pédagogie
différenciée est-elle dépassée ? - (Pédagogies). - ISBN 2-7101-1666-9 370A MEI E.

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