Explorer les Livres électroniques
Catégories
Explorer les Livres audio
Catégories
Explorer les Magazines
Catégories
Explorer les Documents
Catégories
Séances 01, 02 et 03
Bloc de constitutionnalité / Justice constitutionnelle
Notions clefs
Etat de Droit – Constitution formelle et matérielle – Bloc de constitutionnalité – Principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République (PFRLR) – Juridicité / applicabilité / opposabilité des normes
constitutionnelles – Justice constitutionnelle – Conseil constitutionnel – Juridictions ordinaires – Contrôle de
constitutionnalité – Loi et Règlement
Prérequis : En amont des séances de TD, vous devez avoir travaillé chacune de ces notions à l’aide du
cours, d’un bon manuel de droit constitutionnel et d’un dictionnaire juridique
Objectifs
Nous déclinerons la méthodologie du commentaire juridique en suivant la fiche méthode transmise sur Moodle.
Vous devez donc lire avec attention la fiche méthodologie du commentaire juridique déposée sur
Moodle. C’est le mode opératoire que vous devez suivre et qui sera utilisé en TD
Les trois premières séances de TD seront organisées en trois étapes. Chaque séance aura pour but de réaliser une étape de la
méthodologie du commentaire juridique. Il s’agit donc de cheminer progressivement sous forme de séquence comprenant des
prérequis (travaux personnels en amont de la séance), des travaux et exercices pratiques (en séance de TD), puis une restitution de
connaissances et de savoir-faire à la suite de chaque séance.
1
Séquence n°1 -> Séance 01 :
Elle est centrée sur l’analyse formelle et l’analyse logique (étape 1 et 2 de la méthodologie du commentaire, cf. fiche
méthodologique) de la décision du 16 juillet 1971 et de trois arrêts du Conseil d’Etat reproduits dans cette fiche ( Dehaene, Amicale
des annamites et Soc. Eky). Apprendre à lire une décision ou un arrêt en droit public. Retrouver et comprendre leur structure formelle
et logique. Comprendre le raisonnement poursuivi par le juge. Comprendre comment le juge applique et interprète la Constitution.
Prérequis : vous préparez en amont la séance 01 en réalisant seulement l’analyse formelle de l’arrêt Amicale des
annamites et de la décision du 16 juillet 1971. Vous obtenez deux « fiches d’arrêt », l’une pour l’arrêt Amicale des
annamites et l’autre pour la décision du 16 juillet 1971.
En séance de TD : reprise et contrôle de vos deux fiches d’arrêt puis correction. Prolongement en séance avec
l’analyse logique des décisions et arrêts.
Elle est centrée sur l’analyse contextuelle (cf. fiche méthodologique) de la décision du 16 juillet 1971. Cette analyse contextuelle
comprendra deux volets de réflexion :
o 1er volet de l’analyse contextuelle de la décision -> question de la valeur juridique du Préambule et focus sur les principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) ;
o 2nd volet de l’analyse contextuelle de la décision -> focus sur la portée de la décision pour l’institution Conseil
constitutionnel elle-même, les autres juges (juges ordinaires), la protection des libertés en France (Etat de droit), la notion
de Constitution (formelle et matérielle – naissance du bloc de constitutionnalité), etc.
Prérequis : vous préparez en amont la séance 02 par une relecture attentive du cours en lien ; vous relisez
également votre correction de la séance 01 et vous poursuivez la réflexion en suivant les deux volets présentés ci-
dessus. Vous êtes prêt à participer activement à la séance.
En séance de TD : reprise de l’analyse contextuelle, correction, discussion, mise en valeur des points saillants du
futur commentaire.
La séance a pour objet unique la construction d’une introduction et d’un plan de commentaire sur la décision du 16 juillet 1971.
Prérequis : vous préparez en amont la séance 03 par une relecture des corrections des séances 01 et 02. Vous
construisez un plan complet du commentaire : I. A et B… II. A et B qui répond à une problématique que vous
aurez formalisé.
En séance de TD : Retour sur les acquis des séances précédentes. Contrôle de vos travaux (les prérequis).
Réalisation d’exercices pratiques sur la formalisation de l’intro et du plan.
2
Contenu de la fiche
3
Conseil constitutionnel, décision n°71-44 du 16 juillet 1971,
« liberté d’association »
Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 1er juillet 1971 par le Président du Sénat, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, du texte de la loi,
délibérée par l'Assemblée nationale et le Sénat et adoptée par l'Assemblée nationale, complétant les dispositions des articles 5 et 7 de
la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;
1. Considérant que la loi déférée à l'examen du Conseil constitutionnel a été soumise au vote des deux assemblées, dans le respect
d'une des procédures prévues par la Constitution, au cours de la session du Parlement ouverte le 2 avril 1971 ;
2. Considérant qu'au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le
préambule de la Constitution il y a lieu de ranger le principe de la liberté d'association ; que ce principe est à la base des dispositions
générales de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; qu'en vertu de ce principe les associations se constituent
librement et peuvent être rendues publiques sous la seule réserve du dépôt d'une déclaration préalable ; qu'ainsi, à l'exception des
mesures susceptibles d'être prises à l'égard de catégories particulières d'associations, la constitution d'associations, alors même qu'elles
paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l'intervention préalable de l'autorité
administrative ou même de l'autorité judiciaire ;
3. Considérant que, si rien n'est changé en ce qui concerne la constitution même des associations non déclarées, les dispositions de
l'article 3 de la loi dont le texte est, avant sa promulgation, soumis au Conseil constitutionnel pour examen de sa conformité à la
Constitution, ont pour objet d'instituer une procédure d'après laquelle l'acquisition de la capacité juridique des associations déclarées
pourra être subordonnée à un contrôle préalable par l'autorité judiciaire de leur conformité à la loi ;
4. Considérant, dès lors, qu'il y a lieu de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 3 de la loi soumise à
l'examen du Conseil constitutionnel complétant l'article 7 de la loi du 1er juillet 1901, ainsi, par voie de conséquence, que la
disposition de la dernière phrase de l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi soumise au Conseil constitutionnel leur faisant référence ;
5. Considérant qu'il ne résulte ni du texte dont il s'agit, tel qu'il a été rédigé et adopté, ni des débats auxquels la discussion du projet de
loi a donné lieu devant le Parlement, que les dispositions précitées soient inséparables de l'ensemble du texte de la loi soumise au
Conseil ;
6. Considérant, enfin, que les autres dispositions de ce texte ne sont contraires à aucune disposition de la Constitution ;
Décide :
Article premier : Sont déclarées non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 3 de la loi soumise à l'examen du Conseil
constitutionnel complétant les dispositions de l'article 7 de la loi du 1er juillet 1901 ainsi que les dispositions de l'article 1er de la loi
soumise au Conseil leur faisant référence.
Article 2 : Les autres dispositions dudit texte de loi sont déclarées conformes à la Constitution.
Article 3 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
4
Conseil d’Etat, Ass., 7 juillet 1950, Dehaene
Vu la requête présentée par le sieur X... Charles , chef de bureau à la Préfecture d'Indre-et-Loire, ladite requête enregistrée au
secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 mars 1949, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler : 1° un arrêté du préfet
d'Indre-et-Loire en date du 13 juillet 1948 le suspendant de ses fonctions ; 2° un arrêté du préfet d'Indre-et-Loire en date du 30 juillet
1948 lui infligeant un blâme ; Vu la Constitution de la République française ; Vu les lois du 19 octobre 1946, du 27 décembre 1947 et
du 28 septembre 1948 ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 ;
En ce qui concerne la mesure de suspension : Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mesure de suspension dont le sieur
X... a été frappé le 13 juillet 1948 a été rapportée le 20 juillet 1948, antérieurement à l'introduction du pourvoi ; qu'ainsi la requête est,
sur ce point, sans objet ; En ce qui concerne le blâme : Considérant que le sieur X... soutient que cette sanction a été prise en
méconnaissance du droit de grève reconnu par la Constitution ;
Considérant qu'en indiquant, dans le préambule de la Constitution, que "le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le
réglementent", l'assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts
professionnels, dont la grève constitue l'une des modalités, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel elle peut être de nature à porter
atteinte ;
Considérant que les lois des 27 décembre 1947 et 28 septembre 1948, qui se sont bornées à soumettre les personnels des compagnies
républicaines de sécurité et de la police à un statut spécial et à les priver, en cas de cessation concertée du service, des garanties
disciplinaires, ne sauraient être regardées, à elles seules, comme constituant, en ce qui concerne les services publics, la réglementation
du droit de grève annoncée par la Constitution ;
Considérant qu'en l'absence de cette réglementation, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure
les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités
de l'ordre public ; qu'en l'état actuel de la législation il appartient au gouvernement, responsable du bon fonctionnement des services
publics, de fixer lui-même, sous le contrôle du juge, en ce qui concerne ces services, la nature et l'étendue desdites limitations ;
Considérant qu'une grève qui, quel qu'en soit le motif, aurait pour effet de compromettre dans ses attributions essentielles l'exercice de
la fonction préfectorale porterait une atteinte grave à l'ordre public ; que dès lors le gouvernement a pu légalement faire interdire et
réprimer la participation des chefs de bureau de préfecture à la grève de juillet 1948 ;
Considérant qu'il est constant que le sieur X..., chef de bureau à la préfecture d'Indre-et-Loire, a, nonobstant cette interdiction, fait
grève du 13 au 20 juillet 1948 ; qu'il résulte de ce qui précède que cette attitude, si elle a été inspirée par un souci de solidarité, n'en a
pas moins constitué une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui
infligeant un blâme le préfet d'Indre-et-Loire a excédé ses pouvoirs ;
DECIDE :
5
Conseil d’Etat, Ass., 11 juillet 1956, Amicale des annamites de
Paris
REQUÊTE de l’Amicale des Annamites de Paris, association déclarée, représentée par ses président et secrétaire général en exercice,
et du sieur X…, agissant tant en son nom personnel que comme secrétaire général de ladite association, ladite requête tendant à
l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 30 avril 1953, par lequel le Ministre de l’Intérieur a constaté la nullité de l’Amicale
des Annamites de Paris en application du décret du 12 avril 1939, relatif aux associations étrangères ;
Vu la Constitution du 27 octobre 1946 ; la loi du 1 er juillet 1901 ; les décrets des 12 avril 1939 et 1 er septembre 1939 ; l’ordonnance du
19 octobre 1945 ; l’accord franco-vietnamien du 8 mars 1949 ; l’ordonnance du 31 Juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
— CONSIDÉRANT qu’aux termes de l’article 81 de la Constitution de la République française : « Tous les nationaux français et les
ressortissants de l’Union française ont la qualité de citoyens de l’Union française qui leur assure la jouissance des droits et libertés
garantis par le préambule de la présente Constitution » ; qu’il résulte de cette disposition que les principes fondamentaux reconnus par
les lois de la République et réaffirmés par le préambule de ladite Constitution sont applicables sur le territoire français aux
ressortissants de l’Union française ; qu’au nombre de ces principes figure la liberté d’association ; que, dès lors, le Ministre de
l’Intérieur n’a pu, sans excéder ses pouvoirs, constater par l’arrêté attaqué en date du 30 avril 1953 la nullité de l’association déclarée
des Annamites de Paris, dont les dirigeants et les membres étaient des ressortissants vietnamiens ;… (Annulation).
6
Conseil d’Etat, Sect., 12 février 1960, Société Eky
REQUÊTE de la société Eky, agissant poursuites et diligences de ses président-directeur général et administrateurs en exercice,
tendant à l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions des articles R 30 6°, R 31 dernier alinéa, R 32 dernier alinéa, et R 33,
alinéa 1er, du Code pénal, édictées par l’article 2 du décret IV 58.1303 du 23 décembre 1958 ;
REQUÊTE de la même, tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’article 136 du Code pénal (art. 13 de l’ordonnance du 23
déc. 1958) ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ; le Code pénal ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
CONSIDÉRANT que les requêtes susvisées de la Société Eky présentent à juger des questions connexes ; qu’il y a lieu de les joindre
pour y être statué par une seule décision ;
Sur le pourvoi n° 46.923 dirigé contre les dispositions de l’article 136 du Code pénal édictées par l’ordonnance du 23 décembre 1958
: — Cons. que l’ordonnance susvisée a été prise par le gouvernement en vertu de l’article 92 de la Constitution du 4 octobre 1958,
dans l’exercice du pouvoir législatif ; que, dans ces conditions, elle ne constitue Pas un acte de nature à être déféré au Conseil d’Etat
par la voie du recours pour excès de pouvoir ;
Sur le pourvoi n° 46.922 dirigé contre les dispositions des articles R.30, alinéa 6, R.31, dernier alinéa, R.32 dernier alinéa et R.33 du
Code pénal, édictées par le décret du 23 décembre 1958 :
Sur les moyens tirés de la violation de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et de l’article 34 de la Constitution : —
Cons. que, si l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 à laquelle se réfère le préambule de la Constitution pose le
principe que « Nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit », l’article 34 de la
Constitution, qui énumère les matières relevant du domaine législatif, dispose que la loi fixe : « les règles concernant … la
détermination des crimes et délits et les peines qui leur sont applicables » ; que ni cet article ni aucune autre disposition de la
Constitution ne prévoit que la matière des contraventions appartient ,au domaine de la loi ; qu’ainsi il résulte de l’ensemble de la
Constitution et, notamment, des termes précités de l’article 34 que les auteurs de celle-ci ont exclu dudit domaine la détermination des
contraventions et des peines dont elles sont assorties et ont, par conséquent, entendu spécialement déroger sur ce point au principe
général énoncé par l’article 8 de la déclaration des droits ; que, dès lors, la matière des contraventions relève du pouvoir réglementaire
par application des dispositions de l’article 37 de la Constitution ;
Cons. que, d’après l’article 1er du Code pénal, l’infraction qui est punie de peines de police est une contravention ; qu’il résulte des
articles 461, 465 et 466 dudit Code que les peines de police sont l’emprisonnement pour une durée ne pouvant excéder deux mois,
l’amende jusqu’à un maximum de deux cent mille francs et la confiscation de certains objets saisis ; que les dispositions attaquées des
articles R.30 et suivants du Code pénal punissent d’une amende de deux mille à quatre mille francs et d’un emprisonnement de trois
jours au plus et, en cas de récidive, de huit jours, ceux qui auront accepté, détenu ou utilisé des moyens de paiement ayant pour objet
de suppléer ou de remplacer les signes monétaires ayant cours légal; que les infractions ainsi visées, se trouvant punies de peines de
simple police, constituent des contraventions ; que, dès lors, c’est par une exacte application de la Constitution que le gouvernement,
par voie réglementaire, les a définies et a fixé les peines qui leur sont applicables ;
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 4 du Code pénal : Cons, qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l’article 4 dudit
Code édicté par la loi du 12 février 1810 est incompatible avec les dispositions des articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre
1958 en tant qu’il a prévu que nulle contravention ne peut être punie de peines qui n’aient été prononcées par la loi et doit, par suite,
être regardé comme abrogé sur ce point ;
Sur le moyen tiré de la violation des conventions internationales et des dispositions législatives telles que les articles 1235 et suivants
du Code civil et 410 et suivants du Code du commerce permettant le recours à des moyens de paiement autres que les signes
monétaires : — Cons. qu’il ressort des termes des articles R.30 et suivants du Code pénal que ces articles n’ont eu nullement pour
objet d’interdire l’acceptation, l’utilisation ou la détention des moyens de paiement tels que le chèque bancaire ou les effets de
commerce, auxquels les conventions internationales susvisées et les dispositions précitées du Code civil et du Code de commerce
reconnaissent un caractère légal ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la violation desdites dispositions ou conventions est
inopérant ;
Cons. qu’il résulte de tout ce qui précède que les requêtes susvisées ne sauraient être accueillies ;… (Rejet).
7
Les principes généraux du droit (PGD) et les textes
constitutionnels
Les PGD sont des normes juridiques créées par le juge administratif. Ils ont donc une nature jurisprudentielle. Cette nature
jurisprudentielle ne signifie pas que les principes n’aient aucun rattachement à des sources d’inspiration textuelles. Généralement, un
principe est construit à partir de dispositions législatives particulières existantes qui sont convergentes et éparses dans l’ordre
juridique. Les juridictions administratives généralisent ces dispositions soit en les étendant à un cadre plus large, soit en estimant
qu’elles sont inspirées d’un principe général. On appelle ce raisonnement, l’induction.
Les juridictions administratives peuvent aussi s’inspirer d’autres textes : Préambule de 1946, Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789, conventions internationales (ex. : CEDH), etc. Le lien formel avec ces textes n’est pas toujours mentionné ou
explicité dans l’arrêt. Lorsqu’il apparaît, il ne signifie pas que le juge applique le texte correspondant. En effet, le principe et sa source
textuelle demeurent indépendant. Ce qui signifie que seul un lien matériel existe entre le principe et sa source.
Les PGD se développent dans la jurisprudence du Conseil d’Etat de manière exponentielle à partir de l’arrêt Aramu (CE, Ass., 26
octobre 1945, Aramu). Postérieurement à la seconde guerre mondiale, le juge administratif entend désormais imposer à
l’administration le respect d’exigences tirées des droits et libertés les plus essentielles, sans toutefois recourir aux textes
constitutionnels qui pourraient les suggérer. Certes, tous les PGD n’ont pas un équivalent de nature constitutionnelle dans la DDHC de
1789 ou le Préambule de 1946. Mais ils sont nombreux à puiser une inspiration plus ou moins directe dans les traditions juridiques et
politiques libérales des droits de l’homme de 1789 complétées ensuite en 1946. L’égalité, la liberté, les principes du procès équitable
ou la sécurité juridique dans leurs différentes déclinaisons peuvent ainsi aisément y être rattachées.
Les exemples présentés dans le tableau n°1 qui suit ne constituent pas une liste exhaustive des PGD ayant un équivalent
constitutionnel. Il s’agit d’illustrer par ces quelques exemples une tendance profonde de la jurisprudence administrative à recourir à
cet instrument jurisprudentiel (les PGD) en lieu et place des dispositions textuelles constitutionnelles qu’il suffirait d’interpréter. Il
faut insister sur le fait qu’à partir de 1946, le Préambule de la Constitution renvoie explicitement à la Déclaration de 1789 et énonce
lui-même un certain nombre de principes particulièrement nécessaires à notre temps ainsi qu’il fait référence aux PFRLR. Le Conseil
d’Etat aurait donc pu faire référence plus régulièrement à ces textes pour fonder les solutions qu’il prend dans les arrêts cités. Il ne l’a
fait qu’avec parcimonie (cf. tableau suivant n°2), révélant une volonté d’autonomie par rapport aux sources constitutionnelles et une
sérieuse réticence à l’égard de la valeur juridique ou de l’applicabilité des droits et libertés constitutionnels.
Tableau n°1 – Quelques exemples de PGD faisant doublon avec des principes constitutionnels
8
Progressivement, la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière de PGD va s’infléchir dans le sens d’une substitution des PGD ayant
un équivalent constitutionnel par les dispositions textuelles constitutionnelles correspondantes. A partir de la fin des années 80, ce
mouvement jurisprudentiel de substitution est désormais bien établi et se prolongera dans les années 90 et 2000. L’influence de la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’établit à partir de la décision du 16 juillet 1971, est alors manifeste. En effet, il est
devenu difficile pour le Conseil d’Etat de nier l’existence de principes constitutionnels, équivalents à certains de ses PGD, qui se
développent, s’affirment et s’étoffent au travers des décisions du Conseil constitutionnel. De ce point de vue, le rapprochement des
jurisprudences administrative et constitutionnelle favorise l’unité de l’ordre juridique fondée sur un ensemble de normes
constitutionnelles garantissant les droits et libertés des individus. Notons néanmoins que les PDG n’ont pas disparu mais ils se sont
adaptés à cette nouvelle donne constitutionnelle. Les principes sont moins généraux, plus catégoriels, rattachés à un domaine
d’application plus étroit et font office de norme supplétive lorsque les textes demeurent insuffisants à protéger certaines catégories
d’administrés. Mais ceci est une autre histoire qui sera développée en L.2 Droit administratif.
Les exemples ci-dessous ne sont pas exhaustifs comme précédemment. Ils témoignent de la substitution des anciens PGD par les
principes constitutionnels tirés des textes constitutionnels.
Tableau n°2 – Quelques exemples de substitution d’un PGD par son homologue constitutionnel
9
Principe d’égalité devant les charges DDHC 1789 : art. 13 Conseil d'Etat, 28 mars 1997, Société Baxter
publiques
Droit à un recours effectif DDHC : art. 16 (tel qu’interprété par CE, 21 décembre 2001, M. et Mme Hofmann
le Conseil constitutionnel)
Compétence exclusive de la
juridiction administrative pour Const. const. 23 janv. 1987, n° 86-224 DC §
Oui
l’annulation des actes de la puissance 15
publique
Compétence de l'autorité judiciaire en
Cons. const. 25 juill. 1989, n° 89-256 DC §
matière de protection de la propriété Oui
23
immobilière privée
10
Interdiction de l’extradition pour
CE, Ass., 3 juill. 1996, M. Koné Oui
motif politique
Bilan :
- 13 PFRLR ont été découverts au total ;
- 11 PFRLR découverts par le Conseil constitutionnel ;
- 3 PFRLR découverts par le CE (dont un en commun avec le Conseil constitutionnel – liberté d’association) ;
- 9 PFRLR sont actuellement encore en vigueur (en bleu dans le tableau).
11