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théologiques et
religieuses
Pages : 122
l’ouvrage problème
collectif...
ISBN : 3766838385
DOI : 10.3917/etr.0804.0483
1
Éditeur : Institut protestant de ’objectif de la présente étude est de proposer un rapprochement et une
théologie
L confrontation entre la pensée de Ricœur et celle de Heidegger concernant
À propos de cette revue l’idée de l’attestation. Mais les considérations que je souhaite développer ici
Site de la revue relèvent de recherches plus approfondies liées à un intérêt philosophique plus
Alertes e-mail
numéros
Votre e-mail « postmoderne », c’est-à-dire à l’âge où un nihilisme de plus en plus aigu met
Voir un exemple S'inscrire ➜ radicalement en question la philosophie ainsi que la religion. Dans cette
semble impossible pour deux raisons. D’une part, la philosophie est forcée
fondement ultime : l’acte même de dégager l’essence des faits est mis en doute.
D’autre part, cela ne conduit pas à un retour à la foi religieuse sans médiation
religion, mais aussi de ce qui est contre elle. On ne saurait donc trop se méfier du
religion » dans le sens que Derrida donne à cette formule dans son texte fort
suggestif intitulé précisément « Foi et savoir » : « Il faudrait en tout cas tenir
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présentement la religion et de ce qui se dit et se fait, de ce qui arrive en ce moment
même, dans le monde, dans l’histoire, en son nom. Là où la religion ne peut plus
[2] Jacques
[2]
réfléchir ni parfois assumer ou porter son nom . » Mais, et c’est ce point que je
Derrida, « Foi et
savoir. Les deux voudrais souligner, pour penser la religion nous ne pouvons plus compter que
sources...
sur une philosophie « affaiblie », incapable d’échapper à une autocritique
fondamentale.
3
Mais alors, par où commencer ? Si l’acte philosophique classique consistait à tout
[3] René
[3]
Descartes a appelé « quelque chose de ferme et constant » sur quoi se fondent
Descartes,
Meditationes de toutes choses. Mais je viens d’énoncer ce fait minimal que la philosophie et la
prima
religion sont toutes les deux mises en question de façon radicale. Cela signifie au
philosophia,...
moins que cette question profonde, éventuellement sans issue, nous touche
est encore à l’ordre du jour, sous quelle modalité nous touche-t-elle le plus
directement ?
4
Il me semble que c’est la question « qui ? », question de la Werheit, qui échappe à
que cette formule n’est rien d’autre qu’une forme déguisée de la « subjectivité
deux choses différentes. Certes la question « qui ? » n’est pas sans lien avec la
[4] Michel Henry,
[4]
réinterprétation originale du cogito cartésien par Michel Henry . Pour
La généalogie de
la psychanalyse, respecter les limites imposées à la présente étude, je laisse de côté ce travail qui
Paris,...
mérite d’être abordé avec beaucoup plus de précaution et d’exactitude. Mais je
voudrais dire encore un mot du contexte qui entre en ligne de compte pour ma
Dieu des scolastiques pour recourir uniquement à « l’idée de Dieu » que le cogito
5
C’est dans cette perspective de la « stratégie de la régression » à partir de l’acquis
autre (1990) jusqu’à ses travaux actuels en passant par l’ouvrage monumental, La
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6
Il ne fait aucun doute que « le plus court chemin du soi à soi est la parole de
[5] Paul Ricœur,
[5]
l’autre » est la meilleure expression de l’attitude fondamentale qui traverse
Du texte à l’action,
Paris, Seuil, toute la philosophie herméneutique de Ricœur. Le primat du « soi » sur le « je »
1986,...
affirmé au début de Soi-même comme un autre, primat accordé à la médiation
[6] Les références
[6]
réflexive du sujet qui « se » retrouve sous la forme du pronom réflexif (SA, 11 ),
aux trois œuvres
de Ricœur le plus n’est à première vue qu’une simple confirmation de cette formule. D’autre part,
fréquemment...
si on la compare à la rupture radicale avec la subjectivité moderne déclarée par
7
Il faut remarquer pourtant que depuis Soi-même comme un autre est introduite, de
assez facilement que le soi en question doit concerner la volonté humaine, libre
[7] Paul Ricœur,
[7]
souffrant ». Cependant il s’agit encore de savoir comment les possibilités les
Le volontaire et
Paris,...
peuvent être reconnues comme mes « propres » possibilités. La modalité de cette
sur soi par le détour interprétatif de l’autre « s’atteste ». Mais que veut dire
manière suivante :
demeure l’ultime recours contre tout soupçon ; même si elle est toujours en
quelque façon reçue d’un autre, elle demeure attestation de soi. C’est l’attestation
(SA, 35)
9
Dans ce passage se trouve condensé tout ce que Ricœur entend par attestation.
J’en résume rapidement les points essentiels : (1) l’attestation indique la manière
question qui ? ; (3) elle ne peut pourtant pas rompre avec le soupçon, dans la
mesure où elle ne cesse de tendre à « se laisser remplacer par la question quoi ? ou
d’ailleurs pas se dispenser d’« être toujours en quelque façon reçue d’un autre »
10
Cette explication de l’idée de l’attestation, fort intéressante sous plusieurs
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comprendre le caractère « imprenable » de cette question ? Cela ne se réduit pas
[8] Paul Ricœur,
[8]
mais malgré le soupçon, dans la « protestation » contre le soupçon. Pour
« La grâce c’est de
Bulletin...
signifie pas la doxa, connaissance inférieure à l’épistème, mais plutôt la confiance,
la créance, la fidélité, etc. (SA, 33-34). Une telle série de synonymes est-elle
cependant suffisante ? « Il n’y a pas d’autre recours contre le soupçon qu’une
attestation plus fiable », déclare le philosophe (SA, 34). En quoi cette fiabilité
herméneutique du soi ?
11
C’est dans ce contexte qu’il convient de rappeler que le terme d’attestation nous
même comme un autre montrent que l’une des sources importantes de l’attestation
paragraphe 54 de Sein und Zeit, on voit aussitôt que comme Ricœur, Heidegger
[9] Abréviation
[9]
(SZ, 267 ).
désormais utilisée
de... 12
Cependant, dès qu’on replace ce rapport entre Bezeugung et Werheit dans
entre Heidegger et Ricœur saute aux yeux. Pour Heidegger, c’est uniquement en
L’attestation ne signifie donc pas autre chose que cet événement ontico-
Dasein.
13
Or, la reprise de l’idée d’attestation par Ricœur s’efforce de se dissocier de façon
certaine méfiance par rapport à ce thème. Mais l’attestation qui veut se dissocier
l’authenticité dont celui-ci est selon Heidegger le dernier garant ? Ne faut-il pas
dire alors que l’attestation de soi ricœurienne est destinée à être simplement
parler d’« une attestation elle-même brisée » (SA, 368). Mais « l’assurance d’être
« brisure » de l’attestation du « cogito brisé » (SA, 22) ne reflète pas une certaine
fuite devant sa propre mort. Comment Ricœur peut-il réagir à ce doute ? Quelle
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14
Dans le troisième tome de Temps et récit (1985), Ricœur présente une lecture
cette lecture indique clairement la réticence que Ricœur garde depuis toujours
situer cette idée dans l’économie du Sein und Zeit, il est nécessaire de discerner
concepts existentiaux » (TR3, 97-98) que l’attestation de soi du Dasein revêt une
propre mort.
15
Il faut toutefois remarquer que cette « interférence » entre l’existential et
« n’est-ce pas dans une analyse catégoriale très marquée par le choc en retour de
l’existentiel sur l’existential, que la mort est tenue pour la possibilité extrême,
voire le pouvoir le plus propre, inhérent à la structure du Souci ? » (TR, 101) Ainsi,
Geschehen) du Dasein dans lequel celui-ci se transmet (sich […] überliefert) à lui-
même » (SZ, 384). Ricœur réagit ici avec véhémence : « Est-il vrai […] qu’un
héritage se transmette de soi à soi-même ? N’est-il pas toujours reçu d’un autre ?
16
C’est une critique forte et saisissante. Mais alors, pourquoi Ricœur lui-même
comme son « mot de passe » (SA, 335), cela doit signifier qu’elle veut garder
même le plus profond. Dans ce cas, ne devrait-on pas dire pourtant que
l’attestation de soi chez Ricœur perd tout rapport avec la question de la mort ?
l ê i l i ibl l h i ff
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Cela ne peut pas être vrai. Il est impossible que « l’homme agissant et souffrant »
ne soit pas touché par la mort au sein même de sa propre attestation. Quelle peut
être alors la question de la mort pour Ricœur, et quel rapport peut-il établir entre
autre voie que celle de la résolution ? Sur ce sujet, c’est dans ses travaux tout
17
Cette confrontation avec Heidegger, qui constitue un des sommets de la
historique », poursuit un but bien précis : elle prépare « un dialogue peut-être
la lecture critique que je viens de mentionner montre bien que Ricœur trouve
mène. Mais il ne s’agit pas ici seulement, comme le proposait autrefois Ricœur
Paris,...
philosophe ne peut donc pas ignorer la question de la mort sous le prétexte
même de l’attestation n’y apparaît pas très souvent. Mais si une autre lecture du
heideggérienne.
18
Or, ce qui est à remarquer en particulier dans ce contexte, c’est un substitut
fomentée par le vœu – que j’assume – de demeurer vivant jusqu’à… et non pour la
référence à la mort ?
19
Certes, en reprenant sa lecture de la deuxième section de Sein und Zeit, Ricœur se
20
Mais l’expression « demeurer vivant jusqu’à… » me semble exiger d’être lue de
mot « mort » dans cette formule peut être comprise plutôt comme marque de la
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heideggérienne, à savoir l’« interruption à la fois inéluctable et aléatoire du
J’oserais même dire que Ricœur s’approprie à sa façon le lien heideggérien entre
pouvoir-être, c’est parce que celui-ci porte en lui une épaisseur qui résiste au fait
d’être précipité par avance dans une résolution. Cet entre-temps, tout en
l’avoir-à-mourir » : « C’est seulement au terme d’un long travail sur soi, dit
Ricœur, que la nécessité toute factuelle de mourir peut se convertir, non certes
21
Ce devancement sans résolution vers sa propre mort, cette acceptation
« demeurer vivant jusqu’à… » colore sa vie par la « tristesse du fini », thème qui
la problématique s’épuise pas pour autant dans le pouvoir-mourir, bien qu’il appartienne au
du...
processus de « l’acceptation de l’avoir à mourir ». Il atteste plutôt ce qui reste
pourrait-on dire. Ce n’est pas faux, mais un peu trop simpliste. Je voudrais
insister sur le fait que Ricœur ne s’oppose pas à Heidegger comme une
C’est par rapport à cette problématique que Ricœur ouvre en effet une
22
Répétons la question qui subsiste : dans l’attestation ricœurienne du pouvoir-
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ramener au « pouvoir mourir » avec résolution, de quel « pouvoir être » s agit il ?
[13] Martin [13]
authentique, Heidegger associe immédiatement le thème du Gewissen . Cette
Heidegger, Sein
und Zeit, op. cit., § « conscience morale » rappelle au Dasein son « être-en-dette (Schuldigsein) », dette
55-60
originaire qui, en deçà de la distinction morale entre le bien et le mal, ne signifie
dimension de « l’avenir (Zukunft) » n’est donc pas autre chose que l’assomption
vers sa « futurité » et le retour à sa passéité s’avère être une seule et même chose.
dans la situation. L’être-été jaillit de l’avenir de telle manière que l’avenir « été »
temporalité originaire.
23
S’il en est ainsi, la critique que Ricœur adresse à l’idée de résolution ne peut pas
hâtivement la passéité avec « l’être-été » : alors que « je suis été (Ich bin gewesen) »
est tenu par l’auteur de Sein und Zeit pour modalité authentique de la passéité, le
exclusivement comme « tel qu’il était déjà chaque fois (wie es je schon war) »
pas trop vite rabattu le caractère d’absence du passé révolu sur l’indisponibilité
assumer le fait d’être « tel qu’il était déjà chaque fois » que lorsqu’il ne l’est plus.
Ne doit-on pas alors considérer la perte exprimée par la formule « ne plus »
essentiellement non répétable du passé. Le passé s’est perdu pour toujours. C’est
24
Or, pour entamer cette tâche, il vaut mieux revenir aux « choses mêmes » : quel
est le « phénomène » qui fait apparaître la dette originaire qui est en même
temps la perte pour toujours, phénomène qui incarne la passéité même transie
qui s’est passé ; il consiste dans la reconnaissance de ce qui était avant comme ce
qui n’est plus ou, inversement, de ce qui n’est plus comme ce qui était avant. Il
faut donc dire que le Dasein résolu qui rompt avec toutes les modalités de la
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laquelle « aucune place n’est faite par Heidegger à la mémoire ni à son fleuron,
[14] Concernant le [14]
mérite » (MHO, 492) .
rapport essentiel
entre
l’attestation... 25
Mais cet acte de reconnaissance, clairement distinct de la Wiederholung
souffrant : « Le je peux me souvenir, dit Ricœur, s’inscrit lui aussi dans le registre
caractère de croyance. » (MHO, 510) Mais ce qui retient surtout mon attention
dans cette nouvelle modalité de l’attestation, c’est qu’elle est mise en relation
souligner les deux points suivants : (1) l’acte de se souvenir n’est pas une simple
connaissance sur le temps mais un travail laborieux qui demande du temps ; (2)
précise Ricœur dans une belle formule récapitulative de sa lecture de Freud : « Le
travail du deuil est le coût du travail du souvenir ; mais le travail du souvenir est
26
Or, j’ai constaté plus haut que Ricœur proposait comme substitut existentiel de
nécessite « un long travail sur soi ». Doit-on dire alors que le travail du deuil
que le deuil de sa propre vie est une tâche contradictoire, dans la mesure où seul
celui qui demeure vivant est capable de faire le deuil. Le deuil de soi-même est
l’autre » (MHO, 468). Si le « travail sur soi » porté par l’acte de mémoire est long,
c’est seulement parce qu’il doit être tout d’abord concerné par la perte de l’autre.
L’homme de souvenir chez Ricœur est ainsi conduit à s’exposer à toutes les
[15] Michel de [15]
aux morts une « sépulture scripturaire ». Le renvoi incessant de notre propre
Certeau, L’écriture
de l’histoire, mort aux « morts », passage imposé dans l’attestation brisée selon Ricœur,
Paris,...
permet donc au philosophe de se mettre en rapport avec l’historien, autrement
27
Mais la perte originaire n’est qu’une moitié de la dette originaire. Il faut encore
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q g , q
[16] Emmanuel [16]
« l’événement extraordinaire et quotidien de ma responsabilité », où la
Levinas,
Autrement qu’être mortalité d’autrui incarnée par son visage m’appelle du fond absolument passif
ou au-delà de
de mon ipséité. Dans ce contexte tout déterminé par « l’intrigue de l’Infini », le
l’essence,...
serait qu’un « otage » d’autrui. Ricœur tient en revanche à garder le lien entre
l’absence ». C’est dans ce sens que doit être lue cette phrase de Jankélévitch que
Ricœur place en exergue de La mémoire, l’histoire, l’oubli : « Celui qui a été ne peut
[17] Vladimir [17]
obscur d’avoir été est son viatique pour l’éternité . »
Jankélévitch,
L’irréversible et la
nostalgie,... 28
Quel est alors cet « avoir-été » pour Ricœur ? Cela ne peut pas signifier autre
de l’idée que les morts d’autrefois ont été des vivants et que l’histoire, d’une
les vivants d’hier, agissant et souffrants. » (MHO, 495) Les morts affectent ceux
qui demeurent (sur)vivants, non pas par leur simple absence, mais par l’absence
morts dans mon devancement vers la mort signifie en même temps « l’appel » à
mon pouvoir-être venant des possibilités des vivants d’autrefois. Car bien qu’il
[18] Vladimir [18]
s’agisse de l’« hapax » qui « ne peut plus ne pas avoir été », le fait d’avoir été
Jankélévitch,
Philosophie vivant est constitué par les possibilités, et il est toujours ouvert en tant que
première, Paris,...
possibilités à la relecture. Il est évident que toutes ces possibilités n’ont pas été
possibilités
enfouies,... 29
On en arrive maintenant à la thèse conclusive de la présente étude. L’attestation
de soi brisée selon Ricœur s’est ainsi avérée se confondre avec l’acte de
nécessairement par là que l’alliance entre l’attestation et le témoignage détermine une des
les « morts »,...
possibilités les plus originales et prometteuses de l’herméneutique du soi
de se souvenir, c’est parce qu’il est, contrairement à ce que prétend l’idée de dette
devenant témoin des témoins, qu’il atteste son propre pouvoir-être, fût-il de
des témoins » – réitérons la même suspicion répétée à travers toute cette étude –
celui qui en témoigne, il ne s’agit pas des témoignages glorieux qui délivrent
humbles qui nous touchent par leur faiblesse, plus précisément par l’unicité de
leur exposition à toute sorte de faiblesses enchevêtrées les unes avec les autres
[21] Ici, je ne [21]
(mortalité, violence, refoulement, oubli, etc. ). Ces témoignages vulnérables
saurais trop
l’idée
l’homme agissant et souffrant sans doute son « avoir-à-mourir », mais par le fait
ricœurienne...
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30
Il est évident que cet apprentissage n’a rien à voir avec l’augmentation de la
(hermeneutisches Als relève du vocabulaire de Sein und Zeit). Dans Soi-même comme
un autre, Ricœur précise ce point en disant que « au “comme”, nous voudrions
qu’autre » (SA, 14). Son article intitulé « La marque du passé » (1998), une des
dialectique entre le même, l’autre et l’analogue dans Temps et Récit III est encore
passé », in Revue s’approprier l’autre par l’extension analogique, mais plutôt s’approfondir dans la
de
question qui ? – plus précisément la question « qui puis-je être ? » – par la
Métaphysique...
qui ? demeure vivante, de manière modeste et fragile, mais avec une assurance
imprenable.
31
Je sais bien qu’il reste beaucoup de choses à clarifier. Il me sera nécessaire avant
Ricœur. Mais ce qui est essentiel sera de savoir dans quelle procédure et selon
[23] Sur la [23]
l’heure au seuil de la philosophie du témoignage .
clarification de la
transmission
testimoniale...
Notes
[1] Ce titre évoque bien sûr celui de l’ouvrage collectif dirigé par Jean-Luc NANCY : Après le
[2] Jacques DERRIDA, « Foi et savoir. Les deux sources de la religion aux limites de la simple
raison », in Jacques DERRIDA et Gianni VATTIMO, éd., La religion, Paris, Seuil, 1996.
[3] René DESCARTES, Meditationes de prima philosophia, C. ADAM et P. TANNERY, éd., Paris, Vrin,
t. VII, 1983.
[4] Michel HENRY, La généalogie de la psychanalyse, Paris, PUF, 1985, chap. I : Videre videor.
[6] Les références aux trois œuvres de Ricœur le plus fréquemment citées le seront sous
forme abrégée (suivie du numéro de page) : Temps et récit III, Paris, Seuil, 1985 (TR3) ;
Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990 (SA) ; La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris,
[7] Paul RICŒUR, Le volontaire et l’involontaire, Paris, Aubier, 1950 ; L’homme faillible, Paris,
Aubier, 1960.
[8] Paul Ricœur, « La grâce c’est de s’oublier », in Bulletin du CPED, n° 7, 1991, p. 13.
[9] Abréviation désormais utilisée pour les citations de Martin HEIDEGGER, Sein und Zeit,
e
bi i l éd
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e
1927,Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1984, 15 éd.
[10] Paul RICŒUR, Le conflit des interprétations, Paris, Seuil, 1969, p. 10.
[11] Paul RICŒUR Le volontaire et l’involontaire, op. cit., p. 420-421 ; L’homme faillible, op. cit., p.
155-156.
[14] Concernant le rapport essentiel entre l’attestation et la mémoire chez Ricœur, voir
Jean GREISCH, Paul Ricœur. L’itinérance du sens, Grenoble, Jêrome Millon, 2001, chap.
[16] Emmanuel LEVINAS, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, La Haye, M.Nijhoff, p. 12.
voudrais ajouter que cette idée de « l’avoir été » chez Jankélévitch est invoquée par
Ricœur encore une fois dans « l’épilogue » de cet ouvragre (MHO, 631). Dans cette
commis » de l’irréparable.
[18] Vladimir JANKÉLÉVITCH, Philosophie première, Paris, PUF, 1953, chap. I à IV en particulier.
[19] Dans cette insistance sur les possibilités enfouies, surtout du côté « vaincu » de
sur la philosophie de l’histoire chez Benjamin. Voir Walter BENJAMIN, Über den Begriff
[20] Je pense que ce n’est pas nécessairement les « morts », mais aussi la mortalité des
[21] Ici, je ne saurais trop souligner que l’idée ricœurienne du témoignage se situe depuis
« maître » Jean Nabert. Voir Jean NABERT, Le désir de Dieu, Paris, Aubier, 1966 (réédité
par les Éditions du Cerf en 1996), et la préface de RICŒUR à Jean NABERT, L’expérience
intérieure de la liberté et autres essais de philosophie morale, Paris, PUF, 1994, p. xxvi.
[22] Paul RICŒUR, « La marque du passé », in Revue de Métaphysique et de Morale, n° 1, 1998, p.
16.
Überlieferung. Eine Skizze », in Bernhard WALDENFELS et Iris DÄRMANN, éd, Der Anspruch
des Anderen. Perspektiven phänomenolohischer Ethik, Munich, Wilhelm Fink Verlag, 1998,
p. 317-328
Résumé
[*]
Français Qui vient après le sujet ? Par cette question, Yasuhiko SUGIMURA confronte
capable de faire le deuil et aussi de se souvenir de ceux qui ont été. L’attestation
mortels.
English “Who” comes after the subject ? Through this question Yasuhiko SUGIMURA
analysis of the question “Who ?” can help to the renewal of the question of God.
remembering those who are dead. Ricœur’s attestation of the self merges with
h f b i i h l ’ i
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the act of bearing witness to other mortals’ testimony.
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